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Amoralité et immoralité chez Aristote et Guyau. Une herméneutique du sujet anéthique

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par Hans EMANE
Université Omar Bongo - Maitrise 2009
  

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III.3.6. L'IMMORALITE ET SON RAPPORT A LA LAIDEUR

Platon et Aristote, ainsi que nombre de philosophes antiques, ont effectué un rapprochement entre la beauté et la vertu de l'âme. Guyau fait valoir « des considérations esthétiques » dans la conception usuelle ou commune de l'immoralité au sens où le vertueux est dit beau et le vicieux laid : « Un être immoral, écrit-il, renferme une laideur bien plus repoussante que la laideur physique, et sur laquelle la vue n'aime pas à se reposer. La laideur produit donc bien, à un moindre degré, le même effet que l'immoralité347(*) ». Mais la question reste entière, à savoir :qu'est-ce qui apparaît répugnant à l'oeil à qui il est donné de voir un individu immoral ? Ce qui nous repousse c'est en réalité, cette volonté immorale qui désunit, qui mutile le moi, « et nous éprouvons le besoin de la corriger ; mais comment corriger du dehors l'immoralité ? Seule la volonté intérieure peut efficacement se corriger elle-même. Les seuls moyens que nous puissions employer sont tous indirects (l'éducation par exemple). Ainsi le sentiment qui pousse nous pousse à désirer une sanction est en partie immorale. Comme beaucoup de sentiment, il a un principe très légitime et des applications mauvaises348(*) ». Guyau, dès les premières pages de l'Esquisse d'une morale sans obligation ni sanction, la sanction morale distincte de la sanction sociale, est une « expiation » et c'est la raison pour laquelle « elle est au fond immorale349(*) ». Dès lors que Guyau a posé ces deux prémisses, on ne peut que comprendre le discrédit qu'il jette sur le droit et la justice en particulier. En effet, la justice distributive350(*) « devient immorale si, en lui donnant un caractère absolue ou métaphysique, on veut en faire le principe d'un châtiment ou d'une récompense351(*) ».

III.3.7. L'IMMORALITE COMME RAFFINEMENT DE L'ESPRIT

« Les partisans de la sanction esthétique, constatait Guyau, semblent confondre entièrement l'immoralité, avec ce qu'on peut appeler la bestialité, c'est-à-dire l'abandon absolu aux instincts grossiers, l'absence de toute idée élevée, de tout raisonnement subtil. L'immoralité n'est pas nécessairement telle ; elle peut coïncider à un raffinement de l'esprit, elle peut ne pas abaisser l'intelligence ; or ce qui s'exprime dans les organes du corps, c'est plutôt l'abaissement de l'intelligence que la déviation de la volonté352(*) ».

Il faut dire que cette idée de Guyau a soulevé une vive controverse. Cela a valu à son auteur d'être taxé d'immoraliste. Guyau ne s'en est pas défendu outre mesure. Qu'est-ce que signifie l'immoralité comme raffinement de l'esprit ? Pour défendre son point de vue, Guyau nous invite à étudier deux figures historiques considérés par le sens commun comme immorales : Cléopâtre et Don Juan.

Cléopâtre et Don Juan, dans l'imaginaire occidental, sont les symboles d'une forme de négation de la morale. La première, malgré son ascendance royale, est considérée comme une courtisane qui par ses charme maléfiques, a conduit Rome à son déclin, puis à sa perte. On garde du second, l'image d'un libertin athée et d'un hédoniste obsessionnel353(*). Guyau montre habilement que l'immoralité de ces deux figures historique cache en réalité ni défaillance, ni faiblesse, ni « déviation de la volonté ». Au contraire, les vies de Cléopâtre et Don Juan, sont empreintes d'une grande subtilité. Guyau a parfaitement compris que l'immoralité de Cléopâtre et de Don Juan est inséparable de l'idée de « charme » ou de « charisme ». Pour arriver à leur fin jugée immorale pour certains, ils ont su faire preuve de malice, de ruse et de finesse. D'où cette idée de « raffinement de l'esprit »354(*).

* 347Ibid., p. 173.

* 348 Ibid., pp. 173-174.

* 349 Esquisse d'une morale sans obligation ni sanction, p. 10

* 350 Hegel avant Guyau a démontré l'immoralité du droit romain. En effet, « d'après la clause injuste et immorale du droit romain» Principes de la philosophie du droit, op.cit., §43, p. 90), explique Hegel, les enfants étaient une chose pour le père et celui-ci était en possession juridique de ses enfants, qui avait droit de vie et de mort sur eux. C'est là ce qu'Hegel appelait - comme la considération des femmes comme biens ou objets de l'homme - « une situation immorale » que générait et légitimait le droit romain. D'autre part, la même manière, Hegel pense que la philosophie kantienne pour gagner son fondement solide set son point de départ, affirme que le point de vue simplement morale qui ne se transforme pas en concept de la moralité objective réduit ce gain à un « vain formalisme » et la science morale à une « une rhétorique du devoir en vue du devoir ». Quelles sont les implications d'une si virulente critique de la philosophie pratique de Kant ? Pour Hegel, en considérant les arguments kantiens, aucune doctrine immanente du devoir n'est possible. On peut bien emprunter une matière au dehors, et arriver ainsi à des devoirs particuliers, mais de la définition kantienne du devoir comme absence de contradiction ou comme accord formel avec soi, qui n'est rien d'autre que l'affirmation de l'indétermination abstraite, on ne peut passer à la définition des devoirs particuliers et, quand un contenu particulier de conduite vient à être considéré, le principe ci-dessus ne fournit pas de critérium pour savoir si c'est un devoir ou non. « Au contraire, conclut Hegel, toute conduite injuste et ou immorale peut être justifier de' cette manière » (Principes de la philosophe du droit, op.cit., §135, p. 166), l'agent ne sachant nullement ou s'arrête son droit, et ou commence son devoir. Selon Nietzsche, la démocratie porte en elle, les gènes de l'immoralité puisqu'« il y a quelque chose d'immoral, dans l'existence des parlements, car on a le droit d'y exprimer des opinions contre le gouvernement » (Aurore. Réflexion sur les préjugés moraux, op.cit., §183, p. 167).

* 351 Esquisse d'une morale sans obligation ni sanction, op.cit., p. 160

* 352Ibid., p. 160.

* 353 Voilà le portrait que P. Mérimée dresse de Don Juan dans Les Ames du Purgatoire (1834) : « Don Juan éprouva d'abord cet espèce de dégoût que l'idée de mort inspire à tout épicurien. Sur son lit de mort, il demanda come une grâce, qu'on gravât sur son tombeau : `Ci-gît le pire homme qui fut au monde' » (Colomba et autres nouvelles, Paris, Maxi-Poche, `Classique Français', 1998, p. 264 et p. 274).

* 354 Hegel donnait des arguments un peu similaires, à propos de l'hypocrisie entendue comme une forme les plus connue du mal. En effet, pour le philosophe allemand, lorsque la conscience de soi parvient à mettre en relief dans un but, le côté positif qui lui appartient nécessairement, car ce but appartient au projet d'une action réelle concrète, elle est capable par elle-même d'affirmer que le devoir ou une intention pure a inspiré une action. Et pourtant, l'aspect essentiellement négatif de cette action se trouve dans la conscience en tant qu'elle réfléchit en soi et consciente de l'universalité de la volonté, qu'elle lui compare. Hegel conclut alors que « cette action peut être proclamée bonne pour d'autres et c'est l'hypocrisie, ou pour soi-même et c'est le raffinement le plus haut de la subjectivité se posant comme un absolu» (Principes de la philosophie du droit, op.cit, §140, p.172).

Mais c'est sans aucun doute la figure d'Antigone qui permet à Hegel de asseoir son idée de « raffinement de la subjectivé absolue » opérant une sorte de renversement dialectique de l'injustice. Peut-dire qu'Antigone coupable devant la justice ? Ne serait-ce pas plutôt le droit qui irait contre la morale en empêchant la princesse d'enterrer dignement son frère ? « La conscience éthique est plus complète, écrit Hegel, sa faute plus pure lorsqu'elle connaît la loi et la puissance à laquelle elle fait face, la prend pour violence et injustice, pour une contingence éthique, et sciemment, comme Antigone, commet le crime. L'acte accompli renverse sa vision des choses ; l'accomplissement énonce lui-même que ce qui est éthique doit nécessairement être effectif » (La Phénoménologie de l'Esprit, op.cit, p. 449).

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