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Sacerdoce du Christ comme sacrement de la miséricorde divine

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par Joseph TEMGA
Grand Séminaire de Maroua - Fin cycle deThéologie 2006
  

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GRAND SEMINAIRE SAINT AUGUSTIN DE MAROUA

B. P 323 MAROUA - CAMEROUN

Mémoire de fin de cycle de Théologie

Le sacerdoce du Christ comme sacrement de la miséricorde divine

Etudiant : TEMGA Joseph

Prof: P. ZOCCARATO Sylvano, Pime

Année académique 2005-2006

DEDICACE

A son Excellence Mgr Antoine NTALOU

Remerciements

Toute ma reconnaissance à tous ceux qui ont contribué à l'élaboration de ce modeste travailINTRODUCTION GENERALE

De nos jours, la vitesse des mutations concurrence celle de la lumière. Ce qui était jadis évident ne l'est plus. Un pareil phénomène n'est point sans incidence sur la vie de l'Église. La notion de sacerdoce que l'Église cathodique d'alors employait tranquillement sans besoin d'explication, s'est heurtée soudain de divers côtés à de fortes objections. Les uns pensent que parler du sacerdoce dans ce monde aussi sécularisé, n'a aucun sens. D'autres estiment qu'en parlant de sacerdoce, on s'écarte de l'Évangile pour s'enfermer dans l'aspect ritualiste de l'Ancien Testament.

Et, depuis Vatican II, la doctrine du sacerdoce commun de tous les fidèles a ébranlé la conception courante qui n'attribuait qu'au clergé le monopole du sacerdoce. Si tous les fidèles sont prêtres en vertu de leur baptême, à quoi ça sert l'ordination sacerdotale ? En raison des changements profonds et rapides des approches théologiques qui affectent la situation humaine et pastorale des prêtres, leur rôle devient de plus en plus difficile à définir. De multiples questions au sujet des prêtres voient le jour et deviennent de jour en jour plus épineuses. Quel est le contenu du concept de sacerdoce ? Comment doit-on l'entendre aujourd'hui ? Quelle identité propre faut-il attribuer au prêtre ? A-t-il encore un rôle social à jouer ? Autant d'inquiétudes dont la matière la plus adéquate pour le traiter, pensons-nous, ne se trouvent pas dans l'actualité, ni même dans la théologie systématique même si elles sont d'incontournables apports. Nous voulons surtout les scruter sous l'angle exégétique des Saintes Écritures.

Le contact avec le Nouveau Testament nous révèle que seule l'épître aux Hébreux aborde de manière explicite la question du sacerdoce du Christ. Ni Paul, ni les évangiles et les autres écrits du Nouveau Testament, ne parlent pas du sacerdoce du Christ et ne trouvent même pas en Jésus, un rapport avec le prêtre. Ainsi loin d'embrasser toute l'épître si riche et intéressante, nous nous contenterons de quelques versets cibles qui nous aideront à mieux cerner la question du sacerdoce du Christ, qui, pour nous, est la source, le principe ou mieux la clé de compréhension du ministère sacerdotal dans l'Église.

« Le sacerdoce du Christ comme sacrement de la miséricorde divine : esquisse d'exégèse de Hébreux 5,1-10 », tel est le thèse qui meublera notre réflexion. L'approche globale de l'épître aux Hébreux constitue la première tentative de déblaiement du travail. Laquelle tentative passera en revue l'identité de l'auteur, les destinataires, le message de l'épître et la structure du texte. Le chapitre deuxième aborde de l'idée même du sacerdoce dans le Dessein de Dieu. Ici, nous analyserons de manière linéaire ce que l'auteur nous propose dans les versets1-4 sur les caractéristiques de tout prêtre et de manière singulière le sacerdoce d'Aaron. Et ainsi, par Aaron, l'auteur nous conduit à la figure du Christ comme le seul grand prêtre miséricordieux : objet du troisième chapitre. Le processus de sacerdotalisation du Fils régnant éternellement auprès du Père, s'effectue à partir de sa passion et de sa mort, assumées dans la prière et la piété, qui constituent le véritable sacrifice. Sacrifice nouveau où lui-même est à la fois victime et prêtre, le Christ par sa résurrection fut prêtre à jamais selon l'ordre du roi Melchisédech. Désormais, il nous fait participer tous à sa transformation et ouvre pour nous grandement, et par grâce, la porte du salut par l'adhésion à lui dans la foi. Il est ainsi non seulement le Rédempteur mais le seul Médiateur entre Dieu et l'Homme.

L'Église, sacrement du Christ, communauté de ceux qui sont adhérés au Christ devient en lui, un peuple sacerdotal. Sa sacerdotalité est participative et se soumet à un double aspect : celui de l'offrande personnelle, propre à tout chrétien et celui de la médiation que revêt le ministère pastoral. Ce ministère n'est pas à comprendre en terme de grade mais de service. Le ministre pastoral représente de manière sacramentelle le Christ dans son rôle médiateur, de « présence active » du Christ au sein de la communion. Ainsi la Province Ecclésiastique de Garoua a besoin des ministres pastoraux qui révèlent le Christ dans tous les domaines de la vie de tous ceux qui y vivent.

Ce travail se veut une initiation à la recherche exégétique. Il est certes limité car, on n'a jamais épuisé ou totalement compris le message révélé. Ainsi notre travail est loin d'être exhaustif, il ne dépasse guère les limites de l'initiation. Néanmoins, ce travail invite tous les hommes à fixer les yeux sur le Christ, notre unique Prêtre-Médiateur par excellence.

CHAPITRE I :

CONSIDERATIONS PRELIMINAIRES

I.1. L'homme dans l'aventure religieuse

Dès les temps les plus reculés, l'être humain s'est toujours rendu compte que sa pleine réalisation dépendait d'une autre force extérieure et supérieure à lui. Il a en lui, comme un primat du non-être qui limite le déploiement plénier de son être, de son intelligence. Il s'est employé à concilier les forces qui le dépassaient et intervenaient efficacement dans son existence. Il a découvert qu'en lui, il y a une force centrifuge qui le porte vers l'autre. Et, c'est dans la rencontre avec l'autre que sa personne humaine s'éveille et grandit1(*). Parmi toutes ses relations interpersonnelles, une est fondamentale. En elle, prend source toutes les autres : la relation avec Dieu. En effet, créé à l'image de Dieu, l'être humain est appelé à entrer en relation avec Dieu et rien n'est plus important pour lui que la réponse qu'il donne à cette vocation. C'est pourquoi les anciens sont arrivés à se faire des divinités. Car, " il y a en l'homme un instinct spirituel qui porte le coeur de l'homme et incline son intelligence vers Dieu qui seul peut le garder, le défendre "2(*). Et c'est ainsi que St Augustin est arrivé à dire : " Tu nous as faits pour toi Seigneur et notre coeur est sans repos tant qu'il ne repose en toi "3(*).

Toutefois, l'être humain a été créé libre et capable de poser des choix responsables. On peut ainsi enregistrer trois attitudes possibles dans la réponse de l'homme face à son appel à entrer en relation avec Dieu.

La première complètement négative consiste au refus de la dimension religieuse de l'existence. Un refus qui parfois va jusqu'à nier l'existence de Dieu. L'homme vivant cette situation est comme un errant vagabond qui ne sait où il va et d'où il vient. Il s'est laissé accaparer et séduire par les biens sensibles, par les désirs de gloire et de puissance. Ainsi, au lieu de s'ordonner vers Dieu, il se replie sur lui-même en cherchant à satisfaire ses intérêts égoïstes. C'est le cas d'Adam et Ève, trompés au Jardin par le Serpent (cf. Gn 3, 6). La conséquence de ce repliement sont l'éloignement, la peur de Dieu et la recherche d'un refuge. « Quand ils entendirent les pas de Yahvé qui se promenait dans le jardin à la brise du jour, l'homme et sa femme se cachèrent devant Yahvé parmi les arbres du jardin » (Gn 3, 8). Ils se sentent diminués, " nus ". Ils ont perdu leur noblesse et la vraie image de Dieu : Dieu devient terrifiant, vengeur, jaloux et prêt à les châtier (cf. Gn 3, 8).

La deuxième attitude apparemment positive mais qui en réalité est un autre genre de refus. Il s'agit de l'individualisme religieux : on s'ouvre théoriquement à la relation avec Dieu, mais on prétend la confiner dans les limites de la vie psychologique individuelle et lui interdire de déborder sur les autres secteurs de l'existence. La religion devient dès lors une affaire privée, secrète intimité entre l'âme et Dieu. Comme la Samaritaine au bord du puits, Dieu est maintenu à l'écart des autres relations (cf. Jn 4, 20). Il s'agit ici d'un Dieu personnel, apprivoisé, enfermé dans un carcan. Ce qui trahit complètement l'authenticité du rapport avec Dieu.

La troisième est la solution qui corresponde pleinement à la vocation humaine en ouvrant l'existence entière des hommes à la relation vivifiante avec Dieu. Il s'agit d'une attitude d'accueil, d'une oblation de soi dans la relation transparente de Dieu. En elle, se greffe toutes les autres relations interpersonnelles. Et pour garder la relation authentique avec Dieu, qui est saint, l'homme a besoin d'une transformation radicale. D'où l'exigence d'une institution sacerdotale dont le prêtre sera chargé des relations avec Dieu pour le bénéfice du peuple.

I.1.1. L'idée du sacerdoce dans l'Ancien Testament

L'Ancien Testament nous révèle que Dieu sans cesse cherche l'homme afin que celui-ci reconnaisse en Lui, l'unique et ultime bien pour se réaliser. Cette quête de l'homme doit être accueillie dans un acte d'adoration, un acte volontaire et libre par lequel la créature reconnaît totalement, librement et effectivement tous les droits de Dieu Créateur sur elle4(*). C'est par l'adoration que l'homme éprouve un vif désir de rencontrer Dieu, de nouer avec lui une relation personnelle. Elle creuse en lui le désir de connaître Dieu profondément et le pousse à poser des actes concrets d'intimité avec Dieu.

Dans l'Ancien Testament, les gestes d'intimité à Dieu, acte de reconnaissance officielle des droits divins, sont nombreux. Ève après la naissance de Caïn reconnaît la suprématie de Dieu : " J'ai acquis un homme par Yahvé "(Gn4,1). Ainsi de manière graduelle, la Bible nous montre divers actes d'adoration. Caïn et Abel offrent en sacrifice les fruits de leur travail (Gn4,1-4) pour connaître les droits absolus de Dieu sur les biens. Noé, après la sortie de l'arche, construit un autel et offre en holocauste à Dieu les meilleurs des animaux et des oiseaux de l'arche, ceux qui sont " purs "(cf. Gn8,20) et " Yahvé respira l'agréable odeur "(Gn8,21) de ce sacrifice . C'est dire que ces gestes sont des lieux par excellence de rencontre avec Dieu. Les patriarches vont perpétuer ces gestes par des constructions d'autels (cf. Gn12, 7s ; 13,9 ; 26, 25...) l'offrande des sacrifices (Gn 22 ; 31,54 ; 46,1...) pour exprimer à Dieu leur reconnaissance, leurs actions de grâce et leurs supplications. Et Dieu n'est pas resté insensible à ces actes concrets d'adoration. Ainsi, les sacrifices sont des moyens efficaces pour entrer en relation avec Dieu.

Avec Moïse, le sacrifice de la pâque est une très grande preuve d'intervention de Dieu dans l'histoire humaine. Et Israël a mieux conscience d'être un peuple élu du milieu des nations et donc doit vivre de la parole de Dieu. Telle fut l'Alliance conclue sur le mont Sinaï. Israël a conscience de la sainteté de Dieu et de sa responsabilité personnelle pour s'approcher de lui. Il sait que sans Dieu, son avenir devient obscur et jonché ça et là d'épreuves et de soumission par l'ennemi. C'est ainsi qu'il fut nécessaire pour Israël de garder la proximité de Dieu. Et pour cela, la tribu de Lévi, à cause de son zèle intransigeant pour les affaires religieuses, a été établie pour les fonctions sacerdotales ( cf. Ex 32,26-29 ) Les lévites étaient donc séparés du peuple et consacrés pour le service de Dieu et à garder la proximité de Dieu pour le bénéfice du peuple. Tel fut dès le départ, l'objectif du choix d'Aaron pour exercer le sacerdoce même de Dieu (Ex 28,1)

I.1.2. Définition de la notion de sacerdoce

Le sacerdoce est un terme très discuté dans son étymologie. Il dérive de deux mots latins " sacer " : " sacré " et de " do " : " placer, établir ". Le « sacerdos » a charge d'accomplir ce qui est sacré en lui donnant des justes bases. Dans la Septante le terme est traduit par « ?ßåñåõò » qui veut dire " sacré ". Il a rapport avec ce qui relève de Dieu et non des hommes. Le hiereus est celui dont la fonction est d'accomplir les cérémonies religieuses et particulièrement le sacrifice considéré comme un service public. La Bible hébraïque quant à elle, emploie « koumer » pour designer péjorativement les prêtres d'idoles (cf.2R23,5). Elle réserve « kohen » aux prêtres lévites. Dans ce terme, il y a la racine « khôn » qui véhicule une idée de solidité et de fermeté utilisé seulement dans le cas de l'établissement d'un sanctuaire. Le Kohen désigne celui qui s'incline devant Dieu, qui l'adore, qui se tient en présence de Dieu ( cf. Dt 10,8). Il peut être présenté comme « l'homme du sanctuaire, celui qui a le droit de toucher les objets sacrés et est admis dans la proximité de Dieu ou comme l'homme chargé d'offrir le sacrifice ou encore comme celui dont on n'attend des oracles, celui qui donne des bénédictions, celui qui décide les questions de pureté rituelle. »5(*) Le Kohen est donc celui qui est chargé de tout ce qui relève du domaine sacerdotal.

I.2. L'épître aux Hébreux

I.2.1. Auteur

Après hésitations et doutes, l'auteur de l'épître aux Hébreux reste toujours inconnu. Il n'est certes pas Paul même si l'on pense qu'il aurait bénéficié de la prédication paulinienne. Son style est beaucoup plus éloquent, soigné et tranquille que celui de Paul On a souvent pensé à Apollos, qui était un prédicateur talentueux et cultivé, mais rien dans le texte ne donne du poids à cet argument.

I.2.2. Destinataires

L'épître ne commence pas par une adresse à des correspondants comme les lettres de Paul. Elle serait plutôt une prédication ou mieux un sermon fait de vive voix à des chrétiens désorientés et menacés de découragement. Elle ne contient aucune désignation précise de ses destinataires. L'auteur n'indique ni la région où ils vivent ni leur appartenance ethnique. Son recours fréquent à l'Ancien Testament, pour asseoir ses arguments par rapport à la vocation chrétienne, serait peut-être le mobile du choix du titre : « épître aux Hébreux ». Titre qui malheureusement ne trouve aucun fondement dans le texte comme le remarque VANHOYE : « l'expression `épître aux Hébreux' ne devrait plus être comprise comme un titre significatif, mais comme un nom propre dépourvu de signification »6(*) .

I.2.3. Contenu

L'originalité de l'épître aux Hébreux dans tout le Nouveau Testament est l'affirmation du sacerdoce du Christ comme thème central. L'auteur n'hésite pas à nommer Jésus grand prêtre et fait même de son sacerdoce le point capital de tout son enseignement. En effet, partant de l'inefficacité du sacerdoce aaronique à réaliser véritablement le projet fondamental du sacerdoce : union parfaite de l'homme à Dieu, l'auteur interprète le ministère et la mort du Christ comme un sacrifice pour la nouvelle Alliance. Un sacrifice où le Christ est lui-même le prêtre et la victime et dont le résultat est le salut de tout le genre humain. Désormais, il n'y a plus besoin de sacrifices d'animaux car le sacrifice du Christ est fait une fois pour toutes. Par sa résurrection, il est devenu le prêtre éternel selon l'ordre de Melchisédech et fait participer tous les hommes à son unique sacerdoce à travers l'offrande de leur personne dans la foi, l'espérance et la charité.

I.2.4. Structure de l'épître7(*)

-Exorde : interventions de Dieu dans l'histoire (1, 1-4)

1 - La situation du Christ (1,5- 2,8)

2 - Grand prêtre digne de foi et miséricordieux (3,1- 5,10)

3 - Valeur sans égale du sacerdoce et du sacrifice du Christ (5,11- 10,39)

4 - Foi et endurance (11,1- 12,13)

5 - Des pistes droites ! (12,14 - 13,19)

- Conclusion et mot d'envoi (13,20-25)

I.3. Situation contextuelle de He 5, 1-10

I.3.1.Contexte antécédent

I.3.1.1. Contexte lointain

Situer contextuellement He 5,1-10 par rapport à l'ensemble de l'épître a été au coeur des discussions entre exégètes. C'est ainsi que pour les uns, l'épître est divisée en deux grandes parties quant à ce qui concerne l'exposé doctrinal. La première ( 1,1- 4,16) est entièrement consacrée à la parole de Dieu ou à la Révélation. La seconde (5,1-10,18) parle du sacerdoce. La péricope He 5,1-10 est une introduction à la seconde partie, séparée du reste de l'exposé sur le sacerdoce, elle fait figure d'un « texte-programme ». Pour ces exégètes, la conception de base de l'épître est limitée car il donne une définition insuffisante du sacerdoce. DIBELIUS et après lui, SPICQ observent que cette définition du prêtre dans la péricope laisse entrevoir quelques anomalies et des omissions. Il y n'a aucun rapport avec l'entrée du grand prêtre dans le Saint des saints, et on omet complètement la fonction oraculaire du prêtre. Alors que l'Ancien Testament donne au prêtre le service du sanctuaire et le rôle d'enseignement du peuple.

Les autres trouvent dans cette première présentation beaucoup des failles. Elle " fausse les perspectives définies par l'auteur et n'est obtenue que grâce à une sorte de censure exercée contre l'auteur, une censure qui supprime arbitrairement les premières mentions du sacerdoce "8(*). Pour ceux-ci, c'est déjà dès le début de son exposé (He 2, 17-18) que l'auteur introduit déjà le thème du sacerdoce.

En effet, F. Thien (1902) et L. Vaganay (1940) trouvaient déjà en 5,1-10 une conclusion au premier exposé sur le sacerdoce. Ils divisent la partie doctrinale de l'épître en trois parties : la première est un exposé général de christologie (He 1, 5-2, 18), la seconde est un exposé sur le sacerdoce du Christ qui s'effectue en deux étapes dont l'une (He 3,1-5,10) et l'autre en (He 5,11-10,39) qui est la troisième partie et la principale. C'est dire que He 5,1-10 se trouve à la fin du premier exposé sur le sacerdoce du Christ. Une telle place peut déjà expliquer les limites par rapport à la définition du sacerdoce. " On ne peut, observe Vanhoye, comme on le fait trop souvent, isoler ce texte et lui donner une valeur de définition complète du sacerdoce. "9(*) Pour lui, la péricope est une description partielle qui vient compléter l'exposé commencé auparavant. Au lieu de soupçonner l'auteur d'être imprécis, il faudrait plutôt considérer l'exposé dans son ensemble.

Se rangeant dans le deuxième groupe d'exégètes, Albert Vanhoye voit que le verset He 2,17, qui présente le Christ " digne de foi ", est déjà un aspect fondamental pour définir le sacerdoce du Christ. Pour lui, la comparaison de He3,1-6 et Nb12,1-8 par l'auteur de l'épître montre déjà l'étroite union entre l'autorité de la Parole et la position de la maison. Le Christ plus que Moïse transmet la parole définitive de Dieu qui a droit à une adhésion immédiate. Son autorité est incomparablement supérieure que sa parole mérite attention et adhésion sans réserve. Le Christ glorieux, maître de maison est le médiateur par qui le croyant entre en relation personnelle avec Dieu et entre dans la communauté animée par la foi.

Étant digne de foi, le Christ est pleinement le grand prêtre qui parle au croyant en tant que prêtre céleste. " Il serait faux, souligne encore VANHOYE, de penser que l'auteur a séparé la Parole de Dieu et sacerdoce et qu'il a oublié, dans le sacerdoce du Christ, la fonction sacerdotale d'enseignement "10(*). Ainsi, l'auteur, dans l'organisation de sa prédication, a d'abord voulu présenté le christ comme " apôtre et grand prêtre " dont la fonction première est celle de l'autorité de la Parole (3,1-4,14), pour ensuite présenter l'aspect cultuel (5,1-10), qui en fait, est subordonné à la fonction d'enseignement. Pour obtenir le salut, il faut écouter docilement le Christ (He 5,9) qui, glorifié, parle maintenant encore aux croyants.

Le développement de la figure de Moïse en 3,1-6 est d'une importance capitale pour l'interprétation de notre texte qui ne parle que d'Aaron. En effet, Moïse est présenté dans l'Ancien Testament comme le prestigieux médiateur de la Parole de Dieu. Il est celui qui a reçu de Dieu la révélation complète des " voies du Seigneur " qui règle la totalité du culte divin et de l'existence du peuple d'Israël. C'est par lui que fut confié à Aaron, aux autres prêtres et anciens la loi divine, qui lui permettait d'officier le culte et de la faire connaître (cf Dt 31,9-13). Ce qui suppose que Moïse était supérieur à Aaron et à tous les prêtres. Dire que le Christ est supérieur à Moïse, en tant que Fils (3,5-6a), c'est affirmer aussi la suprématie de la fonction d'enseignement du Christ sur Moïse et par-là, la supériorité du sacerdoce du Christ par rapport à celui conféré à Aaron.

En parlant de la fonction d'enseignement du Christ en 3,1-6, il ne lui restait que la fonction cultuelle qu'il développe dans notre péricope (5,1-10).

I.3.1.2. Contexte immédiat.

Après le premier exposé sur le rôle d'enseignement du sacerdoce du Christ en He 3,1-6, suit une longue exhortation (3,7-4,16) qui sépare la suite de l'exposé sur la fonction cultuelle du sacerdoce (5,1-10). L'auteur invite ses auditeurs à écouter la voix du Christ glorieux qui indique l'itinéraire à suivre pour entrer définitivement dans l'intimité de Dieu, dans son " repos ". Et pour rentrer dans l'exposé, il introduit le sujet en 4,15-16. Le Christ, bien que glorieux, n'est pas indifférent aux épreuves humaines. C'est par le chemin de la Passion et de la croix, et donc des épreuves, qu'il est arrivé à la gloire. Il a été éprouvé, mais n'a pas péché. Et comme le péché n'a aucune vertu d'unité, de communion ; sans péché, le Christ est resté solidaire avec les hommes. Il est capable de compatir puisque éprouvé dans son existence terrestre. Accrédité auprès de Dieu, il est le véritable grand prêtre qu'il nous faut : sans tâche, miséricordieux. Ainsi, «loin de creuser un fossé entre le Christ et nous, nos épreuves et nos faiblesses sont devenues le lieu privilégié de notre rencontre avec lui, et non seulement avec lui, mais avec même, grâce à lui »11(*). Le trône divin est devenu pour nous le trône de la grâce (4,16) et nous sommes invités à nous approcher avec pleine assurance. Ces deux versets (4,15-16) préparent et introduisent directement la seconde partie de l'exposé qui est l'objet de notre travail.

I.3.2. Contexte subséquent

I.3.2.1. Contexte immédiat

Après avoir montré que le Christ est digne de foi et miséricordieux, il reste à l'auteur de l'épître de dire en quoi le sacerdoce du Christ est l'accomplissement du sacerdoce ancien. Sans courir le risque de confondre le Christ à un simple successeur d'Aaron comme d'autres grands prêtres, l'auteur prend tout le temps et les arguments adéquats pour signifier la radicale nouveauté du sacerdoce du Christ. Dès 5,9-10, il annonce déjà son exposé musclé qu'il ne développera qu'en 7,1-10,18. Toutefois pour la mise en route, il prépare ses auditeurs à être plus attentifs que précédemment, car ce qu'il va dire est le propre des adultes, des " parfaits, eux (qui) ont la nourriture solide, ceux qui, par l'habitude, ont le sens moral exercé au discernement du bien et du mal " (5, 14). Il ne s'agit pas d'un discours pour enfants, encore moins d'un " enseignement élémentaire sur le Christ "(6,1), mais d'un enseignement parfait pour les illuminés, les éclairés, ceux qui vivent de l'Esprit Saint. C'est un message pour relever les déchus afin de les amener à la pénitence. C'est un message d'espérance destiné à ceux qui, comme Abraham, attendent la réalisation de la promesse. Promesse qui, en fait, est réalisée en Jésus, notre Précurseur par excellence qui a " pénétré par-delà du voile " (6,9) pour être pour toujours dans le monde, le véritable grand prêtre selon l'ordre de Melchisédech. Loin d'être nonchalants, nous devions être zélés dans l'espérance et imiter " ceux qui, par la foi et la persévérance, héritent des promesses " (6, 12).

I.3.2.2. Contexte lointain

A la fin de cette pause pédagogique et exhortative, l'auteur reprend majestueusement l'explication des trois idées énoncées en 5,9-10. Avec une expertise élégante dans l'oration et la connaissance des traditions juives, il ne suit plus l'ordre de l'énoncé, mais suit le sens contraire. En suivant le développement logique du texte, nous serions portés à joindre immédiatement à notre péricope le grand exposé du 7,1-10,18. Toutefois, restant sauves les considérations sur le génie prédicateur de l'auteur. He 5,9-10 reste un texte fondamental, un texte cible pour la suite de l'exposé doctrinal.

En effet, la première section (7,1-28) décrit la position personnelle du Christ comme grand prêtre. En se fondant sur l'Ancien Testament, l'auteur situe le sacerdoce du Christ incomparablement supérieur au sacerdoce ancien. Le parallélisme avec notre péricope saute rapidement aux yeux. Néanmoins, dans cette section l'auteur ne se contente plus de décrire la participation du Christ à la faiblesse humaine et sa douloureuse offrande comme voie de consécration sacerdotale, mais il montre la grandeur du nouveau prêtre, l'éternité de son sacerdoce. Il montre la caducité du sacerdoce aaronique pour fixer les yeux de ses auditeurs sur le Christ qui est en mesure de sauver complètement ceux qui, par lui, s'approchent de Dieu, puisqu'il est toujours vivant pour intercéder en leur faveur (Cf. He 7,25).

La seconde section ensuite (8,1-9,28) présente l'activité sacrificielle du Christ Grand Prêtre. Ici, l'auteur développe 5,7.9b en insistant sur l'unité indissociable de la passion et de la glorification comme la pâque du Christ. Il montre que le véritable sacrifice est celui de l'offrande du Christ sur la croix. Car en elle, non seulement l'obstacle du péché est vaincu, mais un culte est rendu à Dieu qui établit une alliance permettant au peuple entier, la possibilité de l'épanouissement dans la communion avec Dieu. Pour l'auteur, les institutions sacerdotales de L'Ancien Testament ne sont qu'une préfiguration du l'unique sacrifice du Christ qui les accomplit et met en relation filiale avec Dieu.

La troisième section enfin (10,1-18) développe largement les fruits de l'activité sacerdotale du christ pour les hommes. En effet, le Christ, ayant appris l'obéissance (cf. 5,8) par l'oblation de son corps, est resté totalement uni à Dieu et à ses frères. Par la foi, nous participons nous aussi au sacerdoce du Christ. Nous avons, grâce à lui la possibilité d'entrer dans le sanctuaire et de présenter à Dieu nos offrandes. Ceci n'est possible que si nous restons greffer sur lui car : « aucun homme ne peut se passer du Christ pour arriver jusqu'à Dieu ; à plus forte raison, aucun ne peut prétendre se substituer au Christ pour conduire jusqu'à Dieu d'autres hommes »12(*) Le Christ reste le seul médiateur, le seul prêtre pour les siècles et des siècles.

Par ailleurs, ces trois sections sont d'une très grande importance pour notre thème. C'est pourquoi nous nous y référons très souvent pour y puiser certains éclaircissements ou arguments pour mieux comprendre l'auteur. Pour entrer dans l'exégèse proprement dite de notre péricope, il serait d'une grande importance de dire quelques mots sur le genre littéraire de l'épître et de manière particulière sur He 5,1-10.

I.4. Genre littéraire

Le contact fréquent avec l'Epître aux Hébreux laisse entrevoir nettement un type particulier de genre littéraire. En effet, étant différent des écrits de saint Paul, et de ceux du Nouveau Testament, l'Epître se rapproche par la langue et le style à l'Apocalypse de saint Jean. Toutefois, il faut reconnaître en cette épître, un écrit de haute qualité littéraire, d'une finesse excellente et d'une pureté élégante. L'auteur serait un juif de forte culture hellénistique, familier à l'art oratoire et très attentif à l'interprétation ponctuelle des passages vétérotestamentaires qu'il utilise harmonieusement pour appuyer ses arguments.

Est-ce une lettre, un discours, un sermon ou un traité sous forme épistolaire ? A cette question, le P. vanhoye tranche, sans prétention d'épuiser le contenu que : « `Aux Hébreux' n'est pas une lettre, mais un sermon, à la fin duquel, a été transcrit un billet d'accompagnement, rédigé lorsque le texte de ce sermon a été envoyé à une communauté éloignée »13(*). L'épître est d'un genre nouveau certes, marquée ça et là par l'alternance des exposés doctrinaux et des exhortations : c'est ce caractère exhortatif qui fait penser à un sermon. Néanmoins, beaucoup d'exégètes sont d'accord avec Vanhoye mais d'autres estiment que l'épître est une compilation de deux discours distincts (l'un exhortatif et l'autre doctrinal) rassemblés par un auteur. Cette dernière position, compte tenu de l'harmonie du texte et des idées, est loin d'être adoptée.

En outre, l'auteur serait un maître écrivain. En effet, se servant des procédés que lui fournissait son éducation judéo-héllénistique, il a composé une oeuvre excellemment gigantesque avec un talent hors pair. Il fait obéir son texte à des principes littéraires et stylistiques propres à son temps. Ces principes sont six. Ils nous permettent de mieux comprendre l'évolution de sa pensée14(*) :

1) Annonce du sujet à traiter.

2) Inclusions qui marquent les limites de développement.

3) Variation de genre littéraire : exposé ou exhortation.

4) Mots qui caractérisent un développement.

5) Utilisation de mots-crochet.

6) Disposition systématique.

Ainsi, par rapport aux annonces, on peut distinguer 5 parties dans l'épître :

- Première partie (1,5-2,18)  annonce (1,4) : le Nom du Christ.

- Deuxième partie (3,1-5,10) annonce (2,17-18) : le grand prêtre digne de foi et miséricordieux.

- Troisième partie (5,11-10,39) annonce (5,9-10) : valeur sans égale du sacerdoce et du sacrifice du Christ.

- Quatrième partie (11,1-12,13) annonce (10,36-39) : foi et endurance.

- Cinquième partie (12, 14-13, 21) annonce (12,13) : des pistes droites.

S'agissant de la symétrie, la première et la cinquième partie sont symétriques ainsi que la deuxième et la quatrième. La troisième qui constitue la charte de l'épître, avec un grand exposé, a en elle des symétries dans les sections que nous nous retenons de développer ici.

Nous tenons par ailleurs, à signaler que la péricope de 5, 1-10 est dans la deuxième partie de l'épître. Elle se situe dans la conclusion du deuxième exposé doctrinal et obéit entièrement aux genres littéraires d'un traité. Sa symétrie est la péricope 12,1-13 qui montre que le Christ grand prêtre a été éprouvé comme nous. Vainqueur, il nous invite à supporter les épreuves qui nous éduquent aussi à l'obéissance.

Ayant ainsi situé notre texte, nous pouvons dès lors commencer son approche exégétique. La méthode que nous utiliserons est analytique et thématique. En effet, en analysant la pensée de l'auteur, à la lumière des autres écrits et de la Tradition, nous regrouperons sous un même thème les idées convergentes. Les développements des exposés antérieurs et postérieurs au texte nous aideront aussi à mieux comprendre l'auteur. Ainsi, nous pouvons aborder la question du sacerdoce dans le dessein même de Dieu en cherchant à nous limiter prioritairement dans la périscope de He 5,1-4.

CHAPITRE II

LE SACERDOCE DANS LE DESSEIN DE DIEU (5,1-4)

Pour garder la proximité de Dieu, des hommes étaient choisis, mis à part et consacrés pour s'approcher de la sainteté de Dieu. Le grand prêtre, appartenant à la race humaine avec des faiblesses et des péchés, est par grâce, celui qui, pouvait intervenir en faveur du peuple en ce qui concerne leurs rapports avec Dieu. Telle fut l'expérience d'Israël lors des fêtes annuelles du Jour d'Expiation. L'accès au sacerdoce n'est pas le prix d'une volonté personnelle ou d'un mérite quelconque, mais une pure grâce de Dieu que l'élu accueille en toute humilité, tout en restant uni aux autres hommes. L'institution du sacerdoce vise en principe une communication parfaite et une communion réelle entre le peuple et Dieu. L'Ancien Testament montre à travers les insurrections des prophètes contre les comportements des prêtres aaroniques, que le sacerdoce ancien est inapte à établir une telle communion. L'exercice du sacerdoce de Yahwé est devenu un simple formalisme sans vraie docilité envers Dieu dans l'existence concrète. Ce qui, au lieu de diaboliser le sacerdoce, creuse plutôt dans la conscience juive, une espérance en un véritable sacerdoce accompli avec dignité et honneur par un Messie prêtre-roi à la fin des temps.

II.1. Institution du sacerdoce (vv. 1a.4)

Le grand prêtre est défini par LEON-DUFOUR, comme « le pontife suprême juif, issu de l'aristocratie sacerdotale. Il jouit d'une grande autorité civile et religieuse »15(*). Il est consacré par une onction spéciale et investi d'une sainteté unique qui font de lui le « pont »  entre le peuple et Dieu. Il assure ainsi la présidence des grandes cérémonies culturelles et reste seul à pénétrer dans le Saint des saints pour la fête du Yom Kippour. Pris du milieu des hommes, il exerce pour eux le « sacerdoce même de Yahwé ».

II.1.1. Le grand prêtre, un homme pris du milieu des hommes (He5,1a)

« Tout grand prêtre, en effet, est pris parmi les hommes » (He 5,1a). Cette précision de l'auteur de l'épître aux Hébreux sur l'identité du grand prêtre est d'une grande importance pour la compréhension du sacerdoce dans de plan de Dieu. En effet, la condition principale pour être grand prêtre est avant tout que celui-ci soit homme de par son origine et sa souche. « Le prêtre serait mal venu de plaider la cause, de payer les dettes, d'acquitter les devoirs des gens qu'il ne représente d'aucune manière, qu'il ne porte à aucun titre en sa personne »16(*) observe Chanoine GESLIN. Et ceci, n'est pas seulement valable pour les juifs, mais pour toutes les religions. L'auteur mentionne cette universalité par l'emploi du « tout » englobant. Le grand prêtre ne peut l'être que s'il est humain au sens plein du terme. C'est pourquoi la Loi mosaïque ordonnait de prendre les lévites « du milieu d'Israélites » (Nb 8,6). Le prêtre doit ipso facto appartenir au groupe humain qu'il représente tout en leur restant étroitement uni.

Néanmoins, « être pris parmi les hommes », c'est être mis à part, séparé du reste des hommes. Le prêtre bien qu'il soit homme, uni en tout aux hommes, est un homme séparé. Il ne vit plus de la même manière que les autres hommes. Il a de par sa mise à l'écart, une situation exceptionnelle, un statut particulier qui le spécifie. Il n'est plus du monde selon la prière sacerdotale du Christ (cf. Jn 17,16). Il vit dans le monde mais il appartient entièrement à celui qui l'a distingué, qui l'a mis à son service (cf. Jn17,6). Il n'est plus préoccupé par les affaires de ce monde : « tu n'auras point d'héritage dans leur pays, il n'y aura pas de part pour toi au milieu d'eux. C'est moi qui serai ta part et ton héritage au milieu des israélites » dit Yahwé à Aaron (Nb 18,20). Le grand prêtre vit au milieu des hommes comme une part de Dieu, il est le signe de Dieu « Emmanuel », « Dieu parmi nous ».

II.1.2. Le grand prêtre, un ambassadeur des hommes auprès de Dieu (5,1b)

Participant de la nature humaine et mis à part, le grand prêtre est « établi au bénéfice des hommes pour ce qui concerne Dieu » (He5,1b). Le verbe « ÷áèéóôáôù » utilisé par l'auteur, appelle une activité rituelle. Être établi, c'est faire un rite officiel qui confère à la personne « établie » une mission particulière. Le grand prêtre, autrement dit, est constitué, consacré officiellement pour une charge, par une institution authentique . C'est cette institution qui lui confère son statut particulier, son identité propre. Par elle, il participe au sacerdoce de Yahwé. C'est ainsi que la deuxième condition pour être grand prêtre selon l'auteur, est la consécration. Aaron après sa mise à part, fut consacré par Moïse à Dieu (Ex29). Il vit dans un cadre social différent, ayant des objectifs propres et de privilèges particuliers.

Pour devenir grand prêtre, en effet, Aaron était soumis à de rites de consécration17(*) afin de passer du monde profane à celui du sacré. Et c'est par ce qu'il est « saint » qu'il peut s'approcher de la sainteté de Dieu représenté par le Saint des saints. Il etait soumis à un bain rituel en signe de séparation, de purification et de dépouillement. Ensuite il était revêtu de nouveaux vêtements et des ornements sacerdotaux qui témoignent de sa transformation et de son élévation vers Dieu. L'onction d'huile enfin l'imprégnait dans la sainteté même de Yahwé et sa prééminence sur tous ses frères : « Quant au prêtre qui a la prééminence sur ses frères, lui sur la tête duquel est versée l'onction d'huile et qui reçoit l'investiture en revêtant les habits sacrés, il ne déliera pas ses cheveux, il ne déchirera pas ses vêtements » (Lv 21,10). Tous ces rites faisaient du prêtre un homme séparé du reste et soumis à des règles de conduite plus rigoureuses. C'est ainsi qu'observe VANHOYE : « toutes ces cérémonies mettaient une distance infranchissable entre l'élu de Dieu et le commun des hommes, et cette distance devait ensuite être scrupuleusement maintenue, grâce à l'observation des règles strictes »18(*).

Cette distance, loin de gommer la solidarité avec ses frères, était nécessaire pour garder la proximité de Dieu qui est trois fois saint. Étant considérés comme des premiers-nés offerts à Dieu, les prêtres sont les représentants de l'ensemble du peuple auprès de Dieu (cf. Nb3,12). Le signe le plus palpable est le port par le grand prêtre du pectoral contenant les pierres taillées au nom des douze tribus d'Israël (Ex 39, 14). Ainsi, « on n'est pas prêtre pour soi, tout de même qu'on n'est médiateur pour soi »  observe DILLENSCHNEIDER19(*). Pour être un véritable médiateur ou mieux un intermédiaire, le grand prêtre doit être «  accrédité auprès de Dieu » (3,2). Il est comme le pont qui relie les hommes à Dieu pour qu'ils bénéficient des grâces divines. Le grand prêtre doit par conséquent être un homme du peuple, c'est à dire rempli de compassion pour ses semblables et un homme de Dieu, accepté dans l'intimité de Dieu. « Seul est prêtre celui qui est à la fois lié intimement aux hommes par toutes les fibres de la nature humaine et pleinement accrédité auprès de Dieu » 20(*). Cette situation intermédiaire du prêtre est loin d'être son mérite, elle lui est conférée par Dieu.

II.1.3. Le grand prêtre un homme choisi par Dieu (v.4)

Le sacerdoce exercé par le grand prêtre est celui de Yahwé même. C'est Dieu qui appelle, met à part, établit l'homme pour l'exercice de son sacerdoce. « Et, on ne peut s'approprier cette dignité à moins d'être appelé par Dieu comme Aaron lui-même » (5,4). L'auteur prend ici la peine de rappeler l'origine divine du sacerdoce. En effet, Aaron fut consacré grand prêtre pour exercer le sacerdoce de Yahwé (cf. Ex 28,3.4 ;29,1.44 ;30,30 ;40,13). Ce qui rend manifeste la dépendance de son sacerdoce par rapport à sa consécration et son lien exclusif au Seigneur. La consécration établit le grand prêtre dans un état de sainteté qui le rende apte à approcher Dieu dans ses fonctions. Ce ne sont pas les fruits de ses efforts, encore moins de ses mérites qui lui ont valu cette consécration : c'est Dieu qui choisi l'homme pour le faire participer à sa sainteté. Blessé par le péché, l'homme ne pourra jamais au prix des efforts personnels se rendre digne d'être appelé, de mériter l'approche de Dieu.

Toutefois, il doit collaborer à l'action gratuite de Dieu en s'efforçant au maximum de se garder pur pour s'approcher de la Sainteté de Dieu . C'est pourquoi, il ne peut s'approcher de l'autel avec négligence et irrévérence sans courir le risque de la mort comme ce fut le cas des fils d'Aaron (cf. Lv 16). Cela montre que « si on entrait à toute heure dans le Sanctuaire sans se préparer, sans revêtir les habits pontificaux, sans apprêter les victimes prescrites, ni rendre Dieu propice, on mourait »21(*)commente Origène. Le prêtre ne doit donc jamais oublier qu'il est le fruit de la gratuité, de la miséricorde de Dieu qu'il doit préserver honorablement en toute humilité.

Malgré les déchéances du grand prêtre, nul ne peut s'arroger l'honneur d'être grand prêtre. La porte est ainsi fermée aux ambitieux qui d'une part veulent contester et remettre en question les actions du prêtre consacré et d'autre part ceux qui prétendent disposer eux-mêmes du sacerdoce. « Le sacerdoce n'est pas une position où un homme peut se hisser lui-même pour s'élever au-dessus de ses semblables. C'est un don de Dieu qui met le prêtre au service de ses frères »22(*). Celui qui se hisserait lui-même, attirerait sur lui la colère de Dieu comme se fut le cas de Coré et de ses partisans qui ont péri (Cf. Nb16,3 ; 16-35 ; 17,1-5.16-26).

L'auteur de la lettre aux Hébreux insiste sur l'élection divine du grand prêtre ici pour attirer l'attention de ses auditeurs sur la fidélité de Dieu du don même de son sacerdoce et sur l'attitude d'humilité de celui qui est élu. Il est conscient des infidélités des prêtres dans l'exercice de leur charge, ils ont « prostitué » au cours du temps l'autel du seigneur et leur état même de « consacrés », de « médiateurs ». Les critiques ont été nombreuses à l'égard de prêtres. Des prophètes jusqu'à Jésus, de vives dénonciations ont été portées sur la superficialité de l'exercice du sacerdoce qui n'est devenu que rituel et légal. Le grand prêtre était devenu plus un chef politique que religieux. Désigné et déposé par les Romains au temps de Jésus, « la charge du grand prêtre, était devenue un jouet entre les mains d'Hérode »23(*). Cependant, l'image du grand prêtre comme une personne élue, consacrée et établie pour exercer le sacerdoce de Yahwé n'avait pas à être affecté aux yeux des auteurs juifs tels Josèphe Flavius et les auteurs du Nouveau Testament.

Pour Flavius, au-delà des changements fréquents des grands prêtres par l'autorité romaine, tous sont choisis dans la famille aaronique. Restant ainsi sauve la loi des Pères qui « exige que personne ne reçoive le grand pontificat s'il n'est du sang d'Aaron, et il n'est permis à personne d'une autre famille, fût-il roi, d'accéder à cette dignité »24(*).

Saint Jean reconnaît pour sa part dans la déclaration machiavélique de Caïphe une valeur prophétique : « il ne dit pas cela de lui-même, mais étant grand prêtre de cette année-là, il prophétisa »( Jean 11,51). Au-delà du calcul criminel humain, signe de la faiblesse humaine, de sa nature blessée par le péché, il faut voir dans la phrase, un fondement de la dignité sacerdotale de celui qui est consacré. C'est ainsi que « la médiation d'un sacerdoce consacré reste une clé essentielle du système religieux juif, mais les carences constatées creusent l'attente d'un sacerdoce plus crédible et plus proche des hommes »25(*). Le sacerdoce n'est donc pas contesté mais l'exercice de celui-ci est défectible.

En somme, le grand prêtre est un homme de par son origine et sa nature est blessée par la marque du péché. Ayant lui aussi des faiblesses, il reste solidaire en tout avec les hommes. En même temps, il est mis à part et consacré par Dieu pour le service des hommes. Ne s'appartenant plus, le prêtre agit au nom de Dieu et la grâce de Dieu englobe ses faiblesses. Fort de cette expérience de la miséricorde de Dieu, Saint Paul dira : « La où le péché s'est multiplié la grâce a surabondé » (Rm6,20). C'est en Dieu qu'on peut assumer ses fonctions sacerdotales.

II.2. Les fonctions du grand prêtre (vv.1c-3)

Tout grand prêtre est appelé par Dieu. Et tout appel vise un envoi en mission. Le grand prêtre est mis à part et établi « afin d'offrir dons et sacrifices pour les péchés » (He 5,1c). Etant solidaire en tout avec les hommes de par sa nature, « il peut ressentir de la commisération pour les ignorants et les égarés, puisqu'il est lui-même également enveloppé de faiblesse, et qu'à cause d'elle, il doit offrir pour lui-même des sacrifices pour le péché, comme il le fait pour le peuple » (He5,2-3). En abordant les fonctions sacerdotales ici, l'auteur choisi librement d'insister uniquement sur celle qui correspond à la plus grave nécessité humaine : l'expiation des péchés. Cette fonction cultuelle suppose qu'au préalable le prêtre ait instruit le peuple sur les voies du Seigneur. C'est seulement en reconnaissant la transgression à une loi ou à une volonté qu'on se reconnaît pêcheur et coupable pour ensuite demander pardon. Nous voudrions ici signaler succinctement les fonctions sacerdotales qui préparent ou se rattachent à cet acte cultuel qui est le sacrifice d'expiation.

II.2.1. La fonction d'enseignement

L'être humain a besoin des orientations pour se réaliser . L'orientation parfaite est la connaissance de la volonté de Dieu. Israël était très convaincu de la nécessité de connaître les voies de Seigneur. Le prêtre après Moïse et à côté des prophètes, était, en tant qu'homme de Dieu, mieux placé pour transmettre au peuple les instructions de Dieu. L'auteur, conscient de la nécessité de la parole de Dieu dans la vie du peuple, commence son exposé doctrinal par cette fonction. En 3,1-6, où il soulignait que Jésus, est le grand prêtre digne de foi en comparaison à Moïse, il attirait notre attention sur la primauté de la fonction d'enseignement sur toutes les autres. Le grand prêtre n'est pas d'abord celui qui fait des sacrifices, mais il est avant tout celui qui parle de Dieu et en son nom, celui qui instruit et fait connaître Dieu et ses voies. Il a reçu après Moïse la mission de proclamer et d'interpréter la loi aux oreilles de tout Israël : « Assemble le peuple, hommes, femmes, enfants, l'étranger qui est dans tes portes, pour qu'ils entendent, qu'ils apprennent à craindre Yahwé votre Dieu et qu'ils gardent, pour les mettre en pratique, toutes les paroles de cette loi » (Dt31,12). Enseigner, instruire était la charge quotidienne et primordiale du prêtre car «  c'est aux lèvres du prêtre de garder le savoir et c'est de sa bouche qu'on recherche l'instruction, il est le messager de Yahwé Sabaot » (Mal 2,7). Connaissant la volonté de Dieu par son contact à la loi, le grand prêtre pouvait jouer un très grand rôle social.

II.2.2. Les fonctions sociales

Tout grand prêtre est capable de commisération pour les ignorants et les égarés du fait qu'il est lui aussi faible et pécheur. Cette phrase de l'auteur souligne bien la relation de solidarité qui doit exister entre le grand prêtre et les pécheurs.

Néanmoins, le verbe ìåôñéïðáèåéõ est pour BONSIRVEN, emprunté au vocabulaire philosophique et désigne la modération dans les sentiments, la clémence. Chez Philon, il désigne la maîtrise de soi, la résistance aux passions . Dans notre contexte, il désignerait une attitude de compréhension, de modération indulgente envers les coupables. Le prêtre doit par conséquent accueillir avec ménagement et équité les ignorants (ceux qui pèchent par ignorance ou inadvertance) et les égarés (ceux qui se sont laissés séduire plus ou moins volontairement par les tromperies du péché ou qui ont succombé à leurs infirmités). Cet office d'accueil des pécheurs, ignorants ou errants, fait du grand prêtre, une figure « miséricordieuse ». Un pêcheur bien accueilli est un pécheur guéri psychologiquement. Le prêtre partage avec lui le poids de son péché et sa modération donne au coupable le sentiment d'être encore utile, d'être régénéré et aimé de Dieu. Le pécheur peut ainsi se reconsidérer devant Dieu et devant ses frères. Le prêtre a donc une fonction sociale de renouer les relations interpersonnelles.

En tant qu'il est mieux placé pour discerner la volonté de Dieu, il joue aussi un rôle judiciaire et politique. Le prêtre ancien usait des objets sacrés pour trancher des cas difficiles. L'usage des Ourim et des Toummin qui servaient par tirage au sort de connaître la volonté de Dieu. Cette méthode étant archaïque, le prêtre grâce à sa maîtrise de la loi pouvait trancher des litiges et d'autres cas difficiles sans témoin (cf. Dt 21,1-9 ; Nb5 ,11-31). Il était du devoir du grand prêtre de faire taire les murmures d'Israël contre eux-mêmes et contre Yahwé pour éviter le pire (cf. Nb17,25b). C'est ainsi qu'investi de son pouvoir juridique et politique, le grand prêtre Caïphe décide irrévocablement de la mort de Jésus. Il éclairci la situation jusque-là demeurée confuse par son interrogatoire dont le verdict final fut la condamnation à mort de Jésus. Verdict que Pilate ne peut plus rien changer. C'est donc à côté de toutes ces fonctions sociales que le prêtre doit offrir des sacrifice pour les péchés.

II.2.3. La fonction cultuelle

Le grand prêtre est le représentant des hommes, ses frères pour tout ce qui concerne leurs rapports avec Dieu. Il est leur « médiateur » établi par appel de Dieu. Sa médiation consiste principalement à accueillir avec ménagement et équité les pécheurs et à offrir dons et sacrifices pour les péchés. Le péché en fait, est ce qui sépare l'homme de Dieu. Et, comme l'homme ne peut se réaliser sans Dieu ou mieux loin de lui, il doit faire un culte digne pour rétablir la relation rompue. Pour ce faire, il doit se « rendre sacré » par l'offrande d'une victime sans défaut. C'est grâce à cette victime que l'offrant peut passer du monde profane au monde divin. Agrée de Dieu, le prêtre peut faire bénéficier au peuple à nouveau des faveurs divines. C'est ainsi que pour mieux comprendre l'activité cultuelle du grand prêtre, nous partirons de la conception juive du sacrifice :

II.2.3.1. Le sacrifice

Étymologiquement le terme sacrifice vient du latin « sacer facere » : « rendre sacré ». Le sacrifice est un effort de rendre sacré ce qui ne l'est pas. Alfred Loisy le définit comme « une action rituelle-la destruction d'un objet sensible, doué de vie ou qui est sensé contenir de la vie - moyennant laquelle on a pensé influencer les forces invisibles, soit pour se dérober à leur atteinte (...) soit afin de (...) leur procurer satisfaction et hommage, d'entrer en communication et même en communion avec elles »26(*). C'est un acte qui consiste à se priver d'une chose, d'un animal qui nous est cher, pour le consacrer à Dieu selon des rites propres afin de bénéficier des grâces et de la faveur de Dieu. Tout sacrifice vise ainsi une fin propre : le pardon des péchés, l'action de grâce, la fin des calamités bref la communion avec Dieu.

En Israël, rien n'est plus expressif comme cette abdication de toute propriété pour reconnaître les droits souverains du Créateur. Le sacrifice est dès lors un acte extérieur de culte par lequel l'homme reconnaît le souverain domaine de Dieu, et lui offre son hommage d'adoration, de gratitude ou d'impétration27(*). Offert par le prêtre, il est un don naturel de l'homme à Dieu et devient l'expression de la communion spirituelle entre Yahwé et son peuple. Le peuple d'Israël distinguait plusieurs types de sacrifices dont trois méritent notre attention : l'holocauste, le sacrifice de communion et le sacrifice d'expiation.

II.2.3.2. L'holocauste

A la base de tous les sacrifices juifs, il y a l'holocauste. Il consiste comme son nom l'indique « ïëïêáõóôùõáôá » à brûler tout entier l'offrande pour faire monter la fumée vers Dieu, comme un « parfum d'agréable odeur » (Nb 28,8). Il exprime « le don total de l'individu ou de la communauté qui l'offre à Dieu ainsi que la reconnaissance de sa souveraineté absolue »28(*). L'holocauste est ainsi un don fait à Dieu, un sacrifice de reconnaissance, de remerciement pour les bienfaits reçus de lui, un acte d'amitié. C'est une façon de reconnaître Dieu présent à coté de nous comme celui qui nous donne tout ce dont nous avons besoin.

II.2.3.3. Le sacrifice de communion

Le sacrifice de communion consiste à immoler sur l'autel de Yahwé un animal destiné à être mangé au devant de Yahwé . En effet, il signifie une véritable communion avec Dieu et entre les convives. Les parties grasses sont offertes à Yahwé en holocauste et le reste est partagé entre les convives dans le temple. La manducation de la chair par les convives est une occasion de joie et de paix comme il est dit : « tu immoleras des sacrifices de communion, tu les mangeras là et tu te réjouiras en présence du Seigneur ton Dieu » (Dt 27,7). Les sacrifices de communion sont les plus souvent ceux qui accompagnent les sacrifices de réparation, d'expiation. Ils sont le signe visible de la communion rétablie et de la réconciliation d'Israël avec Dieu.

II.2.3.4. Les sacrifices pour les péchés

Le rôle du grand prêtre est d'offrir des « sacrifices pour les péchés » (He5,1). Le péché est ce qui perturbe la relation de l'homme avec Dieu et avec ses semblables. En effet, le péché atteint l'homme dans ses entrailles, dans ses profondeurs. Il l'avilie et le sépare de Dieu. Le péché rend l'homme petit et faible ; l'âme basse et petite selon les mots d'Origène29(*). Le péché nous prive de la gloire de Dieu (cf. Rm3,23) et nous entraîne dans la mort (Rm5,12), dans les affres du Hadès (Ac2,24). Il rend l'homme malheureux, frustré comme s'exclame St Paul en découvrant en lui la loi du péché qui lui fait faire ce qu'il hait (Rm7,15-17) « Malheureux homme que je suis ! qui me délivrera de ce corps qui appartient à la mort ? » (Rm7,24). Être délivré du péché est le désir éternel de tout homme. Il revient au grand prêtre, établi en faveur des hommes pour les rapports avec Dieu, d'y trouver remède et des voies de réconciliation, de communion avec Dieu. Le sacrifice est ainsi l'un des moyens pour expier les péchés.

Les sacrifices pour les péchés sont de trois ordres dans l'Ancienne alliance et ne concernent que les péchés commis par ignorance ou par inadvertance. Le sacrifice de réparation consistait en une purification rituelle. L'impureté n'est pas automatiquement un péché. Le sacrifice pour le péché individuel ou communautaire vise à rétablir une relation avec Dieu compromise par les péchés involontaires(Lv 4,2) ou par un état d'impureté (lèpre par exemple). Tous ces deux sacrifices se soldent dans celui du Yom Kippour.

Le jour du Grand Pardon est un jour de la redevance et de l'épiphanie de la miséricorde de Dieu. Il est l'unique occasion où « le culte sacerdotal pouvait aboutir, d'une certaine manière, à un contact direct avec Dieu »30(*). C'est une solennité annuelle, qui primitivement, était une grande expiation d'Israël de toutes les impuretés contractées du fait des nécessités de la vie ou par ignorance. Elle est devenue une liturgie du pardon des péchés proprement dit dans laquelle Israël exprime sa vive conscience d'être pécheur et sa foi en un Dieu qui pardonne.31(*)

La liturgie de ce Grand Jour met tout spécialement en exergue le rôle primordial du grand prêtre. Plus que dans les sacrifices quotidiens, le grand prêtre doit s'y préparer d'une manière exceptionnelle. Il est d'abord soumis à un rite de purification consistant à un bain du corps, des pieds et des mains, le revêtement des habits sacerdotaux et l'accueil des offrandes pour le sacrifice. Puisqu' « il est lui aussi atteint de tous les côtés par la faiblesse, et à cause d'elle, il doit offrir, pour lui-même aussi bien que pour le peuple les sacrifices pour les péchés » (He5,2b-3).

L'auteur souligne ainsi la nécessité pour le grand prêtre de se rendre propice, de s'accréditer auprès de Dieu pour pouvoir intercéder pour les autres. Dés lors, il doit d'abord faire des sacrifices pour ses propres péchés et ceux de sa famille car son péché rend coupable tout le peuple (cf. Lv 4,3). Lui et sa maison portent le poids des fautes commises envers le sanctuaire (Nb18,1a). Et comme le sacerdoce aaronique a un rôle expiatoire, son service au sanctuaire pourra ainsi adoucir la colère de Yahwé contre son peuple (cf. Nb 18,1.5). Le grand prêtre doit ainsi faire trois confessions semblables : d'abord pour ses péchés et ceux de sa famille ; ensuite pour l'ensemble des prêtres et enfin pour tout le peuple. Pour lui et pour sa maison, il dit : « De grâce, YHWH, j'ai commis l'iniquité. Je me suis révolté, j'ai péché devant toi, moi et ma maison. De grâce, YHWH, pardonne les iniquités, les révoltes et les péchés par lequel je me suis rendu inique, révolté, pécheur devant toi, moi et ma maison comme il est écrit dans la loi de Moïse ton serviteur : « car en ce jour, il fera l'expiation sur vous et tous vos péchés, vous serez purifiés, en présence de YHWH » (Lv16,30) »32(*). Le rite d'expiation pour ses péchés achevé, le grand prêtre peut, après avoir tiré au sort le bouc « pour le Seigneur » et l'autre bouc pour « Azazel », entrer dans le Saint des saints, lieu rempli de la présence de Dieu. Il y accomplit les rites prescrits : encensement, aspersion du propitiatoire et du voile de la tente avec le sang du taureau et du bouc. Il peut faire la confession pour tous le péché du peuple. Après l'holocauste de bouc «  pour Dieu », il envoie dans le désert le bouc émissaire « azazel » qui porte les péchés du peuple. Le peuple peut ainsi légalement bénéficier du pardon de Dieu et des faveurs divines. Il est toutefois à remarquer que ce pardon est un acte gratuit de Dieu. Il est accueilli de manière légaliste, formaliste et ritualiste. Ce qui montre que la réconciliation reste seulement verticale sans être horizontale.

Le peuple extérieurement purifié et pardonné pourrait recevoir les bénédictions de Dieu à travers le grand prêtre. Mais l'aspect ritualiste et formaliste des cérémonies religieuses, les comportements indignes du corps sacerdotal a suscité de l'intérieur du judaïsme des réactions critiques. Les prophètes ont stimulé certaines personnes à prendre conscience de la superficialité de l'exercice du sacerdoce pour s'orienter vers un Messie prêtre qui accomplirait avec fidélité et honneur le dessein de Dieu.

II.3. L'espérance eschatologique d'un messianisme sacerdotal

Les critiques contre l'exercice du sacerdoce ont été virulentes et nombreuses de sorte la promesse du sacerdoce de Yahwé restait aux yeux d'Israël inachevée, inaccomplie. Ce qui a donné lieu à l'espérance d'un Messie avenir. Des prophètes à Jésus, il y avait dans les consciences une vive attente d'un messie-prêtre-roi qui accomplirait en toute dignité le dessein sacerdotal de Dieu. Ces critiques ont même donné lieu à de restructurations au sein du Judaïsme et ont suscité une flambée d'écrits apocalyptiques juifs.

II.3.1. Les prophètes

Les prophètes dans leurs ministères n'ont cessé de dénoncer les comportements indignes des prêtres. Osée à la suite d'Amos s'attaque à la corruption du culte de Yahwé. Il dénonce la contamination du culte sacerdotal par des usages païens (Os 4,4-11 ;5,1-7). Il y a comme un syncrétisme païen qui s'est intégré dans la caste sacerdotale violant ainsi les prescriptions de la Torah (Jr2,26ss). Le culte de Yahwé est devenu une course aux intérêts personnels (Mi3,11 ;2R12 ,5-9 ;So3,4 ;1S2,12-17). Il n'y a plus de zèle pour Yahwé (Mal2,1-9). C'est pourquoi Isaïe annonce un renouvellement du sacerdoce (Is 2,1-5). Un renouvellement précédé de la destruction du temple et des lieux du culte. Dieu lui-même bâtira un temple (cf. Ez 40,40 ; Jr 7,12-14). Il y aura une restructuration du sacerdoce (Mal 3,3-4). Dieu lui-même inspirera un prêtre idéal de la famille d'Aaron (Si 45,7.14) qui sera digne et fidèle.

Les abus, les exagérations causées par les conduites des grands prêtres n'ont en rien conduit à l'endormissement du peuple et encore moins à la négation du sacerdoce mais ont suscité par contre l'attente d'un Messie sacerdotal. Israël est convaincu que Dieu ne peut se tromper et ne peut leur tromper. Ce qu'il a promis, il l'accomplira. Vanhoye conclut que « les déceptions provoquées par la conduite politique des grands prêtres ne pouvaient monopoliser l'attention, ni conduire à des verdicts sans appels »33(*). Elles ont contribué à creuser le désir d'un véritable exercice sacerdotal.

II.3.2. La communauté de Qumran

Des critiques des prophètes, le besoin de reforme sacerdotale animait maintes personnes. C'est ainsi qu'au temps de Jésus, on voyait naître des communautés dont celle de Qumran, ayant pour souci principal de vivre l'idéal sacerdotal. Ainsi, la communauté de Qumran respectait à la lettre toutes les prescriptions de la loi de Moïse. Toutefois, cet effort de vivre en Dieu, n'a en rien gommer leur espérance en un Messie qui viendrait accomplir les promesses du Yahwé. C'est ainsi que les Manuscrits de Qumran, évoquent la venue de trois messies prophète, roi, et prêtre dont l'autorité du peuple serait remis au messie prêtre.34(*)

II.3.3. Testaments des Douze patriarches

Ce sont des documents apocalyptiques qui révèlent l'espérance eschatologique d'Israël. Ils soulignent l'imperfection du sacerdoce lévitique dont la cause serait la faiblesse humaine qui empêche les prêtres d'être digne et fidèle devant Yahwé. Ils annoncent la venue d'un prêtre oint qui mènera à l'accomplissement le sacerdoce aaronique35(*).

Toutefois, c'est Dieu lui-même qui suscitera ce prêtre roi qui sera homme-Dieu qui instaurera un sacerdoce nouveau pour le salut d'Israël et de toutes les nations36(*). Et le sacerdoce lévitique n'existera plus, car le Seigneur Dieu révélera toutes ses paroles et exécutera le jugement de vérité sur la terre37(*).

En somme, le grand prêtre ne trouve sa raison d'être que branché en Dieu et à ses frères. Restant solidaire aux hommes, nous dit l'auteur de l'Épître aux Hébreux, il offre des sacrifices pour les péchés. Il est au milieu du peuple comme celui qui sert le peuple et Dieu. D'où l'exigence du choix, de l'élection divine.  L'accès au sacerdoce demande donc une attitude d'humilité devant Dieu et la capacité de se faire petit au milieu des hommes en les accueillant avec équité et compréhension. De telles exigences n'ont trouvé dans la ligne d'Aaron, des personnes dignes pour accomplir avec fidélité et honneur le dessein de Yahwé. Ce qui a donné libre court à des multiples espérances fondées sur la venue d'un messie. Ce messie, l'auteur de l'épître aux hébreux l'applique au Christ Jésus. Lui qui a su rester solidaire aux hommes jusqu'à la mort de la croix. Par son humilité, son abaissement et son obéissance en tant que Fils, il a accepté la condition humaine pour mener à la perfection le sacerdoce Lévitique. Il instaure ainsi par sa mort, un sacerdoce nouveau en détruisant la racine même du péché. L'homme est ainsi éternellement par lui réconcilié avec Dieu.

CHAP III

LE CHRIST, GRAND PRÊTRE MISERICORDIEUX (He 5, 5-10)

Parvenu à la fin de la description de «  tout grand prêtre », l'auteur transite sans difficulté grâce à la mention d'Aaron. En effet, Aaron est grand prêtre par appel de Dieu. « De même, ce n'est pas le Christ qui s'est attribué à soi-même la gloire de devenir grand prêtre, mais il l'a reçu de celui qui lui a dit : « tu es mon Fils, moi, aujourd'hui, je t'ai engendré » ; comme il dit encore ailleurs : « tu es prêtre pour le monde éternel, selon l'ordre de Melchisédech ».C'est lui qui, aux jours de sa chair, ayant présenté avec une violente clameur et des larmes, des implorations et des supplications à celui qui pouvait le sauver de la mort, et ayant été exaucé en raison de sa piété, tout Fils qu'il était, apprit, de ce qu'il souffrit, l'obéissance ; après avoir été rendu parfait, il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent principe du salut éternel, puisqu'il est salué par Dieu du titre de grand prêtre selon Melchisédech. »(5,5-10). Ce texte complexe de deux phrases a même structure de He 5,1-4. Nous y trouvons trois éléments successifs qui constitueront la structure de notre chapitre. Dans le premier élément (5,5-6), l'auteur souligne la sacerdotalisation du Christ, dans le deuxième(5,7-8) l'auteur évoque le sacrifice du Christ, et le troisième élément (5,9-10) souligne le caractère salvifique et rédempteur de l'acte sacrificiel du Christ.

III.1. La sacerdotalisation du Christ (He5,5-6)

Nous voulons entendre dans cette partie, la manière de devenir prêtre du Christ. Le souci de l'auteur, pensons-nous, est de montrer la continuité et la ressemblance du sacerdoce aaronique à celui du Christ. Le sacerdoce du Christ comme celui d'Aaron n'est pas fondé sur une prétention personnelle, mais sur un vouloir de Dieu. Toutefois, l'auteur en citant les oracles du Ps 2,7 et du Ps 110,4 souligne successivement trois points dans la sacerdotalisation du Christ. Le premier point est l'abaissement du Christ qui fait de lui un prêtre unique, le deuxième est la particularité de son sacerdoce en tant que Fils et le troisième point est l'éternité du sacerdoce à la manière de Melchisédech.

III.1.1. L'humilité du Christ

Tout d'abord il faut souligner le parallélisme que l'auteur fait entre le v.4 et le v.5. En effet, ces rapprochements peuvent être déjà une esquisse de ce que l'auteur veut mettre en évidence. Le v.4 étant la conclusion du développement 5,1-4, le v.5 apparaît à la fois comme une introduction à une autre idée qui surpasse le développement précédent. De ce point de vue, le parallélisme entre conclusion et introduction peut signifier pour l'auteur les limites et la vétusté du sacerdoce aaronique qui préparait ou mieux préfigurait l'authentique sacerdoce, celui du Christ.

La considération de style et des vocabulaires sont ensuite d'une importance remarquable. En fait, pour souligner la différence essentielle entre le sacerdoce d'Aaron et celui du Christ, l'auteur utilise deux termes : honneur et gloire. Pour Aaron, il utilise « ôßìå» : « honneur » qui est, d'après le dictionnaire universel, « une disposition morale incitant à agir de manière à obtenir l'estime des autres en conservant le respect de soi-même ». L'honneur, à proprement dire, est une qualité humaine. Pour le Christ, l'auteur utilise plutôt « äùîá » « gloire » qui n'est attribué qu'à l'homme dans un sens figuré. La gloire est une propriété divine.

L'auteur par ces vocabulaires veut signifier la nature même du sacerdoce d'Aaron et celui du Christ. En fait, bien que de condition divine le Christ n'a pas voulu se glorifier lui-même. Il a choisi la voie de l'humilité, de l'abaissement d'être glorifié par le Père comme le souligne St Jean : « Père, l'heure est venue, glorifie-moi auprès de toi de cette gloire que j'avais auprès de toi avant que le monde ne fut »(Jn17,5).

L'auteur pour mieux signifier la différence avec le sacerdoce aaronique emploie le nom « ×ñéóôïò », nom reçu après la glorification. Conscient de l'importance des « noms » dans la tradition juive et biblique, l'auteur veut situer ici le sacerdoce du Christ dans son être glorifié. Par tous ces vocabulaires l'auteur veut, pensons-nous, fixer notre attention sur Jésus, fils de Marie qui, à travers la mort, est consacré prêtre de par sa résurrection. Greffé sur la situation divine du christ glorifié, son sacerdoce est aussi unique.

III.1.2. Le sacerdoce unique du Christ, Fils de Dieu

D'emblée Jésus est appelé « Fils » dans le Nouveau Testament d'une manière unique et spéciale. Sa relation avec Dieu est privée et intime aussi bien dans son être et dans sa mission publique. C'est à lui comme Fils que l'autorité est donnée ; tout lui est donnée pour qu'il le révèle aux autres (cf. Mt 11,27). En tant que Fils, en un sens unique et incommunicable, il est en même temps le Fils avec les autres. Son être et sa mission sont indissolublement liés. Ce titre de Fils, souligne en filigrane sa double nature de Fils de Dieu (condition divine ) et fils avec les autres fils (condition humaine).

Cette double appartenance totalement assumée autorise ainsi une authentique médiation. Jésus Christ n'est pas seulement un ambassadeur, un intercesseur comme les prêtres aaroniques, mais un véritable Médiateur. C'est dans ce cadre que s'inscrit l'oracle du Ps 2,7 «  Tu es mon Fils, aujourd'hui moi, je t'ai engendré »(He 5,5). L'auteur veut par cette citation signifier le caractère unique de la relation du Christ avec Dieu. En tant que Fils , le Christ est accrédité auprès de son Père et donc digne de foi. Il a une relation étroite et intime avec Dieu et l'appelle « Abba » (Ga, 4,6). C'est le Fils par qui « tout a été fait et rien de ce qui est fait ne s'est fait sans lui »(Jn1,3). Il a été toujours auprès du Père.

Dès lors, la référence à la filiation divine du Christ, est pour l'auteur une preuve d'un sacerdoce unique et spécifique. Car le Christ, en tant que Fils préexistant avec Dieu, a déjà une relation intime avec Dieu son Père, première condition pour être prêtre. C'est dans ce sens que Vanhoye dit que « la filiation divine apporte au sacerdoce du Christ une détermination spécifique qui en fait un sacerdoce sans égal »38(*). Puisqu'en effet, Jésus étant Fils a un lien plus étroit avec Dieu plus que tout autre. Ainsi en tant que Fils, le Christ est mieux placé pour remplir le rôle de médiateur que requiert le sacerdoce. C'est dans ce sens que son sacerdoce a un caractère unique, de valeur inégalable ; c'est pourquoi l'auteur à travers le Ps110,4 exalte en quelque sorte le caractère extraordinaire du sacerdoce du Christ.

III.1.3. Le Christ, prêtre éternel à la manière de Melchisédech

La définition du sacerdoce du Christ, en plus de son unicité est proclamé de valeur éternelle à la manière de Melchisédech, roi de Salem. En effet, comme si la mention de la filialité du Christ ne suffisait pas, l'auteur recourt au Ps 110,4 pour proclamer Christ prêtre tout comme l'appel d'Aaron : « tu es prêtre pour l'éternité à la manière de Melchisédech »(5,6). Cette périphrase prouve que le Christ est prêtre d'une manière très différente de celle d'Aaron. l'auteur annonce d'abord la rupture de la lignée aaronique qui était sélective, répétitive, temporelle et rituelle pour fixer les yeux de ses auditeurs sur la perpétuité, la spécificité, la grandeur et le radical changement de référence.

Pour mieux asseoir ses arguments, l'auteur fit recours à la figure mystérieuse de Melchisédech de Gn 14,18-20. En effet, ce personnage mythique est présenté comme prêtre sans mentionner « ni père, ni mère, ni généalogie » avec l'importance qu'accorde l'Ancien Testament à l'origine familiale pour le sacerdoce (cf. Esd 2,62). Le texte de Gn 14 ne parle pas non plus de la naissance de Melchisédech ni de sa mort et ne lui donne donc pas de limites dans le temps. Il se contente d'évoquer la figure d'un prêtre qui participerait à l'éternité divine et serait prêtre pour toujours39(*).

Absence de généalogie, perpétuité de sacerdoce sont là, des éléments qui permettent à l'auteur de rapprocher la figure du Christ à celle de Melchisédech. Être prêtre à la manière de Melchisédech, c'est être prêtre-roi. Un roi chargé de rétablir la justice et la paix dans la Nouvelle Jérusalem et d'exécuter le jugement de Dieu. « Aller dire à Jean Baptiste, dira-t-il, ce que vous avez vu et entendu : les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent, la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres » (Lc 7,22). Jésus annonce ainsi l'effectivité du Royaume de Dieu, un royaume où il n'y a plus des exclus, des marginalisés, des pauvres.

Toutefois, dire du Christ qu'il est prêtre éternel à la manière de Melchisédech laisse lieu à des zones d'ombres. S'agit-il du Fils de Dieu préexistant auprès du Père ou de Jésus fils de Marie et de Joseph ou encore du Christ glorifié ? Cette interrogation a suscité autant de discussions entre les exégètes. Nous nous laissons captiver par la position d'Albert VANHOYE qui trouve que l'auteur parle du Christ glorifié. En effet, pour lui, le Fils préexistant n'a rien de commun avec l'homme et a un père : Dieu, le Père ; le Fils incarné a une mère et est de la tribu de Juda. Seul le Christ glorifié se révèle comme un homme nouveau et Fils de Dieu Éternel. « sans père, sans mère, sans généalogie » car sa résurrection a été un nouvel engendrement de sa nature humaine, dans le quel ne sont intervenus ni père humain, ni mère humaine et qui a fait de lui un « premier-né »(He1,6) sans généalogie »40(*). Et il conclut en disant : « le prêtre que préfigure Melchisédech n'est ni le Fils de Dieu dans sa préexistence, ni Jésus dans sa vie terrestre, mais c'est le Christ, Fils de Dieu, glorifié à l'issue de sa passion »41(*). Ainsi, pour l'auteur, le Christ est le véritable prêtre parfait et définitif que préfigurait la figure mystérieuse de Melchisédech. Proclamé par serment selon l'oracle du Ps 110,4 le sacerdoce du Christ est l'accomplissement du sacerdoce aaronique et donc une alliance nouvelle établie par son sang.

III.2. Le sacrifice du Christ : accomplissement du sacerdoce (vv. 7-8)

L'auteur a défini plus haut que la caractéristique de l'office sacerdotal consiste à offrir des dons et des sacrifices pour le péché (He5,1). Dire que Jésus est grand prêtre suppose qu'il doit offrir lui aussi de sacrifice. Dans cette partie, nous nous pencherons d'abord sur l'activité sacrificielle de Jésus comme accomplissement du dessein de Dieu sur le sacerdoce. C'est ainsi qu'à la lumière de He 8-9, nous examinerons la vie terrestre de Jésus de Nazareth comme une révélation de la miséricorde divine, ensuite l'offrande dramatique et suppliante, enfin la souffrance du Christ comme une éducation à l'obéissance.

III.2.1. Jésus, révélateur de la miséricorde divine.

Avant de présenter le sacrifice du Christ, l'auteur le situe « aux jours de sa chair » c'est-à-dire au temps de la vie mortelle du Christ. Il évoque ainsi l'existence humaine de Jésus, marquée par la fragilité, les incompréhensions, les conflits et les doutes. Une existence qui ne connaît qu'un temps limité. Toutefois, les évangélistes nous présente Jésus dès sa naissance comme le salut que Dieu a préparé pour tous les peuples (cf. Lc2,30-32). L'enfant de la crèche, extrêmement pauvre sera présenté par son précurseur comme « l'agneau de Dieu qui enlève le péché du monde »(Jn 2,29). Verbe de Dieu, il s'est fait faible, fragile, objet de contradictions pour confondre les forts, ceux qui sont quelques choses (1cor1,27-28). Jésus a placé tout son ministère sous la venue du Royaume de Dieu, une révélation de la miséricorde et l'amour de Dieu pour les pécheurs. La nouveauté inattendue du message de Jésus apparaît surtout dans son comportement. Ses relations avec les pécheurs et les gens impurs selon les règles du culte (cf. Mc 2,16ss), la violation du commandement juif du sabbat (Mc2,23ss) et des prescriptions sur la pureté (Mc7,1ss) sont autant d'éléments qui ont suscité l'étonnement et voire le scandale. Une telle attitude a de toute évidence provoqué d'une part admiration, fascination et enthousiasme, et d'autre part scepticisme, scandale et haine (cf. Mc2,7ss).

Il y a un renversement des valeurs. Son message d'un Dieu dont l'amour s'adresse même aux pécheurs, remet en question la représentation juive de la justice et de la sainteté de Dieu. En plus, sa conception d'un Dieu d'amour qui brise la barrière entre le juste et l'impie ne cadre pas avec les catégories juives. La solidarité du Christ avec les pécheurs (publicains et prostituées), son invitation au pardon mutuel, à l'amour de l'ennemi comme temps du Royaume de Dieu  est autant plus revoltant qu' aimer Dieu et aimer le prochain comme soi-même vaut mieux que toutes les prescriptions de la loi (cf. Mc 12,32-33). Le salut du Royaume de Dieu pour lui consiste en premier lieu dans le pardon des péchés et dans la joie de rencontrer la miséricorde illimitée et imméritée de Dieu. Car éprouver l'amour de Dieu veut dire expérimenter que l'on est accepté absolument, accueilli et infiniment aimé, que l'on a la possibilité et le pouvoir de s'accepter soi-même et d'accepter les autres. Le salut est la joie en Dieu, qui a pour conséquence la joie auprès du prochain et avec lui. De telles conceptions n'ont attiré sur Jésus que haine et jalousie dont le prix sont la passion et la croix.42(*)

III.2.2. Une offrande dramatique et suppliante

« C'est lui qui, aux jours de sa chair, ayant présenté avec une violente clameur et des larmes, des implorations et des supplications à celui qui pouvait le sauver de la mort » (5,7a). Par le rappel de la condition existentielle du Christ, l'auteur cristallise notre attention sur ses épreuves, ses souffrances. Jésus prie et supplie celui qui peut le sauver de la mort ; il crie et pleure. L'auteur nous invite à contempler l'angoisse de Jésus devant le mystère de la souffrance et de la mort. Il nous rappelle les évènements de Gethsémani que les synoptiques présentent comme un moment par excellence de la tristesse et de l'angoisse de Jésus (Mt 26,36-56 ;Lc22,39-53 ;M14,32-42). « mon âme est triste à en mourir » (Mc14,334).

Le P. Grelot interprète la présence des trois disciples comme le vouloir de Jésus de les associer à sa prière où il est appelé à opérer un choix libre décisif devant la volonté de Dieu. Toutefois, il ne peut véritablement bénéficier de l'appui affectif de ceux-ci qui ne tardent pas à s'endormir (Mc14,37.40) ; Mt26,40.43 ;Lc22,45). La confiance en Dieu, à travers prières et supplications reste son seul soutien : « Abba, Père ! tout t'est possible : emporte loin de moi cette coupe. Mais, non pas ce que je veux mais ce que tu veux » (Mc 14, 36). Autant est grande la tentation d'échapper à la mort et à l'angoisse ambiante, Jésus opte pour la décision héroïque d'accomplir la volonté de Dieu. « Une telle remise de soi entre les mains de Dieu, à un moment où sa volonté peut sembler la plus incompréhensible, traduit tout ensemble une foi nue et un amour totalement détaché de soi »43(*).

Par ailleurs, les cris et larmes dont parle l'auteur font penser à l'agonie de Jésus en Croix. Ici le témoignage des évangélistes différe. L'orientation johannique tend à superposer la mort de Jésus à son entrée dans la gloire. Ainsi, pour Jean, Jésus domine l'angoisse. Les paroles sont en rapport avec l'acte de sa mort. Dans sa prière sacerdotale (Jn 17), les paroles de Jésus sont imprégnées de certitudes de foi en sorte que sa dernière parole est une conclusion à tout son ministère : « Tout est accompli »  (Jn19,30).

Pour Luc, l'interprétation du cri d'angoisse de Jésus est une remise confiante de soi entre les mains de Dieu. La parole de Jésus se situe au plus profond de la foi : « Père entre tes mains je remets mon esprit » (Lc 23, 46 cf. Ps31,6). L'évangéliste va au-delà de l'expérience douloureuse du Christ. Fidèle à montrer Jésus comme le révélateur de la miséricorde divine, il voit d'une part l'ouverture de Jésus à son Père auquel il remet son esprit et d'autre part il pense aux hommes à qui il désire assurer le pardon de Dieu : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu'ils font » (Lc 23,34a).

Matthieu et Marc mettent la prière du Ps22,2 sur les lèvres de Jésus : « Mon Dieu, mon Dieu pourquoi m'as-tu abandonné ? » comme expression de la prière et des sentiments de Jésus en croix ; Marc et Matthieu présentent mieux, l'expérience intérieure de Jésus, en tant qu'expression globale d'une foi qui inclut toujours l'espérance par motif de confiance en Dieu. Dans ce sens, la prière s'inscrit à l'intérieur d'un dialogue. Un dialogue fait dans le plus grand respect envers Dieu qui lui valut l'exaucement de sa prière.

L'exaucement de la prière de Jésus dont mentionne ici l'auteur, est difficile à comprendre . Jésus a-t-il demandé dans sa prière d'être exempté de la mort ou de l'angoisse, de la peur de la mort ? Quel est le contenu de : « Il fut exaucé en raison de sa crainte » ? Harnack trouvant dans l'objet de la prière le fait d'être préservé de la mort, suppose qu'un copiste aurait supprimé, la négation. Pour lui, l'auteur aurait écrit : le Christ « n'a pas été exaucé, bien qu'il fût Fils ». Cette interprétation ne trouvant aucun fondement dans la critique textuelle ne peut être acceptée, remarque VANHOYE. Pour ce dernier, l'auteur ne dit pas que Jésus ait demandé de ne pas mourir, il ne donne aucune précision sur le contenu de la prière et donc il ne faut forcer le texte. Il rejette aussi le point de vue de Jérémias pour qui Jésus a demandé la résurrection. Argument cohérent, mais aplatit le texte.

Pour HARING, le terme «åýëáâåßá» désigne la peur de la mort. Ainsi Jésus a demandé d'être libéré de la peur. Il a été exaucé parce qu'il reçut la force de surmonter son angoisse et d'affronter avec courage la mort. Marc présente Jésus réconforté à l'approche du traître (cf. Mc14,42). Cette position force encore le sens du mot « eulabeia ».

En fait, « åýëÞâåßí» étymologiquement signifie : « bonne compréhension », « attention précautionneuse » avec un sens religieux de « crainte ». Suivi de la préposition « Üðü » : « en raison », on peut ainsi traduire : « il a été exaucé en raison de son profond respect ».

Ce qui permet l'exaucement de la prière est avant tout l'attitude de respect profond de Jésus envers Dieu. Au-delà des douleurs et de l'angoisse que cause la mort menaçante, l'auteur veut souligner que Jésus n'a pas cherché à s'imposer à Dieu, il s'est au contraire, dans sa prière, ouvert à l'action de Dieu, privilégiant ainsi sa relation à Dieu. L'objet de la prière, fruit de l'instinct de vie, se trouve dès lors relégué au second plan : « Cependant, non pas ce que je veux, mais ce que tu veux, toi » (Mt 26,39). La prière transforme ainsi le désir instinctif, pour conformer toute la volonté à celle du Père. Cette prière de Jésus devient une offrande à Dieu. C'est pourquoi Vanhoye souligne que : « Jésus ne renonce pas à demander la victoire sur la mort ; mais il s'en remet complètement à Dieu pour le choix de la route à suivre »44(*). C'est ainsi que présentée avec un profond respect, la prière de Jésus fut exaucée par la victoire complète sur la mort, mais par les biais de la souffrance et de la mort mêmes.

III.2. 3. La souffrance du Christ : éducation à l'obéissance

L'obéissance est la caractéristique de l'esclave. « Le Christ, lui, qui était dans la condition de Dieu, n'a pas jugé bon de revendiquer son droit d'être traité à l'égal de Dieu ; mais au contraire, il se dépouilla lui-même en prenant la condition de serviteur (äïõëïò). Devenu semblable aux hommes et reconnu comme homme à son comportement, il s'est abaissé lui-même en devant obéissant jusqu'à mourir, et à mourir sur une croix » (Ph 2,6-8). Cette hymne paulinienne résume en mieux la pensée de l'auteur sur l'obéissance héroïque du Christ. La souffrance est ce qui anéanti l'homme. Job et Jérémie en savent quelque chose. Avec Jésus, la souffrance devient un apprentissage, une transformation profonde de l'être, une valeur, une occasion de rencontre personnelle avec Dieu. « Par la souffrance, Dieu purifie l'homme et le transforme, il le pénètre de sa sainteté (He 12,10) de façon à pouvoir l'introduire dans son intimité. Il met en lui la docilité, la disponibilité véritable, condition de l'union parfaite dans l'amour »45(*). Telle est l'expérience humaine : en souffrant, on apprend ; pas de science sans l'expérience de la souffrance, cette souffrance qui ne peut être bannie d'une vie humaine puisqu'elle la consacre et la parfait : qui n'a pas souffert n'est pas pleinement homme.46(*)

Dire que tel fut le chemin du Christ néanmoins, n'est ce pas stupéfiant ? Lui qui est « Fils de Dieu » ( 4,17), « expression parfaite de l'être du père »(1,2-3), avait-il besoin d'apprendre l'obéissance ? En effet, « cette éducation ne lui était pas nécessaire à lui personnellement »47(*) car, Jésus n'a jamais été indocile à son Père, lui qui n'a pas péché (4,15). C'est pour nous, et pour le salut de tout de genre humain qu'il s'est dépouillé et dit : « Me voici ! Ô Dieu, je viens faire ta volonté »(10 ,7). C'est pour notre nature humaine déformée par la désobéissance qu'il a accepté de se « faire chair » pour la redresser. Et la redevance de nature devant Dieu était le prix de la souffrance pour qu'elle soit totalement refondue afin qu'en résulte un homme nouveau, qui corresponde parfaitement à l'intention divine : être obéissant. « Seul le Christ, qui n'a pas besoin pour lui-même, en a été capable et s'y est effectivement soumis dans le drame de sa passion »48(*). Ainsi pour l'auteur, cette soumission douloureuse à son Père de laquelle le Christ apprit l'obéissance est l'acte sacrificiel par excellence qui fait de lui le grand prêtre parfait et octroie par lui, aux hommes, le salut.

III.3. Le sacrifice du Christ comme acte rédempteur (vv. 9-10)

Dans cette dernière phrase de notre péricope (5,9-10), l'auteur exprime les trois conséquences de la passion du Christ étroitement liées entre elles. En effet, le Christ qui, bien qu'il fut Fils apprit, de ce qu'il souffrit, l'obéissance « et ayant été rendu parfait(1) il devint pour tous ceux qui lui obéissant cause du salut éternel, (2) ayant été proclamé par Dieu grand prêtre à la manière de Melchisédech(3) »(5,9-10). Pour mieux comprendre cette phrase, le recours au grand exposé du 5,11-10,39 est absolument nécessaire, car l'auteur y développe largement sa pensée sur la valeur sans égale du sacerdoce et du sacrifice du Christ. C'est ainsi que les trois conséquences constitueront respectivement l'objet de notre préoccupation en cette sous-partie.

III.3.1. La transformation du Christ (v. 9a)

Le grand prêtre doit « offrir dons et sacrifices pour les péchés »(5,2). De même le Christ devrait comme tous les grands prêtres juifs remplir cette charge cultuelle pour être prêtre. Son sacrifice a consisté à offrir des « prières et des supplications », c'est à dire son être propre. Il s'est engagé lui-même dans une offrande douloureuse et suppliante à offrir toute sa personne, à travers la passion et la croix , à « celui qui pouvait le sauver de la mort ». On peut dire qu'il s'est offert lui-même en sacrifice sanglant sur la croix. Plus que le sacrifice aaronique qui était rituel, extérieur à celui qui offre ; celui du Christ est personnel et existentiel (cf. He 9,14). Jésus s'offre volontairement en victime sacrificielle (cf.1Cor 5,17). Ceci est manifeste concrètement dans son ministère à travers les paroles de l'institution de l'Eucharistie : « ceci est mon corps donné pour vous... ceci est mon sang...» (cf. Mc10,45, Mt26,26-28, 1Cor11) et son attitude à Gethsémani : « tout est accompli »(Jn 19, 30).

L'auteur utilise l'expression « s'offrir soi-même » (7,27) pour caractériser le don de sa personne dans la passivité. En effet par la façon de supporter les souffrances et la mort, le Christ a été extrêmement actif dans sa passion et il a réalisé une oeuvre de transformation positive qui dépasse en valeur la première création49(*). L'auteur traduit cette transformation par « ayant été rendu parfait ». Le Christ, suivant la logique de l'auteur est rendu parfait par Dieu du fait qu'il fut douloureusement éduqué à l'obéissance. L'acte de perfection est accueilli dans la passivité par le Christ. L'emploi du verbe « ôåëåéïù »par l'auteur au passif et dans la forme du participe aoriste retient notre attention.

L'aoriste est un temps qui marque le caractère ponctuel d'un évènement, sans idée de durée ni de continuité ni de répétition ni même le plus souvent de temps. Il indique ainsi que l'action se situe dans le passé et est considérée comme terminée. Ainsi l'acte de transformation du Christ est situé dans le passé. Il fut transformé par Dieu au moyen de la passion douloureuse. Le Christ se laisse modeler dans les mains de son père (sens du passif) en lui remettant son esprit.

Dire que le Christ s'est sacrificié lui-même, c'est aussi affirmer qu'il est à la fois la victime offerte dans la passivité et le prêtre qui officie activement. Telle est une réalité nouvelle pour la tradition aaronique car les prêtres israélites étant pécheurs ne pouvaient et n'étaient pas dignes de s'offrir eux-mêmes comme « victime sans tâche » (Ex 29,1 et Lv1, 3.10). Seul le Christ qui est « sans péché » (4,5) se trouve digne d'être une victime sacrificielle pouvant être agréable à Dieu. Aucun prêtre n'était aussi digne de faire monter jusqu'à Dieu cette offrande sainte. C'est ainsi que «  poussé par l'Esprit éternel, Jésus s'est offert lui-même à Dieu comme une victime sans tâche » (He 9,14). La mention de l'Esprit éternel par l'auteur nous rappelle la présence du feu de Yahwé qui symbolisait la consécration sacerdotale des prêtres aaroniques (cf. Lv 9, 24 ;1R18,38 ;2Ch7,1).

Pour l'auteur en fait, le vrai sacrifice est une réalisation qui dépasse les forces humaines, il y faut une intervention de Dieu qui transforme l'homme en lui communiquant sa sainteté. La transformation de Jésus est ainsi une oeuvre de l'Esprit. Pour VANHOYE, le fait que Jésus ait affronté les circonstances dramatiques dans la prière est un signe de la manifestation de l'esprit de Dieu. Ainsi, « suscitée et guidée par l'Esprit, la prière a ouvert la situation humaine à l'action de Dieu qui, par l'Esprit, a donné la victoire, à travers l'obéissance douloureuse »50(*). Pour lui, c'est l'esprit qui a inspiré une adhésion parfaite de Jésus à la volonté de Dieu et l'a porté à la solidarité fraternelle avec les hommes jusqu'à la mort. Dès lors, Jésus, par la force de l'Esprit Saint, est transformé de par son amour pour Dieu et pour les hommes. Ce qui montre qu'au-delà du sacrifice sanglant, le sacrifice du Christ est une oeuvre de l'Esprit Saint.

Et, c'est cette dimension spirituelle de l'offrande du Christ qui assure au sang du Christ le pouvoir d'agir au plus profond de l'homme, en purifiant les consciences, et en établissant une communion authentique avec Dieu. L'auteur trouve ainsi dans la transformation de Jésus, l'accomplissement de la prophétie de Jérémie 33,31-34 qu'il reporte en He8,8-12. Le sang de Jésus, de valeur expiatoire (cf.Mt26,28 ;He9,15), établit une alliance d'amour entre l'humanité et Dieu. Le sang du Christ versé sur la croix a aboli l'obstacle du péché, obstacle à l'existence d'une véritable alliance. Acte d'obéissance totale envers Dieu et de solidarité extrême envers les hommes, la mort du Christ introduit l'humanité dans la communion définitive avec Dieu et devient une source de « salut pour tous ceux qui lui obéissent »(5,9).

III.2. Le Christ, Rédempteur des hommes (v. 9b)

Le Christ est « rendu parfait » par une offrande personnelle que Dieu a agréée une fois pour toutes. « Il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent cause du salut éternel »(5,9). Son unique sacrifice remplace et surpasse tous les sacrifices anciens parce qu'il est transformation profonde de tout l'homme et de tout homme, sanctification non pas rituelle mais réelle. Par cette offrande personnelle, s'effectue un double mouvement de transformation : assimilation du Christ à l'homme par le biais d'une éducation douloureuse et une élévation de l'homme dans le Christ à la perfection. En effet, c'est par la souffrance que le Christ apprit l'obéissance de laquelle il fut rendu parfait par Dieu. Etant parfait, il peut offrir le salut. La souffrance du Christ et sa transformation sont pour tous ceux qui adhèrent à lui, la source du salut éternel.

En prenant notre condition par son incarnation, le Christ a pleinement assumé notre humanité dans des demandes et des supplications avec un cri très fort et des larmes. Il s'est fait l'un de nous en partageant notre condition, nos joies et nos peines. C'est ainsi « qu'il a poussé cette solidarité avec nous à tel point qu'en priant pour lui-même, il priait du même coup pour nous et qu'exaucé pour lui-même, il obtenait en même temps notre salut à nous. La transformation effectuée en lui n'est pas une transformation individuelle d'un homme isolé, elle est transformation de l'homme, communicable à tout homme »51(*). C'est dans cet optique que l'auteur présente le Christ comme celui qui a assuré le mieux la médiation sacrificielle par l'offrande de son corps une fois pour toutes. Il est ainsi capable de « rendre parfait » pour toujours ceux qui reçoivent par lui la sainteté(cf. He10,4). Tous sans exception peuvent bénéficier de ce salut par l'obéissance de la foi. « Il s'agit de chaque homme , parce que chacun a été inclus dans le mystère de la Rédemption et Jésus Christ s'est uni à chacun, pour toujours, à travers ce mystère »52(*). Cette Rédemption s'inscrit dans la ligne d'une nouvelle alliance annoncée par le Prophète Jérémie. Dieu en Jésus a écrit sa Loi dans le coeur de tout homme, au moyen de la mort obéissante et transformatrice de Jésus. En lui, qui est l'Agneau sans tache, nous sommes récréés et devenus capables par lui de vaincre les épreuves de la mort en disant : « Me voici, ô père, je viens faire ta volonté ! »(He 10,7).

Nous sommes entrés dans la dynamique oblative du don de nous-mêmes, grâce à lui par qui, un homme nouveau existe, formé dans l'adhésion parfaite à la volonté de Dieu. En nous, un coeur nouveau existe, un coeur d'homme transformé, «  rendu parfait » et totalement uni à Dieu et nos frères53(*). Tel est le sens de la Rédemption du Christ pour nous. La foi en Christ nous fait participer sans ambages à la victoire du Christ sur la mort. Elle nous ouvre un nouveau mode d'existence : une existence en Dieu à travers nos frères gouvernée, par la dialectique de l'Amour ; c'est ainsi que la foi nous fait participer au sacerdoce même du Christ, notre excellent Médiateur.

III.3.Le Christ, Excellent Médiateur

L'homme pécheur ne peut s'approcher de Dieu très saint sans une transformation profonde de son être. Il faut au préalable une consécration sacerdotale. L'auteur ici fait abstraction du rituel proposé en Lv 8,22-28 pour proclamer le Christ grand prêtre en citant l'oracle du Ps 110,4 : « Tu es prêtre à jamais selon l'ordre de Melchisédech » (He5,6.10). L'auteur cite ce psaume deux fois en notre péricope en 5,6 et 5,10. Il veut marquer non seulement, en y insistant, le type particulier du sacerdoce du Christ (unique et éternel) mais aussi et surtout la supériorité de son sacerdoce par rapport à celui d'Aaron (proclamé par serment). Le serment divin assure, en effet, une validité indéfectible au sacerdoce et à la médiation de Jésus : «Et dans la mesure où cela ne s'est pas réalisé sans prestation de serment. - Car, alors que les autres sont devenus prêtres sans prestation de serment, lui, c'est avec prestation de serment par Celui qui lui dit : le Seigneur jura et ne se dédira pas : tu es prêtre pour l'éternité - dans cette mesure, c'est d'une meilleure alliance que Jésus est devenu garant »( He 7,20-22).

Le sacerdoce du Christ trouve avant tout son fondement dans la « téleiosis », la transformation profonde de son être et avec lui de toute l'humanité. En effet, mu par la docilité totale envers Dieu et l'amour fraternel pour les hommes, le Christ a pris sur lui, jusqu'au bout, la condition humaine misérable pour la mener à sa perfection à travers son assimilation humiliante. Par la passion et la mort qu'il a accepté librement, il apprit l'obéissance et fut « rendu parfait » c'est-à-dire accrédité auprès de Dieu. Et, tous les hommes qui adhèrent à lui dans la foi, parviennent grâce à lui, au Salut. Le Christ glorifié étant éternellement assis à la droite de Dieu et intervenant efficacement pour le salut des hommes est donc le médiateur par excellence, « le grand prêtre qui nous convenait, saint, innocent immaculé, séparé des pécheurs et plus élevé que les cieux, qui n'a pas chaque fois besoin, comme les autres grands prêtres, d'offrir des sacrifices d'abord pour ses propres péchés, ensuite pour ceux du peuple. Cela, il l'a fait une fois pour toutes, en s'offrant lui-même » (7,26-27). Il fut consacré prêtre à travers la voie de la faiblesse de l'humiliation, pour enlever le poids de la faiblesse humaine et de la mort. Sa téleiosis est pour lui une consécration sacerdotale.

Son sacerdoce n'est pas comme celui des grands prêtres aaroniques, qui ne pouvait véritablement assurer la médiation. Dans le Christ, Fils de Dieu, incarné dans la chair et le sang, rendu parfait à partir d'une éducation douloureuse, la médiation est réalisée entre le niveau le plus bas de la misère humaine et les sommets jusqu'alors inaccessibles de la sainteté divine. Le Christ est donc un éternel médiateur, assurant un sacerdoce qui échappe à l'étroitesse des prescriptions mosaïques mais qui l'accomplit et l'ouvre à une perspective nouvelle selon le sacerdoce de Melchisédech. Dès lors, l'unique offrande du Christ suffit à tout : « elle est à la fois sacrifice de consécration sacerdotale pour lui-même et le sacrifice d'expiation des péchés pour tous les hommes, sacrifice qui fonde l'alliance et sacrifice d'action de grâces. Bref, elle remplace, en les surpassant, tous les sacrifices anciens, précisément parce qu'elle est transformation profonde de l'homme, sanctification non pas rituelle mais réelle »54(*).

En somme, au-delà des parallélismes entre les deux parties du texte : He 5,1-4 et He5,5-10, l'auteur présente le Christ comme le grand prêtre par excellence. Étant Fils de Dieu, il s'est anéanti en se faisant chair. Et au-delà de la faiblesse humaine, il a souffert jusqu'au scandale de la croix. De toutes ces souffrances aussi bien sociale, morale que physique, il est resté fidèle à Dieu, en les offrant dans les cris et les larmes, et fut exaucé. Il apprit ainsi l'obéissance et fut rendu parfait par sa résurrection. Bien que pour lui-même, il n'en avait pas besoin, c'est pour le genre humain qu'il fut transformé. Une téleiosis dont bénéficie tous ceux croient lui. Ainsi, assis éternellement à la droite du Père, le Christ est le grand prêtre, médiateur par excellence entre Dieu et les hommes. Se faisant un avec les hommes, il est devenu leur « Go'el », leur Rédempteur. L'Église par ses ministères, a le devoir de faire connaître à tous les hommes le salut obtenu en Jésus Christ.

CHAP IV :

LE MINISTERE PASTORAL COMME UN SERVICE DE LA MISERICORDE DE DIEU

Après ce parcours exégétique de He 5,1-10, il nous reste de voir l'impact du sacerdoce du Christ dans la vie de l'Église. En effet, par la transformation sacrificielle du Christ, un nouveau sacerdoce est inauguré. Il n'est pas une rupture totale avec le sacerdoce d'Aaron mais en est l'accomplissement. Le Christ qui n'est pas venu abolir, mais accomplir, (cf. Mt 5,17) a mené à sa perfection, c'est-à-dire selon le dessein de Dieu, le sacerdoce aaronique. En sa personne, il fut à la fois la victime et le prêtre. Par son sacrifice unique et éternel, tous les sacrifices de sang d'animaux ne trouvent plus leur raison d'être. Le Christ est devenu pour tous ceux qui croient en lui, la cause du salut éternel, et le Médiateur par excellence. L'Église, assemblée des fidèles du Christ, est la « maison spirituelle » où tous participent au sacerdoce du Christ en offrant avec et par lui leur personne dans la charité, icône de la communion trinitaire. Ainsi, partant d'abord du sacerdoce du Christ comme fondement de la ministérialité dans l'Eglise, nous spécifierons ensuite le ministère pastoral comme un instrument important de l'unique oeuvre du salut en Jésus Christ. Et c'est enfin alors que nous nous pencherons brièvement sur la figure du prêtre aujourd'hui dans la province ecclésiastique de Garoua, comme acteur et signe de la miséricorde divine en Jésus.

VI.1. De la sacerdotalité du Christ à la ministérialité de l'Église55(*)

La plénitude du sacerdoce du Christ se manifeste dans le changement de situation qu'il apporte aux hommes : « le droit reconnu d'entrer dans le sanctuaire par le sang de Jésus chemin nouveau et vivant , qu'il a inauguré à travers le voile, c'est-à-dire sa chair »(He 10,19-20). La passion du Christ l'assimile complètement à ses frères et fonde une nouvelle solidarité plus étroite entre lui et eux. Tous les peuples sont ainsi associés à son sacerdoce et peuvent offrir en lui un culte véritable : un culte qui consiste « à transformer l'existence même au moyen de la charité divine, vrai feu du ciel »56(*). Ce culte de la charité, cette transformation de l'existence n'est possible que grâce à la médiation sacerdotale du Christ, qui communique aux croyants la force purificatrice et rénovatrice de l'Esprit. C'est par le Christ et en lui que les croyants forment un peuple nouveau, une « assemblée des saints » : l'Église.

L'Église, née de la transformation du Christ et du don de l'Esprit, prend corps dans l'histoire comme ce à quoi la foi pascale donne lieu. De ce fait, elle est d'ores et déjà une réalité locale : elle naît et existe là où des hommes et des femmes accueillent l'Évangile comme Bonne Nouvelle de salut pour eux, le célèbrent, le partagent et l'attestent. Elle se construit dans une expérience de foi en Christ : seule voie d'accès à la transformation de l'existence.

Communauté de foi, l'Église prend source dans le ministère et le sacerdoce du Christ. Elle est le lieu et la médiation d'une présence nouvelle et sacramentelle du Christ. « Indissolublement liée à son Seigneur, elle reçoit constamment la grâce et la vérité, le gouvernement et le soutien, afin de pouvoir être pour tous et pour chacun «  signe et instrument de l'union intime avec Dieu et de l'unité de tout les genre humain ». »57(*) C'est dire que la Christ est l'unique grand prêtre de la nouvelle alliance, le prêtre toujours vivant qui continue inlassablement d'intercéder pour le genre humain. Il est le seul auquel le vocabulaire sacerdotal puisse être appliqué en rigueur de termes. Et cela même si le peuple de Dieu, l'Église reste le lieu privilégié où s'exerce son sacerdoce, et, donc, par ce biais, peut être qualifié de sacerdotal. Et cela aussi, même si les ministères multiples à l'oeuvre dans la communauté peuvent être qualifiés de sacerdotaux en tant qu'ils continuent l'oeuvre de Jésus apôtre, et assistent le peuple de Dieu dans sa grande marche de la terre jusqu'au ciel par la foi, l'espérance et la charité.

En tant que peuple sacerdotal, l'Église est au service de Dieu et du monde comme son Seigneur (cf. Mc 10,45 ;Mt 20,28 ;25,44 ; Ph2,7). Ce service du Père et des hommes, chacun des membres de l'Église est appelé à accomplir sa part, à la mesure des dons que Dieu lui a fait. St Pierre parlent de la participation de tous les fidèles « comme des pierres vivantes apprêtées à l'édification d'un édifice spirituel, pour un sacerdoce saint, en vue d'offrir des sacrifices spirituels, agréables à Dieu par Jésus Christ » (1P2,5). La foi est donc la nouvelle condition qui permet aux hommes, tout imparfaits qu'ils sont, d'exercer des fonctions sacrées et d'entrer comme prêtres au service de Dieu. Cette fonction sacrée est située dans l'aspect d'offrande existentielle qui consiste à ouvrir à l'action transformante de Dieu, l'existence personnelle et sociale des Chrétiens : Tel est le sens du sacerdoce commun.

Toutefois, à côté de l'aspect d'offrande, il y a l'aspect de médiation qui ne revient à proprement parler qu'au Christ : «  Dieu est unique, unique aussi le médiateur de Dieu et des hommes, le Christ Jésus, homme qui s'est donné en rançon pour tous » (1Tim2,5). Les textes du Nouveau Testament expriment les caractéristiques du ministère apostolique ou pastoral comme des instruments vivants du Christ Médiateur. Les « dirigeants » de He 13,7.17, les « presbytres » et les « pasteurs » de 1P 5,1-2 et l'apostolat de St Paul (cf. 2Co5,18 ;Rm15,16) révèlent que « le ministère apostolique et pastoral chrétien a pour fonction spécifique de manifester la présence active du Christ Médiateur, du Christ prêtre, dans la vie des croyants, afin que ceux-ci puissent accueillir explicitement cette médiation et transformer grâce à elle toute leur existence »58(*).C'est ainsi qu'au sein de la ministérialité de l'Église entière, émerge un ministère principal et structurant dont les apôtres sont, de par la volonté de Jésus, le prototype et la source secondaire. Ils sont donc les continuateurs de l'oeuvre du christ, comme représentants de toute l'Église, mais encore à un titre spécial comme ceux qui structurent et dirigent cette Église au nom de Jésus. Le ministère pastoral est donc la manifestation tangible de la médiation sacerdotale du Christ dont la tâche principale est d'établir et de favoriser la communion. Ce ministère, celui des prêtres en particulier, retiendra notre attention dans toute la suite de notre réflexion.

IV.2. Le ministère pastoral, instrument de l'oeuvre du salut en Jésus59(*)

Le ministère des prêtres s'inscrit directement dans le dynamisme de la sacramentalité de l'Église, c'est-à-dire dans une communauté de disciples appelée à être signe et témoin de la présence de Dieu parmi les hommes. Il est un service de la communion qui fait l'identité et l'authenticité de la mission de l'Église dans le monde. C'est ainsi qu'il est un ministère structuré en trois tâches principales qui forment une unité : le service de la parole, le service des sacrements et la responsabilité pastorale qui achève d'assurer l'unité, la cohésion et la communion ecclésiale.

IV.2.1. Le service de la parole

« Le peuple de Dieu est rassemblé d'abord par la parole du Dieu vivant qu'il convient d'attendre tout spécialement de la bouche des prêtres. Et puisque nul ne peut être sauvé sans avoir d'abord cru, les prêtres, comme coopérateurs des évêques, ont pour première fonction d'annoncer l'Évangile à tous les hommes ».60(*) Ce texte du Vatican II atteste bien que le ministère principal des prêtres est l'annonce de la Parole de Dieu. Ceux-ci annoncent une parole qui leur vient du Seigneur Jésus : «  il s'agit pour eux d'enseigner, non pas leur propre sagesse, mais la parole de Dieu, et d'inviter tous les hommes avec insistance à la conversion et à la sainteté »61(*).

Toutefois, être fidèle à la parole ne veut pas dire être « répétiteur ». Il s'agit pour les ministres de la parole d'être des témoins officiels convaincus et convaincants, de véritables propagateurs et messagers de la foi. Ce qui implique une exigence d'authenticité, de conformité avec la foi de l'Église, gardienne de la vérité sur Dieu et sur l'homme. L'annonce de la parole, sans trahir, nourrit et entretient la foi des chrétiens. Elle doit être une parole « capable d'atteindre et comme de bouleverser par la force de l'Évangile les critères de jugement, les valeurs déterminantes, les points d'intérêts, les lignes de pensée, les sources inspiratrices et les modèles de vie de l'humanité, qui sont en contraste avec la parole de Dieu et le dessein du salut »62(*). Pour que, l'annonce remplisse efficacement cette tâche, elle exige d'être soutenue par le témoignage de vie. « Dans tous les domaines, les prêtres ont moins à enseigner qu'à témoigner de Celui qui les fait vivre »63(*) observe Michel Mounier, car l'homme moderne est rassasié de discours, immunisé contre la parole, il a dépassé « la civilisation du verbe » et vit aujourd'hui dans « la civilisation de l'image », de l'exemple64(*)

IV.2.2. Ministère des sacrements

Le ministère apostolique et pastoral a pour fonction spécifique de manifester la présence active du Christ médiateur, du Christ prêtre dans la vie des croyants afin que ceux-ci puissent accueillir explicitement cette médiation et transformer grâce à elle toute leur existence. Cette manifestation est d'abord et avant tout l'oeuvre de l'annonce de la Parole qui suscite la foi. Une foi qui s'exprime par des signes existentiels efficaces que sont les sacrements. Les sacrements de l'Église sont dès lors des instruments par excellence de la médiation du Christ. Leur valeur provient uniquement de l'offrande existentielle du Christ, dont ils ne font qu'actualiser la présence. Ils donnent aux fidèles la possibilité d'adhérer pleinement, de corps et d'âme à cette offrande et de se laisser transformer par elle.65(*) Présidés par le ministre pastoral, représentant spécial du Christ en personne, les sacrements sont l'expression de foi de toute la communauté. Bien qu'agissant in persona Christi, le prêtre est au service de l'Alliance, il est chrétien avec les chrétiens, ministres ou serviteurs pour le peuple des baptisés.

C'est dans cette perspective que le ministre pastoral s'inscrit au sein et au service d'un peuple tout entier convoqué et envoyé comme un signe symbolique et efficace de la médiation sacerdotale du Christ. De ce point de vue, par les sacrements qu'il préside, le prêtre actualise et réalise « en la personne du christ tête »66(*) l'oeuvre rédemptrice du Christ et manifeste ainsi la miséricorde de Dieu pour le genre humain . C'est ainsi que par le baptême, les prêtres font « entrer les hommes dans le peuple de Dieu ; par le sacrement de pénitence, ils réconcilient les pécheurs avec Dieu et avec l'Église ; par l'onction des malades, ils soulagent ceux qui souffrent ; et surtout par la célébration de la messe, ils offrent sacramentellement le sacrifice du Christ »67(*).

Toutefois, l'eucharistie plus que tous les sacrements est le sommet et la source de toute la vie de l'Église. En tant qu'elle est mémorial sacramentel de la mort et la résurrection du Christ, représentation réelle et efficace de l'unique sacrifice rédempteur, elle est donc le principe, le moyen et la fin du ministère sacerdotal. Toute la vie du prêtre est sacramentellement une offrande, une hostie comme signe de l'amour gratuit de Dieu. « Puisque le ministre prêtre offre au Christ, prêtre souverain et éternel, son intelligence, sa volonté, sa voix et ses mains afin qu'à travers son ministère, il puisse offrir au Père le sacrifice sacramentel de la rédemption, il devra aussi faire siennes les dispositions du Maître et comme Lui, vivre comme don pour ses frères »68(*). Il est donc exigeant pour le ministre pastoral d'être un véritable témoin, un révélateur du visage miséricordieux du Christ au milieu de ses frères.

IV.2.3. La responsabilité pastorale

Les évangiles attestent clairement que Jésus a confié certains pouvoirs aux Douze. En Mt 10,40, Jésus affirme qu'à travers les disciples, c'est lui qu'on accueille. Ce qui signifie que leur autorité tire toute sa force du fait qu'ils représentent le Christ et que celui-ci agit en eux (cf. Mt 16,18-19). Évidement, il s'agit d'une autorité qui s'exerce comme service (cf.Mc10,45 ;Mt20,28) voire un esclavage. Cette autorité doit imiter celle de Jésus qui, tout Maître qu'il était, a lavé les pieds de ses disciples (cf. Jn 13,12-16), une autorité qui va à la recherche de la brebis égarée(Jn10,1ss).

Le prêtre est un pasteur, un berger (cf. Jn10,11) dont le rôle est de veiller à la communion d'amour entre les fidèles. « Il doit veiller à l'unité dans la foi et à la communion dans la charité »69(*). C'est donc une tâche qui demande de la patience, du renoncement à soi et une réelle maîtrise de son affectivité et de sa sensibilité. Le prêtre ne s'appartient pas, il vit et existe pour sa communauté : c'est pour elle qu'il prie, étudie, travaille et se sacrifie comme l'a fait le Christ pour son Église.

Le ministère des prêtres doit manifester que la communion reste toujours un don qui s'enracine dans la communion trinitaire et s'exprime dans une même foi, une même eucharistie, un même amour fraternel avec ce que cela suppose comme accueil de la diversité, de pardon et de la réconciliation. Les prêtres sont au service d'une communion toujours plus effective avec l'Église Universelle, avec l'évêque et son presbytérium, auquel ils sont liés par une « fraternité sacramentelle »70(*), entre les chrétiens et les différentes communautés locales. C'est un service total à tous et à chacun des membres de la communauté, « illuminant leur conscience avec la lumière de la vérité révélée, protégeant avec autorité l'authenticité évangélique de la vie chrétienne, corrigeant les erreurs, pardonnant, soignants les blessures, consolant les affligés et promouvant la fraternité »71(*)

IV.3. La figures du prêtre aujourd'hui dans la Province ecclésiastique de Garoua

IV.3.1. Prêtre, homme de relations

« Je suis venu pour qu'ils aient la vie et l'aient en abondance » (Jn 10, 10). Cette phrase de Jésus montre que tout le ministère de Jésus fut un service de l'homme pour que celui-ci ait la vie. La présence de Jésus au milieu de ses disciples témoigne qu'il n'est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude (cf. Mt 20, 28). Le prêtre qui agit en la personne et au nom de Jésus doit être lui aussi au service des hommes. Il s'agit pour lui d'être le levain qui fait lever la pâte d'amour au sein du peuple de Dieu. Et ceci se traduit de par son engagement radical pour la charité et la communion et par des contacts relationnels concrets. Il doit être prêt à se sacrifier comme le Christ pour le bien du peuple à lui confié et dire comme saint Paul : « ma vie aujourd'hui dans la condition humaine, je la vis dans la foi au Fils de Dieu, qui m'a aimé et s'est livré pour moi » (Ga 2, 20). Doux et humble de coeur, il doit savoir gérer les conflits sociaux.

De ce point de vue, il se veut un homme digne de confiance et prêt à dire comme son Seigneur : « Pardonne leur. Ils ne savent pas ce qu'ils font » (Lc23, 34). Le prêtre peut être ainsi comparer au « Jidim » du proverbe Tupuri : « Je kluu din jidim, a la jaare ne hen ti » ce qui veut dire « le chef de famille ou l'ancien est une poubelle, on lui jette dessus les saletés ».Le commentaire que donne le P. Silvano ZOCCARATO de ce proverbe révèle un sens sacerdotal à l'oeuvre de l'ancien ou du chef de famille. En effet, le Jidim est le lieu des ordures de l'enclos du chef de la famille et aussi en même temps, il est le lieu d'offrandes sacrificielles aux esprits. Comme ce lieu, le prêtre ou mieux l'ancien « doit tout accepter et donc être patient, sage, garder les secrets et rester toujours plein de préoccupations »72(*). En tant qu'homme de relation, le prêtre doit accueillir avec simplicité et douceur toutes les critiques et paroles proférées à son encontre et avoir pour seul souci la bonne marche de la communauté dont il a la charge de mener à bien. Il doit être aussi miséricordieux comme le père du fils prodigue c'est-à-dire accueillir avec bienveillance et amour tout membre de la communauté qui se montre rebelle ou récalcitrant. Le prêtre est donc celui qui se donne, qui cherche d'abord le bien de l'autre même au prix de sa propre vie : « Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis »(Jn 15, 13). Le prêtre peut être, dans cette condition et essentiellement dans le domaine religieux, rappeler l'image du Go'el juif pour sa communauté.

La présence du prêtre, au milieu d'un peuple aussi hétérogène qu'est la population de la province ecclésiastique de Garoua, devient interpellante, questionnante, appelant ainsi à un sens du dialogue, de relation de confiance. Son image doit faire penser à quelqu'un qui est digne de foi et de confiance, de quelqu'un qui comme Jésus « eut pitié des foules » (Mt 9,36) et fit miséricorde. Le prêtre est celui qui doit inspirer confiance et espoir non seulement des délaissés, des laissés-pour-compte, des marginalisés mais de tous ceux qui de prêt ou de loin l'approchent, ceux qui partagent avec lui ou non la même foi en Christ. De cette manière, le prêtre sera au milieu des différents peuples du Grand Nord du Cameroun comme un signe véritable du don de l'amour et de la miséricorde divine manifestés en Jésus dont le prêtre fait référence et rend témoignage.

IV.3.2. Le prêtre , un représentant sacramentel du Christ

« Moi , je suis la vigne, et vous les sarments. Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là donne beaucoup de fruits, car en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire » (Jn 15, 5). Le prêtre en tant qu'il est signe de la médiation sacerdotale du Christ doit rester « branché » sur le Christ, seule source de sa sève. Il doit être « identifié » au Christ vivant sacramentellement dans le monde. Il doit « représenter de manière spéciale le Christ en personne»73(*) pour reprendre les mots des pères du concile Vatican II. Agissant in persona Christi capitis74(*), toutes ses paroles, ses actions et sa vie doivent renvoyer au Christ. La détermination de ses convictions, la cohérence de sa pensée et surtout l'adéquation entre ses paroles et sa vie sont autant d'éléments nécessaires à sa personne et à son ministère. Notre temps, rappelons-le, a besoin des témoins actifs, des hommes de foi, des « évangiles vivants », des documents venant du Christ, écrits avec l'Esprit du Dieu vivant, que tous les hommes peuvent lire et connaître, pour reprendre les mots de saint Paul (cf. 2Cor3,2-3). Et toutes ces qualités ne sont obtenues que dans la foi, par grâce, en Celui qui nous invite à ne pas nous inquiéter : « ne vous tourmentez pas pour savoir ce que vous direz ni comment vous le direz : ce que vous aurez à dire vous sera donné à cette heure-là car ce n'est pas vous qui parlerez, c'est l'Esprit de votre Père qui parlera en vous »(Mt10,19-20).

Le prêtre est celui qui indique Jésus. Par lui, Jésus entre en dialogue avec tout homme, toute femme, tout enfant, tout vieillard. Il est l'instrument, le signe, le « sacrement » du Christ. C'est par son ministère dans l'Église, elle-même « Sacrement du salut », que le Christ exerce son sacerdoce éternel en prenant sur soi le fardeau de l'humanité pécheresse.. Le prêtre, représentant du Christ, doit dire comme saint Paul : « Je vis mais ce n'est pas moi, c'est le Christ qui vit en moi »(Ga 2, 20).

Demeurer en Jésus, c'est aussi être sa voix au milieu du monde. «Et tout ce que vous dites , tout ce que vous faites, que ce soit toujours au nom du Seigneur Jésus Christ, en offrant par lui votre action de grâce à Dieu le Père » (Col 3,17) nous dit l'apôtre des Nations. Le prêtre est l'apôtre, le prophète et le libérateur de notre temps. Il sert de courroie de transmission entre le Christ, véritable et unique Médiateur et Libérateur du genre humain. Ce rôle d'instrument peut être assimilé à la figure du Wan Sirri dans la culture Tupuri. En effet, le Wan Sirri (Chef du village ou de terre) assure le lien entre la vie, la religion et la tradition sans en être détenteur. Il est en quelque sorte l'instrument de la prospérité de la tribu parce qu'il veille, grâce aux sacrifices, sur « les principes de la vie et de la fécondité »75(*) sans prétendre avoir le pouvoir ou la possession. Le prêtre, au risque des limites de comparaison, peut de manière analogue être l'instrument de la paix, de la justice et voire du changement social. Il doit être une source d'espérance dans un Cameroun en proie à la corruption, à l'exploitation, aux inégalités qui gangrènent les différentes couches sociales

La force du prêtre loin d'être le recours aux sacrifices sanglants, est la configuration au Christ dans la prière. C'est par la prière douloureuse et suppliante que Jésus fut exaucé en raison de sa piété et fut rendu parfait. Accomplissant une fois pour toutes le sacrifice parfait qui unit l'homme à Dieu. Une perfection qui opère la transformation même de l'homme selon le dessein de Dieu. Représenter le Christ, c'est pour le prêtre participer avec lui dans la prière, au même baptême et boire à la même coupe (cf. Mc10,38-39).

IV.3.3. Le prêtre, l'homme de communion

L'origine de la communion ecclésiale réside dans la vie trinitaire. « Tous ceux qui sont au Christ et possèdent son esprit constituent une seule Église et se tiennent mutuellement comme un tout dans le Christ »76(*). C'est dans ce cadre que se comprend la prière de Jésus : « que tous soient un, en nous, afin que le monde croit que tu m'as envoyé »(Jn 17, 21). L'ecclésiologie de communion de Vatican II montre que tout est service dans l'Église. En elle, la communion se comprend comme don. Don du Père au Fils par le Saint Esprit, et don du Fils au Père dans l'Amour. Et de manière analogue, le Christ se donne à l'Église son Corps dans l'Esprit, et l'Église se constitue parce qu'elle se reçoit de manière sacramentelle du Christ, sa Tête.

De même le prêtre est au service de cette relation trinitaire à l'intérieur de l'Église. Il doit oeuvrer dans le Christ pour l'unité de l'Église : « je leur ai donné la gloire que tu m'as donnée pour qu'ils soient un comme nous sommes »(Jn 17, 22). Faire du peuple de Dieu, un peuple uni à son Seigneur d'une part et assurer les cohésion de tous les fils et filles de Dieu dans une communauté de frères d'autre part, telle est la tâche du ministère pastoral. Le prêtre de la province ecclésiastique de Garoua doit en raison de la multiplicité des religions dans cette partie du Cameroun incarner le sens de la communion. Tous, musulmans, chrétiens catholiques, orthodoxes ou protestants, ceux des religions traditionnelles, nous sommes tous les fils d'un même Père. Partir de cela comme base de son ministère, c'est être le signe de la miséricorde apportée par le sacrement de l'humanité même du Christ. Être l'homme de la communion, c'est être capable de « re-lier » les individualités par la loi de l'amour et être le révélateur, « l'homme de Dieu », le représentant sacramentel du Christ Pasteur de tout le genre humain77(*). Le prêtre doit pour cela être le rassembleur, le conciliateur, le miséricordieux et le prophète.

CONCLUSION GENERALE

Au terme de cette analyse, il est judicieux d'éprouver un sentiment d'émerveillement devant l'excellence dont l'auteur de l'épître aux Hébreux éclaire le problème du sacerdoce du Christ. Loin d'être un terme galvaudé à reléguer aux oubliettes, le sacerdoce revêt aujourd'hui pour nous, comme à ces chrétiens désorientés et menacés de découragement à qui s'adresse l'épître, un contenu nouveau qui est la contemplation profonde du mystère du christ, unique prêtre. Il n'est qu'à comprendre que par rapport au ministère et au sacrifice du Christ.

Au coeur d'un monde qui se veut planétaire il est aussi urgent de faire du sacerdoce un terme planétaire. De multiples idoles sociales ou des pseudo-divinités auxquelles des cultes sont rendus ( culte de sang d'animaux ou d'hommes, culte au matériel, culte au pouvoir) pour un mieux-être, un mieux-vivre. La méditation de l'épître aux Hébreux est plus que jamais nécessaire pour notre monde. Le sacrifice du Christ, qui au moyen de la souffrance et de la mort fut rendu parfait, doit pour nous être l'unique référence pour être de véritables humains. Par ce sacrifice, nous sommes invités à assumer en lui notre condition d'être limités, fragiles et donc voués à la souffrance et à la mort. Chercher à fuir la souffrance, c'est refuser d'être créature et se hisser au panthéon de la divinité : Erreur ! Le Christ qui « aux jours de sa chair, ayant offert, demandes et supplications, à celui qui pouvait le sauver de la mort, avec un cri puissant et des larmes, ayant offert et ayant été exaucé du fait de son profond respect, bien qu'il fût fils, apprit, de ce qu'il souffrit, l'obéissance et ayant été rendu parfait, il devint pour tous ceux qui lui obéissent cause du salut éternel » (He5,7-9). La destinée commune à tous les hommes est la mort qui ne peut être séparée de la souffrance. Chercher à éviter la souffrance, c'est refuser d'être homme. Et l'homme parfait est celui qu participe au sacrifice du Christ en faisant de la souffrance une voie du salut. Tel est le sens du sacerdoce du Christ et donc du sacerdoce chrétien. Faire de sa vie une offrande, une hostie à Dieu par le Christ, c'est croire que la vie vaut la peine d'être vécue. C'est accepter la vie comme un don. Un don à recevoir et à donner avec amour au milieu de « frères » eux- aussi participants de l'unique don en Dieu.

Les multiples interrogations sur la question du sacerdoce et son importance témoignent d'une crise identitaire, d'un égarement ou mieux d'une perte du sens même de la vie. « D'où viens-je ? Pourquoi suis-je ?Où vais- je ? comment y aller ? » telles sont des inquiétudes que nous devons nous poser. L'Épîtres aux Hébreux est une excellente réponse à ces questions sur l'Être. Nous sommes faits pour Dieu et nous allons à lui. Dans une marche commune, nous y allons mains dans la mains avec le Christ qui nous y conduit, Médiateur par excellence entre nous et Dieu. Sur la route certes, il y a des épreuves que nous devons surmonter en Jésus vainqueur qui nous fait participer à sa victoire.

Dans cette marche qui se veut commune, tous les hommes sont concernés. C'est pourquoi tout prêtre doit être le signe de Dieu au milieu du monde désorienté, déboussolé. Le prêtre n'est pas à comprendre comme un homme du sacré, séparé du reste des hommes, un homme fait uniquement pour le sacrifice, mais un homme qui représentent le Christ, qui agit sacramentalement in persona christi. Un homme, choisi spécialement pour servir à la communion, à la cohésion entre les fils et filles de Dieu.

Parvenu à la fin de cette recherche scientifique, signalons que la tentative d'inculturation du ministère sacerdotal dont nous avons fait mention au chapitre IV n'a pas été l'objet de notre travail, mais elle reste tout au moins un terrain à déblayer et à exploiter.

BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE

A - Encyclopédies et Dictionnaires

1. Catholicisme Hier Aujourd'hui Demain, t XIII, Paris, Letouzey et Ané, 1990

2. Encyclopédia Universalis, t XIII, Paris, 1996

3. LEON DUFFOUR X, Vocabulaire de Théologie biblique, Paris, Cerf, 1981

4. LEON DUFFOUR X., Dictionnaire du Nouveau Testament, Paris, seuil, 1975

B - Bible (Versions)

1. Bible de Jérusalem, Les Éditions du Cerf , 2001

2. Bible TOB, Version intégrale, Paris, cerf, 1994

3. Nouveau Testament interlinéaire grec/ français, trad. « Bible TOB » et « Bible français courant » par Maurice Carrez, Société biblique française,1993

C - Ouvrages cités

1. AUGUSTIN, Confessions, Paris, Libriolle, 1969

2. BORSIRVEN J, St Paul, Épître aux Hébreux, coll. Verbum salutis t. XII, 2e , Paris, Beauchesne, 1953

3. DILLENSCHEIDER C, Le Christ, l'unique prêtre et nous ses prêtres : les fondements dogmatiques de notre spiritualité sacerdotale, t. I et II, Paris, Alsatia, 1960

4. FERLAY P, Le Christ prêtre, lecture de l'épître aux Hébreux, coll. Prier 15 jours, Paris, Nouvelle Cité, 1990

5. GILSON G, Les prêtres, la vie au quotidien, Paris, Desclée de Brouwer, 1990

6. GRELOT P., Dans les angoisses, l'espérance, coll. Parole de Dieu, Paris, Seuil, 1983

7. MOUNIER M. et TORDI B, Les prêtres..., Paris, Éditions de l'Atelier/Éditions Ouvrières, 1994

8. PHILIPPE M.- D., Un seul Dieu, tu adoreras, Coll. je sais et je crois, n°16, Paris, Librairie Arthème Fayard, 1958

9. ORIGÈNE, Homélies sur les Lévitique II, coll. Sources Chrétiennes n°287, Paris, Cerf, 1981

10. VANHOYE. A, Prêtres anciens, Prêtre nouveau selon le Nouveau Testament, Paris, Seuil, 1980

11. ZOCCARATO S, Le beau cheval mange la corde, Éditions PIME, 2005

12. ZOCCARATO S., L'univers culturel toupouri, Guidiguis, 1992

- Documents du Magistère

1. Congrégation pour le clergé, Directoire pour le ministère et la vie des prêtres, Paris, Éditions du Centurion, 1994

2. JEAN PAUL II, Exhortation apostolique post-synodale « Pastores dabo vobis », in DC n°2050, (1992)

3. JEAN PAUL II, Redemptoris Missio,Ottawa, éd. Paulines, 1991

4. PAUL VI, Exhortation apostolique Evangelii Nuntiandi, Éditée par la sacré congrégation pour l'Évangélisation des peuples, 1975

5. VATICAN II, « Lumen gentium », « Presbyterorum Ordinis), Ies seize documents conciliaires, coll. La pensée chrétienne, 2éd , Montréal&Paris, Fides, 1967

-Collections Évangile, Paris, Ligue Catholique de l'Évangile
1- NOVEL, Le Christ, notre rançon, n°25, 1957
2- OSTY C et HERIS, Jésus prêtre unique He 4,14-10,25, n°53, 1964

-Collections Cahiers évangile, Paris, éditions du Cerf

1. AUNNEAU J., Le sacerdoce dans la Bible, n°70, , 1990

2. GOURGES M., Jésus devant sa passion et sa mort n°30 1979

3. MASSONNET J et Al, Le sacrifice du Christ et des Chrétiens, n° 118 2002

4. VANHOYE A, Le message de l'épître aux Hébreux, n°19 1977

D - Ouvrages importants

1. BOUESSE H, Théologie et sacerdoce, Chambéry, Collège théologique dominicain, 1938

2. BOUYER L, Sens de la vie sacerdotale, Desclée, Paris, 1960

3. CADOR G., « consacrés ...pour le service... », retraite de préparation au diaconat, Mokolo, village de l'Amitié, juin 2004

4. CHALENDAR X (de), Le prêtre hier, aujourd'hui et demain, coll. L'horizon du croyant n°7, Paris, Desclée, 1988

5. Commission internationale de théologie, Le ministère sacerdotal, Paris, Cerf, 1971

6. DIDIER R, Le ministère sacerdotal, Lyon, Profac, 1970

7. DORÉ J, et LUNEAU R et Al, Pâques africaines d'aujourd'hui, coll. Jésus et Jésus-Christ n°37, Paris, Desclée, 1989

8. FEUILLET A, Le sacerdoce du Christ et ses ministres, Paris, éd. de Paris, 1972

9. GRELOT P, Jésus de Nazareth christ et Seigneur, t II, coll. Lectio Divina, Paris, Cerf, 1988

10. SALET G, Trouver le Christ, Paris, Editions Xavier Mappus, 1955

TABLE DES MATIERES

REMERCIEMENTS ii

INTRODUCTION GENERALE 1

CHAPITRE I : CONSIDERATIONS PRELIMINAIRES 3

I.1. L'homme dans l'aventure religieuse 3

I.1.1. L'idée du sacerdoce dans l'Ancien Testament 4

I.1.2. Définition de la notion de sacerdoce 5

I.2. L'épître aux Hébreux 6

I.2.1. Auteur 6

I.2.2. Destinataires 6

I.2.3. Contenu 7

I.2.4. Structure de l'épître 7

I.3. Situation contextuelle de He 5, 1-10 8

I.3.1.Contexte antécédent 8

I.3.1.1. Contexte lointain 8

I.3.1.2. Contexte immédiat. 10

I.3.2. Contexte subséquent 10

I.3.2.1. Contexte immédiat 10

I.3.2.2. Contexte lointain 11

I.4. Genre littéraire 12

CHAPITRE II : LE SACERDOCE DANS LE DESSEIN DE DIEU (5,1-4) 15

II.1. Institution du sacerdoce (vv. 1a.4) 15

II.1.1. Le grand prêtre, un homme pris du milieu des hommes (He5,1a) 15

II.1.2. Le grand prêtre, un ambassadeur des hommes auprès de Dieu (5,1b) 16

II.1.3. Le grand prêtre un homme choisi par Dieu (v.4) 18

II.2. Les fonctions du grand prêtre (vv.1c-3) 20

II.2.1. La fonction d'enseignement 20

II.2.2. Les fonctions sociales 21

II.2.3. La fonction cultuelle 22

II.2.3.1. Le sacrifice 22

II.2.3.2. L'holocauste 23

II.2.3.3. Le sacrifice de communion 23

II.2.3.4. Les sacrifices pour les péchés 24

II.3. L'espérance eschatologique d'un messianisme sacerdotal 26

II.3.1. Les prophètes 26

II.3.2. La communauté de Qumran 27

II.3.3. Testaments des Douze patriarches 27

CHAP III : LE CHRIST, GRAND PRÊTRE MISERICORDIEUX (He 5, 5-10) 29

III.1. La sacerdotalisation du Christ (He5,5-6) 29

III.1.1. L'humilité du Christ 30

III.1.2. Le sacerdoce unique du Christ, Fils de Dieu 30

III.1.3. Le Christ, prêtre éternel à la manière de Melchisédech 31

III.2. Le sacrifice du Christ : accomplissement du sacerdoce (vv. 7-8) 33

III.2.1. Jésus, révélateur de la miséricorde divine. 33

III.2.2. Une offrande dramatique et suppliante 34

III.2.3. La souffrance du Christ : éducation à l'obéissance 36

III.3. Le sacrifice du Christ comme acte rédempteur (vv. 9-10) 38

III.3.1. La transformation du Christ (v. 9a) 38

III.2. Le Christ, Rédempteur des hommes (v. 9b) 40

III.3.Le Christ, Excellent Médiateur 41

CHAP IV : LE MINISTERE PASTORAL COMME UN SERVICE DE LA MISERICORDE DE DIEU 44

VI.1. De la sacerdotalité du Christ à la ministérialité de l'Église 44

IV.2. Le ministère pastoral, instrument de l'oeuvre du salut en Jésus 46

IV.2.1. Le service de la parole 47

IV.2.2. Ministère des sacrements 48

IV.2.3. La responsabilité pastorale 49

IV.3. La figures du prêtre aujourd'hui dans la Province ecclésiastique de Garoua 50

IV.3.1. Prêtre, homme de relations 50

IV.3.2. Le prêtre , un représentant sacramentel du Christ 51

IV.3.3. Le prêtre, l'homme de communion 53

CONCLUSION GENERALE 54

BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE 56

TABLE DES MATIERES 58

* 1Cf. PHILIPPE M.- D., Un seul Dieu, tu adoreras, Coll. je sais et je crois, n°16, Paris, Librairie Arthème Fayard, 1958, p. 11

* 2 PHILIPPE M.- D., op. cit., p. 11

* 3 AUGUSTIN, confessions, Livre I, 1-2, Paris, Libriolle, 1969, P. 3

* 4 Cf. PHILIPPE M.-D., Op. cit., p. 9

* 5 VANHOYE A., Prêtres anciens, Prêtre nouveau selon le Nouveau Testament, Paris, Seuil, 1980, pp. 35-36

* 6 VANHOYE A., Le message de l'épître aux Hébreux, Coll. Cahiers Évangile n°19, Paris, Cerf, 1977, p 10

* 7 cette structure est du P. Albert VANHOYE dans Cahiers Évangile n° 19, Pages médianes.

* 8 VANHOYE A., Op. cit., p. 111

* 9 Ibid. p. 113

* 10 VANHOYE A, op. Cit, pp. 126-127

* 11VANHOYE A., op. cit., p.133

* 12 VANHOYE A., Op. Cit., p. 247

* 13 VANHOYE A.,  Le message de l'épître aux Hébreux  Coll. Cahiers Evangile, n°19, Paris, Cerf, 1976, p.7

* 14 Ici, nous nous inspirons du texte de VANHOYE dans Cahiers Evangile au n°19, p. 20

* 15 LEON-DUFOUR, Dictionnaire du NT, Paris, seuil, 1975

* 16 GESLIN C., Jésus, apôtre de Dieu et prêtre des hommes, Épîtres aux hébreux, Coll. La demi-heure d'Écriture Sainte, 5è série, Rouen, 1927, p. 5

* 17 cf. Ex 29,4-9 ;40,12-15

* 18 VANHOYE A, op. cit., p 90.

* 19 DILLENSCHNEIDER C, Le christ, l'unique prêtre et nous ses prêtres, t.1, Paris, Alsatia, 1960, p.38

* 20 VANHOYE A, in Cahiers Évangile n°19, op. cit., p. 40

* 21 ORIGÈNE, Homélies sur le Lévitique II, coll. sources chrétiennes, n°287, Paris, Cerf, 1981, p. 73

* 22 VANHOYE A, op. cit. P.141

* 23 AUNEAU J, op. cit., p. 39.

* 24 FLAVIUS, Antiquités juives XX, 224-227 cité par AUNEAU J., op.cit., p.38

* 25 AUNEAU J., op.cit., p.41

* 26 LOISY A., Essai historique sur le sacrifice, Nourrit, Paris, 1920, cité in Encyclopédie Universalis,tXIII, Paris, 1996

* 27 OSTY C. et HERIS,  Jésus le prêtre unique - Épître aux Hébreux 4,14-10,25, Coll. Évangile n°53, Paris, ligue catholique de l'Évangile, 1964, p.16

* 28 MASSONNET J., « Le sacrifice dans le Judaïsme » in COLLECTIF, Le sacrifice du Christ et des Chrétiens,, Coll. Cahiers Évangile n°118, Paris, cerf, p.5

* 29 Cf. ORIGÈNE, Op. cit., p.169

* 30 VANHOYE, Op. cit., P.53

* 31 Bible TOB, version intégrale, Paris, cerf, 1994, note titre de Lv16

* 32 MASSONNET, op. cit., p 9

* 33 cf. Mt 21,12-17 ; Mc11,15-17 ; Lc19,45-46 ; Jn2,13-20

* 34 cf. QSIX, 10-11 (Règle de la communauté de Qumran Grotte I) cité par VANHOYE A, Op. cit.,p. 61.

* 35 cf. Testament de Ruben VI,8 in VANHOYE A., Op cit., p. 63.

* 36 cf. Testament de Siméon VI, 1-2, in VANHOYE , op.cit., p. 64.

* 37 Cf. Testament de Lévi, XVIII, 1-3 in VANHOYE op. cit., p. 64.

* 38 VANHOYE A, op. cit., p180

* 39 VANHOYE A, op. cit., p 46

* 40 VANHOYE A, op. cit., p179

* 41 Ibidem

* 42 cf. aux notes de cours de Christologie du P. Luciano BORDIGNON (2003)

* 43 GRELOT,P., Dans les angoisses l'espérance, coll. Parole de Dieu, Paris, seuil, 1983, p.208

* 44 VANHOYE A, op. cit., P.149

* 45 VANHOYE A, op. cit., P.150

* 46 BONSIRVEN J., op. Cit., p. 272

* 47 VANHOYE A, op. cit., P.149

* 48 VANHOYE A, op cit., p. 151

* 49 VANHOYE A,. op cit . p. 222

* 50 VANHOYE A., op cit, p 224

* 51 VANHOYE A.,Op cit p.154

* 52 JEAN PAUL II, Redemptoris Hominis, n°13

* 53 cf. VANHOYE, Op cit, p. 246

* 54 VANHOYE A., op. cit., p 165.

* 55 Nous nous sommes inspirés des notes de cours sur l'ecclésiologie du P. Luciano BORDIGNON (2004)

* 56 VANHOYE A. , Op. cit, p.249

* 57 Congrégation pour le clergé, Directoire pour le ministère et la vie des prêtres, Paris, Centurion, 1994, p. 7

* 58 VANHOYE A., Op cit., p.347

* 59 Nous nous sommes aussi servis des notes de cours sur la théologie sacramentaire du P. Luciano BORDIGNON (2005)

* 60 VATICAN II, Presbyterorum Ordinis, 1965, n°4

* 61 Ibidem

* 62 PAUL VI, Evangelii nuntiandi, 1975, n°19

* 63 MOUNIER M, et TORDI B, les prêtres, Paris, les Editions de l'Atelier/Editions Ouvrières, 1994, p 205

* 64 cf. JEAN PAUL II, Redemptoris Missio, 1991, n°44

* 65 VANHOYE A., Op. cit, p.256

* 66 VATICAN II, Presbyterorum ordinis, n°2

* 67 Ibid, n°5

* 68 Congrégation pour le clergé, Op. cit., p. 50

* 69 GILSON G., Les prêtre, vie au quotidien, Paris, Desclée de Brouwer,1990, p. 163

* 70 VATICAN II., Presbyterorum ordinis, n° 8

* 71 Congrégation pour le clergé, Op. cit., p.57

* 72 ZOCCARATO S., Le beau cheval mange la corde, Editions P.I.M.E, 2005, p. 48

* 73VATICAN II , Presbyterorum ordinis, n°13

* 74 Ibid, n°2

* 75 ZOCCARATO S., L'univers culturel toupouri, Guidiguis, 1992, p. 24

* 76 VATICAN II, Lumen gentium, n° 49

* 77 cf. JEAN PAUL II, Pastores dabo vobis, 1992, n°15






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