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Déterminants des comportements sexuels à  risque d'infection aux IST/VIH/sida chez les adolescents au Niger

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par Djibrilla MODIELI AMDOU
Université Yaoudé II SOA - Diplome d'Etudes Supérieures Spécialisées en Démographie DESSD 2008
  

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CHAPITRE II

CADRE THEORIQUE

Dans ce chapitre, il s'agit d'une part d'aborder les études relatives à l'activité sexuelle des jeunes et des adolescents, et d'autre part d'élaborer le cadre conceptuel de notre étude.

II-1 Revue de la littérature

La sexualité est un domaine qui a longtemps attiré l'attention aussi bien des sociologues et anthropologues que des démographes. Cette attention résulte, entre autres, des relations identifiées entre les comportements sexuels et certains phénomènes ayant des conséquences sociales, sanitaires, économiques et démographiques néfastes. En Afrique au sud du Sahara, les premières études sur les comportements sexuels remontent à la période coloniale (Rwenge, 1999).

De nombreuses études ont été réalisées par la suite pour expliquer les comportements sexuels des adolescents en Afrique. Celles-ci se sont distinguées selon l'importance qu'elles accordent à certains facteurs qu'elles trouvent à la base de ces comportements. Elles ont à cet effet procédé à plusieurs approches à savoir : l'approche socio-culturelle, l'approche économique et l'approche institutionnelle.

II-1-1 Approches explicatives des comportements sexuels à risque des adolescents

II-1-1-1 Approche socio-culturelle

L'approche socio-culturelle se fonde sur le fait qu'on ne peut pas "désocialiser" l'activité sexuelle. Elle accorde un rôle central à la construction sociale et culturelle, sans laquelle, selon elle, aucun désir ne peut apparaître et s'exprimer (Foucault, 1984 cité par Bozon, 1994b). Ainsi, selon les auteurs de cette approche, les comportements sexuels sont déterminés par les normes et valeurs socio-culturelles en matière de sexualité. C'est l'ensemble de ces constructions idéologiques qui déterminent les circonstances du déroulement de l'activité sexuelle. Dans ce cas, les relations sexuelles seraient spontanées et ne répondraient pas à un objectif particulier (Diop, 1995 ; Calvès, 1996). Une des expressions de cette approche est la thèse selon laquelle l'activité sexuelle des jeunes en milieu urbain s'expliquerait par la "désorganisation sociale", la faiblesse du contrôle social ou le relâchement des moeurs. Cette thèse fait partie de la théorie générale de la modernisation, qui se fonde sur l'affaiblissement des structures traditionnelles et le relâchement du contrôle des aînés sur les cadets. Les comportements nouveaux qui en résultent, sont plus orientés vers la satisfaction personnelle et la gratification individuelle que vers la responsabilité familiale (Diop, 1995).

Cette approche stipule que l'affaiblissement des structures traditionnelles et le relâchement des contrôles des plus grands sur les plus petits issus de la modernisation seraient à la base des comportements sexuels à risque des adolescents (Van Balen, 1958; Romaniuk, 1967; Retel, 1974; Sala-Diakanda, 1980; Evina 1990). C'est ce facteur qui a été favorable à la propagation des maladies sexuellement transmissibles (MST) stérilisantes (blennorragie, gonococcie, chlamydia et mycoplasma) ou abortives (syphilis) (Sala-Diakanda, 1980; Evina, 1990).

Dans la société traditionnelle, le respect de l'aîné est important. Les parents y ont aussi des obligations vis-à-vis des enfants, les aînés des cadets ou les adultes en général des jeunes. Ce sont ceux-là qui se chargent de leur éducation et de leur apprentissage. Les enfants évoluent d'abord dans la sphère maternelle. Viennent ensuite leur entrée dans le milieu le plus élargi de la grande famille, où les autres enfants de la classe précédente prennent une grande importance pour lui, et leur initiation aux rites, qui ont pour fonction de faire évoluer l'enfant, non dans son comportement, son intelligence ou son affectivité, mais dans son existence même, pour le faire passer de l'état de nature à celui de culture et de le mener à sa véritable destinée, à son plein épanouissement (Rwenge, 1999).

L'apprentissage de l'enfant se fait dans cette société à l'aide de maximes, sentences, chansons, contes, proverbes...utilisés pour justifier telle manière de procéder, ou telle intervention et au travers desquels on devine l'existence d'un projet pédagogique, d'une véritable philosophie de l'éducation (Mbarga, 1991). Les normes et valeurs de la société véhiculées à l'enfant portent souvent sur l'honneur (pour sa famille et lui), la pudeur, le respect de soi-même, etc. Dans le domaine de la sexualité, la chasteté, la virginité, la tolérance et la patience dans leurs futurs ménages sont davantage adressées aux jeunes filles qu'aux garçons. Pour ces derniers, on insiste sur le sens et l'importance de la responsabilité afin d'en faire des êtres capables de s'assumer et de contribuer à la reproduction du groupe.

Ainsi, la sexualité des adolescents ne dépend pas d'eux mais de leurs parents et des responsables communautaires qui constituent des canaux de transmission d'information dans les domaines de la sexualité tels que la chasteté, la virginité prémaritale, la soumission à leurs maris aux filles et le sens de la responsabilité pour les garçons.

La société actuelle, contrairement à la précédente, n'assigne pas de fonctions sociales précises à la jeunesse. La société traditionnelle était sécurisante pour elle. L'autorité qu'y avait la famille s'est réduite à l'heure actuelle (Caldwell et al., 1991 et Diop, 1995). L'influence de la famille sur l'enfant, en ne se limitant point à transformer son affectivité en vue de l'accommoder à la vie de la communauté, dépouille celui-ci de toute fonction sociale. Son éducation y est prise en charge par l'école et les médias : télévision, radio et presse écrite véhiculant de nouvelles idées qui créent des comportements différents.

L'éducation des jeunes à l'école ne les prépare pas seulement à des rôles d'acteurs à l'intérieur de la famille et dans un nouvel environnement où la réussite de l'individu n'est plus liée à sa communauté, mais résulte de sa capacité à assimiler un savoir "scientifique" et à innover (Diop, 1995).

L'école et les nouvelles activités récréatives éloignent souvent les jeunes des adultes et la séparation des sexes n'y est plus assurée. Ces activités récréatives qui se rapportent au cinéma, aux soirées dansantes, au football (...), raccourcissent le temps que les jeunes sont sous le contrôle des parents ou passent dans le cercle familial. Il s'en suit le développement de l'activité sexuelle précoce des jeunes observé dans la plupart des villes africaines.

Les études existantes ont pris en compte, entre autres facteurs, l'ethnie, la religion et le milieu de résidence pour concrétiser le milieu socioculturel régi par les valeurs, normes, dogmes et idéologies.

i) Ethnie

L'ethnie est le cadre de production des modèles socio-culturels propres à chaque société. Elle conditionne les pratiques des populations notamment des adolescents. L'ethnie joue un rôle important dans les différences des comportements sexuels des adolescents. Elle agit plus à travers les croyances, les perceptions, les valeurs relatives au modèle culturel de référence (Akoto cité par Mudubu, 1996).

Les comportements sexuels des individus sont fonction des normes de chaque ethnie. Les valeurs traditionnelles en matière de sexualité et de procréation favorisant la procréation des MST/SIDA ont été observées en Afrique de l'Est chez les Masai du Nord Kenya où une femme mariée est autorisée à entretenir des relations sexuelles extraconjugales avec un autre homme au sein du lignage de son mari , en cas d'absence prolongée de ce dernier .Cela permet , selon l'auteur , que pendant les longues absences de ces gardiens de troupeau nomades , les épouses soient sexuellement occupées par les parents du mari (Bauni cité par Rwenge 2002).

Divers auteurs ont identifié l'appartenance ethnique comme un facteur important de différenciation des comportements sexuels des adolescentes et des adolescents. La littérature sur le sujet met en relief deux typologies. D'une part, on retrouve les ethnies où les moeurs sexuelles sont permissives et d'autre part, celles où les moeurs sexuelles sont très rigides. En effet, en matière de sexualité certaines ethnies sont plus tolérantes que d'autres. Dans ces ethnies, l'encadrement familial est caractérisé par un très faible contrôle social des adolescents par leurs parents et d'autres membres de la communauté.

Les adolescents jouissent ainsi d'une très grande marge de liberté. La sexualité avant le mariage est encouragée. Cette attitude est surtout adoptée dans les sociétés à taux élevé d'infécondité pour tester les capacités des jeunes à procréer. C'est notamment « le cas des Moba-gurma du Togo, des Krou de Côte d'Ivoire, des Mongo et Tetela de RD Congo, des Zandés-Nzakara de Centrafrique, des Bëti du Cameroun, dans les provinces de Toliary et de Fianarantsoa à Madagascar » (Gastineau & Binet, 2006 ; Ombolo, 1990 ; Rey, 1989 ; Schwart, 1978 ; Retel-Laurentin, 1974, cités par Beninguisse12(*), 2007). Dans un tel contexte, l'ethnie apparaît comme un facteur important dans l'occurrence précoce de la sexualité chez les adolescentes. Les études de Rwenge (1999 ; 2000) confortent cette hypothèse. Il ressort qu'à Bamenda l'appartenance ethnique aux groupes Tikar-Soh et Bamiléké est positivement associée au risque pour les jeunes d'être sexuellement actif avant 16 ans. En Côte d'ivoire, il a été aussi observé que les filles Krou et Sénoufo (ou Malinké) sont plus susceptibles que leurs consoeurs Akan d'avoir des rapports sexuels avant 16 ans (Talnan et al., 2002). Dans la même perspective, Kouton (1992) fait remarquer qu'au Bénin les adolescentes Fon et apparentés ont 39 % plus de risque d'avoir une sexualité précoce que celles d'origine Adja et apparenté.

Les études antérieures ont aussi montré que dans les ethnies à moeurs permissives, le multipartenariat, l'activité sexuelle occasionnelle et la sexualité rétribuée sont fréquents (Rwenge, 1999 ; 2002 ; Talnan et al., 2002). En Côte d'ivoire, ces comportements résultent aussi du "rite de lavement " si l'on en croit notamment Guérry (1972 cité par Aonon, 1996 :362). Selon l'auteur, ce rite est le facteur clé de la liberté sexuelle des filles baoulés avant le mariage. Par ailleurs, Talnan et al. (2002) ont observé que l'appartenance ethnique influence très positivement le multipartenariat chez adolescentes Krou. Dans le cas du Cameroun, Rwenge (2000) a constaté que le multipartenariat est une conduite observée plus chez jeunes appartenant aux ethnies Bamiléké, Metta, et les (autres) ethnies du Nord-Ouest. Cet auteur a aussi examiné la relation qui existe entre l'ethnie et la sexualité occasionnelle d'une part, et d'autre part la relation entre l'ethnie et la sexualité rétribuée. Dans le premier cas, les ethnies Makon-Banyague, Bamiléké, Tikari-Nsoh sont moins enclines à la relation sexuelle occasionnelle (Rwenge, 1999 ; 2000). Dans une autre étude (2002) dans laquelle cet auteur compare les comportements sexuels des Bëti à ceux des Bamiléké, les rapports sexuels occasionnels et rétribués se sont avérés plus fréquents chez les premiers que les seconds (Rwenge, 2002).

Quelques études ont montré aussi que la prévalence de l'utilisation des condoms lors des rapports sexuels diffère selon le groupe ethnique d'appartenance. Au Cameroun par exemple, les Bamiléké dont les moeurs sexuelles sont rigides ont un risque plus élevé d'utiliser les condoms pendant les rapports sexuels que les Bëti, où les moeurs sexuelles sont permissives (Rwenge, 2002). En Côte d'ivoire par contre, c'est plutôt les jeunes d'origine ethnique "étrangères" à ce pays qui ont un risque plus élevé de ne pas utiliser le condom aux cours des rapports sexuels (Talnan et al., 2002)

Des études qualitatives ont mis en évidence les raisons associées au multipartenariat et à la non utilisation des condoms dans certaines ethnies. Chez les Bëti tout comme chez les Bamiléké, la recherche du plaisir sexuel serait la principale raison du multipartenariat chez les hommes. Par contre, chez les femmes les contraintes économiques étaient la principale raison du multipartenariat (Rwenge, 2002). Le désir d'enfants, la diminution du plaisir, la mauvaise appréciation du condom, la fidélité et la confiance au partenaire sont les principales raisons liées à la non-utilisation des condoms aussi bien en milieu Béti qu'en milieu Bamiléké (Rwenge, 2002).

Au Niger, la plupart des coutumes exigent que la femme n'ait ses premiers rapports sexuels que dans le mariage. C'est fort de cela que les normes en matière de sexualité, de nuptialité, et de fécondité sont étroitement gérées par le groupe familial et ne sont jamais laissé au seul soin de l'individu. Ces normes favorisent le mariage et la fécondité précoces tout en focalisant l'attention sur deux points : la virginité avant le mariage et la fécondité après le mariage (Kouton, 1992). La virginité de la fille est une valeur recherchée chez la jeune fille, et les parents y veuillent à cela. Car, une fille qui va vierge au mariage est un bel exemple de bonne éducation et de fierté de sa famille et de son époux.

Etant donné que les normes et les valeurs ne sont pas uniquement dictées par l'appartenance ethnique, il convient d'examiner les relations entre la religion et les comportements sexuels.

ii) Religion

La religion véhicule un certain nombre de valeurs et normes qui régissent la vie des fidèles sur le plan comportemental et psychique (Akoto, 1985). Ainsi, la religion joue un rôle fondamental dans les perceptions, comportements et attitudes des fidèles à travers ses croyances, valeurs et dogmes. L'appartenance à une religion peut modifier l'activité sexuelle des adolescents et leur propension à adopter un comportement sexuel à risque (Akoto, 1985). « Dans la plupart des sociétés traditionnelles, on sait que la religion fonde l'ordre de l'univers, qu'elle prescrit la forme canonique de la vie collective ou de l'identité individuelle, et qu'elle renferme l'ensemble du savoir technique » (Jacques Pierre, 1994). Ceci montre que dans n'importe quelle société, la religion joue un rôle important dans la vie des individus. Son rôle en tant que galvaniseur de la morale a été bien reconnu de plusieurs manières.

Le Niger est un pays composé de plus de 95% de musulmans. La religion musulmane rend la sexualité tabou et de ce fait, les adolescents doivent uniquement se conformer aux dogmes et principes qui enseignent la virginité pour les filles et la chasteté pour les garçons et ce jusqu'au mariage. A cet effet, cette religion déconseille l'utilisation du préservatif et des méthodes contraceptives car contraire aux lois divines. La religion musulmane perçoit le SIDA comme une « maladie de Satan » à cause du lien qu'il entretient avec le sexe. En effet, dans la religion musulmane avoir des rapports sexuels hors mariage est considéré comme un péché. L'utilisation du condom est aussi considérée comme un péché. L'influence de la religion sur les comportements sexuels varie selon les pays. Au Ghana, Takyi (2003, cité par Boula, 2005) a observé que la religion a un effet significatif sur les connaissances du SIDA. Cependant, il n'a pas observé que la religion est liée au changement de comportement sexuel, notamment à l'usage du préservatif. En revanche, en milieu urbain ivoirien Talnan et al., (2002) ont observé que les adolescentes musulmanes ont moins de chance d'avoir recouru aux condoms dans leur vie que les adolescentes adeptes de religions chrétiennes. Baya et Meda (2001) sont parvenus aux mêmes conclusions chez les jeunes de Bobo-Dioulasso.

Les jeunes appartenant aux religions musulmanes grandissent sans être convenablement informés sur la sexualité et les conséquences néfastes qui en résultent car ils accèdent difficilement aux informations relatives à la sexualité (Rwenge, 1999). Avec l'entrée des valeurs occidentales en Afrique, la religion chrétienne, très rattachée à ces valeurs, favorise le mariage tardif et encourage l'utilisation des méthodes contraceptives afin d'éviter les grossesses non désirées. Les facteurs de modernisation ont entraîné une rupture des liens entre les parents et leurs enfants. Ce relâchement des liens n'est qu'une conséquence de l'adhésion des parents à la religion occidentale (Rwenge, 1999).

La religion est une variable qui sert à approcher d'autres variables telles que l'instruction ; la profession, etc. (Mudubu, 1996). En effet, les adolescents musulmans ont tendance à avoir un faible niveau d'instruction que leurs pairs chrétiens, ce qui pourrait être désavantageux dans les prises de décision concernant les rapports sexuels.

L'appartenance religieuse est un déterminant de l'entrée précoce en vie sexuelle dans certains pays. Au Cameroun, il ressort que les adolescentes musulmanes et les adeptes des religions traditionnelles sont significativement moins susceptibles de retarder leurs premiers rapports sexuels dans toutes les régions de résidence (Kuaté Defo, 1998). Dembélé (2004) a pratiquement observé la même tendance au Burkina-Faso. Il ressort de son étude que les adolescentes animistes et musulmanes sont plus susceptibles de s'engager dans l'activité sexuelle prémaritale que les catholiques. Par contre au Brésil, Bozon et al. (2006) ont observé qu'uniquement dans la religion pentecôtiste les jeunes hommes ont retardé leur entrée dans l'activité sexuelle. Dans d'autres études, les chercheurs ont comparé les comportements des jeunes adeptes d'une des religions existantes à ceux de leurs confrères qui ne pratiquent aucune religion. Talnan et al. (2002) ont observé que le risque d'être sexuellement actif est plus élevé chez les derniers que chez les premiers. Bozon et al. (2006) se sont intéressé à l'influence de la mobilité religieuse (transition d'une religion à une autre) ou abandon d'une religion de référence sur les comportements sexuels des jeunes. Ils ont observé que ces facteurs sont associés chez les filles à une entrée précoce dans l'activité sexuelle. Ces auteurs ont aussi observé que les filles qui ont connu une socialisation religieuse « cohérente », c'est-à-dire catholique de famille catholique, et surtout pentecôtiste de famille pentecôtiste, sont entrées plus tardivement que les autres dans l'activité sexuelle.

iii) Milieu de résidence

Dans la plupart des pays en voie de développement, le milieu rural et le milieu urbain sont totalement différents en ce qui concerne les modes de vie, les types d'activité et les infrastructures sociales disponibles (Mudubu, 1996). Pour l'auteur, ces disparités se traduisent par des risques d'exposition à la mort entre les couches sociales.

Le lieu de résidence revêt donc une importance capitale dans l'étude des comportements sexuels dans la mesure où il constitue le cadre structurel dans lequel évoluent les adolescents.

L'influence du milieu de résidence sur les comportements sexuels a été mise en exergue dans de nombreuses études. En effet, il apparaît dans la littérature que l'activité sexuelle varie d'un milieu de résidence à l'autre, aussi bien au niveau de l'intensité que du calendrier des différences significatives qui apparaissent entre les milieux rural et urbain. Les adolescents du milieu rural sont sexuellement plus actifs que ceux du milieu urbain (Kouton, 1992 ; Delaunay, 1994 ; Akoto et al., 2000 ; 2005, Guèye et al., 2001 ; Ouedraogo C. et al., 2006). Il ressort que parmi les adolescents sexuellement actifs, ceux du milieu rural ont un comportement sexuel plus intense que leurs homologues du milieu urbain. De même, l'entrée en vie sexuelle est relativement plus tardive en milieu urbain. Les résultats obtenus au Bénin par Kouton (1992), par Sossa et Zounon (2005) et au Burkina par Akoto et al. (2005) confirment cette tendance. Dans cette dernière étude, il a été observé par exemple qu'avant 18 ans 66 % des jeunes ruraux (de 18 ans et plus) ont leurs premiers rapports sexuels contre seulement 45 % en milieu urbain. Au Niger par exemple, les données de la dernière enquête démographique de santé de 2006 révèlent que l'âge médian aux premiers rapports sexuels s'élève à 16 ans en milieu rural pour les femmes de 20-24 ans contre 17 ans en milieu urbain. En ce qui concerne le milieu urbain, une différence a été observée au Cameroun par Rwenge (1999 ; 2000) et au Brésil par Bozon et al. (2006). L'âge aux premiers rapports sexuels s'est avéré plus précoce chez les garçons que les filles. En milieu rural, les jeunes filles entrent plus précocement en vie sexuelle que les garçons. Dans la plupart des cas, l'activité sexuelle précoce en milieu rural reflète un respect de la tradition, soit dans le mariage, qui lui est aussi bien souvent précoce, soit avant le mariage quand il s'agit d'apporter une preuve de fertilité.

Certains résultats des études antérieures, dans lesquelles le milieu rural été comparé au milieu urbain sont contraires aux précédents. En effet, comme l'urbanisation s'accompagne de l'ouverture des jeunes aux médias et d'un contrôle social faible des jeunes, l'activité sexuelle serait davantage intense et précoce dans ce milieu. L'étude de Delaunay et al. (2001) conforte cette hypothèse. Dans cette étude, l'entrée en vie sexuelle s'est avérée plus précoce dans les jeunes générations des hommes. Selon l'auteur, l'ouverture aux valeurs modernes à travers la scolarisation, la migration de travail, les modifications des normes en matière de sexualité sont les facteurs via lesquels l'urbanisation a influencé les comportements sexuels des jeunes garçons. Kuaté-Défo (1998) a paradoxalement observé chez les adolescentes du Cameroun une absence de lien entre le lieu de résidence et le début de l'activité sexuelle. Mais, selon l'auteur cette absence de lien pourrait refléter aussi bien l'influence des changements dans les normes et pratiques qui régissent l'activité sexuelle selon le milieu que les transformations régionales de la nuptialité.

En ce qui concerne l'utilisation du préservatif, ce sont pratiquement les mêmes constats qui ressortent. De façon générale, il ressort que les rapports sexuels sont quel que soit le sexe mieux protégés en milieu urbain qu'en milieu rural (Akoto et al., 2005). Tout comme la connaissance des IST/VIH/SIDA, le recours au préservatif demeure faible chez les adolescentes (Talnan et al., 2002 ; Akoto et al., 2000 ; 2005 ; Sossa et Zounon, 2005 ; Ouédraogo et al., 2006; Rwengé, 1999, 2000).

iv) Niveau d'instruction

La scolarisation est un facteur déterminant dans l'explication de la variation des comportements sexuels chez les adolescents. Toutefois, les diverses études qui se sont penchées sur le lien entre la scolarisation et les pratiques sexuelles des adolescents font état d'une certaine ambivalence. Le calendrier de la primo-sexualité, en revanche fait état d'une sexualité davantage précoce chez les adolescents de faible niveau d'instruction (Rwenge, 1999 ; Guèye et al., 2001 ; Akoto et al., 2000 ; Kuaté-Défo, 1998 ; Kouton, 1992 ; Dembélé, 2004 ; Sossa et Zounon, 2005). En effet, le niveau d'instruction influence significativement l'occurrence précoce des premiers rapports sexuels (Rwengé, 1999 ; 2000 ; Kouton, 1992). Autrement dit, à une éducation poussée correspondraient de faibles risques d'activité sexuelle précoce. Kuaté-Défo (1998) souligne l'effet réducteur de l'amélioration de la scolarisation féminine sur la précocité de l'activité sexuelle au Cameroun. Au Bénin, Kouton (1992) a observé que par rapport à l'adolescente ayant le niveau secondaire, l'adolescente qui n'a qu'au plus le niveau primaire a 7 fois plus de risque d'avoir une sexualité précoce.

Les études ont montré que l'éducation sexuelle des jeunes modifie leurs comportements sexuels par l'utilisation accrue des préservatifs et l'atténuation de leurs activités sexuelles à condition qu'ils accèdent par la lecture et la compréhension aux sources d'information car il ne suffit pas seulement de disposer d'un téléviseur et/ou d'un poste radio mais de pouvoir décrypter les messages liés au VIH/SIDA.

La fréquentation scolaire détermine le support social dont peut disposer l'adolescente pour la connaissance et la pratique des méthodes contraceptives (Kouton, 1992). Selon l'auteur, plus une ethnie contiendra des adolescentes de plus en plus instruites, plus celles-ci auront des aspirations socioprofessionnelles et ceci aura une influence négative sur l'engagement précoce dans les relations sexuelles et l'aspiration précoce au statut d'épouse par les adolescentes.

Le niveau d'instruction influence positivement les comportements sexuels des adolescentes car une femme instruite est capable de créer de bons rapports de communication au sein du couple et prendre certaines décisions. Les femmes instruites sont davantage capables de négocier la manière de faire les rapports sexuels ou de refuser de les avoir dans certains cas. Et lorsque l'éducation de la femme s'accompagne de son indépendance économique, sa capacité à prendre les décisions augmente et partant, ses risques d'utiliser les condoms (Cherlin et Riley, 1996 ; Bledsoe, 1986 ; Pickering et al.., 1993 ; Awusabo et al..,1993 ; Niang, 1995 ; Varga, 1997 ; Rwenge, 1999, 2000,2001).

La fréquentation scolaire influence positivement aussi bien la connaissance des IST/VIH/SIDA que les moyens de prévention (Rwenge, 1999, 2002 ; Kuaté-Défo, 1998 ; Dembélé, 2004). Baya et Meda (2001) ont observé que le niveau d'instruction est un déterminant de l'utilisation des condoms aux premiers rapports sexuels chez les jeunes Bobolais. Kobelembi (2005) a aussi constaté qu'à Bangui l'utilisation du préservatif au cours des rapports sexuels est plus le fait des adolescents qui fréquentent un établissement scolaire. Rwenge (2000) a par ailleurs observé qu'à Bamenda les jeunes scolarisés au niveau du premier cycle secondaire étaient plus susceptibles de ne pas utiliser le préservatif au moment de l'enquête que leurs homologues lycéens.

II-1-1-2 Approche socioéconomique

L'approche économique considère les jeunes comme des acteurs rationnels. Cette approche se fonde sur la thèse de "l'adaptation rationnelle" selon laquelle les jeunes s'engageraient dans la sexualité pour atteindre des objectifs bien précis, précisément d'ordre économique ou social (Rwenge, 1999). Dans le premier cas, on peut noter les études qui ont insisté sur le fait que les conditions économiques contribuent aussi à l'engagement des jeunes dans l'activité sexuelle. Ainsi, la satisfaction des pulsions sexuelles peut se faire chez les jeunes garçons en échange de cadeaux, d'habits, de sommes d'argent ou d'un travail rémunéré en faveur des jeunes filles. Dans le second cas, se retrouvent les études qui expliquent l'activité sexuelle des jeunes, surtout les filles, par le mariage et la fécondité, celle-ci étant en fait une stratégie de l'aboutissement du mariage.

L'approche socioéconomique stipule alors que l'activité sexuelle des adolescentes répond à des objectifs bien précis d'ordre économique et social. Les jeunes garçons et les jeunes filles contractent les rapports sexuels à but lucratif. Il s'agit du phénomène de commercialisation du sexe par les adolescentes qui veulent gagner de l'argent nécessaire à la satisfaction de leurs besoins (Rwenge, 1999). A travers le monde, le statut économique et social inférieur réservé aux femmes a pour conséquence directe d'accroître leur vulnérabilité à l'égard du VIH et limite leur capacité à contrôler leur vie sexuelle et à se protéger (Panos, 1993). Dans la plupart des sociétés africaines, les relations entre les sexes sont caractérisées par un déséquilibre du pouvoir. Dans ces sociétés, le rôle de la femme est essentiellement de faire des enfants et d'exercer les travaux domestiques. Très peu de femmes ont accès à des ressources économiques et éducatives d'importance cruciale : information, avoirs, compétence professionnelle. La dépendance des femmes à l'égard des hommes exerce une influence négative sur leur capacité à déterminer les conditions dans lesquelles se déroulent les rapports sexuels.

Selon l'approche économique les jeunes vivant dans la pauvreté, ou menacés par la pauvreté sont vulnérables à l'exploitation sexuelle et sont incités à échanger des faveurs sexuelles afin de survivre. Les difficultés économiques motivent donc les adolescentes à adopter des comportements "à risque". Dans ces conditions, certaines s'adonnent même à la prostitution. Pour soumettre à l'épreuve des faits l'approche économique, la variable composite suivante a été utilisée : le niveau de vie du ménage ou condition de vie du ménage. Le choix de la variable varie d'un pays à un autre.

Dans certaines études menées au Cameroun (Evina, 1998 ; Rwenge, 1999 ; 2000 ; 2003), les variables considérées pour cette étude ont été : l'activité économique du père, l'activité économique de la mère, la suffisance des moyens. Les résultats particulièrement ceux de Rwenge (1999 ; 2000) ont révélé une forte corrélation entre ces facteurs économiques et les comportements sexuels étudiés. Il s'est avéré que l'activité sexuelle était moins courante chez les jeunes dont le père était fermier ou pécheur que chez ceux dont le père était employé de bureau. Ce comportement sexuel a aussi été observé chez les jeunes issus de foyer pauvre. La relation entre la suffisance des moyens et l'activité sexuelle ne présentait aucun effet significatif.

Dans le contexte ivoirien, les conditions de vie ont été retenues par Talnan et al. (2002) pour soumettre à l'épreuve l'influence du contexte économique sur les comportements sexuels des jeunes. La relation entre les conditions économiques et les premiers rapports sexuels avant 16 ans ne s'est pas avérée significatif. Par contre, ces auteurs ont observé que les adolescents qui vivent dans les conditions économiques difficiles étaient plus susceptibles d'avoir plusieurs partenaires sexuels. Il apparaît aussi que ces deniers se sont avérés moins enclins à protéger leurs rapports sexuels.

II-1-1-3 Approche institutionnelle

La dernière approche, la moins représentée dans la littérature existante, suppose que l'activité sexuelle des jeunes en milieu urbain serait aussi fonction de l'importance que les décideurs accordent aux lois et programmes les concernant. D'où l'importance accordée aux législations relatives au mariage, à la vie maritale des parents, à la protection sociale des jeunes et aux services spécifiques aux jeunes dans certaines études antérieures ayant abordé ce sujet.

Le recours aux facteurs institutionnels pour l'explication des comportements sexuels des adolescents découle du fait que les politiques créent des conditions susceptibles d'influencer les comportements des adolescents, leurs connaissances et leurs sensibilisations au VIH/SIDA.

Dans la plupart des études antérieures, ces facteurs ont été présentés sous forme de recommandations (Rwenge, 1999). Aucune d'elles n'a donc mis en exergue leurs associations avec les comportements sexuels des jeunes. La célébration des unions des jeunes est réglementée dans la plupart des pays africains par des textes portant organisation de l'état civil et diverses dispositions relatives à l'état des personnes physiques (Mbarga, 1991). Il existe encore cependant des pays africains où la législation sur le mariage des enfants est inexistante ; le  "coutumier" demeure ainsi le cadre juridique par excellence en matière de nuptialité (Rwenge, 1999).

Rwenge (1999) fait remarquer par ailleurs qu'il existe des lois concernant la protection sociale des enfants, mais très peu de pays africains en disposent et là où ces lois existent, elles sont rarement appliquées. Les programmes de population des pays africains sont limités par le fait qu'ils s'adressent davantage aux adultes et moins aux jeunes (Rwenge, 1999).

Les approches explicatives des comportements sexuels des jeunes et des adolescents sont donc essentiellement d'ordre socio-culturel et économique. Ce sont ces deux approches qui sont retenues dans le cadre de ce travail. Un des objectifs importants de notre étude consiste justement à comprendre comment les contextes socio-culturel et économique affectent la sexualité des jeunes et des adolescents.

* 12 Gervais Beninguissé, 2007, Sexualité prémaritale et santé de la reproduction des adolescents et des jeunes en Afrique Subsaharienne, version provisoire, 38 p. (article non publié)

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