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La corruption dans la gestion des deniers publics à Cotonou: Analyse socio-anthropologique de la persistance du phénomène

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par Vinagbo Barnard AGBANGLA
Université d'Abomey-Calavi - Maîtrise en sociologie-anthropologie 2008
  

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Deuxième partie : Dynamique de la corruption

CHAPITRE I : DU JEU DES ACTEURS

La persistance de la corruption peut s'appréhender suivant deux axes essentiels entre lesquels se trouvent des passerelles de complémentarité. Elle est à la fois le résultat du jeu d'acteurs, largement favorable aux acteurs de la corruption et de certaines contraintes structurelles nous instaurant dans le cercle vicieux de la corruption.

1. Typologie des acteurs de la lutte contre la corruption

Les dispositions en vigueur en République du Bénin définissent trois niveaux de contrôle destinés à lutter contre la corruption : les contrôles administratif, parlementaire et judiciaire. Deux catégories d'acteurs se mobilisent pour l'effectivité du contrôle à ces trois niveaux. Il s'agit des acteurs non étatiques et des acteurs étatiques qui ont leurs approches spécifiques d'intervention, leurs moyens de mise en oeuvre et qui nouent des interactions entre elles.

1.1. Les acteurs non étatiques

Il s'agit essentiellement des organisations non gouvernementales qui ont explicitement pour objectif de combattre la corruption. Il est vrai qu'une pluralité d'acteurs intervient, d'une manière ou d'une autre dans la lutte contre la corruption mais il n'y a que quelques ONG qui ont explicitement pour objectif de combattre la corruption et qui y travaillent véritablement. Les données recueillies font état d'une dizaine d'ONG qui oeuvrent effectivement à cette fin à Cotonou. Au terme du forum national des organisations de la société civile de lutte contre la corruption tenu en 1998 à l'initiative de la CMVP, les ONG luttant contre la corruption ont convenu de mettre sur pied le front des organisations nationales de lutte contre la corruption (FONAC) qui devrait être une organisation faîtière. Si aucune des organisations fondatrices

du FONAC n'en a démissionné jusque là, il n'en demeure pas moins que la quasi-totalité de ces ONG ont gardé leur autonomie, définissent leurs activités et mobilisent les ressources à cet effet. Elles s'investissent essentiellement dans la détection et la dénonciation publique des actes de corruption grâce à leurs militants qui sont dans l'administration et qui leurs fournissent toutes les informations utiles à cette fin avec les preuves y afférent. Une fois les informations recueillies, ces organisations se rapprochent des mis en cause pour avoir leur version des faits. Si au terme des échanges aucun reproche n'est fait au mis en cause ou si les faits reprochés sont des faits mineurs susceptibles d'être réparés, l'affaire est classée sans suite. Le cas échéant, elles procèdent à la dénonciation publique afin d'informer l'opinion publique et d'inciter les pouvoirs publics à prendre leurs responsabilités pour que le préjudice causé à l'Etat puisse être réparé. Les ONG intervenant dans la lutte contre la corruption sont confrontées, dans leur fonctionnement, à deux types de difficultés : la mobilisation des ressources humaines (tant en ce qui concerne les informateurs au sein de l'administration publique qu'en ce qui concerne l'analyse des informations recueillies et des procédures à suivre) et la mobilisation des ressources matérielles et financières. En effet, dans la plupart des cas, le personnel permanent des ONG se limite à une secrétaire et à un responsable aux affaires juridiques quand il ne s'agit pas simplement d'une secrétaire comptable. En ce qui concerne le financement, les bailleurs de fonds étrangers, en l'occurrence l'USAID, le PNUD, les Ambassades du Danemark et des Pays Bas de même que la Coopération technique Allemande, restent les principaux partenaires. Chaque organisation mobilise ses ressources financières sur la base de ses relations et de la nature des projets qu'il entend conduire. Par ailleurs, les ressources mises à leur disposition par les bailleurs de fonds ne sont pas des frais de fonctionnement et ne sont pas destinées à assurer leurs investigations. En l'absence d'une stratégie nationale de mobilisation de ressources au profit des ONG luttant contre la corruption, ces

dernières se trouvent dans l'obligation d'élaborer des projets qui tiennent compte de la logique des bailleurs de fonds. Le tableau VI et le graphique n°3 rendent compte de l'appréciation des acteurs non étatiques sur le degré d'importance des difficultés qu'ils rencontrent.

Tableau VI : Ordre d'importance des difficultés rencontrées par les acteurs non étatiques

Difficultés

Mobilisation des ressources matérielles et financières

Mobilisation des ressources

humaines

Difficultés d'accès à l'information

Total

Pourcentage

50

20

30

100

Source : Données de terrain, septembre 2007.

Graphique 3 : Ordre d'importance des difficultés

30%

Mobilisation des ressources matérielles et financières Mobilisation des ressources humaines

Difficultés d'accès à l'information

20%

50%

Outre les ONG, les médias privés occupent une place de choix dans la lutte contre la corruption en ce sens que c'est à eux qu'il revient d'assurer une large diffusion aux résultats des investigations des ONG. Les avis recueillis attribuent une position médiane à la presse dans la lutte contre la corruption. En effet, en tant que contre pouvoir contribuant à la construction de l'opinion publique la presse est sujette à des tentatives de récupération et il arrive que des indélicats en son sein ne facilitent pas la tâche aux autres acteurs engagés dans la lutte contre la corruption.

Les ONG et les organes de la presse privée constituent les principaux acteurs non étatiques engagés dans la lutte. Ils oeuvrent aux côtés des acteurs étatiques.

1.2. Les acteurs étatiques

Il s'agit des organes de contrôle établis par l'administration publique auxquels se joint l'Assemblée Nationale dont le rôle est de contrôler l'action gouvernementale. Au lendemain des élections présidentielles de mars 2006 qui ont conduit à l'avènement du Président Boni YAYI, un certain nombre de réformes ont été entreprises en ce qui concerne les acteurs étatiques de lutte contre la corruption. Ainsi, la CMVP qui avait pour attribution de sensibiliser et d'investiguer en vue de dissuader a été dissoute et remplacée par l'Inspection Générale d'Etat (IGE) dont la mission est de détecter, en procédant au contrôle de la régularité de la gestion des sociétés et administrations publiques, les actes de corruption. Les rapports de l'IGE sont étudiés en conseil des ministres et peuvent induire des sanctions administratives et des poursuites judiciaires. Rattachée à la Présidence de la République, l'IGE coordonne les activités de l'Inspection Générale des Finances et de l'Inspection Générale des Services Administratifs qui constituent, avec elle les trois organes à compétence nationale. Par ailleurs, les anciennes divisions de l'Inspection et de la Vérification Interne (DIVI) ont été remplacées par les inspections générales des ministères qui assurent le relais des organes à compétence nationale au sein des ministères.

Mis à part ces organes de contrôle administratif, l'ordonnance n°96-04 du 31 janvier 1996 et le décret n°2004-18 du 27 août 2004 portant respectivement code des marchés publics et décret d'application de l'ordonnance réglementent la passation des marchés publics de l'Etat. Ces dispositions instituent les commissions de passation des marchés publics au

niveau des ministères et de toutes les institutions devant acquérir des biens ou des services pour le compte de l'Etat. Passé le seuil de compétence des CPMP, la direction nationale des marchés publics prend le relais. La commission nationale de régulation des marchés publics veille à la régularité des contrats signés. L'Observatoire de Lutte Contre la Corruption (OLC) est une institution de la république chargée de procéder au suivi évaluation des actions anticorruption. L'Agence Judiciaire du Trésor, rattachée à la Présidence de la République est chargée de la récupération des fonds auprès des personnes indexées par les rapports des différents organes de contrôle.

Si les rapports de l'IGE, de l'IGF et des inspections générales des ministères ont un caractère administratif et sont examinés en Conseil des ministres, ceux de l'OLC doivent être confirmés par un organe administratif de contrôle sur demande du gouvernement ou d'un ministre. L'Assemblée Nationale est l'organe constitutionnel de contrôle du pouvoir exécutif. Elle est habileté à mettre en place des commissions d'enquêtes et à interpeller le gouvernement sur tous les sujets d'intérêt national. Son avis est requis pour la nomination des ministres. Le vote du budget général de l'Etat et celui de la loi de règlement constituent les outils fondamentaux du contrôle parlementaire de l'action gouvernementale. Le vote du budget générale autorise le gouvernement à mettre en oeuvre une politique de mobilisation des recettes et à effectuer des dépenses publiques dans tel ou tel sens tandis que la loi de règlement est destinée à vérifier le taux d'exécution du budget. La loi de règlement s'assure également du respect des procédures et règles d'exécution des dépenses publiques. Malheureusement, si le vote du budget à lieu régulièrement, celui de la loi de règlement tarde à s'insérer dans les moeurs. Depuis l'avènement du renouveau démocratique, elle n'a pu se faire qu'une seule fois. Une telle situation tiendrait de la non transmission des documents de travail par l'exécutif. L'Assemblée Nationale incarne le pouvoir législatif,

pilier de l'Etat de droit. A ce titre elle devrait être au coeur de la lutte contre la corruption mais il n'en est pas toujours ainsi à tel point que les avis recueillis ne la citent presque pas dans les institutions de lutte contre la corruption.

Acteurs étatiques et acteurs non étatiques entretiennent des relations qui ne sont pas de nature à faciliter une synergie d'action et qui concourent à leur affaiblissement dans le jeu des rapports avec les acteurs de la corruption.

1.3. Interactions entre les acteurs de la lutte contre la corruption

S'il est vrai que l'ensemble des acteurs engagés dans la moralisation de la vie publique entretiennent des relations cordiales entre elles, force est de constater que leurs rapports, dans bien de cas se limitent à de simples civilités et à des regroupements de circonstances. S'il est vrai que l'existence de rapports hiérarchiques entre les organes de contrôle administratifs permet d'observer une certaine synergie entre elles, il n'en est pas toujours de même entre les ONG. En effet, la création du FONAC n'a pas induit systématiquement un cadre de concertation bien que la quasi-totalité des ONG intervenant dans le domaine se réclament membre du FONAC. Les forces n'ayant pas été mises en commun, il s'ensuit que chaque ONG doit faire face isolément à ses difficultés de mobilisation de ressources humaines et financières. Certaines y parviennent mais d'autres n'y arrivent pas et ralentissent considérablement de ce fait leurs activités, laissant par conséquent le champ libre aux acteurs de la corruption. De plus, il arrive que différentes ONG travaillent séparément sur un même dossier sans se concerter et concentrent par là même, l'essentiel des énergies sur un seul sujet. Par exemple pour le dossier de la SBEE qui a défrayé la chronique, le FONAC et ALCRER ont mené séparément leurs enquêtes. Les difficultés d'harmonisation des activités des ONG s'inscrivent dans la dynamique de la société civile africaine dont beaucoup d'organisations doivent leur création à la possibilité de

mobiliser des ressources extérieures. Dans ces conditions, préserver son autonomie revient à préserver ses chances de captation de la rente du développement auprès des partenaires au développement. Cet état de choses permet de comprendre que des organisations membres du FONAC aient pu, dans le cadre de leurs activités de sensibilisation, mobiliser des ressources financières auprès d'un partenaire qui finançait aussi le FONAC pour des activités du même genre.

Par ailleurs, à la disparité entre les moyens matériels et humains, s'ajoutent d'autres clivages imputables aux textes et lois, qui ne sont pas de nature à consolider la collaboration entre les ONG et les organes administratifs. En effet, les inspections générales fonctionnent suivant un chronogramme préalablement défini et ne peuvent entreprendre des investigations que sur ordre d'un ministre ou du gouvernement. De ce fait, elles ne sont habilitées à entrer en collaboration avec les ONG que dans le cadre d'enquêtes commanditées. Etant donné que les rapports des ONG n'ont aucun caractère administratif et qu'elles ne sont juridiquement pas fondées à saisir directement les organes de contrôle pour valider leur rapport, ces dernières ont le choix entre le fait de s'en remettre à l'autorité gouvernementale ou de porter l'affaire sur la scène publique en espérant mettre la pression sur les autorités. Cette dernière option semble être la préférence des ONG, faisant de la presse leur partenaire privilégié. Malheureusement, les organes de presse, en plus de leur mission d'information, ont une vocation commerciale. De ce fait, les ONG sont le plus souvent amenées à délier leur bourse pour faire passer leur message. Certes, quelques organes de presse (et pas des moindres) accordent des facilités à ces ONG surtout lorsque les révélations dont elles sont détentrices sont susceptibles de faire sensation. Ces facilités se sont accentuées avec l'avènement au pouvoir de l'actuel Président de la République qui a publiquement déclaré son intention de lutter contre la

corruption et l'on a pu observer une forte activité médiatique du FONAC et de l'OLC. Mais les avis recueillis sont unanimes sur le fait que les médias n'ouvrent pas touj ours spontanément leurs portes.

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984