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Internet à  Touba: approche géographique des usages du réseau dans les cybercafés de la ville

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par Paul Marie Benoit Mamadou DIOUF
Université Cheikh Anta Diop de Dakar - Maitrise 2009
  

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CONCLUSION GENERALE

L'objectif général de cette étude était d'appréhender, à partir d'une approche géographique des usages d'Internet dans des cybercafés de Touba, les effets réels de la présence de cette TIC dans l'espace de cette ville. Afin de mieux atteindre cet objectif, nous avions émis 4 hypothèses que sont :

· Internet est une TIC dont l'utilisation requiert au moins un minimum de connaissances telles que savoir lire et écrire les langues exotiques surtout. De ce fait, seuls ceux qui ont fréquenté ou qui fréquentent l'école française ou le franco arabe utilisent Internet dans les cybercafés de la ville de Touba. Ce qui crée une subdivision de la population toubienne qui oppose d'un coté ces usagers d'Internet et, de l'autre, les analphabètes qui ne peuvent utiliser cet outil même s'il leur offre de réels avantages ;

· Du fait des nombreuses facilités de communications qu'elle offre, la technologie Internet est utilisée par les populations de Touba pour établir des relations à distance avec sa diaspora ;

· Le fait religieux exerce une grande influence sur les usages qui sont fait d'Internet à Touba et y occupe ainsi une place centrale. La technologie Internet participe donc à renforcer la dimension religieuse de la ville de Touba ;

· Même si elle offre de nombreux cadres où il est possible de se soustraire des exigences religieuses ou sociétales, la technologie Internet n'est pas utilisée par les internautes « toubiens » pour s'adonner à des activités prohibées dans leur localité. Elle ne participe donc pas à l'affaiblissement de l'autorité du khalife sur le contrôle des hommes et de l'espace de la ville de Touba.

Soulignons tout de même que ces hypothèses ne sont que des réponses provisoires à la question de départ, et qu'elles ont été mises à l'épreuve des faits, des réalités du terrain sur lequel porte cette présente étude. La méthodologie adoptée pour vérifier ces hypothèses est basée sur un ensemble d'outils de collecte et de traitement des donnes adaptées aux spécificités de notre domaine d'étude. Ainsi, grâce aux questionnaires administrés aux usagers d'Internet et aux gérants des cybercafés et aux informations obtenues des entretiens exploratoires et des observations, nous avons pu arriver à des certitudes.

Touba est une ville située au centre ouest du pays et a été fondée en 1888 par Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké, un fervent sunnite qui s'était entièrement dévoue à Dieu et à son envoyé Mohamed (PSL). A travers elle, le fondateur cherchait un cadre idéal non seulement pour lui mais aussi pour l'ensemble des murid (terme qui désigne aspirant à Dieu), pour adorer et servir Dieu conformément aux recommandations et interdits de ceux-ci. Dans l'ode qu'il a dédie à sa ville, Matlaboul Fawzeinie, il décrit explicitement le type d'homme qu'il souhaite comme « voisin » et les principales fonctions de celle-ci. Cette dimension spirituelle éminente confère à cette ville une autonomie de gestion qui ne fait que renforcer son attractivité et stimuler du coup son peuplement massif. Aujourd'hui, Touba avec ses plus d'1 millions d'habitants est devenue la seconde agglomération urbaine du pays. Et comme les autres villes sénégalaises, elle n'a pas été en marge de l'avènement des TIC, Internet en particulier, au Sénégal. Les cybercafés y ont existés bien avant l'introduction de l'ADSL dans ce pays, technologie qui a fortement contribué à la baisse des tarifs de connexion et par conséquent à la massification des usagers de cette TIC. La localisation spatiale de ces lieux d'accès collectifs à Internet leur confère une certaine accessibilité physique et leur aménagement interne et externe renforce leur attractivité. En outre, ils proposent à leurs clientèles une gamme variée de services allant de la connexion à Internet aux travaux bureautiques en passant par la confection de sites web, la réparation/vente de matériels informatiques, le fax, etc. Cependant, ces infrastructures ont été pendant un moment mis au vert par les autorités de la ville qui, sur la base de certaines informations les considéraient comme des lieux de débauches où l'on s'adonnait à des activités interdites dans la ville. Il a fallu l'intervention de certains grands commerçants influents (et dont certains sont propriétaires de cybercafés) pour que ces lieux soient rouvert. En outre, bien qu'ils soient des espaces accessibles, ils sont peu utilisés pour la connexion à Internet. En effet ce service proposé par les cybercafés occupe la seconde place dans les usages que les populations de Touba font de ces lieux qui d'ailleurs, ne reçoivent qu'entre 5 et 25 clients internautes par jour. Et la majorité de ces internautes se connectent que pour une durée inférieure ou égale à 1h et fréquente les cybercafés une fois par semaine. Ainsi, même si l'utilisation d'Internet dans les cybercafés commence à intégrer les habitudes d'une certaine couche de la population toubienne, il demeure néanmoins que son appropriation est loin d'être effective dans cette ville.

Les « toubiens » qui utilisent Internet dans les cybercafés présentent des profils variés. En effet, contrairement à ce que l'on a supposé dans notre hypothèse, Internet n'est pas utilisé seulement par les gens qui ont été ou qui sont toujours à l'école française ou au franco arabe. Bien au contraire, cette technologie est utilisée aussi bien par des élèves, des étudiants que par des individus qui n'ont jamais été ni au franco arabe, ni à l'école françaises. Elle est également utilisée par des individus qui ne parlent que les langues locales du pays, par d'autres qui ne savent écrire aucune langue (qu'elle soit locale ou étrangère), par des commerçants, des chauffeurs, des tailleurs, des maçons, des mécaniciens etc. Le groupe d'usagers compte donc à la fois des analphabètes et des alphabétisés. La technologie Internet n'exclue donc pas d'emblée les illettrés parce qu'utilisant l'écrit comme principale support. L'analyse des modalités d'utilisation de cette TIC a permis de saisir qu'il s'agit, bien au contraire, d'une technologie qui, de par sa configuration, permet même à des gens non instruits de l'utiliser. L'emploi de la technologie du multimédia et du concept d'hypertexte dans la conception des pages web explique dans une large mesure cette situation. En effet avec ces deux techniques informatiques, les pages web qui s'affichent à l'écran des ordinateurs connectés à Internet comportent des balises (qui peuvent être du son, des images fixes ou animées ou des textes en surbrillance) qui renvoient à d'autres pages web ou qui permettent de raccourcir l'accès à certaines applications et services. C'est donc dire qu'avec cette caractéristique des pages web, autant l'usager est curieux autant il en découvre davantage sur les mille et une possibilités offertes par le réseau. En outre elle permet de contourner certains obstacles liés surtout à la langue en ce sens qu'on peut accéder à certaines ressources du réseau sans avoir à servir du clavier de l'ordinateur.

Les types d'utilisations particulières qui sont fait du « réseau des réseaux » sont multiples et variées. La communication demeure la première activité que les populations sondées font sur Internet. 75% d'entre eux l'utilisent pour communiquer avec des émigrés qui habitent à Touba et qu'ils connaissent. C'est donc dire que cette technologie permet à ces populations de Touba de maintenir une relation à distance avec sa diaspora. De nombreuses applications Internet sont utilisées pour établir cette relation. Le tchatche est la première application dont se servent ces « toubiens » pour communiquer avec ces émigres. Cet outil offre de réels avantages en ce sens qu'il permet une communication instantanée par écrit et à laquelle on peut joindre des flux de lecture en continue de sons ou d'images grâce à une webcam et un micro casque. Les autres applications utilisées pour communiquer via Internet sont le courriel et Skype. La seconde catégorie d'usage concerne la recherche d'information. Cette activité n'est pas un fait illusoire. Bien au contraire, il répond à un besoin éminent et d'ailleurs 53% des usagers ont affirmé qu'ils avaient au moins une fois trouvé sur Internet l'information qu'ils y cherchaient. Les principaux types d'informations recherchées sur Internet portent sur l'actualité nationale et/ou internationale, les études, le travail, la religion, le sport (football en particulier), la musique, le cinéma et le commerce. Le transfert de fichiers est la troisième activité que les populations de la ville font sur Internet. Les principaux fichiers téléchargés sont par ordre d'importance les fichiers audio/vidéo, des fichiers textes (cours, support de cours, document lie a l'activité professionnelle exercée, des textes de chansons, des documents portant sur Bamba ou le mouridisme, des dictionnaires), des programmes informatiques, des khassidas, des photos divers, des vidéos de magals ou de « thiant » et, enfin, des jeux. La technologie Internet est également utilisée par une frange d'internautes pour s'adonner à certaines formes de loisirs/divertissement telles que l'écoute et le visionnage de contenus audiovisuels et les jeux en ligne. L'écoute et le visionnage de contenus mourides et le commerce en ligne constituent les dernières activités pratiquées sur Internet par les populations de Touba.

Ces usages que ces populations font d'Internet traduisent leurs besoins exprimés ou latents. Cependant le fait religieux, largement présent sur Internet et caractéristique majeure de la localité de Touba, est certes présent dans ces usages mais y occupe une place relativement faible. Pour ce qui est des informations recherchées sur Internet, celles relatives à la religion (l'islam, le mouridisme, son fondateur ou un membre de sa famille) arrivent en troisième position, derrière les informations relatives aux actualités et aux études et travail. Mais elles devancent quand même celles portant sur le sport, la musique ou le cinéma. Concernant les fichiers transférés, on s'aperçoit qu'il y en a certes certains dont le contenu est en rapport avec le mouridisme (khassidas, vidéos de magals ou de `'thiant'', photos de Bamba ou de figures emblématiques du mouridisme), mais ce sont les fichiers classées dans la catégorie audio/vidéo qui dominent largement. Enfin pour ce qui est de l'écoute et du visionnage de contenus audiovisuels, on observe encore une fois que ce sont les musiques et les vidéos diverses qui prennent largement le pas sur les khassidas et les vidéos de la confrérie mouride. Ainsi Les internautes de la ville, ou du moins la majorité d'entre eux, accordent donc peu d'importance au fait religieux dans les utilisations particulières qu'ils font du réseau Internet dans les cybercafés. Ce qui amène à dire qu'ils se servent peu ou pas du tout de cette TIC pour mieux s'imprégner des enseignements de leur confrérie.

Par ailleurs, une partie d'entre eux fréquentent sur Internet des cadres où il est possible de s'exprimer ou d'établir différents types de rapports avec d'autres internautes, et aussi d'autres où il est possible s'adonner à certaines formes de loisirs interdits dans leur ville. En effet, blogs, forums de discussion et sites de rencontre sont autant d'endroit que fréquentent une partie de l'échantillon soit pour établir des relations amicales, professionnelles, familiales ou amoureuses, soit pour disposer d'espaces personnels interactifs ou soit pour débattre sur des sujets portant sur les faits de société, les faits d'actualités, l'amour, la religion, les études, la santé, etc. Les internautes qui visitent les cadres d'expression sont minoritaires dans notre échantillon. Seuls 20% des usagers participent à des forums de discussion et 27% d'entre eux possèdent un blog. Toutefois pour ce qui est des sites de rencontre, on remarque une nette prédominance des internautes qui les fréquentent (59%) dans l'échantillon. Par ailleurs sur l'ensemble des usages que ces internautes font de ces lieux, ceux qui sont rapport avec l'affaiblissement du contrôle du khalife occupent une place minoritaire. Parmi les types de relations établies sur la toile, celles amoureuses arrivent loin derrière les relations amicales et professionnelles et familiales. Les discussions sur des sujets tabous comme la sexualité ou les relations amoureuses sont également peu pratiqués par rapport à l'ensemble des sujets de discussion. Dès lors l'on peut avancer qu'il y a effectivement dans l'échantillon des « toubiens » qui s'adonnent sur Internet à des activités prohibés dans leur ville. Ces derniers se sont donc servis d'Internet comme un moyen pour contourner l'autorité du khalife et satisfaire ainsi des besoins exprimés ou latents et qui sont rejetés dans leur ville. Mais ces internautes sont largement minoritaires dans l'échantillon.

Voila en gros ce qu'a révélé l'approche géographique des usages du réseau Internet dans des cybercafés de la ville de Touba. Cette étude exploratoire, nous l'espérons, aura permis de mieux saisir la problématique de l'appropriation d'Internet (technologie reflétant le modernisme, l'occident et dont l'écrit est le principal support) par des populations non instruits et aussi dans une « ville religieuse », souvent perçue comme des cadres anti-occidentalistes d'une part et, de l'autre le rôle de cette technologie dans les transformations d'un territoire quelconque. Toutefois, en raison notamment de la taille de l'échantillon comparée a l'échelle d'analyse, les résultats fournis ne peuvent permettre de procéder à une généralisation. Dès lors d'autres études du même genre s'imposent afin d'avoir une idée exhaustive sur les effets réels de la présence d'Internet dans la ville de Touba. Celles-ci pourraient par exemple porter sur l'apport de la technologie Internet dans la gestion de la ville religieuse à travers l'analyse du site web de la cellule de communication du khalife général ou des autres sites web créés par des dahiras mourides.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus