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La loi de la force et la force de la loi

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par Alex BATUHOLA
St Pierre Canisius - Graduat 2008
  

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CHAP. II : LA DIALECTIQUE DE L'ACTION POLITIQUE

Par dialectique de l'action politique, nous entendons le caractère paradoxal de l'agir politique qui se manifeste dans « la rationalité et dans les possibilités de perversion ».55(*) En effet, en politique, on distingue deux éléments : « une rationalité politique spécifique et un mal politique. La rationalité est le sens du politique en tant qu'organisation humaine au service de l'homme et de la société qui doit être pensée comme orientée vers un bien auquel participe le bien individuel ».56(*) C'est en quelque sorte le politique tel que pensé par les Anciens, en particulier par Aristote dans son livre « Le politique ». Il y a aussi la politique qui est en quelque sorte la concrétisation de cet idéal politique. C'est dans les moyens utilisés qu'intervient le pouvoir, en particulier la violence pour pousser les gens à réaliser cet idéal.

C'est ici qu'apparaît le mal politique. Ce mal consiste dans l'utilisation des moyens les mieux appropriés pour se maintenir au pouvoir et assurer l'ordre social. L'action politique s'inscrit en effet dans le déchiffrement des événements dans l'avenir. La politique nous fait prendre conscience du fait qu'elle se meut sur un terrain où peut apparaitre une opposition entre la politique et les valeurs morales. Elle nous apparaît comme le lieu où parfois l'homme peut se salir les mains avec tout ce que cela comporte de violent, d'immoral et d'injuste.

Notre deuxième chapitre s'articule autour de trois axes. D'abord, il sera question du recours à des méthodes reprouvées par la morale mais qui, si on les suit, apportent aise et sécurité au prince. Ensuite, nous focaliserons notre attention sur ce que l'on appelle habituellement la « politique de l'apparaître ». Enfin, on traitera de la sagesse du prince. Il s'agirait d'une sagesse caractérisée par la combinaison des vices et des qualités pour l'exercice et le maintien du pouvoir.

II.1. Le mal politique chez Machiavel

En proposant les moyens pour le maintien du pouvoir, Machiavel ne se préoccupe pas des questions d'ordre moral. Ce qui l'intéresse, c'est la description de la manière dont s'acquiert, s'exerce et se conserve le pouvoir. Voilà pourquoi plusieurs hommes politiques trouvent dans Le Prince, les stratagèmes pour maintenir à tout prix leur pouvoir. D'autres, l'ayant mal interprété, l'utilisent pour asseoir leurs dictatures et tyrannies.

Pour Machiavel, le mal est mal. En ce sens, il sait ce que signifie la cruauté, l'avarice, etc. Ce sont des vices même s'ils peuvent concourir à établir le pouvoir. Machiavel ne nous enseigne pas le mal, il nous apprend simplement qu', il y a possibilité d'utiliser le mal par l'autorité légitime pour conserver l'intégrité territoriale et le bien être social ; tout en s'opposant à une cruauté féroce, aveugle qui d'ailleurs cause la ruine du prince. En ce sens, l'exhortation à entrer dans le mal quand c'est nécessaire, est à comprendre dans le but de la conservation ou du maintien du pouvoir. Cet appel de notre auteur se situe dans le contexte de l'Italie de son époque. C'est ainsi qu'après avoir décrit le visage du prince, Machiavel achève son ouvrage par une exhortation au prince Laurent de Médicis :

« On ne doit pas, donc, laisser perdre cette occasion, afin qu'après une si longue attente, l'Italie puisse voir apparaitre un rédempteur. Je ne saurais pas suffisamment déclarer avec quelle grande affection il serait reçu en tous ces pays, qui en ont enduré par ces descentes d'étrangers en Italie, avec quelque soif de vengeance, avec quelle foi opiniâtre, quelle piété, quelles larmes. Quelles portes lui fermerait-on ? Quel peuple lui refuserait obéissance ? Quelle envie s'opposerait à lui ? Quel italien lui refuserait hommage ? Cette barbare tyrannie pue à tout le monde ici. Que votre illustre maison donc assume ce parti, avec le même coeur, avec le même espoir qu'on assume des justes guerres, que sous son étendard, votre patrie soit ennoblie dit de Pétrarque ».57(*)

Ici se trouve donné le contexte dans lequel Machiavel publie son ouvrage. Il s'agit d'une situation de crise où tous les moyens sont bons pourvu qu'on soit libéré de la tyrannie. Machiavel est préoccupé par la situation dramatique de l'Italie focalisée sur trois centres avec les Etats pontificaux (Milan, Venise et Florence). A cotés des ces Etats existent encore d'autres petits Etats qui naissent. Machiavel milite donc pour l'unification de l'Italie. La faiblesse de l'Italie vient en effet de la lutte des factions, de l'incapacité des italiens à s'unir devant l'étranger. En ce sens, nous l'avons déjà souligné, seul le prince doué de « virtù » pouvait sauver l'Italie.

Pour inspirer la crainte, le prince doit recourir à la cruauté « bien employée ». Qu'est-ce qu'une « cruauté bien employée » ? Selon notre auteur, la cruauté bien employée est celle qui se produit une fois pour toutes et se transforme rapidement en bénéfice pour le peuple. C'est pourquoi Machiavel fait l'éloge de César Borgia qui, utilisant une cruauté bonne, réussit en peu de temps à rétablir l'ordre en Romagne et à unifier son peuple.

« On peut appeler bonne cette cruauté (...) qui s'exerce seulement une fois, par nécessité de sûreté, et puis ne se continue point, mais bien se convertit en profit des sujets le plus qu'on peut. La mauvaise est celle qui du commencement, encore qu'elle soit bien petite, croit avec le temps plutôt qu'elle ne s'abaisse. Ceux qui useront de la première sorte de cruauté peuvent avec l'aide de Dieu et des hommes trouver quelque remède favorable».58(*)

Aussi, propose t-il au prince « d'être plus craint qu'aimé ». Parce que l'amour crée une obligation qui, par le fait même, ôte au prince sa liberté. Mais la peur du châtiment engendre plutôt révérence et respect. Par conséquent, il est souhaitable que le prince soit plus craint qu'aimé, parce que celui qui cherche à être aimé se met sous la dépendance de ceux dont il cherche à être aimé. Mais celui qui est craint reste indépendant de ceux qui le redoutent et les place au contraire sous sa dépendance :

« Il est beaucoup plus sûr de se faire craindre qu'aimer, s'il faut qu'il y ait seulement l'un des deux. Car on peut dire généralement une chose de tous les hommes : qu'ils sont ingrats, changeants, dissimulés, ennemis du danger, avides de gagner, tant que tu leur fais du bien, ils sont tout à toi, ils t'offrent leur sang, leurs biens, leur vie et leurs enfants [...] quand le besoin est futur ; mais quand il approche, ils se dérobent ».59(*)

Cette citation pose le problème de la conception anthropologique de Machiavel. Une telle affirmation ne contrarie t-elle pas la perception de l'homme d'un plus grand nombre ? De fait, l'opposition introduite par Machiavel entre les moyens et les fins de l'action est renforcée par un pessimisme sur l'homme (l'homme est méchant affirme t-il). C'est dans cette perspective que s'inscrit aussi Thomas Hobbes. La question que l'on se pose est celle de savoir, si d'un méchant peut-il sortir quelque chose de bon ?

En effet, dans son ouvrage, Le Léviathan, traitant de la matière, de la forme et du pouvoir ecclésiastique et civil, Hobbes nous propose aussi une anthropologie pessimiste. Dans cet ouvrage, il distingue deux états, à savoir : l'état de nature et un état politique. Le premier état (de nature) est celui dans lequel « l'homme est un loup pour l'homme ». C'est  « la guerre de chacun contre chacun ».60(*) Cette situation de l'homme trouve son origine dans certains traits de la « nature humaine » en l'occurrence « la rivalité, la méfiance et la fierté ».61(*) C'est pour cette même raison qu'il écrit : «nous pouvons trouver dans la nature humaine trois causes principales de la querelle : premièrement, la rivalité ; deuxièmement, la méfiance ; troisièmement, la fierté ».62(*) Toutes ces trois dimensions ont pour conséquence « un désir perpétuel et sans trêve d'acquérir pouvoir après pouvoir ».63(*)

Dans l'état de nature, il n'y a pas des lois. Seule la République émet des lois pour le vivre ensemble des citoyens. Pour échapper à « la crainte et le risque continuels d'une mort violente»64(*) qui guettait les individus isolés dans l'« état de nature », les gens doivent s'associer pour conférer le pouvoir à un seul : « le Léviathan », et ainsi, pour permettre l'organisation de l'Etat, sinon ils restent dans l'anarchie. C'est ainsi que ceux-ci se résolurent à s'imposer des lois fondées sur le contrat social.

Selon Hobbes, afin de garantir la sécurité des personnes et des biens (vocation première de l'État), les citoyens doivent se soumettre au même type de contrat social qui a permis d'instaurer la société civile : ils doivent renoncer à leur pouvoir politique et économique en faveur du prince, qui, bien qu'il ne soit pas infaillible, est le seul à pouvoir épargner à ses sujets les conflits sociaux auxquels les portent leurs inclinations naturelles65(*).

Ainsi, le bon prince est celui qui prend au sérieux la condition humaine, caractérisée par l'ambiguïté du bien et du mal. Et, celui qui veut devenir prince doit connaître cette versatilité des hommes. Un prince qui ignore cette nature de l'homme s'expose à plus d'un risque. En effet, les hommes sont cupides, violents et pleins d'ambitions.

C'est dans cette perspective que Machiavel affirme qu'il n'est pas bon d'être toujours vertueux, mais seulement le paraître. Sinon, ce serait préjudiciable à la politique. Cette affirmation de Machiavel est à comprendre dans le sens où le peuple ignore son bien ; que le prince qui du moins est considéré comme guide, peut dans l'intérêt général du peuple, tromper l'ennemi, violer la parole donnée, etc. En d'autres mots, il peut utiliser certains vices qui concourent à la conservation du pouvoir.

Par ailleurs, dit-il, l'Etat est parfois le siège des conflits et non seulement une assemblée de paisibles citoyens qui acceptent d'être facilement gouvernés par un sage : « Tous les écrivains qui se sont occupés de politique (l'histoire est remplie d'exemples qui les appuient) s'accordent à dire que quiconque veut fonder un Etat et lui donner des lois doit supposer d'avance les hommes méchants, et toujours prêts à montrer leur méchanceté toutes les fois qu'ils en trouveront l'occasion ».66(*)

On voit donc, aussi bien Machiavel que Hobbes ont la même idée de l'homme et, par voie de conséquence, du vivre « ensemble ». C'est ainsi que le prince avisé doit tenir compte de la lutte autour du pouvoir lui -même. La politique se détermine en fonction du rapport de force que le prince doit gérer. Machiavel nous prévient en affirmant que c'est dans le moment de crise que l'on voit réapparaître la nature bestiale de l'homme, qui est dissimulée en temps ordinaire, enrobée sous le couvert de la politesse, de la flatterie et de la ruse.

En ce sens, le prince doit opposer la société civile, lieu où s'affrontent les passions humaines à l'Etat, lieu où tous ces antagonismes doivent se dissoudre sous la domination de la force supérieure que possède le prince. Faudrait- il encore que le prince sache que la politique ne se fait pas avec de bons sentiments, mais essentiellement avec des actes efficaces. Et une fois la fin définie, il ne lui restera qu'à déterminer les moyens pouvant lui permettre d'atteindre cette fin qu'il s'est assignée. Pour Machiavel, en politique la fin justifie les moyens. En d'autres termes, tous les moyens sont bons du moment où ils concourent à la réalisation de l'intérêt supérieur de l'Etat. Néanmoins, nous savons que ce sont plutôt les moyens employés qui permettent de juger la fin.

Au demeurant, la valeur accordée au résultat obtenu dépend du caractère incontestable des moyens employés. Mais, la conception défendue par Machiavel a des conséquences graves sur le plan moral. Ce qui compte ici, c'est l'intérêt qu'il soit personnel ou collectif. Toutefois, pour dissimuler le caractère immoral des moyens, Machiavel met en lien les moyens avec la nécessité ; c'est-à-dire l'usage des moyens est dicté par la contrainte. C'est dans cette optique que nous devons comprendre cette affirmation : « Un prince donc se propose pour son but de vaincre, et de maintenir l'Etat : les moyens seront toujours estimés honorables et loués de chacun, car le vulgaire ne juge que de ce qu'il voit et de ce qui advient ; or, en ce monde, il n'y a que le vulgaire ; et le petit nombre ne compte point, quand le grand nombre a de quoi s'appuyer ».67(*) 

Nous pouvons déduire de ce qui précède qu'il est permis au prince de recourir en cas de nécessité, à tous les moyens, même ceux réprouvés par la morale, dans le but d'atteindre l'idéal politique. De fait, pour notre auteur, la vision morale ne s'accommode pas toujours avec la vision politique. En effet, le souci d'agir efficacement pousse parfois le prince à agir à l'encontre de certains principes moraux. Dans cette perspective, nous pouvons affirmer que la visée morale est pour Machiavel différente de la visée politique.

Tous les moyens employés par la raison d'Etat, qu'ils soient bons ou mauvais, sont d'office légitimes, à telle enseigne que le pouvoir peut corrompre, tromper, tuer, etc dans le but de maintenir l'unité de l'Etat et l'ordre social. Pour illustrer sa pensée, Machiavel cite le cas de César Borgia qui est parvenu à faire l'unité de la Romagne en utilisant une « bonne cruauté », c'est-à-dire celle qui se pratique une fois et qui vise un intérêt général. Cette manière de procéder ne veut toutefois pas signifier que Machiavel incite les gens à la violence.

Il apparaît plutôt que, pour Machiavel, la force du prince doit être mesurée. Elle ne doit pas être utilisée sans cause juste. Cette force est à distinguer d'une cruauté féroce et aveugle qui cause la ruine du tyran : « Quand il serait forcé de procéder contre le sang de quelqu'un, il ne doit point le faire sans justification convenable ni cause manifeste; mais sur toutes choses s'abstenir du bien d'autrui ».68(*) On voit que le prince de Machiavel n'est pas aussi cynique que d'aucuns le croient. Pour notre auteur, le prince doit être un modèle ; c'est-à-dire qu'il y a un certain nombre de choses qu'il peut faire et d'autres qu'il ne peut pas faire. En ce sens, il devrait à tout prix et surtout éviter celles qui peuvent lui apporter haine et mépris, entre autres, piller les biens de ses sujets, devenir un tyran, prendre les femmes de ses sujets par force, etc.

Toutefois, nous vivons dans un monde marqué par des guerres, des divisions ; un monde où les intérêts individuels l'emportent sur les intérêts communs. C'est aussi un monde déchiré par la lutte des appétits du pouvoir, des grandes ambitions et le manque de transparence. Ainsi, pour conserver le pouvoir, le prince doit paraître puissant. C'est à ce prix qu'il peut établir la paix et la concorde entre les peuples. Il ne peut le faire que par l'action et dans l'action en pesant les décisions qu'il prend et en prévoyant leurs conséquences.

C'est pourquoi le prince doit toujours agir en fonction des fins poursuivies par l'Etat, lesquelles fins sont moralement bonnes (l'unité de l'Etat, la paix sociale, etc.). En effet, pour notre auteur, le prince doit savoir qu'il y a d'un côté les principes moraux qu'il préconise énergiquement, et de l'autre côté, les exigences politiques qui ne marchent pas toujours dans le sillage de la morale.

C'est ainsi que chez Machiavel, la vertu principale du prince ne relève pas nécessairement de la morale mais d'abord de la politique. C'est par sa capacité d'user de la force ou de la loi que le prince parvient à instaurer l'ordre et l'unité de la cité. On comprend pourquoi il conseille au prince justement l'usage judicieux et vigoureux, aussi bien de la vertu que du vice, selon que l'exigent les circonstances.

II.1.1. La politique de l'apparaître

Machiavel suggère au prince d'user, selon les circonstances, de la loi ou de la force, de la cruauté ou de la séduction, de la vérité ou du mensonge. Toujours est-il que le prince doit apparaître devant le peuple sous la forme d'une autorité forte, capable d'imposer sa force, et par là d'être craint sans pour autant être méprisé et haï. Il devra toujours agir en fonction de l'instance supérieure qu'est l'Etat. Il doit par tous les moyens conserver l'intégrité de l'Etat et faire en sorte qu'aucune force, aussi bien étrangère que nationale, ne vienne perturber l'ordre social.

En effet, dans des situations difficiles, le prince doit agir de façon réaliste. Il doit apprendre à être cruel comme le sont ses adversaires. C'est ainsi que, pour ne pas précipiter sa perte et celle de son Etat, il doit apprendre à ne pas être toujours bon et à ne pas s'écarter non plus du bien quand il le peut. Pourvu qu'il paraisse bon aux yeux du peuple. Pour ce faire, il suffit qu'il se montre généreux, bon, pieux, attaché aux traditions et aux valeurs, puissant, etc:

« Il n'est donc pas nécessaire à un prince d'avoir toutes les qualités ci-dessus nommées, mais bien il faut qu'il paraisse les avoir. Et même, j'oserai bien dire que, s'il les a et qu'il les observe toujours, elles lui portent dommage ; mais faisant beau semblant de les avoir, alors elles sont profitables ; comme de sembler être pitoyable, fidèle, humain, intègre, religieux ; et de l'être, mais arrêtant alors ton esprit à cela que, s'il faut ne l'être point, tu puisses et saches user du contraire».69(*

Il est donc indispensable que le prince ait une bonne image auprès du peuple, cherchant toujours à contenter ses désirs. Ce faisant, le peuple, qui s'identifie spontanément au prince porteur des valeurs auxquelles tout le monde croit, se reconnaîtra en lui. Dès lors, pour gagner l'estime et le soutien du peuple, le prince est tenu de respecter, au moins en apparence, tout ce que le peuple considère comme des valeurs morales et auxquelles il croit de tout son coeur. Mais, en privé, le prince peut mépriser ces règles, et agir parfois à l'encontre de la morale, comme par exemple dans le non respect de la parole donnée. Car, seuls importent la stabilité de l'Etat et le maintien du pouvoir.

D'après Machiavel, le peuple ne fait pas de distinction entre le paraître et l'être. Il est plus sensible aux apparences que le prince adoptera à bon escient : « Les hommes en général, jugent plutôt aux yeux qu'aux mains, car chacun peut voir facilement, mais sentir, bien peu. Tout le monde voit bien ce que tu sembles, mais bien peu ont le sentiment de ce que tu es. ».70(*

Nous voyons ici l'idée selon laquelle la foule est sans visage. En d'autres mots, enfoui dans la foule, l'homme se laisse emporter, non pas par la raison mais plutôt par l'opinion du groupe ou les sentiments. Le prince doit tenir compte de cette faiblesse de sa population. En ce sens, le prince peut participer aux cérémonies que le peuple apprécie, encourager certaines initiatives qui concourent au développement de l'Etat, en distribuant certaines récompenses à ceux qui sont meilleurs en chaque art mais pas beaucoup :

« Outre ces choses, un prince doit montrer qu'il aime la virtu, et doit porter honneur à ceux qui sont excellents en chaque art. Après il doit donner courage à ses citoyens de pouvoir paisiblement exercer leurs métiers, tant dans la marchandise qu'au labourage et dans toute autre occupation humaine, afin que le laboureur ne laisse ses terres en friche de peur qu'on ne les lui ôte et le marchand ne veuille pas commencer nouveau trafic par crainte des impositions. Le prince donnera récompense à ceux qui veulent faire ces choses et à quiconque pense en quelque autre manière que ce soit à enrichir sa ville ou son pays».71(*)

Au regard de la crise que connaît aujourd'hui la RDC, sans toutefois nier la part du peuple lui-même, il nous semble que nos politiciens portent la plus grande part de responsabilité dans la mauvaise gestion du pays. Par manque d'encouragement et faute d'une bonne rémunération, plusieurs secteurs de l'Etat ne fonctionnent pas normalement. Certains ont abandonné leurs métiers pour devenir soit commerçants, soit hommes d'affaires. Dans cette citation, Machiavel apparait comme un agent de développement. Sa vision peut être mise en lien avec la conception moderne qui lie politique et économie ; parce que le prince doit compter non seulement sur sa propre armée, mais aussi sur son propre argent et or.

Par ailleurs, il importe de noter que la pratique de la politique suppose une certaine discrétion. On ne devient pas un bon politicien en faisant de grands discours. C'est sur base de son action que l'on juge l'efficacité d'un prince. Parce que pour «les actions de tous les hommes et spécialement des princes (car là on n'en peut appeler à autre juge), on regarde quel a été le succès ».72(*)  C'est ainsi que le prince doit se servir du pouvoir, l'exercer selon les circonstances qui se présentent, c'est-à-dire profiter de certaines occasions pour renforcer son autorité. Parce que dans l'art de gouverner, l'autorité doit composer avec les circonstances pour les gérer de façon habile et maintenir son pouvoir ainsi que l'ordre de l'Etat :

« En certains temps de l'année, elle laisse son peuple ébattre et se détendre en fêtes et jeux. Et comme chaque ville est divisée en métiers ou en tribus, le prince doit faire cas de ces groupements, être quelquefois dans leurs assemblées, donner de soi un exemple d'humanité et magnificence : néanmoins qu'il ne déroge point à la majesté de son rang, car elle ne lui doit jamais faillir ».73(*)

Il ressort que la pratique de l'exercice du pouvoir est un art. Elle requiert une certaine sagesse et une certaine habileté. Le prince doit d'une manière ou d'une autre satisfaire les besoins de son peuple. Il devra faire preuve d'une certaine impartialité dans tout ce qu'il pose comme actes et dans ses décisions.

* 55 Paul Ricoeur, « Le paradoxe politique », p. 722

* 56 Ibid., p.723

* 57 Machiavel, Le Prince, p.182-183

* 58 Machiavel, Le Prince, p.66

* 59 Ibid., p.118-119

* 60 Thomas Hobbes, Le Léviathan, p.124

* 61 Ibid., p.123

* 62 Ibid.

* 63 Ibid., p.96

* 64 Ibid., p.124-125

* 65 Ibid., p.177

* 66 Machiavel, discours de la première décade de Tite-Live, pp. 338-339

* 67 Machiavel, Le prince, pp.126-127

* 68 Ibid., p.119

* 69 Machiavel, Le Prince, p.125-126

* 70Ibid., p.126

* 71 Machiavel, Le Prince, p.158

* 72 Ibid., p.126

* 73 Ibid.,p.158

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry