WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Commercialisation des produits piscicoles et de l'élevage

( Télécharger le fichier original )
par Malloum BRAHIM MALLOUM MBODOU
Adam Barka Tchad - article 2011
  

Disponible en mode multipage

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

    Communication au colloque

    Sous thème: la colonisation (1900-1960): le commerce.

    Thème: la commercialisation des produits piscicoles et de l'élevage

    (1950- 1966).

    Adresse: Brahim Malloum M'bodou

    Titulaire d'un Master recherche : option: Histoire économique, sociale et culturelle du Tchad

    Doctorant : Université de N'Gaoundéré/ Cameroun

    Tel: 66210180

    Mail: brahimcapi@yahoo.fr

    RESUME:

    Le Tchad de manière générale subit une dégradation croissante des ressources naturelles depuis plusieurs décennies. Cette dégradation est accentuée par les sécheresses des années 1972, 1973, 1984 et 1988. Les manifestations néfastes de celles-ci sont entre autres, une diminution de la production agricole, animale et du vert pâturage. Face à ces crises, la population du Mamdi est passée d'une économie traditionnelle à une économie moderne. Cette modernisation concerne les activités de l'agriculture, de l'élevage et de la pêche par l'introduction des nouveaux outils du travail. Cela conduit à une indépendance économique de la population qui change la lecture des échanges commerciaux. Non seulement l'indépendance économique de la population mais également la création des structures d'encadrement par l'Etat traduit cette modernité des activités agricoles et piscicoles. Cependant, cette modernité ne prend pas en compte les approches sectorielles ou multisectorielles de développement local. La non prise en compte par les politiques économiques des questions environnementales, sociales et même spatiale sont autant des facteurs, qui ne permettent pas le développement du département de Mamdi.

    Mots clés  : Tchad, Lac Tchad, Mamdi, commercialisation, société.

    INTRODUCTION :

    A l'instar des pays au sud du Sahara, le Tchad demeure un pole fondamental dans le cadre de commercialisation des produits piscicole et de l'élevage. De part ces potentialités économiques naturelles, la mise en valeur de ces ressources par les pouvoirs politiques traverse des difficultés sans précédent. A la veille de l'indépendance du Tchad, la pêche est réservée à une catégorie de personnes: les Haddad, et le poisson est vendu sous sa forme séchée sur les petits marchés du sud Kanem par ces derniers.

    La transaction porte sur de petites quantités, ce qui laisse penser que les circuits de distribution sont assez courts. Cependant les mutations de la pêche ont donné lieu à un élargissement des circuits de commercialisation. Par ailleurs, la modernisation de l'élevage entraîne également une évolution de la commercialisation des produits de l'élevage (viande, peau, lait). Plus d'un million de bovins et probablement deux millions d'ovins circulent ou séjournent dans le département de Mamdi. Cela représente un énorme réservoir de viande, de lait et de peau. D'où l'intérêt de notre thème sur la commercialisation des produits de l'élevage et de la pêche

    - La commercialisation des produits de la pêche.

    La commercialisation des produits de la pêche existe parce qu'il y a la demande de ces produits. C'est pourquoi nous étudions d'abord la demande du poisson et ensuite les circuits de commercialisation. Cela nous permet d'analyser les courants commerciaux spécifiques reliant les zones de production et les régions de consommation.

    - La demande de poisson

    La question la plus importante qui se pose à ce sujet est celle de l'homogénéité du marché. Doit-on considérer ce dernier comme composé de consommateurs que leurs goûts incitent à consommer les uns du poisson frais, les autres du poisson fumé ou séché ?

    L'étude qui est faite au Cameroun entre 1960-1961 a montré que les préférences ou habitudes de consommation varient suivant les ethnies. On distingue par exemple à Garoua, entre les Foulbé consommateurs de poisson séché et les Douala, Bamiléké ou Ewondo qui achètent du poisson frais ou fumé1(*). A première vue, nos enquêtes dans le département de Mamdi confirment cette analyse de préférence ou d'habitude ethniques. A Bol par exemple, 67 % des acheteurs de poisson séché sont originaires du nord du Tchad, et les populations du sud du Tchad ont une préférence pour le poisson frais.

    Pourtant une étude de préférence exprimée par les consommateurs non forcément satisfaits oblige à dépasser ce point de vue un peu superficiel. La préférence pour le poisson frais n'est pas restreinte à quelques ethnies. Cette préférence est latente partout et se manifeste dès qu'elle a un sens, c'est-à-dire si le poisson frais est disponible.

    Néanmoins, les critères ethniques peuvent servir de repère commode pour l'appréciation d'un marché. Il faut rappeler par conséquent que l'ethnie en soi ne détermine ni les préférences ni les habitudes de consommation. Elle est un cadre de comportement.

    - Les circuits commerciaux de poisson

    Grâce à la révolution issue de la diffusion du fil à nylon, de la technique du banda et des recyclages des Boudouma, le marché du Nigeria devient le grand centre d'intérêt de tous. Maiduguri (Nigeria) est devenu la plaque tournante du commerce de banda. On voit même apparaître une sorte de spécialisation sur certains marchés, entre banda de petits poissons, banda de gros poissons et banda de marigot, etc. Car toutes les espèces de poissons peuvent ainsi passer par le mode de conservation, à l'exception de l'hydrogon, impropre au fumage à cause de sa chaire trop cassante2(*).

    Il va sans dire que, malgré l'accroissement considérable du nombre de nattes de banda introduites dans les circuits commerciaux, les contrôles fiscaux ou douaniers demeurent incapables de chiffrer l'ampleur de ce trafic. Les douanes de Baga-Sola parviennent à taxer quelques pirogues. Parfois les chauffeurs nigérians, profitant des marchandises manufacturées qu'ils apportent dans le département, embarquent pour leur propre compte une certaine quantité de poisson fumé qui échappe ainsi aux contrôles.

    Mais l'essentiel du banda dans le département de Mamdi circule hors de toute surveillance et relève donc d'une organisation spontanée, à la fois dynamique et compliquée. Car, l'on constate que la jeunesse de l'activité de pêche et l'augmentation considérable des quantités mises en valeur ont conduit à la création de structures adaptées à cette situation nouvelle.

    La période qui sépare les débuts du grand commerce de banda a elle-même donné lieu à quelques mutations. Au début des années soixante, le plus important point de collecte de banda était Woulgo. Woulgo est un village situé  à 15 km de Gambarou (Nigeria), relié à Maiduguri par une assez mauvaise piste coupée en saison des pluies. C'est à à Woulgo que sont testées et consolidées les structures commerciales qui vont s'imposer par la suite sur l'ensemble de la région tchadienne du lac Tchad3(*).

    Les circuits commerciaux les plus importants par lesquels s'écoule la production du lac Tchad a pour destination le Nigeria. Quelques uns de ces circuits sont contrôlés par la douane tchadienne ou camerounaise.

    Par ces circuits incontrôlés qui desservent le lac, s'écoule la production du Delta du Chari et du littoral camerounais. Cette production ne peut se séparer de celle des eaux nigérianes réalisées en partie par des pécheurs tchadiens (Boudouma). Inversement des pécheurs nigérians travaillent dans les eaux camerounaises ou dans le Delta du Chari (Tchad). Le lac, avec son prolongement, le Chari, constitue une entité indépendante, produisant du banda en vue d'un débouché spécifique. L'acheminement se fait essentiellement par voie fluviale, du moins jusqu'aux deux points de regroupement situés en territoire nigérian : Woulgo et Baga-Kawa. Mais le banda est transporté aussi en camion et à dos de chameau jusqu'à Maiduguri où il change de main. Cette convergence à Maiduguri des voies d'écoulement permet d'effectuer entre 1969-1970 des comptages routiers : 7 200 tonnes de banda, 20 000 tonnes de poisson frais ont transité par Maiduguri. Cette quantité doit être considérée comme minime, car la production ne cesse de croître.

    Le Lac commercialise un peu de poisson à l'est, c'est-à-dire en territoire tchadien. Il s'agit du poisson séché, et les quantités commercialisées sont très faibles. Par leur caractère secondaire, ces circuits (Mao et Massakory) contrastent fortement avec les axes orientés vers le Nigeria.

    En somme, il convient de faire une place aux circuits commerciaux du banda dans le lac Tchad. Ils présentent un degré d'organisation aussi élevé que les circuits de poisson séché au Tchad. Mais ces circuits ne sont pas sous la tutelle d'une coopérative plus ou moins administrative. Ils sont entièrement contrôlés par les commerçants nigérians.

    Les circuits paraissent fonctionner à la satisfaction des usagers. Mais la longueur des circuits et la lenteur de communication suscitent localement des pénuries ou des engorgements imprévisibles. Cela provoque des fluctuations des prix désordonnés. Le commerce du banda a acquis de la sorte un aspect hasardeux qui, à vrai dire, a moins contrarié son développement que ne l'a fait l'action récente de la douane, surtout de la douane tchadienne. Par l'obstacle que celle-ci met à la sortie du banda et surtout à l'entrée des produits de contrepartie, la douane incite les pêcheurs à fuir les eaux tchadiennes pour les eaux camerounaises et nigérianes.

    Mais derrière cette image d'une activité intense, il y a d'autres réalités qui ne peuvent être appréhendées qu'en suivant des ramifications parfois compliquées : le rôle socio-économique de l'élevage.

    - La commercialisation des produits de l'élevage

    Trois principaux produits font l'objet de commerce dans le département : la viande, le lait et la peau. Ces produits ont donné lieu à une intense activité commerciale. Cette activité remonte dans le temps et dans l'espace.

    Les éleveurs sont rarement des vendeurs jusqu'à une époque récente4(*), car le bétail était à leurs yeux une valeur autre que marchande. Ensuite, même si l'activité commerciale s'est accrue avec le temps, elle demeure géographiquement diluée dans l'espace à une centaine de points de ventes qui sont toujours des marchés. Nous pouvons d'ores et déjà affirmé que les interventions extérieures visant à récupérer le commerce de bétail rencontrent autant des difficultés que celles qui se sont intéressées au poisson.

    La commercialisation des produits de l'élevage a connu deux phases successives. Une période d'activité peu intense, limitée plus ou moins au stade villageois, et une période d'appel des marchés nigérians et des marchés urbains intérieurs.

    - De la période précoloniale à la période coloniale

    Pendant cette période, les transactions portent essentiellement sur le lait qui pouvait être échangé contre du mil dans les villages de cultivateurs sédentaires, ou vendu sur les marchés locaux. Les produits laitiers se présentent sous forme de lait frais ou rance, de beurre frais ou fondu. Mais les produits se conservent mal et n'excédent que rarement l'équivalent de deux litres par vache et par jour.

    Quant à la vente de bétail, elle est très occasionnelle. Du coté de l'offre, les éleveurs se séparent d'une vache quand est malade ou blessée, ou en cas de besoins financiers. Du coté de la demande, les acheteurs sont ceux qui veulent marquer un rite ou une cérémonie nécessitant un abattage familial ou villageois. Frechou soulignait l'harmonie du système : `'autres effets bénéfiques de ces fêtes, du point de vue de la valeur économique de l'élevage : elles étaient l'occasion d'éliminer les bêtes en surnombre (taureau et vache stériles5(*)).

    L'achat ou la vente ne se déroule pas au campement ou au domicile de l'un des cocontractants. Le marché est le lieu par excellence des transactions de bétail. Le marché est un lieu sécurisant qui propose toute une panoplie de produits que le vendeur peut se procurer en échange de sa vache ou de son taureau. De cette première phase de l'évolution commerciale, la sécurité est prise dans sa dimension sociale. La présence des autorités coutumières donne aux opérateurs une sorte de caution, et garantit l'honnêteté du négoce, dans la mesure où l'animal vendu ne peut venir d'un vol ou d'un acte répréhensible.

    Le commerce de peau s'exerce parallèlement aux abattages et alimente des circuits qui dépassent le cadre villageois. Les peaux présentent de nombreux trous dus aux tiques ou au mauvais dépeçage et elles sont facilement attaquées par les parasites.

    Il n'existe pas de traditions commerciales pour les produits de l'élevage pendant cette période précoloniale. Il s'agit d'activités diffuses qui n'atteignaient pas le volume des échanges liés aux mouvements des troupeaux sur pied. Cette activité se limite à l'achat pour accroître le troupeau, pour payer la dot ou des dettes de sang (diya) ou autres.

    Dès lors, la commercialisation des produits de l'élevage connaît un essor avec la colonisation française et la pacification du bassin tchadien. A la colonisation et la pacification s'ajoutent la monétarisation croissante de l'économie et l'urbanisation des marchés consommateurs de produits d'élevage.

    La monétarisation de l'économie a placé les éleveurs dans une situation nouvelle. Il leur a fallu de l'argent pour payer le mil dont ils ont besoin. En fait, les vendeurs de mil préfèrent l'argent au lait. Devant payer l'impôt à l'administration coloniale, les éleveurs ont connu des objets qui ont fini part attiré leur convoitise6(*). A ce propos, il convient de remarquer qu'en cherchant à se soustraire à la nécessité de vendre du bétail pour acheter du mil, de nombreux éleveurs se sont mis à cultiver eux-mêmes. Cette aptitude nouvelle des éleveurs amorce un processus de sédentarisation qui, malgré tout, demeure tempéré par la continuation des pérégrinations des troupeaux sous la garde des enfants et des bergers. En dehors de l'approvisionnement en céréales, il existe quelques autres raisons de se procurer de l'argent par la vente des animaux.

    L'urbanisation et la forte croissance démographique du Nigeria créent une demande en viande à la fois nouvelle et importante. Il est vrai que l'économie moderne a les moyens de répondre à cet appel, soit en développant sur place un élevage intensif, soit en créant des circuits d'importation de viandes congelées. De fait, des expériences de ces genres ont été tentées, mais elles n'ont jamais eu l'envergure suffisante pour couvrir les besoins.

    En conséquence, il a fallu avoir recours à l'importation de bétail sur pied et à son achat là où il se trouve. C`est pourquoi, jusqu'à nos jours, les bétails sont vendus sur pied au Nigeria. Il est important de noter que c'est une nouvelle organisation commerciale qui s'est mise en place à partir des années cinquante7(*). Celle-ci est à la fois créée et animée par des autochtones appuyés par l'administration coloniale. Mais elle respecte les règles traditionnelles de l'économie et s'insère dans les structures sociales coutumières du bassin tchadien.

    En dehors de Fort-Lamy et de Maiduguri où la consommation de viande s'est accrue avec la croissance urbaine, l'essentiel de la demande provient des grands marchés méridionaux, et surtout du sud du Nigeria. A partir de notre zone d'étude (département de Mamdi), les circuits d'évacuation du bétail sur pied s'inscrivent dans le sens est-ouest. Ces circuits passent soit par la corne nord du lac Tchad, soit par le sud avec le franchissement du Chari à gué ou à la nage. Les convoyeurs poussent devant eux 60 à 80 bêtes qui ont été achetées sur les marchés de Ngarangou ou de Bol. Ces marchés sont nombreux mais les principaux sont sur la frange de notre zone d'étude : Bol, Ngarangou, Baga-Sola et Dinentchi.

    Sur ces marchés, et à l'occasion des négociations sur le bétail, il se trouve bon nombre des caractères relevés sur le banda. Les grands commerçants appartiennent plus ou moins aux mêmes groupes ethniques (Kanouri, Haoussa, Foulbé et Arabe). Il se remarque aussi et surtout que les intermédiaires sont indispensables dans les mécanismes d'achat et de vente. Sur les marchés de la zone de notre étude, on les appelle dalali. De la même manière que les fatoma au Nigeria qui fournissent des logements aux vendeurs. On en compte un par groupe ethnique d'éleveurs et par marché.

    Ces intermédiaires jouent un rôle important et multiforme :

    - d'abord ils assurent le gardiennage et l'entretien du bétail pendant la durée du marché ;

    - puis, ils facilitent les contacts avec les acheteurs éventuels, dont ils sont connus, alors que l'éleveur qui n'est pas familier du marché à bétail est inconnu des négociants ;

    - enfin, ils représentent une sorte de garantie morale et financière, car ils sont reconnus par la chefferie coutumière et ne peuvent se hasarder à laisser vendre des animaux volés ou bien laisser se conclure un marché de dupes. Bien entendu, ils touchent une commission sur chaque opération, et dans certains cas ils reversent une partie au chef local.

    Il se trouve des dalalis sous le nom Peulh de didadjo au nord Cameroun. Ils jouent le même rôle de courtier au sens large du terme, assurant aussi assez souvent les logements des commerçants. Ils assurent également la surveillance, l'expertise et l'arbitrage pendant les transactions.

    En fait, toute une organisation commerciale s'est mise en place de manière autochtone avec l'apparition d'une forte demande de viande dans les centres urbains, mais surtout au Bornou et le reste du Nigeria. Bien que la dépendance soit discrète, cette organisation est assez étroitement contrôlée par la chefferie coutumière qui maîtrise les marchés.

    Il est bien évident que l'édifice mis en place pour assurer la vente ou l'évacuation du bétail sur pied vers les marchés de consommation ne peut convenir à l'administration coloniale8(*). Il y a eu donc un certain nombre d'interventions qui ont attaqué l'organisation locale du commerce et la production elle-même.

    La première intervention remonte à 1937 au Nord - Cameroun, où l'administration coloniale française a décidé de définir des routes du bétail. L'esprit de cette décision est de contrôler les mouvements des troupeaux dans le bassin du lac Tchad. Mais la crainte de visées fiscales cachées amène les convoyeurs des animaux à emprunter des chemins de contrebande. Force est de reconnaître qu'ils conservent encore cette habitude. Ensuite, l'administration de la république du Tchad donne l'exemple d'une immixtion profonde dans les transactions animales.

    - Période postcoloniale

    A partir de 1966, l'administration tchadienne installe sur les marchés de la zone de notre étude une organisation accessoire destinée à contrôler le bétail. Ce contrôle est essentiellement orienté vers le prélèvement de taxe pour le compte de l'Etat. Sarniguet décrit ainsi les méthodes de prélèvements des taxes:

    Le sous-préfet de Bol reçoit du Fonds de Développement et d'Action rurale (FDAR), un stock de carnets de tickets numérotés (une couleur par espèce animale avec mention de l'espèce et du prix du ticket). La perception de la taxe de transaction et le contrôle de la commercialisation sont confiés à un faki qui a sous sa responsabilité deux écrivains arabes. Lors que la transaction est faite, vendeur et acheteur se rendent auprès de l'écrivain public, et celui-ci

    * Délivre à l'acheteur le ticket de la transaction contre paiement de la taxe, qui est de 100 f pour les bovins. Au verso du ticket, il mentionne le nom du vendeur et celui de l'acheteur, l'animal, objet de la transaction (espèce, sexe) ainsi que son prix.

    * Enregistre toutes les transactions de manière très complète (numéro du ticket, nom et lieu de résidence du vendeur, nom du chef de village, caractéristique de l'animal, nom de l'acheteur et le prix)9(*).

    Il y a plusieurs commis qui circulent sur le foirail et qui s'assurent que toutes les transactions font bien l'objet de l'acquittement de la taxe. Il y a également un commis qui se charge des transactions portant sur les ovins, les caprins, les asins et les équins. A la fin du marché, le faki remet les souches ainsi que les carnets inutilisés au sous-préfet, fait son versement et ce dernier s'assure que la somme versée correspond bien au nombre de tickets délivrés. Le faki perçoit 10 % du total encaissé et il rétribue son personnel sur les 10 % (écrivains publics et commis). Les sommes encaissées sont versées par le sous-préfet au FDAR. Ce circuit commercial est partagé aujourd'hui entre le ministère des Finances et de l'Elevage.

    A partir de 1970, fonctionne à Bol, un ranch expérimental d'embouche. Il a dû fermer ses portes assez rapidement pour des raisons indépendantes de son objet, et un nouvel essai est souhaité. Il est difficile de dire si ces ranchs intéressent ou non les agents du commerce de bétail. Mais il est certain que les commerçants de bétail ne se sont pas en mis en travers du projet de ce type. Ils ne les ont pas imités non plus.

    En somme, la commercialisation du poisson et des produits de l'élevage à donné l'exemple de la mise en place de structures issues des sociétés locales et régionales. Elle a résisté face à des tentatives de détournement et de récupération dans un but de `'rationalisation''10(*). Dans les deux cas, les interventions administratives sont à la fois moins vives et moins efficaces, et il est intéressant de rechercher les raisons. Nous en voyons au mois trois :

    Pour l'administration tchadienne, le commerce du poisson et des produits de l'élevage correspondent à des activités à la fois nouvelles et diffuses. Nouvelles par l'ampleur qu'elles prennent et diffuses sur le plan géographique. La nouveauté vient surtout de l'extraordinaire essor du banda, mais aussi des gros besoins en viande du Nigeria. Il a donc pu y avoir un effet de surprise à partir des années cinquante, lorsque le besoin de rationalisation des filières se fait sentir.

    L'aspect diffus vient de l'extrême mobilité des produits. Dans le cas du poisson, les lieux de collectes sont multiples et changeants. Cependant, les pirogues chargés de banda peuvent emprunter des itinéraires aussi variés que le permet la taille du lac Tchad. Dans le cas du bétail, les marchés sont connus, mais les pistes d'évacuation relèvent de la plus stricte contrebande.

    Les experts économistes et les administrateurs qui se sont penché sur les commerces du poisson et des produits de l'élevage ont sous-estimé la solidité de ces structures. Elles sont mises en place spontanément à l'intérieur des sociétés agro-pastorales du bassin du lac Tchad, et particulièrement dans le département de Mamdi. Ces experts et administrateurs parlent des grands boubous haoussa, alors que la réalité est beaucoup plus complexe.

    Nous pouvons dire en schématisant que la possibilité ou la nécessité d'établir des échanges interrégionaux portant sur un produit local est de créer une chaîne intermédiaire reliant le producteur au consommateur. Chaque groupe secrète ses agents selon ses aptitudes à assurer telle ou telle fonction à l'intérieur des aires d'influence des chefferies coutumières. Car, derrière tous ces maillons tissés par les logeurs, les courtiers, les agents des grands négociants, les commis et les collecteurs de poissons, se profile le clientélisme qui est la marque des sociétés traditionnelles.

    La manière dont se déroulent les transactions obéit à des règles très anciennement inscrites dans la civilisation musulmane. Il est parfois difficile de trouver les marques de la logique européenne.

    Les interventions sont parfois maladroites ou irréfléchies, lorsqu'elles ont porté sur les structures commerciales en place. Elles aboutissent souvent à enrichir les sous-préfets ou les commis de l'administration publique, partant l'administration tout entière. Lorsqu'elles ont porté sur les produits, soit pour en améliorer la qualité, soit pour en augmenter la quantité, elles ne sont pas parvenues à convaincre les producteurs et les commerçants du bien-fondé de l'entreprise. L'effort de sensibilisation, d'explication et d'éducation n'est pas mené à bien. La meilleure illustration de cette lacune est l'échec des coopératives créées pour améliorer le niveau de vie des producteurs et réduire le coût à la consommation.

    CONCLUSION :

    Il y a certes des échanges sur le poisson et les produits de l'élevage. Au cours de ces cinquante dernières années, le commerce a connu une expansion considérable, exigeant des mutations socioéconomiques auxquelles les sociétés locales ont su s'adapter. Les structures mises en place à cette occasion obéissent à des règles qui étonnent, faute sans doute de les avoir lâchement étudiées. L'intérêt économique, social et politique que présente le secteur informel dans le processus de développement s'est révélé au début des années soixante dix. Mais nous ne pouvons que partager l'interrogation de Bellot : `'On peut se demander pourquoi les activités non agricoles rurales sont frappées d'autarcisme, alors que l'exploitation du bétail constitue très souvent une importance non négligeable de la balance commerciale des pays sahéliens.''11(*)

    SOURCES ET REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

    Source orale

    Mboulou Abdoulaye, entretien du 04/08/09, Fitina, Lac.

    Sources écrites

    Couty, Ph., 1964, Le commerce du poisson au nord Cameroun, ORSTOM, Paris.

    Rodier J., 1962, Résultats des études entreprises sur les phénomènes d'écoulement dans la dépression de Bahr el Gazal, Réunion des hydrologues des pays riverains du Lac Tchad, Fort-Lamy, Tchad.

    Frechou, H., l'élevage et le commerce du bétail dans le nord-Cameroun, annales, faculté des lettres er sciences humaines, vol.1, n° 2, Yaoundé.

    Ancey, G., 1968, « Niveau de décision et fonction objective en milieu rural dans les pays en voie développement », t. IX, n° 34, Tiers- Monde.

    Loubens, G., 1972, Production de la pêche et peuplement ichtyologique d'u n bief du delta du Chari, ORSTOM, Fort-Lamy, Tchad, p. 20.

    Sarniguet, J., 1967, Exploitation du cheptel bovin au Tchad, secrétariat d'Etat à la coopération, Paris.

    Bellot, J., 1982, Commerce, commerçants de bétail et intégration régionale : l'exemple de l'ouest - Niger CHEAM, France.

    * 1 Couty, Ph., 1964, Le commerce du poisson au nord Cameroun, ORSTOM, Paris.

    * 2 Mboulou Abdoulaye, entretien du 04/08/09, Fitina, Lac.

    * 3 Rodier J., 1962, Résultats des études entreprises sur les phénomènes d'écoulement dans la dépression de Bahr el Gazal, Réunion des hydrologues des pays riverains du Lac Tchad, Fort-Lamy, Tchad, p. 5.

    * 4 Avant la crue de 1956 et la sècheresse de 1972-1973, pour les éleveurs le bétail n'est pas un capital fragile. En fait, une épidémie peut décimer tout un troupeau et, ils peuvent se retrouver sans aucun animal. Ces deux crises climatiques ont permis aux éleveurs de prendre conscience et de la fragilité du capital animal et de la nécessité de la modernisation de ces derniers.

    * 5 Frechou, H., l'élevage et le commerce du bétail dans le nord-Cameroun, annales, faculté des lettres er sciences humaines, vol.1, n° 2, Yaoundé, p. 28.

    * 6 Ancey, G., 1968, « Niveau de décision et fonction objective en milieu rural dans les pays en voie développement », t. IX, n° 34, Tiers- Monde, p. 61.

    * 7 Loubens, G., 1972, Production de la pêche et peuplement ichtyologique d'u n bief du delta du Chari, ORSTOM, Fort-Lamy, Tchad, p. 20.

    * 8 Le système n'intéresse pas l'administration coloniale parce qu'il est contrôlé par les chefs coutumiers. Et ces chefs prélèvent les taxes de transaction dont l'administration coloniale ne bénéficie pas de ces taxes. A cet effet, il fallait revoir les transactions commerciales du bétail pour renflouer les caisses de l'administration coloniale.

    * 9 Sarniguet, J., 1967, Exploitation du cheptel bovin au Tchad, secrétariat d'Etat à la coopération, Paris,

    p. 34.

    * 10 L'administration de la république du Tchad veut réorganiser les transactions commerciales traditionnelles. De ce fait, il fallait mettre en place une structure étatique qui puisse contrôler les marchés à la place des faki et de leur personnel. Comme les transactions évoluent en disparate il leur faut une coopérative dont l'Etat puisse contrôler les moindres mouvements du commerce du bétail.

    * 11 Bellot, J., 1982, Commerce, commerçants de bétail et intégration régionale : l'exemple de l'ouest - Niger CHEAM, France, p.33.

    .






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry