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Le droit international de l'environnement face aux enjeux liés à  la conservation de la biodiversité

( Télécharger le fichier original )
par Yannick Alain TROUPAH
Université de Limoges - Master II Droit International de l'Environnement 2010
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITÉ DE LIMOGES

1

FACULTÉ DE DROIT ET DES SCIENCES ÉCONOMIQUES
DE LIMOGES

PROGRAMME UNIVERSITÉ PAR SATELLITE
AGENCE UNIVERSITAIRE DE LA FRANCOPHONIE (AUF)

MASTER 2 DROIT INTERNATIONAL ET COMPARÉ DE
L'ENVIRONNEMENT
Formation à distance, Campus Numérique « ENVIDROIT »

Le droit international de l'environnement face aux enjeux liés à la
conservation de la biodiversité

Mémoire présenté par ALAIN YANNICK TROUPAH, Sous la direction du DOCTEUR. AENZA KONATE

OCTOBRE / 2011

SOMMAIRE

INTRODUCTION GENERALE 5

PREMIERE PARTIE: LA CONSERVATION DE LA BIODIVERSITE ASSUREE PAR UN DROIT CONVENTIONNEL LIMITE 7

CHAPITRE PREMIER: LA CONVENTION SUR LA DIVERSITE BIOLOGIQUE, UN

ACCORD-CADRE 8

Section I: Les principes et objectifs de la Convention difficilement conciliables 9

Section II: Des obligations conventionnelles « souples » 16

SECOND CHAPITRE : LA CONVENTION SUR LA DIVERSITE BIOLOGIQUE : UNE CONFRONTATION DES ENJEUX COMMERCIAUX ET ENVIRONNEMENTAUX DE LA CONSERVATION DE LA BIODIVERSITE 21

Section I: La confrontation des enjeux commerciaux et environnementaux au sein de la Convention sur la Diversité Biologique 22

Section II: Les rapports entre la Convention sur la Diversité Biologique et l'Accord de l'OMC sur les Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle lié au Commerce (ADPIC) . 28

SECONDE PARTIE: POUR UN DROIT INTERNATIONAL DE L'ENVIRONNEMENT ADAPTE AUX ENJEUX DE LA CONSERVATION DE LA BIODIVERSITE 38

CHAPITRE PREMIER : LA NECESSAIRE CORRECTION DES FAIBLESSES DU DROIT DE LA BIODIVERSITE 38

Section I: L'application et l'effectivité des Conventions Internationales et des textes légaux 39

Section II: La prise en compte visible de la dimension environnementale de la conservation dans les politiques commerciales 47

SECOND CHAPITRE : LE RENFORCEMENT DES MOYENS DE MISE EN

OEUVRE 55

Section I: Au niveau institutionnel 55

Section II: Au niveau financier... 60

CONCLUSION GENERALE 65

3

REMERCIEMENTS

Mes remerciements vont particulièrement à l'endroit du Tout Puissant qui m'a soutenu d'une part pendant la crise militaro-politique que nous avons connu et d'autre part dans les moments difficiles qui ont précédé la rédaction de ce mémoire.

Je tiens très sincèrement à exprimer ma profonde reconnaissance à tous ceux qui ont contribué de près ou de loin à la réalisation de ce mémoire.

Ma gratitude va particulièrement vers :

Ma Mère, ma Tante et ma Grande Soeur pour leurs soutiens spirituels, moraux et financiers considérables, que Dieu vous bénisse,

Ma fiancée et ma fille qui m'ont soutenu en prière, je vous aime,

M. GOGOUA MADY, Chef du Service juridique du Ministère de l'Environnement et du Développement durable de la République de Côte d'Ivoire pour m'avoir recommandé au titre de cette formation,

M. AENZA KONATE, mon Directeur de Mémoire pour sa promptitude, sa disponibilité, grâce à vous je suis allé au bout, je vous remercie,

Les responsables et enseignants du Master DICE qui nous ont permis de parfaire notre formation, avec à leur tête M. François Pellisson.

SIGLES ET ABBREVIATIONS

ADPIC: Aspects sur les Droits de Propriété Intellectuelles liés au Commerce

CITES : Convention sur le Commerce International des Espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction

CDB: Convention sur la Diversité Biologique

COP : Conférence des Parties

DIE: Droit International de l'Environnement

DPI: Droit de Propriété Intellectuelle

FAO : Organisation des Nations unies pour l'agriculture et l'alimentation FEM : Fonds pour l'Environnement Mondial

FFEM : Fonds Français pour l'Environnement Mondial

FMI : Fonds Monétaire International

MDP : Mécanisme pour un Développement Propre OEB: Office Européen des Brevets

OGM: Organismes Génétiquement Modifiés

OMD : Objectifs du Millénaire pour le Développement OMPI : Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle

ONG : Organisation Non Gouvernementale

OUA/ UA : Organisation de l'l'Unité Africaine / Union Africaine

PNUE : Programme des Nations Unies pour l'Environnement

PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement

SBSTTA: Subsidiary Body for Scientific, Technic and Technological Advise UICN : Union Mondiale pour la Nature

UPOV: Union pour la Protection des Obtentions Végétales

WWF : Fonds Mondial pour la Nature

INTRODUCTION GENERALE

5

Il y à de cela près de quatre décennies, la protection de l'environnement, le respect et la conservation des richesses naturelles étaient des préoccupations partagées, sans véritable incidences, par certains écologistes, scientifiques et groupements associatifs, qui prônaient une utilisation durable et rationnelle des ressources naturelles pour le bien commun des générations présentes et futures1, sous peine d'être confrontés plus tard, à une catastrophe planétaire au niveaux écologique, social et culturel. A l'opposé, les grands groupes industriels et firmes internationales soutenaient que le développement était un processus impliquant impérativement, la prise de mesures et d'actions concrètes qui bien que préjudiciables à l'environnement, ne présentaient à long terme, aucun danger majeur pour la survie de la Planète, avaient-ils torts ou raisons ?

Il convient de relever que notre planète, a connu de nombreuses mutations au cours des différentes ères géologiques et climatiques, avec elles, s'est constitué un immense potentiel culturel et biologique au service de l'Humanité. Aujourd'hui de nombreux spécialistes prévoient malheureusement, une extinction prochaine de cette richesse en raison des multiples actions dégradantes et immodérées de l'homme sur l'environnement. Pour eux, la conservation de la diversité du `'vivant» aujourd'hui connu sous le terme de `'diversité biologique» serait sérieusement menacée. Ainsi, la diversité biologique, définie comme la variabilité des organismes vivants de toute origine y compris, entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie; la diversité au sein des espèces et entre espèces ainsi que celle des écosystèmes, devrait être logiquement protégé en raison notamment des nombreux biens et services dont elle est pourvoyeuse.

Cependant, l'intégration effective des impératifs liés à la protection de l'environnement et de la diversité biologique dans les politiques de développement fut le résultat d'un processus marqué par des conflits incessants entre les enjeux d'ordre écologiques et ceux d'ordre économiques et commerciaux.

1 Rapport Brundtland relatif au développement durable consacré lors de la Conférence de Rio sur l'environnement et le développement.

Le retentissement médiatique des pollutions ou catastrophes écologiques notamment les marées noires, les destructions d'habitats entraînant une perte de la biodiversité avec la disparition de plusieurs espèces de végétaux et d'animaux2 ainsi que la montée en puissance des Partis écologiques, particulièrement dans le Nord de l'Europe, ont permis d'éveiller les consciences et même conduit progressivement, la législation dans certains pays européens a imposé certaines contraintes à certaines entreprises. Cependant, vu l'importance et les enjeux de la diversité biologique, le recours aux mécanismes juridiques internationaux s'imposait à l'effet d'obtenir des résultats probants et impliquant directement la Communauté Internationale.

La machine écologique mise donc en branle, dès 1980, c'est l'UICN qui a mis en avant l'idée d'une Convention-cadre, en 1984 elle élabore un avant-projet très protecteur de la diversité biologique, il ne sera pas repris ensuite. En 1987 la Commission Mondiale pour l'Environnement et le Développement (CMED) propose, dans le rapport Brundtland « Notre avenir à tous », une « Convention sur les espèces ». Le PNUE constitue en 1988 un groupe spécial d'experts juridiques et techniques. Le 25 mai 1989 le Conseil d'administration du PNUE adopte une résolution allant dans le sens de la tenue d'une Conférence, en mai 1991 est créé un Comité intergouvernemental de négociation qui tiendra sept sessions et le 22 mai 1992 c'est l'Acte final de la Conférence de Nairobi, puis c'est l'ouverture à la signature pendant la Conférence de Rio en juin 1992 de la Convention sur la diversité biologique. Ce jour là, 153 Etats signeront à l'exception des Etats Unies. La Convention sur la diversité biologique est entrée en vigueur à la fin de 1993 et elle a maintenant été ratifiée par une majorité de pays, pour lesquels la Convention représente un instrument juridiquement contraignant en matière de conservation et de gestion durable de la diversité biologique.

Le droit international de l'environnement venait ainsi, par le biais de cette

Convention, de se doter d'un instrument juridique référentiel en matière de protection

2 Les catastrophes de Seveso en Italie, en 1976, de Bhopal en Inde, en 1984, et de Tchernobyl en Ukraine, en 1986 ; au titre des marées noires, le 24 mars 1989, le pétrolier Exxon Valdez s'est échoué dans la Baie du prince William, Alaska déversant 41 000 tonnes de brut qui affectent plus de 2000 km de côtes (Science et Vie, mars 2010)

7

de la biodiversité. Malheureusement, malgré des avancées majeures constatées durant la dernière décennie, le problème de l'érosion de la biodiversité demeure, et partant l'épineuse nécessité de savoir les réelles causes de cette destruction.

L'on est même tenté de nous demander si le problème ne se situe pas au niveau des mécanismes institutionnels et juridiques encadrant le domaine de la biodiversité ?

En d'autres termes, est-ce-que le droit international de l'environnement tel que conçu actuellement, peut permettre d'atteindre effectivement les objectifs de protection et de conservation de la biodiversité ?

Est-il adapté ou non aux divers enjeux liés à la conservation de la diversité biologique ?

Présente-il-des frictions avec les exigences économiques et commerciales ?

Notre démarche consistera à montrer dans une première partie que l'ensemble des mécanismes juridiques internationaux constituant le droit de la biodiversité sont en réalité limités par des enjeux d'ordre économiques et financiers. Dans la deuxième partie, nous évoquerons la nécessité d'un DIE plus adapté aux enjeux liés à la conservation de la biodiversité.

PREMIERE PARTIE : LA CONSERVATION DE LA BIODIVERSITE ASSUREE
PAR UN DROIT CONVENTIONNEL LIMITE

La CDB constitue la première manifestation en droit international de la volonté des Etats de considérer la biodiversité de manière globale. En outre, les discussions qui ont précédées l'adoption de cette Convention, ont pu révéler que la CDB représentait le symbole, la manifestation d'un affrontement géopolitique et économique entre les pays développés et les pays sous-développés.

Nous allons donc dans un premier chapitre tenter de faire ressortir la valeur et la
portée de la CDB, Accord-cadre (1) puis dans un second chapitre nous montrerons

comment l'application de la CDB se heurte à de véritables enjeux économiques et commerciaux (2).

CHAPITRE PREMIER : LA CONVENTION SUR LA DIVERSITE BIOLOGIQUE, UN ACCORD-CADRE

La CDB est un Accord-cadre3 qui marque une étape importante dans le développement du Droit International de l'Environnement (DIE). Elle constitue à ce titre un nouveau point de départ pour la signature de nouveaux traités. C'est la première Convention à l'échelle mondiale consacrée à la biodiversité au sens large. Contrairement aux autres accords environnementaux traitant de l'utilisation des espaces ou de la protection de la faune et de la flore qui ont toujours eu un caractère sectoriel, la CDB a une approche globale de la biodiversité. L'article 2 de la CDB définit en effet la biodiversité comme étant « la variabilité des organismes vivants de toute origine y compris entre autres, les écosystèmes marins terrestres et autres écosystèmes aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie ; cela comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces ainsi que celle des écosystèmes ».La CDB crée en effet un nouveau régime de la biodiversité dont la principale nouveauté est la consécration du droit de souveraineté des Etats territorialement compétents sur leurs ressources génétiques qui étaient jusqu'alors considérées comme patrimoine commun de l'humanité.

Elle se présente enfin comme un canevas international pour les actions concrètes des Etats. Elle laisse en effet à la diligence des Parties l'édiction des mesures d'application.

Pour atteindre ce résultat, la CDB s'est fixée des objectifs particuliers axés sur certains principes fondamentaux (Section I). Le respect de ces principes et objectifs devrait nécessairement contribuer à l'application et à la mise en oeuvre effective des obligations imputées aux Etats parties (Section II).

3 Les traités-cadres : une technique juridique caractéristique du droit international de l'environnement Alexandre Kiss

9

Section I. Les principes et objectifs de la Convention difficilement

conciliables

Il s'agira ici de montrer comment il est difficile pour le droit de la biodiversité de concilier données scientifiques et exigences environnementales avec les préoccupations à caractère anthropocentriste. Cette réalité apparaît clairement dans le contenu de la Convention notamment au niveau de ses objectifs et principes.

Dans un premier mouvement, il sera question de la détermination des objectifs et principes de la Convention (Paragraphe 1), puis dans un deuxième mouvement, nous soulèverons les différents points et éléments qui justifient leur difficile conciliation (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La détermination des objectifs et principes de la Convention

A- les objectifs de la Convention

L'article premier de la Convention dispose que : « les objectifs de la présente Convention, dont la réalisation sera conforme à ses dispositions pertinentes, sont la conservation de la diversité biologique, l'utilisation durable de ses éléments et le partage juste et équitable des avantages découlant de l'exploitation des ressources génétiques, notamment grâce à un accès satisfaisant aux ressources génétiques et à un transfert approprié des techniques pertinentes, compte tenu de tous les droits sur ces ressources et aux techniques, et grâce à un financement adéquat. ».

Ainsi, il ressort de la lecture de cette disposition trois objectifs majeurs. Il s'agit respectivement :

· de la conservation de la diversité biologique ;

· de l'utilisation durable des éléments de cette diversité ;

· du partage juste et équitable des avantages découlant de
l'exploitation des ressources génétiques.

La conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique, suppose le
développement de stratégies nationales pour la conservation et l'utilisation durable

10

de la diversité biologique4 qui permettront notamment d' identifier et de contrôler les éléments constitutifs de la diversité biologique (écosystèmes, espèces, génomes et gènes) importants pour sa conservation et son utilisation durable, aux fins de conserver les données qui s'y rapportent. En outre, la mise en oeuvre des objectifs de la Convention impliquera la surveillance et l'analyse scientifique des processus et activités susceptibles d'avoir une influence défavorable sur la conservation et l'utilisation durable. Aux termes de la Convention, la conservation de la diversité biologique dans chaque pays peut se faire de différentes manières. Deux types de conservation ressortent expressément de la présente Convention au niveau des articles 2, 8 et 9. La conservation «in-situ», premier moyen de conservation, qui concerne la conservation des gènes, des espèces, et des écosystèmes dans leurs milieux naturels en créant, par exemple, des zones protégées, en reconstituant les écosystèmes dégradés, et en adoptant une législation propre à assurer la protection des espèces menacées. Ensuite, la conservation «ex-situ» s'effectue dans les zoos, les jardins botaniques et les banques de gènes qui conservent les espèces.

Il deviendra de plus en plus important d'encourager l'utilisation durable de la biodiversité, si l'on veut maintenir la diversité actuelle dans les années et les décennies à venir. Il est judicieux de rappeler que l'utilisation durable de la diversité biologique suppose une utilisation des éléments constitutifs de la diversité biologique d'une manière et à un rythme qui n'entrainent pas leur appauvrissement à long terme, et sauvegardent ainsi leur potentiel pour satisfaire les besoins et les aspirations des générations présentes et futures. Aux termes de la Convention, l'approche de la conservation et de l'utilisation durable de la diversité biologique doit permettre d'agir dans un cadre, où tous les biens et services fournis par la biodiversité dans les écosystèmes sont pris en compte.

Outre leurs activités nationales, les États doivent coopérer, selon qu'il conviendra, directement ou par l'intermédiaire d'organisations internationales compétentes, notamment à l'octroi d'un appui financier et autre pour les activités de conservation des pays en voie de développement, la coopération technique et scientifique, l'éducation, la formation et la sensibilisation du public mais aussi la notification et l'échange d'informations en cas d'activités susceptibles de nuire ou de présenter un danger grave ou imminent, et faciliter les arrangements aux fins de l'adoption de mesures d'urgence (articles 5 et 12-14).

4 Article 6. Mesures générales en vue de la conservation et de l'utilisation durable de la CDB

En ce qui concerne le partage juste et équitable des avantages découlant de l'exploitation des ressources génétiques, la Convention encourage l'accès aux ressources génétiques, selon des modalités mutuellement convenues et avec le consentement préalable de la Partie qui fournit ces ressources, et la participation du fournisseur à la recherche scientifique afférente. Il faut donc retenir que la Convention sur la diversité biologique reconnaît que la souveraineté nationale s'étend à toutes les ressources génétiques, ainsi lorsqu'un micro-organisme, un végétal, ou un animal est utilisé à des fins commerciales, le pays dont il provient a le droit de tirer partie des avantages qui en découlent. Ces avantages peuvent prendre la forme de paiements en espèces, d'une participation à toute forme de bénéfices réalisés grace à l'exploitation de ces ressources, du transfert d'équipement ou de des ressources recueillies, de formation et de participation des chercheurs.

L'accès aux technologies et le transfert de celles-ci aux pays en voie de développement doivent être assurés et/ou facilités à des conditions justes et les plus favorables et les États doivent prendre des mesures législatives et administratives afin que le secteur privé participe à ces activités (articles 15-16).

A cet effet, il serait judicieux de rappeler que la réalisation de ces objectifs implique nécessairement la prise en compte des droits des Etats sur les ressources et les techniques et des questions de financement.

B- les principes de la Convention

La CDB énonce plusieurs principes destinés à encadrer la mise en oeuvre de ses objectifs. Chacun d'eux, présente une particularité au niveau de son mode de consécration.

Il s'agit notamment des principes de souveraineté des Etats sur leurs ressources5, de précaution6, de partage juste et équitable des avantages découlant de l'exploitation des ressources génétiques7, et enfin du principe reposant sur le concept de développement durable, celui de l'utilisation durable.

5 ROSENBERG Dominique, Le principe de souveraineté des États sur leurs ressources naturelles.

6 Préambule de la Convention sur la Diversité Biologique Préambule du Protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques.

7 Protocole de Nagoya sur l'accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation.

12

En vertu du principe de la souveraineté des Etats sur leurs ressources, les Etats disposent du droit souverain d'exploiter leurs ressources naturelles, ils ont a ce titre le droit de déterminer seuls leurs politiques à suivre et les réglementations nécessaires à la mise en oeuvre de ces politiques.

En effet, ce principe a été singulièrement consacré au niveau de l'article 3 de la CDB qui dispose que : « Conformément à la Charte des Nations Unies et aux principes du droit international, les Etats ont le droit souverain d'exploiter leurs propres ressources selon leur politique d'environnement et ils ont le devoir de faire en sorte que les activités exercées dans les limites de leur juridiction ou sous le contrôle ne causent pas de dommage à l'environnement dans d'autres Etats ou dans des régions ne relevant d'aucune juridiction nationale ».

L'adoption de ce principe par la CDB a été le fruit de négociations intenses entre pays en développement et pays développés au niveau de l'accès des ressources biologiques. Les pays en développement, en majorité riches en biodiversité souhaitaient obtenir un large pouvoir de contrôle sur leurs ressources biologiques. A l'opposé, les Etats du Nord qui sont avancés en matière de biotechnologies, désirent que celles-ci bénéficient d'un régime de protection via des droits de propriété intellectuelle. Finalement la CDB, en consacrant le principe de la souveraineté en son article 3, a opté pour la souveraineté nationale des Etats proposée par les pays en développement en reléguant notamment la notion de patrimoine commun de l'humanité en un simple concept.

La complexité écologique liée à la notion de diversité biologique, le développement des sciences du vivant notamment par la biotechnologie et ses effets imprévisibles sur l'environnement, les impératifs de développement durable, sont des raisons permettant de comprendre l'intégration du principe de précaution dans la CDB.

Le principe de précaution est une des innovations juridiques les plus importantes de la dernière décennie du XXe siècle. C'est un principe juridique particulièrement utile par rapport à la protection de l'environnement et de la santé des populations.

La précaution est la gestion a priori, consistant à la prise de mesures face à un risque mal connu ou inconnu. Il se manifeste notamment par les études d'impact environnementales sur les projets de développement. La précaution vise à limiter des risques potentiels ou hypothétiques. Le principe de précaution a été l'un des plus

importants de la Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement. Il fut expressément consacré dans la déclaration au titre du Principe 15 qui stipule : « Pour protéger l'environnement, des mesures de précaution doivent etre largement appliquées par les États selon leurs capacités. En cas de risque de dommages graves ou irréversibles, l'absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l'adoption des mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l'environnement. ». En ce qui concerne la CDB, le principe de précaution tire sa consécration juridique du point 9 du Préambule qui stipule que lorsqu'il existe une menace de réduction sensible ou de perte de la diversité biologique, l'absence de certitudes scientifiques totales ne doit pas être invoquée comme raison pour différer les mesures qui permettraient d'en éviter le danger ou d'en atténuer les effets. Il faut cependant rappeler que ce principe a été récemment consacré par deux Protocoles négociés dans le cadre de la CDB. Il s'agit respectivement du Protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques de 2000 et du Protocole de Nagoya l'accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation de 2010.

Les deux principes qui suivent à savoir le principe du partage juste et équitable des avantages découlant de l'exploitation des ressources génétiques, et celui de l'utilisation durable bien que consacré par la Convention sur la diversité biologique sont en réalité des corollaires du principe de souveraineté des Etats dans la mesure où il revient aux Etats conformément à leurs droits souverains de créer les conditions pour faciliter l'accès aux ressources génétiques pour des utilisations environnementales adéquates.

Il faut retenir que le principe de souveraineté des Etats sur leurs ressources est dans le cadre de la CDB, le principe fondamental de gestion des ressources biologiques8. Par conséquent, la mise en oeuvre des différents objectifs de la Convention ainsi que la satisfaction des intérêts des Etats parties à la Convention devront se faire dans le profond et strict respect de ce principe.

8 Préambule et article 3 de la Convention sur la Diversité Biologique montre l'importance et le caractère incontournable de ce principe que ce soit au niveau de l'accès aux ressources génétiques, qu'au niveau du partage des bénéfices.

14

Paragraphe 2 : Une nécessaire synergie entre les objectifs et principes de la Convention

Pour atteindre son objectif global de sauvegarde de la diversité biologique et de l'arrêt immédiat de son érosion, les principes et objectifs spécifiques que s'est fixée la CDB doivent nécessairement être complémentaires. Cependant, après un examen comparatif de ceux-ci, l'on se rend compte qu'ils sont en réalités difficiles à agencés.

A. Une conciliation indispensable

Seule une jonction parfaite entre les objectifs de la Convention et ses principes permettra d'atteindre les objectifs de réduction du fort taux actuel d'érosion de la diversité biologique.

En effet les objectifs spécifiques tels que définis à l'article 1er de la Convention, notamment la conservation de la diversité biologique, l'utilisation durable des éléments de cette diversité et le partage juste et équitable des avantages découlant de l'exploitation des ressources génétiques doivent être réalisés conformément aux principes de la Convention, notamment le principe de souveraineté des Etats sur leurs ressources, que nous pourrions qualifiés de principe primordial. Ainsi, seuls les Etats dans la limite de leurs territoires devront avoir la primauté en matière de conservation, d'utilisation durable des différentes espèces composant leurs faunes, leurs flores et leurs écosystèmes ainsi qu'au niveau du partage juste et équitable des avantages découlant de l'exploitation des ressources génétiques . Ils devront donc à ce titre utiliser tous les moyens humains, matériels et financiers dans le cadre de l'exécution de ces missions. Cette nécessité de concilier les objectifs et les principes de la CDB, apparaît expressément dans le texte de la Convention, précisément au niveau des points 4 et 5 et 20 du Préambule qui réaffirment : « que les Etats ont des droits souverains sur leurs ressources biologiques, que les Etats sont responsables de la conservation de leur diversité biologique et de l'utilisation durable de leurs ressources biologique » , et rappellent que les Etats sont : « Conscientes du fait que la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique revêtent la plus haute importance pour la satisfaction des besoins alimentaires, sanitaires et autres de la

population de la planète, qui ne cesse de croître, et que l'accès aux ressources génétiques et à la technologie ainsi que leur partage sont de ce fait indispensables ».

B. Une conciliation laborieuse

Deux positions étatiques s'affrontaient lors négociations relatives à l'adoption de la CDB9. D'un côté, les pays du Sud, qui s'opposaient à toute mesure susceptible de porter atteinte à leurs souverainetés et de l'autre, les pays du Nord, principaux exploitants des ressources naturelles provenant en majorité des pays du Sud, qui ne voulaient pas voir s'ériger des barrières empêchant l'accès à ces ressources. Ainsi, le texte de la Convention a essayé autant que faire se peut de concilier ces différents intérêts.

En effet, en vertu du principe de souveraineté des Etats des ressources qui est selon la CDB, le principe de gestion des ressources biologiques, les stratégies de conservation et d'utilisation durable des ressources issues de la biodiversité, ainsi que le pouvoir de déterminer l'accès aux ressources génétiques appartient aux Gouvernements et sont régis par la législation nationale de chaque Etat. Mais la réalité à laquelle, nous sommes confrontés c'est que les pays riches en biodiversité sont plupart des pays en développement, à la recherche de ressources financières pour le développement économique et social de leur pays. Dans ces pays, les actions en faveur de la protection de l'environnement ne sont pas prioritaires vu les moyens très limités en la matière.

Comment demander à ces Etats de conserver et de procéder à une utilisation durable des ressources biologiques quand on leur donne simultanément le droit d'exploiter ou de confier l'exploitation de ses ressources à des grosses firmes internationales de bio prospection en contrepartie de mesures techniques et financières souvent mal définies. Par ailleurs, lorsqu'on parcourt le point 2 de l'article 15 de la Convention, on peut lire : « Chaque Partie contractante s'efforce de créer les conditions propres à faciliter l'accès aux ressources génétiques aux fins d'utilisation écologiquement rationnelle par d'autres Parties contractantes et de ne pas imposer de restrictions allant à l'encontre des objectifs de la présente Convention. ». Doit-on

9 Les positions étaient clairement affichées, d'un côté les Pays Développés qui ne voulaient pas que la Convention soit un obstacle à leurs politiques commerciales et de l'autre les Pays en Développement qui voulaient impérativement maintenir leurs souverainetés sur leurs ressources naturelles.

comprendre ici, que les rédacteurs tiennent à préciser les enjeux commerciaux qui encadrent la question de la conservation de la biodiversité ? On peut déduire par là que la puissance des mécanismes et des intérêts de l'utilisation des ressources biologiques risque d'être à la longue bien plus forte que la souveraineté des Etats sur leurs ressources.

De ce qui précède, il semble judicieux d'affirmer que sous cet angle la CDB constitue hélas un pas de plus dans la marchandisation du vivant10. Espérons déjà que les Etats respectent effectivement les obligations qu'ils se sont assignés en signant la CDB ?

Section II : Des obligations conventionnelles « souples »

A quoi doivent s'attendre les Etats parties à la Convention sur la diversité biologique ? Quelles sont les obligations qu'ils devront assumer en toute responsabilité ? Quelle est la portée véritable de ces obligations ? Telles seront les préoccupations qui feront l'objet de notre réflexion au titre de cette section.

Paragraphe 1. Les obligations assignées aux Etats parties

Il faut au préalable rappeler qu'aux termes de la CDB, les Gouvernements s'engagent à conserver et à exploiter la biodiversité de façon à en assurer la pérennité. Nous étudierons donc dans une première partie, les mesures concernant la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique, puis dans une deuxième partie nous aborderons celles traitant du partage juste et équitable des ressources génétiques.

A. Les obligations des Etats en matière de conservation et

d'utilisation durable de la biodiversité

L'article 6 de la Convention prévoit les mesures générales en vue de la conservation et de l'utilisation durable11. L'on peut retenir de cet article que chaque Etat élabore « des stratégies, plans ou programmes nationaux tendant à assurer la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique ou adapte à cette fin ses stratégies,

10 Cours n°5 la biodiversité (complément 2011 - actualisation du cours) Jean-Marc Lavieille, Maître de conférences à la faculté de droit et des sciences économiques de Limoges

11 Voir Cours n°5 la biodiversité (complément 2011 - actualisation du cours) Jean-Marc Lavieille, Maître de conférences à la faculté de droit et des sciences économiques de Limoges.

16

18

plans ou programmes existants qui tiendront compte, entre autres, des mesures énoncées dans la présente Convention qui la concernent » et s'assure de l'intégration des questions relatives à « la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique dans ses plans, programmes et politiques de développement sectoriels ou intersectoriels pertinents ».

Ces mesures se manifestent concrètement par des obligations d'identification et de surveillance scientifiques et techniques12 des éléments constitutifs de la diversité biologique importants pour sa conservation et son utilisation durable, prévues à l'article 7 de la Convention et assignées aux différents Etats parties à celle-ci, qui s'engagent à les mettre en oeuvre dans leurs politiques gouvernementales. Il s'agit précisément de mesures directes de conservation in situ (article 8 de la Convention) notamment en établissant un système de zones protégées ou de zones où des mesures spéciales et en réglementant ou procédant à la gestion des ressources biologiques présentant une importance pour la conservation de la diversité biologique à l'intérieur comme à l'extérieur des zones protégées afin d'assurer leur conservation et leur utilisation durable. Il est question aussi des mesures de conservation ex situ (article 9 de la Convention) venant compléter les mesures de conservation in situ, par la mise en place et l'entretien des installations de conservation ex situ et de recherche pour les plantes, les animaux et les microorganismes, de préférence dans le pays d'origine des ressources génétiques. En ce qui concerne tout particulièrement l'utilisation durable des éléments constitutifs de la diversité biologique, il faut recourir à l'article 10 de la Convention dont il ressort notamment que les Etats ont l'obligation d'intégrer les considérations relatives à la conservation et à l'utilisation durable des ressources biologiques dans leurs différents processus décisionnels nationaux, ce qui impliquera nécessairement l'adoption de mesures de précaution telles les études d'impact environnementales13 sur les éventuels projets de développement, la formation et l'éducation des populations locales proches de des ressources biologiques et témoins privilégiés et souvent responsables ignorants de leur érosion.

12 En principe les moyens techniques de surveillance doivent être donnés par les pays à haute technologie.

13 Prévu au titre de l'article 14 de la Convention sur la Diversité Biologique, l'étude d'impact environnemental est un mécanisme d'évaluation environnementale qui est relatif au principe de précaution.

B. Les obligations concernant le partage juste et équitable des ressources génétiques

Les obligations prescrites par la Convention sur la diversité biologique relativement à la nécessité d'un partage juste et équitable des ressources génétiques reposent sur quatre éléments. Ces éléments concernent l'accès aux ressources génétiques et aux technologies, l'utilisation équitable : le principe de compensation équitable, la biosécurité et enfin le dernier élément traite des dispositions financières.

En ce qui concerne le premier élément qui concernent l'accès aux ressources génétiques, la Convention stipule au point 1 de l'article 15 que : « Le pouvoir de déterminer l'accès aux ressources génétiques appartient aux gouvernements et est régi par la législation nationale. ». Dans cette optique, chaque État Partie « s'efforce de créer les conditions propres à faciliter l'accès aux ressources génétiques » (article 15 al. 2). Il est judicieux de rappeler qu'en vertu de ses articles, l'accès est régi par un accord mutuel entre l'État fournisseur et l'État utilisateur. Deux observations importantes sont à faire en ce qui concerne l'accès aux ressources génétiques. D'une part, avec la CDB, l'accès n'est plus libre, il doit être autorisé mais peut être refusé par l'Etat. D'autre part, l'autorisation doit conduire nécessairement à la conclusion d'un contrat entre le prospecteur et l'Etat sur les conditions de la collecte

L'élément suivant est relatif à la question de l'utilisation équitable : le principe de compensation équitable, C'est le point 7 de l'article 15 qui traite du second élément à savoir l'utilisation équitable relatif aux obligations concernant le partage juste et équitable des ressources génétiques. Il dispose que « Chaque Partie prend les mesures législatives et administratives ou de politique générale appropriées [...] pour assurer le partage juste et équitable des résultats de la recherche et de la mise en valeur ainsi que des avantages résultant de l'utilisation commerciale et autres des ressources génétiques avec la Partie contractante qui fournit ces ressources. Ce partage s'effectue selon des modalités mutuellement convenues. »

Le point 3 de l'article 19 évoque la question de la biosécurité14 en précisant que : «
Les parties examinent s'il convient de prendre des mesures dans le domaine du

14L'article 1er du Protocole de Cartagena énonce que l'objectif est de « contribuer à assurer un degré
adéquat de protection pour le transfert, la manipulation et l'utilisation sans danger des organismes

transfert, de la manutention et de l'utilisation en toute sécurité de tout organisme vivant modifié résultant de la biotechnologie qui risquerait d'avoir des effets défavorables sur l'utilisation durable de la diversité biologique. »

L'article n'est pas très contraignant et pourtant les États-Unis n'ont pas voulu accepter cette possibilité d'un contrôle sur les aliments obtenus par génie génétique. Le dernier élément traite des dispositions financières (articles 20 et 21) : la Convention décide d'instituer un Fonds géré par la Conférence des parties (article 21), ce Fonds sera alimenté par des contributions des États selon les principes définis par l'article 20. Les pays développés devront fournir des ressources « nouvelles et additionnelles pour permettre aux pays en développement de faire face à la totalité des surcoûts » que leur impose la conservation de la biodiversité. La COP joue un important rôle en ce qui concerne la gestion des mécanismes financiers de la CDB.

Paragraphe 2. La nature et la portée de ses obligations

En analysant méthodiquement les dispositions de la Convention, il ressort que l'option consistant à prescrire des mesures et obligations contraignantes aux Etats parties a été écartée au profit de celle proposant aux Etats, des obligations souples, flexibles, et cela conformément au principe de souveraineté des Etats.

Il s'agira ici d'entrevoir successivement la nature, puis la portée des obligations assignées aux Etats par la Convention sur la diversité biologique dans le cadre de la conservation et la gestion durable de biodiversité.

A. La nature juridique des obligations

De prime abord, il convient de rappeler que les obligations relatives à la conservation et à l'utilisation durable de la biodiversité, au partage juste et équitable des ressources génétiques sont des obligations prises dans le cadre d'une Convention Internationale parce qu'engageant plusieurs Etats. Il s'agit donc d'obligations dites conventionnelles15 dans la mesure où elles émanent de la volonté commune des sujets de droit international qui ont décidé de s'y soumettre. La

vivants modifiés résultant de la biotechnologie moderne qui peuvent avoir des effets défavorables sur la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique, compte tenu également des risques pour la santé humaine, en mettant plus précisément l'accent sur les mouvements transfrontières ».

15 Les traités-cadres : une technique juridique caractéristique du droit international de l'environnement Alexandre Kiss.

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particularité des obligations prévues dans la CDB, découle du fait qu'elles sont pour une large part conditionnelles 16. En effet, lorsqu'on procède à une lecture des dispositions relatives à la conservation et à l'utilisation durable de la biodiversité notamment les articles 5, 7, 8, 9, 10, 11 et 14, on remarque l'expression utilisée en début de chaque article est la suivante : « chaque Partie, dans la mesure du possible et selon qu'il conviendra ». Le recours à cette expression s'explique par le fait que l'objectif recherché par la Convention est de confier directement aux Etats parties la responsabilité de la gestion durable de la biodiversité. Cela illustre bien l'influence incontestable du principe de souveraineté. Cette méthode a certes le mérite de responsabiliser directement les Etats, cependant elle n'est pas nécessairement efficace quand on sait que l'essentiel de la biodiversité provient de pays en développement dépourvus de moyens suffisants pour respecter intégralement les mesures et obligations de protection de la biodiversité.

B. La portée des obligations

Il convient à juste titre de revenir sur l'environnement qui a prévalu avant l'adoption de la CDB, les oppositions d'idées et d'intérêts entre pays en développement et pays développés d'une part sur les questions de souveraineté et d'autre part sur celles relatives au libéralisme économique. Les rédacteurs de la Convention dans le souci d'aboutir à un accord concerté et acceptable par toutes les parties, ont opté pour un cadre juridique moins restrictif et plus souple. Ainsi, les obligations assignées aux Etats parties à la Convention en plus d'être conditionnelles comme indiqué plus haut, sont souples17 car nulle part dans le texte de la Convention, des expressions contraignantes ne sont utilisées à l'effet d'inciter les Etats à s'acquitter de leur part d'obligations dans le cadre de la protection et la conservation de la biodiversité. En effet, L'article 3 de la Convention bien que mettant en avant un « Principe » qui insiste sur la souveraineté des États, limite considérablement la portée des dispositions adoptées. Par conséquent, pour parvenir à de résultats probants, il faudrait que les États acceptent de s'obliger eux-mêmes, en intégrant dans leurs législations nationales, des règles juridiques établissant d'une part des mesures de

16 Cours n°5 la biodiversité (complément 2011 - actualisation du cours) Jean-Marc Lavieille, Maître de conférences à la faculté de droit et des sciences économiques de Limoges.

17 La souplesse de ces obligations n'est pas de nature à entretenir l'espoir d'une protection véritable de la biodiversité, voir HERMITTE Marie-Angèle, Pour un statut juridique de la diversité biologique, Revue Française d'Administration Publique, janvier-mars 1990, n°53, pp.33-40.

conservation efficaces et d'autre part les conditions et modalités de leur mise en oeuvre effective. Il est vrai que dans le souci de pourvoir à de telles mesures, la CDB, conformément au principe de responsabilités communes mais différenciées, a prévu en son article 20 relatif aux mécanismes financiers, que les Parties s'engagent à fournir des ressources financières nouvelles et additionnelles pour permettre aux Parties généralement les pays en développement de faire face à l'ensemble de leurs obligations. En réalité la mise en oeuvre de cette disposition n'est pas toujours évidente ce qui rend alors hypothétique les efforts et la volonté des pays riches en biodiversité, généralement peu outillés financièrement et scientifiquement en la matière.

En somme, on peut déjà estimer que les difficultés concernant la protection et la conservation de la biodiversité trouvent notamment leur explication, dans le cadre juridique encadrant la gestion durable de la biodiversité. Néanmoins, nous ne devons pas ignorer la relation conflictuelle qui prévaut au niveau des nombreux enjeux liés à la conservation de la biodiversité.

SECOND CHAPITRE : LA CONVENTION SUR LA DIVERSITE BIOLOGIQUE : UNE
CONFRONTATION DES ENJEUX COMMERCIAUX ET ENVIRONNEMENTAUX DE
LA CONSERVATION DE LA BIODIVERSITE

Avant tout, il faut reconnaître le mérite de la Communauté Internationale qui a su à un moment crucial de la vie de l'humanité, s'arrêter, réfléchir et s'accorder sur la nécessité de préserver la diversité biologique et surtout de stopper son érosion. La CDB est donc la manifestation juridique et institutionnelle de cette volonté. Cependant, il serait utopique de croire qu'en adhérant aux principes et objectifs de cette Convention, les différents Etats parties se seraient concomitamment dépouillés de leurs nombreux intérêts économiques relatifs à l'exploitation des ressources issues de la diversité biologique. Ainsi, nous relevons que la conservation de la diversité biologique conduit inéluctablement à une confrontation d'enjeux que l'on

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peut d'une part, retrouver dans le texte de la Convention sur la diversité biologique18 et d'autre part, déduire des rapports entre la CDB et d'autres instruments internationaux plus contraignants tel que l'Accord sur les Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle liés au Commerce (ADPIC) de l'OMC.

Section I : La confrontation des enjeux commerciaux et environnementaux au sein de la Convention sur la Diversité Biologique

La CDB dans son essence première vise la mise en place de stratégies et de mesures dans le but de la conservation durable des ressources issues de la biodiversité. Cependant, le constat est qu'au delà de la dimension environnementale, la conservation de la biodiversité, avec la multiplication des applications industrielles, pharmaceutiques, agricoles, répond à des enjeux commerciaux et financiers considérables. Ainsi dans le souci de concilier les intérêts antagonistes, la CDB a procédé à la consécration du brevet sur le vivant19 dont l'utilisation peut influer négativement sur ses objectifs prioritaires.

Paragraphe 1. La consécration des Droits de Propriété Intellectuelle

Avant de donner les raisons de la consécration des DPI dans la CDB, nous essayerons d'examiner la notion de DPI.

A. La notion de Droit de Propriété Intellectuelle

Le Droit de Propriété Intellectuelle est un mécanisme juridique qui reconnaît à une firme ou à un individu, la propriété sur une invention, sur les nouveaux résultats d'une recherche ou d'une sélection. Pur produit de la société industrielle et la logique du profit, il vise la protection de toutes les créations de l'esprit. L'individu ou la firme qui veut s'en prévaloir, doit accepter de se soumettre aux procédures prévues pour la reconnaissance de son droit de propriété.

18 La constatation des difficultés de conciliation entre les objectifs et principes de la Convention sur la Diversité Biologique ajoutée à la faiblesse de ses obligations.

19 La consécration des DPI dans la Convention avait pour but de contenter les Pays Développés Parties à la Convention, malheureusement ces conditions d'application étaient toutes sauf claires dans la Convention.

Historiquement, la notion de DPI a été conçue avec les droits nord-américains et européens pour protéger les inventions faites par des individus et des sociétés industrielles, dans la mesure où durant cette période toute innovation était considérée comme appartenant au domaine public.

Il faut relever qu'il existe plusieurs types de droit de propriété. Nous pouvant citer notamment le secret commercial, la marque déposée, le certificat sur les obtentions végétales et surtout le brevet qui a fait l'objet d'une consécration expresse dans la CDB. Le secret commercial protège la formule, la méthode ou la technique de fabrication d'un produit, le procédé ou la compilation d'informations concernant ce produit. Il rend toutes ces informations difficilement accessibles. L'un des meilleurs exemples de secret commercial est la formule de Coca Cola. La marque déposée protège le nom donné à un produit pour une durée renouvelable de 10 ans. Le certificat sur les obtentions végétales est accordé à un sélectionneur qui a obtenu une nouvelle variété améliorée. Ce certificat protège sa création à condition que celle-ci remplissent un certain nombre de critères. Le brevet est un outil juridique d'origine anglo-saxonne20 créé en 1883, il confère à l'auteur d'une invention, le droit exclusif d'exploiter son invention commercialement ou scientifiquement. C'est le mode de protection de la propriété intellectuelle le plus utilisé parce-que rapportant le plus de profit à son propriétaire en lui accordant un monopole d'exploitation de 20 à 25 années. Cependant pour être reconnu, le brevet doit remplir nécessairement les trois conditions suivantes :

- l'objet breveté doit être une nouveauté,

- il doit relever d'une activité inventive,

- il doit être susceptible d'applications industrielles ou commerciales.

En somme, il convient de retenir que les DPI sont consubstantiellement liés aux activités économiques des grandes industries notamment dans les domaines de l'agriculture et de la santé.

B. Le repositionnement des Pays Développés

Les premiers articles de la CDB offrent une place de choix aux pays en
développement qui sont les pays qui détiennent l'essentiel des ressources

20 Voir le document produit en collaboration entre BEDE (Bibliothèque d'Echange de Documentation et d'Expériences), GRAIN (Genetic Ressources Action International) et INADES Formation en Avril 2006 intitulé : Les droits des communautés africaines, face aux DPI page 12.

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biologiques de la planète. Dans cette optique, le principe de souveraineté des Etats sur les ressources a été reconnu comme la clé de voüte dans la mise en oeuvre de toutes les autres dispositions de la CDB. Au demeurant, il fallait impérativement satisfaire les autres signataires de la Convention à savoir les pays développés. Partant, la consécration des DPI dans la CDB résonnait comme une victoire, une récompense pour les pays développés. En réalité, Les principaux bénéficiaires des DPI ce sont les pays développés dans la mesure où d'une part, ils en sont les initiateurs et d'autre part, en raison du fait que l'acquisition d'un brevet nécessite de nombreux moyens financiers hors de la portée d'un pays en développement. Cette initiative de la CDB semble être conforme avec l'esprit du point 19 de son préambule qui stipule : « Reconnaissant que le développement économique et social et l'éradication de la pauvreté sont les premières priorités des pays en développement qui prennent le pas sur toutes les autres ». Il ressort de cette stipulation que le droit conféré aux Etats, aux Etats en développement en particulier, sur leurs ressources est en réalité un moyen pour ces pays de lutter efficacement contre la paupérisation et la dégradation économique et social. Ainsi, en délivrant les brevets et autres droits de propriété intellectuelle aux sociétés des pays riches, les pays en développement pourront tirer les ressources financières nécessaires aux fins de faire face à ces priorités. Lorsque les grandes firmes internationales exerçant dans le domaine de la chimie, de l'agriculture ou encore dans celui de la santé, se voient accordés, par les Etats détenant les ressources biologiques qu'ils recherchent, le droit d'accès sur ces ressources, elles agissent prioritairement dans le cadre de l'obtention de brevet. Partant, elles recourent à la biotechnologie en utilisant des systèmes biologiques, des organismes vivants, ou des dérives de ceux-ci, pour réaliser ou modifier des produits au des procédés à usage spécifique, ce qui pourra leur garantir un profit économique important. Cependant, l'acceptation par les pays en développement, de la consécration des DPI dans la CDB n'a pas réellement causé de difficultés d'autant plus que les DPI tels que évoqués dans la CDB restent soumis aux législations nationales des Etats conformément au principe de souveraineté et au point 3 de l'article 16 de la CDB qui dispose : « Chaque Partie contractante prend, comme il convient, les mesures législatives, administratives ou de politique générale voulues pour que soit assuré aux Parties contractantes qui fournissent des ressources génétiques, en particulier celles qui sont des pays en développement, l'accès à la technologie utilisant ces ressources et le transfert de ladite technologie selon des

modalités mutuellement convenues, y compris à la technologie protégée par des brevets et autres droits de S(RS(I1)t1) IQfCfFIlfllfk ».

Il convient de préciser que le clin d'oeil opéré par la CDB relativement aux DPI aura nécessairement des implications sur la Convention elle-même.

Paragraphe 2. Les Implications de cette consécration

A. Les DPI sont contraires à l'esprit et à la lettre de la CDB

Deux principes importants participant à la conservation de la diversité biologique ont été évoqués par la CDB. Il s'agit du « partage des bénéfices de l'exploitation des ressources génétiques » et de « l'accord préalable donné en connaissance de cause ». Le premier est tiré du point 12 du préambule qui stipule :« Reconnaissant qu'un grand nombre de communautés locales et de populations autochtones dépendent étroitement et traditionnellement des ressources biologiques sur lesquelles sont fondées leurs traditions et qu'i1 est souhaitable d'assurer le partage équitable des avantages découlant de 1'utilisation des connaissances, innovations et pratiques traditionnelles intéressant la conservation de la diversité biologique et l'utilisation durable de ses éléments ». Le deuxième ressort de la lecture du paragraphe 5 de l'article 15 de la Convention qui soumet l'accès aux ressources génétiques au consentement préalable donné en connaissance de cause de la Partie contractante qui fournit lesdites ressources. En effet, conformément à ces principes, les Etats s'engagent à respecter, préserver et maintenir les connaissances, innovations et pratiques des communautés locales. En outre, les Etats doivent veiller, en faveur des communautés locales, à un partage équitable des avantages découlant de l'utilisation des connaissances, innovations et pratiques des communautés locales. Au demeurant, il n'est pas question de privatisation du vivant ni de DPI qui sont des mesures non encore maîtrisées dans les pays riches en biodiversité, particulièrement les pays en développement. Ainsi, dans leur application ces principes concernent à la fois l'Etat qui fournit les ressources biologiques et les communautés locales qui entretiennent ces ressources depuis des

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siècles. Malheureusement les communautés locales21 sont souvent ignorées par leur propre Etat dans la mesure où dans la majorité des pays en développement, il n'existe pas de véritable législation nationale22 réglementant l'accès aux ressources et au partage des bénéfices et d'autre part parce que les Etats souvent privilégient l'aspect financier qui pourrait résulter des brevets et autres DPI au détriment des droits des communautés locales.

Partant, il est à craindre à long terme une disparition des connaissances, innovations et pratiques des communautés locales avec le développement des mécanismes de DPI au profit des grandes firmes industrielles du Nord, ce qui est contraire aux objectifs de a CDB.

B. Les DPI, une menace pour la conservation de la biodiversité

Le problème du DPI, ou du brevet sur le vivant est lié à celui des Organismes Génétiquement Modifiés (OGM). Les OGM sont des êtres vivants (plantes, animaux ou microorganismes) dont le patrimoine héréditaire a été modifié en laboratoire. Ils sont le résultat de biotechnologies modernes obtenus par le mécanisme des modifications génétiques permettant à une plante, à un animal ou à un microorganisme d'exprimer un caractère qu'il ne possédait pas naturellement. On parle alors de manipulation génétique. Partant les OGM sont des êtres vivants artificiels ; ceux qui les fabriquent déposent une demande pour un droit de propriété sur ces organismes à l'effet de les protéger, ce qui signifie que les OGM sont consubstantiellement liés aux DPI.

Tous comme les DPI avec lesquels ils entretiennent d'étroites relations, les manipulations génétiques, les biotechnologies modernes évoquées dans la CDB présentent des risques de pollution génétique et de réduction de la diversité biologique. En effet, les gènes artificiellement introduits dans les plantes cultivées peuvent se répandre dans le patrimoine génétique des variétés traditionnelles et des espèces sauvages ou apparentées aux OGM. En outre, les manipulations

21 Voir le document produit en collaboration entre BEDE (Bibliothèque d'Echange de Documentation et d'Expériences), GRAIN (Genetic Ressources Action International) et INADES Formation en Avril 2006 intitulé : Les droits des communautés africaines, face aux DPI page 19 à 28.

22 Les législations nationales se contentent d'élaborer des textes de portée générale tels les Code de l'Environnement, les Codes Forestiers. Il est vrai que ces textes peuvent être utilisés par les Etats dont ils sont issus, mais cela se fera de manière interprétative, il serait judicieux que les Etats pensent à adopter un texte spécifique à la biodiversité.

génétiques suppriment les limites naturelles entre les espèces23 en permettant notamment de donner à une plante des caractéristiques propres à un animal ce qui peut créer des perturbations au niveau de la symbiose des écosystèmes, élément important de la biodiversité. Ainsi les manipulations génétiques peuvent avoir des effets nuisibles pour les plantes sauvages, la faune notamment les insectes et les animaux. A ce titre, nous pouvons citer quelques effets négatifs de certains OGM sur la santé des animaux : malformation de l'estomac et de l'intestin chez des rats de laboratoire alimentés avec des pommes de terre modifiées par exemple, décès suite à des maladies inexpliquées après ingestion de maïs modifié chez des vaches et des poulets.

De tout ce qui précède, il apparaît judicieux de retenir que les OGM posent véritablement un problème au niveau de la transformation du vivant et bien évidemment au titre de la conservation de la biodiversité24. A la longue ces pratiques biotechnologiques pourront conduire à la modification du patrimoine génétique des diverses espèces déjà existantes, voire même leur extinction. Heureusement, grâce à la CDB, la possibilité de développer librement et sous brevet des variétés génétiquement modifiées est encadrée par des régulations globales pouvant avoir un pouvoir de sanction éventuel, si des dommages environnementaux sont constatés.

La CDB a certes consacré les DPI, mais seulement de manière implicite, juste à l'effet de contenter les toutes les Parties. Par ailleurs, il convient de signifier que les rédacteurs de la CDB en consacrant les DPI, n'excluaient pas les éventualités de conflits. C'est ce qui ressort de l'article 16, paragraphe 2 et 5. L'article 16 de la CDB, le paragraphe 2 in fine dispose : « Lorsque les technologies font l'objet de brevets et autres DPI, l'accès et le transfert sont assurés selon des modalités qui reconnaissent des DPI et sont compatibles avec leur protection adéquate et effective ». Le paragraphe 5 indique pour sa part : « Les Parties contractantes reconnaissent que les brevets et autres DPI peuvent avoir une influence sur l'application de la CDB,

23 Voir le document produit en collaboration entre BEDE (Bibliothèque d'Echange de Documentation et d'Expériences), GRAIN (Genetic Ressources Action International) et INADES Formation en Avril 2006 intitulé : Les Organismes Génétiquement modifiés (OGM) en Afrique page 8.

24 Voir le document produit en collaboration entre BEDE (Bibliothèque d'Echange de Documentation et d'Expériences), GRAIN (Genetic Ressources Action International) et INADES Formation en Avril 2006 intitulé : Les Organismes Génétiquement modifiés (OGM) en Afrique page 28.

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coopèrent à cet égard sans préjudice des législations nationales et du droit international pour assurer que ces droits s'exercent à l'appui et non à l'encontre de ses objectifs ».

Ainsi, conformément à l'esprit et à la lettre de la CDB, il importe d'agir dans le sens de la mise en oeuvre effectif de ses objectifs que sont la conservation de la diversité biologique, l'utilisation durable de ses éléments et le partage juste et équitable des avantages découlant de l'utilisation des ressources génétiques dans le respect du principe de souveraineté des Etats. Malheureusement, cette confrontation des enjeux environnementaux et commerciaux se manifeste dans les rapports entre la CDB et d'autres instruments juridiques internationaux notamment l'Accord sur les APDIC.

Section II : Les rapports entre la Convention sur la Diversité Biologique et l'Accord de l'OMC sur les Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle lié au Commerce (ADPIC)

Les interactions entre l'Accord sur l'APDIC géré par l'OMC et la CDB gérée par le PNUE se traduisent par des conflits entre pays à haute technologie et pays en développement. Au centre des conflits, la question des DPI et de la brevetabilité du vivant, de transfert de technologie, de reconnaissance du savoir ancestral et du choix des mécanismes de protection25. Nous aborderons dans un premier temps, les points de conflits entre la CDB et l'Accord sur les APDIC, puis dans un deuxième temps nous examinerons les éventualités d'une adaptation des dispositions de la CDB et de l'Accord sur les APDIC.

Paragraphe 1. Les points de conflits entre la CDB et l'Accord sur les APDIC A. La violation du principe de souveraineté des Etats

L'un des principes de la CDB est celui du droit souverain que les Etats ont d'exploiter
leurs propres ressources selon leurs politiques d'environnement, conformément à la

25 La Convention sur la Diversité Biologique et Les Accords de Droit de Propriété Intellectuelle : enjeux et perspectives, Solagral 2001, Hélène IIbert.

Charte des Nations Unies et aux principes de droit international tel que défini en son article 3.

La consécration d'un tel principe est un acquis majeur, une victoire des pays en développement sur les pays du Nord. Elle permet de satisfaire à une des revendications clefs soulevée pendant les négociations, notamment la remise en question du concept de patrimoine commun de l'humanité qui bien avant la CDB, régissait le statut des ressources biologiques. Le motif de cette revendication était le constat que les ressortissants des pays développés réclamaient de plus en plus de DPI sur les innovations effectuées sur la base de ressources originaires des ays en développement26. Cette situation était de nature à limiter l'accès aux résultats des innovations, alors même que l'accès aux ressources sur lesquelles elles sont fondées, était libre en vertu du concept de patrimoine commun de l'humanité.

Il s'agissait alors pour les pays en développement de lutter contre toutes les manifestations et formes de bio piraterie. Ainsi, en vertu de ce principe les pays riches en biodiversité mais pauvres en ressources financières et en technologie peuvent limiter l'utilisation commerciale de leurs ressources en mettant l'accent sur leurs droits de souveraineté. Partant les firmes internationales et les centres de recherche en biotechnologies des pays développés ne pourront plus exploiter librement à des fins commerciales les ressources génétiques de ces pays, avant ils devront déclarer les modalités de leurs travaux de prospection et surtout faire partager leurs bénéfices avec les pays d'origine des ressources à exploiter27. En effet, tandis que la CDB opte pour un droit souverain public du pays d'origine sur ses ressources biologiques, l'Accord sur les APDIC propose un droit privé de propriété intellectuelle.

La protection des formes de vie soulève ainsi des interrogations sur le rapport entre l'Accord sur l'ADPIC et la CDB. L'Accord sur l'ADPIC s'applique à tous les domaines de la technologie. Il ne prend pas non plus en considération le fait que l'accès aux ressources génétiques est régi par des conditions convenues d'un commun accord et qu'il est soumis selon le paragraphe 5 de l'article15 de la CDB « au consentement

26 Il s'agit toujours de la manifestation conflictuelle des rapports entre Pays Développés et Pays en Développement présent dans la Convention sur la Diversité Biologique et même dans les Accords relatifs à l'OMC.

27 Cette idée relève un peu de l'utopie, car la Convention sur la Diversité Biologique en consacrant les DPI, s'est engluée dans le cercle très vicieux des très puissants enjeux commerciaux.

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préalable donné en connaissance de cause par les communautés locales et par l'Etat détenteur de ces ressources ».

L'amer constat est que le contenu de l'Accord sur les ADPIC est un obstacle incontestable aux idéaux défendus par les pays en développement concernant la reconnaissance de leur droit souverain de disposer de leurs ressources génétiques comme ils l'entendent, dans la mesure où il prône expressément la vulgarisation des droits privés sur les ressources. Du coup, il se heurte au principe de la souveraineté.

B. La méconnaissance des droits des communautés locales

La CDB exige, au niveau de ses articles 8j et 10, de la part des Etats parties la promotion des droits des communautés, des agriculteurs et des populations autochtones en ce qui concerne l'usage traditionnel des ressources biologiques et des systèmes de connaissance. A l'opposé, les systèmes de DPI prévus par l'Accord sur les APDIC ne prennent pas en considération cette préoccupation. Les critères qu'ils posent pour qu'une innovation, puisse bénéficier d'une protection notamment ceux relatifs à la nouveauté et aux applications industrielles affaiblissent les droits des communautés locales et écartent les innovations traditionnelles28. En réalité, l'Accord sur les ADPIC ne reconnaît ni explicitement, ni implicitement aucun DPI à l'égard des droits des communautés autochtones et locales. Il considère uniquement les DPI des individus et non ceux détenus sur une base collective par la communauté ou par la nation dans sa totalité29. Les connaissances traditionnelles et locales, compte tenu de leur nature même ne peuvent jouir d'une protection sous l'Accord sur les ADPIC. En effet, le critère de nouveauté ne semble pas pouvoir s'appliquer aux connaissances et inventions traditionnelles qui, eux sont, par essence anciennes. De même, l'obligation pour le demandeur de brevet de divulguer le contenu détaillé de son invention en contrepartie de sa protection par le brevet risque de permettre l'érosion des droits des peuples indigènes et locaux qui verront leurs connaissances ancestrales manipulées par les intérêts commerciaux et de contredire leurs valeurs spirituelles et religieuses. De plus, les connaissances

28 Voir le document produit en collaboration entre BEDE (Bibliothèque d'Echange de Documentation et d'Expériences), GRAIN (Genetic Ressources Action International) et INADES Formation en Avril 2006 intitulé : Les droits des communautés africaines, face aux DPI page 29.

29 La Convention sur la diversité biologique et Les Accords de Droit de Propriété Intellectuelle : enjeux et perspectives, Solagral 2001, Hélène IIbert.

traditionnelles et les droits qui s'y attachent sont en général des droits collectifs alors que les DPI sont des droits privés. Les DPI sur les formes de vie, proposés par l'Accord sur les ADPIC, ne répondent pas aux besoins des pays en développement30. Il en est de même, du système de Droits d'Obtentions Végétales (DOV), considéré comme plus souple par rapport au brevet et qui s'inscrit parfaitement dans la philosophie des économies industrielles, où l'accent est mis sur la protection des investissements et des intérêts de grandes et influentes entreprises semencières, qui emploient les sélectionneurs professionnels.

Enfin, les systèmes classiques de DPI ont des implications profondes sur la sécurité alimentaire nationale et régionale, ainsi que sur le développement rural et la santé des populations des pays sous développés. Ils encouragent la biopiraterie en ce sens qu'ils permettent d'exploiter les innovations et créativités des communautés tout en leur privant des bénéfices économiques en découlant, qui sont pourtant essentiels pour leur survie. A titre d'illustration, nous pouvons évoquer le cas du Neem en Inde qui est un pur exemple de biopiraterie31.

En effet depuis plus de 2000 ans, le Neem est appelé « l'arbre gratuit » en raison du fait qu'il symbolise la diversité des espèces et la libre circulation des connaissances dont il dispose. Il est utilisé en Inde, en médecine et en agriculture, il possède notamment des vertus insectifuges et antiparasitaires très apprécier par les fermiers qui s'en servent à l'effet de purifier l'air et soigner presque toutes les maladies des animaux. En Inde, la loi sur les brevets de 1970 interdisait toute brevetabilité des produits agricoles et médicinaux. Malheureusement, en 1971, l'importateur de bois américain Robert Larson constatant les bienfaits du Neem, importait des semences de Neem dans sa compagnie au Wiscosin. Dans la décennie suivante, il a mené des expériences sur la sécurité et le rendement d'un pesticide extrait du Neem, appelé Margosan-O. En 1985, l'EPA (Environmental Protection Agency ou l'Agence pour la Protection de l'Environnement) lui délivre l'autorisation de mettre ce produit en

30 Voir le document produit en collaboration entre BEDE (Bibliothèque d'Echange de Documentation et d'Expériences), GRAIN (Genetic Ressources Action International) et INADES Formation en Avril 2006 intitulé : Les droits des communautés africaines, face aux DPI page 30 à 33.

31 Voir le document produit en collaboration entre BEDE (Bibliothèque d'Echange de Documentation et d'Expériences), GRAIN (Genetic Ressources Action International) et INADES Formation en Avril 2006 intitulé : Les droits des communautés africaines, face aux DPI, le Neem, l'arbre gratuit, patrimoine de la médecine traditionnelle de l'Inde, aujourd'hui spolié par des soi-disant bioprospecteurs, détenteurs de brevets page 45 à 49.

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circulation. Trois ans plus tard, il vendait le brevet du produit à la multinationale de produits chimiques Grace. La multinationale Grace est parvenue à aménager en Inde une usine qui traite près de 20 tonnes de graines par jour. Elle mit également sur pied un réseau de fournisseurs de semences du Neem jouant sur l'extrême pauvreté des populations indiennes, pour s'assurer un approvisionnement constant. La conséquence directe, c'est que le Neem a perdu sa qualité d'« arbre gratuit » dans la mesure où ces 20 dernières années, le prix du Neem est passé de 300 roupies par tonnes à 3000 voire 4000 roupies par tonne. Ainsi, pour lutter contre cet abus des DPI, plus de 200 organisations ont contesté devant les tribunaux deux des brevets détenus par la multinationale Grace, l'un aux Etats-Unis et l'autre à l'OEB. Le 10 mai 2000, l'OEB annule le brevet détenu conjointement par le Gouvernement américain et Grace, aux motifs que ce brevet était fondé sur le pillage de connaissances existantes et manquait de nouveautés et d'inventivité. Certes, cette décision est une victoire, mais elle paraît insignifiante car le mal a été déjà commis.

L'ensemble de ces éléments permet de constater que le régime des DPI, s'il paraît raisonnable dans le contexte des pays industrialisés, est injuste pour les pays en développement, d'où la nécessité pour ces derniers de trouver des alternatives plus adaptées.

Paragraphe 2. La nécessaire adaptation des dispositions de l'Accord sur les APDIC avec celles de la CDB

Il convient de relever de prime abord une importante règle du droit international conventionnel. Cette règle est tirée de la Convention de Vienne et traite des cas de conflits entre Traités. Ainsi en vertu de la Convention de Vienne sur le droit des traités, l'Accord qui prévaut est celui qui est le plus récent ou le plus clair et le plus précis sur la question32. Partant, s'il était établi que l'une ou l'autre des dispositions de la CDB et de l'Accord relatif aux ADPIC étaient en conflit, ce serait l'Accord relatif aux ADPIC qui prévaudrait dans les États parties aux deux traités, car plus clair et

32 Commission de la propriété intellectuelle et industrielle, 15 septembre 1999, l'accord relatif aux APDIC et la Convention sur la Diversité Biologique : quel conflit ?

précis que la CDB sur la question des DPI. Il convient donc de rechercher au sein de l'Accord sur les APDIC les dispositions qui se rapprochent des objectifs de la CDB, à l'effet de trouver un système de protection plus adaptés aux pays en développement.

A. Les exceptions relatives à la délivrance de brevet prévues
dans l'Accord sur les APDIC

Une exception a été prévue au sein de l'Accord sur les APDIC, à l'effet de limiter la portée des dispositions de l'article 27.1 qui stipule que : « les brevets devraient être utilisables pour toutes les inventions, que ce soit produit ou processus, dans tous les domaines de la technologie ». Il s'agit des articles l'article 27.2 et 27.3 a. L'article 27.2 stipule que : « les membres pourront exclure de la brevetabilité les inventions dont il est nécessaire d'emprcher l'exploitation commerciale sur leur territoire pour protéger l'ordre public ou la moralité, y compris pour protéger la santé et la vie des personnes, des animaux ou préserver les végétaux, ou pour éviter de graves atteintes à l'environnement, à condition que cette exclusion ne tiennent pas uniquement au fait que cette exploitation est interdite par leur législation ». L'article 27.3 a quant à lui, exclut `'de la brevetabilité les végétaux et les animaux autres que les micro-organismes et les procédés essentiellement biologiques des obtentions de végétaux et d'animaux, autres que les procédés non biologiques et microbiologiques''. Ainsi, conformément à ces dispositions, les Gouvernements des Etats simultanément Parties à la CDB et à l'Accord sur les APDIC, ont le droit d'exclure de la brevetabilité des inventions qui pourraient nuire à l'ordre public, à l'ordre moral, porter atteinte à la santé humaine, à l'environnement, ou à la vie des plantes et des animaux. Les membres de l'Accord sur les APDIC peuvent refuser de délivrer de brevets à des inventions dans le but de protéger l'ordre public ou la moralité, ce qui inclut nécessairement les inventions portant atteinte à l'environnement. Les objections soulevées doivent cependant être suffisamment graves pour qu'il soit nécessaire d'empêcher l'exploitation commerciale de ces inventions sur le territoire de l'État concerné.

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L'Accord sur les APDIC, en introduisant ces dispositions avait certainement le souci de rejoindre les objectifs de la CDB33, relativement à la conservation et à l'utilisation durable de la biodiversité et des ressources qui sont issues. Cependant, l'une des difficultés c'est que le Conseil de l'APDIC est en phase de réexaminer les exceptions possibles à la brevetabilité du vivant. Certes, ces dispositions sont avantageuses mais délicates, dans la mesure où leur application dépend de la réalisation de certaines conditions préalables. De tout ce qui précède, les Pays en Développement ont opté pour l'adoption d'un nouveau système de protection en dehors des DPI.

B. L'adoption d'un système `'sui generis»

Les pays en développement membres de l'OMC, ayant souscrit à l'Accord de l'OMC sur les ADPIC se trouvent donc dans l'obligation d'adopter un système sui generis efficace et adapté pour la protection des variétés quand ils ne prévoient pas le système de brevet34 . C'est là un des enjeux majeurs des rapports entre la CDB et l'Accord de l'OMC sur les ADPIC pour les pays en développement de manière générale et ceux d'Afrique en particulier. A travers l'Accord sur les APDIC, l'OMC oblige les Etats Parties à se doter d'un système de propriété intellectuelle. L'article 27.3 b de l'Accord sur les ADPIC permet d'exclure les végétaux de la brevetabilité « à condition que les variétés végétales soient protégées par un système `'sui generis» efficace. Les partisans d'une protection de type libéral, industriels et pays occidentaux principalement, défendent l'idée que la meilleure protection `'sui generis est la Convention de l'UPOV. A l'opposé, les partisans d'une protection collective et communautaire estiment que le système des brevets et celui proposé par l'UPOV présentent les mêmes caractéristiques et la même finalité notamment renforcer les droits des obtenteurs au détriment de celui des agriculteurs et des communautés locales. Quels sont donc les critères qui serviront aux pays en développement et à

33 Commission de la propriété intellectuelle et industrielle, 15 septembre 1999, l'accord relatif aux APDIC et la Convention sur la Diversité Biologique : quel conflit ?

3' Voir le document produit en collaboration entre BEDE (Bibliothèque d'Echange de Documentation et d'Expériences), GRAIN (Genetic Ressources Action International) et INADES Formation en Avril 2006 intitulé : Les droits des communautés africaines, face aux DPI, le Neem, l'arbre gratuit, patrimoine de la médecine traditionnelle de l'Inde, aujourd'hui spolié par des soi-disant bioprospecteurs, détenteurs de brevets.

l'Afrique en particulier dans le cadre de la constitution et de l'adoption d'un système de protection sui generis efficace ?

J.A. Ekpere, Chercheur à la Commission de la Technologie et de la recherche de l'OUA déclarait ceci35 : « Le type de droits dont l'Afrique a besoin, ce n'est pas de Droits de Propriétés Intellectuelles (DPI), sous monopole de l'entreprise privée, mais de droits qui soutiennent les communautés locales, les agriculteurs, les populations indigènes, et les efforts qu'ils ont accomplis tout au long du dernier millénaire, pour conserver et améliorer la biodiversité pour le bénéfice de l'humanité entière ». Le mot sui generis veut dire simplement spécifique et unique « de son espèce. Les Etats ont donc une multitude de possibilités pour adopter les systèmes qu'ils veulent pourvu que ceux-ci soient efficaces. Les systèmes sui generis doivent être une alternative au brevet. Ils sont au croisement des questions de rémunération des innovations (l'objectif de l'Accord de l'OMC sur les APDIC), d'accès de ressources génétiques et de protection des savoirs traditionnels (objectifs de la CDB). Les pays en développement devront notamment s'inspirer du Traité International sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture de la FAO qui, adopte le principe du libre accès des ressources par les communautés locales, énonce la notion de droit des agriculteurs et fait prévaloir l'intérêt général.

En outre, Pour marquer sa réticence vis-à-vis de l'option de l'ADPIC qui fait la part belle aux industries biotechnologiques et aux semenciers-obtenteurs de l'UPOV, l'OUA devenue UA s'est placée à l'avant-garde d'une autre réflexion sur l'usage du vivant.

L'initiative de l'UA36 de développer une « Législation modèle sur la protection des droits des communautés locales, des agriculteurs et des sélectionneurs, et pour la régulation de l'accès aux ressources biologiques ».

Le modèle de législation de l'UA pourrait servir de base pour un système `'sui generis'' adéquat aux conditions et au niveau de développement des pays africains et rendre compatible leur position avec l'Accord sur les ADPIC. Il a certes beaucoup d'avantages pour les pays africains mais reste toutefois très limité.

35 Voir le document produit en collaboration entre BEDE (Bibliothèque d'Echange de Documentation et d'Expériences), GRAIN (Genetic Ressources Action International) et INADES Formation en Avril 2006 intitulé : Les droits des communautés africaines

36 La Loi-modèle africaine, adopté en juillet 2001 à Lusaka en Zambie, a avant tout le mérite de souligner l'inadaptation du système de l'Accord sur les ADPIC.

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Les principes de base de la loi modèle africaine sont tirés de la CDB et tiennent compte des coutumes et traditions des peuples africains. Ils insistent sur la non brevetabilité du vivant, la souveraineté, les droits et les responsabilités inaliénables de l'Etat, la valeur des connaissances autochtones, le consentement préalable donné en connaissance de cause, le partage juste et équitable des bénéfices.

Ce dernier est en effet accusé d'accorder des monopoles sur des être vivants tout en refusant catégoriquement d'admettre les innovations communautaires collectives et d'être opposé aux aspirations des communautés qui sont en premier lieu les innovatrices de la biodiversité nécessaire à la survie de la planète. La Loi-modèle refuse le brevetage du vivant et ne fait pas obstacle au privilège de l'agriculteur (article 3). En matière d'accès aux ressources biologiques ainsi qu'aux connaissances associées, la Loi-modèle affirme non seulement la nécessité du consentement de l'Etat, mais aussi celle du consentement des communautés locales et autochtones.

L'article 5 reconnaît les communautés locales comme étant « les conservatrices légitimes et uniques des connaissances, innovations et pratiques » et engage les Etats à respecter leurs droits. De plus, elle s'inscrit parfaitement dans la logique de la CDB car elle réitère ses principes les plus importants pour les pays en développement. D'une part, elle revalorise et promeut considérablement le principe de souveraineté des Etats, d'autre part, elle prend en considération les vraies préoccupations des populations africaines notamment la sécurité alimentaire, le partage équitable, la santé des populations

Si la Loi-modèle de l'UA est silencieuse sur certaines questions, notamment sur les définitions des termes utilisés ainsi que sur la concrétisation finale des méthodes de partage entre les différentes communautés, elle reste par ailleurs très critiquée par l'OMPI et l'UPOV. Il existe des controverses sur les la loi modèle de l'UA, elle doit notamment relever deux défis majeurs.

Le premier est lié au fait que le projet ne semble pas prendre en considération
certaines questions importantes aux yeux des pays développés. La Loi-modèle remet

en question ce qui est convenu dans l'Accord sur les ADPIC, notamment en matière de la brevetabilité du vivant et de la protection des DPI de manière générale37.

Nombreuses sont les critiques actuelles que l'UPOV et l'OMPI adressent à l'UA. Loin de faciliter le dialogue, elles remettent en question la Loi-modèle. L'OMPI s'est empressée de mettre en avant que l'interdiction des brevets sur les organismes vivants allait contre l'article 27.3 b des accords ADPIC qui exige la reconnaissance des brevets au moins sur les micro-organismes. Elle rejette le principe d'inaliénabilité des droits des communautés inclus dans la Loi-modèle. Pour le reste, la thèse de l'OMPI souligne de nombreuses imperfections concernant la manière dont la Loimodèle entend la définition et l'opérationnalité des droits des communautés.

Pour sa part, l'UPOV a retravaillé plus de 30 articles de la Loi-modèle afin de la rendre conforme aux standards de leur propre convention. On l'aura bien compris, la bataille ne fait que commencer !

Le second défi est celui de garder l'unité du groupe africain qui commence à se perdre. Les nombreuses pressions qu'exercent les pays industrialisées sur certains pays africains ne sont pas de nature à rendre le débat plus serein et équitable. Devant cette situation, les incohérences entre le régime de la biodiversité de la CDB et celui des DPI de l'Accord sur les ADPIC, illustrées par l'incompatibilité entre les objectifs et moyens de l'un et les dispositions de l'autre, ne pourrait en fin de compte se résoudre qu'au détriment des pays en développement. Il convient de rappeler que le Groupe de Travail Spécial Intersessions à Composition Non Limitée sur L'article 8 (J) et des dispositions connexes de la Convention sur la Diversité Biologique à abordé les questions relatives à l'élaboration d'éléments de systèmes sui generis de protection des connaissances, innovations et pratiques traditionnelles afin d'identifier les éléments prioritaires38.

En somme, il convient de retenir que le droit de la biodiversité est caractérisé par un droit conventionnel limité en raison de la confrontation perpétuelle des enjeux environnementaux, sociaux et économiques. L'illustration nous a été donnée d'une part, à travers une analyse de la CDB et d'autre part, dans le cadre d'une étude

37 La Convention sur la Diversité Biologique et Les Accords de Droit de Propriété Intellectuelle : enjeux et perspectives, Solagral 2001, Hélène IIbert.

38 Cinquième réunion du Groupe de travail tenue à Montréal, du 15 au19 octobre 2007

comparative de la CDB avec d'autres instruments juridiques internationaux notamment l'Accord sur les APDIC. Aujourd'hui plus que jamais, il conviendrait d'envisager un Droit International de l'Environnement plus adapté aux défis liés à la conservation de la biodiversité, susceptible de concilier les aspirations environnementales, économiques et financières de la conservation de la biodiversité, à travers un arsenal juridique approprié.

SECONDE PARTIE :

POUR UN DROIT INTERNATIONAL DE L'ENVIRONNEMENT ADAPTE AUX
ENJEUX DE LA CONSERVATION DE LA BIODIVERSITE

La conservation de la biodiversité est un devoir, une obligation pour l'humanité toute entière, partant, les contingences économiques et financières ne doivent pas être un obstacle à la volonté de préserver cette richesse écologique et culturelle pour le bien des générations présentes et futures39.

En effet, le droit de la biodiversité actuellement en vigueur, confronté dans le cadre de son application à certains instruments juridiques internationaux protégeant les exigences économiques au détriment de celles relatives à la protection de l'environnement, doit pouvoir relever les nombreuses difficultés qui s'opposent à son effectivité.

Pour y parvenir, il serait judicieux d'une part, de procéder à une correction des faiblesses du droit de la biodiversité (1) et d'autre part, de renforcer les moyens de mise en oeuvre (2) des mécanismes de protection et de conservation de la biodiversité.

CHAPITRE PREMIER : LA NECESSAIRE CORRECTION DES FAIBLESSES DU DROIT DE LA BIODIVERSITE

39 Rapport Brundtland relatif au développement durable consacré lors de la Conférence de Rio sur l'environnement et le développement.

Il convient de relever que le droit de la biodiversité, est en contradiction avec des normes plus puissantes, qui organisent et protègent les différentes activités destructrices de la diversité biologique notamment dans le domaine de la restructuration de l'espace agricole pour assurer la rationalisation des cultures, au niveau des techniques de culture et d'élevage intensif, ou encore dans le cadre de la sélection végétale ou animale, et de l'utilisation industrielle des produits de la nature40 par le biais de brevets ou autres DPI. La course vers l'industrialisation encouragée par l'adoption au niveau international de moyens juridiques et institutionnels puissants, conduit inéluctablement à l'affaiblissement des mécanismes de protection de l'environnement, de la biodiversité. Ainsi, le constat est que le droit de la biodiversité subit l'hégémonie des puissances industrielles et des institutions mondiales qui les encadrent.

Il est donc indispensable de remédier à ce déséquilibre en corrigeant les faiblesses, les limites du droit de la biodiversité. Ce qui implique nécessairement d'une part, l'application effective des Conventions Internationales et des textes légaux pris dans le cadre de la conservation de la biodiversité (Section I) et d'autre part, la prise en compte visible des exigences environnementales de la conservation dans les politiques commerciales (Section II).

Section I : L'application et l'effectivité des Conventions Internationales et des textes

légaux

Les dispositions du DIE relatives à la conservation de la biodiversité sont confrontées à des problèmes structurels qui fragilisent considérablement leur application effective sur le terrain. La détermination de ces difficultés devrait permettre inéluctablement de trouver les solutions d'une application effective des mécanismes juridiques internationaux et nationaux de protection et de conservation de la biodiversité.

Ainsi, nous tenterons de faire ressortir d'une part, les difficultés d'ordre structurel que rencontre le droit de la biodiversité. D'autre part, nous aborderons les solutions liées à ces difficultés.

40 HERMITTE Marie-Angèle, Pour un statut juridique de la diversité biologique, Revue Française d'Administration Publique, janvier-mars 1990, n°53, pp.33-40.

Paragraphe 1. Les problèmes d'ordre structurel rencontrés par le DIE

Elles sont de deux ordres. D'une part les difficultés relatives à l'ordre juridique international et d'autre part, celles propres au droit international lui-même.

A. Les difficultés propres à l'ordre juridique international

Le droit international bute sur un dilemme. Le besoin d'une hiérarchie et d'une contrainte, pour négocier, coopérer, définir des instruments de régulation et les appliquer n'a jamais été aussi crucial. Mais la société internationale actuelle demeure une société de juxtaposition d'entités souveraines non hiérarchisées, encore marquée par le primat du consentement lié au principe de souveraineté41. L'une des caractéristiques de l'ordre juridique international, dont les Etats sont les principaux acteurs, est que ces derniers sont, à l'origine de la formation du droit, tout au moins des sources classiques et sont chargés de son exécution. Les Etats sont libres de s'engager ou non : en acceptant des normes externes, ils s'autolimitent.

Sauf très rares exceptions, l'accord de l'Etat demeure seul à l'origine des obligations à sa charge. Le volontarisme fait obstacle au développement d'un droit commun accordant les mêmes privilèges à toutes les branches du droit international.

La reconnaissance de l'environnement comme une valeur commune à l'humanité toute entière, dont la préservation est l'affaire de la communauté internationale dans son ensemble au regard des engagements pris par les Etats Parties au Conventions protégeant l'environnement et la biodiversité en particulier notamment la CDB, et que l'on retrouve dans les règles qui lui sont applicables, subit la rigueur de l'ordre juridique international profondément tourné vers la protection des intérêts économiques. En réalité, les Etats conservent des compétences quasi-exclusives et ont une responsabilité première en la matière. L'engouement surtout doctrinal pour le concept de bien public mondial ne devrait pas changer la donne, tout au moins dans l'immédiat, en raison de ses imprécisions juridiques. Malgré d'importants progrès aussi bien institutionnels que normatifs, le célèbre passage du Lotus selon lequel « les règles de droit liant les Etats procèdent de la volonté de ceux-ci » demeure valide. Les conceptions patrimoniales ne sont pas adaptées avec la structure de la société internationale, d'où sont absentes la hiérarchie des organes et l'intégration, nécessaires à la détermination plus précise de leur substance et à leur mise en

41 HERMITTE Marie-Angèle, Pour un statut juridique de la diversité biologique, Revue Française d'Administration Publique, janvier-mars 1990, n°53, pp.33-40

oeuvre. Et il est bien difficile d'élaborer des règles dans un domaine « comme l'environnement, où il existe un intérêt général, mais dont la prise en charge supposerait l'acceptation de contraintes supérieures à la somme des intérêts individuels. Il ne faut jamais occulter le fait que le droit international « n'a cessé d'être élaboré et mu par les intérêts individuels des Etats et en fonction du rapport de leur puissance respective ». Si « tout a changé, puisque tant de nouveau est apparu pour régler des problèmes inédits ou modifier des règles préexistantes, rien n'a vraiment changé, puisque le plus fondamental, sinon dans les principes substantiels, du moins dans les modes de fonctionnement, s'est conservé. Véritable dilemme pour le DIE et pour le droit de la biodiversité.

B. Les difficultés propres au droit international de l'environnement

Au niveau du DIE, la violation d'une obligation conventionnelle résulte rarement d'un acte délibéré et prémédité. La mise en oeuvre des règles est rendue difficile par trois facteurs : la mollesse des normes illustrée par l'abondance de la soft law, caractère souvent très général des obligations, faiblement contraignantes42, non quantifiées, atténuées ; le caractère non auto-exécutoire de la plupart des obligations ; le fait que les mécanismes classiques de réaction à la violation substantielle d'une obligation conventionnelle sont mal adaptés lorsque l'obligation constitue un engagement unilatéral, exempt de réciprocité. Les manquements trouvent aussi leur source dans les difficultés d'interprétation de Conventions peu claires et/ou, peu précises, ou encore dans l'incapacité de la Convention à évoluer et à prendre acte de changements de circonstances notamment en cas de nouvelles découvertes scientifiques par exemple. Le foisonnement normatif est également source de difficultés, comme cela a été rappelé ci-dessus : le DIE est un corps de règles construit dans l'urgence, au coup par coup face aux nombreux problèmes liés notamment à la destruction de la couche d'ozone ou encore à l'érosion très remarquée de la biodiversité. Il souffre malheureusement d'incohérences internes, voire de problèmes d'articulation externes dus à des cloisonnements normatifs et institutionnels par rapport à d'autres corps de règles relatives notamment au Commerce. Les insuffisances de la mise en oeuvre trouvent aussi leur source dans l'incapacité matérielle à se conformer à des obligations internationales dont

42 La souplesse constatée au niveau des obligations de la Convention sur la diversité biologique.

l'application a souvent un coût économique et social très important. Pour rendre compte de la réalité dans son ensemble, l'analyse juridique doit être au moins complétée par des analyses sociologiques et économiques. De ce point de vue, la théorie des régimes contribue à expliquer les différences de résultats et d'effectivité d'un régime à l'autre. Dans une réflexion plus prospective, elle permet d'ébaucher les formes que doivent prendre les dispositifs internationaux pour être les plus efficaces et effectifs.

Le droit de la biodiversité, branche du DIE, dispose d'un instrument juridique international de référence en matière de conservation de la biodiversité. Il s'agit notamment de la CDB. Cependant, le constat est que malgré l'entrée en vigueur de cette Convention depuis 1993, les objectifs visant à stopper l'érosion de la biodiversité n'ont pas été atteints. Cette situation n'est pas étrangère aux problèmes rencontrés par le DIE lui-même qui ont été présenté en amont. En effet, la CDB contient les stigmates d'une Convention difficilement applicable et dont l'effectivité reste douteuse. La CDB présentée lors de son adoption comme un accord contraignant, semble contenir des dispositions qui laissent penser le contraire. La CDB propose des obligations conventionnelles souples aux Etats Parties et conformément au principe de souveraineté des Etats laissent aux Etats la latitude de décider des modalités d'exécution et d'application de ces obligations. Cette démarche adoptée par la CDB confère le caractère non auto-exécutoire aux obligations de la CDB dans la mesure où leur application sera toujours conditionnée.

En outre, la CDB souffre aussi d'incohérences internes dus au cloisonnement de règles relatives au Commerce. Il convient de rappeler que le pays le plus concerné par la conservation et l'utilisation de la biodiversité à savoir les Etats Unis, n'a pas signé la texte final de la Convention, mais a participé à toutes les négociations et notamment fait des propositions. Les Etats Unis n'ont pas adhérés à la CDB parce qu'elle n'offrait pas de garantie suffisante à ses firmes industrielles, les enjeux économiques étaient la raison de la défection des Etats Unis43. Mais cette défection, ne signifiait pas que la CDB allait se consacrée uniquement aux impératifs écologiques. La CDB sous la pression d'autres pays industrialisés a dü prévoir des

43 Commission de la propriété intellectuelle et industrielle, 15 septembre 1999, l'accord relatif aux APDIC et la Convention sur la Diversité Biologique : quel conflit ?

dispositions traitant des enjeux économiques et financiers liés à la conservation de la biodiversité. Il s'agit des dispositions relatives à l'accès aux ressources génétiques avec les très controversés DPI, et de celles relatives au partage des ressources issus de l'exploitation de la biodiversité. Ainsi, la CDB est comme un iceberg, il y a la face visible qui fait de la protection et de la conservation de la biodiversité, une priorité pour stopper l'érosion de la biodiversité, puis il y a la face cachée de l'iceberg, où les enjeux économiques et commerciaux importants liés à la biodiversité sont positionnés soigneusement et attendent de se manifester. Le droit de la Biodiversité illustre bien les défaillances du DIE.

Paragraphe 2. Les solutions pour un DIE plus efficace

Il serait judicieux qu'un lobby environnemental puissant soit construit aux fins de conforter la position des exigences environnementales au niveau international. La constitution de ce lobby sera comme un gage de l'effectivité des Conventions Internationales et des dispositions légales relatives à la protection de l'environnement en général, mais surtout de la conservation de la biodiversité en particulier.

A. La constitution d'un lobby environnemental puissant

Le droit positif repose aujourd'hui sur une rupture totale entre le droit des activités destructrices, qui suit de manière intangible sa logique propre, et le droit de la protection de l'environnement qui ne parvient pas à s'imposer véritablement. L'accumulation des réglementations, aussi protectrices qu'elles puissent être, ne réduira jamais la rupture, car le DIE s'applique comme s'il était inférieur dans la hiérarchie des normes44. En réalité, chaque réglementation est le fruit de l'action d'un lobby. Ainsi la valeur ou l'influence d'une réglementation résulte de l'impact du lobby qui l'entretient. L'efficacité de l'ensemble correspond alors au rapport de forces entre ces différents lobbies: lobby des agriculteurs contre celui des industriels, lobby de l'environnement contre celui de l'agro-industrie, lobby de protection de la biodiversité contre celui de l'exploitation commerciale des ressources issus de la biodiversité et ainsi de suite.

44 HERMITTE Marie-Angèle, Pour un statut juridique de la diversité biologique, Revue Française d'Administration Publique, janvier-mars 1990, n°53, pp.33-40.

44

Pour être plus efficace, le DIE doit se constituer un véritable statut au niveau international. L'importance de la protection de l'environnement a été déjà démontrée, mais les actions allant vers sa destruction sont entretenues par des normes juridiques internationales, tout simplement parce qu'il n'existe aucune union véritable autour de la protection de l'environnement. La constitution d'un lobby environnemental puissant au niveau international contribuera à défendre les enjeux environnementaux lors des assises internationales relatives aux activités commerciales susceptibles d'avoir des impacts sur l'environnement. Ceci permettra aux normes du DIE d'être plus efficaces et concrètes sur la scène internationale

Au niveau de la conservation de la biodiversité, il s'agira par exemple de créer une véritable coalition entre tous les Etats mégadivers45 notamment le Brésil en Amérique du Sud, la Chine et l'Inde en Asie, le Nigéria, le Congo et la République Démocratique du Congo, le Kenya en Afrique, tous riches en biodiversité appuyés par des Pays Développés soucieux de l'environnement et d'ONG mondialement connues dans le domaine de la protection de la nature telles WWF ou encore WCS. Cette coalition composée en majorité de Pays en Développement, devrait constituer une force lors des réunions internationales engageant directement ou indirectement la biodiversité à l'effet de s'opposer à toutes tentatives de minimisation de l'environnement dans les prises de décisions. Ils devront militer pour un respect et une application effective des Conventions Internationales relatives à la conservation de la biodiversité notamment la CDB qui est en matière de biodiversité l'instrument de référence. Ne dit-on pas que l'union fait la force. La constitution d'un lobby environnemental puissant conduira sans nul doute à l'effectivité des normes de protection de l'environnement.

45 Il s'agit d'Etats riches en biodiversité, Peu avant la sixième réunion de la Conférence des parties à la Convention sur la diversité biologique tenue à La Haye (Pays-Bas), du 7 au 19 avril 2002, douze de ces États mégadivers (Afrique du Sud, Brésil, Chine, Colombie, Costa Rica, Équateur, Inde, Indonésie, Kenya, Mexique, Pérou et Venezuela), qui représentent « conjointement près de 70 % de la diversité biologique de la planète », se sont réunis à Cancún, au Mexique, du 16 au 18 février 2002. Ils se sont ainsi rencontrés « dans le but de partager des expériences et des entretiens fructueux dans le cadre de la conservation de la diversité biologique », cette coalition doit se faire de manière permanente, une institution doit être créé à cet effet pour fédérer toutes les décisions avant les différentes COP sur la biodiversité.

B. L'effectivité des Conventions Internationales et des textes légaux

L'application effective des Conventions Internationales et des textes légaux relatifs à la conservation de la biodiversité dépend en outre de l'implication véritable des acteurs directement impliqués dans la mise en oeuvre de ces dispositions.

En ce qui concerne les Conventions Internationales, il serait judicieux que les Etats parties donnent des pouvoirs semblables à ceux qui sont conférés aux Accords liés au Commerce tel l'Accord de l'OMC sur les APDIC, aux Accords et Engagements Internationaux qui se préoccupent de l'environnement et de la protection de la nature. La CDB et ses Protocoles notamment le Protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques et le Protocole de Nagoya sur l'accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation doivent être intégralement appliqués pour une conservation de la biodiversité. Pour atteindre ce but, il faut au préalable que les Etats Parties à la CDB, par le biais des organes que compose la CDB, prennent la ferme résolution de rendre effective leur décision. La COP de la CDB doit chercher constamment à collaborer avec l'OMC à l'effet d'harmoniser les divergences entre les enjeux environnementaux présents dans la CDB et les enjeux économiques qu'elle défend dans le cadre de certains Accords Internationaux dont la plupart concerne la conservation de la biodiversité, il s'agit en l'occurrence de l'Accord de l'OMC sur les APDIC qui propose des formes DPI sur les ressources biologiques non adaptées aux objectifs et principes de la CDB46. Cependant, dans la mesure où, les Etats Parties à la CDB ont dans leur entière majorité adhérés à cet Accord, la solution serait de permettre à ce que les organes de ces différentes institutions se retrouvent à l'effet de trouver un consensus qui profitera à tous les deux, mais tout particulièrement à la protection de la biodiversité. Ainsi les difficultés financières que rencontrent les Pays en Développement dans le cadre de l'exécution de leurs obligations de conservation de la biodiversité pourront être discutées en vue d'une issue favorable.

46 Ce qu'il faut retenir c'est le choix de l'intégration des enjeux environnementaux et des enjeux commerciaux qui doit prévaloir dans les rapports entre les Accords militant en faveur de la biodiversité et ceux défendant les intérêts commerciaux. Ce n'est pas l'acceptation de la logique du marché mais c'est la prise de conscience des véritables réalités. Comme quoi, au risque de se faire engloutir, mieux vaut collaborer.

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En outre les organes de la CDB devraient agir en totale synergie avec les autres organes des Conventions Internationales ayant pour objet la conservation de la biodiversité. Il s'agit notamment de la CITES, de la Convention du patrimoine mondial, la Convention africaine sur la conservation de la nature et la protection des ressources .C'est à ce prix que les Conventions Internationales pourront avoir une effectivité au niveau international, laquelle aura inéluctablement des répercussions positives sur les législations nationales.

Au niveau des législations nationales, il faut déjà se féliciter du fait que de nombreux pays ont intégrer dans leurs Constitutions, l'importance de la protection de l'environnement et de la nature. L'article 225 de la nouvelle Constitution brésilienne de 1988 qui va jusqu'à obliger l'État « à préserver certains milieux naturels d'importance majeure pour la conservation de la diversité biologique tels que la forêt amazonienne, les derniers fragments des forêts côtières atlantiques, si riches en espèces endémiques et le gigantesque marais du Pantanal ».

Les Etats devront alors s'obliger véritablement à appliquer concrètement les obligations qu'ils se sont eux-mêmes prescrites en adhérant aux différentes Conventions Internationales sur l'environnent. L'existence dans leurs Constitutions de cette exigence environnementale devrait contribuer au respect de leurs engagements. La CDB, en adoptant comme principe fondamental, la souveraineté des Etats sur leurs ressources accordait concomitamment une faveur et un fardeau aux Etats Parties. Conformément à ce principe, la mise en oeuvre des objectifs de la Convention notamment la conservation de la diversité biologique, l'utilisation durable des éléments de cette diversité et partage juste et équitable des avantages découlant de l'exploitation des ressources génétiques, relevait en grande partie des législations nationales des Etats Parties. Si le problème de l'érosion de la biodiversité demeure, c'est en partie à cause de l'inefficacité des Etats Parties, pour la plupart des Pays en Développement qui se laissent manipulés par les grosses firmes industrielles qui exploitent de manière immodérée les ressources par le biais de contrats bilatéraux, en promettant en contrepartie le partage de la technologie et des bénéfices issus de leurs activités. Les Pays en Développement, en majorité pauvres acceptent ces contrats dégradant pour la nature47, vu que l'aide internationale prévue

47 Les brevets et autres DPI ne conviennent pas aux besoins des Pays en Développement, Voir le
document produit en collaboration entre BEDE (Bibliothèque d'Echange de Documentation et

par la CDB tarde à venir. Il serait judicieux, que les Etats riches en biodiversité appliquent avec les Pays Développés, principaux demandeurs des ressources de la biodiversité, la technique de l'offre et de la demande. Il est prévu dans la CDB, que les pays d'origine des ressources et les pays fournisseurs des ressources prendront avec la partie contractante des mesures relatives à l'accès et au partage équitable des bénéfices selon des modalités acceptées mutuellement. Ainsi, conformément à la règle de l'offre et de la demande, les Pays en Développement deviennent plus fort car ils possèdent la valeur recherchée, ils pourront donc exiger en priorité la conservation de la biodiversité avant toute négociation relative à l'exploitation des ressources issus de la biodiversité.

Cependant, les Etats parties à la CDB doivent « favoriser et encourager une prise de conscience de l'importance de la conservation de la diversité biologique. Ils doivent assurer cette prise de conscience dans la société par le biais des médias, ainsi que la prise en compte de ces questions dans les programmes d'enseignement ». Ils devront aussi coopérer, selon qu'il conviendra, avec d'autres Etats et des Organisations Internationales, pour mettre au point des programmes d'éducation et de sensibilisation du public concernant la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique. Nous souhaitons que toutes ces mesures et propositions faites plus haut, soient appliquées véritablement. En outre, la prise en compte visible de la dimension environnementale de la conservation dans les politiques commerciales sera un atout pour le renforcement des normes du DIE face aux nombreux enjeux

commerciaux liés à la conservation de la biodiversité.

Section II : La prise en compte visible de la dimension environnementale de la

conservation dans les politiques commerciales

Lors de l'Assemblée générale des Nations unies, en septembre 2000, huit Objectifs
du Millénaire pour le Développement (OMD) ont été fixés48. Ces OMD devraient

d'Expériences), GRAIN (Genetic Ressources Action International) et INADES Formation en Avril 2006 intitulé : Les droits des communautés africaines, face aux DPI.

48 Les OMD visent à combattre la faim et la pauvreté, à améliorer l'éducation, la santé, les violences et ségrégations dont sont victimes les femmes, et à préserver l'environnement. Ils sont tous étroitement liés. Les 7 premiers objectifs se réfèrent au développement humain dans les pays du Sud. Le 8èmeconstitue la condition sine qua non de la réalisation des 7 autres. Il appelle explicitement les pays du Nord à mettre en oeuvre des politiques économiques, sociales et environnementales favorables au développement au sein d'un partenariat mondial pour le développement. A ce jour, 189 Etats, membres des Nations Unies, ont approuvé la déclaration du Millénaire.

être atteints d'ici à 2015. L'objectif 7 des OMD visent particulièrement la

préservation de l'environnement. En outre les cibles A et B évoquent expressément la nécessité d'intégrer les principes du développement durable dans les politiques et programmes nationaux et inverser la tendance actuelle à la déperdition des ressources naturelles, et de réduire l'appauvrissement de la diversité biologique et en ramener le taux à un niveau sensiblement plus bas d'ici à 2010. Les 7 premiers objectifs se réfèrent au développement humain dans les pays du Sud. Le 8ème objectif constitue la condition sine qua non de la réalisation des 7 autres. Il appelle explicitement les pays du Nord à mettre en oeuvre des politiques économiques, sociales et environnementales favorables au développement au sein d'un partenariat mondial pour le développement. A ce jour, 189 Etats, membres des Nations Unies, ont approuvé la déclaration du Millénaire.

Pour parvenir à une meilleure prise en compte de la dimension environnementale de la conservation dans les politiques commerciales, il conviendrait d'orienter les politiques commerciales vers les impératifs liés à la notion de développement durable, conformément à l'objectif 8 de la Déclaration du Millénaire. Nous estimons que cette démarche contribuera à l'intégration véritable des données environnementales dans l'exécution des politiques commerciales.

Paragraphe 1. La prise en compte de la notion de développement durable

Nous allons dans un premier mouvement déterminer la dimension environnementale rattachée à la notion de développement durable, puis dans un second mouvement nous examinerons la démarche consistant à orienter les politiques de développement vers les impératifs de développement durable.

A. La dimension environnementale attachée au développement durable

La Commission Brundtland a défini le développement durable comme un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la possibilité pour les générations futures de satisfaire les leurs. Plus précisément elle a déclaré que le développement durable est un processus d'évolution pendant lequel l'exploitation des ressources, l'avancement du développement technologiques et les transformations institutionnelles, l'orientation des politiques d'investissements sont conformes à nos besoins aussi bien futurs que présents. Conformément à la Cible A de l'objectif 7 de la Déclaration du Millénaire, nous relevons notamment que la

dimension environnementale du développement durable consiste en une gestion durable des ressources naturelles pour stopper l'érosion de la biodiversité. Cette gestion durable comprend au préalable la prise de conscience de l'importance de la protection de l'environnement et de ses composantes pour le bien des générations présentes et futures, d'où la nécessité d'une utilisation équitable des ressources naturelles.

Il est judicieux de savoir que la planète et son patrimoine culturel et naturel constituent un bien commun partagé par chaque génération, à la fois en tant qu'utilisateur et conservateur de ce patrimoine. Ainsi, selon cette approche, les Etats sont donc moralement garants de la conservation des éléments vitaux de la planète notamment l'air, l'atmosphère, la couche d'ozone, les ressources culturelles, naturelles, les conditions de la biosphère, la biodiversité et de toutes les ressources essentielles à la vie sur la planète, pour les générations présentes et futures. Cette volonté de préserver les droits des générations futures est d'ailleurs présent dans certains instruments juridiques internationaux notamment dans le préambule de la Charte des Nations Unies, la Charte des droits et devoirs économiques des Etats, la Déclaration de Stockholm, la Convention de l'Unesco sur la protection du patrimoine culturel et naturel du monde et la Déclaration du Millénaire du Développement. La conséquence immédiate de cette prise en compte se manifeste par le principe de l'utilisation équitable des ressources.

Ce principe a joué un rôle fondamental dans le domaine des ressources naturelles partagées et jusqu'à présent il a été utilisé principalement dans le cas des rivières internationales. Il établit la souveraineté de chaque Etat sur les ressources situées sur son territoire, tout en imposant l'obligation de ne pas causer de dommages à l'État voisin.

Les Règles d'Helsinki49 sur l'utilisation des eaux et rivières internationales de 1966, ont établi que seule l'utilisation la plus équitable de la ressource partagée entre plusieurs Etats est permise, celle-ci étant déterminée en équilibrant des facteurs prédéfinis. La souveraineté individuelle des États est ainsi limitée car la ressource partagée, la rivière ou autre source d'eau, est placée sous le régime d'une sorte de propriété commune. Il s'agit là d'une forme d'internationalisation des ressources

49 La Convention d'Helsinki sur la protection des eaux transfrontalières.

limitant leur utilisation libre. La Commission pour le droit international de 1991, dans un projet de principes pour la conduite des États dans l'utilisation de ressources partagées, est allé encore plus loin en élaborant le critère de "l'utilisation la moins dommageable" à l'autre Etat. Ce critère prévoit la préservation de ressources et s'exerce pour le bénéfice commun de l'humanité, et son application comporte un impact au-delà des générations présentes, il est de nature inter-générationnelle. Son fondement consiste en une utilisation qui permet de tirer le bénéfice maximal de la ressource, mais tout en causant le minimum de dommages à l'autre Etat lors de ou par cette utilisation. Il faut noter que le principe d'utilisation équitable s'applique principalement lorsque des activités pouvant affecter l'environnement dans le domaine des ressources naturelles partagées sont entreprises.

Certaines approches doctrinales l'ont classé parmi les normes impératives du droit international, notamment vu sa large acceptation et son importance pour préserver le bon voisinage et les relations pacifiques entre les États ayant des droits sur des ressources communes. Toutefois, ce principe a besoin d'être appuyé par des principes complémentaires, comme l'équité intergénérationnelle, le principe de précaution.

B. Politique de développement et développement durable

Le DIE contient des normes au sein de ces divers instruments qui militent en faveur du respect et de l'intégration des impératifs liés au développement durable dans les politiques de développement des Etats. Les Etats, on le sait bien ont une forte propension vers la recherche du profit, les pays développés notamment. Malheureusement, ils adhèrent certes aux Conventions Internationales sur l'environnement, mais n'intègrent pas toujours systématiquement la notion de développement durable dans leurs projets de développement. L'objectif 8 de la Déclaration du Millénaire pour le Développement est pourtant explicite à ce sujet. Il appelle les pays du Nord à mettre en oeuvre des politiques économiques, sociales et environnementales favorables au développement au sein d'un partenariat mondial pour le développement. Ainsi, la recherche d'un développement durable pour le bien être des générations présentes et futures est un impératif de développement, il s'impose donc à toute politique ou tout projet de développement.

Par conséquent, en vertu des implications du développement durable, les projets de développement doivent faire l'objet au préalable d'évaluation environnementale à l'effet d'établir les éventuels dommages que pourraient entraîner leur réalisation sur l'environnement. L'étude d'impact environnementale est l'un des mécanismes le plus fiable et le plus entretenu par un grand nombre de Conventions Internationales sur l'environnement. Cette obligation de plus en plus largement reconnue en droit international a une importance fondamentale pour l'approche basée sur le principe de précaution car une étude d'impact permet l'équilibrage des intérêts environnementaux et de développement. Elle a pour effet de prévenir les dommages à l'environnement. Elle permet également de promouvoir la conscience et la participation de la communauté dans le processus de prise de décision environnementale. Une étude d'impact peut être définie comme une évaluation des impacts anticipés d'un projet des coûts et des bénéfices et des alternatives potentielles. Il est également nécessaire que l'attention soit portée aux effets à long terme. Mais, l'étude d'impact doit être guidée par le principe de précaution pour déterminer les seuils acceptables et les conséquences environnementales. A l'origine conçue comme un instrument national l'étude d'impact joue un rôle de plus en plus important à l'échelle internationale pour guider la conduite des Etats et des entreprises transnationales, car de plus en plus, les activités humaines comportent un impact transfrontalier. Les pays en développement doivent imposer le respect de cette technique d'évaluation environnementale50 aux pays développés qui veulent utiliser leurs ressources, conformément aux principes environnementaux, mais aussi en vertu de l'objectif 8 de la Déclaration du Millénaire pour le Développement, dans le souci de préserver l'environnement et les éléments pluridimensionnels qui le composent.

Paragraphe 2. L'intégration des exigences environnementales dans les
politiques commerciales

Il convient de rappeler que notre étude concerne la conservation de la biodiversité
face aux exigences commerciales. Nous verrons d'une part les manifestations de
l'intégration des exigences commerciales dans les Accords internationaux sur

50 Les techniques d'évaluation environnementale visent principalement le respect du principe de précaution, gage d'une conservation et d'utilisation durable de la biodiversité

52

l'environnement en général et sur la conservation de la biodiversité en particulier et d'autre part celles concernant les exigences environnementales dans les Accords commerciaux.

A. Les Accords internationaux sur la conservation de la biodiversité

Les obligations des Etats en matière de conservation de la diversité biologique ne peuvent être séparées du contexte économique et social dans lequel ils doivent s'exercer. Par conséquent, il urge d'élaborer et de mettre en oeuvre des stratégies internationales et nationales de conservation dont l'objet serait d'intégrer les impératifs de la conservation avec ceux du développement économique.

Plusieurs accords internationaux ont été pris dans le but de stopper l'érosion de la biodiversité. On peut les classer en deux catégories. La première catégorie concerne les Conventions visant la protection des espèces. Il s'agit notamment de la Convention de Londres du 8 novembre 1933 relative à la conservation de la faune et de la flore à l'état naturel. L'article 9 de cette Convention prévoyait le contrôle et la réglementation de l'importation et de l'exportation d'objets provenant de trophées. Après, ce fut la Convention pour la conservation de la flore, de la faune et des beautés panoramiques naturelles des pays de l'Amérique, adopté le 12 octobre 1940 instituait de par son article IX, un système de contrôle par la délivrance de certificats autorisant l'exportation, le transit et l'importation de certaines espèces protégées. L'Afrique s'est également inscrite dans la logique de la conservation de la biodiversité avec notamment la Convention africaine pour la conservation de la nature et des ressources naturelles, adoptée à Alger le 15 septembre 1968, qui fixe en son article IX des mesures destinées à réglementer le trafic de spécimens ou de trophées grâce à un système d'autorisation pour leur importation et leur exportation.

La seconde catégorie d'accords était relative au contrôle des échanges. Aussi, la Convention sur le commerce des espèces de faune et de flore menacées d'extinction, signée à Washington le 3 mars 1973, a pour objectif principal le contrôle de ces espèces. La CITES interdit le commerce international d'une liste agréée d'espèces menacées d'extinction. En outre, elle réglemente et surveille par des systèmes de permis, de contingentements et d'autres mesures restrictives, le commerce d'autres espèces susceptibles de se trouver menacées d'extinction. Mais

54

l'accord de référence en matière de conservation de la biodiversité a été signé en 1992, il s'agit de la CDB.

La CDB est l'accord international assurant une conservation globale de la biodiversité, il énonce en son article 1er ses objectifs notamment « la conservation de la diversité biologique, l'utilisation durable de ses composantes et le partage juste et équitable des bénéfices de l'utilisation des ressources génétiques ». Pour certains auteurs la CDB est un accord important pour la conservation de la biodiversité. Selon une autre approche la CDB, malgré ses aspects positifs qui sont de donner une définition de la diversité biologique, d'introduire dans son préambule le principe de précaution et celui de l'utilisation durable, la CDB marque la marginalisation de la biodiversité qu'elle traite comme un élément du commerce extérieur des Etats puisque ceux-ci ont le droit souverain d'exploiter leurs propres ressources. Il faut savoir que le lobby des exigences commerciales, présent lors des débats sur la CDB, a su imposer ses intérêts. La puissance de ce lobby a donc conduit les rédacteurs de la CDB à intégrer les besoins des pays développés en termes d'exploitation commerciale des ressources issus de la biodiversité. La consécration des brevets et autres DPI dans le cadre de l'accès et de l'utilisation des ressources génétiques est une illustration indéniable de l'intégration des exigences commerciales dans la CDB. Qu'en est-il de l'intégration des données environnementales dans les accords commerciaux?

B. Les Accords commerciaux liés à la biodiversité

Lorsqu'on parcourt la plupart des accords commerciaux, l'on retrouve généralement une petite lucarne consacré à la protection de l'environnement, alors que l'ensemble des pays en développés, réputés pour leur richesse en biodiversité participent, puis adhèrent à ses accords sans imposer leurs exigences concernant la conservation de la biodiversité. Cette situation est l'illustration de la faiblesse du lobby de l'environnement en général et de celui de la conservation de la biodiversité en particulier. L'Accord de l'OMC sur les APDIC démontre la faiblesse du lobby de la conservation de la biodiversité51. Lors des assises relatives à cet Accord, la majorité des Etats parties à la CDB a adopté l'Accord de l'OMC sur les APDIC, s'imposant

51 En réalité, seule la constitution d'un lobby environnemental puissant pourra permettre de hisser le DIE au même rang que les autres branches du droit international. Le constat est là, il faut simplement agir.

ainsi un Accord qui influe fortement sur la conservation de la biodiversité. La faute revient à l'inefficacité du lobby environnemental et au manque d'union autour de la cause environnementale.

Le bilan est donc négatif et doit être reconsidéré fortement, car environnement et développement doivent s'intégrer mutuellement. Conformément au point 8 A de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement, l'intégration de l'environnement et du développement aux niveaux de l'élaboration des politiques, de la planification et de la gestion doit être une priorité. Plusieurs pays, généralement les pays développés ont tendance à considérer séparément les facteurs économiques, sociaux et environnementaux, que ce soit au niveau de l'élaboration des politiques, de la planification ou la gestion ou encore des normes juridiques liées au commerce. Un ajustement, voire une restructuration fondamentale, de l'approche en fonction des conditions propres à chaque pays s'impose pour que les considérations relatives à l'environnement et au développement soient intégrées dans toutes les décisions économiques et politiques, pour le bien commun des générations présentes et futures et surtout pour une protection durable de l'environnement. Les Etats directement concernés par cette intégration, notamment les Etats riches en biodiversité et en proie aux activités impactant sur l'environnement doivent susciter, voire imposer le changement, en collaboration avec le secteur privé et les pouvoirs locaux et en s'assurant particulièrement du soutien d'Organisations nationales, régionales, et internationales, notamment le PNUE, le PNUD et la Banque mondiale. Les échanges de données d'expérience entre divers pays pourront aussi jouer un rôle important. Une telle intégration s'inscrit dans le cadre général constitué par les plans, buts et objectifs, règles, réglementations et législations nationaux et la situation propre à chaque pays. Nous estimons que la mise en oeuvre des propositions de correction des faiblesses du DIE en général et du droit de la biodiversité en particulier apportées tout au long de ce chapitre, permettra de repositionner sur la scène internationale dans un premier temps cette branche du droit de l'environnement qu'est le droit de la biodiversité afin de la rendre plus compacte et plus outillée pour stopper l'érosion de la biodiversité. Cependant, une dernière étape reste à franchir à savoir le renforcement des moyens de mise en oeuvre du droit de la biodiversité.

SECONDE CHAPITRE : LE RENFORCEMENT DES MOYENS DE MISE EN OEUVRE

La CDB prévoit des mécanismes institutionnels et financiers destinés à contribuer efficacement à l'application de ses objectifs. Ces mécanismes ressortent de la lecture combinée des articles 20 à 25. Mais le constat qui est fait c'est que les moyens proposés par la CDB sont soient mal orientés, soient insuffisants.

Nous proposons donc un renforcement des moyens de mise en oeuvre de la CDB52, d'une part au niveau institutionnel et d'autre part au niveau financier.

Section I : Au niveau institutionnel

Nous estimons que le renforcement institutionnel doit se faire concomitamment au plan international et au plan national.

Paragraphe 1. Le renforcement institutionnel au niveau international

Pour mieux appréhender cette démarche, nous allons étudier dans un premier mouvement le cadre institutionnel proposé par la CDB, puis dans un deuxième mouvement aborder le cadre institutionnel qui s'est créé en dehors de la CDB.

A. Le renforcement du cadre institutionnel de la CDB

La CDB prévoit des structures spéciales chargées de sa mise en oeuvre et de son suivi. Il s'agit notamment de la Conférence des Parties (COP) qui fait l'objet de l'article 23 de la Convention, et l'Organe subsidiaire chargé de fournir des Avis Scientifiques, Techniques et Technologiques en anglais « the Subsidiary Body for Scientific, Technic and Technological Advise (SBSTTA) », prévu au titre de l'article 25, ainsi que les Groupes de Travail. La mise en oeuvre de la CDB est soutenue par

52 Le renforcement des moyens de mise en oeuvre tant au plan financier qu'au plan institutionnel nécessite la combinaison de moyens humains, matériels et financiers importants qu'il faut trouver, la Convention sur la diversité biologique n'est pas assurément la voie exclusive à suivre pour l'obtention de ces moyens.

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les programmes de travail sur les domaines thématiques et les questions intersectorielles. A cet effet, la COP a adopté, depuis la sixième réunion, des programmes de travail majeurs visant à renforcer les capacités de gestion de la biodiversité mondiale et nationale dans le cadre de la mise en oeuvre de la CDB: le programme de travail sur la diversité biologique des montagnes (décision VII/27), le programme de travail sur les aires protégées (décision VII/28), le programme de travail sur le transfert de technologie et la coopération technique (décision VII/29), le programme de travail sur la diversité des écosystèmes des eaux intérieures (décision VII/4), le programme de travail sur la diversité biologique des zones marine et côtière (décision VII/5), le groupe de travail spécial intersessions à composition non limitée sur l'article 8j, le programme de travail sur la diversité biologique des forêts, le programme de travail sur la diversité biologique des terres arides et sub-humides et le programme de travail sur la diversité biologique insulaire. Chaque programme de travail nécessite des capacités et des compétences techniques considérables. Il importe de renforcer les capacités dans de nombreux pays parties pour l'établissement d'institutions adéquates, la conduite de travaux d'évaluation, y compris l'estimation des valeurs de la diversité biologique et des services environnementaux associés, l'amélioration du contrôle de la qualité et l'utilisation productive des résultats des estimations dans la prise de décision gouvernementales en assurant un suivi effectif et convaincant.

En outre, pour renforcer les mécanismes institutionnels au sein de la Convention, il faudrait qu'une synergie s'installe entre la CDB et ses protocoles. La CDB doit donc développer les mécanismes institutionnels prévus par les Protocoles pris dans le cadre de la CDB. Il s'agit notamment du Protocole de Carthagène sur la prévention contre les risques biotechnologiques qui prévoit en son article 20 Centre d'Echanges pour la Prévention contre les risques biotechnologiques. Ce Centre d'Echanges pour la Prévention contre les risques biotechnologiques (CDB) est un mécanisme important de promotion du renforcement des capacités au titre de la CDB et du Protocole de Carthagène. Par ailleurs, la CDB doit permettre que la COP participe aux réunions et assises dont les questions et décisions concernent la protection et la conservation de la biodiversité.

Cependant, il serait souhaitable que la composition des organes de la CDB soit revue en prenant en compte les experts des Pays en Développement 53, plus concernés par la mise en oeuvre de la CDB.

B. Le renforcement de l'action des partenaires et ONGs internationales

Les actions menées par les ONGs internationales de protection de l'environnement ont toujours eu un impact sur les décisions susceptibles de toucher l'environnement et ses différentes composantes. Les ONGs, reconnues mondialement tel le WWF qui agit dans le domaine de la promotion des normes environnementales. En effet, la CDB, dispose en son article 13, intitulé Education et sensibilisation du public que « Les Parties contractantes : favorisent et encouragent une prise de conscience de l'importance de la conservation de la diversité biologique et des mesures nécessaires à cet effet et en assurent la promotion par les médias, ainsi que la prise en compte de ces questions dans les programmes d'enseignement; coopèrent, selon qu'il conviendra, avec d'autres Etats et des Organisations Internationales, pour mettre au point des programmes d'éducation et de sensibilisation du public concernant la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique. ». Le constat est que ce rôle de formation, d'éducation et de sensibilisation est dévolu de manière traditionnelle aux ONGs, malheureusement la CDB n'a pas expressément associée les ONGs à la mise en oeuvre des objectifs de la Convention. Nous estimons que cette erreur doit être corriger de sorte que les ONGs responsables et sérieuses disposent de moyens humains, matériels et financiers pour accomplir leur mission traditionnelle de sauvegarde de l'humanité. Pour ce faire, elles devront se regrouper et former une coalition pour défendre leurs idéaux auprès des institutions concernées.

Paragraphe 2. Le renforcement institutionnel au niveau national

Ce renforcement concerne d'une par les Administrations publiques et d'autre part la société civile caractérisée par les ONGs et Associations locales.

53 Voir le document produit en collaboration entre BEDE (Bibliothèque d'Echange de Documentation et d'Expériences), GRAIN (Genetic Ressources Action International) et INADES Formation en Avril 2006 intitulé : Les droits des communautés africaines, face aux DPI.

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A. Au niveau des pouvoirs publics

De prime abord, il faut relever que malgré le fait que de nombreux pays ont adoptés la CDB, les législations nationales ne se sont pas tous dotés d'un cadre juridique spécifique à la conservation de la biodiversité, on se contente des dispositions de la CDB souvent mal adaptées aux réalités nationales. Il est vrai qu'il existe dans la plupart des Pays en Développement qui sont en majorité, en marge de cette réalité. La première difficulté ressort de ce constat, l'inexistence d'un cadre légal spécifique à la conservation de la biodiversité. De ce fait, il serait judicieux que les pouvoirs publics songent à l'adoption de ce cadre considérablement important pour une gestion durable de la biodiversité et de ses richesses. En outre, les Etats doivent créer une synergie au niveau de l'Administration publique chargé légalement de la mise en oeuvre de la CDB. Il s'agit notamment des Ministères chargés de l'Environnement, de l'Economie et des Finances, des Eaux et Forêts. Ces Ministères doivent mettre toute leur expertise technique, scientifique et financière au service de la biodiversité dans la mesure des moyens disponibles en raison de leurs différents Budgets. Ce qui implique de la part de ces institutions, une coopération permanente avec les acteurs de développement et les sources de financement. Les Etats pourront ainsi accroître leur marge de réussite si l'on y ajoute les financements prévus au titre de la CDB. Ces financements devraient permettre de renforcer les capacités des Centres de Recherche Scientifique et Technologique présent dans la plupart des pays ce qui permettrait une relative autonomie des Pays en Développement vis-à-vis des Pays riche en haute technologie dans le cadre des activités de bio- prospection qui semblent rapidement se muer en biopiraterie.

B. Au niveau de la Société civile

La Société civile dans chaque Etat joue un rôle d'encadrement, de régulation et de suivi-évaluation des politiques gouvernementales. Les déclarations publiques de la Société civile influent généralement sur les décisions qui doivent être prises au sommet de l'Etat. La raison est toute simple, la Société civile est composée de personnes physiques vivant quotidiennement les réalités et partant outillés pour faire des propositions dans le sens de résoudre les difficultés que rencontrent les Etats.

Malheureusement, elle n'est pas toujours écoutée ce qui souvent conduit à des dommages qu'on aurait pu éviter. Il existe dans chaque Etat une Société civile agissant dans le domaine de la protection de l'environnement et de la conservation de la biodiversité, elle a un rôle considérable à jouer. La Société civile peut être divisée en deux entités bien distinctes, d'une part la Société civile institutionnalisé et d'autre part celle que nous qualifierons de Société civile informelle. Nous entendons par « Société civile institutionnalisé », l'ensemble des ONGs et Associations militant dans le domaine de la protection de l'environnement et légalement reconnues par leurs Etats. Il serait judicieux que ces institutions conduisent les Gouvernements à prendre des mesures pour sauver la biodiversité et protéger l'environnement, en les assistant et leur faisant un état des lieux de la dégradation des ressources de la biodiversité. Cependant ces ONGs locales connaissent des sérieuses difficultés d'organisation structurelle du fait de l'insuffisance des moyens ce qui limite leur champs et leur pouvoirs d'action. Mais il faut rappeler que les ONGs doivent agir conformément aux missions qui leurs sont dévolues et doivent créer un cadre de partenariat avec d'autres ONGs internationales plus avancées dans le domaine la protection de l'environnement.

A côté de cette Société civile, se trouve une autre catégorie, la Société civile informel, celle qui vit dans les contrées les plus reculées les abus des firmes industrielles et commerciales exploitant leurs richesses, leurs savoirs ancestrales pour en faire des brevets ou autres DPI, c'est de cette Société civile muette dont nous parlons. Les Etats doivent donc écouter les populations locales en leur donnant l'opportunité de participer directement et véritablement aux débats nationaux, voire même internationaux dans le cadre de la prise de décisions relatives à la conservation de la biodiversité, à l'accès et au partage des bénéfices tirés des ressources génétiques qu'ils ont entretenus depuis des siècles et qu'on vient leur arracher sur la base de Conventions ou Accords internationaux auxquels ils n'ont pas été conviés. Cette frange de la Société Civile doit être prise en compte par les Etats s'ils veulent constituer un cadre institutionnel fort contre les exigences économiques des firmes et industries des Pays riches en technologie.

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Section II : Au niveau financier

Il conviendrait que le renforcement des moyens financiers se fasse au plan international et au plan national.

Paragraphe 1. Le renforcement des moyens financiers au niveau international

Nous analyserons dans un premier mouvement les moyens financiers prévus par la CDB, puis éventuellement nous rechercherons si en dehors de ces mécanismes, il n'existe pas pour les Pays en Développement d'autres mécanismes de financement disponibles.

A. Les moyens financiers de la CDB

Ils ressortent de la lecture combinée des articles 20 et 21 de la CDB, ils sont intitulés respectivement « ressources financières » et « mécanismes de financement ». Le point 1 de l'article 20 stipule que « Chaque Partie contractante s'engage à fournir, en fonction de ses moyens, un appui et des avantages financiers en ce qui concerne les activités nationales tendant à la réalisation des objectifs de la présente Convention, conformément à ses plans, priorités et programmes nationaux ».

Il faut comprendre à travers cet article que la CDB confère la recherche des moyens financiers à la guise des Pays parties à la Convention. Certainement que cet article fait allusion aux bénéfices financiers que pourraient tirés les pays fournisseurs des ressources génétiques des pays industrialisés exploitant les ressources génétiques à des fins commerciales. Même si cette hypothèse est avérée, la question est de savoir si les moyens résultant des contrats bilatéraux signés par les Parties peuvent réduire le déficit subit par la biodiversité. Le point 2 du même article apparaît plus réaliste mais encore malheureusement hypothétique54. Il stipule que : « Les Parties qui sont des pays développés fournissent des ressources financières nouvelles et additionnelles pour permettre aux Parties qui sont des pays en développement de faire face à la totalité des surcoûts convenus que leur impose la mise en oeuvre des mesures par lesquelles ils s'acquittent des obligations découlant de la présente Convention ». Il est plus réaliste parce que les Pays Développés dispose de moyens

5' La souplesse constatée au niveau des obligations de la Convention sur la Diversité Biologique

62

conséquent que les Pays en Développement n'ont pas, le peu de moyens dont ils disposent est consacré au développement économique et social et à l'éradication de la pauvreté qui sont leurs premières priorités. Cette disposition est tout sauf concrète car elle n'ordonne pas les Pays Développés à apporter de l'aide financière aux Pays en Développement, en vue de la conservation de la biodiversité. Il s'agit plutôt d'une

sollicitation nous pensons que cela n'est pas conforme au principe des

responsabilités communes mais différenciées en vertu duquel les nations

industrialisées pour les dommages sérieux causés environnementaux, se doivent d'assister financièrement et technologiquement les pays en voie de développement.

L'article 21 de la CDB quant à lui « institue un mécanisme de financement pour fournir des ressources financières aux Parties qui sont des pays en développement, aux fins de la présente Convention, sous forme de dons ou à des conditions de faveur ... ». Les points détaillent cet article donne des critères dont le respect par certains Etats leur permettra de bénéficier de cette aide. Ces critères et conditions sont laissés à l'appréciation de la COP. En effet, le mécanisme fonctionne sous l'autorité et la direction de la COP.

De tout ce qui précède, le constat est que la CDB n'a pas prévue de véritables moyens financiers pour stopper l'érosion de la biodiversité. Il faudrait que cela soit pris en compte si l'objectif ultime c'est de sauver la biodiversité. Nous pensons aussi que la recherche d'autres moyens de financement semble nécessaire.

B. les moyens financiers extérieurs à la CDB

Les solutions que nous proposons proviennent de fonds internationaux engagés dans la protection de l'environnement qui octroient particulièrement aux Pays en Développement de l'aide financière à l'effet de réaliser des actions dans le cadre de la conservation de la biodiversité et de la préservation de l'environnement.

Nous pouvons citer notamment le FFEM, fonds public bilatéral qui a été créé en 1994 par le Gouvernement français à la suite du Sommet de Rio. Il a pour objectif de favoriser la protection de l'environnement mondial dans des projets de développement durable dans les pays en développement et en transition. Le FFEM

intervient en appui à des réalisations concrètes dans les pays bénéficiaires, avec une démarche d'apprentissage et en testant des approches novatrices ou exemplaires, à la demande et sous la responsabilité d'un de ses 5 partenaires institutionnels français, en cofinancement minoritaire, comme outil additionnel à l'aide extérieure française, comptabilisé en aide publique au développement. Les domaines d'intervention couvrent la Biodiversité, les Changements climatiques, les Eaux internationales, la Désertification, les Polluants organiques persistants, l'Ozone. L'action du FFEM est en grande partie localisée dans les pays sahariens et sahéliens.

Nous avons également le FEM est un mécanisme financier bien connu dans le domaine de la protection de l'environnement, qui accorde des dons et des fonds concessionnels aux pays en développement pour des projets et activités visant à protéger l'environnement mondial. Ses activités sont menées conjointement par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) et la Banque mondiale. Le WWF (Fonds Mondial pour la nature ou en anglais World Wildlife Fund) a pour mission d'arrêter la dégradation accélérée des ressources naturelles et aider les populations à vivre en harmonie avec la nature contribue aussi financièrement en aidant les Pays en Développement. Il faut signifier qu'en dehors de ces fonds, des financements peuvent être obtenus des bailleurs de fonds bilatéraux comme la KFW (instrument financier de la coopération allemande) et multilatéraux comme le FMI ou la Banque Mondiale.

Nous espérons que l'appui de ses sources de financement permettront aux Etats de faire face dans es conditions les plus normales aux défis de la conservation de la biodiversité.

Paragraphe 2. Le renforcement des moyens financiers au niveau national

Nous aborderons une fois encore la CDB, qui en vertu de la souveraineté des Etats sur leurs ressources, leur a permis de définir eux-mêmes leurs politiques en termes de moyens financiers tel qu'il est défini au point 1 de l'article 2à de la CDB. Ensuite nous verrons comment les Etats se mobilisent pour obtenir en interne et à travers l'aide extérieur pour faire face l'érosion de la biodiversité.

A. Les moyens financiers initiés par la CDB

Le point 1 de l'article 15 de la CDB stipule : « étant donné que les Etats ont droit de souveraineté sur leurs ressources naturelles, le pouvoir de déterminer l'accès aux ressources génétiques appartient aux gouvernements et est régi par la législation nationale ». Cette disposition est claire, elle confère aux Etats la latitude de déterminer les modalités d'accès aux ressources génétiques dont ont besoin les grosses firmes industrielles pour le développement de leur activité commerciale. Les Etas peuvent alors en vertu de cet article tirer le maximum de ressources financières de la part de ces firmes commerciales et pourra ainsi faire face aux éventuels risques contre l'environnement. En outre la CDB, offre aux Etats la possibilité de demander toutes les informations nécessaires aux firmes industrielles qui souhaiteraient procéder à l'exploitation des ressources génétiques. Cette obligation découle du point 5 de la CDB qui énonce que : « L'accès aux ressources génétiques est soumis au consentement préalable donné en connaissance de cause de la Partie contractante qui fournit lesdites ressources, sauf décision contraire de cette Partie » et est renforcée par les dispositions du Protocole de Nagoya sur l'accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation. Selon la CDB, il semble que la marchandisation du vivant soit une méthode efficace pour obtenir les moyens financiers destinés à protéger la biodiversité. Ainsi, conformément aux dispositions de l'article 29 de la CDB relatives aux éventuels amendements apportés à la Convention, nous pensons que l'une des COP devra songer à examiner les dispositions des articles 15, 20 et 21 qui dans leur mouture actuelle sont difficilement conciliables avec les objectifs de la Convention.

B. Les moyens financiers internes aux Etats

En raison de l'importance de la protection de la biodiversité notamment des écosystèmes, des aires protégées, certains Etats ont institué des Fonds Nationaux pour la protection de l'environnement. Ces fonds tirent leurs ressources d'une part des subventions accordées par l'Etat, mais d'autre part par les dons et legs, ainsi que par des impositions appliquées sur l'ensemble des activités commerciales et économiques susceptibles d'impacter négativement sur l'environnement. L'institution de ces fonds en l'absence d'un cadre juridique spécifique à la biodiversité dans la

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plupart de ces Etats, s'appuie sur les dispositions constitutionnelles et législatives en vigueur qui évoquent la nécessité de protéger l'environnement dans toutes ses composantes. Il serait judicieux que ces Fonds soient mieux organisés et mieux structurés pour une protection efficace de l'environnement. Partant, les impératifs de bonne gouvernance doivent accompagner la gestion de ces Fonds, dans la mesure où dans les pays en développement, il est souvent question de détournement de deniers publics. Nous estimons qu'une gestion transparente de ces Fonds sera un atout incontournable dans la lutte contre la biodiversité. En effet, les ressources de ces Fonds pourront permettre de réaliser notamment des projets de valorisation des aires protégées ou des projets d'aménagement forestier.

Comme autre source de financement, il faut noter le MDP, Le MDP55 autorise un pays financer dans un autre des investissements de développement plus économes en énergie et en CO2 que ce qui aurait été réalisé normalement et de partager, selon des règles non encore établies, les bénéfices de l'opération en termes de crédit d'émissions de façon moins onéreuse

qu'en finançant des mesures de réduction nationale. Le MDP doit bénéficier aux pays en développement, réduire leurs .missions grâce à des projets d'investissement menés chez eux. Les pays industrialisés devront supporter le coüt de ces projets. Ainsi les Pays en Développement pourront réaliser des projets de reconstitution du couvert végétal réglant ainsi deux difficultés d'ordre environnemental, l'une relative aux changements climatiques et l'autre concernant la conservation et la gestion durable de la biodiversité.

Par ailleurs, les Etats pourront toujours demander de l'aide extérieure des Organismes internationaux notamment la Banque mondiale ou les Fonds Arabes. Les Etats devraient orienter leurs politiques et leurs actions dans le sens de ces propositions qui présente de nombreux avantages pour la protection de l'environnement, le bien des générations présentes et futures et tout particulièrement pour le bien de l'humanité.

55 La Déclaration du Millénaire pour le Développement.

CONCLUSION GENERALE

En somme, nous pouvons retenir que la construction du DIE s'est justifiée par la prise de conscience du fait que les actions et les activités de l'homme sont loin d'être sans effet sur l'environnement. La question de la pérennité des ressources naturelles s'est posée, ainsi que celle relative au droit de chacun de vivre dans un environnement sain. Le rapport Brundtland, les Conférences de Stockholm, de Rio et de Johannesburg ont constitué autant d'évènements qui ont joué le rôle de catalyseur en donnant une importance au droit de l'environnement.

La Conférence de Rio est une étape très importante dans la volonté de conserver et de protéger la biodiversité. C'est lors de cette Conférence qu'a été adopté l'Accord le plus global en matière de gestion durable de la biodiversité, il s'agit bien sür de la CDB. L'adoption de cette Convention a marqué le début de l'espoir contre l'érosion constatée de la biodiversité. Le droit de la biodiversité venait d'être consacré officiellement au niveau international. Aux termes des objectifs de cette Convention, la conservation de la biodiversité était à la fois une obligation pour les Etats parties et un devoir pour leurs citoyens. Malheureusement, l'on avait trop minimisé les enjeux qui inhérents à la conservation de la biodiversité. En effet, en dehors des exigences environnementales, il existe des enjeux d'ordre économiques et financiers puissants liés à la conservation de la biodiversité. Il faut rappeler avant tout que la CDB présente en elle-même les germes du problème, ces objectifs et principes sont difficilement conciliables, les obligations qu'elles assignent aux Etats parties en plus d'être conditionnelles sont totalement souples et laissées à l'appréciation des Parties. Le comble au niveau de la CDB c'est la consécration des brevets et autres DPI dans la CDB. Cette mesure a affaiblit considérablement les chances de mettre en oeuvre les objectifs de la Convention. L'étude comparative effectuée entre la CDB et l'Accord de l'OMC sur les APDIC montre les faiblesses du droit de la biodiversité56. Les enjeux relatifs aux DPI sont importants et ont de graves conséquences sur les populations des Pays en Développement, mais plus particulièrement sur les populations africaines. Mais nous estimons que le cadre juridique de la biodiversité

56 La combinaison du caractère souple des obligations de la Convention à l'absence d'un lobby puissant militant en faveur de la biodiversité.

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existant déjà, il reste tout simplement à l'adapté aux enjeux commerciaux dictés par les Pays Développés avec à leur tête les Etats Unis qui n'ont pas signé la CDB.

Tout au long de notre analyse, il a été question de rechercher les failles du droit de la biodiversité à l'effet de les corriger et de les adaptés aux réalités internationales. La constitution d'un véritable lobby environnemental au niveau international a été proposé aux fins de mieux défendre les exigences environnementales dans toutes les réunions et assises dont les décisions touchent aux questions environnementales. En réalité si les enjeux économique sont toujours pris en compte dans les Conventions internationales, c'est bien parce qu'il existe un véritable lobby international derrière ses normes protectrices des enjeux commerciaux. Ensuite, nous pensons que l'intégration des politiques environnementales dans les politiques commerciales et inversement peut contribuer à corriger les faiblesses du droit de la biodiversité. Enfin, pour une meilleure adaptation du DIE aux enjeux économiques et commerciaux liés à la conservation de la biodiversité, nous avons proposé le renforcement des moyens de mise en oeuvre du droit de la biodiversité tant au niveau institutionnel été financier. Toutes ces mesures devront logiquement permettre au droit de la biodiversité d'être plus efficace pour stopper l'érosion de la biodiversité, rien n'est perdu. Antonio Gramsci disait « il faut avoir à la fois le pessimisme de l'intelligence et l'optimisme de la volonté ». Pessimisme de l'intelligence parce que les faiblesses de la conservation de la diversité biologique sont graves et parce que les logiques commerciales de l'utilisation sont puissantes. Optimisme de la volonté parce qu' » ils existent des possibilités « de freiner cette forme de débâcle écologique »57.

57 Voir Cours n°5 la biodiversité (complément 2011 - actualisation du cours) Jean-Marc Lavieille, Maître de conférences à la faculté de droit et des sciences économiques de Limoges

BIBLIOGRAPHIE

I-

Ouvrages généraux

- Droit International de l'Environnement, Jean Pierre Beurier, 4ème édition, PEDONE 2010 ;

- Droit international de l'Environnement, Jean-Marc Lavieille, 3ème édition 2010.

-

II- Ouvrages spéciaux

- Hélène Ilbert, la Convention sur la Diversité Biologique et les Accords de Droit de Propriété Intellectuelle : enjeux et perspectives ;

- Hermitte Marie Angèle, Pour un Statut juridique de la diversité biologique ;

- Rosenberg Dominique, le principe de souveraineté des Etats sur leurs ressources naturelles ;

- BEDE, GRAIN, INADES FORMATION, les droits des communautés africaines face aux droits de propriété intellectuelle, 2006.

- BEDE, GRAIN, INADES FORMATION, les Organismes Génétiquement Modifiés (OGM) en Afrique, 2006.

III- Instruments Conventionnels

- Accord de l'OMC sur les Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle liés au commerce (ADPIC) ;

- Convention Africaine pour la conservation de la nature et des ressources naturelles, Alger 1968 ;

- Convention de Rio sur la Diversité biologique du 5 juin 1992 ;

- Protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques, relatif à la Convention sur la Diversité Biologique ;

- Traité International sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture de la FAO.

TABLE DES MATIERES

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REMERCIEMENTS 3

SIGLES ET ABREVIATIONS 4

INTRODUCTION GENERALE 5

PREMIERE PARTIE : LA CONSERVATION DE LA BIODIVERSITE ASSUREE PAR UN DROIT CONVENTIONNEL LIMITE 7

CHAPITRE PREMIER : LA CONVENTION SUR LA DIVERSITE BIOLOGIQUE, UN ACCORD-CADRE 8

Section I. Les principes et objectifs de la Convention difficilement conciliables...9

Paragraphe 1 : La détermination des objectifs et principes de la Convention....9

A- les objectifs de la Convention 9

B- les principes de la Convention 11

Paragraphe 2 : Une nécessaire synergie entre les objectifs et principes de la Convention 14

A. Une conciliation indispensable 14

B. Une conciliation laborieuse 15

Section II : Des obligations conventionnelles « souples » .16

Paragraphe 1. Les obligations assignées aux Etats parties 16

A. Les obligations des Etats en matière de conservation et d'utilisation durable de la biodiversité 16

B. Les obligations concernant le partage juste et équitable des ressources génétiques 18

Paragraphe 2. La nature et la portée de ses obligations 19

A. La nature juridique des obligations 19

B. La portée des obligations 20

SECOND CHAPITRE : LA CONVENTION SUR LA DIVERSITE BIOLOGIQUE : UNE CONFRONTATION DES ENJEUX COMMERCIAUX ET ENVIRONNEMENTAUX DE LA CONSERVATION DE LA BIODIVERSITE 21

Section I : La confrontation des enjeux commerciaux et environnementaux au sein de la Convention sur la Diversité Biologique 22

Paragraphe 1. La consécration des Droits de Propriété Intellectuelle 22

A. La notion de Droit de Propriété Intellectuelle 22

B. Le repositionnement des Pays Développés 23

Paragraphe 2. Les Implications de cette consécration 25

A. Les DPI sont contraires à l'esprit et à la lettre de la CDB 25

B. Les DPI, une menace pour la conservation de la biodiversité 26
Section II : Les rapports entre la Convention sur la Diversité Biologique et l'Accord de l'OMC sur les Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle lié au

Commerce (ADPIC) 28

Paragraphe 1. Les points de conflits entre la CDB et l'Accord sur les APDIC 28

A. La violation du principe de souveraineté des Etats 28

B. La meconnaissance des droits des communautes locales 30

Paragraphe 2. La nécessaire adaptation des dispositions de l'Accord sur les APDIC avec celles de la CDB 32

A. Les exceptions relatives à la delivrance de brevet prevues dans l'Accord sur les APDIC 33

B. L'adoption d'un système `'sui generis» 34

SECONDE PARTIE : POUR UN DROIT INTERNATIONAL DE L'ENVIRONNEMENT ADAPTE AUX ENJEUX DE LA CONSERVATION DE LA BIODIVERSITE 38
CHAPITRE PREMIER
: LA NECESSAIRE CORRECTION DES FAIBLESSES DU DROIT DE LA BIODIVERSITE 38

Section I : L'application et l'effectivité des Conventions Internationales et des textes legaux 39

Paragraphe 1. Les problèmes d'ordre structurel rencontrés par le DIE 40

A. Les difficultés propres à l'ordre juridique international 40

B. Les difficultés propres au droit international de l'environnement 41

Paragraphe 2. Les solutions pour un DIE plus efficace 43

A. La constitution d'un lobby environnemental puissant 45

B. L'effectivité des Conventions Internationales et des textes légaux 47
Section II : La prise en compte visible de la dimension environnementale de la conservation dans les politiques commerciales 48

A. La dimension environnementale attachee au developpement durable 48

B. Politique de developpement et developpement durable 50

Paragraphe 2. L'intégration des exigences environnementales dans les politiques commerciales 51

A. Les Accords internationaux sur la conservation de la biodiversite 52

B. Les Accords commerciaux lies à la biodiversite 53

SECONDE CHAPITRE : LE RENFORCEMENT DES MOYENS DE MISE EN OEUVRE 55

Section I : Au niveau institutionnel 55

Paragraphe 1. Le renforcement institutionnel au niveau international 55

A. Le renforcement du cadre institutionnel de la CDB 55

B. Le renforcement de l'action des partenaires et ONGs internationales 57

Paragraphe 2. Le renforcement institutionnel au niveau national 57

A. Au niveau des pouvoirs publics 58

B. Au niveau de la Societe civile 58

Section II : Au niveau financier 60

Paragraphe 1. Le renforcement des moyens financiers au niveau international 60

A. Les moyens financiers de la CDB 60

B. les moyens financiers exterieurs à la CDB 61

Paragraphe 2. Le renforcement des moyens financiers au niveau national 62

A. Les moyens financiers inities par la CDB 63

B. Les moyens financiers internes aux Etats 63

CONCLUSION GENERALE 65

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo