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Place et rôles des temples protestants malgaches dans la construction d'une communauté à Paris

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par Hery Andry I.V RAKOTONANAHARY
Université Denis Diderot Paris 7 - DEA Sociologie 2002
  

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UNIVERSITE PARIS 7 DENIS DIDEROT

DEA « Migrations et Relations Interethniques »

Unité de Recherches Migrations et Société. (URMIS)

Place et rôles des temples protestants

malgaches dans la construction d'une

communauté à Paris

Mémoire de DEA

Présenté par Hery Andry I.V RAKOTONANAHARY

Sous la Direction de Madame la Professeur Maryse TRIPIER

Sommaire

Remerciements

1. Introduction

1.1 Quel est l'intérêt du sujet? p4

1.2 Migration malgache : protestantisme et rapports avec la France 1.2.1 Quelques traces du protestantisme dans l'Histoire de Madagascar p6
1.2.2 Une très brève histoire de la migration malgache vers la

France p12
1.2.3 De l'ethnicisation de l'émigration et de l'immigration

malgache ? p16

1.3 La construction communautaire p19

1.3.1 Question de place et de rôle p19

1.3.2 Communauté, religion : usages p21

1.4 Présentation de l'enquête p24

1.4.1 Méthodologie p24

1.4.2 Population et lieux d'enquête p25

1.4.3 Difficultés et apprentissages p28

1.5 Le développement de l'objectif de la recherche p29

2. Résultats sur les institutions

2.1 La FPMA, une institution religieuse p31

2.2 Trois facettes de l'offre institutionnelle p33

2.2.1 Une facette religieuse p33

2.2.2 Une facette sociale p38

2.2.3 Une facette idéologico politique p44

3. Résultats sur les jeunes enquêtés

3.1 Les Temples et la diversité des histoires p47

3.1.1 Une affiliation communautaire p47

3.1.2 Une segmentation de l'expérience sociale p49

3.1.3 Des expériences sociales contradictoires p50

4. Conclusion

Références bibliographiques Annexes

i : deux guides d'entretien (leaders et jeunes)

ii : guide d'observation

iiii : carte de la présence FPMA en France

iiii : information sur la Directrice du mémoire

Remerciements

Je voudrais témoigner mes reconnaissances à l'ensemble des personnes enquêtées lors de mon terrain qui ont beaucoup donné de leur disponibilité.

Je tiens à remercier l'équipe d'encadrement de l'URMIS, les Professeurs et en particulier mon encadreur Madame la Professeur Maryse Tripier qui a accepté de me suivre pendant toute cette année universitaire. Vos encouragements et vos conseils ont été de véritables motivateurs pour la finalisation de ce DEA et un immense éclaircissement pour le sujet que j'ai traité mais aussi pour moi-même: un éclairage de mes capacités aveugles.

J'ai eu beaucoup de chance d'avoir été admis dans ce DEA. En fait, j'ai beaucoup appris avec mes collègues étudiants ce que la sociologie peut bien être. Je remercie, ici, ces collègues qui m'ont aidé à avoir une année universitaire joyeusement productive.

Je remercie aussi mes Professeurs, du Département de Sociologie, à l'Université d'Antananarivo qui m'ont appris tôt à éveiller ma sensibilité sociologique.

Aussi, je remercie aussi les auteurs qui ont travaillé de près ou de loin sur mon sujet, toute une bibliographie, car ils constituent une aide inséparable à la réalisation de ce mémoire. J'ai vécu des moments bibliographiques et documentaires inoubliables. J'ai compris ce que comprendre et écrire l'Histoire peut signifier- ce que produire des savoirs peut avoir comme valeur. J'ai découvert mes lacunes concernant la connaissance de l'Histoire de Madagascar et je continue encore à apprendre.

Je remercie la famille Rakotondramanga de m'avoir hébergé pendant cette année universitaire, vous m'avez donné une maison et vous constituez avec ma famille mes grands supporters.

A mes Parents et mes soeurs, qui m'ont toujours soutenus à mon projet de continuer mes études, je vous remercie spécialement.

Chapitre 1 : INTRODUCTION

Ce mémoire est une étude concernant la construction communautaire des immigrés Malgaches installés à Paris et qui fréquentent les églises protestantes malgaches dans la Région Parisienne. La question que je me suis posé est: comment la communauté malgache migrante à Paris vit et organise la religion protestante à travers les institutions religieuses et comment ces institutions religieuses créent un groupe communautaire?

Mon hypothèse est que l'offre institutionnelle que proposent les églises se crée en même temps que la demande d'une construction communautaire. L'objectif est de démontrer, en choisissant les jeunes présents dans ces églises comme population d'enquête, qu'une structuration plus ou moins constatable d'un groupe communautaire malgache est en cours et que cette structuration est la résultante de deux phénomènes sociaux liés : l'organisation de la religion et l'institutionnalisation du religieux d'une part, et l'attachement qui raccroche une population du même pays d'origine (Madagascar) dans ces églises de la Région Parisienne d'autre part.

La finalité de cette recherche n'est donc pas de mesurer en une quelconque façon les pratiques protestantes, ou en chercher des spécificités qui vont construire une catégorisation stricte des protestants Malgaches à Paris 1. Il ne s'agit pas non plus de transmettre aux lecteurs des « marqueurs » particuliers des Malgaches que j'ai rencontré. Et quoique plusieurs différences peuvent être constatées entre mon échantillon de population d'enquête que j'ai rencontré et d'autres échantillons que d'autres historiens ou sociologues 2ont travaillé avant moi, on peut affirmer qu'il y a quand même un trait commun, c'est que nous parlons de la population malgache et nous traitons chacun, selon leur manière, un trait qui peut construire la « malgachitude »3.

Il est important de noter cette remarque car c'est une conséquence parmi tant d'autres de cette recherche. Je ne peux pas parler des Malgaches, ou des Protestants malgaches comme des explorateurs ou quelques ethnologues ont voulu parler des « Bambara » 4 sans les définir ou en les définissant

1 Il ne s'agit pas de saisir des spécificités comme l E.G LEONARD le faisait dans « Le protestant français », 1955 pour désigner les protestants français; ou VOETZEL René dans « Les protestants s'ils vont au culte » (1985).

2 Mahatody Henri Jocelyn, sociologue malgache travaillait par exemple sur les femmes immigrées malgaches originaires du Nord-ouest de Madagascar en 2000 (MAHATODY, 2000).

3 Ce qui fait l'identité malgache.

4 BAZIN Jean, 1985

uniquement en bien ou en mal. C'est pourquoi une « description clinique » de ma population d'enquête sera offerte dans le sous chapitre 1.4.

Aussi, Il ne s'agit non plus de mesurer des pratiques et des croyances et en faire des typologies (en rapport avec le religieux et la vie religieuse). On ne trouvera pas une description des « pratiquants dominicaux », des « pratiquants occasionnels », des « pratiquants mensuels » ou des « non pratiquants ». Ce qui importe dans ce travail c'est d'appréhender le terrain d'abord dans l'ordre social, d'une manière globale et de ne pas s'enfermer particulièrement dans la logique tentante de la religion et de voir le religieux partout.

On essayera dans ce mémoire de valider à travers une enquête si les hypothèses proposées sont vraies. Une communauté « malgache » est-elle en construction ? La logique « institutionnelle » des temples protestants malgaches à Paris et la logique « des migrants », élaborée par ces derniers se manifestent-elles ? Se combinent et se rencontrent-elles effectivement, dans une certaine liaison particulière, pour construire une communauté ?

Ce travail de recherche rassemble des hypothèses concernant la construction communautaire. Il est un préliminaire et une invitation possible sur une étude plus étendue concernant la migration et le poids des phénomènes religieux.

1.1 QUEL EST L' INTERET DE CE SUJET ?

L'intérêt social du sujet est évidemment de plusieurs ordres. Premièrement, il est historique, c'est à dire que le fait de travailler dans un temps particulier, sur des Malgaches de Paris est une manière de constater comment cette population vit son histoire. On peut y saisir des liens, des continuités ou des discontinuités relatifs à l'histoire générale de Madagascar ou à l'histoire particulière de ces migrants. On peut y saisir une histoire des institutions ou des mouvements communautaires et religieux comme on peut y puiser des anecdotes racontées par les enquêtés ou vécues par le chercheur.

Ceux qui s'intéresseront au devenir de Madagascar devraient, à mon avis, avoir une idée sur les Malgaches qui émigrent et en construire une histoire. Une histoire qui ne serait pas détachée a priori de l'histoire nationale. Cette recherche leur donnera certainement plus qu'une idée.

Ceux qui s'intéresseront à ce qui est advenu du christianisme malgache en général et du protestantisme malgache en particulier trouveront dans cette recherche un exemple -un cas- pour confirmer ou infirmer leurs hypothèses.

Enfin, ceux qui attendent qu'un travail sur les migrants malgaches offre quelques réalités vécues par cette population migrante seraient satisfaits, même si nos enquêtés sont uniquement des jeunes malgaches rencontrés dans des temples parisiens.

Deuxièmement, l'intérêt social du sujet est politique, entendu ici comme stratégique. Je pense en fait que mes propos sur les temples étudiés sont des « feed- backs » pour ces institutions religieuses. J'appelle « feed-back », l'ensemble de mes conclusions, des perceptions et des faits que j'ai constatés et que je veux faire partager aux responsables. Ils pourront peut être les aider à affermir leur stratégie ou leur communication. Les responsables de ces Temples pourraient y voir des apprentissages (ou non) concernant leurs manières de se mettre en rapport avec leur public. Je sors délibérément, ici, de mon rôle d'étudiant.

Ceux qui ont compris depuis longtemps que le destin de nombreux Malgaches est lié à leur rapport avec ce qui est religieux et sacré, trouveront dans cette recherche un cas qui mériterait d'être retenu. La place et les rôles des églises protestantes dans la construction d'une communauté malgache se veulent être un reflet d'un milieu de vie commune impliquant d'une part les responsables et les jeunes présents dans ces églises d'autre part.

Ce travail présente aussi un intérêt scientifique car il centre son objet sur la structuration communautaire cultuelle pour comprendre la situation migratoire d'une population donnée. Il s'agit de saisir le poids des relations interethniques dans la structuration religieuse des Temples malgaches à Paris et dans la Région Parisienne.

1.2 DE LA MIGRATION MALGACHE : protestantisme et rapports avec la France

1.2.1 Quelques traces du protestantisme dans l'Histoire de Madagascar

La première présence des missionnaires protestants à Madagascar date de la fin du 18e siècle. Cette présence était exclusivement anglaise. Le but des Anglais n'était pas uniquement de faire du commerce avec Madagascar mais c'est surtout une évangélisation protestante, menée périphériquement au début dans l'Est de l'île. Cette évangélisation anglaise a trouvé sa force stratégique en s'ancrant après au centre de l'île chez les Merinas5.

Le roi RADAMA I, règnant de 1810 à 1828, très favorable à une ouverture aux étrangers engagea un dialogue avec ces derniers. Ce qui a bien arrangé les deux parties car « Les Anglais, soucieux d'encourager dans l'Océan Indien des gouvernements hostiles à la traite des esclaves, favorisèrent l'unification de Madagascar sous l'égide d'une monarchie mérina avec laquelle ils passèrent un traité en 1817 »6. En contre partie, les Anglais promettaient aux Merinas de les faire reconnaître comme Nation « civilisée » et de les aider à assurer une hégémonie dans toute l'île. Deux fils de RADAMA I sont envoyés à Londres pour étudier. On trouve ici un exemple illustrant la doctrine en usage dominant à cette époque, celle des missionnaires qui pour « traduire dans les faits l'abolition de la traite, prône la doctrine des « trois

C » : christianisme, commerce, civilisation. C'est par une initiative économique que le christianisme arrivera à détruire l'institution économique de l'esclavage ». (BEAUBEROT, 1987)7. Théoriquement, le commerce d'esclaves entre Madagascar et les Iles Mascareignes (Réunion, Maurice et dépendances) cesse en 1817, par ce traité signé entre RADAMA I et le Général Robert Farquhar. Pratiquement, d'une manière ou d'une autre, La Réunion continua à importer illicitement des esclaves venant de Ma d ag asca r8.

L'une des organisations missionnaires anglaises la plus influente a été la London Missionary Society (LMS), crée en 1795, qui à travers un traité daté de 1817 a pu traduire la Bible en langue malgache quelques années après. « C'est, en effet, le premier janvier 1827 que les missionnaires protestants purent mettre entre les mains de leurs catéchumènes le premier Chapitre de l'Evangile de Luc dans leur langue »9 (ESCANDE, 1923)10.

5 Le missionnaire anglais David Jones arrive à Antananarivo le 3 Octobre 1820. Les Merinas étant des habitants des Hauts Plateaux de Madagascar, dans la région d'Antananarivo.

6 Crenn 1 p169 (Raison-Jourde)

7 p102

8 Voir COLE Jennifer p305

9 ESCANDE p 15

La présence de la Bible a été déterminante dans l'Histoire de Madagascar11. «Pour eux (les Malgaches), elle est plus douce que le miel et plus désirable que l'or » (ESCANDE, 1923)12. C'est surtout dans la vie politique malgache que l'utilisation de la Bible semble jusqu'à nos jours, la plus remarquable10.

Cette présence de la Bible a été renforcée par des mythes qui assimilaient les Malgaches à une lignée descendante des Prophètes bibliques. Andrew BURN, un prébystérien écossais, de cette époque, évoquait dans son rapport13 que « selon la Bible, les Malgaches sont des descendants des Cananéens qui ont passé vers la mer (Genèse, X, 18) mais qui, après une période de plusieurs années seront réintégrés dans le sein du peuple de Dieu (Ezechiel, XXVI, 18-21) » (HUYGHUES-BELROSE, 2001)14. L'usage de l'écriture selon l'alphabet dans la langue malgache s'apprenait de plus en plus vite avec la diffusion de la Bible en langue malgache.

Après la mort de RADAMA I, la Reine RANAVALONA I (1828-1861), ferma Madagascar et elle se montra anti-européens et anti- chrétiens. La Bible a été interdite et elle a été perçue comme un talisman. Les baptêmes furent interdits et les missionnaires ont été expulsés. C'était le temps de la persécution et des premiers martyrs malgaches15. Ce régime a été suivi jusqu'à la mort de la Reine.

Après 1861, Madagascar a vécu une période précoloniale marquée par un retour du christianisme et un nouveau rapport avec les étrangers16. Le protestantisme voit le catholicisme prendre et conquérir le terrain avec lui à Madagascar. Les deux successeurs de la Reine RANAVALONA I, se montraient favorables au christianisme. Le premier envoya une lettre au Pape PIE IX, rendit hommage aux architectes étrangers qui apportèrent les

10 Avant fin 1827 : 1500 exemplaires de Saint Luc étaient tirés. En 1930, c'est le Nouveau Testament tout entier qui est imprimé et 300O mis en vente. Le 26 juin 1835, La Bible entière était imprimée, reliée et mise en vente. En 1886, il y a eu 40.335 Bibles, 112..192 Nouveaux Testaments et 276.706 fragments du Livre Saint. En 1904, On était arrivé à 95.858 Bibles. (Source : ESCANDE, 1923)

11 La référence est l'ouvrage de Françoise RAISON-JOURDE, « Bible et pouvoir à Madagascar au XIXe siècle. Invention d'une identité chrétienne et construction de l'Etat (1780-1 880) ». Eds Karthala, 1991.

12 p 26

10 Voir « L'usage de la Bible dans le discours politique malgache depuis l'indépendance (1960-1990)", in J.-D.Durand et R. Ladous dirs. Histoire religieuse. Histoire globale - Histoire ouverte. Mélanges offerts à Jacques Gadille, Paris, Beauchesne, 1992, p. 199-220.

13 dans Evangelical magazine, « memories of the life of Maj Gen Andrew Burrn « , Christian's Biography of religion tract Society. N°22, 1817.

14 p 186

15 Le premier martyr protestant malgache la plus connue est une femme : Rasalama en 1837. Elle est une figure importante dans le protestantisme malgache. La commémoration du 150e anniversaire e sa mort en 1987 a été un évènement historique pour le pays. La première Bible en malgache a été traduite en 1835, sous le règne de Ranavalona I, peu de temps avant que son anti-christianisme a été radical.

16 1865 : un nouveau traité d'amitié malgacho-anglais

soutiens technologiques à la fabrication des palais, des écoles, des hôpitaux, des temples et églises.

Tous les écoliers de Madagascar se souviennent encore de la devise d'ouverture du roi RADAMA II, « tout pour le peuple et pour les Blancs ». Les écoles missionnaires commencèrent à fleurir dans toute l'île et principalement dans la Région d'Antananarivo, « Ce fut alors une poussée, une rage d'enseignement comme jamais, certes, pays barbare n'en avait vu. Et des temples ou des églises, qui servaient en même temps d'écoles, s'élevèrent dans tous les villages des hautes vallées »17(CAROL, 1908).

La reine RANAVALONA II, dans un contexte de rivalité franco-anglaise, se convertit au protestantisme. Elle s'est faite baptiser en 186918 et imposa le protestantisme comme religion d'Etat, tout en tolérant la présence catholique. 19

La stratégie protestante anglaise devançait largement celle des catholiques soutenues par les Français. « Pasteur ELLIS aurait touché jusqu'à 1,3 millions de francs de son gouvernement pour faire progresser la cause anglaise. Le traité anglo-malgache, conclu en 1865, sous RASOHERINA, comprendrait des clauses secrètes défavorables au catholicisme. L'afflux des missions anglaises, puis norvégienne a le don de les exaspérer : Church Missionary Society, Society for the Propagation of the Gospel, les Friends Foreign Mission Association et la Norvegian Missionary Society » 20(KOERNER, 1994).

La présence protestante se renforce avec l'arrivée de nouveaux missionnaires luthériens : le Norvegian Luthérian Church of America (1888) et le Lutherian Board of Mission (1890). L'expansion de ces missions à travers l'île a été globale, les luthériens s'emparent du Sud de l'île, chez les « Betsileo », à Fort Dauphin et à Tuléar, les Anglais travaillaient à l'Est de l'île et à Antananarivo depuis 1875

La Mission Catholique a eu un moindre impact par rapport aux Anglais,
quoique leur progrès a été sensiblement ressenti21. Les catholiques arrivent à
s'installer en Imerina (Région d'Antananarivo) en 1861. On peut citer

17 p318 « chez les Hovas », Paris 1908

18 D.RALIBERA : « recherche sur la conversion de RANAVALONA II » in OMALY SY ANIO, N° 5-6, pp303-31 2

19 D'après un traité franco-malgache du 8 août 1868, qui considère la liberté des cultes à Madagascar

20 p 15

21 En 1871, 5 églises construites à Antananarivo et une quarantaine de « stations » dans les campagnes environnant. Un corps missionnaire de 114 personnes qui ont pu formé 700 instituteurs. (Source : KOERNER, 1994)

l'arrivée des soeurs de Saint- Joseph de Cluny suivies quelques temps après par les frères Jésuites, les soeurs Franciscaines et bien d'autres encore.

L'aide politique venant de la France pour la Mission Catholique a été réelle en ce temps là. Des députés et sénateurs de La Réunion22 en voulaient à cette tiédeur catholique pour le cas des Missions sur la Grande Ile. La Réunion s'intéressait déjà à Madagascar. La région Est de Madagascar abritait des plantations de colons vazaha23 pendant cette période précoloniale24.

A partir de 1861, une véritable concurrence intermissionaire a eu lieu entre les protestants et les catholiques surtout sur le plan de la scolarisation des nouveaux fidèles. « A travers les enfants, on visait des objectifs plus lointains et d'abord à former l'adulte non seulement en tant qu'homme mais surtout en tant que catholique ou protestant » (RAVELOMANANA, 1985)25. Les journaux périodiques d'obédience confessionnelle de cette époque s'échangeaient des propos critiques l'un sur l'autre26. Le premier usage de la notion de péché mortel a eu lieu en langue malgache (fahotana mahafaty), il s'agissait des mariages mixtes.

L'annexion de Madagascar est proche, « de 1894 à 1896, certains évêques du Midi de la France sont animés d'un véritable esprit de croisade »27 (MONDAIN, 1968). L'annexion de Madagascar par la France a été faite en 189628, mais cela n'a pas beaucoup aidé la Mission Catholique « très déçue par la politique de Gallieni qui fait appel à la Mission Protestante de France pour « protéger » les missions anglaises et instaure l'école laïque »29 (KOERNER, 1994).

Il est important de rappeler, ici, le congrès d'Edimbourg (1910) qui est déterminant sur l'évolution du rapport entre les Français qui détenaient le pouvoir à Madagascar et les Missions chrétiennes, majoritairement protestantes. Ce congrès a été le résultat des efforts de regroupement et de coordination des entreprises missionnaires protestantes mondiales.

22 L'île de la Réunion dépendait économiquement des commerces avec l'Est de Madagascar à cette époque.

23 Le mot vazaha désigne ici des Réunionnais, des Allemands et des Mauriciens

24 Jennifer COLE rapporte en parlant de son terrain, la region de Mahanoro à l'Est de Madagascar : « By 1882, a Réunionais named Fourbon had already built ten buildings « modern for the time » and had two hundred slaves as laborers. That same year, Reverend R.P Lacomme wrote that there were as many as one hundred indigenous Catholics and around fifty whites livings in the area. » (COLE, 2001)

25 p63, La femme et la politique. Recueil de recherches; Ministère de la culture et de l'art révolutionnaire

26 « Resaka » (catholiques) et « ny teny soa », « ny mpanolotsaina », ou « ny mpivahiny » (protestants)

27 p311, G.MONDAIN, Histoire du protestantisme

28 Voir Virginia THOM PSON et Richard ADOLF (1965), avec l'ouverture du canal de Suez, les Anglais ont voulu éliminer l'influence française en Egypte, ils ont accepté que la France ait main libre sur Madagascar. En 1890, La Grande Bretagne et la France ont conclu un accord que la France puisse contrôler Madagascar et que l'île de Zanzibar soit sous contrôle anglaise.

29 p21

Les missions françaises et anglaises qui se déployaient à Madagascar ont dû accepter l'esprit oecuménique et les valeurs de laïcité insufflés et renforcés lors de ce congrès. Le Gouverneur Victor Augagneur qui gouvernait l'île opta pour une politique anti-religieuse. Comme son prédécesseur le Général « Gallieni qui s'appuya sur l'église dissidente Tranozozoro30 comme ralliement des églises qui rejetaient la tutelle des missions européens » (KOERNER, 1994)31, il contribue lui aussi, à faire vivre dans la Grande Ile un Etat laïc. Au début de la colonisation française, la laïcité de la vie publique, en particulier, de l'enseignement était prioritaire. L'idéal républicain pratiqué à Madagascar veut que l'Etat soit le nouveau missionnaire.

La présence protestante s'est révélée dans la résistance à l'administration française colonisatrice. Les intellectuels malgaches (médecins et pasteurs) du mouvement VVS32 étaient majoritairement des protestants. Ceci ne signifie pas que les protestants étaient absents dans le rang des favorables à la naturalisation française.

Pendant la colonisation deux missions restent très importantes, la LMS et le FFMA. Elles se sont mises en confédération deux ans avant l'indépendance en 1960, en créant la FFPM (Fédération des églises protestantes de Madagascar) avec la Mission Protestante Française et les Eglises Luthériennes. Cette période est marquée par le commencement de l'abandon des missionnaires protestants du terrain malgache. Les missions catholiques de leur côté s'appliquaient à organiser politiquement et plus fortement encore ses assises. Elles soutenaient entre autres actions les premiers syndicats de travailleurs malgaches.

Actuellement, on constate que les écoles protestantes, vestiges du temps colonial, sont devenues modestes et très peu entretenues. Il n'y a presque plus de construction de nouvelles écoles confessionnelles. Les protestants malgaches investissent depuis quelques années maintenant dans la rénovation des temples33. De leur côté, les installations catholiques (écoles, hôpitaux, organisations non gouvernementales, églises) à Madagascar sont légions et elles sont en progression.

Après l'indépendance, la branche protestante existe en trois tendances
principales, les reformés (FJKM), les luthériens et les anglicans. L'église

30 Dissidente de la Mission Protestant de France

31 p67, « tant de remous crées autour de Madagascar depuis 1895 décidèrent les Missions protestantes à choisir la Grande île comme champs de l'expérience de « l'esprit d'Edimbourg » »

32 Vy Vato Sakelika, un mouvement nationaliste malgache, un des plus important. Avant 1920. On peut aussi citer ici le parti politique indépendantiste MDRM qui existait quelques années après et comptait dans ces rangs des leaders majoritairement protestants.

33 De nombreux temples protestants sont centenaires à Madagascar. Et la décision de rénovation de ces temples se fait le plus souvent lors des jubilées.

catholique continue à s'étendre sur toute l'île. Les statistiques avancent des approximations sur la quasi-égalité des effectifs des fidèles. Et avec les églises indépendantes, les institutions chrétiennes, toutes confondues, n'arrivent pas à faire adhérer jusqu'à maintenant plus de la moitié34 des Malgaches. Une majorité des Malgaches vivent encore hors des pratiques et croyances chrétiennes35.

A la fin des années soixante dix, les principales églises chrétiennes se sont fédérées en une organisation oecuménique : la FFKM. Une puissante organisation d'influence politique à Madagascar, qui menait les mouvements populaires de 1991 dont on a vu la fin du premier régime Ratsiraka36 . Et cette organisation a été aussi un des lobbies influents dans l'arrivée au pouvoir du nouveau président de Madagascar, Ravalomanana37.

Saisir ces quelques traces du protestantisme dans l'Histoire de Madagascar est important car elle permet de comprendre le contexte et les dimensions qui sont encore présents dans la migration malgache en France et contribue à lui donner sens. Je note que mon terrain est peuplé de protestants « fidèles » de l'Eglise Protestante Malgache d'« Outre Mer » (ou la FPMA) et dont la présentation sera faite dans le chapitre II. L'histoire du protestantisme malgache se sert donc comme une explication des conditions de l'émigration des migrants malgaches en France.

1.2.2 Une très brève histoire de la migration malgache vers la France

J'ai trouvé deux textes majeurs pour illustrer l'histoire de la migration des Malgaches vers la France, et particulièrement des immigrés : un texte du sociologue malgache, le Professeur Auber RABENORO (« Trois générations de Malgaches en France : trois formes d'adaptation? (1930-1945; 1945-1960; 1960...) »)38 et un article de l'anthropologue française, Chantal CRENN (« L'espace migratoire franco-malgache. D'une migration temporaire à une migration définitive »)39. Les descriptions du premier ne concernent que la

34 « indigenious beliefs 52%, christians 41%, muslims 7% » (source : site : www.cia.Gov/publications/factbacks/geos/ma.htlm)

35 La croyance traditionnelle malgache attache une grande importance aux Ancêtres, (« Razana ») à un Dieu («Andriamanitra » ou « Zanahary ») et à un peuplement d'esprits et de forces invisibles de plusieurs ordres (« fanahy », « ambiroa », «lolo », « angatra »...). Cette croyance se voit, par exemple, dans le quotidien malgache à travers des pratiques comme le respect des tabous et des interdits, aux usages de mots et de talismans sacrés. Les personnels influents dans cette croyance s'appelent entre autres : les

« Ombiasy », « les « Mpanandro » et les « Pamosavy ». (L'étude la plus récente, voir BLANCHY, 2001)

36 Président de Madagascar de 1975 à 1991 et de 1996 à 2001, un président catholique.

37 Président actuel de Madagascar, protestant et vice président de la FJKM, la fédération des églises protestantes à Madagascar.

38 1975

39 1998

première génération40 du second auteur. Je n'exposerai pas cette petite histoire de la migration malgache avec des « âges »41 selon la « génération » bien définie, mais uniquement selon une simple chronologie historique en mettant juste en avant les liens entre immigration et faits historiques en France et à Madagascar.

La première migration malgache vers la France date probablement de la fin du XIXe siècle. Quelques migrants ont fait le voyage pour étudier en métropole, cet envoi d'étudiants vers la France a pris fin en 1916 à cause des complots des mouvements Vy Vato Sakelika.

La première vague était venue pendant la Première Guerre mondiale. Ils étaient 4.500 Malgaches42 à travailler sur le sol français dont « 83% furent affectés aux usines d'armement ou aéronautique comme main d'oeuvre non qualifié » (DORNEL, 1998)43 .

Cette migration ressemble à une migration de travail, pendant cette période les emplois liés à la marine marchande et aux activités portuaires embauchaient des marins africains. « De 1915 à 1918, 440.000 étrangers sont introduits en France, avec des contrats de travail les conduisant avec rigueur dans l'agriculture (pour un tiers d'entre eux) et dans l'industrie » (BLANC-CHALEARD, 2001).

« Le recrutement et le statut des ouvriers coloniaux sont assez complexe. Dans un premier temps, le recrutement repose sur le volontariat, sauf pour les Malgaches qui, « appartiennent, presque tous, à des formations militaires (réserve) de leur colonie, étaient donc militaires et furent traités comme tels » (DORNEL, 1998). Cette vague de migration a été déterminante dans la perception de la France pour ces Malgaches qui ont fait le voyage44.

Enfin, il est important de noter que de 1909 à 1930, on comptait 31.000
naturalisations de Malgaches au Ministère française des colonies. En 1938, à

40 Je note que les deux auteurs parlent de génération en terme de« génération historique » et non en terme de « génération démographique »

41 Voir « Les trois « âges » de l'émigration algérienne en France » de Abdelmalek SAYAD, in Actes de la Recherche en Sciences Sociales. N°15, 1997.

42 DORNEL Laurent, p 48

4 3 p69

4 4 RABENORO : Ralaimongo, une des figures historiques de l'époque était parmi ces engagés et montra une autre image de la France, « héritiers de la Révolution de 1789, ces Français de France épris de justices et de liberté », « une certaine idée de la France, restée d'ailleurs, presque intacte jusqu'à nos jour », p 25

Madagascar, seuls 2080 « vrais Malgaches » furent naturalisés, et le 99,50%45 de la population est sous le « Code d'exception d'indéginat »46.

L'Exposition coloniale de 1931 a permis à quelques étudiants en médecine d'Antananarivo avec quelques mouvements de jeunesse et artistes folkloriques de venir en France et de pouvoir entrer dans le zoo humain47 parisien. Quelques uns d'entre eux restèrent en France après l'Exposition. Dans cette population primo migrante estudiantine, RABENORO précise dans notre entretien qu' « elle était surtout faite d'une population mérina, particulièrement, des gens sortis de l'aristocratie et de la noblesse mérina ».

A cette époque, le débat des immigrés malgaches touchait principalement la question de l'assimilation ou non avec la France et la culture française. RABENORO rapporte que l'ensemble des immigrés malgaches « se demande si l'opération d'assimilation ne porte pas en fin de compte atteinte à la « personnalité malgache » » Ils étaient regroupés dans des cercles d'entr'aide et politique comme l'association des étudiants Originaire de Madagascar (AEOM) qui existait à Paris depuis 1931, pour discuter de ce genre de débat.

Pendant la deuxième Guerre Mondiale, Madagascar apporta aussi un important effectif de soldats. Leur séjour en France, pendant la guerre n'a pas été facile. Prisonniers par les Allemands, ils étaient 3.888 en avril 1941 à être retenus dans les Frontstalags en France ou dans des usines d'armement. Ils y trouvaient leurs propres officiers français comme géoliersprisonniers48. Nommés « militaires indigènes coloniaux rapatriables » (MIRC), avec les originaires d'Indochine, leur nombre atteignait 16.000 en 1943.

CRENN remarque que « deux événements vont bouleverser la vision
enchantée que les Malgaches enrôlés avaient de la France : la défaite de

45 (Source KOERNER, p199), ce nombre élevé de Malgaches naturalisés est dû au fait que des

« zanatany » (étrangers habitants Madagascar : réunionnais, mauriciens, indopakistanais) ont demandé et ont eu facilement la naturalisation.

46 A Madagascar, pendant cette époque, on catégorisait juridiquement les gens en deux : les citoyens et les indigènes. Les premiers ont la nationalité française, naturalisés ou non et les seconds, 99,50% des Malgaches, sont définis par le « Code d'exception d'Indigénat ».

4 7 Mot emprunté à l'oeuvre collectif dirigé par Nicolas BANCEL intitulé « zoos humains ».Ce genre d'Exposition était courant en Europe de 1874 aux années trente.Eds La Découverte, 2002.

48 MABON Armelle, « Les prisonniers de guerres coloniaux durant l'occupation en France » in Hommes et Migrations, l'héritage colonial, un trou de mémoire. N°1228, novembre -décembre 2000. A la page 26 on retiendra le témoignage d'un prisonnier « Non seulement nous, gens de couleurs, n'avons bénéficié d'aucun des accords qui ont rendu à leurs foyers de très nombreux prisonniers de race blanche, mais encore ce sont maintenant des Français blancs qui nous gardent en captivité. Il est douloureux de souffrir des effets d'une telle distinction » (AN F9 2258, Lettre de l'adjudant- Chef Gernet, Frontstalag 194 à monsieur Scapini, Nancy, le 21 août 1943).

1940 et l'occupation par l'armée anglaise49de Madagascar ralliée à Vichy »50. Les Malgaches n'ont eu ni la naturalisation51, ni l'indépendance juste au lendemain de la guerre. « Pour eux, rien ne sera plus comme avant. Utilisés pendant sept ans et oubliés plus rapidement, l'ingratitude française restera ancrée dans leur mémoire. Certains intégreront des sociétés sécrètes qu'ils utiliseront pour que cesse la domination française. Ce mouvement sera à l'origine de l'insurrection de 1947 52».

Après la Deuxième Guerre Mondiale, une grande vague d'étudiants émigre pour la France53. Comme l'enseignement à Madagascar dans l'ensemble paraît être dominé par les merinas54 selon une organisation discriminatrice coloniale, cette vague d'émigrés apporta une marque de cette distinction. L'inexistence d'établissement supérieur à Madagascar incite, pendant ce temps là, l'émigration des étudiants malgaches vers la France55.

De 1945 à 1960, 90% des immigrés malgaches présents en France étaient des « intellectuels »56. « La majorité n'est plus constituée par les enfants de la « Haute Bourgeoisie » tananarivienne : mais par contre, les originaires des Hauts Plateaux représentent 85% de l'ensemble : et on y compte 75% de Protestants.57 Ils sont répartis dans les grandes universités du pays : 65% à Paris, et le reste, par ordre d'importance numérique à Toulouse, Montpellier, Aix-Marseille, Bordeaux et Strasbourg »58. En France, pendant cette période le flux d'immigrants est lent59.

Désignés comme « deuxième « génération » »60 par CRENN, les Malgaches qui ont émigré de 1975 à 1990 étaient marqués par une migration temporaire pour une immigration définitive : une masse de migrants malgaches, une fois arrivés en France décident d'y rester. Le Président

49 C'est moi qui souligne

50 p313

51 En 1936, une reforme a été faite sur la naturalisation des Malgaches mais elle restait insuffisante et non effective, entre 1909 et 1940. Seuls 31.000 cas de naturalisations sont enregistrés au Ministère des Colonies pour Madagascar et sur cela on ne comptaient que 2080 « vrais Malgaches » naturalisés (Source KOERNER. P199. (1994)).

52 Le plus grand massacre colonial français avec 89.000 morts. Le 29 mars 1947 est commémoré à Madagascar depuis 1967 et plus fortement encore sous le régime Ratsiraka., 1975, 1987...

53 1945 à1975 est nommé « les Trentes Glorieuses de la migration», par BLANC-CHALEARD.

54 KOERNER, pp53-54. Résultats d'admission des Malgaches, de 1902 à1912, à l'école Normale « Le Myre de Villers », sur 567 inscrits, on a 400 Merinas et pour l'Ecole Administrative, sur 514 élèves admis on a eu 440 Merina.

55 Un seul établissement supérieur uniquement, pour les garçons, pour toute l'île et pas d'établissement supérieur pour les filles.

56 RABENORO, p28, « étudiants, stagiaires, lycéens, collégiens, médecins, professeurs, avocats, gens de maison »

57 C'est moi qui souligne

58 p29

59 45.000 entrées annuelles en moyenne, 11.000 membres des familles (Source : A. Armengau, 1983)

60 p316

Ratsiraka menait sa révolution socialiste à Madagascar 61 . En France, les immigrés étaient perçus comme étant de plus en plus encombrant et l'immigration devient extrêmement politisée62.

A Madagascar, les événements de 1991 marquent une nouvelle orientation politique et la fin de la Révolution Socialiste malgache. Une nouvelle vague d'émigrés malgaches est partie de la Grande Ile à partir des années quatre vingt dix (des « étudiants- travailleurs » selon les termes de CRENN). Et comme l'a remarqué RABENORO lors de notre entretien, « la proportion semble être inversée : on a maintenant 75% des immigrés qui sont là pour travailler et une petite minorité d'étudiants pour poursuivre leurs études ». Les Malgaches émigrent majoritairement 63maintenant pour travailler, et rares sont les étudiants malgaches fraîchement arrivés qui ne travaillent pas en même temps qu'ils font leurs études. Un bon nombre de ces « travailleurs » arrivent en France, beaucoup ont choisi d'autres pays comme le Canada ou le Liban.

Les conditions de travail dans les pays d'accueil ne sont pas toujours perçues comme idéales et nombreux sont les Malgaches qui nourrissent les faits divers des journaux nationaux ou internationaux, notamment à travers les histoires d'esclavage moderne64.

1.2.3 De l'ethnicisation de l'émigration et de l'immigration malgache?

Beaucoup de recherches historiques attestent la migration importante des Mérinas (DESCHAMPS (1959), RANDRIAMARO (1997), CRENN (1998)) à l'intérieur comme à l'extérieur de Madagascar. De l'intérieur de Madagascar, ces originaires des Hauts-Plateaux, les Mérinas, ont conquis la Grande île pour diverses raisons : politique, économique, agricole ou démographique. La première présence des Mérinas dans de nombreux lieux de Madagascar se trouve encore vivante dans la mémoire des Malgaches65. C'est surtout avec

61 « Cette répression contre la culture française et l'enfermement de l'île sur elle même, contribuèrent à la fuite de ces mêmes Merina qui avaient pourtant lutté contre l'oppression française. Si la malgachisation de Didier Ratsiraka a dépassé leur désir, elle a toutefois accéléré la prise de conscience de leur ambivalence latente ».Crenn, 1998, p317.

62 Cette politisation se manifeste par les modifications des ordonnances de 1945. L'ordonnance du 2 novembre 1945 « relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France » contient l'essentiel des règles françaises en matière d'immigration. Elle a été modifiée une 25 e fois par la loi Chevènement en 1998. La montée du Front National comme l'utilisation des idées sur l'immigration lors des élections sont aussi parmi cette politisation de l'immigration.

63 MAHATODY (2000), dans son rapport analyse une forme particulière de la migration malgache, pour l'auteur les migrants malgaches (Nord Ouest de Madagascar) participent à un marché matrimonial mondial. Ce qui n'est pas une exception des filles du Nord Ouest de Madagascar.

64 Menja, prénom d'une jeune fille malgache victime de l'esclavage moderne est la plus connue pendant l'été 2001. Voir aussi l'article de Thierry PARISOT « Sur la piste de l'esclavage moderne » in Manière de voir N°62. Le Monde Diplomatique mars avril 2002 titré « Histoire(s) d'immigration ».

65 Voir COLE (2001), la présence mérina dans la mémoire collective betsimisaraka.

le Roi RADAMA II, au début du XIXe siècle que la dispersion des Mérinas a été la plus visible. Pendant ce temps là, plus de la moitié de la Grande île ont été mise sous administration mérina. L'usage d'une structure communautaire appelé « fokon'olona »66 pour dominer les « petites » structures communautaires des lieux à conquérir, la création des taxes67 pour réguler les activités socio-économiques ainsi que l'appel aux corvées ont été parmi les principaux moyens utilisés pour asseoir l'hégémonie mérina.

Sous l'administration française, cette mobilité mérina a été suivie et renforcée dans le nouveau contexte colonial. DESCHAMPS (1959), rapporte que la majorité des fonctionnaires recrutés sont des Mérinas68 et ils ont été envoyés dans tous les recoins de l'île pour administrer les lieux. L'auteur observait que la migration intérieure « malgache » est caractérisée pendant cette période par une part d'individualisme et des regroupements ethniques.69Dans cette migration intérieure, on remarque une forte mobilité des Mérinas.70

Concernant la migration à l'extérieur de Madagascar, étant moi- même Mérina, je trouve ethnocentrique le fait d'attribuer et de croire à une importance déterminante de la présence massive des Mérinas à l'extérieur de Madagascar. Aucune statistique basée sur une catégorisation ethnique n'est disponible actuellement dans les Ministères malgaches pour affirmer que les Merinas sont effectivement la masse majoritaire des migrants malgaches71. D'autre part, affirmer une lignée mérina à chacun des individus présent hors de Madagascar, en particulier, dans les Temples parisiens est impossible. Cela supposerait que ces individus s'identifient à une origine mérina, ce qui ne va pas du tout de soi. Le profil des enquêtés (chapitre 1.4) ainsi que le résultat de mes entretiens (Partie deux) offrira une identification et révélera les auto-identifications qui ne présupposeront pas une valeur automatique et première à cette appartenance mérina. La communauté des Temples a sa propre identification.

66 « fokon'olona », concept désignant la structure sociale et son fonctionnement sous le règne du Roi ANDRIANAMPOINIMERINA. Voir ARBOUSSET (1950)

67 Exemples les « isampangady », « isandahy » littéralement taxe pour chaque bêche ou travailleur de terre, et taxe pour chaque homme.

68 Sur 10.956 fonctionnaires malgaches 59% (6465) sont Mérinas. P99, « l'occupation française, loin de freiner l'expansion mérina l'a accélérée en achevant la pacification, en ouvrant des route, en créant des villes ».p90

69 « Le maintien des ethnies est cependant beaucoup plus fréquent que la fusion ». p265 (1959).

70 Déjà en 1948, selon les statistiques de l'administration coloniale avançaient que 16, 38% des Mérinas est en diaspora (source : RANDRIAMARO, p75)

71 Exception peut être le livre de François ROUBAUD (2000) qui évoque en terme ethnique l'appartenance sociale des enquêtés. Voir le Projet MADIO, agence statistique officielle à Madagascar. Le livre décompte les Mérinas, Betsileo...

Quoi qu'il en soit, c'est à travers des observations, des entretiens et des documents de recherches72 que j'ai pu admettre la présence quasi- majoritaire des Mérinas du moins dans les Temples protestants en France.

En utilisant le mot générique « Mérina » pour désigner les gens des Hauts Plateaux, je participe moi-même à réifier une catégorisation polysémique. « La nomination n'est pas un énoncé qui relève de la vérité, ce n'est pas la constatation d'un état de fait »73, mais la désignation mérina est pertinente dans la mesure où même si elle n'est pas une référence première, elle est une réalité vécue et commune pour les Malgaches. « Lorsqu'un peuple existe en tant qu'acteur historique collectif, il se reconnaît nécessairement un nom, quel qu'il soit- symbole parmi d'autres de son unité ». 74

De nombreux discours concernant Madagascar peuvent faire admettre qu'il y a une certaine pesanteur historique à toujours voir la réalité malgache à travers ses ethnies (souvent présentée à dix huit ethnies), plus distinctement, à travers le couple « Mérina »/ «Côtier » 75.

Cette vision de chose n'est pas nouvelle et elle n'est pas exclusivement propre entre Malgaches. L'administration coloniale française, les premiers historiens et les premiers voyageurs occidentaux qui ont débarqué sur la Grande Ile ont plus ou moins contribué à voir et à faire voir la réalité du peuplement de Madagascar sous cet angle. En 1898, on a pu lire dans le « Guide de l'Immigrant à Madagascar » que « les Mérinas demeurent l'élément central de la vision européenne des Malgaches. C'en est aussi la référence obligée par rapport à laquelle se hiérarchisent ensuite les autres groupes de l'île. Les superlatifs ne manquent pas pour traduire cette supériorité ».76

Par ailleurs, les Mérinas sont parmi les populations les plus évangélisées, c'est une des caractéristiques de la population au Centre de Madagascar. La réalité est tout autre sur le littoral77.

Une mobilité géographique déjà forte à l'intérieur de Madagascar, une culture
majoritairement chrétienne, un contact historique fort avec les Français
peuvent ils être considérés comme des indices explicatifs de la présence de

72 La présence quasi effective des Mérinas dans les paroisses est confirmée par CRENN (19991) et MAHATODY (2000).

73 p123 Jean BAZIN

74 Idem. p 123.

75 Voir le chapitre « l'opposition Mérina /Côtier » dans J-R RANDRIAMARO « Padesm et lutte politique à Madagascar. De la fin de la deuxième guerre mondiale à la naissance du PSD »Eds Karthala. 1997. pp74-80.

77 . « Les chrétiens représentent moins de la moitié de la population totale du pays, que leur proportion est inférieure à 10% dans l'ensemble des régions côtières » dans « Histoire oecuménique. Madagascar et le christianisme » dirigée par Bruno HÜBSCH. Eds Ambozontany, ACCT, Karthala. 1993. p459.

76 Dans A.CHALLAND, Paris, 1898 cité par CLESSE dans RANDRIAMARO (1997). p115.

la diaspora mérina en France actuellement? Peut on affirmer que ces indices ont pu se constituer en une culture spécifique : une sorte de culture du migrant malgache?

Ce que je peux affirmer c'est que la configuration actuelle de la migration des Malgaches en France est déterminée par des dimensions historiques. Donc le fait que la présence malgache en France est visiblement protestante et elle est en rapport étroite avec les gens des Hauts-Plateaux (les Merina) n'est pas une donnée surprenante de point de vue historique.

1.3 LA CONSTRUCTION COMMUNAUTAIRE

1.3.1 Question de place et de rôle

A Madagascar, on constate que les institutions religieuses ont tenu des rôles divers dans l'histoire nationale. Elles ont eu des implications politiques dans la création de la nation malgache : l'histoire de la royauté Merina et de la résistance au régime colonial sont des exemples avérés. C'est à travers la Bible que les Malgaches ont appris à lire. C'est avec les missions chrétiennes que les premiers écoliers ont vu naître les premières écoles tout comme les premières architectures occidentales. Cette fonction « civilisatrice » est perçue comme un des premiers rôles des institutions chrétiennes à Madagascar. Aujourd'hui encore les institutions religieuses se lancent dans des activités humanitaires et plus encore dans des projets divers de développement.

A travers l'histoire aussi, on peut remarquer que ces institutions ont eu pour mission de gérer ses propres ressources dans le but de regrouper toute une communauté autour d'elles. L'appellation générique de l'église en malgache « fiangonana » rappelle que ces institutions se manifestent par des « réunions », comme si le fait de se réunir est premier avant tout.

Le premier rôle des institutions religieuses est de réunir et de renforcer les communautés locales. Elles offrent des lieux (Temples, églises, « stations »,...) pour que ces réunions puissent se réaliser. Par ce fait, les institutions religieuses n'offrent-elles pas des lieux d'interaction pour la construction d'une nouvelle communauté ou du moins pour raviver les anciennes interactions sociales ?

On peut penser que le religieux est un élément qui renforce le communautaire mais en tout cas il n'est jamais tout seul. Il y a aussi des liens linguistiques, des liens de proximité territoriale et des liens d'appartenance, d'identification « ethniques ». Comment ces liens se reproduisent-ils en France et comment la religion, particulièrement la religion protestante, organise et renforce- t-elle la communauté malgache en situation de migration en France ? Quels sont les indicateurs visibles de cette volonté d'organisation communautaire de la part des institutions religieuses ?

Les immigrés malgaches en France ne peuvent pas tous être cadrés dans une quelconque matrice religieuse. Mais le passage du fait d'être immigré au fait d'être présent dans les Temples pour certains (le cinquième des immigrés en France78) est intéressant dans la mesure où les communautés territoriales, ou ethniques, des migrants ont fini par se donner une religion.

78 Source : le discours du fondateur de la fpma, « 40e anniversaire ».

La religion qu'elles se donnent est l'expression de leur culture et les institutions religieuses sont là pour faire vivre cette religion. Comment les institutions renvoient-elles la religion à la communauté? Et comment elles voient se créer une religion et une communauté en même temps?

Si les migrants malgaches que j'ai rencontré dans les Temples constituent a priori une communauté, je me demande sur quelle base est structurée cette communauté : est-ce une communauté nationale ou une communauté basée sur un modèle ethnique? Est-ce une communauté sur une base religieuse ou une base générationnelle? En sachant que l'ancestralité est un des premiers facteurs de l'identité collective à Madagascar? Quelle place tient-elle en situation de migration pour les Malgaches de France et en particulier pour les individus que j'ai rencontré dans les Temples?

Quels sont les vecteurs de cette structuration, est-ce uniquement politique? Est-ce économique ou est-ce typiquement religieux? Quelle est la place de l'économie dans cette migration? Ces « travailleurs-étudiants »79 dont une partie sont des travailleurs clandestins, sont-ils vraiment dans cette migration alternante80 où c'est le marché mondial qui régule tout avant toute autre chose?

Quelles sont les tendances ou orientations qui guident la structuration? S'agit-il d'une reproduction d'un modèle communautaire? Lequel? Ou est ce que la communauté à observer est une migration ancienne et importante en nombre qui pourrait se structurer sur un modèle communautaire, le sien.

Quelles sont les conséquences de cette structuration? Est-ce un nouveau calquage, une répétition, une reproduction sociale? Quelles sont les conséquences des rapports interethniques, du processus d'éthnicisation? Quels sont les rapports mis en jeu : les rapports entre gens de la campagne et gens de la ville?, entre gens « plus occidentalisés » et gens « moins occidentalisés »? ou entre gens à capital économique élevé et les gens pauvres? Ou s'agit-il d'un décalquage, dans le cas d'une migration ancienne, avec des problèmes et des problématiques de leur regroupement propre à la France?

Toutes ces interrogations m'ont amené à expliquer mon objectif : comment
s'organise le religieux à travers les institutions religieuses et en
même temps comment le regroupement d' une communauté d'un

79 Terme utilisé par CRENN pour désigner les Malgaches migrants arrivés en France à partir des années quatre vingt dix.

80 La migration alternante est caractérisée par l'idée selon laquelle le monde est caractérisé comme un immense marché sans frontières, régulé par la loi de l'offre et de la demande de travail. Elle suppose une mobilité totale des travailleurs. Voir TRIPIER in « l'immigration de la classe ouvrière en France », Eds L'Harmattan, 1990, p310.

pays -Madagascar- participent-ils à la structuration plus ou moins d'un groupe? Ce groupement qui est réel, dynamique, visible et que je vais rencontrer lors de mon terrain.

Pour pouvoir mesurer concrètement l'organisation du religieux à travers les institutions religieuses et le regroupement des fidèles à ces institutions, les lieux de cultes constituent un terrain d'observation intéressant. Mais les observations seules des lieux de cultes -Temples- sont insuffisantes, il faut avoir un discours qui témoigne les pratiques, les attitudes et les croyances des individus concernés. Des entretiens seront menés sur les deux faces, d'une part un recueil de discours des leaders81 des institutions religieuses protestantes de la FPMA et d'une autre part, un recueil de discours des individus que j'ai rencontrés dans ces Temples, le discours des jeunes présents dans ces Temples. A travers ces discours se révéleraient les choix identitaires des immigrés.

L'observation lente de la liturgie et la volonté de savoir une partie de l'histoire individuelle des enquêtés m'ont permis de voir ce qu'il en est de mes hypothèses. Cette observation et ces entretiens constituent une expérience en elle-même, une expérience d'intégration qui mérite à son tour d'être élucidée et racontée.

1.3.2 Communauté, Religion : usages

Deux mots mériteraient d'être éclaircis avant de continuer : le mot communauté et le mot religion avec son corollaire religieux

Communauté

La notion de communauté doit être définie dans ce travail. Dans ma

conception, elle ne définit pas directement la réalité dans laquelle s'identifie les enquêtés. Même si les éléments racontés dans leurs discours tendent à rendre concrète son existence.

Je pense a priori que la communauté malgache en France en générale est une communauté fictive, car c'est plutôt le sentiment d'appartenance82 qui regroupe des Malgache dans un ou des lieux communs. Les Temples sont parmi ces lieux tout comme les autres lieux de réunions ou de fêtes malgaches qui existent à Paris. Et les Temples gèrent à leur manière ce sentiment d'appartenance à travers une organisation et des modalités de participation diverses. Les leaders, autorités de ces Temples, fondateurs ou élus se caractérisent par leur offre communautaire et religieuse. D'autre part, les membres -les gens qui arrivent pour prier les dimanches- ont leurs

manières de se voir, et de voir leurs co-religionnaires dans ces lieux communs.

Je veux pouvoir saisir des images de la communauté malgache observée dans ces Temples. Une résultante des perceptions des leaders et des jeunes sur ces institutions et la communauté qui se forme sous les Temples et en dehors des Temples. Hors des Temples car la communauté malgache du Temple ne prend pas uniquement vie sous les Temples.

La communauté est donc pensée, ici, comme un processus, sociétaire ou communautaire. Ce qui importe alors, c'est de pouvoir identifier, entre autre chose, les orientations en cours de réalisation. Ce processus ne peut être unique car les individus qui la constituent ont des images différentes de la communauté construite -ou en construction-. La vision des leaders prise comme offre communautaire contraste avec la vision des jeunes individus enquêtés dans ces Temples. Enfin, je pense que c'est un des défis qui m'attend dans cette recherche.

Religion

Dans cette recherche j'emploierai tout le temps les termes religion, religieux et religiosité. La religion, je la conçois comme WEBER la définit, c'est « une espèce particulière de façon d'agir en communauté », dont tout reste à déterminer dans cette recherche : quelle communauté? Quelle façon d'agir? Et quelles particularités?

Pour HERVIEU-LEGER, « le religieux ne se définit pas uniquement à travers les objets sociaux (les « religions ») dans lesquels il se manifeste de façon compacte et concentrée. Le phénomène humain, qui travaille, de façon active ou latente, explicite ou implicite, toute l'épaisseur de la réalité sociale, culturelle et psychologique, selon des modalités propres à chacune des civilisations au sein desquelles on s'efforce d'identifier sa présence ».

83 C'est une définition qui prend en profondeur la réalité humaine de la communauté priante. Je suggère pour limiter la portée de ce travail que le religieux reste seulement au niveau du phénotype de la vie religieuse et que la religiosité soit considérée comme la face vivante, émotionnelle et active de ce qui est religieux.

Je m'appuie surtout sur cette précision car mes propos ne constituent pas une description des textes sacrés et leur transmission, il s'agit de mettre en lumière les conditions communautaires de la vie religieuse.

83 HERVIEU-LEGER (1999) p19

1.4 PRESENTATION DE L'ENQUETE

1.4.1 Méthodologie

Deux techniques d'enquêtes ont été choisies et utilisées lors de cette recherche : l'observation et l'entretien semi directif. Les documents trouvés sur le terrain et la bibliographie ont permis d'illustrer ce rapport.

Deux questionnaires, guides d'entretien, ont été élaborés pour que je puisse réaliser le terrain. Un questionnaire pour les jeunes et un autre pour les leaders.

Les Entretiens Semi-directifs

Avec les jeunes, il s'agit de recueillir leurs perceptions de la communauté priante et de savoir leur propre parcours, en tant qu'émigrant mais aussi en tant que membre de la communauté des Temples. Avec les leaders, l'objectif est de les faire raconter l'histoire institutionnelle de chaque Temple et de saisir leurs perceptions de la communauté priante. Dans les deux cas la présentation de soi tient une place importante.

Le choix de cette technique a été fait pour plusieurs raisons. D'abord pour la pertinence des résultats à recueillir en fonction de la problématique. Ensuite, parce que les entretiens semi directifs permettent de réaliser aisément le débroussaillage d'un terrain que je ne connais pas assez. Cette technique choisie est qualitative et ma démarche n'a pas d'ambition de généralisation mais plutôt une recherche d'exemples de vie. La réalisation de ces entretiens en enregistrement audio m'a permis de les réécouter lors de mes analyses.

Les deux guides d'entretiens sont offerts en annexes.

J'ai réalisé une quinzaine d'entretiens avec les jeunes mais les sept dernières constituent ceux qui suivent exactement les éléments du guide d'entretien. Seuls ces sept entretiens seront pris en considération dans ce rapport. Avec les leaders, j'ai réalisé quatre entretiens. Le total horaire des entretiens est de 10 heures d'enregistrement audio.

OBSERVATION

La technique de l'observation s'est imposée toute seule. Elle m'a permis de faire le terrain proprement dit, de descendre donc sur les lieux (Temples, mais aussi quelques lieux concernés par les activités des Temples) et de constituer prioritairement ma propre expérience communautaire priante dans ces Temples, mais aussi d'élaborer un corpus d'éléments observés, un recueil

de mes impressions, des indicateurs pour mieux centrer ma problématique et mieux élaborer mes hypothèses.

J'ai constitué un carnet de bord pour recueillir les données observées. Ce carnet regroupe quelques réflexions et les interrogations qui me préoccupent.

1.4.2 Population Et Lieux d'Enquête

La population d'enquête est composée de deux catégories d'individus : la première catégorie que j'appelle « leaders » et l'autre catégorie les « jeunes ». Les leaders sont des dirigeants, responsables au sein des Temples. On peut y mettre toute personne attachée aux Temples qui de par sa participation contribue à la conception et à l'organisation globale des activités des Temples.

Je mets dans cette catégorie les fondateurs de la Fédération FPMA84, et les primo arrivants dans ces Temples, les Pasteurs et les membres directeurs de chaque Temple -car il faut rappeler que les Eglises en France sont statuées sous les lois de 1905 et 1907, les identifiants comme associations et indépendantes-, les présidents des Temples, les dirigeants des petites branches et commissions à l'intérieur du Temple.

L'appellation leader signifie plusieurs choses. D'abord, ils sont considérés comme ceux qui se placent en haut de la hiérarchie. Toutefois ils peuvent aussi être invisibles mais relativement influents dans la prise de décision au sein des Temples, tel peut être le cas des personnes fondatrices . Aussi les leaders sont des gens qui définissent les objectifs mais qui, en même temps, génèrent les forces pour attirer des « compagnons » et réaliser les objectifs. Ils ont le pouvoir et l'autorité requis pour gérer un changement au sein de leur organisation. C'est pour cela qu'à mon avis les leaders sont les personnes qui offrent la définition de la situation sensée être exacte.

Je reconnais comme faisant partie des « jeunes », les individus qui sont entre 15 et 30 ans. Ils étaient présents dans les Temples lors de mes passages dans ces Temples. Eventuellement, ils ont des parents malgaches. On peut penser des individus que je catégorisais comme jeunes qu'ils sont d'une même génération mais cela ne pourrait être vrai car une génération devrait supposer, à mon avis, une condition de vie et un minimum de destin commun ou semblable. Etre né après les années soixante dix ne supposerait pas ni une condition de vie commune, ni un minimum de ressemblance de

84 Eglise Protestante Malgache en France, une organisation cultuelle chrétienne malgache dont sont membres les Temples que j'ai étudiés.

destin. Une enquête approfondie serait ultérieurement nécessaire pour analyser cela.

Concrètement, j'identifiais mes enquêtés à travers mes conversations

personnelles les premières fois où je venais dans ces Temples. Je prenais directement rendez-vous avec chaque enquêté après. Avec les leaders, les enquêtés sont facilement identifiables et nombreux sont les gens -leaders en particulier- qui me recommandaient de rencontrer tel ou tel personnage important dans la hiérarchie des Temples. Pour les jeunes, je m'attachais à les aborder directement sans intermédiaires. Les rencontres avec les jeunes sont le fruit d'un pur hasard. Certains ont été abordés avant le commencement des cultes et d'autres après les cultes. La présentation de soi et les premiers mots échangés sont importants pour pouvoir accrocher les gens pressentis.

Les leaders interviewés sont les deux pasteurs des Temples de la rue CHAUCHAT et de la rue DANTON, le président de bureau de CHAUCHAT et un des fondateurs de la FPMA, un pasteur85.

Je note que pour garder l'anonymat des jeunes enquêtés, j'utiliserai des pseudonymes.

85 RABENORO est pasteur et professeur de sociologie.

Fiche signalétique des jeunes enquêtés

Pseudonymes

ENDRIKA

LUCIEN

MITIA

RAVO

TINNE

TRISTAN

VOLA

Sexe

fille

garçon

fille

garçon

fille

garçon

fille

Age

27

24

24

23

20

25

19

Temple de notre rencontre

DANTON

DANTON

CHAUCHAT

CHAUCHAT

DANTON

CHAUCHAT

CHAUCHAT

Durée de présence dans ce Temple

8 mois

2 an
(presque)

3 mois

2 ans

1 mois

7 ans

10 mois

Types de participation

chorale

aucun

aucun

aucun

aucun

ancien
choral

choral

Présence de parents ou famille dans ce Temple

aucun

un oncle

aucun

un oncle,

une tante et
trois cousins

aucun

toute sa famille et

une cousine

une cousine

Activité en France

employée jeune fille au pair

livreur

étudiante et

animatrice dans une crèche

employé de bureau

étudiante

étudiant

étudiante

Année d'entrée en France

2000

1999

2000

1999

1998

1992

1999

Nombre de retours à Madagascar depuis la première arrivée en France

O

O

1

O

1

3

O

Lieu de l'enquête

restaurant

chez lui

restaurant

Temple

chez un ami

Temple

université

Date de l'entretien

samedi 11
mai 2002

vendredi 29
mars 2002

mercredi 5
mai 2000

dimanche
28avril 2002

lundi 15
avril 2002

dimanche
17mars
2002

vendredi 3
mai 2002

Durée de l'entretien

50'

40'

1 h

1 h 20'

1 h

45'

1 h

Les Lieux

Il s'agit de deux Temples de la FPMA (Eglise Protestante Malgache d'Outre mer). Le premier se trouve dans le dixième arrondissement à Paris : 16, rue CHAUCHAT. Et le second se trouve dans la région parisienne à Kremlin- Bicêtre au 10 rue DANTON.

Les deux temples sont affiliés à la FPMA . Ils font partie des 24 Temples de la FPMA dans le monde (France métropolitaine, Abidjan et Saint Denis de La Réunion). A remarquer qu'au début, en 195986, la FPMA ne comptait que 8 paroisses.

Les deux lieux étaient sous conjonctures particulières, le premier vivait un conflit de leadership pendant mon terrain et le second n'était pas encore reconnu comme Paroisse mais juste une assemblée de communauté priante par la FPMA.

1.4.3 Difficultés Et Apprentissages

Le terrain sur lequel se base ce rapport a été fait à Paris de Décembre 2001 à Juin 2002 dans les deux temples protestants.

Les premières difficultés ont été dans l'élaboration des questionnaires. Il a fallu faire quelques entretiens avant d'avoir pu valider les questionnaires des deux guides d'entretiens. Puis j'ai vécu quelques difficultés dans les entretiens. Avec les leaders, pour CHAUCHAT par exemple où un conflit de leadership était toujours présent au sein du Temple. Et une fois avec le fondateur qui est aussi un professeur en sociologie. L'entretien avait eu du mal à commencer87.

Avec l'usage du cahier de bord et de la technique d'observation, la difficulté se trouvait dans la prise de décision du temps où l'enquête (le terrain) devrait se terminer. Heureusement que les entretiens étaient là pour résoudre les difficulté d'interprétation.

86 « C'est en effet au mois d'avril 1959 que M Daniel Ralibera, pasteur-aumonier de l'époque convoqua à Villemétrie en région parisienne les représentants des communautés malgaches d'alors : entre autres celles de Paris, Strasbourg, Montpellier, Bordeaux, Toulouse. Ces communautés ainsi réunies décidèrent de s'ériger en Assemblée Constituante qui sera également de facto le Premier Synode Général de la FPMA «. Extrait du discours de RABENORO pendant la 40e anniversaire de la FPMA en 1999.

87 Trois heures d'entretien le 22 avril 2002.

1.5 LE DEVELOPPEMENT DE L'OBJECTIF DE LA RECHERCHE

Essayer de borner et de définir un projet de recherche en s'appuyant uniquement sur ses premières intuitions et hypothèses est une chose difficile mais nécessaire dans un travail sociologique, car se laisser emmener par des idées imprécises est dangereux et non productif. En effet, cette dernière situation peut faire dépenser beaucoup plus d'énergie au chercheur.

Il est de bon sens alors de se rappeler d'une phrase qu'un des mes amis aime toujours répéter, « si tu ne sais pas où tu vas, n'importe quel chemin t'emmènera là-bas »88. Il est important d'avoir un objectif et accessoirement un plan de travail ne serait-ce que provisoire.

Dans le premier plan que j'ai proposé aux responsables du DEA de l'URMIS, un plan inspiré de mes interrogations sur le passé et le devenir des immigrés Malgaches présents en France, et globalement sur le rapport des Malgaches avec l'«Autre», je me posais des questions relatives aux représentations que les Malgaches peuvent avoir des Français (une des figures réelles et possibles de l'autre), je voulais mesurer le rôle des représentations de l'autre dans la manière de l'accueillir ou de se faire accueillir. Mes questions étaient « comment les Malgaches se sentent-ils étrangers en France?, Les Français sont-ils les mêmes étrangers (représentations), qu'ils soient Français sur le territoire français ou des Français vivant à Madagascar? »89.

Des questions qui touchent principalement les notions d'altérité, d'intégration et d'identité. J'avais un plan de travail dont la population d'enquête serait présente en France et d'autre à Madagascar. Bref, mes questions s'intéressaient à la fois aux Français et aux Malgaches. Je rallongeais interminablement mon temps documentaire. J'avais beaucoup de difficultés à me rassembler et à dessiner un plan de travail moins vaste et plus pertinent aux attentes de ce DEA. Un plan réalisable dans le temps de travail qui me restait.

Lors des premières journées des mémoires90, les professeurs m'ont surtout invité à ancrer mon sujet dans un lieu plus concret et à se limiter dans mon objet de recherche. Celui-ci était senti comme très abstrait. Ce qui est vrai car je voulais tant traiter les questions sur l'identité sans avoir une question particulière qui s'y rapporte. Je n'avais pas encore fait de terrain jusqu'ici. Et je voulais travailler la question d'identité d'une manière globale, en soi.

88 Conversation personnelle. Je me rappelle ici les mots de Sénèque « Il n'y a pas de bon vent pour celui qui ne sait pas où aller »

89 Tiré du document de projet de recherche présenté à l'URMIS, intitulé « Projet de recherche pour une contribution à la compréhension de la situation des immigrés malgaches en France : leurs pensées, leurs identités et leurs logiques d'intégration ».

90 15/16 janvier 2002

Il était urgent à ce moment là de trouver un lieu d'ancrage, et me mettre sur le terrain, en situation. C'est là que j'ai commencé à chercher des associations ou des groupements particuliers de Malgaches. Le milieu estudiantin malgache à Paris m'a beaucoup attiré car c'est aisé à faire mais ce qui se montrait comme le terrain évident c'était les temples où se regroupent des communautés protestantes malgaches à Paris.

Ce terrain me paraissait évident pour au moins trois raisons. D'abord, le lien avec ma problématique, mon sujet se centrait d'avantage sur la construction communautaire et ne concerne plus du tout les logiques identitaires. Aussi, parce que dans mes temps bibliographiques, de nombreux auteurs semblent témoigner le fait que la migration malgache en France est largement liée à l'Histoire du protestantisme malgache (CRENN, 1994, 1995, 1998, 1999. KOERNER, 1994. RAISON-JOURDE, 1991...). Enfin, ce terrain me fait disposer des lieux d'observation pertinents : les temples, avec une population d'enquête précise : les jeunes.

J'essaie de caractériser, en tenant compte des différents rôles que tiennent les églises protestantes dans la construction communautaire tels qu'ils sont décrits dans les chapitres qui vont suivre la communauté que j'ai rencontrée. Ce voyage -qui commence avec une vue sur l'emprise de l'offre institutionnelle des églises, qui continue avec une image des demandes des jeunes Malgaches vis à vis de ces institutions, et qui va se terminer par considérer à des degrés variés la complexe articulation des deux- répète mon propre processus de participation à la structuration d'une communauté malgache à Paris.

CHAPITRE 2 : RESULTATS SUR LES INSTITUTIONS

2.1 La FPMA, une institution religieuse

En tant qu'institution religieuse, la FPMA regroupe à travers ses Temples quelques 5000 personnes sur les 25.00091 Malgaches estimés présents sur le sol français. Ces 5.000 Malgaches se rajoutent probablement aux 700.000 protestants comptés en France92. Selon le statut de la FPMA, ces temples sont quasiment des nouveaux territoires pour les Malgaches « étrangers » en France, les Malgaches « Français par acquisition actifs »93 et les Malgaches en situation irrégulière. La FPMA a ses propres manières de mettre en avant ses offres pour une diversité de « fidèles » malgaches. Le but est de faire naître une communauté formellement institutionnalisée.

Je cite l'article 2.1 du statut de l'association : « La FPMA est une association cultuelle constituée en France, en conformité avec les dispositions légales et réglementaires en vigueurs pour les associations régies par la loi de 1901, et notamment celles des lois du 29 décembre 1905 et du 07 janvier ». (2.2) « La création de la FPMA a été publiée au JORF n°57 du 3 mars 1963, page 2296, sous la déclaration primitive n°62/1161 ». Cette formalité offre l'aspect légal de la présence communautaire dans les Temples. L'association s'est offerte une structure légale qui fonctionne sur trois niveaux hiérarchiques : niveau FPMA (global, national/international), niveau Régional et niveau paroissial ou local.

Dans le statut, les objectifs sont clairs selon l'article 4 intitulé « objectifs- oeuvres ». En paraphrasant je résume qu'il s'agit de :

- annoncer l'Evangile, en particulier aux Malgaches « résidents ou de passage en France »

- célébrer des cultes en langue malgache

- faire la propagation de la foi et de l'éthique chrétienne

91 Cette estimation est faite par RABENORO lors de son discours en 200O, le discours intitulé « 40e anniversaire. Un défi, une attente, une victoire acquise. ». Par ailleurs, on a remarqué qu'aucune statistique officielle n'a pu offrir le chiffre exact des Malgaches en France. Pour CRENN (1998), « En quinze ans, le nombre des Malgaches a doublé. Ils sont passés de 20.000 à 50.000 »

92

- promouvoir la culture et former spirituellement ses membres

« On dénombre environ 700.000 protestants en France, une enquête a montré que 1,7 million de personnes se déclaraient « proches du protestantisme », et parmi elles une proportion élevée de catholiques qui ne songent pas pour autant, à abandonner leur confession d'origine mais qui se reconnaissent spirituellement dans le protestantisme. (Enquête, CSA, La Vie, ARM, Réforme, Christianisme au Xxe siècle, 1995).

93 Termes utilisés par l'INSEE (Institut National des Statistiques et des Etudes Economique) dans sa publication de 1991. On compte dans ce rapport, 8863 Malgaches dans la rubrique « Etrangers par nationalité détaillée », et 4989 Malgaches dans la rubrique « Français par acquisition actifs par nationalité ».

- sensibiliser les membres au respect et à la préservation de la culture malgache

- concrétiser des oeuvres sociales et de développement

- soutenir des efforts pour l'oecuménisme

- s'interdire de prendre parti pour une organisation politique.

Ces objectifs sont un des moyens - celui ci ayant un ton très officiel- de présenter les offres de l'institution FPMA en générale. Les activités connexes pour chaque objectif sont présentées dans le statut à travers les activités des petits regroupements par synode, comités, commissions, départements ou sections.

La présentation de la FPMA insiste sur son aspect légal. Même au niveau local, la légalité est un critère réclamé. Le pasteur de l'assemblée de la rue DANTON précisait « oui, on est reconnu, on a même déposé notre statut à la préfecture, on est reconnu par l'Etat, avec un pasteur et quelques dirigeants comme dans toutes les églises en France »94.

Mais, l'analyse de l'offre institutionnelle ne devrait pas se limiter à la présentation de ces mises en forme statutaire et à la reconnaissance légale des regroupements communautaires malgaches dans les Temples. Ma question est toujours de savoir sur quelle base est faite la proposition de structuration communautaire de la FPMA et particulièrement des deux Temples observés. Cette proposition est-elle sur une base ethnique? Malgacho-malgache? Religieuse? Est-ce une nouvelle structuration communautaire différente ou hors de toutes autres structurations communautaires qui puissent exister en France?

Je suppose qu' une part de cette proposition de structuration communautaire se tient dans sa structure même et en partie dans ses moeurs et culture. Les rites observés ont leurs propres règles et leurs propres évocations et vécus. Dans les Temples, la religiosité est aussi exprimée par ces rites, dans les comportements des gens et leurs attitudes mais pas uniquement dans les croyances. Les rites, hérités, inventés ou représentés constituent une mise en avant de l'identité religieuse des activités vécues dans les Temples. La proposition structurelle de la FPMA - considérée ici comme offre institutionnelle- tient compte de la religiosité pour réguler la question des origines et de la réalisation des rites. C'est cette facette de l'offre institutionnelle qui a une teneure religieuse déterminante que j'appelle ici facette religieuse. Les leaders sont impliqués dans la formulation et la réalisation de cette offre.

A travers les temples, j'ai pu aussi observer que les offres institutionnelles sont marquées par les activités menées dans ces lieux cultuels. Il s'agit principalement de transmettre l'Evangile, mais aussi il s'agit de faire vivre et de vivre à travers quelques activités définies, improvisées ou non

94 Entretien du 3avril 2002.

contrôlées, une expérience communautaire réelle qui tient compte d'une certaine affinité du groupe dans un espace communautaire où la filiation communautaire est toujours mise en avant. Cette facette sociale est sous l'emprise des leaders dont le rôle est de maintenir une expérience communautaire vivante et de transmettre ce qui est à vivre dans (et avec) ces Temples.

Le dernier grand rôle des leaders que j'ai identifié, est la régulation idéologique du croire. C'est comme si les leaders définissent eux mêmes qui croire et comment croire. Il s'agit donc de légitimer le croire avec des convictions et des volontés en façonnant le culturel. Cette facette de l'offre institutionnelle, je l'ai appelée idéologico politique.

2.2 Trois facettes de l'offre institutionnelle

2.2.1 Une Facette Religieuse

Une Ritualité

« La FPMA a ses pratiques cultuelles, utilise une liturgie rituelle et des cantiques fixés par le règlement »95. Je prends trois pratiques où le rituel est fortement marqué. Il s'agit de la pratique de la liturgie, l'utilisation des différents postes à responsabilité au sein d'un Temple et les réunions cultuelles quasi-liturgiques des revivalistes96 (fifohazana), une section au sein du Temple de la rue CHAUCHAT.

La liturgie protestante suivie par les Malgaches protestants des deux Temples combine deux traditions majeures, celle des protestants réformés de Madagascar (FJKM) et celle des luthériens malgaches. Les chants et les manières même de réaliser un dimanche suivent ces deux tendances.

A CHAUCHAT, la liturgie est formalisée et chaque membre a une feuille dans laquelle est imprimée la séquence des moments liturgiques entre autres les chants, les prières et la quête. A DANTON, la feuille pour la liturgie est publiée et distribuée tous les dimanches. Le pasteur cherche à diversifier les tendances : un dimanche, ils suivent la liturgie luthérienne et le prochain dimanche celle qui se rapproche des réformés.

Mais la liturgie proprement dite a son préliminaire, c'est l'accueil et la préparation du lieu. Les responsables s'affairent pendant ce temps là à terminer leurs tâches avant le commencement du culte.

Dans mes notes d'observation j'écrivais « À DANTON, le Temple a la surface triangulaire, les gens observaient le silence tout en se regardant.

95 L'article 6 du statut de la FPMA, intitulé : « rites et pratiques »

96 Jean BAUBEROT décrit les Réveils dans son livre « Histoire du Protestantisme » (1998,) pp86-99.

Ils se saluent doucement en malgache ou en français. Une personne essaie de répéter sur les claviers de l'orgue les chants qui vont probablement être chantés tout à l'heure. On est treize dans la salle et le pasteur vient de retarder pour quelques temps le commencement du culte. Sur les bancs se trouvent les feuilles qui annoncent le déroulement du culte. Je prends une des feuilles qui se trouvait par là et voici mes descriptions. La feuille est une moitié d'une feuille A4 avec en haut le logo de la FPMA, la date et l'adresse, tout est écrit en malgache. Pour chaque séquence de la liturgie est marquée la section responsable, pour aujourd'hui, la section jeune va lire avec la section musique la Bible. Une personne de la section Eveil va prier etc.... En bas de la feuille se trouvent la date, l'heure et le lieu où va se dérouler le culte pour la semaine sainte. Les chants sont référencés selon le numéro et le titre dans cette feuille. Les bruits du clavier m'empêchent d'entendre la conversation des gens».

Dans la liturgie on constate une forte gestion de la participation de tous. C'est le pasteur qui a rédigé la liturgie à suivre. J'ai eu l'impression que les gens qui se trouvent à DANTON se sont rencontrés depuis longtemps. Ils se connaissent c'est peut être parce qu'ils sont peu nombreux (ils étaient au maximum 47 individus). Mais ceci vient aussi du fait de les avoir fait participer lors des liturgies.

Le culte à travers la liturgie est une cérémonie religieuse. « A CHAUCHAT, l'emplacement des gens est significatif: les maîtres de la cérémonie se trouvent devant, ils sont composés de diacres habillés ou non d'un costumes appropriés (de couleur blanche). La chorale se place dans les premiers bancs. J'ai mainte fois vérifié que les gens ont tendance à garder les mêmes places (a droite, à gauche, devant, derrière). Le pasteur monte à la chaire pour faire le sermon et uniquement pour le sermon. La salle est sonorisée. Les gens sont endimanchés »

L'aspect religieux des rites est marqué dans les lieux. La religiosité et son maintien sont dictés par l'offre liturgique. La répétition de la liturgie fait que les gens incorporent des habitudes et des manières d'être dans les Temples.

La participation des gens lors de la liturgie est une forme des participations possibles offertes par les Temples. A CHAUCHAT, les sections ont des tâches d'intérêt général comme le fait de balayer l'église après les cultes. Chaque section a son tour. Mais les tâches de chaque section sont déjà identifiées et identifiables par les réglementations intérieurs de chaque temple.

A travers des postes à responsabilité, les membres97 sont appelés à adhérer. Le discours commun étant celui tout le temps répéter : « pour le Temple ».

Des membres sont élus pour être membre du diacre98 et ils sont invités pour être responsables de section ou pour être chorale. Les postes à responsabilité sont nombreux. C'est ce qui donne une variété de possibilité de participation pour les membres. La réalisation des responsabilités pour le Temple est facilement observable et contrôlable pour les leaders qui gèrent la communauté. La religiosité se démontre ici par la pratique et la prise de responsabilité.

Le rituel, intitulé Travail et foi (asa sy finoana), est un rite mené par la section d'Eveil99, tous les deuxièmes dimanches du mois dans le Temple de CHAUCHAT. C'est une sorte de deuxième culte après le culte. L'expérience que j'ai vécue une fois dans le cadre de cette recherche m'a fait voir que le culte des revivalistes est très fort en émotion et pleinement riche en religiosité. Je notais dans mon carnet : « les personnes habillées en blanc se trouvent devant et ils se tiennent debout, une vingtaine. Ils lisent quelques versets en malgaches puis la traduction séquentielle par une autre personne. Deux trois chants et puis ils avancent vers le public (une trentaine) en criant tous vade retro satana (« Miala ny satana »). Je crois que c'est le moment fort de cette réunion- culte. Il y a tellement de cris, de pleurs et de mouvements. Après, ils reviennent avec leur cri et au retour deux personnes se trouvent sur le sol pour une séance individuelle d'exorcisme. Ces personnes me font rappeler les gens possédés par des esprits (en particuliers ceux des ancêtres) à Madagascar. Cataplexiques. Après la séquence de l'exorcisme, c'est un temps plus calme : les revivalistes distribuent la bénédiction en mettant leurs mains sur la tête de quelques membres qui vont volontairement un par un devant eux pour demander une bénédiction. Pathétique».

La religiosité s'exprime ici par un partage d'émotion forte et la pratique de l'exorcisme. La scène est terriblement spectaculaire. Ce partage d'émotion renforce la cohésion du groupe et de la communauté. Les leaders responsables de cette réunion tiennent leur discours sur l'aspect spirituel de leur pratique.

97 Il existe deux catégories de membres selon le statut de la FPMA les membres simples (a reçu le baptême, est inscrit sur la liste, reconnaît et adhère à la FPMA), et les membres responsables ou à part entière (admis à la sainte cène, ont suivi une instruction religieuse adéquate, voix délibérative dans les activités du Temple, responsables)

98 Un des rôles des diacres selon RAISON-JOURDE : « il est enfin reconnu que les diacres doivent mettre leur aisance personnelle au service de la paroisse : le diaconat est une institution de la redistribution que les plus démunis attendaient déjà de la famille large comme un devoir des parents riches à leur égard ». (1992) p364.

99 4 mouvements d'Eveil existent à Madagascar, chaque mouvement porte le nom du lieu de leur centre : Ankaramalaza, Soatanana, Manolotrony, et Farihimena. A CHAUCHAT, les revivalistes sont d'Ankaramalaza dont le centre en France se trouve à Gardagne.

Des Dispositifs Visibles Et Constatables

Pour qu'un rite trouve bien sa ritualité et dans cette recherche sa religiosité, il faut observer les dispositifs visibles et constatables mis en oeuvre. Je prendrais comme faisant partie de ces dispositifs : les chants, une revue publié par la FPMA (le « vatsy »), et les temps des actions particulières.

Les chants constituent un dispositif particulier pour faire vivre le rituel cultuel. A travers les chorales, certainement, mais aussi par le fait que les Malgaches peuvent chanter ensemble et en langue malgache dans les Temples à Paris. Chaque chant exécuté ressemble à une performance communautaire. HUYGHUES-BELROSE Vincent (2001, p339) trouve dans son livre cette importance des chants religieux pour les Malgaches : « deux facteurs ont concouru à donner au chant religieux une importance exceptionnelle à Madagascar : les dispositions culturelles et le goût des Malgaches pour le chant choral d'une part, la technique d'enseignement et conversion des missionnaires et leur propre arrière-plan culturel et religieux d'autre part ». Ce ne sont peut être pas les seuls facteurs qui expliquent cette ritualisation des chants religieux. Il y a aussi le fait que ces chants sont tout le temps modelés pour être exécutés dans une autre version plus folklorique : le 100zafindraony. Tout cela semble être fait pour faire sentir dans chacun présent dans les cultes un sentiment malgache.

Aussi, la FPMA s'est dotée d'une revue « vatsy »101. Une revue rédigée en malgache et en français pour les membres. Cette revue regroupe des nouvelles venant des Temples FPMA, mais aussi elle informe sur l'histoire des Temples choisis et les idées religieuses de la FPMA.

Lors des liturgies, il existe des moments particuliers. Ce que j'ai appelé le temps des actions particulières. Il s'agit du temps de la quête, du temps des informations et du temps des voeux. Ces moments sont remarquables. Pour la quête, tout le monde se lève à CHAUCHAT, pour apporter sa contribution devant et quelquefois il y a deux quêtes pour un seul dimanche. C'est un temps pour voir les gens qui sont présents et donc un temps aussi pour marquer sa présence.

Le temps des informations est aussi capital car c'est là que les activités à réaliser et déjà faites sont rapportées. La participation de chacun peut être nommée lors des informations. Chaque nouvelle porte un verset de la Bible ou un extrait de texte de chants protestants. C'est un temps mémorable qui a une portée historique. Les événements comme les décès, mariage, baptême sont rapportés lors des temps des informations. C'est aussi un temps du devenir car les activités et projets du futur sont annoncés. C'est un temps pour les appels à la construction.

100 Nom d'un style de chant originaire du centre de Madagascar, particulièrement dans la région de Fianarantsoa, une région à forte implantation de congrégations catholiques. Une dizaine de chants protestants existent, à ma connaissance, actuellement en zafindraony. RAISON-JOURDE définit le Zafindraony comme « l'art du chant métissé ». (1991). p546

101 Publié à 500 exemplaires.

Enfin, il y a le temps des voeux (voady). Qu'on veuille faire un voeux ou qu'on ait vu réaliser son voeux, le temps des voeux qui se trouve juste après le temps des informations marque une autre forme de participation au rite liturgique. Chaque voeu est accompagné d'une somme d'argent et quelquefois de son attribution (exemple : tel pourcent pour le pasteur et tel autre pour une autre section). C'est aussi un moment particulier pour celui qui le fait, car il s'agit de reconnaissance si le voeu est exaucé et d'acte de confiance s'il est à exaucer. Je rappelle que les Malgaches sont des gens qui font beaucoup de voeux à travers des rituels divers102. Faire un voeu se valorise dans les cultes comme un temps religieux, un temps sacré parce que c'est un engagement vis à vis des autres, de toute la communauté présente et vis à vis de Dieu.

Un Espace Du « Donné à Croire »

« Les institutions religieuses ne sont pas les seules à offrir du « donné à croire » » (Willaime, 1998). Ceci est vrai dans le sens où riche de croyances traditionnelles, les gens qui débarquent dans les Temples ont la possibilité de se retrouver dans une « fidélité paradoxale » à ces traditions ou avec d'autres croyances. Ceci est vrai pour les Malgaches et rappelons- le encore au passage que la religion traditionnelle est majoritaire à Madagascar et que le fait de s'affilier à la religion chrétienne ne signifie nullement que la référence aux valeurs des ancêtres soit impossible.

Les Temples sont des lieux où se réalise , pour reprendre l'expression de Michel de Certeau (1984)103, un « mouvement de l'espace vers la place ». Toutes les références se façonnent pour être incarnées dans les rites cultuels. A la fois, les Temples se refèrent aux messages de l'Evangile mais aussi ils se réfèrent aux caractères de la spiritualité attendue par la FPMA, aux valeurs de cette institution. Ce qui ne peut pas être forcement contradictoire mais plutôt complémentaire et cumulatif.

On peut voir la religiosité ici dans son aspect essentiel qui est le contenu de la croyance. La valeur des croyances est mise en scène lors des présences dans les cultes. Pour certains, la valeur de la malgachitude, de l' « âme malgache » est aussi importante que la valeur du protestantisme. Pour d'autres c'est plutôt l'inverse. Ce propos veut juste faire admettre une possibilité. Là où, d'autres voient réaliser un mouvement de l'espace communautaire malgache vers la place religieuse104, certains voient un mouvement de l'espace religieux vers la place communautaire. En tout cas c'est un mouvement où la répétition et la commémoration tiennent leur place respective.

2.2.2 Une facette sociale

Place Des Rencontres

Les temples sont des « nouveaux » territoires communautaires. Beaucoup d'activités y sont menées à part les cultes : les écoles de dimanches, les différentes réunions des sections de l'église (les chorales, les revivalistes et autres regroupements). Pour mieux apprécier la valorisation de la présence sur le Temple et la valeur du Temple et de ses représentations, je pense singulariser trois expériences vécues. A chacune de ces expériences, les leaders se montrent être les acteurs principaux et gèrent les changements qu'y prévalent.

La première expérience, est celle de l'accueil des nouveaux membres. Pour les Malgaches de passage ou avec les convertis, les premières présences au Temple sont toujours remarquables. En tout cas les leaders tiennent à créer une sorte de moment particulier pendant lequel, ils évoquent ces nouvelles présences. A CHAUCHAT, les nouveaux inscrits sont priés de se lever pour être vus de toute l'assemblée. A DANTON, le pasteur m'a offert une fiche à remplir pour pouvoir être compté parmi les siens. Ces comportements sont de véritables appels à l'adhésion qui déterminent les prochaines participations.

La gestion des premières présences des nouveaux venus par les leaders se fait donc par ces appels à l'affiliation. La participation dans la communauté paroissiale est alors modulée en plusieurs degrés, de la simple présence dominicale à la présentation de soi devant l'assemblée, dans une réunion de section ou avec un responsable du lieu. On peut participer aussi en tant que responsable de section ou simple membre de ces sections. Les premiers temps, les leaders savent que les gens ont besoins d'un maximum d'information sur le Temple et les activités (participations) existantes. Dans ce rapport de dépendance, les responsables cherchent avant tout à fidéliser ces nouveaux venus.

Le Temple est présenté comme une place commune, nouvelle pour celui qui est arrivé en dernier, mais aussi nouvelle par le fait que le dernier occupant est arrivé là bas et il fait partie de la communauté maintenant, ce qui renouvelle la communauté toute entière. Le pasteur précisait que « La présence des nouveaux donne toujours une nouvelle vie spirituelle (aim-panahy vaovao ho an'ny fiangonana) à l'église ». Et par dessus tout, le Temple est une nouvelle place car il se trouve « en terre étrangère » (an-tanin'olona).

Quelques caractéristiques du Temple sont décrites dans le petit livret « Ce qui fait la FPMA ». Ce livret qui est une présentation de la FPMA, démontre l'identité voulue (une auto-définition) de l'institution FPMA . « La FPMA est une église de mission et une église universelle, on peut voir cela de deux manières : géographiquement, l'église n'est pas déterminée sur un

seul lieu car elle se trouve partout. Et puis, il est de sa responsabilité de ne pas se fermer sur une seule mission (par exemple : uniquement pour les affaires religieux) car elle concerne la vie toute entière. Ces deux aspects évoquant son universalité sont visibles dans la vie de la FPMA ».105Un regroupement des anciens de la FPMA (Maintimolaly FPMA) est crée à Madagascar pour continuer la perpétuation des valeurs de cette institution.

La deuxième expérience démontrant le rôle particulier des leaders dans la création de ces lieux concerne le processus de validation d'un regroupement d'une communauté priante malgache par l'institution mère, la FPMA. Il s'agit de l'expérience des communautés malgaches de la rue DANTON. Selon le statut de la FPMA, il est du ressort d'un comité nommé Permanent et d'une assemblée nommée Synode Géneral de proposer, de décider de radier une paroisse. DANTON est une paroisse qui attend son adhésion à la FPMA, elle est déjà reconnue comme « assemblée » par l'institution mère. De nombreux fidèles de DANTON, jeunes majoritairement, se trouvaient avant dans la paroisse FPMA Montrouge (Val-de-Marne). Cette dernière était radiée de la liste des Temples FPMA car les leaders locaux avaient décidé de créer une nouvelle église en France, en important telle qu'elle l'église réformé de Madagascar. Le petit déplacement à DANTON est vu comme une grande chose marquante pour les fidèles et surtout pour les leaders. Répondant à ma question : « pouvez vous choisir deux ou trois événements qui vous ont marqués, des moments historiques de votre église? », le pasteur m'a répondu deux dates « le trois septembre 1999 et le quatre juin 2000 ». Le premier est la date du premier culte de ce qui va créer plus tard la communauté de DANTON (ce culte n'était pas fait à DANTON). La seconde date est l'ordination des pasteurs et la célébration du jubilée (40e anniversaire de la FPMA). C'est la première fois que les pasteurs de la FPMA ont été ordonnés. La première réponse met en avant la naissance de la communauté priante et la seconde valorise le poids symbolique des leaders des Temples, ce qui valorise ensuite la communauté qu'ils dirigent.

Dans l'histoire des Eglises à Madagascar, on trouve toujours cette image de Temple et avant- temple (ou « presque Temple »). Les premiers missionnaires distinguaient déjà les structures institutionnelles entre un « fiangonana » (église) et les « preaching-stations »106. Les premiers ont une durée et une permanence, les seconds sont provisoires .

Le pasteur de DANTON définit « l'assemblée » comme différente des paroisses (dans le langage officiel et folklorique, on a « Tafo » ou toit en français pour désigner les paroisses et « assemblée » pour désigner les communautés priantes qui ont émis la volonté de devenir FPMA).

105 Dans « Ce qui fait la FPMA ». p14.

106 Voir RAISON-JOURDE (1993), KOERNER (1994).

« L'assemblée est une église qui a encore besoin d'être dirigée (tantanana), elle n'a pas droit normalement à avoir des diacres comme dans les paroisses. Nous sommes sous encadrement du Temple de Paris (CHAUCHAT), mais on n'a jamais vu venir les responsables de ce Temple par ici. Ils sont préoccupés par leur problème ». Seuls les églises reconnues sont retenues comme officielles. Et elles devraient être reconnaissantes107 à leur tour vis à vis de la grande structure de l'église mère. Les leaders s'y impliquent pour pouvoir terminer le processus d'adhésion à la FPMA.

La troisième expérience est aussi démonstrative des rôles majeurs des leaders dans la mise en valeur du Temple . Le Temple est un espace social source de divers conflits et de problèmes sociaux pour la communauté qui s'y abrite. Je crois que l'expérience du conflit à CHAUCHAT (« l'affaire CHAUCHAT ») mérite d'être exposée. « L'affaire CHAUCHAT » a commencé par l'annonce des règles de l'élection des nouveaux diacres, ces responsables officiels des paroisses, en septembre dernier. Comme chaque paroisse à son propre Règlement intérieur108, les responsables ont défini des critères pour ceux qui peuvent voter et ceux qui sont éligibles. Ces critères sont vus par une partie des membres comme exclusifs et non démocratiques.

C'est à partir de là qu'est installée une instabilité. L'élection n'a pas eu lieu et un groupe se constituait en s'opposant au bureau en place. Ce groupe se constituait pour le report d'une nouvelle éléction et le changement des critères d'éligibilité et de droit au vote des diacres et aussi pour le renouvellement du bureau. Mais, les premiers organisateurs de l'élection se fixant sur le fait que la paroisse est indépendante et reconnue comme une association indépendante devant l'Etat français jouait sur cet élément pour limiter l'ingérence des personnes qui mettaient en avant l'appartenance de CHAUCHAT à la FPMA. Ils ont fait appel à la justice française qui leur a donné raison, l'ancien bureau est remis en place. Ils ont immédiatement organisé une élection en avril 2002.

« L'affaire CHAUCHAT » est un exemple de conflit qui impose son temps. Les leaders des deux groupes s'exprimaient devant la communauté chaque dimanche pendant ces six mois. Soit à travers des tracts distribués aux gens qui viennent au Temple, soit les cas échéants dans l'église devant tout le monde. Les deux parties s'échangeaient des mots durs. Chacun se proclamait légale. Tout est pris pour justifier sa position. Quelquefois, les « raisons » se trouvent dans le sermon. L'autre fois, une

107 Le pasteur RABARY, une des figures historiques du protestantisme malgache écrivait dans le journal missionnaire protestante malgache MPAMAFY, n°1 du janvier 1904 « Les fiangonana sont encore des poussins nouvellement éclos, des enfants encore au sein. L'époque actuelle est encore l'enfance pour ces Malgaches. S'il ya des gens qui nous excitent à nous séparer de ceux qui nous conduisent, ceux là nous trompent. Je vous dis chers membres des fiangonana malgaches, que si vous vous séparez des missions qui sont votre père/mère, vous resterez nains et finalement vous mourez étant encore petits ». (KOERNER 1994p 138).

108 Selon le statut FPMA

personne âgée bousculée par une personne du groupe adverse méritait d'être racontée à tout le monde. On assignait à l'autre groupe tous les maux sensés le représenter. Dans un des tracts1°9, je notais les mots qu'un des groupes ont choisi et écrit pour assigner l'autre : « direction intégriste », « agresseur », « fasciste », « secte », « intolérance », « fanatisme », « au temps des Talibans », « dictature », « ce qu'ils appellent leur « guerre sainte» (hetraketraka masina), « brigands », la liste est longue si on ajoute tous les mots des autres tracts.

Dans ce conflit, les deux parties tentent d'influencer les membres de la communauté priante réunis dans le Temple. Les membres du Temple suivent tous ces événements, non pas uniquement comme spectateurs mais aussi comme faisant partie prenante du déroulement de ces événements. Une fois, alors qu'un des leaders d'un groupe annonçait une nouvelle devant l'assemblée, une partie des gens qui approuvaient ont applaudi. Une autre partie rouspétait. C'était très animé et spectaculaire.

Je retiens de cette expérience quelques conclusions : le conflit

interpersonnel dans ce Temple a été une source d'interaction considérable. Les leaders créaient des moments pour pouvoir communiquer avec l'assemblée et le groupe adverse. Ils renforcent leur propre appartenance et attendent de l'autre une identification. Toute la communauté se structure de la sorte, sur une base conflictuelle. Les leaders tentent toujours à tout moment de l'existence du Temple de transmettre des idées et des valeurs qui méritent d'être défendues et peut-être aussi vécues. La communauté priante vit cette transmission d'une manière fortement conflictuelle comme ce qui s'est passé à CHAUCHAT. La communauté est donc en structuration permanente et les éléments figés dans les statuts ne peuvent pas annoncer la face dynamique (constat) de la réalité de la communauté. Le groupe dominant cherche à garder sa place dans l'adversité. Si le conflit a l'apparence première de diviser les gens, ici, on remarque que c'est ce conflit qui crée une dynamique de rassemblement.

Les conflits au sein des Temples existent aussi à Madagascar. Il s'agit surtout des conflits entre ceux qui se disent « fondateurs » du Temple et ceux qui par l'efficacité de leur leadership ou par opportunité arrivent aux postes à responsabilité au sein des Temples. Bref, un conflit à l'intérieur d'une communauté d'immigrés est toujours perçu comme différent d'un conflit qui aurait pu se passer dans un temple quelconque à Madagascar. Leur résolution peut être aussi différente11°.

109 Tract en avril 2002 distribué à la sortie du Temple. Intitulé « F3'F » (fifankatiavana, fahamarinana, firaisana : littéralement, amour, vérité, unité)

110 « Le patronage de l'élément andriana [de la noblesse mérina] (pouvoir d'un leadership traditionnel historique), était estimé essentiel dans la réussite du projet (église) et on lui laissait entendre qu'il se devait de donner un terrain et de se muer en Mpitarika [dirigeant le rite cultuel] de la congrégation » RAISON-JOURDE (1993) p359.

Des Activités De Regroupement

Les deux Temples offrent des activités connexes aux cultes dominicaux. A travers les sections et autres regroupements au sein de chaque Temple. Ces activités ne se situent pas directement dans la partie religieuse car elles cherchent plutôt à satisfaire les désirs de regroupement communautaire des membres. Les chorales par exemple se voient deux fois toutes les semaines, de même que les scouts. Les Temples proposent aussi des rencontres hors du Temples comme les excursions111. Ces moments sont remplis de commémorations. On essaie de reproduire les manières de travailler à Madagascar et les occupations de chacun dans les différentes sections. Mais quand les gens reproduisent le contexte local, les contingences de l'histoire font qu'ils produisent inévitablement des nouveaux contextes112.

La langue malgache reste la langue utilisée lors de ces activités connexes. Les leaders cherchent à transmettre les valeurs défendues par la FPMA, à savoir, en particulier, la réalisation de la culture malgache. Cet aspect est aussi constatable dans les quelques tâches réalisées par le pasteur pendant la semaine : il s'agit de visiter les membres de l'église, de se mettre en relation tous les membres, donc d'être une personne pivot de la relation interpersonnelle dans le Temple. Relier chacun dans une « grande famille » paroissiale (fianakaviambe) pour essayer de vivre une idée de parenté universelle : le « fihavanana »113.

Ces activités de raccrochement ont une importance pour les protestants qui n'ont pas mis une importance fondamentale à la pratique cultuelle114.j'ai remarqué que les gens arrivent massivement au Temple pendant les grands événements uniquement. A CHAUCHAT par exemple, un dimanche ordinaire regroupe entre 120 et 200 individus alors que dans les dimanches où on prend la sainte cène, le Temple peut arriver à regrouper jusqu'à 500 individus.

Ces activités de racrochement ne sont jamais indépendantes des valeurs partagées sous le Temple. L'offre sociale de l'institution religieuse s'aligne et se confond avec les autres offres sociales existantes à Paris. La présence dans le Temple est aussi donc une manière de vivifier ses autres filiations : les amitiés, les mariages, les affaires commerciales et les réseaux du marché de l'emploi se trouvent en partie dans les Temples. Une étude plus approfondie des réseaux sociaux existants à Paris

111 A CHAUCHAT, deux excursions ont eu lieu dans un intervalle de temps de cinq mois.

112 Voir SAHLINS (1989) et aussi APPADURAI (1996)

113 Il est très difficile de définir cette notion de fihavanana, mais elle contient généralement l'idée d'amitié, d'alliance et de paix. C'est à la fois une valeur que beaucoup de Malgaches croient et c'est surtout une idée véhiculée dans les discours. BOUILLON (1981) critique aussi cette notion : « Mais qu'est ce que ce « fihavanana »? L'étranger avance le concept d'amitié, mais le fihavanana, lui dit-on, est « autre et mieux » Alors est-ce du « parentalisme »? En fait c'est moins et plus (c'est essentiellement du Fraternalisme humanitaire) ». p344.

« L'assistance au culte n'ayant aucune caractère d'obligation dans la théologie protestante »

WILLAIME (1998 p51)

114

permettra certainement de distinguer les différentes stratégies d'affiliation des Malgaches dans la Capitale française.

2.2.3 Une facette idéologico-politique

La Régulation Du Croire

Un des rôles majeurs des leaders est de rendre religieux cette croyance et son organisation communautaire. Cela nécessite des structures matérielles et des outils idéologiques appropriés. En plus, les leaders communautaires au sein des Temples ne sont pas les seuls leaders référencés et influents pour les membres115. Le religieux peut se trouver partout et hors de toute influence des Temples.

Les membres de la communauté priante sont présents pour croire (adhérer à certaines croyances). Ils sont là pour croire à Dieu et aux principes du protestantisme116. Je rappelle les deux principes du protestantisme selon Jean BAUBEROT qui sont « un, le principe formel » : l'autorité souveraine de l'Ecriture en matière de foi. Deux, le principe matériel, la justification par la foi (ou le salut par la seule grâce) »117. Ils sont présents pour que l'institution puisse leur offrir des marques de leur croyance. La FPMA leur offre des identités à la fois religieuse et communautaire. Le livret « Ce qui fait la FPMA » et le statut de l'institution offrent les éléments de ces identités.

Toutes ces croyances sont là pour être prises par les membres, tels des offres gratuites étalées sur un support visible. Comment sont elles régulées? La FPMA au niveau global, s'est muni d'un armement managériale. Le ton est donné dans le livret « ce qui fait la FPMA » qui parle de l'institution comme étant sans le traduire un « Learning organization » avec utilisation de l' « évaluation »118 et d'une structure performative. Des activités et rituels sont créés pour gérer les membres à devenir plus « ouverts », plus impliqués dans le Temple. La présence dans les Temples doit respecter les nouveaux codes de conduite attendue. Les nouveaux venus doivent apprendre les comportements et les informations que tout le monde doit avoir.

115 Ici, je fais allusion aux leaders ethniques des différents membres des Temples ou des Temples eux-mêmes.

116 Voir la profession de foi dans le statut de la FPMA.

117 BAUBEROT (1988) « Le protestantisme doit-il mourir? » p190

118 Pp14-15 FPMA comme « self reliance », « self gouverning » et « self propagating »

La légitimité Du Croire

Il y a d'abord cette volonté de s'inscrire dans ce que la FPMA appelle « le sceau de l'universalité »119. C'est l'idée de la participation au niveau international et l'idée d'être reconnue au niveau mondial. Il s'agit d'une validation du croire au niveau global. C'est pour cette raison que la FPMA s'est affiliée à plusieurs grandes organisations mondiales notamment la Fédération Protestante de France en 1979, la Fédération Luthérienne Mondiale et l'Alliance Réformée Mondiale en 1999. Elle est aussi affiliée au niveau national à la Fédération des Eglises Protestants de Madagascar (avec l'église réformée malgache, l'église luthérienne et l'église anglicane à Madagascar). En s'efforçant de se faire connaître comme rassembleur des différentes tendances protestantes à Madagascar, elle semble être reconnue comme seule église protestante malgache hors de Madagascar120.

Par ailleurs, l'implication de la FPMA dans les activités politiques malgaches121 témoigne non seulement de sa volonté de se démarquer d'une simple institution religieuse mais aussi de se faire entendre au niveau international en particulier de la vie politique et culturelle malgache (le choral de Chauchat s'est déplacé à Antananarivo pour faire une levée de fond afin de contribuer à la construction du Palais de la Reine brûlé en 1996) . Ce qui fait que l'identité politique des membres de la FPMA est alors marquée à l'attachement à un territoire : au Temple mais aussi à la Grande Ile.

L'adhésion à des structures plus fortes au niveau mondial, les quelques prises de position politique faites par la FPMA sont des actions menées par la FPMA pour pouvoir maintenir l'aspect légitime de leur existence. C'est une caractéristique forte de l'offre institutionnelle de la FPMA.

On a vu dans ce chapitre, la part des actions des leaders dans la création, la réalisation et l'orientation d'une offre communautaire. On a aussi démontré que la construction communautaire perçue à travers la face institutionnelle de la FPMA et incarnée par les leaders est une construction communautaire inégalitaire et conflictuelle.

Cette inégalité -non singulière- vient en partie de l'offre institutionnelle et elle est conditionnée par les conditions d'existence des communautés priantes protestantes (conditions d'existence à/de Madagascar et conditions d'existence actuelle en France). Les Temples dans leur aspect institutionnel et territorialisé sont devenus des créateurs de communautés

dont l'exposition des dominants est renforcée symboliquement par le fait que le regroupement communautaire est fait sur une base à priori religieuse. Comme CRENN l'a remarqué, le Temple « sera également le lieu de l'identification aux dominants »122, ou du moins un lieu ou le rapport de domination perdure.

Les conditions d'existence des offres institutionnelles sont aussi importantes que les offres elles mêmes. Décrites par les leaders, ces offres sont produites de la formation de la communauté priante au sein des Temples. On a une « communalisation sociétaire » selon les termes de WEBER. La communauté vit un apprentissage d'institutionnalisation permanente. Les activités socioreligieuses distribuées dans des échelles de regroupements sont sous contrôle des leaders. La transmission de l'héritage cultuel est alors faite par ces leaders où ils tiennent à la fois le rôle de celui qui donne une image référence de l'entre soi confessionnel et aussi l'image du catalyseur des différentes mémoires collectives du groupe.

Les Temples FPMA sont devenus pour les leaders une création et un continuum d'un mode de croire particulier. Leur offre n'est pas seulement institutionnelle, elle est globale. Les membres constituent la communauté priante en s'appropriant et en se mettant en rapport avec leur culture. Avec les supports idéologiques élaborés ou véhiculés par les leaders, les membres peuvent comprendre et vivre leur identité confessionnelle et de marquer cette distinction. Une interdépendance se crée à l'intérieur du Temple et cette interdépendance décrit l'offre globale offerte par la communauté du Temple. Les leaders ont leur part dans la formulation des offres institutionnelles et communautaires du lieu, ils n'ont pas le monopôle.

122 CRENN (1999), p167.

Chapitre 3 : RESULTATS SUR LES JEUNES ENQUETES

Dans ce chapitre, je cherche à analyser les attitudes des jeunes vis à vis des Temples et des offres institutionnelles dans lesquelles la part de participation des leaders a été démontrée lors du chapitre précèdent.

Comment les jeunes perçoivent-ils leur affiliation communautaire? Sur quelles frontières délimitent-ils l'existence des Temples et de la communauté confessionnelle dans leur vie quotidienne?

La problématique concerne la structuration communautaire. Maintenant il importe de déterminer ce qu' en font les jeunes de cette structuration. Est- ce que c'est autour du Temple que s'organise vraiment la communauté? Comme l' institution religieuse propose une offre communautaire, comment se fait-il que certains jeunes prennent le religieux et pas le reste de l'offre? Et que d'autres jeunes prennent juste l'affiliation communautaire mais pas le religieux?

Il est important aussi de savoir qui sont ces jeunes? Ils sont différents : des primo arrivants, des enfants d'immigrés et de simples jeunes de passage. Les réponses qu'ils ont offertes mesurent les raisons pour lesquelles ils sont présents dans les Temples. Ces réponses seront considérées comme étant des paroles qui viennent après l'émigration (la condition d'énonciation). Je remarque toutefois que les jeunes n'ont pas les mêmes ressources pour produire leur propre récit croyant.

3.1 LES TEMPLES ET LA DIVERSITE DES HISTOIRES

3.1.1 Une Affiliation Communautaire

L'affiliation à une communauté définie par un style de vie cultuelle peut être illustrée par une jeune fille, ENDRIKA, 27ans, qui travaille en tant que jeune fille au pair chez une famille malgache protestante qui va régulièrement au Temple de Chauchat. Elle a vécu avant de rencontrer cette famille, une vie cultuelle protestante particulièrement épisodique ; par ce biais, elle a eu accès aux réseaux et aux lieux de rencontre des Malgaches protestants dans cette ville où elle est venue résider : Paris. La rencontre avec cette famille a beaucoup changé sa vie, ce réseau est devenu son cadre de relations sociales et partiellement son milieu professionnel.

« J'ai découvert un milieu que je ne connaissais pas, et à la limite, je trouvais ça sympathique. En fait, c'était un milieu où cette famille était connue depuis quelques années. J'étais l'employée attitrée de Untel, c'est tout. Je trouvais ça très convivial, très sympa. Quand j'ai changé d'emploi après, j'y suis toujours retournée, je me suis rendue compte qu'en fait Chauchat me va très bien. Je crois sincèrement que j'assume bien ma présence dans ce Temple mais j'assume très mal mon milieu.

Actuellement, je travaille en tant que fille au pair dans une famille française (non protestant) et c'est un tout autre milieu, j'ai dû discuter fortement avec eux pour qu'on me libère le dimanche. Un ami de Chauchat n'a pas eu tort de me dire un jour que « Si t'assume pas ton milieu, c'est que tu t'assumes pas complètement en tant que malgache protestante ».

La question de l'affiliation communautaire se pose en termes de recherche d'une cohérence de l'expérience autour de l'attribut central de l'identité, constitué par la cultualité protestante. Malgré la critique qu'elle porte au milieu dans lequel elle se trouve, elle s'y affilie car, en dehors de la vie de travailleur immigré qu'elle mène, c'est pour elle la seule façon d'être malgache protestante pratiquante de venir toutes les dimanche à Chauchat.

A ces yeux, la « malgachitude » est une réalité dont toute la communauté religieuse malgache doit tenir compte. Pour permettre l'existence d'une identité et un mode de vie cultuelle, elle considère qu'il est nécessaire d'adopter des attitudes et comportements adéquats. Cela l'a conduit dans son travail de fille au pair à toujours prier « tout le temps » et à mettre dans son emploi de temps hebdomadaire des moments de rencontre pour prier avec des co-religionnaires de Chauchat. La présentation de soi comme personne responsable, porteur de la réalité d'une communauté, va de pair avec la désignation d'un autrui anormal qui ne se conforme pas aux attentes d'«un bon chrétien ». Pour identifier cet autrui anormal, elle épouse le préjugé à l'égard des immigrés « ghetthoïsés » et le préjugé de certaines autorités religieuses à l'égard des non pratiquants. Cela lui fournit des principes pour associer la cultualité à des situations sociales particulières.

« Plus on se sent immigré, moins il y a de fidélité aux cultes. Moi, je me sens d'abord comme chrétienne, et ma présence dans les réunions cultuelles malgaches est pour marquer la différence entre les fidèles et les infidèles à la foi protestante. Au travail, seule, j'ai pas de problème particulier comme d'autres peuvent en avoir avec leur employeur».

L'anticipation d'une non intégration à venir pour les autres (« infidèles ») sert d'argument pour souligner l'importance de l'affiliation à une communauté et pour revendiquer une normalisation des conduites autour d'un style de vie intégrant des pratiques cultuelles.

La rationalité des comportements de ces jeunes pour qui l'affiliation communautaire est le premier rôle des Temples tend à aboutir à l'adhésion à celui-ci caractérisée par une condition cultuelle partagée, et à l'adoption d'un style de vie et de manière de penser. Parce qu'elle engage son identité, cette adhésion peut être définie donc comme une véritable affiliation sociale de l'individu. L'inscription de la communauté malgache

(ou cultuelle malgache) dans l'ensemble social passe par des présences dominicales dans les Temples.

Pour d'autres, le Temple est un complexe d'engagement. Pour MITIA, 24ans, étudiante, le Temple est une « aide qui me soutient dans ma vie en France, il m'incite à un surcroît de fidélité pour le Seigneur et ma patrie ». Les temples sont alors perçus comme rassembleur de repères pour se situer. Pour elle, c'est la certitude qu'elle appartient à la communauté du Temple. Il n'y a pas de contradictions apparentes dans les contenus de ses croyances. C'est une sorte de ré affiliation communautaire où les jeunes s'engagent dans les activités proposées par le Temple.

3.1.2 Une Ségmentation De l'Expérience Sociale

Le cloisonnement entre des sphères de relations sociales peut être illustré par l'expérience de LUCIEN, 24 ans. Travaillant seul dans une banlieue parisienne en tant que livreur, il prend part aux activités communautaires locales : fêtes, sports et autrefois études. Depuis une année il est en situation irrégulière en France. En dehors de son lieu de vie, il a des relations cultuelles occasionnelles avec les Malgaches protestants de Danton. Il rencontre également des Malgaches et particulièrement des protestants malgaches des autres Temples protestants à Paris, lors des fêtes malgaches et dans sa profession car ils sont nombreux dans ce domaine. J'ai observé que le parking de Danton abrite lors des cultes une dizaine de voitures de livraison que les Malgaches utilisent pour se rendre au Temple.

Pour lui, ses présences au culte peuvent s'insérer dans les catégories culturelles du milieu dans lequel il vit et il travail. « Mes parents, il me semble que pour eux la vie chrétienne n'existe pas. Quand j'habitais chez eux, tous mes amis ne sont pas des pratiquants dominicaux et ils ne sont pas tous malgaches. Ils en ont apprécié certains de mes amis. Ils ne m'ont jamais fait aucune reproche lorsque nous n'étions présents au Temple que lorsqu'on a rien à faire les dimanches, et encore ». Si les pratiques cultuelles ont essentiellement lieu en dehors de son milieu local de vie, ses pratiques peuvent également se glisser dans les interstices du jeu social de façade et des non-dits d'une communauté d'individus partageant le même territoire. « Disons que j'étais un infidèle aux pratiques cultuelles, en même temps je ne me suis jamais caché, je vais au Temple quand j'en ai envie et que la disponibilité était là car il faut le dire que je travaille quelquefois les dimanches. Les gens le savent, mais dans la mesure où je ne cherche pas à m'absenter trop longtemps dans nos rendez-vous hebdomadaires, ça ne pose pas problème, je n'ai jamais eu aucune reproche, aucun mot, aucune allusion venant du Pasteur. »

différents contextes dans lesquels il agit et par une adaptation aux principes qui les caractérisent. Ainsi, sa réussite économique, socialement valorisée dans la communauté malgache, témoigne de valeurs partagées comme l'effort et le dépassement de soi. Sa participation aux cultes, à l'entraide entre malgache, tout en créant un tissu d'interdépendances, indique que sa réussite s'accompagne du respect des codes de voisinage. Ce subtil dosage et ces liens crées empêchent des stratégies d'accusation de prendre forme et ses non pratiques cultuelles d'être sélectionnées comme argument de discrédit. Tout en participant à un groupe, il ne s'affilie pas totalement à lui : il est livreur avec les livreurs, malgache avec les Malgaches et immigré avec les immigrés. Mais il n'est jamais l'un ou l'autre, ni à plus forte raison l'un et l'autre. En participant à plusieurs groupes, il affirme son indépendance à l'égard de toute affiliation exclusive : cela vaut pour le voisinage, cela vaut aussi pour les réseaux socio ethniques ou protestantes qu'il fréquente. L'enjeu pour lui consiste à préserver une segmentation entre ses différentes expériences sociales et à maintenir une réussite économique qui assure une protection de son style de vie. Etre immigré en situation irrégulière est une situation qu'il ne peut pas envisager car elle remettrait en cause cet équilibre.

Je considère aussi comme faisant partie de ceux qui vivent cette segmentation de l'expérience sociale, RAVO, 23ans. Pour lui la communauté priante est juste comme il l'a dit « une communauté d'accompagnement » quand il en a besoin et au sein de laquelle il marque ses différences voulues. « Quelques fois il est utile de se faire remarquer comme étant de CHAUCHAT, quelques fois non ». Les Temples donnent des empreintes, parmi d'autres marqueurs, de l'expérience de vie menée ici en France. Le temple a une fonction presque décorative alors pour lui. Le sens de l'expérience vécue à CHAUCHAT est accessoirement religieux.

3.1.3 Des Expériences Sociales Contradictoires

L'association de l'état d'immigré malgache et de croyant protestant pratiquant peut être utilisée comme une ressource culturelle pour réconcilier des expériences sociales contradictoires. Cela prend appui sur un effet d'équivalence culturelle : la fidélité aux cultes dans les Temples protestants parisiens observés en vient à être l'attribut d'une identité malgache alors que sans cet attribut, cette identité ne parvient pas à être comprise ou reconnue. Je rappelle que l'histoire de l`immigration malgache en France nous enseigne l'arrivée en masse des protestants malgaches et particulièrement des gens des Hautes Terres, les Mérinas.

Cette relation d'attribution fonctionne à double sens. Etre Malgache dans ces Temples parisiens , c'est être pratiquant protestant et être Merina. A l'inverse, la figure de celui qui n'est pas pratiquant protestant semble être à la fois un non Mérina comme en témoigne le récit d'une jeune fille (TINNE, 20 ans, parents à Madagascar) que j'ai rencontrée à Chauchat. Elle n'est pas protestante et a un père non Merina. Elle a dit:

« Par rapport à mes parents, j'ai l'impression d'avoir une identité flottante. C'est tellement dans l'esprit des gens qu' être protestante malgache et immigré mérina sont liés qu'ils oublient la diversité des pratiques culturelles et cultuelles à Madagascar. Je sais qu'ils m'ont éduqué pour que je puisse m'adapter à toutes les situations mais il y a des choses qui devraient changer. On est tous des immigrés malgaches et moi je suis catholique. Ma présence au Temple dimanche dernier n'est pas fortuite. J'y étais parce que j'ai des amis qui sont là bas et je connais la liturgie protestante. Si mes parents m'ont éduquée ainsi c'est parce qu'ils veulent que je sois reconnue comme malgache et que j'en sois fière». Les parents manipulent cette équivalence culturelle pour attribuer conjointement une pratique cultuelle protestante et une identité malgache (mérina) à leur fille. A la fois ils veulent faire accepter son origine non protestant dans la limites étroites d'une meilleure intégration dans le Temple protestant. On trouve là une expression que GOFFMAN (1975)123 qualifie de stigmatisation honoraire d'un individu que « la structure sociale lie à une personne affligée d'un stigmate, relation telle que, sous certains rapports, la société en vient à les traiter tous deux comme s'ils n'étaient qu'un ». C'est dans ce cas, la qualité attribuée à un type général d'individus immigrés malgaches non protestants qui se reconnaissent entre eux.

Pour TINNE, la communauté du Temple est une communauté d'« une minorité migrante ». Le respect des normes sociales occidentales est naturel pour elle et les responsables du Temple semblent bien contrôler cet aspect.

La présence au Temple est aussi une expérience contradictoire pour TRISTAN, 25 ans. Pour lui c'est la communauté du Temple qui constitue son identité malgache. « C'est là-bas que je continue ma vie en tant que malgache »124. Aussi, il s'attache au Temple parce que l'expérience religieuse en elle-même est importante pour lui. L'institution religieuse est ici perçue alors comme une institution offrant un ensemble cohérent de « données religieuses » et une croyance à son existence sociale. Malgré ses comportements de croyant pratiquant, il a conscience de la fragilité de son affiliation.

123 E.Goffman (1975) »Stigmates. Les usages sociaux des handicaps » Paris, Minuit.

124 Alors que pour d'autres, c'est le tombeau, la parenté...

Chapitre 4 : CONCLUSION

A supposer que l'offre des Temples puisse se constituée en une offre sociale globale et que l'attente des membres des Temples (ici, j'ai choisi les jeunes) n'est pas unique et uniforme. Est ce que les offres communautaires proposées par les leaders religieux à travers les Temples répondent aux attentes des jeunes? L'expérience de cette recherche ne permet pas de tirer une réponse concluante par contre elle nous a permis d'avoir quelques nouvelles hypothèses qui mériteraient d'être travaillées de nouveau et quelques figures des perceptions des jeunes et des leaders sur leur temple.

La présence dans les Temples n'est pas seulement déterminée socialement par les offres mais elle est aussi déterminante pour les individus. En tout cas les Temples sont producteurs d'identité communautaire.

L'organisation de la religion et la présence des migrants malgaches dans ces Temples suivent effectivement une construction communautaire qui combine à la fois une religiosité définie par l'encadrement institutionnel, une construction communautaire à teneur et référence nationaux et à une croyance à une communauté unique malgache.

Ma population d'enquête, limitée aux jeunes, a certainement contribué à circonscrire une image de la vie confessionnelle des membres de ces Temples protestants étudiés. Elargir l'étude à des types sociaux diversifiés -suivant les générations, suivant les lieux d'origine à Madagascar, suivant la profession, suivant d'autres confessions religieuses- aurait permis de voir un approfondissement de mon sujet et de mieux marquer par exemple l'écart entre les discours de deux générations démographiques différentes ou l'écart d'attitude entre les nouveaux venus et les « établis ».

Par ailleurs, la communauté qui se trouve dans le Temple gère à sa manière la mémoire du groupe. Quelques fois l'assemblée donne une « nostalgie collective » , elle arrive à maintenir gelées les images du passé (ou du « non-lieu ») et les règles de conduite héritées des fondateurs ou véhiculées par les imaginaires de chacun sur Madagascar. Il se trouve qu il n'y a pas de continuité forte entre les générations de Malgaches migrants en France si on se limite à cette recherche.

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- RALIBERA, Daniel. Recherche sur la conversion de RANAVALONA II. In Omaly sy Anio, N : 5-6, pp303-312.

- RANDRIAMARO, Jean-Roland. PADESM et luttes politiques à Madagascar. De la fin de la deuxième guerre mondiale à la naissance du PSD. Paris : Karthala, 1997.

- RAVELOMANANA, Jacqueline. La femme et la politique. In Recueil de recherches, Ministère de la culture et de l'art révolutionnaire, p63, 1985.

- RAVELOMANANA RANDRIANJAFIMANANA, Jacqueline. Histoire de l'éducation jeunes filles Malgaches du 1 6è siècle au milieu du 20è siècle. Antananarivo : TPFJKM Imarivolanitra, 1995.

- REITTER, Roland, RAMANANTSOA, Bernard. Pouvoir et politique. Au-delà de la culture d'entreprise. Paris : Mc Graw-Hill, 1985.

- SAH LINS, Marshall. Des îles dans l'histoire. Evreux : Le Seuil, Gallimard, 1989.

- SAYAD, Abdelmalek. Les trois « âges » de l'émigration algérienne en France. In Actes de la Recherche en Sciences Sociales. N°15, 1997.

- THOM PSON, Virginia, RICHARD, Adolf. The Malagasy Republic : Madagascar today. Palo alto : Stanford University Press, 1965.

- TRIGANO, Shmuel. Qu'est-ce que la religion? Paris : Flammarion, 2001.

- TRIPIER, Maryse. L'immigration de la classe ouvrière en France. Paris : L'Harmattan, 1990, 310p.

- VOETZEL, René. Les protestants s'ils vont au culte. Paris, 1985. - WEBER, Max. Economie et société. Paris : Plon, 1994.

- WILLAIME, Jean-Paul. Sociologie des religions. Paris : PUF, 1998 (2e édition), 127p.

GUIDE D' ENTRETIEN POUR LES JEUNES

1- introduction

objectif de la recherche, anonymat et neutralité, durée environ 40 minutes, sujet, petite présentation de soi

2- signalétique

sexe, âge, niveau d'étude, activité, année d'entrée en France, nombre de retour à Madagascar depuis le premier arrivée en France.

3- Choix du lieu de culte

églises fréquentées en France

durée de présence dans la dernière église types de participation et d'adhésion

mode d'entrée en contact avec l'église

raisons du choix de l'église

Présence de parents ou famille dans ce Temple conséquences (satisfactions et insatisfactions)

4- Perception du lieu de culte

normes et fonctionnement (rôles, participation, horaire...) description des co-religionnaires pendant le culte

les activités de l'église pour les jeunes

5- Perception des expériences cultuelles personnelles

préliminaire : activités de préparation, mode de déplacement...

liminaire : liturgie, processus, quel est le moment important dans la liturgie? Expliquer pourquoi?

Postliminaire : activités après le culte (comportements...)

autres volets ou temps religieux ou spirituels hors de l'église (usages quotidiens...)

6- Vision de l'avenir

projet individuel

Perception des rapports avec Madagascar (usages de la langue, va-et- vient, politique, traditions, valeurs...)

Guide d'entretien pour les leaders

1-Introduction

objectif, anonymat, neutralité, pour une durée 40 minutes, sujet

2- Signalétique sexe, situation du leader, parcours individuel (en tant que leader)

3- Histoire des institutions (offre et structure)

historique globale de la fpma: protestantisme, ramification et réseaux histoire du fonctionnement de l'église, organigramme, schéma des prises de décision et des plans de communication

Commentaire sur les pratiques religieuses (liturgie)

des temps historiques marquants

4- Public

Qui

situation actuelle

participation (type et niveau)

GUIDE D'OBSERVATION DES PAROISSIENS DU DIMANCHE

- premier temps d'observation : le pré-liminaire ( la rentrée, rue devant l'église, à l'intérieur de l'église

niveau d'observation

éléments à observer

- individuel

- couple/tandem - groupe (famille)

- jeunes/non jeunes

- malgaches/ non malgaches - femmes/hommes

QUI? fait QUOI? COMMENT (c'est à dire? détails)?OU?

comportements/attitudes(regroupement) temps et sa gestion/attente

activités réalisées

éspace/présence

- deuxième temps d'observation : le liminaire (pendant la liturgie dans l'église

niveau d'observation

éléments à observer

- individuel

QUI (choisis)? fait QUOI? COMMENT (c'est

- couple/tandem

à dire? détails)? OÙ?

- groupe (famille)

 
 

comportements/attitudes (regroupement)

- jeunes/non jeunes

temps et sa gestion/attente

- malgaches/ non malgaches

activités réalisées

- femmes/hommes

espace (salle)/présence

- leaders

 
 

contenu des messages (prêche)

- troisième temps d'observation : le post-liminaire (la sortie, rue devant l'église et à l'intérieur de l'église

niveau d'observation

éléments à observer

- individuel

QUI? fait QUOI? COMMENT (c'est à dire?

- couple/tandem

détails)? OÙ?

- groupe (famille)

 

- jeunes/non jeunes

comportements/attitudes (regroupement)

- malgaches/ non malgaches

temps et sa gestion/attente

- femmes/hommes

activités réalisées

- leaders

espace/présence

LA PROFESSEUR MARYSE TRIPIER

tripier@paris7.jussieu.fr

Maryse Tripier, directrice adjointe de l'URMIS est Professeur de sociologie à l'Université de Paris7 - Denis Diderot. Elle a participé activement dès les années 70 au développement du domaine de la sociologie de l'immigration et des relations interethniques en France. Elle est co-fondatrice du DEA "Migrations : Espace et Société".

Elle joue un rôle actif dans la vie collective de la discipline : membre du CNU 19ème section pendant 12 ans, membre de la direction de l'Association des Sociologues de l'Enseignement supérieur, membre de divers conseils et institutions dans l'université.

Ses domaines de recherche sont :

- La place des immigrés dans la classe ouvrière en France, le rôle des syndicats dans l'intégration des ouvriers étrangers.

- Le devenir scolaire et social des enfants issus de l'immigration.

- Participation aux travaux du groupe de travail de l'URMIS sur les discriminations " ethniques ".

Recherches en cours : projet de manuel à l'intention d'un public étudiant.

Quelques uns de ses publications récentes :

- (avec Véronique de Rudder et François Vourch) «Foreigners and immigrants in the french labour market: structural inequality and discrimination» in Migrants, Ethnic minorities and the labour market (integration and exclusion in Europe) edited by John Wrench, Andrea Rea and Nouria Ouali, Macmillan Press, 1999, pp72-92

- «étranger», «immigration», «migration», «relations interethniques» entrées de dictionnaire in Vocabulaire critique de sociologie, sous la direction de P.Ansart et A.Akoun, collection Le Seuil/Le Petit Robert, septembre 1999

(avec Jean-Luc Richard) « Les travailleurs immigrés en France : Des trente glorieuses à la crise» in Immigration et Intégration: l'état des savoirs. Sous la direction de Philippe Dewitte , La Découverte, mars 1999, pp173-185

- «billet» sur l'usage des statistiques « ethniques ». in Hommes et Migrations, juin 1999.

- (avec Valérie Simon) : «Immigrés en France:La longue marche vers l'égalité?» in Images et mouvements du siècle chronique sociale, publication de l'Institut d'Histoire sociale de la CGT», tome 3

- "Des trente glorieuses à la crise: les travailleurs immigrés sur le marché du travail", in P. Dewitte (dir), Immigration et intégration : l'état des savoirs, Paris, La Découverte, 1999,

- "La population étrangère en France; Principales évolutions des années soixante aux années quatre-vingt", Analyses et documents économiques, coll. Cahiers du CCEE de la CGT, 1998.

- "L'immigration dans la classe ouvrière en France : quelques propositions", Société Française. Cahiers de l'IRM, 1998 avril-juin, p. 28- 35.

- (avec Aubert France, et Vourc'h François) (Eds.), Jeunes issus de l'immigration. De l'école à l'emploi, Paris, L'Harmattan-C IEMI, 1997.

A paraître

(avec Andrea Rea) Sociologie de l'immigration, La Découverte, collection Repères






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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry