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La psychologie, un genre médiatique devenu rentable

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par Ariane Gaffuri
Celsa-Université de Paris IV-Sorbonne - Master 2 Pro en Information et Communication spécialisé en Journalisme 2008
  

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2. Les grands tournants des relations entre psychologie et médias

« Les mots faisaient primitivement partie de la magie, et de nos jours encore le mot garde beaucoup de sa puissance de jadis. »22(*)

Sigmund Freud, « Introduction à la psychanalyse », 1916.

Timide, pudique au début, la psychologie fait son apparition dans les médias avec les premières confidences de femmes recueillies par Menie Grégoire sur RTL dés 1967. Dans le même temps, presque invisible, la psychanalyste Françoise Dolto, alias Dr X, distille des conseils aux parents de jeunes enfants. Elle se fait un nom presque dix ans plus tard grâce à l'émission « Lorsque l'enfant paraît », sur France Inter en 1976.

Il y avait néanmoins, depuis 1938, le courrier des lectrices des premiers magazines du coeur tels que Confidences et Nous Deux. Mais les sujets « tabous » n'étaient pas abordés. Avec Menie Grégoire qui a déclenché la prise de parole, les médias permettent peu à peu aux femmes principalement de dire « l'indicible », suscitant l'adhésion du public et la controverse. Françoise Dolto aide plus particulièrement les parents à comprendre et élever leurs enfants, mais se garde de lever les tabous.

La parole profane est introduite et mise en spectacle à la télévision avec l'émission de Pascale Breugnot, « Psy-Show » en 1983. Là, intervient Serge Leclaire, premier psychanalyste à apporter sa contribution en qualité d'expert sur un plateau de télévision. Ensuite, la vague des talk shows23(*) (« L'Amour en danger », « Sexy folies », « Mea culpa », « Perdu de vue », « Témoin numéro un », etc.) connait un succès retentissant, ainsi que les magazines « Bas les masques » de Mireille Dumas et « Ca se discute » de Jean-Luc Delarue. En 2001, l'avènement de la téléréalité, avec le succès de « Loft Story » inspiré du Big Brother néerlandais, marque une nouvelle étape.

2.1 Menie Grégoire, premiers pas

« Je suis un mythe à mi-chemin entre le Bon Dieu, le général De Gaulle et la tireuse de cartes. »24(*)

Menie Grégoire, Le Monde, 1970.

La présence de Menie Grégoire à la radio marque un tournant crucial dans l'histoire des médias. Elle est apparue au bon endroit, au bon moment et a su libérer, voire révolutionner, la prise de parole de ses interlocutrices.

Nous sommes en 1967. Jean Farran, directeur de RTL, veut faire parler les femmes et fait appel à Menie Grégoire, journaliste et écrivain alors âgée de quarante-huit ans. Celle-ci est déjà connue pour « Le métier de Femme », un ouvrage sur la condition féminine publié en 1965 chez Plon. L'une des rares références à l'époque est « Le Deuxième Sexe » de Simone de Beauvoir paru en 1949. Selon Menie Grégoire, Jean Farran souhaitait faire participer les auditeurs « au lieu de leur parachuter informations et distractions, ce qui ne s'était jamais fait nulle part ailleurs. Un vrai pari. J'ai accepté. » L'émission sera quotidienne et s'appellera « Menie Grégoire ».25(*)

2.1.1 Les débuts de l'émission

En 1967 (un an avant 1968 !) la sexualité est un sujet tabou, la contraception est mal maîtrisée, l'avortement reste clandestin et honteux. Voici un exemple de témoignage :

« Chère Menie,

Je suis une jeune fille de dix-neuf ans, j'ai toujours été sérieuse et mes parents sont très sévères. Je suis sortie l'année dernière avec des camarades et j'ai rencontré un jeune homme qui m'a dit qu'il m'aimait. Il voulait absolument que je lui cède. Il me disait que si je ne cédais pas c'est que je ne l'aimais pas. Et voilà, j'attends un bébé. Je n'ai plus son adresse, il a quitté son travail. Mes parents s'ils l'apprennent, vont me mettre à la porte. »26(*)

Les premiers courriers émanent de femmes issues de milieux populaires. Leurs préoccupations tournent surtout autour de l'entité familiale.27(*)

Menie Grégoire dit recevoir rapidement des centaines de lettres. Elle choisit une des missives et y répond à l'antenne. Le débat se poursuit avec les réactions des auditeurs en direct. « J'étais à la fois une compagne de ceux et celles qui m'écoutaient et un peu plus, un révélateur. Un révélateur de ce qui était porté en secret dans cette société. J'ai fait parler une société pour dire ce qui n'était pas dicible, ce qui était enfermé dans l'inconscient de la collectivité. »28(*)

Les émissions sont prétextes à échanges entre des générations de femmes, comme en atteste l'extrait suivant :

« Maman écoute votre émission tous les jours et le soir elle me commente la discussion. Elle m'a donc conseillé de vous écrire pour vous exposer mon problème. J'ai dix-neuf ans et mon fiancé vingt-deux... »29(*)

Pendant quatorze ans, de 1967 à 1981, la journaliste dit avoir répondu à plus de 100 000 lettres et de nombreux appels d'auditeurs. Elle a accumulé un total de mille cinq cents bandes magnétiques.30(*) Ce qu'elle qualifie de « phénomène » est en marche : pendant cinq ans, au rythme de deux émissions quotidiennes à 14 heures et 15 heures, puis pendant six ans sous forme d'éditorial sur un sujet social à 8 heures du matin. L'engouement du public pour l'émission est accentué, explique-t-elle dans son dernier ouvrage « Comme une lame de fond », par le mystère de la voix humaine, proche, magique, qui a le pouvoir de rompre la solitude31(*) :

« Je me confie à vous comme à une amie, car vous êtes pour moi une amie, vous entrez dans mon foyer par les ondes. Ce n'est pas un conseil que je viens vous demander, non, mais j'ai besoin de parler à quelqu'un, non pas pour m'aider, mais pour m'écouter [....] Nous habitons un immeuble dans une cité dortoir [...] Je hais cet entassement de gens comme dans des cages à lapin, sonores comme des tambours... »32(*)

En moins d'un an, l'écoute s'établit à deux millions d'auditeurs quotidiens.33(*)

* 22 Freud, Sigmund, « Introduction à la psychanalyse », Payot, 1975, p. 7. La matière de cet ouvrage est une série

de leçons professées en 1916.

* 23 Talk show : mot anglais composé de to talk parler et show spectacle. Emission de télévision consistant en une

conversation entre un animateur et ses invités. « Le Petit Robert », 2008.

* 24 Le Monde, 23 octobre 1970.

* 25 Grégoire, Menie, « Comme une lame de fond », Calmann-Lévy, 2007, op. cit., p. 10.

* 26 Ibid, p. 79.

* 27 Grégoire, Menie, « Comme une lame de fond », Calmann-Lévy, 2007, op. cit., p. 154.

* 28 Grégoire, Menie, Interview, Paris, 3 octobre 2007.

* 29 Grégoire, Menie, « Comme une lame de fond », Calmann-Lévy, 2007, op. cit., p. 196.

* 30 Ibid, p. 15.

* 31 Editions Calmann-Lévy, 2007.

* 32 Grégoire, Menie, « Comme une lame de fond », Calmann-Lévy, 2007, op. cit., p. 12.

* 33 Ibid, p. 15.

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