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Le décrochage scolaire: du contrôle social aux logiques de solidarité entre les différents intervenants

( Télécharger le fichier original )
par Antonio Rizzo
Université catholique de Louvain - Master en sciences de l'éducation 2010
  

Disponible en mode multipage

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FACULTÉ DE PSYCHOLOGIE
ET DES SCIENCES DE L'ÉDUCATION

INSTITUT DE FORMATION EN SCIENCES
DE L'ÉDUCATION POUR ADULTES - FOPA

Le décrochage scolaire: du contrôle social aux logiques de solidarité entre les différents intervenants

PROMOTEUR : Vincent DUPRIEZ

ACCOMPAGNATEURS : Luc ALBARELLO

Laurence GERARD

Louvain-la-Neuve
(Janvier 2010)

MÉMOIRE PRÉSENTÉ EN VUE DE L'OBTENTION DU GRADE DE MASTER EN SCIENCE L'ÉDUCATION

PAR

Antonio Rizzo

« Il m'a semblé qu'en ces temps d'incertitudes, lorsque le passé se dérobe et que l'avenir est indéterminé, il fallait mobiliser notre mémoire pour essayer de comprendre le présent. » (Robert Castel, 1975).

« Vous n'imaginez qu'à peine ce que cela réclame comme efforts et de temps que de mettre sur pied la méthode, les classifications, la terminologie rigoureuse et appropriée. » (E. Kant, 1773).

Je tiens à remercier l'Université Catholique de Louvain-la-Neuve, et plus particulièrement la FOPA, qui m'ont permis de me former tout au long de ces trois années d'études et m'ont apporté un nouveau regard sur ma pratique professionnelle et des nouvelles perspectives d'avenir.

Je remercie également mon promoteur, Vincent Dupriez, pour sa patience et ses commentaires judicieux tout au long de la construction de ce mémoire, ainsi que mon accompagnateur Luc Albarello, pour son soutien et ses conseils méthodologiques. Aussi, un grand merci pour l'aide et le soutien de mes lectrices externes, Laurence Gérard et Nathalie Soggia.

Une montagne de mercis à mon épouse, Vanessa Aiera, et à ma fille, Norah Rizzo, qui ont été un moteur hors du commun durant ces trois années. Enfin, une pensée particulière pour mon défunt père, Stefano Rizzo, ainsi que pour ma mère, Michèle Cristino, auxquels je dédie ce travail.

Le décrochage scolaire: du contrôle social aux logiques de solidarité

entre les différents intervenants 1

Introduction générale 5

Première partie : Construction de l'objet de recherche 8

Chapitre 1 : Le décrochage scolaire ou la fabrication d'un nouveau problème social ? 8

1 Introduction 8

2 Le décrochage scolaire : sujet politique, économique et social 8

3 Le décrochage scolaire : sujet de contrôle et d'insécurité 14

4 Critique sur le décrochage scolaire 17

5 Conclusion 19
Chapitre 2 : Le décrochage scolaire ou l'émergence de nouveaux dispositifs en Communauté

française de Belgique 20

1 Introduction 20

2 Les décrets et normes étatiques qui balisent les opérateurs sociaux traitant le décrochage

scolaire en Communauté française 21

2.1 Loi du 29 juin 1983 concernant l'obligation scolaire, art. 1er, § 1er, al.1er 21

2.2 Le décret du 4 mars 1991 21

2.3 Le décret du 30 juin 1998 22

2.4 Décret du 13 mars 2008 portant diverses mesures de lutte contre le décrochage scolaire,

l'exclusion et la violence à l'école 22

2.5 La Circulaire 1972 pour l'année scolaire 2007-2008 23

2.6 La Circulaire ministérielle du 7 juillet 2006 <PLP 41> 23

3 Les acteurs du champ de l'accrochage scolaire sur le territoire louvièrois 24

3.1 Les acteurs scolaires 25

3.2 Les acteurs issus du milieu associatif 27

3.3 Les acteurs judiciaires 28

3.4 Les acteurs communaux 29

4 Présentation de la Ville de La Louvière 30

5 Le décrochage scolaire dans la tanière des loups 31

6 De la concertation entre les différents opérateurs au projet « Pass scolaire » 34

7 Conclusion 37

Chapitre 3 : Le décrochage scolaire, une question de solidarité 38

1 Introduction 38

2 L'idéal type comme outil conceptuel 39

3 Les quatre types idéaux fondamentaux de Max Weber 40

3.1 L'action rationnelle en finalité 40

3.2 L'action rationnelle en valeur 40

3.3 L'action traditionnelle 40

3.4 L'action affective 40

4 Les quatre logiques de solidarité de Guy Bajoit 42

4.1 La solidarité conditionnelle 42

4.2 La solidarité contractuelle 42

4.3 La solidarité fusionnelle 43

4.4 La solidarité affective 43

5 Conclusion 45

Deuxième partie : recherche empirique 46

Chapitre 4 : Méthodologie 46

1 Problématique 46

2 Objectifs de recherche 47

3 Hypothèse 47

3.1 Les variables dépendantes (V.D) et indépendantes (V.IND) 48

3.1.1 V.D 48

3.1.2 V.IND 48

4 Échantillon 48

4.1 Critères pour interviewer les acteurs 49

4.2 Les acteurs communaux 50

4.3 Les acteurs scolaires 50

4.4 Les acteurs issus du milieu associatif 50

4.5 Les acteurs judiciaires 50

5 Outils et matériau pour la collecte des données 51

5.1 Le guide d'entretien 51

5.2 La représentation de la gestion du décrochage scolaire au sein de l'organisation 51

5.3 La représentation des services qui traitent le décrochage scolaire et des collaborations

éventuelles 52

5.4 La représentation de la Commission Accrochage Scolaire et des collaborations

éventuelles 52

5.5 Le guide d'entretien organisé autour des trois thématiques : 53

Représentation de la gestion du décrochage scolaire 53
La représentation des services qui traitent le décrochage scolaire et des collaborations

éventuelles 53

Représentation de la Commission Accrochage Scolaire et des collaborations éventuelles 53

5.6 Le traitement des données 54

5.7 Matrice pour la catégorisation 54

5.8 Construction de notre matrice 55

6 Conclusion 55
Chapitre 5 : Traitements des données relatives aux logiques de solidarité des différents opérateurs

traitant le décrochage scolaire sur le territoire louvièrois 56

1 Introduction 56

2 Perceptions des différents acteurs relatives à la gestion du décrochage scolaire 57

2.1 Les missions 57

2.1.1 L'acteur scolaire, l'école et le CPMS 57

2.1.2 L'acteur issu du milieu associatif, l'AMO 59

2.1.3 L'acteur judiciaire, le Service Jeunesse et Famille (SJF) 60

2.1.4 L'acteur communal, l'AAS du PSSP 61

2.2 Limites des acteurs face au décrochage scolaire 63

2.2.1 L'acteur scolaire, l'école et le CPMS 63

2.2.2 L'acteur issu du milieu associatif, l'AMO 64

2.2.3 L'acteur judiciaire, le SJF 64

2.2.4 L'acteur communal, l'AAS du PSSP 65

3 Les logiques de solidarité des acteurs 66

3.1 Logique de solidarité conditionnelle 66

3.1.1 L'acteur scolaire, l'école et le CPMS 66

3.1.2 L'acteur issu du milieu associatif, l'AMO 66

3.1.3 L'acteur judiciaire, le SJF 67

3.1.4 L'acteur communal, l'AAS du PSSP 67

3.2 Logique de solidarité contractuelle 67

3.2.1 L'acteur scolaire, l'école et le CPMS 67

3.2.2 L'acteur issu du milieu associatif, l'AMO 69

3.2.3 L'acteur judiciaire, le SJF 71

3.2.4 L'acteur communal, l'AAS du PSSP 73

3.3 La solidarité fusionnelle 74

3.3.1 L'acteur scolaire, l'école et le CPMS 74

3.3.2 L'acteur issu du milieu associatif, L'AMO 75

3.3.3 L'acteur judiciaire, le SJF 75

3.3.4 L'acteur communal, l'AAS du PSSP 75

3.4 Logique de solidarité affective 76

3.4.1 L'acteur scolaire, l'école et le CPMS 76

3.4.2 L'acteur issu du milieu associatif, l'AMO 76

3.4.3 L'acteur judiciaire, le SJF 76

3.4.4 L'acteur communal, l'AAS du PSSP 76

4 Influence de la Commission Accrochage Scolaire sur les différents acteurs 77

4.1 L'acteur scolaire, l'école et le CPMS 77

4.2 L'acteur issu du milieu associatif, l'AMO 78

4.3 L'acteur judiciaire, le SJF 78

4.4 L'acteur communal, l'AAS 79

Chapitre 6 : Discussion sur le contenu de la méthode 80

1 Introduction 80

2 Résultats et interprétation des différentes perceptions de la gestion du décrochage scolaire

des acteurs au sein de leur organisation 81

3 Résultats et interprétation des différentes logiques de solidarité des différents acteurs 84

4 Résultats et interprétation de la participation des différents acteurs à la Commission

Accrochage Scolaire 89

5 Retour à nos objectifs de recherche 91

6 Critique sur la méthode 93

7 Retour aux cadres théoriques 93

8 Perspective 96

Conclusion générale 97

Bibliographie 99

Ouvrages et revues 99

Documents 101

Documents internet 102

Glossaire : 103

Introduction générale

Dans une société de plus en plus compétitive et exigeante, la qualification et le diplôme que confère l'école apparaissent plus que jamais comme le meilleur rempart contre le chômage et la marginalisation ainsi que la condition minimale pour prétendre à l'obtention d'un emploi. Ceux qui ne s'inscrivent pas dans cette logique sont aujourd'hui au centre de dispositifs multiples et complexes ambitionnant de les rendre à la fois autonomes, socialement et professionnellement « insérables » et ce, dans une logique de contrôle social.

En qualité de travailleur social impliqué depuis sept ans dans une structure ayant pour mission l'accompagnement des jeunes en décrochage scolaire, nous nous trouvons au coeur de ce projet ciblant ceux qualifiés désormais de « groupe à problèmes».

Le décrochage scolaire est un «abandon scolaire» défini par le législateur comme une situation un élève soumis à l'obligation scolaire soit n'est inscrit dans aucun établissement ni instruit à

domicile, soit est inscrit mais totalise, sans motif valable, plus de vingt demi-jours d'absence. Opérant sur le territoire de La Louvière, région à forte densité de population scolaire et particulièrement touchée par le phénomène du décrochage, la structure - l'Antenne Accrochage Scolaire (AAS) du Plan Stratégique de Sécurité et de Prévention (PSSP) - est un service communal financé par le Fédéral. Son objectif numéro un est de promouvoir une approche intégrée et globale de lutte contre le décrochage scolaire.

Ceci posé, nous constatons que les problèmes rencontrés par les jeunes louvièrois sont de plus en plus complexes et demandent des réponses adaptées. Bien que, comme nous venons de l'évoquer, le réseau social et scolaire développe différents services à l'intention de ces jeunes en difficulté, l'efficacité de ces structures pose question. En effet, d'une part, il est compliqué, pour les bénéficiaires, de s'orienter dans cette « jungle » institutionnelle ; d'autre part, les intervenants sociaux sont limités dans leur stratégie et ont besoin de travailler en partenariat avec leur environnement et, plus spécifiquement, avec les réseaux qui les entourent.

Les alternatives face à cette problématique ne peuvent exister qu'au travers d'un partenariat qui demande davantage de coopération et de confiance.

De fait, l'Antenne Accrochage Scolaire collabore avec différents acteurs locaux (scolaires, communaux, judiciaires et issus du milieu associatif) concernés par cette problématique et, pour certains, à l'instar l'Antenne Accrochage Scolaire, créés expressément pour y répondre. Ce réseau d'aide est régi, dans ses formes et missions, par un important appareil légal émanant à la fois de l'Etat fédéral, de la Communauté française et de la Région wallonne.

L'Antenne Accrochage Scolaire initie et coordonne des rencontres pluridisciplinaires invitant les différents partenaires dans le cadre de la Commission Accrochage Scolaire (CAS) également encadrée par le Plan Stratégique de Sécurité et de Prévention. La Commission Accrochage Scolaire est un lieu d'information (notamment sur l'évolution du cadre légal) et de concertation dont l'objectif est d'établir des pistes d'actions cohérentes pouvant répondre aux difficultés tant des partenaires sociaux que des familles et des adolescents. Cette Commission constitue donc un lieu stratégique pour les différents participants ; c'est le point de rencontre et de concertation, autour de cette préoccupation commune, de partenaires fonctionnant par ailleurs selon des logiques et cultures singulières.

En tant qu'animatrice-coordinatrice de la CAS, l'Antenne Accrochage Scolaire permet de porter un « regard panoramique » sur ces différents partenaires. Nous constatons que, pour atteindre leur principal objectif, ceux-ci s'appuient les uns sur les autres, s'identifient comme relais.

En d'autres termes, nous pouvons considérer que le décrochage scolaire est, pour les acteurs en présence, une question de solidarité. Encore nous faut-il cerner quels motifs précis font s'entraider les différents partenaires ?

Pour ce faire, nous nous référerons à la typologie du sociologue Guy Bajoit, elle-même inspirée en partie de la typologie des formes de l'action selon Max Weber.

Partant, nous posons l'hypothèse suivante : les perceptions de la gestion du décrochage scolaire et les logiques de solidarité des acteurs scolaire, communal, judiciaire et issu du milieu associatif sont influencées par l'organisation à laquelle ils appartiennent.

Pour vérifier cette double hypothèse, nous avons opté pour une analyse qualitative portant d'une part, sur divers documents (comptes rendus de la CAS, textes légaux et circulaires) et d'autre part, sur des entretiens semi-directifs menés avec un échantillon d'acteurs participant à la CAS.

Aussi, à titre exploratoire, nous tenterons d'apporter des éléments de réponses relatives à deux questions que nous souhaitons soulever : Comment la CAS traite la diversité des organisations qui y participent et comment influence-t-elle leur logique de solidarité et leur perception du décrochage scolaire ?

Dans le cadre de notre recherche, notre angle disciplinaire se situera aux niveaux organisationnel et institutionnel. La grille d'analyse d'Ardoino (1980) peut nous aider à mesurer l'influence des différents niveaux qui s'interpénètrent et agissent les uns sur les autres.

L'organisationnel

Le groupe

Le relationnel L'individu/l'acteur

L'institutionnel

Sch6ma 1 : représentation simplifiée de la grille d'Ardoino

La première partie de notre étude va s'attacher à situer le phénomène du décrochage scolaire sur les plans politique, économique et social. Nous passerons en revue les différentes applications de l'appareil légal à la prise en charge et aux acteurs du décrochage scolaire que nous prendrons le soin de décrire. Enfin, nous présenterons notre outil heuristique relatif aux différentes logiques de solidarité de Guy Bajoit pour répondre à notre hypothèse de départ.

Dans la seconde partie de la présente recherche, après l'exposé de la méthodologie retenue1, nous nous attacherons à dégager les perceptions du décrochage scolaire de chacun des intervenants interrogés (traitant le décrochage scolaire sur le territoire de La Louvière.de la Commission Accrochage Scolaire) en nous fondant à la fois sur les missions et limites d'interventions qu'ils nous auront explicitées. De façon tout aussi systématique, nous dégagerons ensuite les logiques de solidarité des différents acteurs. Nous aurons alors une vue d'ensemble pour prendre la mesure de l'influence de l'organisation des acteurs interviewés sur leurs perceptions de la gestion du décrochage scolaire et sur leurs logiques de solidarité.

1Tout au long de ce travail, nous allons, à travers une méthodologie scientifique, respecter les différentes phases de la procédure relative aux consignes du cours d'Albarello, L., (2008-2009). Séminaire de recherche. FOPM 2007, UCL : FOPA.

Première partie : Construction de l'objet de recherche

Chapitre 1 : Le décrochage scolaire ou la fabrication d'un nouveau problème social ?

1 Introduction

C'est au niveau macro social que notre analyse se situe dans notre premier chapitre. Nous tenterons, à partir de plusieurs questions, de construire notre vision sociopolitique de la «fabrication» d'un nouveau problème public : le décrochage scolaire. Cela implique les questions suivantes : (1) par quel référentiel politique les travailleurs sociaux sont-ils déterminés ? (2) Comment le décrochage scolaire s'est-il construit ? (3) Aujourd'hui, comment est considéré le décrochage scolaire ? (4) Quelles critiques et conclusions en tirer ? L'objectif de ce chapitre est de permettre au lecteur d'avoir une vision macro-sociale relative à la problématique du décrochage scolaire.

2 Le décrochage scolaire : sujet politique, économique et social

« La notion d'État social actif sous-tend les réorientations récentes de la politique sociale belge et européenne. Elle est fille de la crise de l'État providence et du défi de la globalisation financière2i Depuis quelques années, le concept de l'État providence fait place à celui de l'État social actif. Le social d'aujourd'hui consisterait à amener le citoyen « passif - allocataire » (celui qui profite du système social) vers un statut de citoyen « actif » Selon Abraham Franssen (2002), les ressources des financements traditionnels de la sécurité sociale sont alimentées par les cotisations des actifs et ne cessent de se réduire. L'augmentation du « taux » de dépendance entre actifs et inactifs est due pour moitié au chômage et l'autre à la pension. En effet, nous sommes passés en 1970 de deux actifs pour un allocataire à un actif pour un allocataire en 2000, et cela, à cause du chômage et du vieillissement de la population. À l'époque de l'État providence et des « trente glorieuses », la

2Cassiers, I. (novembre 2005). De l'Etat Providence à l'Etat social actif : Quelles mutations sous jacentes ? (p. 1) Regards économiques, IRES, n°36.

légitimité de ce référentiel était « basée sur la réalisation tangible pour ses citoyens d'une forme de lien social reposant sur des garanties de conditions de vie économiques et sociales décentes, dont l'efficacité était à mesurer en termes de degré de réalisation de ces conditions3.» L'absence de chômage ainsi que les gains de productivité sont des éléments qui ont favorisé la paix sociale. En outre, c'est dans ce contexte que l'État providence fut apprécié à la quasi-unanimité. Par la suite, tous les projets opérants commencèrent à s'épuiser et on en est arrivé à se demander ce qu'on allait faire de l'intervention publique. Les politiques économiques et sociales de l'Occident ont connu des limites. En effet, la crise (choc pétrolier) des années 70 s'installait partout en Europe et générait un chômage de masse auquel l'État était dans l'incapacité de répondre. Ce bouleversement socio-économique remit en question la légitimité de l'État providence. On peut dire que la crise se situait à trois niveaux : (1) le financement, (2) l'efficacité et (3) la légitimité de l'action publique où on retrouve « l'impuissance de l'État social traditionnel à assurer aux allocataires sociaux une réelle protection. Les modes classiques d'intervention de l'État social, intervenant ex post et par une compensation financière, se révèlent insuffisants - voire producteurs d'effets pervers - pour faire face à " l'apparition structurelle de nouveaux facteurs de risques" que constitue principalement le faible niveau de qualification des personnes4Par conséquent, la proposition de l'État social traditionnel se limite à une allocation sans proposer une réelle alternative. C'est dans ce contexte que l'État social actif va asseoir sa légitimité. Ainsi, en 1999, le Ministre Vandenbroucke partait d'un constat « d'asphyxie » des états sociaux et proposait de stopper la poursuite d'un « État providence appelé à mourir5.» Par ailleurs, celuici souligne que : « l'État social actif est proactif, il investit dans les personnes, il travaille sur mesure et il donne davantage de responsabilités à tous les acteurs. Par conséquent, l'État social actif est un État de personnes actives qui se fixe pour objectif la participation active de tous et la protection sociale6Au Conseil Européen de Lisbonne (2000), « la mise en place d'un État social actif et dynamique » est présentée comme « une transformation nécessaire pour devenir l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde7.» Compte tenu de la persistance du chômage et du vieillissement de la population, la

3Hubert, H.O. & Schaut, C. (1999). L'Etat face à l'insécurité : Dérives politiques des années 90 (p. 155). Bruxelles : Labor.

4Franssen, A. (mars 2002). Thèse de doctorat, Université Catholique de Louvain, Louvain-la-Neuve. La fabrique du sujet : Transformations normatives, crises identitaires et attentes de reconnaissance (p. 15).

5Extraits des actes du colloque, « Deuxième congrès international des formateurs en travail social et des professionnels de l'intervention sociale, Namur, Belgique, 03 au 7 juillet 2007.

6Franssen, A. (mars 2002). Thèse de doctorat, Université Catholique de Louvain, Louvain-la-Neuve. La fabrique du sujet : Transformations normatives, crises identitaires et attentes de reconnaissance (p. 1).

7Cassiers, I. (novembre 2005). De l'Etat Providence à l'Etat social actif : Quelles mutations sous jacentes ? (p. 1)

promotion de l'emploi doit devenir l'objectif principal de la politique sociale. La conversion de l'État providence résiderait dans des mesures permettant d'atteindre l'objectif d'un taux d'emploi de 70% de la population en âge de travailler à l'horizon de 2010. La stratégie européenne pour l'emploi prône trois priorités d'action: attirer et retenir davantage de personnes sur le marché de l'emploi; améliorer la capacité d'adaptation des travailleurs et des entreprises; accroître l'investissement dans le capital humain sous la forme d'une éducation et de compétences améliorées. « Chômeurs, délinquants, élèves en décrochage scolaire et autres font désormais l'objet de processus d'insertion dont l'apparente diversité présente cependant des traits communs: un projet individualisé concrétisé dans un contrat dont l'objectif est l'autonomisation des personnes8

Janosz et Le Blanc (1996) soulignent que « le décrochage scolaire, phénomène devenu aujourd'hui un problème social, inquiète de plus en plus l'opinion publique, les parents, les éducateurs et tous ceux qui sont préoccupés par le sort de la jeunesse.» Cependant, Glasman (2000) relève que le phénomène de décrochage scolaire n'est pas nouveau (200 000 abandons par an dans les années 70). Auparavant, l'abandon des études était vécu comme moins grave car l'école n'était pas perçue comme une nécessité pour l'insertion professionnelle. Aujourd'hui, le nombre de sorties sans diplômes a diminué (80 000 par an) mais inclut des décrocheurs. Le Conseil de l'Éducation et de la Formation (2008) met en évidence, en Communauté française de Belgique, la problématique du décrochage scolaire tant sur un plan individuel que collectif : « En plus d'être souvent perçu comme un échec personnel synonyme d'incapacité à remplir les exigences sociales fondamentales, le décrochage scolaire a aussi d'énormes conséquences sur le plan économique. En effet, ce phénomène se traduit par la multiplication de jeunes sans qualification ayant un accès difficile au marché de l'emploi. Ceci entraîne non seulement des augmentations des prestations de chômage et des frais qui y sont reliés, mais aussi une incapacité pour les entreprises de recruter de la main-d'oeuvre qualifiée. En outre, les décrocheurs se retrouvent souvent avec des emplois précaires et souspayés. (...) Les pays européens ont pris conscience que ses répercussions dépassent largement le seul domaine de l'éducation. Les conséquences du décrochage scolaire sont en effet très nombreuses et elles affectent autant le jeune sur le plan individuel, que la collectivité dans son ensemble.»

Autrefois, au temps de l'État providence, le décrochage scolaire n'était pas considéré comme

Regards économiques, IRES, n°36.

8Franssen, A. (mars 2002). Thèse de doctorat, Université Catholique de Louvain, Louvain-la-Neuve. La fabrique du sujet : Transformations normatives, crises identitaires et attentes de reconnaissance (p. 10).

un problème public. En effet, « le décrocheur » n'était pas pointé du doigt comme aujourd'hui. Nous avons tous en mémoire un membre de notre entourage qui, pour des raisons personnelles, « décrochait » du système scolaire pour intégrer le marché du travail : « sans vouloir faire de provocation, on peut considérer l'abandon de scolarité dans ce contexte non comme un problème, mais comme une solution pour préserver une forme scolaire. Celle-ci est fondée sur la primauté d'un savoir abstrait et académique, une conception du travail scolaire comme disposition allant de soi, une représentation élitiste de l'épreuve scolaire, impliquant une élimination progressive de ceux qui ne font pas partie de l'élite9

Dans ce contexte, l'épreuve scolaire implique, d'une part, une « élimination » progressive de ceux qui ne font pas partie de l'élite et de l'autre, une intégration, dans le marché du travail le plus dévalorisé, des non diplômés, considérés comme une main-d'oeuvre peu qualifiée ; ceci tout en permettant au monde scolaire de reproduire son fonctionnement. Dans la même période, de nombreux étudiants quittent le système éducatif sans qualification. Le système ségrégatif et sélectif de l'école en est la cause. « Ainsi, il est évident que dans une société où les résultats scolaires pèsent lourds sur l'avenir, le droit à l'instruction et à la réussite de tous soient des revendications politiques majeures et légitimes. Cependant, le mythe de l'égalité des chances allait se heurter violemment à la division sociale du travail de notre société pour commencer à produire l'inégalité : le système scolaire institue des filières de relégation, trie à l'inscription, sélectionne dans la constitution des groupes classes, oriente et désoriente, exclut et marginalise10L'élimination de près de la moitié d'une classe d'âge du cursus scolaire sans diplôme n'est pas un problème public. S'il en est un, c'est en termes d'inégalité et d'injustice pour les enfants issus des classes populaires. « La sociologie critique dénonce au cours des années 1970 la reproduction par l'école des inégalités sociales préexistantes, mais plus encore le fait qu'elle légitime les inégalités en traitant de manière égale des enfants a priori inégaux11.» De plus, « la scolarité obligatoire a été prolongée jusque 18 ans (loi du 29 juin 1983) dans un contexte de crise économique où la scolarisation apparaissait comme une solution face au chômage des jeunes et aux besoins technologiques de l'économie mondialisée.» « Parallèlement, la formule de la formation en alternance combinant formation scolaire et en entreprise se développe et s'institutionnalise au cours des années 199012Aujourd'hui, notre société a évolué et, au vu des statistiques concernant le

9Bernard, J.Y. (2007). La construction du décrochage scolaire comme problème public (p. 3). Colloque international, Atelier 2/ politiques publiques, institutions, acteurs, Nantes-13, 14 et 15 juin.

10L'observatoire, (2000). Numéro 28, p.13.

11Draelants, H. & Dupriez, V. & Maroy, C. (2003). Le système scolaire (p. 48). Dossiers du CRISP 59. 12Op. cit., p. 28.

taux de chômage, l'actuel constat est clair : la grande majorité des non diplômés du secondaire et des diplômés du professionnel éprouve de grandes difficultés à trouver un emploi. Ainsi, « la tendance à l'allongement de la scolarité, qui s'est manifestée bien avant que la loi ait rendu l'enseignement obligatoire jusqu'à 18 ans, a eu pour effet de gonfler les effectifs de l'école secondaire. La forme d'enseignement qui a le plus profité de cette évolution est le professionnel qui, de 1976 à 1986, a vu sa popularité croître de 44 %. On doit malheureusement constater que la proportion des diplômés du professionnel n'a fait que croître dans les statistiques du chômage. En d'autres termes, les groupes socialement les plus fragiles qui ont supporté un investissement culturel et scolaire important n'ont pas gagné pour autant l'accès à l'emploi. Les pertes massives de postes de travail manuel expliquent pour une large part l'affaiblissement de la position relative des détenteurs d'un titre professionnel13. » De plus, d'après un rapport de l'OCDE (2007) : « en Belgique, les jeunes qui sortent aujourd'hui de l'école sont moins nombreux dans la population d'âge actif qu'au début des années 70. Le taux de chômage des jeunes reste élevé et a eu tendance à augmenter ces dernières années. Il est passé de 15% en 2000 à 20% en 2005, la moyenne de l'OCDE étant de 13% en 2005. En outre, 12% des jeunes de 15-24 ans sont à la fois sans emploi et en dehors du système éducatif. » Une des recommandations de l'OCDE pour l'emploi est de rechercher un équilibre entre sécurité et flexibilité. Nous retrouvons dans le Pacte de solidarité entre les générations le renforcement des aides en ciblant les jeunes qui courent le plus de risque d'exclusion sociale : « la disparité marquée par les taux de chômage des jeunes diplômés et non diplômés justifie d'orienter les dispositifs publics d'aide vers des actions ciblées sur les jeunes qui cumulent des désavantages plutôt que de mettre en oeuvre des mesures « tout public» en deçà d'un âge arbitraire14. »

« Au vu de la spécificité que constituent les jeunes sans qualification, l'urgence de l'insertion sociale est souvent retenue comme une priorité, et la tendance dans les États membres est alors de privilégier les formations centrées immédiatement sur un emploi. Certaines mesures offrent aux jeunes et aux adultes sans qualification une seconde chance d'obtenir des qualifications. D'autres mettent l'accent sur la prévention dans le cadre de la scolarité afin d'éviter un maximum les décrochages scolaires avant qu'ils ne se produisent, plutôt que de développer des solutions de rattrapage15i Il existe des stratégies et des dispositifs de

13Charlier, J.E. (Octobre 1991). Deuxième congrès La Wallonie au Futur 1991 - Le Défi de l'Education.Institut Destrée - En ligne http://www.institut-destree.eu.Coordonnées - Statistiques, consulté en mars 2008.

14Des emplois pour les jeunes -Belgique, février 2007, résumé et principales recommandations, p. 7.

15Joly, S. (2005). Dossier documentaire: Ruptures chez les jeunes (p. 14). En ligne http://poleressources95.org, consulté en janvier 2009.

remédiation face à la déscolarisation et à l'absence de qualification des jeunes qui ne répondent pas aux normes de l'État (réussir et rentrer dans un dispositif d'insertion) : « la Communauté française de Belgique et les Royaume-Uni insistent également dans leurs réponses sur la prépondérance des structures de prévention dans l'enseignement obligatoire. Dans le primaire, il s'agit surtout de prévenir, de soutenir les élèves en difficulté, d'améliorer le lien entre l'école et la famille et d'aménager la transition primaire-secondaire. Dans le secondaire, il s'agit d'orienter les élèves en difficulté vers des filières de prise en charge spécifique. Des filières dont le contenu est distinct des filières `'normales» et dont la polarité formation professionnelle est forte ou encore des filières dans lesquelles la pédagogie est différente16. » Si nous nous référons aux dispositifs de remédiation dans l'Union européenne : « les résultats de l'étude « Poursuivre sa formation» financée par le programme européen Socrates en 2001-2003, font apparaître que ce qui est majoritairement proposé aux élèves en situation de décrochage scolaire est un parcours d'insertion théorique et linéaire (décrit cidessous dans le schéma)17i Dans les faits, ce parcours n'est pas nécessairement mis en oeuvre :

Reconstruire la volonté

d'apprendre

Retourner dans le système scolaire

Obtenir des diplômes légaux

Mettre à niveau les connaissances

Acquérir une formation socio - professionnelle

Accéder au monde du travail

Insertion socio-éducative

 

Insertion socio-professionnelle

Parcours d'insertion

 
 
 
 
 
 
 

Par l'insertion des jeunes dans le marché de l'emploi, la réussite scolaire est devenue un enjeu social important et, par conséquent, le décrochage non seulement une préoccupation pédagogique mais également un enjeu politique : « les libéraux progressistes voyaient dans l'obligation scolaire un instrument d'émancipation économique, sociale et politique pour les classes populaires, ainsi qu'un moyen d'intégrer ces travailleurs dans la société18i

16Joly, S. (2005). Dossier documentaire: Ruptures chez les jeunes (p. 15). En ligne http://poleressources95.org, consulté en janvier 2009.

17Op. cit., p. 15.

18Draelants, H. & Dupriez, V. & Maroy, C. (2003). Le système scolaire (p. 27). Dossiers du CRISP 59.

3 Le décrochage scolaire : sujet de contrôle et d'insécurité

« Le niveau de diplôme requis pour occuper un emploi s'est aujourd'hui élevé, et les perspectives socioprofessionnelles des élèves qui quittent le système scolaire sans diplôme se sont considérablement réduites. Par ailleurs, la déscolarisation est considérée quasiment comme un problème relevant de l'ordre, sinon de la sécurité publique : sans encadrement, que deviennent les jeunes hors école ? Sont-ils en risque de délinquance, exposés à des trafics divers, errant dans la rue sans protection ? Et leurs parents seraient-ils complices et donc punissables de l'inassiduité ou du retrait scolaire de leurs enfants ? Ainsi la scène de la déscolarisation se déplace de l'école vers la cité, les jeunes absentéistes et déscolarisés faisant partie des «classes dangereuses», appelant un contrôle accru19

Carla Nagels (Criminologue) et Andrea Rea (Sociologue) ont soulevé, dans leur ouvrage «Jeunes à perpètes»20, un phénomène qu'on pourrait qualifier d'inquiétant. En effet, autrefois étiquetée de «groupe ayant du potentiel dans lequel il faut investir», la jeunesse d'aujourd'hui, est selon les auteurs, désignée comme un «groupe à problèmes».

Dans leur recherche et dans un premier temps, les auteurs considèrent la jeunesse comme un groupe social dans ses rapports avec les autres groupes sociaux et s'intéressent aux institutions dans lesquelles la jeunesse évolue : l'école et les institutions de protection de la jeunesse. Dans un second temps, ils démontrent l'existence des différences de classes au sein de ce groupe social. On trouve en grande partie dans l'ouvrage, le discours politique autour de cette jeunesse. En outre, celui-ci tourne autour de binômes comme intégration et exclusion, droits et devoirs ou encore prévention et répression. À partir des années 90, « la jeunesse n'est plus perçue comme un groupe social à part entière. Elle devient un ensemble d'individus qui sont porteurs de droits et devoirs. Mais surtout, les jeunes sont sujets à risques (risque de non-intégration, de décrochage scolaire, de chômage, de délinquance) et font donc l'objet de politiques publiques de plus en plus ciblées21i « Le travail social s'inscrit aujourd'hui dans un cadre balisé par des politiques qui s'inspirent des diverses logiques dont le point de convergence est de déplacer la précarité sous surveillance, en faisant remplir aux intervenants sociaux un rôle de contrôle de moins en moins déguisés, et en multipliant les

19Esterle, M. (septembre 2004). La déscolarisation, une nouvelle forme de déviance juvénile ? Questions Pénales, Centre de Recherches Sociologiques sur le Droit et les Institutions Pénales, CNRS, bulletin d'information, XVII.4.

20Nagels, C. & Rea, A. (2007). Jeunes à perpète. Génération à problèmes ou problème de génération ? Bruxelles : Ed. Académia Bruyland.

21Nagels, C. (2003). Op cit., p. 6.

confusions de genres - entre approches répressive et préventive22.» Ces politiques publiques en matière de jeunesse reposent sur l'égalité des chances (décret 91) qui prend en considération la problématique du bénéficiaire de manière personnalisée. L'idée est de donner une chance aux enfants socialement moins avantagés et moins bien dotés afin qu'ils bénéficient des mêmes opportunités que les enfants avantagés et cela justifie qu'on leur consacre davantage de moyens. « L'image de la jeunesse délinquante et violente, qu'il faut responsabiliser davantage, cohabite ainsi avec l'image d'une jeunesse victimisée, qu'il s'agit de protéger23.» Ainsi, le décret de 1991 relatif à l'Aide à la jeunesse constitue une extension du contrôle social vers un glissement de la notion de mineurs dangereux à celle de mineurs en danger. On constate également que la loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse développe des mesures protectionnelles à l'égard du mineur délinquant plutôt que des mesures répressives. La loi se traduit par la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié infraction et, d'autre part, la réparation du dommage causé par ce fait.

Aussi, Carla Nagels & Andrea Rea (2007) abordent l'émergence d'un nouveau contrat socialsécuritaire où notre société reste empreinte de l'État Social orienté vers le sécuritaire. Le thème fait partie du programme politique et permet une visibilité maximale. Les auteurs décrivent que les politiques publiques liées à ces matières sont critiquées et se résument, dans les faits, à «des fabriques de l'immobilité». « En 1993, le ministère de l'Intérieur, en collaboration avec les régions Wallonne et Bruxelloise, a superposé à ce réseau existant un système de «prévention» sociale de la délinquance dont la gestion et le contrôle sont dévolus aux autorités politiques locales (les communes liées par contrat/financement à ces deux instances). Les communes développent donc sur leur territoire des actions dites sociales impliquant dans leur volonté de centralisation, une unicité de points de vue et de logique au sein de chaque entité. Ce phénomène entraîne, à l'échelle locale, un véritable déficit de pluralisme. Les grandes finalités avancées pour les Contrats de Sécurité sont de garantir la sécurité des citoyens (par rapport à des groupes désignés potentiellement dangereux) et de rétablir la confiance de la population (la masse des électeurs) dans les autorités. Même si les travailleurs de terrain aménagent ces finalités en fonction de leurs intentions éducatives, ils sont cependant tenus de se cantonner dans les limites autorisées par l'employeur communal omnipotent. Tant en fonction de leurs finalités que de leur rattachement structurel, les CS apparaissent plus comme un facteur de contrôle et de normativité sociale que de

22Agence Alter (mai 2004). Lutte contre le sentiment d'insécurité à la lutte du sentiment d'impunité (p. 19). Alter Echos, Alter Educ.

23Ibid.

démocratisation de la société et d'épanouissement de l'individu24i En effet, les dispositifs des CS s'inscrivent dans une logique contractuelle et de financement par projet à durée déterminée. Les opérateurs doivent répondre aux exigences du Service Public Fédéral de l'Intérieur en fonction du plan stratégique qui définit une dizaine de phénomènes. Les travailleurs sociaux doivent pour ce faire construire de manière empirique leurs actions tout en respectant le « réseau » de partenaires sociaux. Les projets et leurs actions peuvent changer du jour au lendemain et ce, en fonction des desideratas du sommet stratégique. Chaque changement nécessite une période d'adaptation, de restructuration. Ce dernier modifie ainsi, les objectifs et les priorités demandées au travail social25. Si on additionne à ce constat un turnover important du personnel (contrats précaires : plan Rosetta, contractuelle..), alors, que doit-on penser de l'efficacité sur le terrain d'un point de vue préventif ? Quelle crédibilité le dispositif du Contrat de Sécurité a-t-il aux yeux des partenaires sociaux et des bénéficiaires ? Tant d'efforts et d'investissements financiers et personnels pour, in fine, se réorienter en fonction des intérêts à la fois du ministère de l'Intérieur et du gestionnaire local (le bourgmestre de la ville). H.O. Hubert (1999)26, soulève que : « sans doute l'enjeu actuel est-il d'imaginer des formes d'action publique proches du citoyen et adaptées aux réalités locales, mais pas au détriment d'une stabilité offerte et garantie aux travailleurs sociaux. Soutenir les précaires lorsque soi-même, on se heurte à la fois à la précarité du public, à sa propre précarité, ainsi qu'une précarité institutionnelle, cela ne ressemble-t-il plus à de l'acrobatie sans filet qu'à du travail social ? » De plus, Y. Cartuyvels (1994) relève l'inquiétude des travailleurs de l'Aide à la jeunesse relative à l'émergence d'une autre politique de la jeunesse concernée par les Contrats de Sécurité dont la philosophie est axée sur le court terme et le spectaculaire, la technique et le « management », l'intégration du social-judiciaire-policier. Selon l'auteur, « la mutation actuelle de l'État social se traduit par une redistribution horizontale des compétences de l'État social vers une politique axée sur le partenariat local entre acteurs privés et publics27Dans ce contexte, il faut être attentif à ne pas tomber dans des discours pro- sécuritaires en stigmatisant les jeunes en décrochage scolaire comme des délinquants et, de ce fait, les désigner comme dangereux.

241res Assises de l'Aide à la jeunesse. Vous avez dit : « Aider la jeunesse » : Propositions perspectives (p. 92). Communauté française de Belgique, ministère de la Culture et des Affaires sociales de la C.F Direction d'administration de l'Aide à la jeunesse. Bruxelles.

25Hubert, H.-O. (1999). L'Etat face à l'insécurité : Dérives politiques des années 90 (p. 170). Bruxelles : Labor. 26Ibid.

27Cartuyvels, Y. (1994). Convention portant sur la réalisation d'un projet pilote : Evaluation d'un contrat de sécurité dans une commune type ( Scharbeeck) avec examen sur l'impact sur le secteur de l'Aide à la jeunesse, Rapport d'activité, Facultés Universitaires Saint-Louis, p. 8.

4 Critique sur le décrochage scolaire

Nous avons tenté de comprendre l'émergence de la problématique du décrochage scolaire ou la construction d'une solution comme problème public. Si nous considérons la mise en oeuvre d'une politique publique comme la construction d'un cadre normatif et cognitif, au sens où les institutions construisent des représentations et orientent les pratiques des travailleurs sociaux, il est important de relativiser le décrochage scolaire. En effet, dans la façon dont le problème est posé, le jeune est pointé du doigt comme responsable tout en étant contraint d'avoir un projet personnel dans un contexte où le choix de ses perspectives est réduit. En effet, « plus on a des difficultés scolaires et moins on a de choix de filières et plus on est contraint d'énoncer un projet personnel. Les études risquent alors très fortement de se vider de sens. Certes, on ne peut pas réduire l'orientation seulement à une forme de sélection sournoise à travers l'intériorisation et l'acceptation progressive de l'échec scolaire, bien que les taux d'accès aux différentes filières continuent de s'ordonner selon la hiérarchie de l'origine sociale28i Dans le cadre d'un colloque international sur la construction du décrochage scolaire comme problème public, P.-Y. Bernard (2007) mobilise dans son analyse deux critiques s'inspirant de plusieurs auteurs traitant le sujet. La première, selon Geay et Meunier (2003) : d'une part, le décrochage scolaire permet de délimiter la sphère d'action des champs professionnels en compétition dans le domaine éducatif ; d'autre part, le décrochage scolaire est une construction administrative justifiant un travail de contrôle de populations considérées comme dangereuses. La seconde critique, selon Millet et Thin (2005) : « le décrochage scolaire est considéré comme un avatar de la question de l'échec scolaire. Le décrochage scolaire réduirait la problématique de l'échec scolaire aux situations d'abandons scolaires et occulterait les conditions sociales de cet échec scolaire (précarité, pauvreté), dédouanerait le système éducatif de sa responsabilité dans la production de cet échec scolaire et stigmatiserait une catégorie d'individus au fond peu différents de ceux qui, quoique assidus dans les établissements scolaires, sont en grande difficulté d'apprentissagei

Pour résumer les critiques relatives au décrochage scolaire, (1) les auteurs mettent en évidence la gestion locale du décrochage scolaire en balisant les professionnels qui traitent la problématique. (2) Celle-ci est une construction administrative qui a pour objectif le contrôle des décrocheurs considérés comme une population à risque. (3) Le décrochage scolaire met en évidence les « lacunes » de l'individu et non la responsabilité du système éducatif lui-même

28Dubet, F., & Martuccelli D., (1996). À l'Ecole. Sociologie de l'expérience scolaire (p. 281). Paris : Ed du Seuil.

« producteur » d'abandon scolaire. (4) L'échec scolaire renvoie davantage à la question des apprentissages, tandis que le décrochage scolaire pose la question plus large du rapport de l'individu à l'institution scolaire et de ses conséquences en dehors du monde scolaire.

Francis Godart (2003) soulève une analyse intéressante en ce qui concerne la jeunesse et la scolarité : « pour toute une partie de la société, le noyau central, la socialisation s'organise autour de l'axe vertical : « haut / bas». Pour ce noyau, l'enjeu de la socialisation se structure autour du diplôme : il faut aller plus haut et plus vite que les autres. Pour l'autre partie, la socialisation s'organise autour de l'axe ; « dedans / dehors. Il s'agit de rester dans l'école, dans les dispositifs d'insertion, dans la loi29i Pour cet axe, l'exclu (le jeune stigmatisé) se retrouve devant des alternatives « socialisatrices » qui émanent des différents dispositifs de l'accrochage scolaire et tout ça, afin de pas être « hors-la-loi ». Dans ce contexte, le «décrocheur» se retrouvent face à deux choix : être ou ne pas être hors-la-loi face à l'obligation scolaire ? Dans les faits, dans quelle mesure l'ESA ne se déresponsabilise-t-il pas en «stigmatisant» les «décrocheurs» sous la coupole de la méritocratie, de l'échec et de l'exclusion ? Il faut mériter son diplôme et s'adapter aux règles du jeu des écoles qui (1) favorisent certains élèves et (2) se régulent dans l'acceptation de produire l'échec et l'exclusion ; comme si l'orientation par l'échec et la réussite était une exigence pour intégrer des postes bien spécifiques dans le marché du travail. « A quelles conditions l'école peut-être à la fois efficace et plus équitable ?... l'école est méritocratique, et, même si la compétition est parfois faussée, cette attente scolaire devient vite destructrice pour ceux qui échouent et n'ont d'autres possibilités que de s'identifier aux catégories de leur échec. C'est sans doute là une des façons les plus cruelles d'entrer dans la vie, car non seulement les élèves n'obtiennent rien de bien tangible, mais ils perdent l'estime de soi. Cette épreuve est d'autant plus vive que le système scolaire ne s'accroche pas à un véritable projet éducatif, « moral » aurait-on dit autrefois, visant l'expression et la formation de qualités personnelles. Tout ce qui n'est pas strictement scolaire y reste résiduel, militant, alors même, que chacun déplore la perte d'utilité des diplômes et la faiblesse éducative de masse. Aucun de ces travers n'appartient strictement à l'école, elle ne les engendre pas directement mais elle les cristallise dans son organisation même. Doit-elle les subir comme une fatalité, ou peut-elle résister efficacement, c'est-à-dire se modifier elle-même, plutôt que de prolonger un cycle infernal fait d'appel aux principes «sacrés», de remédiations indéfinies et d'adaptation discontinues30 ? »

29Godart, F. (1992). La famille affaire de génération (p. 203). Paris : Ed. puf.

30Dubet, F. & Martuccelli, D. (1996). A l'Ecole. Sociologie de l'expérience scolaire (p. 338-339). Paris : Ed du Seuil.

5 Conclusion

Depuis que l'école publique existe, le décrochage scolaire a toujours existé. Les «décrocheurs» scolaires, au temps de l'État providence, étaient une main-d'oeuvre pour le marché du travail en période de quasi-plein-emploi et trouvaient ainsi leur place dans la société. Aujourd'hui, la crise économique ne favorise pas l'emploi et les chiffres du chômage ne sont pas prêts de diminuer (bien au contraire). Avant cette crise, le manque d'emploi était déjà au rendez-vous et justifiait pleinement l'intervention de l'État. Le taux de chômage des jeunes reste élevé et a tendance à augmenter ces dernières années. La disparité marquée par les taux de chômage des jeunes diplômés et non diplômés justifie ainsi, les dispositifs d'aide vers des actions ciblées. Aujourd'hui, si le décrochage scolaire est considéré comme un problème relevant de l'ordre public voire de la sécurité publique, les décrocheurs sont devenus une classe dangereuse qu'il faut investir. Par l'insertion des jeunes dans le marché de l'emploi, la réussite scolaire est devenue un enjeu politique, économique et social. En vue d'une réinsertion socio-éducative et socioprofessionnelle, les dispositifs de remédiation dans l'Union européenne, en l'occurrence en Communauté française de Belgique, proposent aux jeunes un parcours de réinsertion linéaire, qui, dans la pratique, n'est pas forcément mis en oeuvre. L'objectif est de donner une seconde chance de qualification aux jeunes qui ont «décroché» du parcours scolaire traditionnel, producteur d'abandon scolaire. Le nouveau référentiel de l'État social actif nous propose une nouvelle approche qui va encourager ou décourager une série de pratiques. L'ESA va conforter une certaine conception du problème et va permettre de construire un espace de sens dans lequel les acteurs vont élaborer leur rapport au monde (pour notre étude, on parlera du décrochage scolaire). Ainsi, ce référentiel inclut un ensemble de dispositions qui se rapporte à la manière d'intervenir sur le problème. C'est au niveau local qu'il faut trouver les ressources pour agir face à ses propres problèmes. En prônant la gestion et le contrôle des jeunes en difficulté, l'État décentralise son pouvoir au niveau des autorités politiques locales en finançant les Contrats de Sécurité.

Si le décrochage scolaire met en évidence « les lacunes» de l'individu et la déresponsabilisation du système éducatif, la socialisation du jeune peut se structurer autour du diplôme (la réussite scolaire) ou par le maintien, dans la mesure du possible, dans des dispositifs d'insertion (prise en charge spécifique de l'élève en difficulté) sous peine de devenir hors-la-loi.

Chapitre 2 : Le décrochage scolaire ou l'émergence de nouveaux dispositifs en Communauté française de Belgique

1 Introduction

Selon Abraham Franssen (2002), on observe depuis une quinzaine d'années une multiplication de «dispositifs sociaux» destinés aux publics à «la marge» de la société dans différents champs (éducation, formation, emploi, aide sociale, politique de la jeunesse, politique de la ville...) en vue de favoriser leur (ré)-insertion, leur autonomie et leur «activation». « Ces dispositifs ont bien pour finalité explicite d'assurer la « cohésion sociale» en agissant directement sur les comportements autant que sur les psychismes des «marginalisés» de la société de marché31

Selon Jacques Pain (2000) : « dans la conjoncture actuelle, l'école est le fil conducteur

(institutionnel) du contrôle social, et de la socia(bi)lité. C'est en effet d'abord l'école quidénonce la déscolarisation, juste avant les organismes et les instances de contrôle et

d'inspection sociale, et avant les parents ou la police. Le rapport belge pourtant soulève une idée intéressante. Les trois « piliers » de l'accrochage scolaire sont les piliers scolaire, judiciaire et « communal », et la proposition est d'instaurer une concertation communale, de créer littéralement une « mentalité » communale très certainement. Le problème de fond reste en effet un peu partout le même : l'émiettement sociétal, le manque de synergie et de collaboration »32.

Dans ce chapitre, nous décrirons la base commune des différents acteurs concernés par le décrochage scolaire en Communauté française. L'objectif est que le lecteur puisse cerner les normes instituées par l'État qui encourage les opérateurs à collaborer et à prendre en considération les jeunes en difficultés. Ensuite, nous nous intéresserons, en partie, aux différents acteurs scolaires, associatifs, communaux et judiciaires traitant le décrochage scolaire sur La Louvière. Enfin, nous ciblerons, le champ de l'accrochage scolaire sur le territoire louvièrois émanant de l'arrondissement judiciaire de Mons en Communauté française de Belgique.

31Ibid.

32 Pain, J. (septembre 2000). VEI Enjeux, n°122.

2 Les décrets et normes étatiques qui balisent les opérateurs sociaux traitant le décrochage scolaire en Communauté française

2.1 Loi du 29 juin 1983 concernant l'obligation scolaire, art. 1er, § 1er, al.1er

« Le mineur est soumis à l'obligation scolaire pendant une période de douze années commençant avec l'année scolaire qui prend cours dans l'année où il atteint l'âge de six ans et se terminant à la fin de l'année scolaire, dans l'année au cours de laquelle il atteint l'âge de dix-huit ans ». « En Belgique, tous les mineurs d'âge, y compris ceux de la nationalité étrangère qui y séjournent, sont soumis à l'obligation scolaire. Cette obligation incombe aux parents, à la personne investie de l'autorité parentale ou à la personne qui assume la garde en fait du mineur33. » La loi de l'obligation scolaire impose aux jeunes de fréquenter l'école jusqu'à 18 ans. L'obligation se traduit pour la jeunesse par un devoir à respecter. Celui-ci est un devoir scolaire qui est contrôlé non seulement par l'école, mais également, par plusieurs opérateurs, à savoir : la Direction Générale de l'Enseignement Obligatoire, la police et le parquet qui convoque le jeune et ses parents pour un rappel à la loi sous peine de sanction.

2.2 Le décret du 4 mars 1991

Le Décret de l'Aide à la jeunesse du 4 mars 1991 se déploie autour de cinq grands objectifs : (1) la priorité à la prévention, (2) le droit à l'aide sociale spécialisée, (3) le respect des droits fondamentaux des jeunes et des familles, (4) la priorité de l'aide dans le milieu de vie et (5) la déjudiciarisation. L'idée est de donner une chance aux enfants socialement moins avantagés et moins bien dotés afin d'avoir les mêmes opportunités que les enfants favorisés et cela justifie qu'on leur consacre davantage de moyens. Ici, « il s'agit dès lors de viser une probabilité égale, pour les membres de groupes différents, d'accéder aux diplômes scolaires34. »

33Direction Générale de l'Enseignement Obligatoire. Circulaire pour l'année scolaire 2007-2008. Obligation scolaire, inscription des élèves, fréquentation scolaire, sanctions disciplinaires et gratuité dans l'enseignement secondaire ordinaire subventionné par la Communauté française. Administration générale de l'Enseignement et de la Recherche scientifique (p. 7).

34Draelants, H. & Dupriez, V. & Maroy, C. (2003). Le système scolaire (p. 46). Dossiers du CRISP 59.

2.3 Le décret du 30 juin 1998

Le Décret du 30 juin 1998 vise à assurer à tous les élèves des chances égales d'émancipation sociale, notamment par la mise en oeuvre de discriminations positives et apporte une définition claire de l'absentéisme et du décrochage scolaire que nous développerons dans les pages qui vont suivre.

L'Article 2 a pour objet : 1° de distinguer certains implantations d'enseignement ordinaire fondamental et d'établissements ou implantations d'enseignement ordinaire secondaire, organisés ou subventionnés par la Communauté française, ci-après dénommés établissements, ou implantations bénéficiaires de discriminations positives, sur la base de critères définis ci-dessous et : a) de promouvoir dans ces établissements ou implantations des actions pédagogiques destinées à assurer à tous les élèves des chances égales d'émancipation sociale, conformément à l'article 6, 4° du même décret; b) à cet effet, de leur attribuer des moyens supplémentaires; c) d'assurer la coordination des moyens susvisés avec toute autre aide apportée à ces établissements ou implantations par la Région de Bruxelles-Capitale, la Région wallonne, l'État fédéral, l'Union européenne et tout organisme d'intérêt public; 2° pour tous les établissements ou implantations visés à l'article 1er : a) de favoriser la prévention du décrochage scolaire et de l'absentéisme; b) de favoriser la prévention de la violence, avec une attention particulière aux établissements d'enseignement visés au 1°; c) d'organiser la scolarité des mineurs séjournant illégalement sur le territoire pour autant qu'ils accompagnent leurs parents ou la personne investie de l'autorité parentalei

2.4 Décret du 13 mars 2008 portant diverses mesures de lutte contre le décrochage scolaire, l'exclusion et la violence à l'école35

Ce Décret met en évidence les différents opérateurs de prévention en ce qui concerne le décrochage scolaire, l'exclusion et la violence à l'école.

« Article 1er. - Un dispositif de lutte contre le décrochage scolaire, l'exclusion et la violence à l'école, composé de six mesures portant sur la pérennisation et l'amplification du service de médiation scolaire, la création d'équipes mobiles, la mise en place d'une cellule

35Centre de documentation administrative. Lois 28782 (p. 1). D. 12-05-2004.

Secrétariat général mis à jour au 01/04/2008 intitulé modifié par D. 15-12-2006. Ce Décret a connu différentes modifications : D. 12-05-2004 M.B. 21-06-2004 modifications : D. 15-12-06 (M.B. 21-03-07) D. 13-12-07 (M.B. 13-03-08).

administrative de coordination des actions de prévention du décrochage scolaire et de la violence, l'articulation de la formation en cours de carrière avec la prévention de la violence à l'école, la création d'un Centre de rescolarisation et de resocialisation, la mise en place d'un dispositif favorisant un retour réussi à l'école des élèves pris en charge dans des structures externes à l'établissement originaire, est institué pour les établissements d'enseignement fondamental et secondaire ordinaire. »

2.5 La Circulaire 1972 pour l'année scolaire 2007-2008

La Circulaire est une mise à jour suite aux modifications apportées par deux nouveaux décrets : Le premier, est le Décret du 15 décembre 2006 qui renforce le dispositif des services d'accrochage scolaire et qui établit plusieurs mesures relatives aux règles de vie collective au sein des établissements scolaires. Le second, est le Décret du 8 mars 2007 relatif au service général de l'inspection, au service de conseil et du soutien pédagogiques de l'enseignement subventionné par la Communauté française et au statut des membres du personnel du service général de l'inspection et des conseillers pédagogiques (M.B. du 5 juin 2007). La Circulaire 1972 est relative à l'Obligation scolaire, inscription des élèves, fréquentation scolaire, sanctions disciplinaires et gratuité dans l'enseignement secondaire ordinaire subventionné par la Communauté française. La Circulaire est conçue par la Direction générale de l'Enseignement obligatoire et est destinée au secondaire ordinaire, ainsi, qu'aux différents acteurs de la Communauté française : outre les écoles, le Service d'Aide à la Jeunesse, les médiateurs scolaires, les Aides en Milieu Ouvert (AMO), les Services Accrochages Scolaires (SAS), cette Circulaire peut être une référence pour d'autres acteurs sociaux qui traitent le décrochage scolaire. La Circulaire a pour objectif d'instaurer une meilleure collaboration entre les secteurs de l'enseignement et de l'Aide à la jeunesse. De plus, elle aborde la collaboration avec la police en lien avec la Circulaire PLP 41 du Ministère de l'intérieur.

2.6 La Circulaire ministérielle du 7 juillet 2006 <PLP 41>

En juillet 2006, le Ministre de l'Intérieur publie une circulaire prônant la collaboration de la police et du parquet avec les établissements scolaires dans l'objectif de « sécuriser » l'environnement scolaire. La note vise à établir une approche spécifique relative à des faits qualifiés d'infraction commis par les jeunes dans leur environnement scolaire et, plus particulièrement, les faits qualifiés de coups et blessures volontaires, de menaces, d'extorsions, de vol avec violence, de détention d'armes, de harcèlement, de détention et de

vente de drogue. La Circulaire vise également la problématique de l'absentéisme scolaire et du décrochage scolaire dont l'objectif est la réintégration rapide du jeune au sein d'un établissement scolaire et la recherche de réponses adaptées à la situation du jeune « décrocheur ». Aussi, la Circulaire reconnaît et soutient les compétences des écoles dans la gestion des problèmes liés au décrochage scolaire et la violence scolaire à laquelle elles sont confrontées pour autant qu'elles garantissent la sécurité et la protection des étudiants. La circulaire PLP 41 prévoit le développement de partenariats avec les établissements scolaires. Ces partenariats doivent se traduire : d'une part, ««d'une manière claire et conviviale'', avec des procédures de renvoi et de collaboration entre les diverses communautés scolaires et la police » et d'autre part, par « l'établissement d'un point de contact permanent, chargé des relations avec lesdites communautés et de la conclusion d'accords portant sur différentes problématiques dont le traitement serait de nature à « garantir un environnement sûr''. En vertu de la Circulaire PLP 41, ces accords doivent être formalisés dans des conventions écrites associant, dans l'état actuel des choses, établissements scolaires, police, procureur du Roi et bourgmestres compétents dans la zone de police concernée36j

3 Les acteurs du champ de l'accrochage scolaire sur le territoire louvièrois

« Au cours des années 1995-1996, dans le cadre du Fonds d'impulsion à la Politique des Immigrés, et à l'initiative de la Communauté française, un Dispositif Accrochage Scolaire a été mis en place. Ce dispositif avait pour mission de lutter contre l'absentéisme et le décrochage scolaire par une approche globale et préventive. Il s'agissait de prendre en compte et d'articuler le travail de tous les acteurs scolaires et extra-scolaires tels que les centres Psycho- Médico-Sociaux en priorité, mais aussi les partenaires communaux dont la police, les Services d'Aide à la Jeunesse, les Services d'Aide en Milieu Ouvert (AMO), le monde associatif, le monde culturel37... »

Nous identifions quatre acteurs qui traitent la problématique du décrochage scolaire : les
acteurs scolaires, communaux, judiciaires et issus du milieu associatif. Nous ne

36Direction Générale de l'Enseignement Obligatoire. Circulaire pour l'année scolaire 2007-2008. Obligation scolaire, inscription des élèves, fréquentation scolaire, sanctions disciplinaires et gratuité dans l'enseignement secondaire ordinaire subventionné par la Communauté française. Administration générale de l'Enseignement et de la Recherche scientifique (p. 48).

37 L'observatoire (2000). Décrochage scolaire (p. 72). Dossier trimestriel n°28: revue d'action sociale&médicosociale, a.s.b.l

développerons pas les spécificités de chaque opérateur. Cependant, le lecteur peut retrouver dans notre partie empirique, une présentation plus élaborée des différents acteurs que nous avons sélectionnés pour notre étude.

3.1 Les acteurs scolaires

La Direction Générale de l'Enseignement Obligatoire (DGEO) est subsidiée par la C.F. Ce service a pour mission de contrôler les inscriptions des élèves en obligation scolaire et la fréquentation des élèves inscrits. Ce service a une visée sociale, c'est-à-dire qu'il travaille dans l'intérêt du jeune, en partenariat avec les services de première ligne comme : les équipes mobiles, les CPMS, les médiateurs scolaires, les Services Accrochage Scolaire (SAS), les Aides en Milieu Ouvert (AMO), le Service Jeunesse et Famille (SJF), le parquet, le Service Protection à la Jeunesse (SPJ), le Service d'Aide à la Jeunesse (SAJ).

Remarques :

Avant 2007, le contrôle du décrochage scolaire était du ressort du Service d'Aide à la Jeunesse. Aujourd'hui, c'est à la Direction de l'Obligation de l'Enseignement Obligatoire de contrôler les «décrocheurs». Le SAJ est subsidié par la Communauté française et son cadre légal est le décret du 04/01/91 relatif à l'Aide de la Jeunesse. Il propose une aide spécialisée qui tend à permettre au jeune de se développer dans des conditions d'égalité des chances en vue de son ascension à une vie conforme à la dignité humaine38. Leurs missions sont de mettre en oeuvre une politique de prévention générale au niveau de l'aide individuelle en travaillant en collaboration avec le réseau social.

Les établissements scolaires39 sont subsidiés par la C.F. Au sein des écoles du cycle secondaire tous réseaux confondus, on retrouve les directeurs d'école, les éducateurs. Outre les responsabilités du directeur qui s'articulent autour des axes pédagogiques, éducatifs, administratifs, matériels et financiers, il doit gérer et coordonner l'équipe éducative, les relations avec les élèves et les parents ainsi que les relations extérieures de l'établissement. L'éducateur relève les présences, s'assure de la gestion de l'absentéisme scolaire et fait respecter les normes de l'école. Les écoles collaborent étroitement avec les CPMS qui sont un service externe. Cependant, ce service dispose généralement de locaux au sein des murs de l'école. Le cadre légal du CPMS est le décret du 14 juillet 2006 (M.B 05/09/06) relatif aux

38 On retrouve cette idéologie de travail dans le Décret du 9 mars 1991 de l'Aide à la Jeunesse (Articles 2 & 3).

39 Nous retrouvons une présentation plus détaillé de ces acteurs dans notre cinquième chapitre.

missions, programmes et rapport d'activités. L'équipe se compose généralement de psychologues, d'assistants sociaux et d'infirmières. Le CPMS est le référent primordial en ce qui concerne le décrochage scolaire, l'absentéisme et la violence scolaire. Il collabore avec les services venant en aide aux jeunes. L'action essentielle des centres psycho-médico-sociaux a été renforcée ces dernières années par deux nouveaux dispositifs : la médiation scolaire et les équipes mobiles.

Les équipes mobiles sont subsidiées par la C.F. et placées sous l'autorité de la Direction Générale de l'Enseignement Obligatoire. Le cadre légal est structuré par la Circulaire n° 1884 (24 mai 2007) définissant les missions et le cadre d'action propre à ce service. Le service est composé de vingt opérateurs ayant des identités professionnelles différentes, pour toute la zone de la C.F. On y retrouve des criminologues, des psychologues, des assistants sociaux, des éducateurs qui travaillent par secteur en fonction du lieu d'habitation de l'opérateur. Pour activer ce service, le directeur d'école, ou le Pouvoir Organisateur, doit adresser un courrier à la DGEO concernant toute situation relevant de la prévention et de la gestion du décrochage scolaire, des exclusions et des violences scolaires. Ceci signifie que l'équipe mobile dépend de la volonté des directions d'écoles pour « exister ». Les missions de l'équipe mobile sont diverses : construire ou renforcer l'action éducative en matière de gestion ou de prévention du décrochage, des exclusions et des violences scolaires ; soutenir les équipes éducatives et les élèves confrontés à une situation de crise40; contribuer au maintien ou à la restauration d'un climat propice à l'apprentissage ; assurer des formations sur les thèmes de la gestion et de la prévention des situations critiques. Sur le terrain, les membres de l'équipe mobile prennent en considération les partenaires qui ont connaissance du dossier du jeune pour établir, éventuellement, un partenariat. L'action du service est basée sur une approche globale et systémique des problématiques scolaires.

Les médiateurs scolaires sont subsidiés par la C.F. et sont placés sous l'autorité de la Direction Générale de l'Enseignement Obligatoire. Ils interviennent selon les axes définis par le Décret du 30 juin 1998 visant à assurer à tous les élèves des chances égales d'émancipation sociale, notamment par la mise en oeuvre des discriminations positives. L'équipe est composée de sept médiateurs qui travaillent dans des zones géographiques bien spécifiques dans les différents réseaux scolaires. La médiation s'adresse aux jeunes de l'enseignement

40Au sens de l'article 31 du Décret du 30 juin 1998 visant à assurer à tous les élèves des chances égales d'émancipation sociale par la mise en oeuvre de discriminations positives

secondaire et, exceptionnellement, aux jeunes du fondamental. Chaque réseau scolaire dispose d'un médiateur référent intégré à une équipe zonale. Les missions s'articulent autour de logiques de prévention (animations sur des thématiques spécifiques) et d'intervention relative au décrochage scolaire et à la violence selon les axes définis par le décret du 30 juin 1998, en vue de favoriser, conserver, rétablir un climat de confiance dans le champ scolaire. Ces logiques impliquent un travail inter-réseaux et un partenariat avec des organisations spécialisées pour favoriser l'intégration du jeune dans son école ou sa réinsertion dans un autre établissement scolaire.

3.2 Les acteurs issus du milieu associatif

Trois Services Accrochage Scolaire sont subsidiés par la Communauté française et sont formalisés par le Décret du 15 décembre 2006 (M.B. 21/03/07) renforçant le dispositif des services d'accrochage scolaire (décret du 12 mai 2004) portant diverses mesures de lutte contre le décrochage scolaire, l'exclusion. Le SAS est généralement composé d'une équipe pluridisciplinaire où l'on retrouve des éducateurs, des enseignants et un coordinateur. Le SAS exerce ses activités en dehors des locaux des établissements d'enseignement. L'objectif de ce service est d'accueillir l'élève en difficulté dans le but : d'améliorer les conditions de développement et d'apprentissage de l'élève en difficulté ; de réintégrer le jeune dans un établissement scolaire dans des bonnes conditions (ex : réorientation scolaire). Le jeune en difficulté peut être orienté vers ce service par l'intermédiaire de ses parents, sur base volontaire de ces derniers et du mineur, mais également sur la recommandation des professionnels (du CPMS, de l'établissement d'enseignement, de l'Administration Générale de l'Enseignement, du service de l'Aide à la jeunesse, du service de Protection judiciaire ou encore du Tribunal de la jeunesse).

Les Aides en Milieu Ouvert (AMO) sont subsidiés par la Communauté française et ont pour missions d'assurer une aide préventive au bénéfice des jeunes dans leur milieu de vie et dans leurs rapports avec l'environnement social. Le cadre légal des AMO sont le Décret relatif à l'Aide de la jeunesse du 4 mars 1991 et l'Arrêté du Gouvernement de la Communauté française du 15 mars 1999 (M.B. 01/06/99). L'équipe de ce service est souvent composée d'un directeur, d'une secrétaire, d'assistants sociaux et d'éducateurs. Cette aide comporte trois dimensions : (1) l'aide individuelle, (2) l'action communautaire et (3) l'action collective. Le service effectue un travail d'écoute, d'accompagnement, d'orientation et une

intervention socio-pédagogique visant à aider le jeune à surmonter ses difficultés dans les domaines familial, social, scolaire, administratif, juridique, professionnel et économique ; il soutient le jeune et ses proches dans l'élaboration et la mise en oeuvre de projets personnels et prépare le jeune à l'exercice de ses droits et devoirs et à l'apprentissage de l'autonomie et de la citoyenneté responsable.

3.3 Les acteurs judiciaires

Le Service jeunesse et famille de la police (SJFP) est subsidié par le gouvernement fédéral et par la Ville. Le cadre légal est la Loi de protection de la jeunesse de 1965 et le Décret de l'Aide à la jeunesse de 1991. Il est composé de quatre cellules (comprenant un ou deux inspecteurs de police spécialisés) implantés dans quatre secteurs de La Louvière, à savoir : le Centre (La Louvière), le Sud (Haine-St-Paul), le Nord (Houdeng-Goegnies) et le secteur Ouest (Strepy-Bracquegnies). Les interventions s'effectuent auprès du mineur d'âge (de 0 à 18 ans) et de sa famille, lorsque sa santé, sa sécurité physique mentale ou morale sont compromises (voir le Décret du 4 mars 1991). Aussi, ces services s'attèlent également à la problématique du décrochage scolaire. En effet, les opérateurs du secteur Centre effectuent des contrôles en rue aux heures présumées des cours. Les agents de police des autres secteurs sont avertis et peuvent interpeller (après enquête) le parquet s'ils estiment que le jeune déscolarisé est en danger et /ou d'orienter le jeune vers des services d'insertion socio-éducatif.

Le Service de la Protection de la Jeunesse (SPJ) a comme cadre légal le Décret du 4 mars 1991 relatif à l'Aide à la Jeunesse. Le pouvoir subsidiant est la Communauté française. Le service compétent pour le citoyen louvièrois se trouve à Mons. L'aide de ce service est imposée par le tribunal de la jeunesse car aucune aide n'a fait l'objet d'un accord avec le SAJ. L'équipe est composée de plusieurs délégués (assistants sociaux et éducateurs) qui rendent compte de la situation du jeune au directeur du SPJ afin de répondre de la manière la plus adaptée à la problématique du jeune. Dans le cas du décrochage scolaire, le directeur peut imposer un suivi par un service compétent afin d'intégrer le jeune dans une école.

3.4 Les acteurs communaux

L'Antenne Accrochage Scolaire du Plan Stratégique de Sécurité et de Prévention41 (AAS du PSSP) est subsidiée par le Ministère de l'Intérieur. L'enveloppe est gérée au niveau local par le Bourgmestre de la Ville. Les cadres légaux sont l'Arrêté royal du 7 décembre 2006 relatif aux PSSP et l'Arrêté ministériel du 15 janvier 2007 relatif à l'introduction des PSSP 2007-2010. Les missions de ce service sont de réduire le décrochage scolaire en appelant les acteurs locaux traitant de la problématique du décrochage scolaire à se réunir dans le cadre de la Commission Accrochage Scolaire. L'AAS travaille avec le jeune et sa famille, c'est un travail de soutien, d'écoute, d'orientation et d'accompagnement vers les services compétents. Le Plan de Proximité et de Prévention (PPP) est subsidié en grande partie par la Région Wallonne, le gouvernement fédéral et la Ville. Le cadre légal est le Décret du 15 mai 2003 relatif à la prévention de proximité dans les Villes et les communes Wallonnes. Ce service est coordonné par un chef de service et est composé d'une équipe pluridisciplinaire de 32 personnes (éducateurs de rue, animateurs, assistants sociaux, psychologues, criminologue, secrétaire) qui travaillent dans différentes cellules d'actions sociales afin de répondre aux différentes missions qui leur sont attribuées : (1) la médiation des Conflits de Voisinage, (2) le Bureau d'Aide aux Victimes, (3) le Service de Prévention des Assuétudes, (4) le Travail Social de rue et les Maisons de quartier. Les agents ont pour mission d'orienter les jeunes vers des circuits de réinsertion socio-éducative et socioprofessionnelle.

Les différents acteurs scolaires, communaux, judiciaires et issus du milieu associatif sont invités à activer et ce, en se référant à la Circulaire 1972, un ``éventail» de partenaires comme : les médiateurs scolaires, les équipes mobiles, les Services d'Accrochage Scolaire (SAS), les Aides en Milieu Ouvert (AMO), le service d'Aide à la Jeunesse et la Direction Générale de l'Enseignement Obligatoire (DGEO). Cette Circulaire encourage le renforcement de la collaboration entre l'enseignement et le secteur de l'Aide à la Jeunesse. De plus, lorsque les acteurs sociaux relèvent que le jeune est en danger, ils ont la possibilité de relayer vers des organisations comme le Service Jeunesse et Famille (SJF), le Parquet, le Service Protection à la Jeunesse (SPJ), le Service d'Aide à la Jeunesse(SAJ). Les Décrets, les normes, les Lois sont des références, un point de repère pour les opérateurs dans le champ du décrochage scolaire en ce qui concerne : des collaborations éventuelles visant le «mieux être» ; des relais voire de la complémentarité dans l'action sociale pour intégrer le jeune dans des circuits de réinsertion

41 Ibid.

socio-éducative. Après avoir présenté les normes étatiques et les opérateurs de terrain, nous allons dès lors, contextualiser le décrochage scolaire en Communauté française de Belgique sur le territoire louvièrois.

4 Présentation de la Ville de La Louvière

La région du Centre a une superficie42 de plus ou moins 64.000 hectares pour une population d'environ 250.000 habitants dispersés sur huit entités. La Louvière est la ville la plus importante de la région du Centre en nombre d'habitants. À elle seule, l'entité louvièroise compte près de 77.243 habitants pour une superficie d'environ 6.000 hectares et comprend onze entités (La Louvière, Saint-Vaast, Bois-du-Luc, Houdeng-Goegnies, Houdeng-Aimeries, Maurage, Trivières, Strepy-Bracquegnies, Haine-Saint-Pierre, Haine-Saint-Paul, Besonrieux). Née de la révolution industrielle, la région du Centre a été frappée par la disparition des charbonnages et la fermeture de nombreuses entreprises et ce, après un essor économique extraordinaire. Tout comme Mons, le Borinage et Charleroi entre lesquels elle est placée, La Louvière est reprise dans le sillon industriel wallon. La Louvière se caractérise par un revenu par habitant le plus faible de toute la région du Centre. Le taux de demande d'emploi sur cette région est de 24,9%43. En ce qui concerne le niveau socio-économique, on ne peut nier l'influence néfaste des années 70-80. En effet, cette région du Centre a été affectée par le déclin de ses activités traditionnelles et connaît encore aujourd'hui une profonde crise structurelle de son économie. Dès lors, il en résulte un taux de chômage élevé caractérisé par44 : un nombre important de femmes, une augmentation de chômage chez les moins de 25 ans, le chômage qui atteint désormais des personnes qualifiées. Enfin, 60 % des demandeurs d'emploi le sont depuis plus d'un an. Dans ce contexte, il est difficile pour le citoyen louvièrois de se projeter vers l'avenir. Par ailleurs, La Ville de La Louvière fait l'objet d'interventions communautaires dans le cadre des fonds structurels européens45. Au niveau national, certains de ses quartiers ont été répertoriés, à l'initiative du Gouvernement Fédéral dans le cadre du Fonds d'impulsion pour la Politique de l'immigration (FIPI), comme étant des Zones d'Action Prioritaire (ZAP) nécessitant des actions positives en faveur de l'intégration de la population immigrée locale et des jeunes d'origine étrangère, en particulier. Ce fonds d'urgence a pour objectif la réalisation de projets spécifiques à l'intégration des

42Source : Service population de la Ville de La Louvière (2006). En 2009 : 21,50%.

43Source: Institut National de Statistiques, SPF Economie, PME, Classes moyennes et Energies (2006). 44Source: Service population de la Ville de La Louvière.

45La Wallonie et les fonds structurels européens 1994-1999. In Wallonie, Conseil Economique et Social de la Région Wallonne, n°32, 1994-2, pp. 15-21.

immigrés s'inscrivant dans un des quatre axes suivants : dépenses d'investissement pour l'infrastructure sportive et pour la jeunesse, lutte contre le décrochage scolaire, emploi des jeunes immigrés confrontés à des problèmes majeurs d'insertion socioprofessionnelle, prévention de la délinquance juvénile46. En ce qui concerne l'environnement scolaire des jeunes louvièrois, La ville de La Louvière se caractérise par un réseau d'enseignement très étoffé qui draine de nombreux jeunes. Il est difficile de brosser un tableau précis de tout ce flux d'élèves inscrits dans les établissements scolaires de l'entité. Sur seize établissements d'enseignement secondaire, dix sont en discrimination positive. La filière professionnelle est largement représentée sur ce territoire. Les seize établissements scolaires sont répartis dans différents réseaux : six établissements pour le réseau libre, trois établissements pour le provincial, une école du réseau communal, une école de la Communauté Française. On retrouve également, sur ce territoire un CEFA et une IFAPME. L'enseignement spécialisé y est également représenté. Ainsi, nous trouvons trois écoles dans le réseau libre, un établissement communal et une école du provincial. Une autre particularité de la Ville de La Louvière est que la plupart de ces établissements se localisent dans le Centre-Ville. Ce qui présente, entre autres, à certains moments de la journée, de réels problèmes de mobilité dans cette zone. De ce fait, la Ville de La Louvière doit également faire face à un nombre important de jeunes qui se baladent en rue pendant les heures des cours. Le Centre-Ville de La Louvière est un carrefour multiculturel qui connaît une mobilité de jeunes émanant des différentes communes du Centre mais aussi des communes limitrophes comme Manage, Familleureux, Morlanwez et Binche.

5 Le décrochage scolaire dans la tanière des loups

Le décrochage scolaire est un phénomène complexe qui est la partie visible d'un «problème» que l'on peut facilement identifier à partir des normes relatives au Décret du 30 juin 1998 (voir ci-après). Cependant, ce problème cache souvent un « mal-être profond » qui résulterait, selon Janosz et Leblanc (2005), d'une multitude de facteurs dépassant le cadre purement scolaire. On retrouve dans leurs typologies les déterminants de l'abandon scolaire - sociaux, personnels, familiaux, interpersonnels, organisationnels - liés aux pratiques éducatives et aux relations avec les enseignants et des déterminants personnels liés à des données sociodémographiques. De plus, les auteurs soulèvent que le décrochage scolaire peut être considéré comme une manifestation extrême d'échec scolaire, soulignant également

46Hubert, H.-O. (1999). L'Etat face à l'insécurité : Dérives politiques des années 90 (p. 154). Bruxelles : Labor.

l'importance de la prévention, de la détection voire de la responsabilité de l'école.

Si nous nous référons à la définition de l'article 3 du Décret du 30 juin1998 : « l'absentéisme est le comportement d'un élève, qui bien que régulièrement inscrit, s'absente fréquemment des cours sans motif valable ». Ce même article 3 définit le décrochage scolaire comme :

« La situation d'un élève soumis à l'obligation scolaire qui n'est inscrit dans aucun établissement et qui n'est pas instruit à domicile; la situation d'un élève soumis à l'obligation scolaire, inscrit dans un établissement mais qui s'en est absenté si fréquemment sans motif valable qu'il compte plus de 20 demi-jours d'absence injustifiée ».

À cela s'ajoutent diverses situations particulières d'absentéisme et de décrochage scolaire :

« Les situations d'élèves exclus ne pouvant être réinscrits après une prise de connaissance du dossier par la commission zonale d'inscription compétente (voir l'article 30 du Décret) ; les situations d'élèves dits « en crise » pouvant, de manière cumulative ou non, présenter, entre autres, des problèmes de comportement, d'absentéisme voire de retard scolaire, qui restent néanmoins en situation d'élève régulier et, de ce fait, restent inscrits dans l'établissement demandeur d'aide. Cette situation de crise est appréciée par le conseil de classe et le centre PMS avec avis de la commission zonale d'inscription compétente (voir l'article 31 du même Décret) ; les situations d'élèves dits « en crise » qui ne sont plus régulièrement inscrits dans un établissement (voir l'article 31 bis du même Décretj

La commission de l'éducation et de la formation en communauté française relève que, entre la troisième et la cinquième année du secondaire, 30 % des jeunes découragés et démotivés quittent l'enseignement avant la fin du secondaire47. En ce qui concerne le taux de décrochage scolaire sur le territoire louvièrois, il n'existe pas de chiffres précis concernant cette problématique. Si nous prenons en considération les statistiques du service du contrôle de l'obligation scolaire de l'année scolaire 2007-2008 pour l'enseignement secondaire en Communauté française de Belgique48, cette période comptabilise, dans l'arrondissement judiciaire de Mons, 468 cas de décrochage scolaire dont, 402 dans l'enseignement ordinaire et 66 dans l'enseignement spécialisé. Les chiffres de la Ville de La Louvière sont traités et inclus dans ce dossier. Par conséquent, les données ne nous donnent pas des chiffres précis pour la région étudiée. En ce qui concerne l'interprétation de ces données chiffrées, il y a lieu de respecter quelques règles de prudence. Divers biais peuvent être constatés : par exemple, certains chefs d'établissement ne suivent pas scrupuleusement la réglementation et certaines

47Communauté française de Belgique (2001-2002). Données statistiques. En ligne http://www.cfbe, consulté en mars 2008.

48Annexe : tableau sur l'absentéisme scolaire remis par la DGEO dans le cadre du mémoire.

situations de décrochage scolaire ne sont pas dénoncées, des erreurs d'encodage peuvent survenir. De ce fait, il nous semble intéressant de prendre en considération les constats du Service d'Aide à la Jeunesse de Mons et de l'Antenne Accrochage Scolaire du Plan de Sécurité et de Prévention (AAS du PSSP)49 de la Ville de La Louvière afin d'avoir une idée de la problématique sur ce territoire. Selon le SAJ, « La Louvière est la commune qui possède le taux de décrochages le plus important de l'arrondissement, avec Mons et Saint-Ghislain. Le profil type du décrocheur est un garçon ou une fille de 15 à 16 ans, en troisième professionnelle ou humanité »50. En effet, pour l'année 2002-2003 ce service a relevé 231 situations de décrochage scolaire pour 178 en 2003-200451. Pour l'année 2006, l'AAS a pris en charge 222 dossiers dont 1/3 représente des adolescents en décrochage solitaire, c'est-àdire des « élèves fantômes » qui ne sortent pas de leur domicile (dépression, phobie scolaire, repli sur soi, tentative de suicide). S'agissant du type de décrochage scolaire le plus difficile à déceler, on peut supposer que le chiffre « réel » est plus important. Aussi, d'après le C.S.P. louvièrois, 50% des demandes émanent des parents et des jeunes et 70% des « décrocheurs » sont âgés entre 15 ans et 18 ans52. Les chiffres du SAJ et de l'AAS confirment que la troisième année d'études, tous types d'enseignement confondus, s'avère être l'année charnière. L'AAS doit faire face à un nombre important de jeunes qui se promènent en rue pendant les heures des cours et tente de remédier à cette problématique (le Pass scolaire) émane de ce constat). En ce qui concerne le décrochage scolaire, les constats de terrain, en lien avec les données statistiques53 de l'AAS, révèlent que ce service rencontre un nombre élevé d'adolescents en décrochage. Ceux-ci sont principalement issus de l'enseignement spécialisé et de l'enseignement professionnel. Une fois renvoyés de ces deux types d'enseignement, ces jeunes (parcours scolaire instable, exclusions) sont amenés à « voyager » d'une école à l'autre avant de, éventuellement, cesser toute scolarité ou de côtoyer l'horaire réduit par manque d'alternative. L'acteur communal et les acteurs scolaires aiguillent ces adolescents vers des « Services Accrochage Scolaire » qui travaillent la socialisation, l'intégration et l'orientation scolaire du jeune dans un cadre adapté (équipe pluridisciplinaire, pédagogie différenciée). Cependant, il est rare d'obtenir des places car elles sont limitées. Trop d'adolescents ne peuvent donc pas profiter de cette pédagogie. Dans les faits, les acteurs

49 Pour plus d'informations sur ces deux organisations, nous invitons le lecteur à consulter les pages 27 et 41. 50Contrat de sécurité et de prévention de La Louvière : un pass scolaire pour lutter contre le décrochage (06/12/2004). En ligne http://www.altereduc.be, consulté en avril 2008.

51Arrondissement judiciaire de Mons : « commentaires sur les résultats statistiques des trois années scolaires de 2001 à 2004 ».

52Statistiques du décrochage scolaire de l'AAS du PSSP de la Ville de La Louvière (2006).

53 Voir annexe 1.

qui traitent le décrochage scolaire (le Centre Psycho Médico Social, le Contrat de Sécurité : l'AAS, le Service Jeunesse et Famille, l'Aide en Milieu Ouvert, les éducateurs et directions d'écoles), font des constats communs concernant les difficultés d'orienter et d'accompagner ces jeunes. Dès lors, la solidarité sociale des opérateurs atteint ses propres limites face aux manques de place dans les structures d'accrochage scolaire.

6 De la concertation entre les différents opérateurs au projet « Pass scolaire »

« Au-delà de l'école et ses différentes filières (général, technique, professionnel) qui en tant que telles peuvent être analysées comme autant de dispositifs d'insertion, des dispositifs spécifiques ont été mis en place ces dernières années en vue de favoriser l'accrochage scolaire et la formation professionnelle des jeunes en décrochage scolaire : ce sont les CEFA (Centre de Formation par Alternance) et les dispositifs d'accrochage scolaire (SAS)54i Outre ces dispositifs, il existe, des services qui se sont penchés sur le décrochage scolaire comme : les acteurs communaux, tels que les Contrats de Sécurité et de Prévention (aujourd'hui définis comme des Plans Stratégiques de Sécurité et de Prévention) et les acteurs judiciaires (le Service Jeunesse et Famille et les criminologues du Parquet). En effet, certains événements, relayés par les médias, ont «activé» la mise en place de nouveaux services et ont accentué des logiques de solidarité55 entre les différents opérateurs qui traitent le décrochage scolaire. Rappelons-nous la mort de Joe Van Holsbeeck, le 12 avril 2006, tué à coups de couteau par deux jeunes adolescents pour un MP3 à la gare de Bruxelles. Peu après, le 23 avril, en hommage à Joe, on assistait à une marche silencieuse qui mobilisa 80.000 personnes, à Bruxelles. En réponse à ces faits, l'ancien premier ministre, Guy Verhofstadt, parlait de « signal politique» de la part du Fédéral et des Communautés. Il s'agissait d'apporter du renfort aux magistrats de la jeunesse en ce qui concerne le placement des jeunes en centre fermé, ainsi que de nommer des criminologues au sein des parquets pour accompagner les jeunes en décrochage scolaire et lutter contre le racket. Dans ce contexte, l'Aide à la jeunesse, le Fédéral et l'Enseignement ont renforcé leur collaboration afin d' «accrocher» le jeune en difficulté ; l'idée étant d'optimiser les actions à travers la concertation avec les différents dispositifs. Aujourd'hui, même si on a souvent reproché aux différents acteurs sociaux qui

54Franssen, A. (mars 2002). Thèse de doctorat, Université Catholique de Louvain, Louvain-la-Neuve. La fabrique du sujet : Transformations normatives, crises identitaires et attentes de reconnaissance (p. 30).

55Dans le sens où les acteurs s'entraident pour insérer le jeune dans les circuits de réinsertion socio-éducative voire socio-professionnelle.

traitent le décrochage scolaire de travailler de manière «isolée», il existe plusieurs initiatives pour lutter contre le décrochage scolaire et favoriser la collaboration entre les différents acteurs concernés. Les institutions des différentes sphères scolaire, judiciaire, associative et communale sont passées de la réflexion à l' «action» en se concertant dans des lieux communs.

« Face à l'absentéisme scolaire, qui est une problématique difficile à gérer, la ville de La Louvière a développé un mécanisme digne d'intérêt. Elle a en effet créé une ``commission accrochage scolaire» rassemblant notamment des directeurs d'école, des responsables de centres PMS, des représentants de la médiation scolaire de la Région wallonne, des membres du service de l'Aide à la jeunesse, du parquet et de la police. Cette commission est gérée par l'antenne du contrat de sécurité et de prévention de la ville. » (Philippe de Fontaine)

« Plusieurs villes de la Région wallonne ont effectivement développé des actions avec les partenaires scolaires et institutionnels pour lutter contre l'absentéisme et le décrochage scolaire sur la base des programmes de sécurité et de prévention. Les villes de La Louvière et de Mons se montrent particulièrement actives dans ce domaine. La prise de conscience du phénomène par les autorités institutionnelles est donc réelle. La lutte contre le décrochage scolaire requiert l'implication de tous les acteurs et intervenants ainsi que la coordination de leurs actions. L'idée de créer un organe commun me paraît par conséquent judicieuse56. » (Marie Arena)

Face au problème d'absentéisme et de décrochage scolaire, une cellule a été mise en place en juin 1994 dans le cadre du Contrat de Sécurité et de Société au volet policier. En janvier 2002, la cellule devient l'Antenne Accrochage Scolaire et ce, afin d'intégrer le volet préventif. C'est dans le cadre de l'échange et des constats de terrain établis par les acteurs locaux que l'Antenne Accrochage Scolaire a vu le jour. Ce service assure également l'animation de la Commission Accrochage Scolaire qui réunit les différents intervenants locaux afin d'élaborer des projets ayant pour but de diminuer le décrochage scolaire et le sentiment d'insécurité sur l'entité. La Commission Accrochage Scolaire est un groupe de réflexion et de travail qui est en place depuis plusieurs années.

Nous retrouvons dans le Procès Verbal57 de la CAS du 24/01/08 rédigé par l'AAS, les sujets

56Question orale de M. Philippe Fontaine à Mme Marie Arena (mai 2006), Ministre-Présidente chargée de l'Enseignement obligatoire et de la promotion sociale, ayant pour objet « le « Pass » contre l'école buissonnière. En ligne http://www.mr-pcf.be /Travail-Parlementaire/documents/ QOPHFPasscontreecolebuissonniereCRI10- 0405.pdf -, consulté en septembre 2008.

57Annexe 1.

que les Membres de la Commission souhaitent aborder dans un avenir proche. Outre la concertation entre les acteurs locaux, la CAS a permis en septembre 2004, d'appliquer le «Pass scolaire» 58 à la Ville de La Louvière : il s'agit d'un projet visant à harmoniser les interventions en matière de décrochage scolaire pour l'enseignement secondaire tous réseaux confondus auprès des intervenants locaux. « C'est ainsi que dix établissements scolaires, la police locale, le Parquet Jeunesse de Mons, les CPMS, les médiateurs scolaires, les associations (AMO, SAS, Centre de Guidance) et autres intervenants ont adhéré au projet. Ils ont donc marqué leur souhait de développer des synergies et des actions concertées autour des jeunes «décrocheurs''59. » Concrètement, le «Pass scolaire» vise la prévention du décrochage/absentéisme scolaire en harmonisant les pratiques des différents partenaires impliqués. Concrètement, chaque élève se trouvant en rue doit être muni de son «Pass scolaire», c'est-à-dire d'une carte reprenant son horaire hebdomadaire, cela afin de justifier sa présence en-dehors de l'établissement pendant les heures de cours en cas de contrôle par la Police locale. Après chaque contrôle, si la présence en rue est injustifiée, l'établissement scolaire ainsi que les parents seront avertis. Trois contrôles injustifiés donnent lieu à une information transmise par la Police locale auprès du Parquet. Cet outil est adapté aux réalités de chaque école et répond aux objectifs de la PLP 4160. « Outre ces projets, la Commission Accrochage Scolaire a permis à plusieurs services de présenter leurs missions et ce, afin de mieux cerner les spécificités de chacun et de renforcer le réseau existant61. » « Cette commission rencontre un taux de participation relativement satisfaisant et montre le besoin des intervenants locaux de se réunir pour trouver ensemble des solutions afin de motiver les jeunes à poursuivre des études, même si le contexte socio-économique n'est pas des plus rassurants et encourageants. Dès lors, le travail au sein de cette structure de concertation a tout son sens pour maintenir des liens entre les professionnels de l'éducation62i

58En 2006, l'AAS a mené une enquête en collaboration avec l'UMH (Université de Mons Hainaut) auprès des directions d'écoles dans l'objectif de « mesurer » le sentiment d'insécurité dans les écoles. Dans le cadre cette étude, nous constatons que 75% des écoles du cycle secondaire de la Ville de La Louvière qui fonctionnent avec des cartes de sorties utilisent le « PASS Scolaire ».

58Annexe 1: Courrier rédigé par le C.S.P (aujourd'hui appelé Plan Stratégique de Sécurité et de Prévention) du 08/10/07 envoyé aux acteurs locaux qui traitent le décrochage scolaire.

59Ibid.

60Pour plus d'informations, nous renvoyons nos lecteurs à consulter les pages 23-24 de notre étude.

61Annexe 1 : Courrier rédigé par le C.S.P (aujourd'hui appelé Plan Stratégique de Sécurité et de Prévention) du 08/10/07 envoyé aux acteurs locaux qui traitent le décrochage scolaire.

62Rapport de l'évaluatrice interne du C.S.P de la Ville de La Louvière (2004).

7 Conclusion

Tout au long de ce chapitre, nous avons présenté les différents acteurs qui traitent le décrochage scolaire : premièrement, les acteurs scolaires: les directions d'écoles, les éducateurs, les CPMS, les équipes mobiles, les médiateurs du service de la médiation scolaire en Wallonie, la Direction Générale de l'Enseignement Obligatoire. Deuxièmement, les acteurs issus du milieu associatif: l'équipe pluridisciplinaire du Service Accrochage Scolaire, l'Aide en Milieu Ouvert. Troisièmement, les acteurs communaux: l'Antenne Accrochage Scolaire du Plan de Sécurité et de Prévention et le Plan de Proximité et de Prévention. Quatrièmement, les acteurs judiciaires : le Service de Protection de la Jeunesse, le parquet de Mons, le Service Jeunesse Famille de la police. Ces différents opérateurs sont balisés par des textes légaux (Circulaires et Décrets) et sont invités à créer des synergies avec d'autres organisations. Ces dernières s'inscrivent dans une logique de contrôle et de solidarité sociale dans le but d'insérer le jeune dans les circuits de réinsertion socio-éducative. Nous avons également soulevé que l'État a une fonction de régulateur dans le champ de l'accrochage scolaire. Il a pour vocation de faciliter et d'encourager les initiatives locales en décrétant la concertation et la collaboration entre les différents acteurs. Ils sont invités à se rencontrer dans le cadre d'une Commission Accrochage Scolaire gérée par le PSSP (anciennement appelé Contrat de Sécurité) sur le territoire louvièrois. En outre, l'État décentralise son «pouvoir» afin que les institutions puissent répondre à la problématique locale du décrochage scolaire en appelant les organisations à se concerter et à mobiliser les ressources locales.

Si l'État (le Ministère de l'Intérieur) invite les opérateurs à se concerter dans la cadre de la Commission Accrochage Scolaire, qu'en est-il sur le terrain ? De manière concrète, quelle est l'influence de la CAS sur les logiques de solidarité des acteurs scolaires, communaux, judiciaires et issus du milieu associatif ?

Chapitre 3 : Le décrochage scolaire, une question de solidarité

1 Introduction

Pour traiter la problématique du décrochage scolaire, il existe des acteurs scolaires, communaux, judiciaires et des acteurs issus du milieu associatif invités à créer des synergies dans le but d'orienter les «décrocheurs» vers des circuits de réinsertion socio-éducative. De plus, on retrouve au sein de la CAS gérée par l'acteur communal, les différents acteurs qui traitent la problématique du décrochage scolaire. Ici, il s'agit de s'intéresser aux types de solidarité de ses opérateurs qui ont des liens avec la CAS. Pour ce faire, nous utiliserons, dans le cadre de notre étude, la typologie du sociologue Guy Bajoit (2002) relative aux quatre logiques de solidarité qui soulèvent des logiques instrumentales et expressives. L'outil nous permettra d'analyser ce qui oriente et donne du sens aux conduites des opérateurs et ce qui les fait s'entraider. Pour construire sa typologie, il s'est inspiré des quatre déterminants de l'action de Max Weber (1971) et en a modifié quelque peu les modalités. Weber est un sociologue qui s'est intéressé aux logiques sous-jacentes des interactions sociales. Pour rendre compte de ces différentes logiques, Max Weber s'est appuyé sur ce qu'il appelle : l'idéal type. Dans les pages qui vont suivre, et dans l'objectif de présenter les logiques de solidarité de Guy Bajoit, nous allons, à partir de Max Weber, expliquer l'idéal type ainsi que ses déterminants de l'action. Enfin, notre cadre théorique, en l'occurrence l'outil conceptuel que nous propose Guy Bajoit, sera mobilisé pour notre partie méthodologique. L'auteur nous propose un idéal type qui nous permettra de rendre compte de la logique cachée derrière toute action sociale.

« Le positionnement de la démarche dans un cadre théorique ne se réalise pas de manière mécanique, ni artificielle. Le cadre théorique n'est ni un poids administratif, ni une charge académique. Il a pour fonction non pas de compliquer mais de faciliter la vie du chercheur ; il va permettre d'ouvrir des pistes nouvelles et, ainsi qu'on observe dans l'illustration qui précède, il va introduire dans la réflexion des concepts originaux et de la sorte enrichir l'ensemble de la démarche. 63»

63Albarello, L. (2003). Apprendre à chercher. L'acteur social et la recherche scientifique (p. 37). Bruxelles : De Boeck.

2 L'idéal type comme outil conceptuel

« Instrument d'objectivation du réel, l'idéal type contraint le chercheur à clarifier et à expliciter ses présupposés et, partant, à prendre conscience des limites de la validité des résultats de sa recherche 64». Pour Max Weber, la compréhension et l'explication des faits sociaux s'appuient sur un idéal type qui est un modèle idéal permettant de rendre compte de la logique cachée derrière toute action sociale. « L'idéal type est une représentation simplifiée de la réalité construite en négligeant tout ce qui est caractéristique du phénomène étudié et en accentuant, au contraire, ses traits spécifiques. Ce n'est ni une moyenne ni une description fidèle de la réalité, mais un modèle abstrait, à l'image du marché chez les économistes néoclassiques, qui doit permettre de mettre en valeur la logique des relations sociales telles qu'elles découlent des intentions des différents acteurs65j Cet outil ne reflète pas la réalité empirique en soi, il aide à son analyse et à sa compréhension ; ces représentations schématiques accentuent délibérément certaines propriétés pour la recherche.

« Loin d'être une simple reproduction de la réalité, c'est une construction théorique, `'un tableau idéal» au sens logique du terme, dont le concept d'homo oeconomicus, forgé par des économistes classiques représente un bon modèle66. » Ce concept est une fiction inventée par les économistes à partir d'un homme irréel, analogue à une figure idéale en mathématique. Son objectif est de décrire les phénomènes les plus élémentaires de la vie de l'homme ayant pleinement accédé à l'économie. En outre, c'est un outil heuristique qui, d'une part, permet d'analyser les actions sociales, de catégoriser, d'élaborer des hypothèses et de les comparer à la réalité ; d'autre part, ne se présente pas comme une explication définitive. L'idéal type est un moyen intellectuel de compréhension et de découverte pour le chercheur. Cet outil permet de reconstruire le sens que les individus donnent à leurs actions. Dans ce contexte, on peut, dès lors, expliquer le fonctionnement de l'activité sociale sous un angle précis générant ainsi ses propres limites d'analyse (nous observons notre sujet d'étude avec des lunettes spécifiques qui baliseront notre démarche scientifique et donc, notre analyse et ses résultats).

64Mendras, H. & Etienne, J. (1996). Les Grands auteurs de la sociologie (p.145). Hater. 65Montoussé, M. & Renouard, G. (1997). 100 fiches pour comprendre la sociologie (p.35). Breal. 66Mendras, H. & Etienne, J. (1996). Les Grands auteurs de la sociologie (p.145). Hater.

3 Les quatre types idéaux fondamentaux de Max Weber

À l'aide de la typologie de Max Weber, celui-ci cherche à reconstruire le sens que les individus donnent à leurs activités ; tout phénomène social se comprend et s'explique en cherchant le sens et l'origine d'une activité. La conception weberienne de l'action ou de l'activité sociale est précisée par celle de l'interaction : « le sens visé se rapporte au comportement d'autrui par rapport auquel s'oriente son déroulement. L'action ou l'activité sociale doit être comprise par le sens que lui attachent les acteurs (les agents). Ce sens n'est pas seulement subjectif, mais aussi intersubjectif, puisque je ne peux pas attacher un sens à ma propre action si je ne prends pas en compte la réponse que je suis en mesure d'anticiper de mes partenaires67i Si pour Weber la sociologie est une discipline interprétative, elle nous engage à tenir compte du sens que les acteurs attachent à leurs propres positions et à leurs valeurs. Pour expliquer le fonctionnement de l'activité sociale, Max Weber propose la typologie des déterminants de l'action68 :

3.1 L'action rationnelle en finalité

L'acteur détermine rationnellement à la fois les moyens et les buts de son action.

3.2 L'action rationnelle en valeur

L'acteur cherche à accomplir une valeur.

C'est une action fondée sur des valeurs et qui ne tient pas compte des avantages ou inconvénients qu'elle peut procurer (EX : le respect de la parole donnée).

3.3 L'action traditionnelle

Actions « réflexes », « mécaniques » qui sont le produit de l'habitude.

C'est un comportement guidé par la coutume ou une croyance de longue date.

3.4 L'action affective

C'est un acte commis sous le coup d'une émotion. Ce sont des réactions instinctives (EX : une gifle donnée sous le coup de l'émotion).

67 Boudon, R. & Bourricaud, F. (1982). Dictionnaire critique de la sociologie (p. 680). Paris : Puf.

68 En ligne http://fr.Wikipedia.org/Wiki/Max Weber, consulté en avril 2008.

Remarques:

Selon Weber, l'État moderne exerce une domination légale-rationnelle, dont la légitimité repose sur l'autorité « impersonnelle » de la loi. L'État devient l'instrument d'une domination bureaucratique. Celle-ci « correspond au pouvoir qui s'exerce dans les administrations bureaucratiques modernes. Dans ce cadre, les individus obéissent à des règlements mis en oeuvre par des autorités constituées qui fixent des obligations. Les décisions prises sont orientées vers la rationalité en finalité ou/et en valeur69 ». Ainsi, pour l'auteur, il existe une division du travail et une coopération permanente entre les individus qui occupent chacun une fonction avec des tâches précises. En outre, dans ce système bureaucratique, chaque fonction s'appuie sur une compétence liée à une qualification précise ; les fonctionnaires respectent une réglementation impersonnelle et enfin, leur carrière est réglée selon des critères objectifs (qualification, ancienneté). Pour Max Weber, « la bureaucratie est le mode de fonctionnement typique des grandes organisations modernes qui allie efficacité, spécialisation et continuité des tâches, autonomie par rapport aux individus et soumission aux règlements70. »

Selon l'auteur, les sociétés occidentales sont caractérisées par un processus de rationalisation des activités humaines dans tous les domaines (économiques, sociaux et politiques). En effet, La rationalité est une valeur caractéristique de la modernité qui oriente l'activité sociale de l'homme. Cela signifie que les activités sociales se rapprochent de la recherche de l'efficacité en s'éloignant de la tradition et de l'affectif. Weber identifie deux sortes d'actions rationnelles : la rationalité en finalité, la rationalité en valeur. Weber les désigne comme une sociation : ces deux formes de rationalité ont en commun d'être «conscientes» et non pas dictées par l'émotion ou liées à une tradition.

69Etienne, J. (1995). Dictionnaire de la sociologie : les notions-les mécanismes-les auteurs (p.238). Haher. 70Moutoussé, M. & Renouard, G. (2003). Sciences Economiques et Sociales-Enseignement Spécialisé-Manuel d'enseignement. Breal.

4 Les quatre logiques de solidarité de Guy Bajoit

« Les individus qui choisissent la (mes) même(s) logique(s) d'échange ont souvent (mais pas toujours) tendance à se reconnaître réciproquement dans l'action, et à construire des liens de solidarité entre eux. Examinons la nature de ces liens, en analysant le `'ciment» qui attache les individus les uns aux autres : qu'est-ce qui les fait s'entraider ? Nous distinguons quatre grandes logiques de solidarité, en nous inspirant, en partie, de la typologie des formes de l'action selon Max Weber71. »

4.1 La solidarité conditionnelle

Elle est fondée sur une condition sociale commune : « même s'ils ne s'aiment pas, s'ils ne croient pas aux mêmes valeurs et s'ils n'ont pas les mêmes intérêts, les gens peuvent être solidaires entre eux, simplement parce qu'ils partagent la même condition sociale : ils font partie d'une famille, d'un clan, d'une ethnie, d'une région, d'un pays, sont du même sexe, du même âge ou occupent la même place dans une organisation sociale72. »

Exemple :

La majorité des participants de la CAS sont des acteurs locaux. Ils partagent le même environnement social louvièrois, le même public cible, les mêmes difficultés face au décrochage scolaire. Les acteurs scolaires, communaux, judiciaires et issus du milieu associatif sont solidaires les uns vis-à-vis des autres parce qu'ils «vivent» dans un même contexte. La situation sociale détermine les relations sociales.

4.2 La solidarité contractuelle

Elle est fondée sur les intérêts. L'individu se fixe un objectif et détermine les moyens les plus efficaces pour y parvenir. Les moyens mis en oeuvre sont adaptés aux buts recherchés. Les gens sont solidaires parce qu'ils recherchent un intérêt personnel c'est-à-dire un bien qui ne peut venir que d'un autre.

71Bajoit, G. (2003). Le changement social : Approche sociologique des sociétés occidentales contemporaines (p. 137). Paris: Armand Collin.

72Ibid.

Exemple :

Concrètement, les différents acteurs de la CAS doivent répondre aux exigences de leur institution. Les exigences se traduisent sous forme d'objectifs à atteindre. Pour ce faire, les travailleurs sociaux vont élaborer des stratégies de travail en prônant la collaboration avec d'autres services. Cela peut se traduire de plusieurs façons : par une orientation vers un service pouvant répondre à la demande du jeune ; par une participation des acteurs à un projet dans lequel ils trouveront un avantage pour leur organisation. Aussi, certaines missions des acteurs viseront à réunir autour d'une table les travailleurs sociaux dans le but de coordonner les ressources locales.

4.3 La solidarité fusionnelle

Elle est fondée sur des valeurs : « les gens sont liés entre eux par une communauté de convictions : ils partagent une foi, des croyances, des valeurs, une idéologie, une utopie, le même projet d'avenir, qu'ils croient bon, non seulement pour eux-mêmes, mais aussi pour les autres73 ».

Exemple :

Certains acteurs de la CAS soulèvent l'importance de collaborer avec d'autres intervenants sociaux pour traiter la problématique du décrochage scolaire. Pour atteindre une certaine efficacité, les travailleurs sociaux sont sensibles aux valeurs «professionnelles» véhiculées par les autres services. Certains parleront du bien-être du jeune, d'immédiateté dans la prise en charge du décrocheur, de flexibilité, de connaissance de la problématique abordée, de l'expérience des acteurs...

4.4 La solidarité affective

Elle est fondée sur des affects : « les gens sont alors solidaires parce qu'ils se connaissent, parce qu'ils ont vécu la même histoire, partagé des expériences, intériorisé les mêmes normes culturelles et que cela a tissé entre eux des liens affectifs plus ou moins forts et durables74Exemple :

Les expériences vécues au sein de la CAS peuvent installer des liens de « camaraderie » et faciliter ainsi, les relations entre les opérateurs et les institutions.

73Ibid.
74Ibid.

En prenant en considération les différentes formes de logiques de solidarité, Guy Bajoit (2002) a construit un tableau afin de voir en quoi elles se ressemblent et se distinguent :

Logiques de solidarité

Construites sur le passé

Construites sur l'avenir

Logique expressive

Solidarité affective

Solidarité fusionnelle

Logique instrumentale

Solidarité conditionnelle

Solidarité contractuelle

Pour expliciter ce tableau et les logiques de solidarité, l'auteur soulève que : « les unes sont plus instrumentales, plus froides (la contractuelle et la conditionnelle), tandis que les autres sont plus expressives, plus chaudes (l'affective et la fusionnelle) ; les unes sont plus orientées vers l'avenir, plus projectives (la fusionnelle et la contractuelle) ; les autres sont plus déterminées par le passé (la conditionnelle et l'affective) 75.»

Pour Guy Bajoit, différents groupes sociaux peuvent se fonder sur la combinaison de plusieurs formes de solidarité. Par conséquent, tout comme une corde tressée, ces groupes seraient plus solides. Leurs membres sont ainsi liés par les différentes logiques à la fois. À contrario, les groupes risquent d'être plus fragiles s'ils fonctionnent sur un seul type de solidarité.

75Op. cit., p. 138.

5 Conclusion

Les différents acteurs scolaires, communaux, judiciaires et issus du milieu associatif se rencontrent dans le cadre d'une Commission Accrochage Scolaire gérée par l'AAS du PSSP. Nous pensons que cet environnement, dans lequel ils évoluent, peut orienter les actions des participants. La rationalité de l'agent est située dans un espace social, dans un contexte qui peut influencer l'action des membres de la CAS. Outre les organisations qui traitent le décrochage scolaire, « ce ne sont pas les « organisations» qui prennent les décisions, mais des êtres humains, qui se comportent en tant que membres d'organisations. Rien n'oblige, en bonne logique, le membre d'une organisation à prendre ses décisions uniquement en fonction de valeurs qui sont limitées du point de vue de son organisation76. »

Quelques exemples : les opérateurs donneront du sens à leurs actions en prenant en considération les objectifs de leur organisation ; en fonction de leurs propres valeurs en ce qui concerne le travail social ; en fonction des valeurs que véhicule leur organisation ; en collaborant avec des camarades de travail, ...

Pour dégager les logiques de solidarité des différents opérateurs, Guy Bajoit s'est inspiré des idéaux types de Max Weber pour proposer différentes logiques de solidarité dites expressive et instrumentale. Nous pouvons résumer les modifications de Bajoit sur les déterminants de l'action de Weber : (1) l'action rationnelle en finalité ? solidarité contractuelle; (2) l'action rationnelle en valeur ? solidarité fusionnelle ; (3) l'action traditionnelle ? solidarité conditionnelle et (4) l'action affective ? solidarité affective. C'est à l'aide de la typologie de Guy Bajoit, que nous allons grossir certains traits de la réalité où se rencontrent les différents participants de la CAS sur le territoire louvièrois. C'est dans cette optique que notre recherche progresse, les opérateurs sont invités par l'AAS à se concerter autour de la problématique du décrochage scolaire. Dans ce contexte, les acteurs scolaires, communaux, judiciaires et issus du milieu associatif disposent d'une autonomie par rapport aux effets supposés de leur structure sociale et développent des conduites qui ont une « dimension rationnelle». Notre instrument d'analyse, en l'occurrence l'idéal type de Guy Bajoit, nous aidera à élaborer notre hypothèse de recherche et à analyser les actions sociales des acteurs.

76Parthenay, C. (2005). Herbert Simon : rationalité limitée, théorie des organisations et sciences de l'artificiel (p.14). En ligne http:// www.grjm.net/documents/claude parthenay/Parthenay Simon.pdf, consulté en avril 2008.

Deuxième partie : recherche empirique

Chapitre 4 : Méthodologie

1 Problématique

Comme nous l'avons soulevé dans notre premier chapitre, le décrochage scolaire est devenu un problème public tant au niveau politique, économique que social. Outre un cadre politique qui s'oriente davantage vers le sécuritaire et le contrôle social, l'environnement des acteurs scolaires, communaux, judiciaires et issus du milieu associatif est balisé par des lois, des décrets et des normes. De plus, ces opérateurs sont invités à échanger, à collaborer avec des services de réinsertion socio-éducative77. Si l'État crée les règles du jeu et s'il développe des nouveaux dispositifs (par exemple : l'Antenne Accrochage Scolaire du Plan Stratégique de Sécurité et de Prévention subsidié par le Ministère de l'Intérieur ; le Service Accrochage Scolaire et les équipes mobiles de la Communauté française), sa vocation est de faciliter, d'encourager les initiatives locales en décrétant la concertation et la collaboration avec les organisations qui traitent le décrochage scolaire. « Dans ces nouvelles politiques, les « décideurs » supra-locaux se contentent de définir les grandes lignes, de suggérer des hypothèses d'interprétation des problèmes visés, et laissent aux acteurs locaux le soin de spécifier ces orientations générales en fonction des contextes locaux. À ce niveau, les autorités communales sont investies de la responsabilité de réunir des acteurs locaux dont l'action est significative par rapport aux problèmes visés, et d'organiser entre eux une concertation de manière à mettre au point un projet local spécifique78 ». On retrouve sur le territoire louvièrois en Communauté française belge, une Commission Accrochage scolaire gérée par l'AAS (CS). Cette commission est un lieu de concertation où gravitent les différents acteurs qui se rencontrent dans le cadre de réunions trimestrielles et ce, dans une logique adhocratique. Ces opérateurs ont chacun des représentations bien spécifiques du décrochage

77Nous invitons le lecteur à la page 32 de notre étude : malgré la collaboration entre les différents opérateurs, la solidarité sociale des opérateurs atteint ses propres limites face au manque de place dans les structures d'accrochage scolaire.

78Hubert, H.-O. (1999). L'Etat face à l'insécurité : Dérives politiques des années 90 (p. 168). Bruxelles : Labor.

scolaire et fonctionnent avec leurs propres règles, leurs propres procédures, leurs propres normes, leurs propres idéologies, leurs forces et leurs faiblesses. Dans un contexte où l'on retrouve une multitude d'intervenants traitant le décrochage scolaire et en prenant en considération leur organisation, nous formulons les questions suivantes : (1) Quelles sont les perceptions de la gestion du décrochage scolaire et les logiques de solidarité mobilisées par les acteurs scolaires, communaux, judiciaires et issus du milieu associatif au sein de leur organisation qui participent à la CAS ? (2) Comment la CAS traite la diversité des organisations qui y participent et comment influence-t-elle leur logique de solidarité et leur perception de la gestion du décrochage scolaire ?

2 Objectifs de recherche

Ici, il s'agit de cibler deux objectifs dans notre étude à partir des questions que nous avons soulevées dans les lignes précédentes, de façon à nous permettre de structurer notre analyse et notre méthode de recherche. Le premier objectif tentera d'apporter des éléments de réponse pour notre hypothèse. Le second est exploratoire.

· (1) Identifier les perceptions de la gestion du décrochage scolaire au sein de l'organisation des acteurs scolaires, communaux, judiciaires et issus du milieu associatif qui participe à la CAS et de dégager les logiques de solidarité chez les différents acteurs afin de revenir sur notre hypothèse de départ.

· (2) Identifier comment la CAS traite la diversité des organisations qui y participent et de soulever l'influence de la CAS sur les perceptions de la gestion du décrochage scolaire et les logiques de solidarité des différents acteurs afin d'enrichir notre recherche.

3 Hypothèse

Les perceptions de la gestion du décrochage scolaire et les logiques de solidarité des acteurs scolaire, communal, judiciaire et issu du milieu associatif sont influencées par l'organisation à laquelle ils appartiennent.

3.1 Les variables dépendantes (V.D) et indépendantes (V.IND)

3.1.1 V.D79

· Les logiques de solidarité (contractuelle, fusionnelle, conditionnelle, affective) des acteurs scolaires, communaux, judiciaires et issus du milieu associatif.

· Les perceptions de la gestion du décrochage scolaire des acteurs scolaires, communaux, judiciaires et issus du milieu associatif.

3.1.2 V.IND80

· L'organisation d'appartenance des acteurs.

4 Échantillon

Après avoir précisé nos objectifs de recherche et l'hypothèse, il nous semble pertinent de rencontrer sur le terrain les différents acteurs qui traitent le décrochage scolaire afin de discuter (en utilisant les techniques de reformulation et d'empathie recommandées par Carl Rogers) de leurs représentations, à savoir : sur le décrochage scolaire ; sur leurs pratiques, sur les autres acteurs qui traitent la problématique ; sur des collaborations éventuelles et surtout sur la CAS. Ces différents thèmes ont pour objectif de répondre à nos objectifs de recherche. Dès lors, l'entretien semi-directif nous semble être la méthode la plus efficace car elle nous permet de créer des outils adaptés dans le but d'obtenir des données qualitatives. L'entretien permet également, un contact direct et personnel avec le répondant. « Ce type d'entretien peut porter sur des comportements ou des pratiques sociales diverses mais il concerne plus fréquemment la recherche et la compréhension de représentations mentales. Dans ces cas, le chercheur interroge telle personne parce que cette personne possède telle caractéristiques, parce qu'elle appartient à telle couche sociale, parce qu'elle a connu tel type d'expérience, telle histoire, etc. Ce qui intéresse le chercheur, c'est donc bien ce que la personne pense en tant qu'acteur et comment elle se représente tel aspect de la vie sociale et non pas les

79C'est une variable qui est influencée par la variable indépendante. 80C'est une variable qui influe sur la variable dépendante.

informations factuelles qu'elle détiendrait »81. La démarche peut être qualifiée de compréhensive et inductive. Elle devrait nous permettre, d'une part, de comprendre les logiques de solidarité élaborées par les acteurs à partir de leurs représentations mentales et, d'autre part, de décrire leurs pratiques sociales selon le sens qu'ils donnent à leur réalité. Ainsi, nous allons privilégier un regard englobant sur la réalité, prenant en compte les facteurs contextuels et humains susceptibles de nourrir notre compréhension du phénomène.

Aussi, dans le cadre de nos interviews, « il se peut que le praticien-chercheur soit confronté au problème particulier de devoir interroger certains du champ qu'il côtoie personnellement par ailleurs. Cette situation est délicate et, sauf exception, elle doit être évitée »82. Effectivement, nous connaissons certains acteurs qui participent à la Commission Accrochage Scolaire ; dans le cadre de notre étude, nous avons appliqué les conseils de Luc Albarello (2004) : « des procédures existent qui permettent de surmonter une telle difficulté : par exemple, faire intervenir une autre personne pour mener les entretiens, réaliser ceux-ci auprès des sujets identiques (c'est-à-dire qui possèdent les mêmes caractéristiques significatives par rapport à l'hypothèse) mais qui ne sont pas personnellement connus, etc.»83 L'auteur suggère donc, de passer la main à une tierce personne ou d'interviewer des sujets avec lesquels nous n'avons pas d'attache particulière. C'est dans cette logique que nous allons aborder notre démarche lors des entretiens84.

4.1 Critères pour interviewer les acteurs

« Même si l'approche qualitative ne vise pas à la représentativité d'un échantillon comme cela sera le cas dans l'approche quantitative, il importe pourtant de choisir les individus à interroger de manière adéquate. Ce choix s'effectue en répartissant, au sein d'une matrice, les sujets selon les diverses variables considérées comme importantes en fonction de l'hypothèse traitée85. »

En ce qui concerne le choix des personnes à interviewer, nous les avons sélectionnées à partir de différents critères :

(1) différents services traitant le décrochage scolaire sur La Louvière.

81Op. cit., p. 44.

82Albarello, L. (2004). Devenir praticien-chercheur : Comment réconcilier la recherche et la pratique sociale (p.75). Bruxelles : De Boeck.

83Ibid.

84En l'occurrence, nous avons sollicité un étudiant en 2ème Master à la FOPA pour interviewer l'acteur communal.

85Op. cit., p. 74.

(2) Le choix s'oriente vers les participants réguliers de la Commission Accrochage Scolaire.

(3) Nous interviewerons la ligne hiérarchique et un opérateur pour chaque organisation.

Les différents acteurs présentés ci-dessous nous semblent assez diversifiés et répondent aux besoins de notre analyse dont l'objectif est de dégager des logiques d'actions émanant des acteurs collectifs (organisations), en tenant compte de leur participation à la CAS. Nous avons décidé d'interviewer deux acteurs dans chaque organisation qui traite le décrochage scolaire, excepté l'acteur scolaire qui en compte trois. En effet, nous avons constaté dans le deuxième chapitre que l'agent du CPMS est un acteur incontournable pour les écoles et dès lors, celui-ci doit figurer dans notre travail.

4.2 Les acteurs communaux

Organisation

Antenne Accrochage Scolaire

Personnes à interviewer

Le chef de service

L'assistant social

4.3 Les acteurs scolaires

Organisation

École technique subventionnée

Personnes à interviewer

Le directeur

L'éducateur de l'école

L'assistant social

du CPMS

4.4 Les acteurs issus du milieu associatif

Organisation

Aide en Milieu Ouvert : l'ASBL Transit

Personnes à interviewer

Le chef de service

L'assistant social

4.5 Les acteurs judiciaires

Organisation

Service Jeunesse et Famille

Personnes à interviewer

La coordinatrice

L'agent de police

5 Outils et matériau pour la collecte des données

Nous utiliserons deux catégories de sources dans la collecte des données : d'une part, nous aurons recours à une analyse de documents, à savoir : les Décrets et normes relatifs au décrochage scolaire (le Décret mission, la PLP 41, la Circulaire 1972 relative à l'obligation scolaire et de l'absentéisme...) ; d'autre part, nous interviewerons les acteurs scolaires, communaux, judiciaires et issus du milieu associatif. En effet, l'interview est : « l'instrument le plus adéquat pour cerner les systèmes de représentation, de valeurs, de normes véhiculées par un individu86.» En outre, pour notre approche active, nous devons (1) concevoir un guide d'entretien sous forme de questionnaire et ce, pour interviewer - à partir de la technique de l'entretien semi-directif - les acteurs que nous avons sélectionnés ci-avant. (2) Enfin, nous allons construire une matrice pour catégoriser les données de nos entretiens.

5.1 Le guide d'entretien

Afin de faciliter notre recherche, nous suggérons un ``guide d'entretien» sous forme de questionnaire. Le guide sera construit à partir de trois thématiques qui tiennent compte du cadre théorique proposé par Guy Bajoit et de nos objectifs de recherche.

5.2 La représentation de la gestion du décrochage scolaire au sein de l'organisation

· La perception de la gestion du décrochage scolaire au sein de l'organisation dans laquelle travaille l'acteur interviewé.

· Les spécificités de l'organisation liées au décrochage scolaire.

· Les limites d'interventions par rapport à la problématique du décrochage.

? La démarche est descriptive et nous permettra, d'une part, de différencier les différents opérateurs dans leurs missions face au décrochage scolaire, et d'autre part, de leurs perceptions face à la gestion de la problématique.

86Ruquoy, D. (1995). Pratiques et méthodes de recherche en sciences sociales (p. 63). Paris : Armand Colin.

5.3 La représentation des services qui traitent le décrochage scolaire et des collaborations éventuelles

Guy Bajoit87 nous suggère d'analyser le «ciment» qui attache les individus les uns aux autres : qu'est-ce qui les fait s'entraider ? En orientant davantage nos questions vers les collaborations entre les opérateurs et vers la CAS, lieu d'échange et d'interaction, nous pourrons dégager dans notre analyse les logiques de solidarité (contractuelle, fusionnelle, conditionnelle et affective) sous-jacentes aux représentations des acteurs interviewés et identifier des éléments qui nous permettront d'enrichir notre recherche.

· La perception du travail des acteurs judiciaires, communaux, privés et scolaires en ce qui concerne le décrochage scolaire.

· La description des partenaires privilégiés et le constat sur le terrain.

· La collaboration88 avec des organisations qui traitent le décrochage scolaire.

? Cette thématique nous permettra de présenter la dynamique de travail avec les autres services sociaux et de soulever des logiques de solidarité.

5.4 La représentation de la Commission Accrochage Scolaire et des collaborations éventuelles

· La participation des acteurs scolaires, judiciaires, privés et communaux à la Commission Accrochage Scolaire.

· La collaboration et les actions menées entre opérateurs.

· Les intérêts des acteurs.

· Les sentiments, l'impact des relations privilégiées.

? Cette thématique nous permettra de dégager des logiques de solidarité entre les acteurs et de vérifier si la CAS influence leurs perceptions sur la problématique du décrochage scolaire.

Après avoir structuré nos thématiques, nous allons intégrer dans chacune d'elles89 différentes questions qui seront posées aux acteurs que nous avons sélectionnés pour notre étude.

87Pour dégager les logiques d'action, Weber souligne que l'action ou l'activité sociale est précisée par celle de l'interaction.

88En retrouve la définition de la collaboration dans Le Larousse illustré (2005) : (1) travailler avec d'autres à une oeuvre commune ; (2) pratiquer une politique de collaboration.

5.5 Le guide d'entretien organisé autour des trois thématiques :

Représentation de la gestion du décrochage scolaire

· Pourriez-vous me décrire, brièvement, votre statut, vos missions et l'institution dans laquelle vous travaillez ? (idéologie de l'organisation).

· Comment votre service perçoit-il le décrochage scolaire au sein de votre organisation et sur le territoire louviérois ? Quelle est votre définition du décrochage scolaire ?

· Pouvez-vous en quelques mots me décrire les spécificités de votre organisation relatives au décrochage scolaire sur La Louvière ?

· Quelles sont vos limites d'interventions par rapport à la problématique du décrochage scolaire ?

La représentation des services qui traitent le décrochage scolaire et des collaborations éventuelles

· Existe-t-il un Décret, une Circulaire qui favorisent la collaboration avec des organisations traitant le décrochage scolaire ?

· Quels sont vos partenaires privilégiés ?

· Comment votre organisation perçoit-elle le travail des acteurs judiciaires, communaux, privés et scolaires en ce qui concerne le décrochage scolaire ?

Représentation de la Commission Accrochage Scolaire et des collaborations éventuelles

· Connaissez-vous la CAS ?

· Quels sont, selon vous, les objectifs de la CAS ?

· Que représente pour vous la Commission Accrochage Scolaire animé par l'AAS du PSSP ?

· Qu'attendez-vous d'une CAS ? Qu'est-ce qui vous a motivé à intégrer la CAS et en quoi est-il intéressant, selon vous, d'y participer ?

· Quelle est l'implication de votre service au sein de la CAS ?

· Quelles sont les actions concrètes de la CAS auxquelles vous participez ?

· Quels sont les problèmes en matière du décrochage scolaire qui sont actuellement discuté ?

· Existe-t-il une collaboration avec les différents acteurs de la CAS traitant le décrochage scolaire dans votre région ?

· Pouvez-vous me donner un exemple de collaboration établie avec les différents acteurs communaux, scolaires, privés et judiciaires dont vous êtes particulièrement fier ?

· Selon quels critères favorisez-vous la collaboration avec certains services et pourquoi ? Quelles sont vos conditions pour élaborer un partenariat, sur quoi est-il construit (le relationnel, les normes étatiques) ?

· Identifiez-vous des points de divergence ou de convergence avec certains acteurs de la CAS ? Si oui, pouvez-vous l'expliciter ?

· Selon vous, la CAS construit-elle des valeurs communes dans l'intérêt de l'accrochage scolaire ? Si oui, lesquelles ?

· Quelles relations professionnelles entretenez-vous avec vos partenaires de la CAS ?

· Avez-vous développé des relations privilégiées avec certains acteurs au sein de la CAS ? Si oui, sur quoi se basentelles et qu'apportent-elles ?

· Pouvez-vous illustrer, sous forme d'exemple concret, un aspect positif et négatif de la CAS ? (création de liens, de relations de confiance, etc.)

· Dans le cadre de la CAS, avez-vous le sentiment d'appartenir à un groupe, une communauté de praticiens ? Si oui, pouvez-vous l'expliciter ?

· Quelle légitimité accordez-vous à L'AAS en ce qui concerne la coordination de la CAS ?

· Selon-vous, est-ce au service subsidié par l'État Fédéral de coordonner la CAS ?

89On y retrouve nos différentes variables vues dans les pages précédentes.

5.6 Le traitement des données

« ...comment après avoir récolté les données, vais-je les traiter ? Comment mettre en relation diverses observations ? Comment analyser les matériaux récoltés ? Quelles conclusions en tirer ? Beaucoup de praticiens chercheurs tentent de répondre à ces questions de manière intuitive en tentant d'inventer l'une ou l'autre procédure qui leur semblerait adéquate. Et pourtant, être rigoureux à ces différents niveaux - de récolte et de traitement des données - est tout à fait indispensable. Il y va de la crédibilité même des résultats de la recherche90 ».

Les données ont été recueillies par enregistrement à l'aide d'un dictaphone avec l'accord du sujet à interviewer. Dans un premier temps, nous avons pris contact avec notre répondant par téléphone afin de lui expliquer brièvement quel était l'objet de notre étude et en quoi son témoignage pouvait nous être utile. Dans un second temps, nous avons convenu de l'heure et de l'endroit d'un rendez-vous en précisant la durée de l'entretien (une heure maximum) afin de permettre au sujet de s'organiser pour notre entrevue. Comme nous l'avons précisé dans les pages précédentes, nous avons fait appel à un collègue de la FOPA pour interviewer l'acteur communal, l'AAS où travaille le mémorant.

5.7 Matrice pour la catégorisation

Pour construire notre matrice, nous nous référons au cadre théorique de Guy Bajoit et à notre guide d'entretien construit à partir de nos trois thématiques développées dans les pages précédentes. Celle-ci va nous aider à catégoriser/ à découper le contenu de nos entretiens et nous permettra de répondre à nos objectifs de recherche à savoir : (1) de dégager les perceptions des différents acteurs relatives au décrochage scolaire; (2) de découper, à partir des deuxième et troisième thématiques, les séquences des entretiens afin de dégager des logiques de solidarité ; (3) de vérifier l'influence de la perception des acteurs et de la CAS sur ces logiques de solidarité et (4) de distinguer ou de relever les similitudes des acteurs dans leurs logiques de solidarité.

90Albarello, L. (2004). Apprendre à chercher : L'acteur social et la recherche scientifique (p. 57). Bruxelles : De Boeck.

5.8 Construction de notre matrice

1. Notre cadre théorique : les quatre logiques de solidarité de Guy Bajoit.

Solidarité contractuelle - solidarité fusionnelle - solidarité conditionnelle - solidarité affective

On peut dégager les logiques de solidarité en ciblant les deuxième et troisième thématiques (c'est là qu'on identifie l'entraide sociale entre les opérateurs).

2. Les trois thématiques créées à partir de nos objectifs de recherche :

1) La représentation de la gestion du décrochage scolaire

2) La représentation des services traitant le décrochage scolaire et de leur collaboration éventuelle.

3) La représentation de la CAS

 

3. Nous avons créé à partir de notre cadre théorique et les thématiques notre matrice pour notre découpage et l'analyse.

Perceptions des acteurs

Solidarité
contractuelle

Solidarité fusionnelle

Solidarité affective

Solidarité
conditionnelle

R. du décrochage scolaire

 
 
 
 

R. des autres acteurs et de leur collaboration

 
 
 
 

R. de la CAS

 
 
 
 

6 Conclusion

Pour que notre étude soit digne d'intérêt, il nous faut respecter les différentes étapes d'une recherche. Nous avons construit nos objectifs de recherche et notre hypothèse à partir de notre cadre théorique, en l'occurrence : les quatre logiques de solidarité de Guy Bajoit. En ce qui concerne notre échantillonnage et pour l'approche active, nous avons opté pour une analyse qualitative. Concrètement, nous allons interviewer, à partir de la technique de l'entretien semi-directif, les acteurs que nous avons sélectionnés à partir de critères bien spécifiques. Pour l'interview, nous avons élaboré un guide d'entretien sous forme de questionnaire ainsi qu'une matrice pour catégoriser les données de nos entretiens. Ces outils nous permettront de dégager des logiques de solidarité et de répondre à nos objectifs de recherche. Aussi, les entretiens semi-directifs demandent un professionnalisme qui s'acquiert avec le temps. Ils sollicitent des compétences bien spécifiques garantissant la qualité de nos entretiens et, par conséquent, de notre étude. De plus, il faut souligner que le chercheur n'est pas neutre dans son analyse, c'est pourquoi il faut accepter sa propre subjectivité, son regard, ses choix comme un des facteurs explicatifs du phénomène. Le cadre méthodologique est capital, il est le guide et la boussole de notre recherche. C'est lui, qui nous amènera à confirmer ou infirmer notre hypothèse de départ.

Chapitre 5 : Traitements des données relatives aux logiques de solidarité des différents opérateurs traitant le décrochage scolaire sur le territoire louvièrois

1 Introduction

À l'aide de notre guide d'entretien, nous avons interviewé91 les acteurs scolaires, communaux, judiciaires et les acteurs issus du milieu associatif que nous avons sélectionnés dans le cadre de notre étude. Nous avons également, à partir de nos trois thématiques, mobilisé la matrice que nous avons conçue et qui nous a permis de dégager les perceptions des acteurs et identifier les séquences d'entretiens qui nous semblaient les plus proches des logiques de solidarité de Guy Bajoit, à savoir : contractuelle, fusionnelle, conditionnelle et affective.

Ici, nous avons résumé les données récoltées de façon à respecter le nombre de pages qui nous est imparti92. Cependant, nous invitons nos lecteurs à se diriger vers la partie annexe de notre étude pour une lecture plus complète permettant de s'imprégner des discours des acteurs interviewés.

Pour répondre à nos objectifs de recherche dans le prochain chapitre, nous proposons une démarche méthodologique en mobilisant nos outils de traitement de données. Premièrement, nous allons présenter les caractéristiques des acteurs et identifier les missions et les actions qu'ils mettent en place à partir de notre thématique relative à leurs perceptions de la gestion du décrochage scolaire. Le but de cette démarche est descriptif, il nous permettra d'identifier l'environnement dans lequel évoluent les acteurs et leurs logiques d'action (ou dynamiques de travail). Deuxièmement, nous allons dégager les logiques de solidarité entre les différents acteurs à partir de notre thématique s'intéressant à la perception des différents opérateurs et de leurs collaborations, ainsi que leur perception de la CAS. Troisièmement, nous allons identifier si la CAS influence la perception des acteurs dans leurs logiques de solidarité.

91Nous retrouvons la production écrite de ces entretiens en annexe 2.

92Nous avons découpé et intégré les discours des acteurs en fonction de nos thématiques et de la typologie de Guy Bajoit. Par conséquent, le résumé de notre analyse émane de nos catégorisations que nous trouvons en annexe 3 de notre étude. Par ailleurs, précisons que nous avons utilisé, par moment, les discours des acteurs qui n'ont pas été enregistré durant l'entretien (le dictaphone étant coupé après l'entretien, l'acteur interviewé a apporté de nouveaux éléments). Cependant, nous avons pris des notes à la fin de l'entretien pour enrichir notre étude.

2 Perceptions des différents acteurs relatives à la gestion du décrochage scolaire

Ici, il s'agit de présenter les caractéristiques des acteurs en cernant les représentations de la gestion du décrochage scolaire des acteurs interviewés au sein de leur organisation. Pour dégager leurs propos, nous nous sommes référés à notre première thématique conçue dans la partie méthodologique de notre étude. De ce fait, les pages qui vont suivre développeront deux sous-titres, à savoir : (1) les missions (on y intègre les spécificités du service) des acteurs afin d'identifier ce qui les «motive» à collaborer ; (2) les limites d'interventions des acteurs afin de soulever les difficultés qu'ils rencontrent.

2.1 Les missions

2.1.1 L'acteur scolaire, l'école et le CPMS93

L'école que nous avons ciblée pour notre étude est un institut technique qui se situe au Centre Ville de La Louvière. Cet établissement scolaire accueil 500 élèves et propose, d'une part, de l'enseignement technique de qualification dans le secteur industriel afin de former des électriciens automaticiens et, d'autre part, des sections professionnelles : la maçonnerie, l'électricité, la menuiserie et la mécanique. Selon le directeur interviewé, celui-ci est aidé par deux chefs d'atelier en ce qui concerne la gestion des élèves. Les tâches du directeur sont variées, il s'occupe de la gestion du personnel, la gestion administrative, la gestion financière94, la gestion pédagogique, la gestion disciplinaire des élèves et la vérification de l'absentéisme scolaire. En ce qui concerne l'aspect disciplinaire, le directeur est épaulé par une équipe d'éducateurs qui fonctionnent en première ligne. Si les missions du directeur sont multiples, il délègue le travail aux opérateurs de l'établissement (à l'économe, au secrétaire, aux chefs d'atelier, aux enseignants et aux éducateurs), il vérifie son bon fonctionnement et le respect des missions de chacun.

Selon l'éducateur interviewé, son rôle est multiple : il s'assure que les normes instituées par
l'école sont respectées (respect des horaires, respect des enseignants et des élèves) ; il gère la
discipline des élèves en les encadrant, en les responsabilisant et en les sanctionnant (retenue,

93Nous retrouvons les discours de l'acteur scolaire en annexe 3, p. 1-5.

94Il faut préciser que le directeur fait appel à un comptable pour la gestion financière.

renvoi avec l'accord de la direction). L'éducateur s'occupe également, de l'aspect préventif du décrochage scolaire, d'une part, en dialoguant avec les jeunes, les parents, les enseignants dans le but de favoriser son accrochage scolaire voire sa réussite scolaire ; d'autre part, en orientant l'élève vers les services compétents qui traitent la problématique du décrochage scolaire. Aussi, l'éducateur a comme mission principale la gestion de l'absentéisme des élèves, y compris sur le plan administratif, à savoir : le classement des certificats médicaux, les mots d'excuses, l'envoi des cartes d'absences au domicile de l'élève (prévenir les parents). Si les absences sont répétées, l'éducateur active les services compétents comme les CPMS et l'AAS qui sont les partenaires privilégiés de l'école. Il est rare que le directeur, l'éducateur et le CPMS interpellent la Direction Générale de l'Enseignement Obligatoire car ils estiment que la procédure prend trop de temps, qu'il n'y a pas de retour et qu' «on tourne en rond». Par conséquent, l'acteur scolaire privilégie l'efficacité afin que l'élève revienne à l'école le plus vite possible. L'école collabore avec l'acteur judiciaire, à savoir : le Service de la Protection de la Jeunesse lorsqu'il estime que le jeune est en danger (ex : l'élève est sujet au décrochage solitaire ou à la délinquance) ; la police sollicite l'école pour obtenir des informations sur l'absentéisme du jeune de façon à s'assurer que ce dernier a le droit de se trouver en rue et, dans le cas contraire, le ramène au sein de l'établissement. Enfin, l'école étudiée manifeste de l'intérêt pour la Commission Accrochage Scolaire (CAS) et y participe. Le directeur nomme l'éducateur de référence (notre sujet interviewé) pour représenter son établissement. Cependant, il faut préciser que le fonctionnement interne de l'établissement scolaire et la restructuration de l'équipe éducative a influé sur la participation de l'éducateur à la CAS (présence occasionnelle). Concernant l'assistant social du CPMS, sa mission est d'accompagner le jeune dans son parcours scolaire en prenant en considération son environnement immédiat (la famille, les amis, son école, les services sociaux) et de veiller à son épanouissement personnel. Il veille également à ce que le jeune possède des outils et des compétences pour s'insérer professionnellement dans le marché du travail. Aussi, l'assistant social travaille au sein de l'établissement scolaire avec les directions d'école et les éducateurs. Le nombre de dossiers transmis est conséquent, il en résulte une surcharge de travail et une impossibilité de répondre immédiatement au problème de certains jeunes en décrochage scolaire. L'assistant social relève un manque de personnel pour assurer le suivi des dossiers. Le service se déplace exceptionnellement à domicile. Pour le directeur de l'école, la prise de rendez-vous avec les bénéficiaires se fait quelques semaines après la demande ; par conséquent, la situation du jeune se détériore et les demandeurs discréditent le CPMS et son efficacité. Dans le cadre des actions de prévention, outre le fait que le CPMS est le partenaire

privilégié de l'école, il lui appartient de développer des synergies entre les acteurs qui interviennent sur le terrain scolaire en matière de prévention et d'aide psychologique, médicale ou sociale. D'après l'assistant social, les acteurs privilégiés du CPMS sont : l'acteur issu du milieu associatif, l'AMO et l'acteur communal, l'AAS. L'orientation de l'école vers l'AMO a lieu lorsque le jeune et la famille acceptent l'aide. Dès lors, le CPMS collabore avec l'Antenne Accrochage Scolaire (AAS) dans certains dossiers. De plus, dans le contexte des actions de prévention, le CPMS participe à toutes les réunions de la Commission Accrochage Scolaire.

2.1.2 L'acteur issu du milieu associatif, l'AMO95

On retrouve, sur le territoire de la Ville de La Louvière, l'ASBL AMO Transit qui est composée d'un directeur, d'une secrétaire et de cinq assistants sociaux. Les missions du service sont d'assurer une aide préventive au bénéfice des jeunes dans leur milieu de vie et dans leurs rapports avec l'environnement social. L'idée est de développer leur esprit critique en fonction des problématiques que rencontre la jeunesse96. L'AMO travaille à la demande de son public cible. Dans le cadre de notre étude, nous avons interviewés le directeur et un assistant social de cette AMO. En ce qui concerne le décrochage scolaire, l'AMO est souvent sollicitée pour des exclusions scolaires d'élèves voire des décrochages complets. Selon le directeur, le profil du jeune décrocheur relève de problèmes de comportement en rapport aux normes de l'établissement scolaire. Il souligne que pour faire respecter le règlement intérieur de l'école, elle écarte le jeune par la sanction, elle le renvoie dans l'objectif de préserver sa réputation. Les acteurs interviewés parlent de nettoyage de printemps car il existe une période où les renvois sont plus importants : cela commence en janvier, février et se termine en juillet. Précisons que l'AMO a traité un peu plus d'une centaine de jeunes dans cette situation. Dans ce cadre, le travail consiste à recourir à la sanction de l'élève en le responsabilisant. Si celui-ci s'oppose à la sanction donnée par l'école, les travailleurs sociaux font appel au service du Droit des jeunes afin de vérifier, d'une part, si l'école a bien respecté la procédure de renvoi et, d'autre part, s'il y a lieu, de trouver un consensus entre les deux parties. Aussi, lorsque l'AMO rencontre des jeunes qui deviennent élève libres97 , le but est de savoir si le jeune est

95Nous retrouvons les discours de l'acteur issu du milieu associatif en annexe 3, p. 23-25.

96Ici, nous renvoyons nos lecteurs vers la page 26-27 de notre étude pour plus d'informations sur les axes d'interventions de l'AMO.

97Ils ont plus de trente demi-jours d'absences injustifiés et n'ont plus le droit de passer leurs examens, en bref leur scolarité n'a plus de sens car ils savent d'emblée qu'ils ont raté leur année scolaire.

demandeur et s'il est prêt à effectuer les démarches nécessaires pour récupérer son statut d'élève régulier. Dès lors, si le jeune est en accord avec le directeur et/ou l'assistant social, ces derniers font la demande d'un recours à la DGEO. De plus, l'AMO propose comme levier pédagogique, pour permettre aux jeunes de s'épanouir et d'accepter des règles, des activités sportives. En ce qui concerne les actions communautaires, ce service participe à des réunions de concertation qui traitent la problématique de la jeunesse et du décrochage scolaire sur le territoire louvièrois (la CAS) et montois (Commission d' Aide à la Jeunesse).

2.1.3 L'acteur judiciaire, le Service Jeunesse et Famille (SJF)98

Outre le décrochage scolaire, ces services spécialisés composés d'assistantes sociales et de criminologues, s'attèlent également aux problèmes de disparition (les fugues) et de la maltraitance (violence, abus sexuel). Ici, nous allons nous intéresser aux perceptions de la coordinatrice qui gère le service et de l'agent de quartier du Centre Ville. D'après la coordinatrice, le décrochage scolaire est perçu comme une priorité : en ciblant cette problématique on peut identifier les jeunes qui sont amenés à délinquer. L'agent de quartier souligne l'importance du phénomène et se sent impuissant face à la détresse du jeune et des parents : elle relate les difficultés des familles et l'augmentation des élèves déstructurés face au système scolaire. Après une analyse juridique de la situation du « décrocheur», le SJF favorise les relais vers les services compétents dans le but de lui venir en aide. Les missions de la responsable du service sont de coordonner les actions des agents de quartier et de s'assurer qu'ils effectuent les contrôles en rue durant les heures scolaires où les jeunes sont susceptibles de se trouver à l'intérieur des murs de l'école. Outre le zonage en rue, les agents envoient un courrier, d'une part, aux écoles afin d'obtenir des informations complémentaires sur la situation du jeune relatif à son comportement et à sa fréquentation scolaire ; d'autre part, aux parents pour un rappel de la loi concernant l'obligation scolaire et les avertir que leur enfant a été contrôlé. Si la situation est problématique, un procès verbal est envoyé au Parquet de Mons. Le rôle de ce dernier, est de convoquer le décrocheur et ses parents afin de les responsabiliser et les avertir des sanctions éventuelles. En outre, l'agent de quartier doit répondre à différentes demandes, tant au niveau du procureur du roi, du juge de la jeunesse, des intervenants sociaux que des parents. La coordinatrice veille à l'harmonisation du travail dans les différentes cellules, à l'élaboration des projets et l'instauration des réunions d'équipe.

98Nous retrouvons les discours de l'acteur judiciaire en annexe 3, p. 40-42.

Aussi, elle se positionne comme personne de référence et comme point de contact pour les écoles. Ces acteurs judiciaires participent à la CAS dans le but d'assurer et renforcer le partenariat avec les structures d'aide en général et de développer une prévention efficace dans un espace de concertation pour lutter contre le décrochage scolaire avec les acteurs locaux. Les informations de la CAS sont ensuite diffusées au reste de l'équipe du SJF. Cependant, il faut préciser que le manque de personnel au sein du service et la surcharge de travail n'a pas permis au SPJ d'assister à toutes les réunions de la CAS.

2.1.4 L'acteur communal, l'AAS du PSSP99

Les projets de l'AAS sont orientés sur quinze phénomènes100 et tentent de répondre aux difficultés de terrain. Le PSSP est géré par un Fonctionnaire de prévention assisté d'une cellule de coordination et une évaluatrice interne. L'évaluatrice interne «mesure» les actions à l'aide de statistiques remises par les opérateurs des différents services et ce, pour en faire part au Ministère de l'Intérieur. Le Fonctionnaire de Prévention (ligne hiérarchique) doit s'assurer que les missions et les objectifs sont bien respectés. L'enjeu de cette démarche est le financement et la continuité du projet. En effet, pour le Fonctionnaire de Prévention, la survie du service dépend de ses obligations envers le Ministère de l'Intérieur : si les objectifs ne sont pas atteints, il en résulterait des suppressions d'emplois, voire une diminution d'une partie des subsides.

L'AAS est composée d'un assistant social et d'un éducateur de rue. Le rôle de l'assistant social, est d'une part, de travailler en deuxième ligne dans la prise en charge de la famille du jeune en décrochage scolaire ; d'autre part, de coordonner la Commission Accrochage Scolaire et des projets en partenariat avec les acteurs sociaux traitant la problématique du décrochage scolaire sur la région. L'éducateur est un agent de première ligne, il va à la rencontre des jeunes en rue afin de se positionner comme personne de référence et tente de ramener les décrocheurs vers le chemin de l'école pour retrouver un rythme scolaire normal. Les opérateurs ont pour missions principales : l'accueil, l'écoute et l'accompagnement des jeunes en difficulté ainsi que l'orientation de ces jeunes vers les institutions compétentes du réseau local. Selon l'assistant social, l'AAS est spécifique car elle a une vision globale du décrochage scolaire dans la mesure où les intervenants sociaux ne sont pas isolés entre «quatre murs» et ont une disponibilité pour traiter la problématique. L'assistant social

99Nous retrouvons les discours de l'acteur communal en annexe 3, p. 58-62. 100Annexe 1.

distingue l'AAS du CPMS car son service répond à la demande du jeune et des parents dans l'immédiateté au contraire du CPMS qui leur donne des rendez-vous après deux à trois semaines. Dans les faits, selon l'assistant social, le jeune et les parents vivent cette attente difficilement.

L'AAS a pour objectif stratégique n°1 de promouvoir une approche intégrée et intégrale, en s'insérant dans un réseau de partenaires oeuvrant activement contre le phénomène du décrochage scolaire. En outre, l'AAS doit participer à des groupes de travail sur des problématiques localisées et initier elle-même des groupes de travail dans le cadre de la Commission Accrochage Scolaire qui réunit les différents intervenants locaux pour élaborer ensemble des partenariats sous forme de projets dans l'objectif de diminuer le décrochage scolaire sur l'entité (ce lieu de concertation est en adéquation avec le Plan de Cohésion Sociale). À titre d'exemple, un projet Pass scolaire est issu de cette commission et utilisé par plusieurs écoles de l'entité101. Le Fonctionnaire de prévention associe l'AAS à un réseau de partenaires qui constitue une force en agissant en première ligne pour relayer les jeunes en difficultés vers les services compétents. Il soulève également que son service est un réceptacle, un maillon qui centralise et coordonne le décrochage scolaire sur La Louvière. L'assistant social précise que cette problématique est complexe sur le territoire, on y retrouve : des jeunes qui s'isolent au domicile (décrochage solitaire, phobie scolaire, élève victime du racket, tentative de suicide, dépression), des élèves qui traînent dans la rue et sont susceptibles de basculer dans une certaine délinquance (vol, deal, racket, consommation de produits illicites). Enfin, l'assistant social souligne qu'il est difficile de retrouver une école pour le jeune en difficulté car il est étiqueté par son passé. Il en résulte que, malgré la motivation du jeune pour réintégrer une école, les choix sont limités. Dès lors, l'enjeu est de trouver un établissement scolaire qui corresponde à la situation du jeune.

101En 2006, l'AAS a mené une enquête en collaboration avec l'UMH (Université de Mons Hainaut) auprès des directions d'écoles dans l'objectif de « mesurer » le sentiment d'insécurité dans les écoles. Dans le cadre cette étude, nous constatons que 75% des écoles du cycle secondaire de la Ville de La Louvière qui fonctionnent avec des cartes de sorties utilisent le « PASS Scolaire ».

2.2 Limites des acteurs face au décrochage scolaire

2.2.1 L'acteur scolaire, l'école et le CPMS102

Pour le directeur, le financement lié aux écoles en discrimination positive octroyé par la Communauté française va permettre d'engager un préfet de discipline qui coordonnera l'équipe éducative en ce qui concerne le décrochage scolaire. Il relève également que tous les dispositifs de l'accrochage scolaire ne répondent pas réellement aux demandes des écoles. Le directeur se demande dans quelle mesure cet argent investi dans ces dispositifs ne pourrait pas l'être dans les écoles. Il souligne qu'un service comme l'AAS en interne pourrait soutenir l'équipe éducative et donner davantage de sens dans les actions visant l'accrochage scolaire. En outre, selon le directeur, l'accrochage se joue à l'intérieur des murs de l'école. Cependant, encore faut-il disposer de moyens humains et financiers !

Pour l'éducateur, les difficultés relèvent d'une surcharge de travail administratif qui limite une approche psycho-éducative. L'idée est de suivre le jeune dans un travail d'écoute, de dialogue et d'alternative en partenariat avec les enseignants, les éducateurs et les parents. Même si l'éducateur interviewé est conscient de la difficulté à solliciter les enseignants, il existe un sas d'écoute au sein de l'école. En effet, le sas crée des synergies en interne : il est géré par l'éducateur, des enseignants motivés par le projet (bénévolat) et le CPMS. L'éducateur, de par une expérience positive, manifeste un intérêt pour se rendre au domicile du jeune afin de prendre en considération son environnement et d'intervenir de manière cohérente. Il souligne que les liens entre les deux parties se renforcent et facilitent, à la fois, le travail éducatif et la réinsertion du jeune au sein de l'école. L'éducateur fait également référence à ses inquiétudes pour l'avenir concernant la gestion du décrochage scolaire et la réputation de son établissement scolaire.

Pour l'assistant social du CPMS, la difficulté se manifeste par un manque de personnel lié à une forte demande des écoles. Les ordres de la ligne hiérarchique limitent les visites à domicile qui, selon l'assistant social, facilitent le travail social. De plus, il soulève le nombre important des services sociaux traitant le décrochage scolaire, ce qui crée une confusion, tant pour les acteurs sociaux que pour les usagers. C'est dans ce contexte que le CPMS invite ces services dans ses locaux afin de mettre en place un protocole d'intervention tenant compte des

102Nous retrouvons les discours de l'acteur scolaire en annexe 3, p. 5-8.

compétences et des spécificités de chacun. Cependant, par manque de temps et d'agents sociaux, ces réunions sont devenues rares.

2.2.2 L'acteur issu du milieu associatif, l'AMO103

Selon le directeur de cette ASBL, la plupart des écoles associent104 l'AMO Transit au Droits des jeunes. Cette association crée des tensions et des difficultés pour les acteurs issus du milieu associatif pour collaborer avec les écoles. En effet, la dénonciation des renvois et du fonctionnement de l'école aux Droits des jeunes peut influer sur l'image de l'établissement scolaire et donc, sur sa réputation. De ce fait, les collaborations avec les écoles se font rares sur le territoire louvièrois105. Cependant, l'AMO a pour partenaire privilégié l'acteur scolaire, le CPMS. Aussi, le directeur met en évidence les besoins de l'AMO pour faire face aux difficultés que rencontre la jeunesse. À l'époque, le directeur a demandé à son pouvoir subsidiant (Communauté française) de financer davantage son service pour engager du personnel afin de répondre aux analyses de besoins de l'AMO. En parallèle, les Contrats de Sécurité ont eu des moyens financiers pour davantage contrôler la jeunesse. Le directeur et l'assistant social ont mal vécu cette situation et l'ont traduite comme une non reconnaissance du secteur associatif. De plus, l'AMO va connaître des plans de restructuration et des diminutions de son enveloppe budgétaire. Il en résultera (peut-être ?) pour le directeur, plusieurs licenciements (un directeur et trois assistants sociaux) et l'extinction du service. De ce fait, l'avenir de l'AMO Transit reste incertain.

2.2.3 L'acteur judiciaire, le SJF106

Malgré les démarches et les avertissements du SJF auprès du jeune et de la famille concernant l'obligation scolaire, il existe une discordance entre ce qui est dit et ce qui est fait. L'acteur judiciaire s'appuie également sur une loi qui encourage les parents à tout mettre oeuvre pour faire respecter cette obligation. Les parents sont passibles d'une amende. Celle-ci est gérée par le tribunal de la Police. Dans les faits, outre les contrôles du SJF, cette loi n'est pas appliquée sur le terrain. Il en résulte à la fois, un sentiment d'impunité des parents et des

103Nous retrouvons les discours de l'acteur scolaire en annexe 3, p. 26-27.

104L'association se rapporte à la vérification du respect de la procédure de renvoi du jeune. Il arrive que les procédures ne soient pas respectées (renvois abusifs) par les établissements scolaires. Voir page 59.

105Peut-on y voir des tensions entre droit et devoir du jeune face à des écoles qui exigent de leurs élèves des comportements adaptés pour préserver une image de leur établissement scolaire ou une inadaptation de l'école à garder ce type d'individus au sein de ses murs?

106Nous retrouvons les discours de l'acteur scolaire en annexe 3, p. 42-43.

jeunes et un sentiment d'impuissance pour le SJF. L'acteur judiciaire rencontre des élèves en souffrance psychologique qui demandent des compétences plus spécifiques pour les soutenir et les accompagner vers les circuits de réinsertion socio-éducative. Dans ce contexte, les agents de quartier orientent les jeunes en difficultés et les familles vers des services compétents. Ensuite, un procès verbal est envoyé au Parquet de Mons afin de le prévenir de la situation du jeune. L'agent de quartier rencontre dans sa pratique des élèves ayant plus de trente demi-jours d'absences non déclarés à la DGEO ou au CPMS. Selon l'acteur judiciaire, certaines écoles ne jouent pas le «jeu», ne faisant pas les démarches nécessaires pour dénoncer le décrochage scolaire du jeune107. Enfin, dans la réalité de terrain de l'acteur judiciaire, le manque de personnel et les missions ne permettent pas une collaboration optimale dans les suivis des décrocheurs car cela demande du temps et de l'énergie (téléphoner aux différentes institutions, faire des retours, etc.). L'agent de quartier suggère un temps plein pour répondre à cette lacune.

2.2.4 L'acteur communal, l'AAS du PSSP108

Selon le Fonctionnaire de prévention, le manque de moyens humains a influé sur les pratiques des intervenants sociaux (l'AAS fonctionnait à l'époque avec deux éducateurs). D'ailleurs, après l'entretien avec l'assistant social, celui-ci précise que les demandes du Bourgmestre ne prennent pas toujours en compte la réalité de terrain de l'AAS. Le sentiment d'être instrumentalisé par le politique se confirme par une non reconnaissance du travail effectué. Les différents changements organisationnels diminuent, selon l'assistant social, la crédibilité du service. En effet, les intervenants sociaux doivent se réadapter et multiplier différentes casquettes pour répondre à leur hiérarchie en élargissant leurs missions et leurs publics cibles. De ce fait, il est difficile de s'investir dans des projets au sein de la CAS. Aujourd'hui, la polyvalence est préférable à la spécificité au sein de l'AAS.

107Selon l'agent de quartier, l'objectif des directions d'écoles étant de préserver un nombre d'élèves suffisant pour avoir droit - à partir d'un quota- aux subsides nécessaire (octroyés par la Communauté française) pour l'année suivante. L'agent de quartier souligne que la donne n'est pas la même pour tout le monde et que c'est au gouvernement de réagir face à ce constat. En effet, que devient le jeune en situation de décrochage, est-il considéré comme un sujet à soutenir ou un sujet permettant de subsidier le fonctionnement d'une école ?

108Nous retrouvons les discours de l'acteur scolaire en annexe 3, p. 62.

3 Les logiques de solidarité des acteurs

Ici, il s'agit de dégager les logiques de solidarité des acteurs interviewés pour répondre à notre premier objectif de recherche dans notre prochain chapitre. Pour ce faire, nous avons mobilisé à partir des deuxième et troisième thématiques de notre matrice, à savoir : la représentation des services qui traitent le décrochage scolaire et la représentation de la CAS et des collaborations éventuelles.

Nous avons relevé d'une part, que la deuxième thématique s'inscrit davantage dans des logiques de solidarité contractuelle et, d'autre part, que la troisième s'étend sur toutes les logiques de solidarité.

3.1 Logique de solidarité conditionnelle

Elle est fondée sur une condition sociale commune : « même s'ils ne s'aiment pas, s'ils ne croient pas aux mêmes valeurs et s'ils n'ont pas les mêmes intérêts, les gens peuvent être solidaires entre eux, simplement parce qu'ils partagent la même condition sociale : ils font partie d'une famille, d'un clan, d'une ethnie, d'une région, d'un pays, sont du même sexe, du même âge ou occupent la même place dans une organisation sociale109. »

3.1.1 L'acteur scolaire, l'école et le CPMS110

En prenant en considération les constats de terrain des acteurs scolaires, nous soulevons qu'ils sont inscrits dans une logique de solidarité conditionnelle. Voici les constats que nous avons relevés dans notre lecture : une augmentation de la problématique sur le territoire louvièrois ; un besoin de travailler en collaboration avec les autres services sociaux pour ramener le jeune à l'école ; un besoin de s'outiller et de s'informer sur les services existants, sur les nouveaux décrets. Face à la problématique du décrochage scolaire, les acteurs scolaires participent à la CAS et forment un groupe de professionnels.

3.1.2 L'acteur issu du milieu associatif, l'AMO

Tout comme les autres acteurs, l'AMO est inscrite dans le contexte louvièrois où le décrochage scolaire est un problème que rencontrent tous les acteurs sociaux et qui demande de travailler en collaboration avec certains partenaires. Il participe à la CAS dans des objectifs bien spécifiques.

109Bajoit, G. (2003). Le changement social : Approche sociologique des sociétés occidentales contemporaines (p. 137). Paris: Armand Collin.

110Ici, nous n'avons pas relevé directement le discours de l'acteur scolaire en rapport avec cette logique de solidarité. Néanmoins, tout au long de notre lecture, nous induisons une logique conditionnelle.

3.1.3 L'acteur judiciaire, le SJF111

Dans le cadre de la CAS, l'acteur judiciaire a le sentiment d'appartenir à un groupe de travail qui oeuvre dans la même direction. Face à la problématique du décrochage scolaire, l'agent de quartier souligne que les acteurs locaux sont tous dans le même bateau : le but est d'aider la famille et le jeune en difficulté. Pour l'agent de quartier, chaque acteur est un maillon important de la chaîne de l'entraide sociale, de la solidarité. Nous relevons que les objectifs communs des membres de la CAS relèvent aussi d'une valeur commune et, par conséquent, s'inscrivent dans une solidarité fusionnelle.

3.1.4 L'acteur communal, l'AAS du PSSP112

Pour l'acteur communal, il existe une collaboration avec chaque partenaire qui adhère à la CAS, lieu de centralisation de toutes les informations et des actions où chacun apporte sa pierre à l'édifice de la lutte contre le décrochage scolaire. Cette CAS regroupe des acteurs qui sont régulièrement présents et favorise des liens privilégiés professionnels utiles pour les décrocheurs et les parents.

3.2 Logique de solidarité contractuelle

Ce type de solidarité est fondé sur les intérêts. L'individu se fixe un objectif et détermine les moyens les plus efficaces pour y parvenir. Les moyens mis en oeuvre sont adaptés aux buts recherchés. Les gens sont solidaires parce qu'ils recherchent un intérêt personnel, c'est-à-dire un bien qui ne peut venir que d'un autre.

3.2.1 L'acteur scolaire, l'école et le CPMS113

Les établissements scolaires et leurs agents ont la possibilité d'activer et ce, en se référant à la Circulaire 1972, un «éventail» de partenaires comme : le CPMS, les médiateurs scolaires, les équipes mobiles, les Services d'Accrochage Scolaire (SAS), les Aides en Milieu Ouvert (AMO), le service d'Aide à la Jeunesse et la Direction Générale de l'Enseignement Obligatoire (DGEO). Cette Circulaire encourage le renforcement de la collaboration entre l'école et le secteur de l'Aide à la Jeunesse. Ces dispositifs sont des soutiens incontournables pour les écoles. Cependant, les établissements scolaires ont d'autres alternatives quant aux

111Nous retrouvons les discours de l'acteur Judiciaire en annexe 3, p. 45.
112Nous retrouvons les discours de l'acteur Judiciaire en annexe 3, p. 67.
113Nous retrouvons les discours de l'acteur scolaire en annexe 3, p. 9-14.

choix du partenariat. Le directeur et l'éducateur que nous avons interviewés ne reconnaissent pas cette Circulaire. Cependant, ces derniers privilégient la collaboration avec l'acteur communal, l'Antenne Accrochage Scolaire (lorsque le CPMS ne sait pas répondre à la demande) mais aussi avec les acteurs judiciaires comme le Parquet de Mons et le Service Jeunesse et Famille (S.J.F) de la Police.

En ce qui concerne les collaborations avec les autres acteurs, nous constatons que le directeur fait référence à une logique d'action qui se base sur un intérêt qui est de faire revenir le jeune au sein de l'établissement scolaire. Pour ce faire, l'école fait appel au CPMS et l'AAS. Dans l'objectif d'un retour du jeune à l'école, il existe un échange dans la procédure entre l'école et la police : l'une donne des informations, l'autre accompagne le jeune à l'école. Enfin, lorsque l'école estime que le jeune est en danger, celle-ci passe le relais au Service de la Protection de la Jeunesse.

L'école a créé un sas d'écoute auquel collabore le CPMS. Selon l'éducateur, il y a une complémentarité en termes de compétence professionnelle. De plus, les éducateurs transmettent des informations au CPMS dans le cadre de réunions afin de vérifier si le jeune a repris le chemin de l'école. L'éducateur soulève qu'il est difficile de rentrer en contact avec les élèves lorsqu'ils sont en décrochage scolaire, malgré l'envoi des courriers et les coups de téléphone. Pour répondre à ce problème, ils font appel à l'AAS pour les visites à domicile de façon à obtenir un retour sur la situation du jeune (pour rappel, l'éducateur ne peut pas se rendre au domicile du jeune mais pense que cette démarche est efficace). Les éducateurs n'hésitent pas à demander des informations à l'AAS afin de mieux cerner les difficultés du jeune dont ils s'occupent. Dans notre analyse, nous ne relevons pas de collaboration avec l'acteur issu du milieu associatif. En revanche, après avoir été informé par l'AAS de l'existence du travail des agents de quartier, l'éducateur compte, si nécessaire, établir une collaboration pour l'année scolaire ultérieure. D'après l'assistant social du CPMS, son service travaille avec l'AMO pour préparer le retour du jeune à l'école dans les meilleures conditions. Cependant, vu le nombre important des dossiers à gérer, l'AMO ne peu répondre à toutes les demandes. Le CPMS active également l'AAS pour rencontrer le jeune dans des conditions - endroit neutre et non contraignant pour l'élève - favorisant l'écoute et le soutien du décrocheur. En effet, selon l'assistant social, le CPMS est associé à l'école, lieu de «malêtre» pour le jeune. Enfin, la DGEO envoie un courrier aux jeunes et aux familles pour qu'ils prennent contact avec le CPMS. On retrouve dans cette démarche la procédure à suivre dans la Circulaire 1972. Le CPMS favorise les acteurs locaux afin de répondre à la problématique du décrochage scolaire. L'assistant social soulève que le fait de travailler avec la DGEO ou le

SAJ ne porte pas ses fruits dans la mesure où ces derniers relaient vers les services locaux. De ce fait, pour éviter de tourner en rond, le CPMS active les partenaires de la région pour apporter des solutions concrètes qui ne prennent pas trop de temps. En ce qui concerne la police, lorsque l'aide négociée ne suffit pas, le CPMS reconnaît la place de l'aide contraignante. Dans notre analyse, nous soulevons des collaborations bien spécifiques tant avec les agents de quartier que le SAJ lorsque la situation de l'élève devient compliquée.

En ce qui concerne la perception de la CAS, le directeur la considère comme un lieu où l'on peut s'outiller, toujours dans l'objectif de ramener l'élève à l'école. Il envoie un représentant de l'école, en l'occurrence l'éducateur interviewé. Celui-ci participe à la CAS pour obtenir des informations, des outils pour faciliter son travail et aborder au mieux le décrochage scolaire. Ensuite, il communique les informations en interne auprès de ses collègues. La CAS est considérée par l'assistant social du CPMS comme un lieu d'échange qui permet de découvrir de nouveaux acteurs pour un éventuel partenariat. Aussi, c'est un lieu qui crée des liens et des outils de prévention comme le Pass scolaire.

3.2.2 L'acteur issu du milieu associatif, l'AMO

Même si nous ne le relevons pas dans nos analyses, les AMO sont susceptibles d'être sollicitées par les services émanant de la Communauté française (Service d'Aide à la jeunesse, les médiateurs scolaires, les équipes mobiles, les Services d'Accrochage Scolaire et les écoles). En effet, nous retrouvons dans la Circulaire 1972 (p.23) une procédure à suivre lorsque le jeune est en difficulté et peut, dès lors, être orienté vers les AMO. Nous avons relevé que ce service active la DGEO afin d'envoyer, avec l'accord du jeune, un recours pour qu'il redevienne élève libre. Nous le verrons dans les pages qui vont suivre, le CPMS et l'AMO travaillent en collaboration sur certains dossiers. Même si le directeur et l'assistant n'ont pas connaissance de la Circulaire 1972, l'AMO privilégie les acteurs du même pouvoir subsidiant. En ce qui concerne l'acteur communal et judiciaire, les acteurs interviewés relèvent qu'il n'y a pas de collaboration avec la police. En revanche, il existe un partenariat avec les acteurs communaux (AAS et le PPP) dans le cadre de projets bien spécifiques (la conception d'un outil pédagogique destiné aux écoles du cycle secondaire et des activités sportives organisées par les éducateurs de rue). Enfin, l'assistant social participe, d'une part, aux réunions de la CAS pour rencontrer les acteurs locaux qui traitent le décrochage scolaire et, d'autre part, aux réunions de la Commission d'Aide à la Jeunesse114 - organisées par les

114Cette Commission de pilotage s'inscrit dans le Décret du 13 mars 2008 portant diverses mesures contre le

acteurs de la Communauté française (les médiateurs scolaires) - pour créer des campagnes de prévention et réfléchir sur des questions relatives à la violence à l'école, l'exclusion et le décrochage scolaire115. En ce qui concerne la collaboration avec les autres acteurs, l'AMO collabore avec les éducateurs de l'action prévention de proximité (appelée également PPP) pour des activités sportives. L'intérêt des acteurs interviewés est de répondre aux objectifs de leur organisation. Selon eux, les éducateurs de rue rencontrent davantage de jeune dans les quartiers, ce qui facilite le travail de l'AMO pour toucher un maximum de jeunes malgré le manque de personnel. De plus, le service communal a accès aux ressources locales tant pour l'organisation que la gestion des activités à mettre sur pied. Dans ce contexte, l'AMO s'intègre dans des projets gérés par l'acteur communal pour répondre à leur objectif de travail. L'ASBL a très peu de contact avec les acteurs judiciaires (Police, Parquet) même si ces derniers orientent les jeunes vers l'AMO. Comme ce service travaille sans mandat, les jeunes ne sont pas dans l'obligation de se présenter ; généralement, ils ne présentent pas. Comme nous l'avons souligné dans les pages précédentes, il existe une tension pour établir des collaborations avec les écoles. Cependant, l'acteur privilégié est le CPMS. Selon l'assistant social, ils se téléphonent et s'informent sur des situations où le jeune a des difficultés avec la famille et son entourage. L'idée est que le jeune puisse retourner à l'école dans de bonnes conditions. Dans la pratique, les acteurs sociaux partagent des dossiers communs ou relaient la situation pour intervenir en fonction des compétences et des réalités de chacun face au décrochage scolaire. Aussi, il y a un intérêt pour l'AMO à travailler avec la DGEO afin de réintégrer le jeune en situation d'élève irrégulier au sein de son école. Enfin, l'ASBL demande des moyens financiers à la Commission de l'Aide à la Jeunesse pour envoyer ses jeunes en activités. En participant aux réunions de concertation, l'AMO utilise les folders et les affiches de prévention qui émanent de la CAJ. En ce qui concerne la participation de l'AMO au sein de la CAS, le directeur souligne que l'objectif est de mettre des noms sur des visages et que cela facilite le travail de partenariat entre les différents participants. Pour le décrochage scolaire, il privilégie la Commission de La Louvière dans le but de rencontrer les acteurs locaux et de défendre chaque année une idée qui peut s'étendre sur ce territoire. Selon l'assistant social, les réunions permettent également de connaître le fonctionnement, les compétences, les pratiques et la réalité de chaque acteur qui travaille avec la jeunesse. L'assistant social soulève aussi que les réunions permettent d'avoir une vision plus complète du décrochage scolaire et qu'elles influent sur la vision du travail. Concrètement, l'AMO

décrochage scolaire, l'exclusion et la violence à l'école (voir p. 22-23).

115Nous retrouvons les discours de l'acteur issu du milieu associatif en annexe 3, p. 28.

s'inscrit dans le projet qui émane de la CAS. Celui-ci consiste à créer un outil pédagogique destiné aux écoles. Le rôle de l'AMO est d'apporter son expérience et son matériel audiovisuel pour filmer des petites scènes qui traitent des entretiens d'embauche dans le marché du travail116 .

3.2.3 L'acteur judiciaire, le SJF

Le SJF fait appel à plusieurs services de par ses missions et les directives de sa hiérarchie. Les acteurs suivent des procédures bien spécifiques et font appel à différents acteurs, à savoir : l'acteur judiciaire (le Parquet de Mons, le tribunal de la Police), l'acteur scolaire (écoles, CPMS) et l'acteur communal (l'AAS). Comme nous l'avons soulevé dans les pages précédentes, le SJFP aiguille (si nécessaire) les décrocheurs vers le service le plus apte à répondre à sa demande. En théorie, le SJFP s'appuie sur la Circulaire PLP 41 pour favoriser le partenariat avec les écoles117. Il est demandé à la police locale de créer un point de contact permanent pour les écoles de son territoire. Pour la DGEO, « tant la circulaire que les projets de convention examinés se réfèrent aux situations de décrochage ou d'absentéisme scolaire118.» En revanche, selon la coordinatrice du SJF, le partenariat consiste à travailler sur la problématique de la délinquance juvénile plutôt que sur le décrochage scolaire (celui-ci étant un phénomène à identifier pouvant conduire à la délinquance juvénile). Dans les faits, la PLP 41 n'a pas influencé les relations avec les écoles réfractaires à ce type de collaboration. Cependant, les contacts se sont intensifiés avec certaines directions d'écoles. L'agent de quartier souligne qu'il y a une légère amélioration. Il ne sait pas si c'est lié à la Circulaire dans la mesure où l'acteur judiciaire n'a pas attendu ces normes pour établir des partenariats avec d'autres acteurs. Enfin, la participation à des réunions de concertation (CAS) avec les acteurs du champ de l'accrochage scolaire déstygmatise et relativise l'image de la Police (outre la répression, il y a un réel travail de prévention et d'orientation vers les services compétents) favorisant ainsi la collaboration avec de nouveaux acteurs (ex : la DGEO, les équipes mobiles). De plus, dans le cadre de la CAS, la Police s'est inscrite dans le projet Pass scolaire où elle figure comme l'un des acteurs principaux. En effet, sans les contrôles en rue, ce projet n'a pas de sens. Cette outil permet aux agents de quartier, d'une part, de leur fournir

116Nous retrouvons les discours de l'acteur issu du milieu associatif en annexe 3, p. 30-35.

117Pour rappel, le Ministère de l'Intérieur publiait une Circulaire relative à la collaboration de la police avec les établissements scolaires. L'accord de collaboration doit se traduire dans des conventions écrites associant établissements scolaires, police, procureur du Roi et bourgmestres compétents dans la zone de police concernée. 118Direction Générale de l'Enseignement Obligatoire, (Circulaire 2007-2008). Obligation scolaire, inscription des élèves, fréquentation scolaire, sanctions disciplinaires et gratuité dans l'enseignement secondaire ordinaire subventionné par la Communauté française.

plus d'informations sur le décrocheur et, de l'autre, de faciliter les collaborations avec les acteurs scolaires119. Dans le cadre des missions de SJF, les agents doivent répondre aux demandes du Procureur du Roi (Juge de la Jeunesse), des intervenants sociaux qui traitent le décrochage scolaire, des parents et des jeunes. Outre les Circulaires et les Décrets susceptibles de baliser leurs actions, le SJF a le besoin de s'informer sur la fréquentation de l'élève (est-il élève libre ?), sur son comportement et ses résultats scolaires. Pour atteindre cet objectif, les acteurs judiciaires travaillent en partenariat avec les acteurs scolaires (direction d'école, CPMS) et l'acteur communal (AAS) pour traiter la problématique du décrochage scolaire et éviter que la situation du jeune se judiciarise et se détériore (au contraire, il faut déjudiciariser sa situation). La collaboration avec les écoles et l'AAS se limite à des relais et des échanges d'informations. L'agent de quartier aiguille le décrocheur vers l'AAS afin d'identifier les causes du décrochage scolaire en tenant compte de son environnement familial. Selon l'agent de quartier, dont le rôle est limité (elle ne peut pas travailler l'aspect thérapeutique), l'AAS, de par ses compétences et son rôle, peut développer une vision plus globale de la problématique du jeune. Dans la même dynamique, en fonction du contexte, il contacte le CPMS et les écoles dans l'objectif de signaler la situation du jeune et si possible, d'intervenir au sein du foyer familial et - après la visite à domicile du CPMS - de donner un retour à la Police de façon à réagir en conséquence. Cette démarche est multilatérale dans la mesure où le CPMS active également le SJF lorsque c'est nécessaire.

Selon la coordinatrice, lorsque certains directeurs se trouvent dans l'impasse face des élèves «ingérables», ils font appel aux agents de quartier pour gérer la situation et être informés des institutions susceptibles de répondre à leurs demandes. La coordinatrice explique que ces demandes relèvent actuellement d'une prise de conscience commune aux différents acteurs, dans la mesure où l'on ne peut pas travailler seul dans son coin. Elle ajoute que chaque problème demande une réponse adaptée et qu'il y a des services spécifiques pour y répondre. Aussi, si l'agent de quartier relaie vers l'AMO, la collaboration est limité, il n'existe pas d'échange réel et de retour quant au suivi du jeune. Il précise que ce service est difficilement joignable et que le manque de personnel et de temps au sein du SJF ne favorisent pas les contacts120.

119Nous retrouvons les discours de l'acteur Judiciaire en annexe 3, p. 43. 120Nous retrouvons les discours de l'acteur Judiciaire en annexe 3, p. 46-52.

3.2.4 L'acteur communal, l'AAS du PSSP

Nous avons soulevé dans les pages précédentes que l'objectif stratégique de l'AAS est de réunir les acteurs locaux pour traiter le décrochage scolaire, l'outil privilégié de ce service étant la Commission Accrochage Scolaire. De ce fait, l'AAS collabore et réunit autour d'une même table les acteurs communaux, scolaires, judiciaires et issus du milieu associatif. À partir des Décrets, des Circulaires, des Lois relatives au décrochage scolaire, l'AAS présente les acteurs inscrits dans ces normes (ex : la Circulaire 1972) dans l'objectif de sensibiliser les différents acteurs et d'activer des partenariats. Pour le Fonctionnaire de prévention, il est important que les partenaires jouent le jeu car il en va de la réinsertion du jeune. L'assistant social relève que le partenariat est une priorité pour apporter des réponses appropriées à la problématique du décrochage scolaire. Selon l'assistant social, il existe peu de collaboration avec l'AMO car il estime qu'elle est peu impliquée dans la lutte contre le décrochage scolaire. Cependant, un partenariat est établi dans le cadre d'un projet qui émane de la CAS pour la création d'un outil pédagogique. L'assistant social souligne que l'AMO peut considérer que l'AAS du PSSP est un acteur public qui relève du contrôle social. De ce fait, cette perception peut freiner les collaborations entre les deux services.

En revanche, l'AAS est reconnue auprès des acteurs judiciaires (la police, les criminologues du Parquet de Mons). Pour l'assistant social, ces acteurs sont incontournables car ce sont eux qui contrôlent les jeunes et qui reçoivent les plaintes. La complémentarité est réelle dans la mesure où il existe des échanges, des relais dans l'objectif de réintégrer le jeune en difficulté dans une école. Selon les dires de l'assistant social, les relations avec certains CPMS sont fructueuses, chacun respecte le travail de l'autre et n'hésite pas à relayer des jeunes en difficultés. En ce qui concerne les écoles, l'assistant social relève qu'elles ne reconnaissent pas toujours le décrochage scolaire au sein de leur établissement. Suite aux demandes de l'AAS, les écoles collaborent pour informer l'AAS dans le suivi de certains dossiers121.

En invitant des services comme les Services Accrochages Scolaires et la DGEO pour les présenter aux participants de la CAS, l'AAS répond à ses objectifs. Dans le cadre de la CAS, l'AAS permet aux différents acteurs de s'informer sur les différents services existants, de rencontrer des acteurs qui peuvent répondre à leurs demandes, de communiquer sur des constats de terrain, de s'outiller et de mettre en place des pistes de travail communes pour réduire le décrochage scolaire (le Pass scolaire en est l'exemple). Selon le Fonctionnaire de prévention, la CAS vise l'efficacité et la communication entre les partenaires. Elle facilite les

121Nous retrouvons les discours de l'acteur communal en annexe 3, p. 64-68.

interventions sociales et formalise les partenariats. L'assistant social précise que cette dynamique ne peut se faire que dans ce lieu de concertation qui démystifie les différentes organisations présentes. Dans ce contexte, l'AAS a convié la DGEO, le SAS et les équipes mobiles pour les présenter aux membres de la CAS. Outre la CAS, comme nous l'avons vu dans les pages précédentes, l'AAS échange des informations et relaie vers la Police, le Parquet, le CPMS et, plus ponctuellement, dans le cadre d'un projet pédagogique avec l'AMO122.

3.3 La solidarité fusionnelle

Elle est fondée sur des valeurs : « les gens sont liés entre eux par une communauté de convictions : ils partagent une foi, des croyances, des valeurs, une idéologie, une utopie, le même projet d'avenir qu'ils croient bon, non seulement pour eux-mêmes, mais aussi pour les autres123 ».

3.3.1 L'acteur scolaire, l'école et le CPMS124

En ce qui concerne les collaborations avec les autres acteurs, l'efficacité et le fait d'être professionnel sont des valeurs importantes pour le directeur d'école. Ces valeurs donnent du crédit à l'AAS et le CPMS, acteurs privilégiés de l'école125. Aussi, la notion de temps dans l'intervention pour accrocher l'élève en décrochage scolaire est capitale. En effet, pour le directeur, il ne sert à rien d'intervenir un mois après avoir constaté l'absence du jeune. Plus vite on intervient, au mieux l'école peut envisager son accrochage scolaire.

Selon l'éducateur, le CPMS et l'AAS répondent favorablement à chaque demande de l'école pour les jeunes en difficulté. De plus, l'éducateur donne de l'importance au retour que ces services peuvent lui faire. Pour l'éducateur, la motivation et l'investissement de l'AAS peuvent diminuer le décrochage scolaire. En ce qui concerne la CAS, l'éducateur soulève que, pour combattre le décrochage scolaire, il faut que tous travaillent dans le même sens et fonctionnent de la même façon. Sans cette conviction, il ne sert à rien d'y participer. Selon l'assistant social du CPMS, les membres de la CAS se centrent sur une valeur commune, c'est-à-dire, l'épanouissement du jeune.

122Nous retrouvons les discours de l'acteur communal en annexe 3, p. 62.

123Bajoit, G. (2003). Le changement social : Approche sociologique des sociétés occidentales contemporaines (p. 137). Paris: Armand Collin.

124Nous retrouvons les discours de l'acteur scolaire en annexe 3, p. 15-17.

125De ce constat, pouvons-nous en déduire que la direction ne travaille pas avec d'autres services parce qu'ils ne sont pas efficaces et donc, peu professionnels ?

3.3.2 L'acteur issu du milieu associatif, L'AMO126

Selon l'assistant social, il existe une vision commune du décrochage scolaire malgré les différences entre les organisations présentes au sein de la CAS, la collaboration à celle-ci faisant office de valeur. Il précise que le critère primordial pour collaborer est l'envie de réaliser un projet et de s'impliquer. La collaboration est quasi inévitable pour répondre à la problématique du décrochage scolaire.

3.3.3 L'acteur judiciaire, le SJF127

L'AAS est le partenaire le plus important pour le SJF. Il est considéré comme un service dynamique qui ne se limite pas aux difficultés scolaires du jeune. Le travail de l'AAS s'oriente également sur les difficultés relationnelles du jeune avec son entourage. Aussi, selon la coordinatrice, l'AAS développe une très bonne collaboration avec le réseau de l'accrochage scolaire en gardant son indépendance et son professionnalisme lors des entretiens individuels. Il existe une solidarité fusionnelle dans la mesure où le SJF met un point d'honneur - malgré qu'il n'a pas systématiquement de retour de la situation du jeune - sur le fait qu'il y a une véritable prise en charge du décrocheur tenant compte de sa situation globale. Aussi, outre le besoin de travailler en partenariat, la coordinatrice estime que pour que cela soit faisable, il faut réunir les différents acteurs autour d'une table de façon à exploiter les idées de chacun. C'est la cohésion entre les acteurs qui permettra de faire face au décrochage scolaire. L'agent de quartier relate que, face au décrochage scolaire, il n'y pas de compétition128 mais plutôt de la collaboration et du partenariat entre les intervenants sociaux parce qu'ils oeuvrent, pour la plupart, dans l'intérêt du jeune. Même si les moyens et les objectifs sont différents, ça n'empêche pas de travailler ensemble.

3.3.4 L'acteur communal, l'AAS du PSSP129

Selon l'acteur communal, la valeur qui réunit les membres de la CAS, c'est l'envie de
travailler en collaboration, de se connaître et d'élaborer des méthodologies qui visent

126Nous retrouvons les discours de l'acteur issu du milieu associatif en annexe 3, p. 36.

127Nous retrouvons les discours de l'acteur Judiciaire en annexe 3, p. 53-54.

128Cependant, l'agent de quartier soulève qu'il y a un manque de communication entre partenaires. Il souligne qu'il existe une motivation et une reconnaissance personnelle à sortir le décrocheur de ses difficultés : c'est une victoire pour tous les intervenants sociaux. Néanmoins, il faudrait peu de chose pour devenir concurrent, il faut rester diplomate pour ne pas choquer son partenaire.

129Nous retrouvons les discours de l'acteur communal en annexe 3, p. 71.

l'efficacité par la complémentarité entre les professionnels qui traitent le décrochage scolaire.

3.4 Logique de solidarité affective

Elle est fondée sur des affects : « les gens sont alors solidaires parce qu'ils se connaissent, parce qu'ils ont vécu la même histoire, partagé des expériences, intériorisé les mêmes normes culturelles et que cela a tissé entre eux des liens affectifs plus ou moins forts et durables130

3.4.1 L'acteur scolaire, l'école et le CPMS131

Selon l'éducateur, la CAS est un lieu où l'on fait partie d'un groupe, un lieu décontracté, un lieu où l'on rigole, où l'on a l'impression de se connaître de longue date. Il souligne que cette ambiance crée des liens avec d'autres éducateurs et pourrait, également, faciliter le travail avec les autres écoles. Quant à l'assistant social du CPMS, il estime que la CAS permet de nouer un partenariat et des liens entre les différents acteurs.

3.4.2 L'acteur issu du milieu associatif, l'AMO132

Le directeur de l'AMO a développé des relations privilégiées avec l'éducateur de l'AAS qui participe et coordonne la CAS quand l'assistant social est absent. Ces relations sont construites avec le temps. L'assistant social de l'AMO aime collaborer avec les personnes qu'il connaît et permet de travailler dans une certaine transparence.

3.4.3 L'acteur judiciaire, le SJF133

Selon l'agent de quartier, la CAS permet de mieux se connaître et d'améliorer avec les différents participants, le travail social tout en restant professionnel (il n'y a pas pour autant du favoritisme). Il précise, que c'est dans ce cadre que l'on crée des affinités et des liens affectifs (il y a de l'émotion) avec les intervenants sociaux.

3.4.4 L'acteur communal, l'AAS du PSSP134

Les acteurs qui participent à la CAS se connaissent de longue date. À force de se fréquenter,

130Ibid.

131Nous retrouvons les discours de l'acteur scolaire en annexe 3, p. 17.

132Nous retrouvons les discours de l'acteur issu du milieu associatif en annexe 3, p. 37. 133Nous retrouvons les discours de l'acteur Judiciaire en annexe 3, p. 54.

134Nous retrouvons les discours de l'acteur communal en annexe 3, p. 72.

ils ont créé des liens professionnels privilégiés facilitant la collaboration dans les suivis des dossiers, dans les échanges d'informations. Ces liens ont permis de ne plus se cacher derrière le secret professionnel et ont apporté des actions plus ciblées optimalisant le suivi socioéducatif.

4 Influence de la Commission Accrochage Scolaire sur les différents acteurs

Nous avons soulevé dans les pages précédentes l'influence de la CAS sur les logiques de solidarité des différents acteurs. Cependant, nous proposons un résumé de notre analyse pour répondre à notre deuxième objectif de recherche. Selon nos constats, on peut dire que la CAS répond aux besoins des acteurs et influe sur leurs perceptions du problème. Ces perceptions génèrent des logiques de solidarité conditionnelle, contractuelle, fusionnelle et affective.

4.1 L'acteur scolaire, l'école et le CPMS135

L'assistant social du CPMS relève que les réunions de la CAS ont permis de créer des liens et des partenariats avec les autres acteurs sociaux tels que les médiateurs scolaires, l'AAS et la police. Avant ces réunions, l'assistant social ne travaillait pas spécialement avec ces services. Il souligne également que le fait de se concerter avec les autres acteurs qui traitent le décrochage scolaire permet, en mettant des noms sur des visages, de connaître les missions de chacun et d'humaniser les relations professionnelles. Ce contexte ouvre des perspectives de partenariat. Dans les faits, les différents acteurs sont devenus des partenaires dans le travail quotidien du CPMS grâce à la CAS. Ce lieu de concertation a permis de créer un outil qui vise le contrôle des élèves en rue, en l'occurrence le Pass scolaire, qui réunit les acteurs scolaires, communaux et judiciaires. L'idée est de responsabiliser chaque acteur social qui traite le décrochage scolaire. Pour l'assistant social, cet outil crée des normes entre les opérateurs. De plus, une sous-commission s'est créée à partir de la CAS. Celle-ci rassemble les acteurs scolaires, communaux et issus du milieu associatif ; elle forme un groupe de réflexion et de travail dans le but de créer un outil pédagogique destiné aux écoles du secondaire. Enfin, les acteurs scolaires reconnaissent la légitimité de la CAS et des acteurs qui la gèrent. Les acteurs scolaires soulignent l'importance et la nécessité de ce lieu de concertation car il permet de construire des collaborations, des outils et des procédures pour traiter le décrochage scolaire.

135Nous retrouvons les discours de l'acteur scolaire en annexe 3, p. 18-19.

4.2 L'acteur issu du milieu associatif, l'AMO136

Selon l'assistant social, la Commission a diminué les tensions entre l'acteur issu du milieu associatif et l'acteur communal (l'AAS du PSSP). Elle permet d'identifier les acteurs locaux qui traitent le décrochage scolaire ; d'influer sur la perception du décrochage scolaire de l'AMO ; d'activer en cas de besoins les services compétents ; d'intensifier les partenariats avec les CPMS et de s'inscrire dans des projets qui correspondent aux missions et aux objectifs de l'AMO.

4.3 L'acteur judiciaire, le SJF137

En ce qui concerne la CAS, la coordinatrice et l'agent de quartier précisent qu'elle permet, d'une part, d'obtenir des informations générales sur le décrochage scolaire, des échanges d'informations entre les participants et, d'autre part, d'identifier chaque acteur de façon à ne plus travailler dans l'anonymat (pour l'agent de quartier, cela influe sur la perception du décrochage). C'est dans ce contexte que l'agent de quartier a rencontré la personne de référence qui travaille à la DGEO (ce contact a permis d'établir des pistes de collaboration entre les deux services), ainsi que le coordinateur de l'équipe mobile et le coordinateur du SAS de Mons. Selon la coordinatrice, à l'époque, il fallait défendre l'image de la Police considérée par les différents acteurs traitant le décrochage scolaire comme un service purement répressif (procès verbal, procès, sanctions). Aujourd'hui, les choses ont évolué, la Police est de mieux en mieux acceptée, elle n'est plus sur la défensive puisque la CAS lui a permis de présenter un autre visage. En effet, elle précise que la CAS a amélioré d'une part, l'image du service en facilitant les échanges qui ont permis de démontrer que le SJF travaillait, en grande partie, sur un volet préventif et, d'autre part, a créé un langage commun avec les acteurs sociaux. La CAS a également permis au SJF de faciliter les collaborations avec ses participants et, grâce au Pass scolaire, d'obtenir des renseignements sur les décrocheurs. Il en résulte pour le SJF que la CAS est un lieu qui répond à sa demande et facilite ainsi, son travail de terrain. Cependant, lorsque les projets demandent un investissement important, les acteurs judiciaires ne peuvent pas y participer (manque de personnel et de temps).

136Nous retrouvons les discours de l'acteur issu du milieu associatif en annexe 3, p. 38. 137Nous retrouvons les discours de l'acteur Judiciaire en annexe 3, p. 49-52.

4.4 L'acteur communal, l'AAS

L'AAS coordonne la Commission Accrochage Scolaire qui réunit les acteurs scolaires, communaux, judiciaires et issus du milieu associatif. Dans ce cadre, L'AAS a une «double casquette» : d'une part, elle orchestre la Commission et, de l'autre, elle se positionne au même titre que les autres acteurs comme une organisation qui traite le décrochage scolaire. L'acteur communal relate que la CAS est un lieu qui permet aux différents acteurs de démystifier les autres organisations en présentant les fonctions de chacun ; par ailleurs, c'est un lieu où l'on peut cibler les besoins des participants et ceux des jeunes «décrocheurs». L'assistant social précise également que la CAS ressemble à un petit marché où l'on vient chercher des outils pour traiter le décrochage scolaire. Selon l'interviewé, la CAS donne la possibilité de créer des partenariats avec l'AAS mais aussi entre les différents membres. Un des objectifs de l'AAS est de connaître son réseau en identifiant les organisations mais également, de développer des relations de confiance et de viser une plus grande efficacité en mettant en place des actions concrètes sur le terrain. L'AAS a ciblé les besoins des acteurs par des constats de terrain et tente d'y répondre en mobilisant la casquette de la CAS. Le sujet interviewé a une forte conscience du sens qu'il donne à son action. Ce constat n'est pas anodin, l'objectif stratégique de cette organisation est en lien avec son objectif stratégique n°1 qui est de promouvoir une approche intégrée et intégrale. En outre, les objectifs opérationnels sont d'une part, de s'insérer au sein d'un réseau de partenaires travaillant activement sur le phénomène du décrochage scolaire ; d'autre part, de participer à des groupes de travail sur des problématiques localisées, initier des groupes de travail. En effet, lorsque nous interpellons l'assistant social quant au rôle de l'AAS relatif à la CAS, il a tout a fait conscience qu'il peut «changer» certains modes de fonctionnement des différents services sociaux en abordant le décrochage scolaire. De plus, la plupart des partenaires de l'AAS participent à la CAS.

Chapitre 6 : Discussion sur le contenu de la méthode

1 Introduction

Au début de notre étude, nous avons élaboré un double objectif de recherche, à savoir : Le premier permettant de confirmer ou d'infirmer notre hypothèse de départ :

(1) Identifier les perceptions de la gestion du décrochage scolaire au sein de l'organisation des acteurs scolaires, communaux, judiciaires et issus du milieu associatif qui participent à la CAS et dégager les logiques de solidarité chez les différents acteurs.

Hypothèse de départ :

Les perceptions de la gestion du décrochage scolaire et les logiques de solidarité des acteurs scolaire, communal, judiciaire et issu du milieu associatif sont influencées par l'organisation à laquelle ils appartiennent.

Le second, à titre exploratoire, permettant d'enrichir notre recherche :

(2) A titre exploratoire, identifier comment la CAS traite la diversité des organisations qui y participent et soulever l'influence de la CAS sur les perceptions du décrochage scolaire et les logiques de solidarité des différents acteurs afin d'enrichir notre recherche.

Pour répondre à notre premier objectif, nous allons faire ressortir d'une part, la diversité des différents acteurs appartenant à des organisations bien spécifiques et d'autre part, à partir d'un résumé sous forme de tableaux rendant compte des résultats de notre étude, procéder à une analyse d'interprétation.

Pour le second objectif, nous utiliserons le même procédé que le premier en proposant un tableau qui présentera les forces et les faiblesses de la Commission Accrochage Scolaire. Nous parlerons également de la légitimité de l'acteur communal qui gère cette Commission, ainsi que de la manière dont les acteurs qui y participent sont traités.

Après avoir répondu à nos objectifs de recherche, nous émettrons une critique sur notre méthode de travail ainsi que sur le cadre théorique proposé par Guy Bajoit. Enfin, nous clôturerons ce chapitre sur les perspectives de notre étude.

2 Résultats et interprétation des différentes perceptions de la gestion du décrochage scolaire des acteurs au sein de leur organisation

Les représentations de la gestion du décrochage scolaire véhiculées par les acteurs diffèrent selon l'organisation à laquelle ils appartiennent.

Sur un plan administratif, l'acteur scolaire va davantage contrôler l'absentéisme de l'élève tout en envoyant des cartes d'absences aux parents et classer les certificats médicaux ainsi que les mots d'excuses. Sur un plan préventif, l'école propose un sas d'écoute en partenariat avec le CPMS et les enseignants pour écouter le jeune et éviter le décrochage scolaire (on s'intéresse au bien-être du jeune). La surcharge administrative et le manque de personnel limite l'investissement des éducateurs dans le soutien des élèves en difficulté. Le CPMS veille à l'épanouissement du jeune mais il ne peut répondre à toutes les demandes des écoles vu le nombre important de dossiers, le manque de personnel et le manque de temps. Le décrochage scolaire est géré au niveau interne, encore faut-il que le jeune soit présent.

L'AMO reçoit les jeunes et les parents en fonction de leurs demandes et tente de développer l'esprit critique du jeune en le responsabilisant face à son comportement et son renvoi scolaire. Si le jeune n'est pas en accord avec la sanction, le service va collaborer avec le service Droits des Jeunes pour vérifier si la procédure a été respectée. La démarche auprès de Droits des Jeunes n'est pas appréciée auprès des écoles. Pour l'AMO, un directeur doit respecter les procédures de renvoi. Cependant, l'ASBL comprend la difficulté de l'école de gérer les élèves difficiles au sein de l'établissement.

Si le jeune a perdu son statut d'élève régulier, l'AMO l'accompagnera dans une démarche avec la DGEO pour réinsérer le jeune au sein de son école. Aussi, l'AMO collabore avec les CPMS afin de travailler, avec l'accord du jeune et de la famille, le retour à l'école dans de bonnes conditions et de sensibiliser les usagers à l'autorité parentale et aux questions de responsabilité. L'AMO propose également aux jeunes qui ont des difficultés avec l'autorité et les règles des activités inter-sportives. Le décrochage scolaire est traité avec l'accord du jeune (et sa famille) exprimant sa volonté d'accrocher à l'école. La difficulté est que généralement ces jeunes n'aiment pas l'école.

Pour le Service Jeunesse et Famille, le décrochage scolaire est une priorité, l'objectif étant
d'enrayer la problématique du décrochage scolaire et d'identifier les jeunes susceptibles de
glisser dans la délinquance. Le décrochage scolaire est ciblé comme un indicateur de la

délinquance. Le SJF se positionne comme un service de référence pour les écoles. Il contrôle les jeunes en rue et envoie des courriers aux écoles et aux parents pour signaler l'absentéisme. Le SJF prévient le jeune et la famille des sanctions éventuelles et, en fonction de la situation, les orientent vers des services d'aide sociale visant la réinsertion du jeune au sein de l'école et/ou vers des structures de soutien psychologique. Si la situation du jeune est problématique, un procès verbal peut être envoyé au Parquet pour des sanctions éventuelles. La gestion du décrochage scolaire s'effectue par un rappel de la loi, de l'obligation scolaire et des sanctions que le jeune et la famille risquent d'encourir. La surcharge de travail et le manque de personnel est un frein dans les suivis des dossiers et dans les contrôles en rue.

L'AAS se positionne à partir des ses objectifs stratégiques (diminuer le décrochage scolaire et le sentiment d'insécurité) comme un service de référence et un maillon qui centralise et coordonne le décrochage scolaire sur le territoire louvièrois en gérant la Commission Accrochage Scolaire. Cette Commission présente les acteurs traitant le décrochage scolaire, les nouvelles lois ou les Décrets qui traitent de la problématique et propose des outils et des pistes d'actions en concertation avec les participants pour diminuer le décrochage. D'une part, l'éducateur du service va à la rencontre des jeunes décrocheurs pour tenter de les ramener à l'école ; d'autre part, avec l'assistant social du service, il propose une écoute, un soutien, un accompagnement et une orientation vers les services pouvant venir en aide au jeune. La difficulté est qu'il est difficile de trouver une école qui intègre les jeunes ayant un comportement jugé problématique et qui ne respectent pas les normes scolaires. Le décrochage scolaire est géré avec le réseau que l'AAS a mis en place. L'AAS reçoit un nombre important de relais par la Police et le Parquet car ce sont eux qui reçoivent les plaintes et contrôlent des jeunes. Ensuite, l'AAS relaie vers les services locaux compétents pour insérer le jeune et éviter qu'il reste en rue.

Comme nous le constatons, les acteurs se distinguent selon les missions de leur organisation et leur réalité de terrain. L'école et le SJF s'inscrivent dans une logique de contrôle de l'absentéisme scolaire. Le contrôle se gère au sein de l'école et au niveau extra-muros par la Police et l'AAS, dans une certaine mesure138. Il existe une complémentarité dans la gestion administrative du décrochage scolaire entre les acteurs scolaire et judiciaire. Cependant, il

138La prévention du décrochage scolaire au sein des écoles est de la responsabilité de la Communauté française (l'acteur scolaire). En revanche, le travail de prévention en ce qui concerne les jeunes se trouvant en rue est de la responsabilité du Fédéral (Ministère de l'Intérieur, les acteurs judiciaire et communal). La collaboration entre les différents opérateurs est incontournable dans la mesure où ces jeunes sont sensés être - sous-contrôle- à l'école.

faut souligner le sentiment d'impuissance de l'école pour gérer ce type d'élève malgré les tentatives d'aides sociales. A contrario, l'AMO et le CPMS ne s'inscrivent pas dans une logique de contrôle mais de solidarité tenant compte des difficultés scolaires du jeune. L'AAS a une position plus ambiguë dans sa façon de gérer le problème : même si le service collabore avec un réseau d'aide sociale, il est l'intermédiaire de la police et du Parquet par rapport à certains dossiers - les échanges d'informations entre ces services peuvent influer sur leur gestion du dossier du jeune (n'est-ce pas une façon de contrôler la situation du jeune et de le sanctionner s'il ne respecte pas certaines démarches pour s'insérer dans les circuits socio- éducatifs ?).

Enfin, on retrouve une convergence quant aux limites des services et de la complexité de gérer la problématique du décrochage scolaire. Il est difficile de travailler seul pour soutenir les jeunes, cela demande de s'ouvrir aux autres organisations susceptibles d'apporter des réponses adaptées.

Les acteurs et les Décrets favorisant la collaboration :

L'acteur scolaire : Le directeur de l'école ne relève pas les Circulaires favorisant la collaboration autour du décrochage scolaire avec d'autres acteurs. L'éducateur se réfère à l'AAS et à la CAS pour expliciter les Décrets existants. Le CPMS reconnaît la Circulaire 1972 et s'en inspire (relais vers la DGEO, les équipes mobiles) 139.

L'acteur issu du milieu associatif : Le directeur de l'AMO souligne que malgré la multitude de décrets, on n'empêchera pas les gens de collaborer ou de ne pas collaborer entre eux. Selon lui, ce sont les gens qui décident en fonction de leur envie car, pour collaborer, il faut être plusieurs (ex : l'AMO ne peut pas travailler avec la Police ; cependant, si elle estime que cela est pertinent, la collaboration peut exister. L'AMO doit travailler avec les écoles ; néanmoins, si celles-ci ne veulent pas collaborer, l'AMO ne peut qu'accepter cette décision140).

L'acteur judiciaire : La collaboration est soutenue par la PLP 41 mais, selon l'agent de quartier, cela n'empêche pas les écoles de rester réticentes aux partenariats (ce sont les contacts qui génèrent les collaborations et non pas les Circulaires) 141.

L'acteur communal : C'est lui qui diffuse et explicite les recommandations et les textes légaux dans le cadre de la CAS.

139Annexe 3, acteur scolaire, p.9.

140Annexe 3, acteur issu du milieu associatif, p.28. 141Annexe 3, acteur judiciaire, p.44.

3 Résultats et interprétation des différentes logiques de solidarité des différents acteurs

Logique de solidarité conditionnelle :

L'acteur scolaire, l'école technique subventionnée

Une augmentation de la problématique du décrochage scolaire sur le territoire louvièrois ; un besoin de travailler avec les autres services sociaux pour ramener le jeune à l'école. Face à ce constat, l'école participe à la CAS pour former un groupe de professionnels afin de s'outiller, de s'informer sur les services existants et les nouveaux décrets.

Constat sur le décrochage scolaire (DS) : l'éducateur142 a conscience de l'importance du DS. Il relève

que la problématique est de plus en plus inquiétante et insuffisamment prise en main par les autorités de l'école. CPMS143 : l'AS relève une augmentation inquiétante du DS tant dans le secondaire que le primaire. Il estime que le CPMS n'est pas assez compétent pour assurer une réponse adaptée dans une situation de plus en plus complexe.

L'acteur issu du milieu associatif, l'AMO Transit

Forme un groupe de professionnels pour la gestion du décrochage scolaire.

Constat sur le DS : la problématique est de plus en plus difficile à gérer (problèmes de comportement

des élèves, renvois dans différentes écoles). Il y a lieu de réfléchir sur le phénomène144.

L'acteur judiciaire, le Service Jeunesse et Famille

Sentiment d'appartenir à un groupe de travail qui oeuvre dans la même direction. Face au DS, « on est tous dans le même bateau. »

Constat sur le DS : le travail à accomplir est colossal : les jeunes sont de plus en plus déstructurés, le

service se sent limité et impuissant car tout le monde est en détresse145. Il est indispensable de travailler en collaboration (il y a du « bon boulot » avec les différents intervenants).

L'acteur communal, l'Antenne Accrochage Scolaire du PSSP

La CAS (lieu de centralisation de toutes les informations et des actions où chacun apporte sa pierre à l'édifice contre le décrochage scolaire) regroupe des acteurs sociaux qui sont régulièrement présents. Constat sur le DS: la problématique est assez importante sur la zone de La Louvière, la situation est

complexe car elle relève de différents facteurs avec, également, des conséquences diverses : isolement (phobie scolaire, victime de racket, dépression, tentative de suicide) ; mauvaise orientation scolaire, problèmes de consommation d'alcool et de drogue ; glissement vers une certaine délinquance (racket, deal) 146.

Commentaires :

Les acteurs locaux se rencontrent à raison de trois à quatre fois par an dans le cadre de réunions de concertation gérées par l'acteur communal. Ils font partie d'une même région avec ses caractéristiques147 et d'un même groupe de professionnels face à un problème commun : la complexité de gérer le décrochage scolaire et d'apporter des réponses adaptées. Par conséquent, les acteurs se rencontrent avec des demandes communes : trouver des solutions et, pour l'acteur issu du milieu associatif, réfléchir sur le phénomène. Selon nous, cette solidarité conditionnelle est le socle des autres logiques de solidarité entre les opérateurs.

142Voir annexe 2, interview de l'éducateur, L. 11-13 & 27-30.

143Voir annexe 3, p.8 : L. 11-21.

144Voir annexe 2, interview de l'assistant social, L. 262-267.

145Voir interview de l'agent de quartier, L. 210-219.

146Voir interview de l'assistant social, L. 14-23.

147Pour rappel, nous invitons nos lecteurs à consulter le second chapitre de notre travail relatif à la présentation de la Ville de La Louvière et du décrochage scolaire sur ce territoire (p.30-34).

Logique de solidarité contractuelle :

L'acteur scolaire, l'école technique subventionnée

Ecole : Intérêt de faire revenir le jeune au sein de l'école (collaboration ave le CPMS, l'AAS

pour des visites au domicile du jeune, avec la Police pour des échanges d'informations), si le jeune est en danger, l'école relaie vers le service de la Protection à la Jeunesse. Création d'un sas d'écoute en interne pour prévenir le décrochage scolaire (collaboration avec le CPMS et les enseignants).

Participation à la CAS : pour s'outiller ; adhésion au projet Pass scolaire ; obtenir des

informations pour faciliter le travail et aborder au mieux le décrochage scolaire.

CPMS : Etant donné les limites de collaboration de la DGEO et le SAJ, l'AS favorise les

acteurs locaux : l'AMO pour préparer le retour du jeune à l'école dans les meilleures conditions ; l'AAS pour favoriser l'écoute et le soutien des jeunes dans un endroit «neutre». Lorsque la situation du jeune devient inquiétante, il existe une collaboration avec la Police et le SAJ (échanges d'informations).

Participation à la CAS : découvrir de nouveaux acteurs et établir d'éventuels partenariats

(participation à la conception du Pass scolaire ; collaboration avec certains membres (CPMS, AAS) de la CAS pour la création d'un outil pédagogique destiné aux écoles.).

L'acteur issu du milieu associatif, l'AMO Transit

Collaboration avec le CPMS dans certains dossiers (préparer le retour du jeune à l'école) ; collaboration avec les éducateurs de rue de l'Action de Prévention et de Citoyenneté (ressources humaines, financières et logistiques importantes) pour des activités intersportives, collaboration avec la DGEO afin de réintégrer le jeune dans son école. Participation à la Commission de l'Aide à la Jeunesse : création de campagnes de prévention (folders, affiches) et demande de financer les activités des jeunes.

Participation à la CAS : avoir une vision plus complète du DS ; identifier les acteurs locaux

qui travaillent avec la jeunesse en mettant des noms sur des visages (identifier leurs compétences, leur fonctionnement, leurs réalités de terrain) pour favoriser le partenariat ; défendre des idées qui peuvent s'étendre sur le territoire ; collaboration avec certains membres (CPMS, AAS) de la CAS pour la création d'un outil pédagogique destiné aux écoles.

L'acteur judiciaire, le Service Jeunesse et Famille

Le partenariat ave les autres acteurs (les équipes mobiles, la DGEO) vise à détecter les jeunes susceptibles de basculer dans la délinquance ; orientation vers les services sociaux pour insérer le jeune (l'AAS, les écoles et l'AMO) ; répondre aux demandes du Procureur du Roi (Juge de la Jeunesse) ; intervention dans les écoles pour les élèves considérés comme ingérables.

Participation à la CAS : participation au projet Pass scolaire : contrôle en rue des jeunes et

collaboration avec les acteurs scolaire et communal dans les échanges d'informations (fréquentation scolaire du jeune, comportement et résultats scolaires).

L'acteur communal, l'Antenne Accrochage Scolaire du PSSP

Collaboration (échanges d'informations et complémentarité dans l'action sociale visant la réinsertion du jeune dans une école) avec des partenaires incontournables, le Parquet de Mons (ave les criminologues) et la Police car se sont eux qui contrôlent les jeunes et reçoivent les plaintes : collaboration avec le CPMS et les écoles (informations sur le suivi des dossiers) ; dans le cadre de projet pédagogique, l'AAS échange des informations avec l'AMO.

Gestion de la CAS : Réunit les acteurs traitant le DS, diffuse des informations sur les

nouveaux décrets et présente des acteurs sociaux en vue d'établir des collaborations éventuelles (répond à ses objectifs stratégiques).

Pour répondre à leurs missions, les différents acteurs collaborent, échangent des informations ou participent à des projets bien spécifiques avec les organisations qui répondent au mieux à leurs intérêts. En ce qui concerne les collaborations avec les acteurs en général, nous avons soulevé que les différents acteurs fonctionnent sur des logiques contractuelles. Ce qui distingue les acteurs dans notre analyse, ce sont leurs missions, leurs limites, leurs perceptions des autres acteurs qui traitent le décrochage scolaire. Chacun va privilégier des services qui répondent au mieux à ses intérêts, ses objectifs et son idéologie du travail social.

Les intérêts des différents acteurs qui participent à la CAS sont sensiblement communs : l'éducateur scolaire y cherche des outils, des informations (décrets, nouvelles lois), des contacts avec d'autres organisations pour aborder au mieux le décrochage scolaire ; le CPMS y participe pour établir des partenariats et s'insérer dans des projets qui rencontrent au mieux ses objectifs (création d'un outil pédagogique destiné au école) ; l'AMO adhère également à la création de l'outil pédagogique dans le cadre d'une sous-commission ; elle participe à la CAS pour identifier les compétences et les fonctionnements des autres acteurs ainsi, pour obtenir une vision globale de la problématique abordée, défendre ses idées afin de les étendre sur le territoire louvièrois ; le SJF y participe pour favoriser les collaborations avec les acteurs scolaires et adhère au Pass scolaire pour obtenir davantage d'informations sur les élèves ; en gérant la CAS, l'AAS répond à ses objectifs en établissant des contacts entre les différents acteurs et en élaborant des projets visant à diminuer le décrochage scolaire. Enfin, précisons que l'AMO n'adhère pas au projet du Pass scolaire faisant office de contrôle social. L'acteur issu du milieu associatif s'inscrit davantage dans l'optique des Droits des jeunes et travaille à la demande de son public cible. En revanche, le Pass scolaire est utilisé par les acteurs scolaire, communal148 et judiciaire qui axent leur travail sur le binôme préventionrépression pour accrocher le jeune en difficulté.

148Il existe une ambigüité quant au rôle de l'acteur communal. En effet, l'AAS ne sanctionne pas «directement» l'élève. Le service utilise des moyens de pression (la loi répressive) pour responsabiliser le jeune. En collaborant et en faisant des retours sur certains dossiers (le jeune étant informé de la démarche) aux acteurs judiciaires (le SJF et les criminologues du Parquet de Mons), l'élève, en fonction de ses démarches personnelles et des efforts fournis pour intégrer une école, sera ou ne sera pas réprimandé ou sanctionné (est-il en danger ou dangereux pour la société ? ) par les acteurs judiciaires.

Logique de solidarité fusionnelle :

L'acteur scolaire, l'école technique subventionnée

Collaboration privilégiée avec l'AAS et le CPMS axée sur l'efficacité (l'intervention rapide est capitale pour accrocher l'élève) ; le professionnalisme (importance du retour d'information, répondre à la demande) ; la motivation et l'investissement des partenaires. Dans le cadre de la CAS, les membres se centrent sur l'épanouissement du jeune ; sur la conviction que pour combattre le DS, les participants doivent aller dans le même sens (sans cette conviction, il ne sert à rien d'y participer).

L'acteur issu du milieu associatif, l'AMO Transit

La collaboration est une valeur incontournable, de même que l'envie de réaliser un projet et de s'impliquer.

L'acteur judiciaire, le Service Jeunesse et Famille

Le besoin de travailler en partenariat ; c'est la cohésion qui permettra de faire face au décrochage scolaire ; il faut travailler dans l'intérêt du jeune. Le partenaire privilégié est l'AAS parce qu'il garde son indépendance et son professionnalisme par rapport au réseau de l'accrochage scolaire.

L'acteur communal, l'Antenne Accrochage Scolaire du PSSP

L'envie de travailler en collaboration, de se connaître et d'élaborer des méthodes qui visent l'efficacité par la complémentarité avec les intervenants sociaux (cela évite de se cacher derrière le secret professionnel).

Commentaires :

Nous pouvons noter que la CAS génère des logiques de solidarité fusionnelle : les acteurs soulèvent, en effet, des valeurs communes comme la collaboration (influencer les missions de chacun), la complémentarité (tant au niveau des suivis des jeunes que de la mise en place des projets), l'efficacité, l'envie de faire quelque chose avec des partenaires sociaux pour aider le jeune et les familles en difficulté. L'un des objectifs149 communs est donc le bien-être du jeune. Les acteurs ont conscience qu'il faut travailler avec les différents services et se réunir autour d'une table pour traiter la problématique. Dès lors, selon les acteurs, les réunions de concertation sont capitales pour atteindre ces objectifs. Ces logiques de solidarité fusionnelle se fondent sur des valeurs communes (le bien-être du jeune, etc.) et sur des croyances telles que «l'union fait la force». Par ailleurs, notons que l'acteur scolaire est le partenaire privilégié des acteurs scolaire et judiciaire : ces derniers mettent en évidence le professionnalisme et l'efficacité de l'AAS. En revanche, l'AMO est l'acteur le plus «marginalisé» dans les collaborations parce que, d'une part, il ne s'inscrit pas dans relations qui visent le contrôle social du jeune et, d'autre part, il est mal vu par les écoles d'interpeller les Droits des Jeunes.

149Un autre objectif commun aux acteurs communal, scolaire et judiciaire est de contrôler les jeunes à l'aide du Pass scolaire. Cet outil, selon le CPMS consiste à concevoir des normes communes avec les différents acteurs qui adhèrent au projet (annexe 3, p. 19).

Logique de solidarité affective :

L'acteur scolaire, l'école technique subventionnée

La CAS : lieu où l'on fait partie d'un groupe ; un lieu décontracté où l'on rigole ; impression de se connaître de longue date ; crée des liens (noue des partenariats) et favorise le travail avec les membres en présence.

L'acteur issu du milieu associatif, l'AMO Transit

Aime collaborer avec les personnes connues car cela permet de travailler dans une certaine transparence (confiance). Exemple : relation privilégiée, construite avec le temps, avec l'éducateur de l'AAS.

L'acteur judiciaire, le Service Jeunesse et Famille

La CAS permet de mieux se connaître et d'améliorer le travail social entre les différents membres et crée des liens affectifs et des affinités : déstygmatise l'image de la Police (répression et prévention) et favorise les collaborations avec certains acteurs scolaires.

L'acteur communal, l'Antenne Accrochage Scolaire du PSSP

A force de se fréquenter, les acteurs se connaissent de longue date ; création des liens privilégiés favorisant les collaborations avec les intervenants sociaux (échanges de dossiers et d'informations) ; grâce à ces liens, on ne se cache plus derrière le secret professionnel et les actions sont plus ciblées (optimalisant le suivi socio-éducatif).

Commentaires :

Nous constatons que la CAS est un lieu qui favorise les rencontres entre les acteurs du champ de l'accrochage scolaire. La CAS permet de réunir ces personnes dans un contexte «convivial» et de créer ainsi des affinités, des liens privilégiés se construisant au fil du temps. Selon certains acteurs, ces liens optimalisent les collaborations dans les suivis socio-éducatifs des jeunes en difficultés.

Ce type de solidarité a intensifié les relations entre l'AMO et les CPMS ; a amélioré l'image de la Police auprès des intervenants sociaux ; a favorisé l'échange d'informations sur certains dossiers entre les acteurs communal, scolaire et judiciaire et, selon l'AAS, a permis de ne plus se cacher derrière le secret professionnel150.

150Le secret professionnel n'a pas été abordé dans notre étude. Cette question vaudrait d'être approfondie au regard des logiques de solidarité.

4 Résultats et interprétation de la participation des différents acteurs à la Commission Accrochage Scolaire

L'acteur scolaire, l'école technique subventionnée

Force: Pour l'éducateur la CAS a permis de s'enrichir et d'obtenir des réponses à certaines questions liées au DS ; d'avoir des pistes face à la problématique et d'obtenir

des informations pour faciliter le travail. Remarque : En ce qui concerne la légitimité de la coordination de la CAS gérée par l'AAS, l'éducateur note que les membres de

l'AAS savent de quoi ils parlent et font de leur mieux ; qu'ils sont confrontés au DS en présentant des exemples concrets.

Force : Pour le CPM la CAS a facilité la construction de partenariats, d'outils et de procédures pour traiter le DS ; la création de nouveaux liens avec les médiateurs

scolaires, l'AAS et la Police (perspectives de partenariat) ; une meilleure connaissance des missions de chacun ; l'humanisation des relations professionnelles ; la formation
d'un groupe de réflexion et de travail (création d'un outil pédagogique ; création de normes communes à partir du projet Pass scolaire). Rassemblement des différents
acteurs traitant le décrochage scolaire ; création de projets communs et innovants. Remarque : En ce qui concerne la légitimité de la coordination de la CAS par l'AAS :

les travailleurs de l'AAS sont perçus comme ayant une connaissance approfondie du territoire louvièrois, du réseau et des différents services sociaux (connaissances importantes pour la gestion de la CAS); l'assistant social considère que le Service de l'Aide à la Jeunesse, excentré de La Louvière, ne serait pas à même de gérer la CAS car cette mission nécessite d'être au plus proche du terrain.

Faiblesse : Les projets demandent de temps et de l'investissement ; l'impression de perdre de vue les objectifs et de se noyer dans différents projets et des détails

organisationnels. Proposition : Eviter les objectifs à long terme car ils sont difficilement réalisables pour des questions d'organisation ; se montrer plus modeste dans la

définition de certains objectifs; réaliser les objectifs dans un délai raisonnable.

L'acteur issu du milieu associatif, l'Aide en Milieu Ouvert : l'ASBL Transit

Force : A permis de diminuer les tensions avec l'acteur communal du PSSP ; d'identifier les acteurs locaux ; d'influer sur les perceptions du DS ; d'activer des services

compétents en fonction de la situation du jeune ; d'intensifier la collaboration avec les CPMS et de s'inscrire dans des projets en lien avec les missions du service. Remarque : En ce qui concerne la légitimité de la coordination de la CAS par l'AAS : c'est le service le mieux placé pour la gérer, c'est son rôle de coordonner la CAS.

Faiblesse : Etre attentif aux différentes attentes des acteurs : certains risquent de s'exclure s'ils n'adhèrent pas à tel ou tel projet.

L'acteur judiciaire, le Service Jeunesse et Famille

Force : A permis d'obtenir des informations sur le DS, d'échanger avec les différents acteurs ; d'identifier les intervenants sociaux (cela influe sur la perception de la

gestion du DS, rencontre avec la DGEO, les équipes mobiles, le SAS) ; d'être mieux accepté par les membres de la CAS (une meilleure image de la Police) ; de créer un langage commun ; de faciliter les collaborations et d'obtenir des informations sur les décrocheurs grâce au Pass scolaire, de faciliter le travail sur le terrain.

Faiblesse: Risque de mettre en chantier des projets trop lourds qui demandent un investissement tel de la part des membres de la CAS que certains renoncent à s'y

impliquer. La légitimité de la coordination de la CAS par l'AAS : elle a une disponibilité, les moyens pour coordonner et elle est bien implantée sur le territoire.

L'acteur communal, l'Antenne Accrochage Scolaire du PSSP

Force : A permis de démystifier les autres organisations en présentant les fonctions de chacun. De cibler les besoins de chaque acteur et ceux des jeunes en DS; de

chercher des outils pour traiter la problématique ; de créer des partenariats ; de développer des relations de confiance ; viser une plus grande efficacité dans les interventions sociales en mettant en place des actions concrètes; s'insérer au sein d'un réseau pour travailler activement sur le phénomène ; d'initier à un groupe de travail et d'y participer ; de changer certains modes de fonctionnement des différents services sociaux.

Remarque : L'AAS jouit d'une certaine crédibilité auprès de ses partenaires parce qui soulèvent son professionnalisme et sa cohérence dans le travail.

Faiblesse : La crédibilité de la CAS est néanmoins fragilisés par les changements organisationnels du service, les partenaires risquent de ne plus y voir très clair. Des

clarifications sur ces changements sont inscrites dans l'agenda de la CAS (à suivre...).

Commentaires :

Comme nous l'avons soulevé dans les pages précédentes, la CAS génère différentes logiques de solidarité. Selon nos constats, on peut dire que la CAS répond aux besoins des acteurs et influe sur leurs perceptions du problème. Ces perceptions génèrent des logiques de solidarité conditionnelle, contractuelle, fusionnelle et affective.

Ces logiques relèvent des aspects positifs abordés dans le chapitre précédent et le tableau ciavant. De ce fait, nous ne reviendrons pas sur ce sujet. En revanche, nous allons nous intéresser à la légitimité et aux faiblesses de la CAS.

La légitimité de l'AAS :

L'AAS est reconnue par les participants que nous avons interviewés.

Pour l'acteur scolaire, l'AAS est perçue comme un service ayant une connaissance approfondie du territoire louvièrois, du réseau et des différents services sociaux (connaissances importantes pour la gestion de la CAS) ; tout comme l'acteur judiciaire, l'acteur scolaire considère que le Service de l'Aide à la Jeunesse, excentré de La Louvière, ne serait pas à même de gérer la CAS car cette mission nécessite d'être au plus proche du terrain. De son côté, l'acteur judiciaire souligne la disponibilité et les moyens de l'AAS pour la gestion de la Commission.

L'AMO considère également que l'AAS est le service le mieux placé pour la gérer, dans la mesure où le Plan Stratégique de Prévention et de Sécurité a ciblé le décrochage scolaire pour prévenir voire diminuer la délinquance sur le territoire. L'AAS a une légitimité légale octroyée par le Ministère de l'Intérieur pour animer la Commission. Pour le directeur de l'AMO151, si les écoles géraient ce type de Commission, cela ouvrirait d'autres perspectives pour les projets et dans la dynamique de travail, l'école ayant une autre perception que l'AAS du PSSP.

Outre l'assise légale et la légitimité donnée par ses partenaires à l'AAS en tant que gestionnaire de la CAS, les intérêts, les valeurs et les affinités des différents acteurs renforcent la position de l'AAS dans son rôle de coordinateur.

151Il aurait été intéressant de relancer des questions sur ce sujet pour obtenir davantage d'éléments qui auraient pu enrichir notre étude.

Les faiblesses :

Le CPMS, le SJF soulèvent qu'il faut éviter d'élaborer des projets qui demandent une part d'investissement importante. En effet, les projets doivent être raisonnables et réalisables tout en prenant en considération les limites organisationnelles de chaque acteur.

L'AMO souligne qu'il faut être attentif aux organisations qui ne s'inscrivent pas dans des projets de la CAS, cela risquerait de les exclure.

Quant à l'AAS, sa crédibilité auprès des participants au sein de la CAS est un enjeu réel. En effet, de nombreux changements organisationnels intervenus récemment durant l'année empêchent l'AAS de s'impliquer dans des projets et dans la gestion des réunions. Dans ce contexte, les partenaires risquent de discréditer l'AAS et, par conséquent, la CAS.

5 Retour à nos objectifs de recherche

Au début de notre étude, nous avons posé comme hypothèse (premier objectif de recherche) que les perceptions de la gestion du décrochage scolaire et les logiques de solidarité des acteurs scolaire, communal, judiciaire et issu du milieu associatif sont influencées par l'organisation à laquelle ils appartiennent.

Si nous prenons en considération notre échantillonnage152 et les résultats de nos analyses, nos observations vont dans le sens de notre hypothèse. En effet, les perceptions des différents acteurs sont influencées par les objectifs et les limites de leur organisation qui balise leurs actions. Pour atteindre certains objectifs, les acteurs créent des logiques de solidarité en collaborant avec d'autres intervenants sociaux.

Aussi, à titre exploratoire nous avons soulevé comme question de recherche : (1) comment la CAS traite la diversité des organisations qui y participent et (2) comment influence-t-elle leur logique de solidarité et leur perception de la gestion du décrochage scolaire ?

(1) Si nous nous référons aux discours de l'acteur communal, l'AAS, les acteurs sont traités comme des ressources locales susceptibles d'infléchir le sentiment d'insécurité et du décrochage scolaire sur le territoire louvièrois («chacun apporte sa pierre à l'édifice contre le DS») en élaborant des projets spécifiques (ex : le Pass scolaire, la création d'un outil

152Cette hypothèse est valide pour notre échantillonnage. Cependant, nous ne pouvons pas la généraliser. En effet, pour généraliser notre travail il aurait fallu étendre notre échantillonnage vers davantage d'acteurs scolaires, judiciaires, communaux et issus du milieu associatif.

pédagogique destiné aux écoles) tout en prenant en considération les intérêts de chacun autour d'enjeux partagés. Ce constat répond aux objectifs stratégiques de l'AAS. La CAS ressemble à un petit marché qui réunit certains acteurs scolaires, communaux, judiciaires et issus du milieu associatif qui cherchent à s'outiller, à s'informer, à créer de la complémentarité avec d'autres partenaires pour, dès lors, s'inscrire dans des actions qui correspondent au mieux aux intérêts de leur organisation.

(2) Comme nous l'avons vu, la CAS génère des logiques de solidarité conditionnelle, contractuelle, fusionnelles et affective. Nous avons relevé que les différentes logiques peuvent s'imbriquer les unes dans les autres. En effet, la solidarité conditionnelle constitue le socle commun à tous les acteurs et influe sur d'autres logiques de solidarité. Les acteurs adhérent non seulement à ces réunions de concertation mais aussi à un groupe de professionnels sensibles à l'importance de s'outiller, de s'informer, de connaître les intervenants sociaux jouant un rôle dans le processus de réinsertion sociale du jeune et dans le soutien des familles. Dans les faits, aucun acteur n'est dans l'obligation de s'inscrire à la Commission Accrochage Scolaire, c'est un acte volontaire qui a pour objectif de collaborer avec d'autres professionnels (vu la complexité de la problématique, on ne peut travailler seul, on a besoin des autres) dont on reconnaît la complémentarité. Nous avons vu également que les intérêts des membres de la CAS sont variés et influencent leurs actions, selon leur position et les objectifs de leur organisation. Dans les faits, les acteurs s'inscrivent dans des projets et des collaborations proches de leurs missions et de leur idéologie de travail. Cette dynamique d'action représente une importante logique de solidarité contractuelle. Les acteurs interviewés ont conscience de l'orientation de leur action. En effet, le besoin de collaborer (dicté, pour partie, par les missions et limites d'intervention inhérentes à chaque opérateur) pour le bienêtre des usagers (le jeune et sa famille) est une convergence que l'on retrouve chez tous les acteurs interviewés ; ils s'inscrivent, dès lors, dans une logique de solidarité fusionnelle (on retrouve également comme valeurs communes : le bien-être du jeune et des familles ; la crédibilité ; la complémentarité ; la collaboration ; une bonne communication ; l'efficacité ; l'immédiateté, l'orientation, ...).

Dans ce contexte, malgré la présence de différentes organisations au sein de la CAS, des divergences, liées à leur position institutionnelle et à leurs missions, existent entre les opérateurs. Néanmoins, celles-ci ne débouchent pas sur le conflit ou des tensions entre les institutions mais sur la complémentarité dans l'action sociale. Comme nous l'avons soulevé dans notre analyse, en effet, la CAS a permis d'atténuer les tensions entre l'acteur issu du

milieu associatif et l'acteur communal. La CAS a également modifié, chez les différents intervenants sociaux, l'image de la Police locale. Ce lieu de concertation est aussi un lieu qui génère des habitudes, de la convivialité et des liens professionnels privilégiés ; on y travaille dans une transparence encouragée par cette relative familiarité. En outre, la logique de solidarité affective renforce les liens entre les acteurs de la CAS et facilite les actions sur le terrain en fonction des réalités de chacun. De ce constat, nos analyses vont dans le sens où la Commission Accrochage Scolaire influence les perceptions de la gestion du décrochage scolaire des acteurs qui y participent.

6 Critique sur la méthode

Avec du recul, les questions que nous avons posées aux différents acteurs se sont davantage orientées vers la CAS (cela explique l'abondance de données recueillies sur ce sujet). Ce constat nous empêche de nuancer les logiques de solidarité qui émanent de la CAS aux logiques d'actions issues des collaborations quotidiennes des acteurs.

En ce qui concerne les entretiens, nous aurions pu, en fonction des réponses de l'acteur (comme par exemple sur leur vision personnelle du décrochage scolaire, sur le secret professionnel, sur l'absence de certains acteurs au sein de la CAS...) relancer des questions ponctuelles pour enrichir nos données. Aussi, il aurait été pertinent d'interviewer des acteurs qui ont participé à la CAS et qui n'y adhèrent plus afin d'établir une analyse comparative avec ses adhérents. Pour les outils mobilisés et notre méthode de travail, il faut bien avouer que ce fut difficile de procéder par des copier/coller pour intégrer les discours des acteurs. Nous avons donc procédé à une lecture segmentée par nos thématiques et intégré des résumés respectueux des discours. En intégrant ces résumés nous avons eu le souci de respecter le volume de pages imposé à notre étude. Cependant, cette condition nous à contraint à renoncer à intégrer les extraits de discours avec, pour conséquence, une perte de richesse des données.

7 Retour aux cadres théoriques

(1) Si nous nous référons au tableau de Guy Bajoit153 relatif aux logiques de solidarité expressive et instrumentale construites sur le passé et sur l'avenir, nous relevons dans notre analyse que les différents acteurs qui participent à la CAS sont liés par plusieurs formes de solidarité à la fois (affective, conditionnelle, fusionnelle et contractuelle). De ce fait, d'après

153Nous renvoyons nos lecteurs vers le chapitre 3 de notre étude, p. 44.

l'auteur, ces différents groupes sociaux établissent des relations solides qui sont les ciments de l'entraide sociale entre les acteurs. Aussi, nous avons constaté que ces logiques se superposent et se complètent comme une «corde tressée154». Même si nous retrouvons les quatre logiques entre les acteurs comme une «force», celle-ci risque néanmoins d'être éphémère. En effet, si nous nous référons aux discours de l'assistant social qui gère la CAS (lieu de concertation qui influe sur les autres acteurs présents à la CAS), les changements organisationnels peuvent générer une perte de crédit du service vis-à-vis des autres opérateurs et pourrait, dès lors, influer sur les autres logiques de solidarité155. Malgré les liens qui soudent les membres de la CAS, si une tresse (une logique de solidarité) se détache de la corde dans quelle mesure les autres logiques ne risquent-t-elles pas de se détériorer ?

2) Aujourd'hui, selon nous, il ne suffit plus de baliser les acteurs par des Décrets156, il faut aussi réinventer de nouvelles solidarités entre les opérateurs. Celles-ci ne s'inscrivent-elles pas dans les stratégies du nouveau référentiel politique (l'ESA) qui tente de préserver sa crédibilité auprès des électeurs en prenant en considération les problèmes locaux et en prônant davantage d'efficacité sur le terrain ? Le Ministère de l'Intérieur, en encourageant la coordination horizontale des différents opérateurs du champ de l'accrochage scolaire (réunions de concertation gérées par l'AAS), favorise, d'une part, la formation d'un groupe multidisciplinaire de professionnels possédant une bonne connaissance du contexte local et, d'autre part, l'établissement d'objectifs spécifiques prenant en considération les intérêts de chacun autour d'enjeux partagés. La proximité des acteurs crée des affinités, des perceptions nouvelles du travail social où l'individu, à partir de ses compétences professionnelles, peut influer sur des logiques d'actions dans le cadre de son travail ; cette dynamique a pour effet de renforcer les relations entre les acteurs issus de différents secteurs pour traiter la problématique du décrochage scolaire. De plus, comme nous l'exposions au premier chapitre de notre étude, l'Etat Social Actif veut activer les décrocheurs afin de les intégrer dans le marché de l'emploi. Or notre analyse fait état des limites et des difficultés des acteurs à répondre à la problématique du décrochage scolaire. Les acteurs scolaires et issus du milieu associatif relèvent le manque de moyen pour financer les écoles et les projets favorisant la gestion et l'accrochage scolaire des jeunes en difficulté au sein de leur école.

154Expression utilisée par Guy Bajoit pour définir la solidité des relations entre les acteurs.

155Nous avons relevé le même constat dans notre premier chapitre relatif au décrochage scolaire sujet de contrôle et d'insécurité (p.14-16). Nous avons soulevé d'une part, les conséquences des changements organisationnels et, de l'autre, la précarité du statut de l'opérateur communal, contraint de devoir remplir ses missions dans un cadre de travail pour le moins instable.

156Nous l'avons vu dans les pages précédentes : outre l'adhésion aux prescriptions des Décrets, il faut que les gens se rencontrent et s'engagent à collaborer concrètement avec les différents acteurs.

Pour le directeur d'école : «...l'objectif final quand même de la Communauté et de la D Plus est double : c'est qu'on n'aime pas de voir les gens dans les rues euh...parce que ce n'est pas là qu'ils doivent se trouver ... d'abord parce que moi, je crois c'est quand même pour le pouvoir politique ce n'est pas bien vu pour les électeurs, on associe ça à la délinquance et au sentiment d'insécurité. Euh comment ...Le rôle de l'école est de plus en plus pénible, les élèves sont de plus difficiles à gérer et on ne nous donne pas les moyens de les garder. Moi, je veux bien garder tous les élèves difficiles tant que j'ai les moyens de les encadrer dans le cadre de l'école ...Un élève, bien souvent, il n'a plus la volonté d'étudier. Alors, ça, c'est des questions de motivation qui peuvent être multiples. La raison aussi qu'on a une génération d'enfants rois qui arrive ici, auquel on a tout octroyé sans effort. Derrière ça, c'est de dire, ben, euh...il faut d'abord leur redonner le goût de l'effort. Lorsqu'on pense à certaines circulaires d'il y a une dizaine ou 15 ans, qui disait pour x raison sociale, c'est idiot dans le sens où on habitue le jeune à ne pas travailler à intégrer individuellement l'étude, il y a bien un moment où il faut se mettre seul devant son travail157.

Pour le directeur de l'AMO : « On identifie que c'est un problème d'avenir, que les jeunes sont souvent en contact avec des gens qui sont au chômage et qui ne travaillent plus de longue durée qui leur disent que ça ne sert à rien ». Donc, on va leur parler de ça, c'est que, s'ils veulent s'en sortir c'est quand même l'école qui est le meilleur moyen. Mais j'ai jamais rencontré ça, hein. J'ai rencontré tout un réseau de plusieurs profs qui bougeaient, ce que j'ai rencontré c'est des acteurs qui avec un peu plus moyens pour l'école alors je ferai autre chose donnez-moi encore plus de moyens et alors je pourrai agir dessus158 ».

Faut-il créer autant de dispositifs d'accrochage scolaire en sachant que les acteurs sont dépassés par la problématique ? Ne serait-il pas intéressant de se pencher sur des études qui proposent des pistes favorisant un réel accrochage scolaire qui s'intéresse au jeune et à son apprentissage ? Dans le cadre d'un colloque159 et en s'inspirant de Walzer (1997), V. Dupriez (2008) relève qu'il est dans l'intérêt

de la collectivité d'investir dans les écoles qui travaillent en milieu précaire et défavorisé qui regroupent une concentration d'élèves en difficultés. En effet, outre les politiques compensatoires (aides financières, ex : D+, voir p.22), il est de la responsabilité du système éducatif d'optimaliser les chances des jeunes pour intégrer le marché du travail « en garantissant l'acquisition pour tous d'un socle de savoirs de base et culture commune, condition indispensable à l'épanouissement de chacun à la qualité de la vie collective et à la cohésion sociale160 ». Pour atteindre cet objectif, V. Dupriez, suggère de s'inspirer de l'expérience aux Etats-Unis du «Whole school program» (projet d'encadrement différencié). Celui-ci propose de cibler les écoles travaillant dans des milieux précaires et d'oeuvrer sur différents paramètres : les infrastructures (lieu de sens et de repérage important pour les jeunes et le quartier), le matériel pédagogique, attirer les meilleurs directeurs et enseignants, un suivi des apprentissages piloté sur base d'indicateurs (évaluation externe tous les deux ans). Cette approche pourrait déclencher une dynamique positive chez les jeunes, aux écoles de la C.F et à la collectivité.

157Voir annexe 3, l'acteur scolaire, p.22.

158Voir annexe 2, l'acteur issu du milieu associatif, p. 4 : L. 136-142.

159Colloque du 28 octobre Van inspiration day 2008 : vers un socle de compétences ? Quelle école dans quelle société ? En ligne http://www.vanin.be/vanin master/page.aspx?pid=489 consulté en décembre 2008.

160Ibid., plan de présentation du discours de Vincent Dupriez dans le cadre du colloque Van inspiration day 2008.

8 Perspective

Si nous devions poursuivre notre étude, nous mobiliserions deux cadres théoriques avec deux
approches spécifiques. Premièrement, dans une approche structurelle, nous aurions recours au

cadre théorique de Hollyngsworth et Boyer161 (1997). Ceux-ci proposent une typologie l'on retrouve cinq formes de coordination de l'action, à savoir : l'Etat, le marché, le réseau,

les organisations et les communautés. L'outil permet de développer une analyse structurelle et institutionnelle qui aurait pour but de montrer la complexité et la diversité des formes de coordination entre les différents acteurs du champ de l'accrochage scolaire. Cette approche permettrait d'analyser les différentes modalités de coordination en se penchant sur la typologie des auteurs. Pour ces derniers, les réseaux, les alliances stratégiques faisant office de partenariat et les formes d'ententes entre les acteurs sociaux sont des mécanismes hybrides qui peuvent être situés dans leur schéma.

Deuxièmement, d'après notre étude, les différents acteurs scolaires, communaux et judiciaires traitant le décrochage scolaire adhérent au projet du Pass scolaire162 (développé au sein de la CAS). Ce projet a construit des normes communes entre ces différents acteurs qui correspondent à leurs besoins et s'inscrivent, entre autre, dans une logique de contrôle social. Ici, dans une approche active, il s'agirait d'observer (à partir d'un échantillonnage plus important) comment les différents acteurs scolaires, communaux et judicaires mettent en place cette collaboration, les difficultés, conflits ou tensions qui peuvent en découler. L'idée est de dégager les formes et les limites que la collaboration peut avoir au sein de la CAS autour du Pass scolaire. Concrètement, nous pourrions utiliser la typologie des partenariats conçus par les sociologues Lise Demailly & Juliette Verdière163. Les auteurs proposent des modalités de coopération qui tournent autour du degré de partage des objectifs entre les partenaires et des conditions de mise en oeuvre164.

161Nous retrouvons le cadre théorique de ces auteurs dans les cours de Dupriez, V. (2007- 2008). Analyse sociologique des organisations socio-éducatives. FOPM 2002, UCL, FOPA

162Marie Arena (2006) : « Des expériences formidables ont été réalisées avec les agents de prévention et de sécurité. A La Louvière par exemple, les écoles ont signé des conventions avec la commune afin de lutter contre l'absentéisme. L'école, dans son règlement d'ordre intérieur, a élaboré un système de cartes dont la couleur informe sur l'autorisation éventuelle, donnée par les parents, de quitter l'établissement pendant la journée. Les agents, lorsqu'ils croisent des jeunes dans la rue, leur demandent donc ce document et les renvoient éventuellement à l'école...de telles mesures ne sont pas policières. Il ne s'agit pas d'un contrôle d'identité, mais de rappeler à l'enfant la règle établie par son autorité parentale. Nous encourageons de telles initiatives. » En ligne http://www.philippefontaine.be

163D'après une étude de Lise Demailly & Juliette Verdière : les limites de la coopération dans les partenariats en ZEP. Ville-école-Intégration, n°117, juin 1999.

164Nous retrouvons la typologie des auteurs en annexe 1.

Conclusion générale

Dans la présente étude, nous avons tenté de démêler l'écheveau des aides multiples en matière de décrochage scolaire sur le territoire louvièrois.

Nous avons vu que l'Etat Social Actif légitime des dispositifs dont le but est «d'activer» les «décrocheurs sociaux» ; l'idée étant de leur donner toutes les chances d'entrer dans le marché de l'emploi, devenant ainsi des agents actifs contribuant aux ressources de financement traditionnelles de la sécurité sociale.

Pour répondre aux problèmes sociaux locaux, le Ministère de l'Intérieur finance les Contrats de Sécurité et de Prévention pour d'une part, être plus «proche» (pour plus de contrôle et de sécurité) du citoyen et des réalités de terrain des opérateurs traitant le décrochage scolaire et, d'autre part, créer une solidarité entre les différents acteurs sociaux autour d'une problématique commune.

Pour saisir les différents leviers de cette solidarité socio-professionnelle qui lie spécifiquement les acteurs que nous avons rencontrés, nous avons mobilisé la typologie des logiques de solidarité du sociologue Guy Bajoit, elle-même inspirée en partie de la typologie des formes de l'action selon Max Weber. Nous avons construit des outils méthodologiques pour confirmer ou infirmer notre hypothèse de départ, à savoir : les perceptions de la gestion du décrochage scolaire et les logiques de solidarité des acteurs scolaire, communal, judiciaire et issu du milieu associatif sont influencées par l'organisation à laquelle ils appartiennent.

Pour répondre à notre hypothèse, nous avons récolté des données qualitatives (entretiens semi-directifs auprès des acteurs interviewés) pour ensuite analyser et traiter les résultats à l'aide d'une matrice conçue pour l'occasion. Ceci nous a permis de dégager les perceptions de la gestion du décrochage scolaire et les logiques de solidarité des différents acteurs scolaires (l'école et le CPMS), communal (l'AAS du PSSP), judiciaire (SJF de la Police) et issu du milieu associatif (l'AMO). Les résultats soumis à notre analyse nous ont d'abord permis d'observer que les perceptions de la gestion du décrochage scolaire et les logiques de solidarité des acteurs sont influencées par l'organisation à laquelle ils appartiennent. Ces différentes observations vont dans le sens d'une confirmation de notre hypothèse.

Revenons à la question du contrôle social évoquée plus haut. Nous avons relevé que le Pass scolaire mobilise bon nombre de partenaires. Le succès de cet outil révèle bien toute l'ambiguïté (prévention vs répression ; solidarité sociale vs contrôle social) vécue par des travailleurs sociaux guidés par une logique de contrôle, de moins en moins déguisée, d'une population stigmatisée (décrochage scolaire, précarité...).

En somme, les logiques de solidarité entre les acteurs que nous avons interviewés ont renforcé le contrôle social des «jeunes en difficultés». Sur ce point, un des acteurs, toutefois, fait exception : en effet, l'AMO, qui prône les Droits des jeunes, s'isole par rapport aux écoles soucieuses de protéger leur réputation et aux autres acteurs s'inscrivant davantage dans le contrôle social. Il est plus facile pour les écoles de collaborer avec l'acteur communal ou judiciaire car celui-ci répond sur-le-champ à la demande (renvoyer le jeune au sein de l'école ou l'orienter vers des services compétents pour des suivis socio-éducatifs). Dès lors, l'acteur issu du milieu associatif s'inscrit et collabore dans des projets qui correspondent (l'acteur communal rencontre un nombre important de jeunes pour participer à des activités sportives...) au mieux à ses objectifs tout en justifiant ses actions auprès de sa hiérarchie.

Pour terminer, ce travail nous laisse perplexe quant à la manière d'agir sur le problème du décrochage scolaire. En effet, si l'on tient compte des difficultés et de l'aveu d'impuissance face au décrochage scolaire formulés par les acteurs interrogés, il nous est permis de nous interroger sur l'efficacité de ces différentes collaborations.

Ainsi, nous rejoignons le point de vue du directeur de l'établissement scolaire que nous avons questionné, considérant qu'il serait plus pertinent d'octroyer des ressources financières et humaines aux écoles pour y accrocher le jeune plutôt que de créer une multitude de services périphériques qui, in fine, sont dépassés par la problématique et, de surcroît, tendent non seulement à soustraire à l'école une part de son pouvoir d'action mais également à « grignoter le coeur de son métier » : l'apprentissage165.

Cette étude nous a permis de soulever l'influence des réunions de concertation gérées par le Plan Stratégique de Sécurité et de Prévention de la Ville de La Louvière ainsi que ses limites. En tant qu'agent de l'Antenne Accrochage Scolaire, nous sommes en position de réfléchir à l'orientation de la Commission Accrochage Scolaire et aux sujets qu'elle aborde avec les intervenants sociaux.

165Le lecteur peut revenir sur la critique émise sur la construction du décrochage scolaire dans notre premier chapitre, p. 17-18.

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Cabin, P., « Aux limites de la rationalité », Sociologie, Les hommes en question. Pouvoir, identité, rôles... > Echos des recherches, http://www.scienceshumaines.com/-0aaux-limites-de-la-rationalite0a_fr_1034.html.

Charlier, J.E., (Octobre 1991). Deuxième congrès La Wallonie au Futur 1991 - Le Défi de l'Education.Institut Destrée - www.institut-destree.eu.Coordonnées - Statistiques.

Joly, S. (2005). Dossier documentaire : Ruptures chez les jeunes. En ligne http://poleressources95.org, consulté en janvier 2009.

Parthenay, C., (2005), « Herbert Simon : rationalité limitée, théorie des organisations et sciences de l'artificiel », www.grjm.net/documents/claude parthenay/Parthenay Simon.pdf

Patez, F., (1997), « Les relations communautaires ethniques selon Max Weber », Les Cahiers du Cériem, n°2, mars, http://uhb/sc humaines/ceriem/docum.../ Cpatez.ht http://fr.Wikipedia.org/Wiki/Max Weber

www.cfbe . Données statistiques. Année scolaire 2000-2001.

Colloque du 28 octobre Van inspiration day 2008 : vers un socle de compétences ? Quelle école dans quelle société ? En ligne http://www.vanin.be/vanin master/page.aspx?pid=489 .

Des emplois pour les jeunes -Belgique, février 2007, résumé et principales recommandations.

Extraits des actes du colloque, « Deuxième congrès international des formateurs en travail social et des professionnels de l'intervention sociale », Namur, Belgique, 03 au 7 juillet 2007.

Le Conseil de l'Éducation et de la Formation (2008): http://www.europe-education-formation.fr /docs/Grundtvig/4.Conclusions-Conseil-UE.Education-des-adultes.22.05.08-FR.pdf

Question orale de M. Philippe Fontaine à Mme Marie Arena (mai 2006), Ministre-Présidente chargée de l'Enseignement obligatoire et de la promotion sociale, ayant pour objet « le « Pass » contre l'école buissonnière. En ligne http://www.mr-pcf.be /Travail-Parlementaire/documents/ QOPHFPasscontreecolebuissonniereCRI10-0405.pdf -, consulté en septembre 2008.

OCDE :www.oecd.org.OCDE.Rapport.Annuel.2007.www.oecd.org/dataoecd/34/53/38528227.pdf.

Contrat de sécurité et de prévention de La Louvière : un pass scolaire pour lutter contre le décrochage (06/12/2004). www.altereduc.be.

Glossaire :

AAS

Antenne Accrochage Scolaire

AMO

Aide en Milieu Ouvert

AS

Assistant Social

CAJ

Commission de l'Aide à la Jeunesse

CAS

Commission Accrochage Scolaire

CF

Communauté Française

CS

Contrat de Sécurité

CPMS

Centre Psycho-Médico-Social

DGEO

Direction Générale de l'enseignement Obligatoire

DS

Décrochage Scolaire

ESA

État Social Actif

PPP

Plan de Proximité et de Prévention

PSSP

Plan Stratégique de Sécurité et de Prévention

SAJ

Service de l'Aide à la Jeunesse

SAS

Service Accrochage Scolaire

SJF

Service Jeunesse Famille

SPJ

Service de Protection de la Jeunesse






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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry