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La corruption dans la gestion des deniers publics à Cotonou: Analyse socio-anthropologique de la persistance du phénomène

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par Vinagbo Barnard AGBANGLA
Université d'Abomey-Calavi - Maîtrise en sociologie-anthropologie 2008
  

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2. Clarification conceptuelle

L'énoncé du problème de même que la formulation des hypothèses reposent sur des notions et concepts qui,en raison de la richesse de la langue française, pourraient avoir d'autres significations que celles qui leurs sont données dans ce mémoire. Afin de lever toute équivoque, il est donc nécessaire de définir et d'expliciter les concepts qui constituent l'ossature de notre recherche, conformément à la prescription de DURKHEIM (DURKHEIM, 1937). Il s'agit des concepts de moralisation de la vie publique, de corruption, d'environnement et de stratégie qui seront clarifiés et articulés de façon à rendre explicite le cadre de la recherche.

Ainsi, la présente étude porte sur les difficultés liées à la moralisation de la vie publique au Bénin. Il s'agit donc de mettre en évidence tous les éléments du contexte social qui constituent une entrave à la moralisation de la

vie publique entendue au sens de la politique globale de l'Etat en matière de la lutte contre la corruption. La moralisation de la vie publique fut la formule consacrée à la lutte contre la corruption au Bénin de 1996 à 2006 mais le terme de lutte anti-corruption1 semble être en vogue à l'heure actuelle et ceci, depuis la dissolution de la Cellule de Moralisation de la Vie Publique (CMVP). La moralisation de la vie publique mobilise donc un certain nombre de personnes et d'institutions qui sont les acteurs de la lutte contre la corruption qui se définissent par opposition aux acteurs de la corruption.

La corruption est le concept central de cette étude en ce sens que toutes les interactions se déploient autour de lui. Le concept de corruption renvoie à diverses connotations qui ont toutes en commun d'être associées à une série du mal, comme l'indique la racine latine corruptio. En raison des objectifs de la recherche, nous nous en tiendrons à l'acception proposée par De SARDAN qui postule que les faits de corruption en Afrique doivent être abordés sous le rapport d'un complexe. Le complexe de corruption se défini comme: << un ensemble de pratiques illicites, techniquement distinctes de la corruption mais qui ont toutes en commun d'être associées à des fonctions étatiques, paraétatiques ou bureaucratiques, d'être en contradiction avec l'éthique du «bien public« ou «du service public«, de permettre des formes illégales d'enrichissement, et d'user et d'abuser à cette effet de position de pouvoir » (De SARDAN, 1998).

Outre l'identification des formes élémentaires et des stratégies de la corruption, cette perspective est intéressante en ce sens qu'elle envisage les phénomènes sociaux de corruption et leur environnement comme un ensemble de cercles concentriques au centre desquels se trouvent les formes élémentaires de la corruption, insérées dans les stratégies de corruption pour constituer les pratiques corruptives. Ces pratiques corruptives sont à leur tour << prises » dans

1 Pour des raisons de commodité, ces deux termes seront utilisés de façon équivoque.

le fonctionnement routinier des services publics. Il paraît utile de s'appesantir sur les formes élémentaires de la corruption mises en exergue par Sardan afin d'éviter toute confusion ultérieure. Les sept formes élémentaires se présentent ainsi qu'il suit :

- la commission est une rétribution d'un fonctionnaire par un usager qui aurait bénéficié d'une exemption ou d'une remise illicite quelconque grâce à l'intervention du fonctionnaire. Par cette commission dont le montant est lié à la nature de la transaction, le fonctionnaire perçoit sa "part" en raison du "service d'intermédiation" ou du service illégal qu'il a fourni.

- la gratification ex post est certes proche de la commission en ce sens que c'est un << cadeau >> fait délibérément par l'usager suite à un service public rendu. Cependant la gratification paraît plus légitime aux yeux des acteurs en ce sens qu'elle s'apparente à un cadeau ordinaire. Toutefois, son caractère routinier fait plutôt penser qu'il s'agit d'un pourboire.

- La rétribution indue d'un service public est une pratique courante dans l'administration publique. Elle réside dans le fait que les fonctionnaires fassent payer à l'usager, le service qu'il devrait lui rendre << gratuitement >>. Les fonctionnaires vendent donc leurs services à l'usager.

- le piston consiste en la dérogation aux règles en faveur d'un usager qui aurait bénéficié d'une recommandation d'un collègue, d'un parent ou d'un ami. Le piston est tributaire du système généralisé de faveurs qui prévaut en Afrique.

- le tribut ou péage est une extorsion faite à un usager sans qu'aucun service ou intermédiation ne soit intervenu en sa faveur.

- la perruque consiste en l'utilisation des locaux ou du matériel de service à titre privé, soit pendant les heures de service, soit en dehors des heures de service.

- le détournement quant à lui désigne l'appropriation de matériels de service. Cette appropriation fait disparaître l'origine publique dudit matériel.

Le tableau ci-après récapitule les différentes formes de corruption, leurs catégories juridiques et la nature des transactions effectuées.

Tableau I: Typologie de la corruption

Formes élémentaires de la
corruption

Nature de
l'interaction

Catégories judiciaires

Gratification

Transaction spontanée

Corruption

Commission

Transaction négociée

Corruption

Piston, faveurs, népotisme

Transaction spontanée

Trafic d'influence

Paiement indu ou privatisation de la fonction

Transaction négociée ou extorsion

Concussion

Tribu

Extorsion

Concussion

Perruque

Appropriation

Détournements de biens publics, abus de biens sociaux.

Détournement

Appropriation

Détournement de biens publics, abus de biens sociaux.

Source : Jean Pierre Olivier de SARDAN, La corruption quotidienne en Afrique de l'Ouest, in La corruption au quotidien,Politique Afrique n°63, Paris, Karthala, 1995,p 17.

La corruption sera donc étudiée sous les différentes formes qu'elle revêt, qu'il s'agisse de détournement de deniers publics, d'abus de bien sociaux, du népotisme ou du rançonnement des usagers de l'administration publique.

Il s'agira ici de combiner l'approche durkheimienne des faits sociaux permettant de relever les facteurs sociaux, c'est-à-dire les élément du contexte à l'approche stratégique qui permettra de comprendre et d'analyser les stratégies de contournement de ladite moralisation.

Le concept de Stratégie sera utilisé dans la perspective de De SARDAN qui emploie indistinctement les concepts de stratégie et de logique au sujet du fait que : << Dans tous les cas, les acteurs sociaux concernés ont, face aux ressources, opportunités et contraintes que constituent un dispositif et ses interactions avec son environnement, des comportements variés contrastés, parfois contradictoires qui renvoient non seulement à des options individuelles mais aussi à des intérêts différents, à des normes d'évaluation différentes à des positions << objectives >> différentes >>(De SARDAN, 1995). Cette définition pour être bien comprise mérite d'être mise en rapport avec la position de CROZIER selon laquelle, les normes, règles et principes de fonctionnement d'une organisation ne sont jamais totalement contraignants au point de démunir les acteurs qui y appartiennent d'une marge de manoeuvre, aussi petite qu'elle soit. Autrement dit, tous les acteurs sociaux disposent d'un minimum de pouvoir et le pouvoir suppose une autonomie relative d'acteurs dotés de ressources de pouvoirs inégales et déséquilibrées, mais jamais ou presque totalement démunis, les moins favorisés ayant au moins << la capacité, non pas théorique mais réelle, de ne pas faire ce qu'on attend d'eux ou de le faire différemment >>. Le concept de stratégie occupe une place centrale dans cette étude en ce sens qu'il s'agit en fin de compte de décrire et d'analyser les atouts et les ressources mobilisées par les acteurs de la corruption pour "détourner" le fonctionnement de l'administration publique de sa mission (mobilisation des ressources à des fins de développement.) à des fins privatives, rompant ainsi avec l'étique administrative. Ces atouts et ressources, de même que le degré de mobilisation possible, définissent << la capacité stratégique des acteurs >> (CROZIER, 1977). Dans cette perspective, l'étude s'appesantira sur les interactions entretenues par les acteurs de la corruption avec ceux de la lutte contre la corruption ou plus précisément leur rapport avec les règles, normes et stratégies officielles et formalisées de lutte contre la corruption.

Le cadre théorique et conceptuel de la recherche ayant été précisé, il s'impose de définir une approche méthodologique susceptible d'aider objectivement à la poursuite de la recherche.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand