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à‰thique et pratiques communicationnelles de l' à‰glise Catholique pour la pacification de l'espace public au Burkina Faso

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par Anicet J. Laurent QUENUM
Université Cheikh Anta Diop de Dakar - Maà®trise en sciences de l 2002
  

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2.2 Les limites de l'archidiocèse en matière de communication : toute information est-elle publiable ou diffusable ? Toute vérité est-elle bonne à dire ?

Au sein de toute l'Eglise catholique et d'un diocèse à un autre, les réponses à ce type de questions ne varient pas dans le fond. Le diocèse de Bobo Dioulasso reste solidaire de la ligne tracée par Paul VI, (Communio et Progresso, 42) qui indique que : «...le droit de l'information a cependant ses limites. La réputation des personnes et des sociétés doit être préservée et l'information ne saurait se confondre avec l'indiscrétion. Bien des secrets sont légitimes : secrets des individus et des groupes, en particulier, des familles, qui ont droit à leur vie privée, secrets professionnels, secrets d'intérêt public. Quand le bien commun est en jeu, l'information exige du tact et de la prudence »34(*).

Une autre équation à résoudre est celle de l'éducation des familles à la communication. Elle renvoie les parents à la délicate question de l'attitude à tenir vis-à-vis de leurs enfants installés devant un poste de télévision projetant des images obscènes. En clair, que doit la famille lorsque la télévision projette telle ou telle image impudique, choquante ou trop osée ? L es uns suggèrent qu'il faut mettre le holà. D'autres jugent cette réaction insuffisante et proposent qu'on aille plus en manifestant sa désapprobation, son indignation, son dépit aux animateurs ou chefs de programmes de ces stations à travers des groupes de lobbying.

Est-ce le souci de la neutralité poussé à l'extrême qui justifierait que certains médias soient devenus si peu sensibles aux valeurs éthiques ? Est-ce l'obsession du « tout information » qui amènerait d'autres médias encore à ériger le soupçon et l'extrapolation en modalités de collecte de l'information ?

Autant de déviances que récuse, au nom de l'humanité, Mgr Anselme SANON de l'archidiocèse de Bobo-Dioulasso : « certains utilisent des grilles de lecture ou d'écriture qui sont immorales et c'est déjà au niveau de cette intentionnalité qu'il y a quelque chose de répréhensible ». Ce tableau peu glorieux, il est vrai, n'occulte pas que dans certains cas, ces technologies peuvent aussi aider à saisir les différentes dimensions de l'existence. Allusion à certains films où grâce à une certaine façon de présenter, on entre graduellement dans l'intériorité d'un peuple à travers une façon de projeter le réel.

Ce qui est donc en cause pour l'archidiocèse de Bobo-Dioulasso, c'est moins le souci d'une information complète et détaillée que l'absence d'un filtre éthique dans le traitement et la diffusion de l'information. Tout de qui est permis à la collecte ne l'est pas forcément à la diffusion. « L'idéal, s'il en est, serait de pouvoir tout montrer dans le respect des valeurs dont le public est imbibé et par rapport auxquelles la technique n'est pas supérieure. Car, une technique n'est rien d'autre qu'un instrument entre les mains d'une personne qui doit se respecter et respecter les autres », réaffirme l'archevêque de Bobo-Dioulasso. A ce sujet, les réflexions de P. VALANDIER dans son ouvrage « Inévitable morale » résonnent comme une sentence lorsqu'il écrit qu' « en deçà des morales élaborées, l'interdit de tout dire constitue le foyer à partir duquel peut se déployer une déontologie de l'information ... »35(*).

Il en découle par exemple que si vraiment, un artiste veut exprimer le Beau, que ce soit dans l'expression littéraire ou à travers l'image, qu'il sache que sa responsabilité première, c'est de donner à voir ce qui a une résonance humaine. Car, en voulant reproduire une image, il peut arriver que celle-ci soit choquante, blessante et immonde ; alors, ce n'est donc pas sur cela que le communicateur doit braquer sa caméra.

A cet égard, l'exemple de l'excision est assez éloquent et là-dessus, voici le témoignage de Mgr Anselme T. SANON : « depuis des années 66, je m'élevais contre l'excision. Ces dernières années, tout le monde a embouché la trompette de la lutte anti-excision. La télévision s'en mêle. Alors, au début, les médias nous montraient la fillette qui venait de subir ce traumatisme. Petit à petit, la caméra s'est approchée. Finalement, moi je pense qu'il faut attaquer ces caméras. Parce que, l'on ne peut pas comprendre qu'il y ait une séance d'excision et plutôt que d'empêcher que le crime se produise, l'on se plaise à le filmer ».

Cet exemple n'est pas isolé et rappelle par ailleurs cette image qui a fait le tour du monde montrant l'horrible scène d'un jeune américain se tordant de douleur sous l'assaut d'un chien. La scène a été filmée dans toutes ses séquences pendant de longues minutes. Le caméraman qui a pris du plaisir à filmer cette horreur sans chercher à aller au secours de l'être en souffrance n'est-il pas aussi complice, s'interroge-t-on.

Qu'on ne s'y méprenne donc pas ; il n y a manifestement des limites à la communication. D'abord, il y a lieu de bien réaliser qu'elle ne pourra jamais faire résonner le tout de l'existence humaine et sociale. Aussi, faut-il qu'elle soit modeste dans son ambition d'informer le monde au risque de continuer à relayer des choses sans dimension. Sans dimension parce qu'on finira par se demander ce que poursuit celui qui émet ou reproduit de telles énormités. La leçon, c'est de ne point chercher à tout matérialiser. Rien de ce qui concerne l'homme ne mérite d'être réduit uniquement à sa dimension matérielle. En revanche, et l'archidiocèse de Bobo-Dioulasso ne s'y trompe pas lorsqu'il recommande de ne pas, non plus, édicter trop de règles à l'encontre de la communication. Il ne faut pas l'étouffer ; il faut faire appel à la conscience humaine. Question de dosage donc pour faire en sorte que la liberté de la communication ne devienne liberticide pour les nombreux autres acteurs de la société.

Puisque la communication est aussi souvent politique, intéressons-nous au cas d'un leader politique qui exprime le souhait de se présenter aux élections. Et tout d'un coup, on exhume un dossier pour l'abattre politiquement, soit disant que c'est au nom de la liberté de la communication. Aux yeux de l'Eglise, un tel usage de la communication est malsain et pervers. Car, encore une fois, l'intention est nocive. En le faisant, on crée une opinion qui, en fait, n'est plus libre. Or, la communication a pour vocation première d'informer ; mais d'informer en permettant à chacun de conserver et de faire agir sa liberté d'appréciation par rapport à une situation. Le cas de la Radio « mille collines » lors du génocide rwandais est encore frais dans nos mémoires pour nous convaincre de la nécessité d'une démarcation radicale à opérer entre l'information tout court et l'information à des fins de mobilisation, de manipulation ou de subversion.

Et comme pour donner à méditer aux professionnels de l'information, le professeur Oumar DIAGNE suggère ceci « quand une information, bien que vraie, vérifiée et vérifiable risque de déstabiliser la nation au sens profond du terme, ou de compromettre fatalement l'ordre républicain, il serait inintelligent de la livrer en toute légèreté ... »36(*).De même que toute connaissance n'est pas profitable, toute vérité n'est également pas bonne à dire. Il y a d'abord la façon dont elle est dite et ensuite l'intentionnalité de la personne qui l'a dit par rapport au bien de l'autre et de la société. A ce sujet, communio et progressio signale que « la bonne volonté et les intentions pures bien qu'indispensables à la morale journalistique ne suffisent pas. Les communicateurs sociaux doivent traiter l'information en se préoccupant du public. Les différences de cultures, de traditions, de sensibilités doivent être respectées. »37(*)

* 34 Paul VI, communio et progressio,p.42

* 35 C.DEBBASCH et J-M, PONTIER, introduction à la politique, 4ème édition, Dalloz, 1995, p.238

* 36 Article sur « journalisme et développement » in Quaderni, n°36, 1998, p.39

* 37 UCIP, Pour une société de communication, Editions cana, 1981, p.55

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille