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La microfinance et sa contribution à  l'amélioration des conditions de vie des adhérents; cas de la préfecture de Tchaoudjo dans la région centrale du Togo

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par Abdou-Wahabi ABDOU
Université de Lomé - Maitrise en sociologie 2010
  

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I-2-6-LES OBSTACLES QUE RENCONTRE LA MICROFINANCE EN AFRIQUE

Dans de nombreux pays d'Afrique de l'Ouest, suite à la faillite généralisée des banques de développement à la fin des années 80, l'émergence de la microfinance constitue une alternative de plus en plus reconnue pour répondre à la demande de services financiers d'une majorité de la population exclue de l'accès au secteur bancaire en raison de ses faibles revenus et du manque de garantie. Ainsi, le programme PASMEC de la Banque Centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest(BCEAO) recense, en décembre 1997, 188 systèmes financiers décentralisés qui touchent plus de un million quatre cent mille personnes. La BM identifie quant à elle sept milles organisations de microfinance dans le monde qui octroient des prêts à sept millions d'emprunteurs pour un montant global de huit milliards de crédit et une épargne collectée de l'ordre de dix-neuf milliards.23

Malgré ces chiffres encourageant, cependant, en Afrique, la microfinance rencontre certains problèmes notamment le poids de la religion islamique. En effet, une étude à été menée par l'IRAM en Janvier 2001 et publiée sous le titre : << Islam et microfinance en Afrique subsaharienne : éléments pour une étude comparée ». Selon cette étude, << suivant les pays et, parfois, suivant les régions ou départements, les rapports entre islam, ses représentants et ses pratiques locales et le nouveau secteur émergent de la microfinance sont plus ou moins dynamiques. « Parfois, ils permettent de véritables synergies susceptibles de participer à la lutte contre la pauvreté, mais dans d'autres situations, ils suscitent des conflits locaux. »24

Cette étude avait pour but de réaliser, dans un certain nombre de cas
représentatifs de la situation en Afrique subsaharienne un état des lieux de

23 IRAM Coll.,Islam et microfinance en Afrique Subsaharienne : Eléments pour une étude comparée, IRAM, Paris, Janvier 2001. P.1

24 IRAM Coll.,Islam et microfinance en Afrique Subsaharienne : Eléments pour une étude comparée, IRAM, Paris, Janvier 2001, p.2

relations entre islam et microfinance, une analyse des causes à l'origine de cette situation et des propositions d'amélioration possible, à partir des pratiques observées sur le terrain.

Dans la religion musulmane, le Coran et la Sunnah (tradition) fixent le rapport à l'argent. A partir de plusieurs sourates, le commerce de l'argent et toutes les formes d'usures qui en découlent font l'objet d'interdits religieux. Le « riba » (l'interdit » est condamné et la seule rémunération du capital accepté doit se faire par partage du bénéfice des activités financées. Cet interdit, basé sur une justice rédistributive, conduit à s'opposer à la thésaurisation et au profit de l'usure. Pourtant, dans la sunnah, certains « hadiths » reconnaissent le rôle du prêt et le recommandent comme un « acte de piété ». Plusieurs types de prêts sont préconisés : mudaraba (prêt participatif), musharaka (prise de participation), murabaha (crédit bail), etc. on remarque donc que le rapport à l'argent est fixé par la religion. De ce fait, le thème fait l'objet de nombreuses réflexions et d'action, en particulier avec la création de banques islamiques dans différents pays de la sous région où d'autres initiatives. « C'est ainsi qu'à Bamako ; un collectif d'une cinquantaine d'Imams affiliés à une des grandes mosquées du centre commercial développe depuis une quinzaine d'années un groupement financier d'épargne et de crédit très souple (1000 mille CFA par mois), autonome (un capital de plusieurs dizaines de millions de FCFA) et très rigoureux selon la législation islamique en la matière (interdiction du riba et de l'usure) »25

Après ces constats, l'étude a étendu cette situation à la microfinance. Les auteurs de cette étude notent d'abord que cette rapide description fait apparaître deux éléments essentiels de la problématique :

- L'interdiction du « riba » et de l'usure par l'islam recoupe largement le constat de départ de la microfinance, cette dernière s'efforçant de construire une alternative pérenne aux besoins de financements permanents des catégories de

25 H. Magassa du Sernès Bamako

personnes les plus pauvres exclues des systèmes bancaires, ce qui dans les conditions de l'Afrique subsaharienne représente plus de 80% des populations.

- L'extension observée de certaines situations locales, de cet interdit à la microfinance peut s'interpréter par une double méconnaissance :

* Méconnaissance par certains responsables religieux des fondements du calcul du taux d'intérêt de la microfinance qui, dans la plupart des cas, n'est pas destiné à rémunérer un capital mais à couvrir des coüts d'intermédiation et un risque élevé lié au contexte incertain des emprunteurs

* Méconnaissance, par les dirigeants de réseaux de microfinance, des bases de règles religieuses et qui leur permettraient d'expliquer les contraintes de gestion et d'adapter leurs pratiques avec des modalités compatibles avec les règles religieuses (explication des taux d'intérêt).

Ensuite, ils remarquent que la « doctrine islamique » condamnant l'usure peut mener certains responsables religieux, et notamment certains imams, à critiquer par extension les réseaux de microfinance et leurs pratiques d'épargne et de crédit. Cette situation a pu être observée dans certaines localités de Guinée, du Niger et du Benin où des imams se sont opposés à l'installation de réseaux de microfinance, ont condamné leurs services financiers d'épargne et de crédit, découragé l'adhésion des pratiquants, et, dans certains cas extrêmes, ont même pu susciter des oppositions au remboursement des prêts, menaçant ainsi la viabilité des systèmes de microfinance. Au-delà de la double méconnaissance à l'origine de ce type de conflit et précédemment signalée, d'autres causes peuvent être relevées ponctuellement sur le terrain, comme la participation des certains imams à l'usure. A cet effet l'étude cite : « Ainsi en Guinée, des causes de non adhésion de type religieux, comme le refus du taux d'intérêt paraissent également en milieu musulman (malinké sur Dabola et en forêt, peul en haute Guinée et au Fouta-Djalon). Elles sont exprimées par 11% d'un échantillon de personnes interrogées en 1996 et réapparaissent dans certaines monographies récentes. Ceci peut laisser à penser qu'il existe, du point de vue du discours

religieux, une confusion entre usure et règles du crédit rural, confusion parfois entretenue par des imams pratiquant eux-mêmes l'usure » (monographie CRG)26

L'étude rapporte également les propos d'un agent de la microfinance au Niger à propos de l'influence des chefs religieux à propos de la conduite à tenir face au phénomène de la micrifinance. « Généralement, au Niger, pour de nombreux praticiens de l'islam, leur perception de la question est celle qu'a le chef religieux et cela en rapport avec le degré de charisme dont jouit ce chef au sein de la population. Ainsi, dans le cadre du réseau Crédit Rural du Niger, il n'est pas rare de voir certains chefs religieux coopératifs au démarrage dans leur localité d'une activité de microfinance. Leur sentiment de pouvoir contrôler le système, conforte leur engagement dans la mobilisation de la population. C'est le cas enregistré en 1997 dans un village de l'implantation de Bonkoukou, actuel Filingué, où il a fallut le démarrage des premières opérations d'octroi, pour que le chef spirituel qui assume aussi les fonctions de chef du village, se rend à l'évidence de l'incontournable gestion collective du dispositif et qu'en tant que chef, la priorité ne lui sera pas accordée dans l'accès au crédit. Ce qui a amené ce chef, qui s'est auparavant mobilisé pour suivre toutes les étapes de l'animation sur le crédit à se désengager du processus en entrainant avec lui, l'ensemble de la population. Dans de pareils cas, il y a lieu de bien discerner ce qui relève d'une position religieuse collective de ce qui relève plutôt de l'illustration degré de respect vis-à-vis d'un chef, que personne n'ose outrager au point d'accepter ce que lui à rejeter, pour des raisons apparemment plus personnelles, que véritablement religieuses. Dans une autre banque villageoise de Filingué, une tentative a été faite en 1999, par certains islamistes, mais sans effet, afin de dissuader des emprunteurs à quitter le système qu'ils qualifient de péché du fait qu'il faut verser des intérêts sur les crédits. Cette banque fait

26 Condé K.et Kéita K., 1999 : Etude socio-anthropologique sur le fonctionnement interne du crédit rural de Guinée, CRG, p 67

partie de celles jugées aujourd'hui de performantes. Dans un village proche de Niamey, Kokari, un autre réseau de micro finance s'est vu son contrat de location de bureau abritant son réseau, résilié par le propriétaire du local du seul fait que Kokari prélève des intérêts sur les crédits qu'il accorde. Les arguments développés par l'opérateur, autour de la nécessité de couvrir avec des intérêts les charges liées à cette intermédiation financière, n'ont pas convaincu le propriétaire de la maison, qui a préféré retiré le local pour le louer à un huissier. A l'opposé, une autre banque villageoise, banque exclusivement féminine, jouit de l'appui total de l'épouse d'un des plus grands chefs religieux de la sous-région. Le local abritant la banque villageoise est même construit dans la cour du chef religieux. Grace à l'appui du couple, la banque fonctionne toujours sans retard et l'épouse du « cheikh »marque toujours son intérêt pour une prospérité de la banque. Les membres du comité de gestion de cette banque, malgré la foi islamique notoire qui les nourrit, font très bien la relation entre le niveau de leur indemnisation et le produit généré par l'activité de la banque. »27

L'étude a enfin proposé une série de propositions de solutions afin de surmonter ce « carcan religieux » vis-à-vis de la microfinance. Ainsi, une collaboration harmonieuse entre pratiques islamiques et activités de la microfinance peut être possible si les réseaux de microfinance proposent des produits adaptés (plan épargne-crédits pèlerinage par exemple), ou quand les excédents de gestion des caisses locales peuvent être réinvestis dans des investissements communautaires comme l'entretien de la mosquée (crédit rural de Guinée ou du Niger par exemple). « Lors des réunions périodiques d'affectation de l'excédent d'exploitation des banques villageoises du Crédit Rural du Niger, les adhérents accordent généralement la priorité à des investissements de type réfection et équipement de la mosquée du village »28.

27 Harouna M., cité par IRAM Coll. in Islam et microfinance en Afrique Subsaharienne : Eléments pour une étude comparée, IRAM, Paris, Janvier 2001. P.4

28 Harouna M., id.

Ces synergies peuvent, dans certains cas, être renforcées par un dialogue plus institutionnalisé entre institutions de microfinance ou associations professionnelles au niveau national et ligues islamiques, comme cela semble s'esquisser dans le cas de la Guinée notamment.

Outre les difficultés dues aux croyances religieuses, les institutions de microfinance sont aussi confrontées aux problèmes d'investissement. La recherche menée par le CGAP en 2004 révèle encore des différences en matière de structures de financement entre l'Afrique et les autres régions29. Selon cette étude, en 2003, les investisseurs étrangers dans le domaine de microfinance ont investi 62 millions d'USD en dette, capitaux propres et garanties dans 104 institutions de microfinance et coopératives africaines. Les IMF africaines représentent 21% des bénéficiaires d'investissements étragers (104 des 505 IMF mondiales) mais seulement 6% du montant total investi en dollars par les institutions financières internationales et les fonds d'investissement privés (62 millions d'USD sur 1.1 milliard d'USD). A titre de comparaison, les IMF et les coopératives des régions d'Europe de l'Est et d'Asie centrale ont reçu respectivement 7 et 10 fois plus d'investissements étrangers que les IMF africaines. On se rend donc compte que les IMF africaines soufrent d'un manque d'investissement auprès des bailleurs de fonds étrangers.

La forte expansion et la prolifération d'interventions ayant peu ou pas d'avenir, conjuguée à la faiblesse des capacités de supervision, de prévention et de contrôle du secteur dans un grand nombre de pays constitue un risque systémique dont l'ampleur croît avec celle de la microfinance. Proposant des solutions à ces différents problèmes, Pierre FORESTIER pense que « la préoccupation principale paraît être la maîtrise d'un accroissement substantiel des risques portés par le secteur »30. L'auteur analyse cette maîtrise dans quatre

29 Gautam Ivatury et Julie Abrams (CGAP), Débouchés pour les fonds d'investissement en microfinance, KfW Financial sector development. Symposium Microfinance Investment Funds, Berlin, novembre 2004.

30 P.FORESTIER, Les enjeux de la microfinance :Quel rôle pour le financement rural et agricole ? in Horizons Bancaires, N°326, Octobre 2005, p.12

directions : la première concerne << la nécessité d'un développement plus structuré ». En ce sens, il est important que le financement des IMF passe de l'étape de l'expérimentation et de la multiplication des initiatives à un fonctionnement plus structuré et plus solide de la microfinance. << Une telle politique doit notamment prendre en compte la combinaison caractéristique du secteur, conjonction d'un fonctionnement privé et d'une implication publique particulièrement importante ». Cette politique doit traiter du rôle des différents acteurs et, particulièrement, de la puissance publique (au sens large). Une refonte des conditions de ce partenariat entre le public et le privé est donc impérative. La seconde orientation concerne << l'opportunité d'engager une diversification sécurisée des services offerts et dans certains cas de la clientèle ». Au démarrage, cette diversification dangereuse semble désormais possible pour des institutions viables et stabilisées sur leurs marchés. Elle est de ce fait, << naturellement » engagée pour certaines pour mieux répondre aux besoins de leur clientèle. Elle correspond d'abord au développement de nouveaux services d'épargne (logement, scolarité,...) et de produits de crédits (augmentation des montants et allongement du terme) mieux adaptés au financement de petits investissements. C'est dans ce cas que la microfinance pourra offrir des services aux plus démunis et donc exclus du système financier classique. Aussi, cette diversification pourra toucher d'autres services constitués en un réseau puissant et rentable pour accroitre leur portée. Toutefois, cette diversification comporte des dangers importants. Il s'agit bien entendu de la capacité de maîtrise d'une nouvelle activité. Celle-ci doit en particulier respecter un rythme de croissance compatible avec celui de sa professionnalisation et de la croissance globale de l'institution. La troisième direction pour une prospérité avenir de la microfinance en Afrique concerne << la possibilité d'améliorer l'impact économique et sociale de la microfinance ». Pour accroitre ce double impact, la diversification de services recèle un potentiel considérable. Cependant, << la question est de savoir si cette diversification constituera une

simple extension de méthodes et principes utilisées avec succès pour la gestion de microcrédits ou si elle constituera en une nouvelle étape de développement méthodologique permettant d'assurer une meilleure adaptation de services aux objets financés et non seulement aux capacités de l'emprunteur. >>31. Cette approche devrait donner des possibilités d'accroitre la clientèle de la microfinance en permettant la supervision d'un nouveau service à toutes les étapes de la conception jusqu'à son administration sur de nouveaux marchés ou auprès d'une nouvelle clientèle. Elle doit aussi permettre une « segmentation >> des conditions de financements offerts(en particulier des taux de crédits) selon les objets financés. En effet, « les conditions de taux élevés pratiquées à juste titre dans une première phase de construction des institutions limitent de fait l'intérêts des services offerts et leur impact. >>. La quatrième direction enfin, concerne « une refonte des outils et des partenariats >>. Dans cette partie, les questions soulevées sont de trois ordres :

- L'obtention de ressources longues de refinancement à des coûts compatibles avec l'exploitation de l'institution et la nature de ces produits. Cette

question ne concerne d'ailleurs pas uniquement dans les pays où, la disponibilitéen ressources longues est souvent onéreuse du fait de leur rareté ;

- La consolidation des ressources stables. Ce point devient crucial à l'institution à mesure que sa taille augmente. Cela impacte particulièrement sa structure financière et de coûts. Or les normes de fonds propres usuellement employées dans le secteur bancaire semblent inadaptées aux risques du secteur et à son organisation. Elles devraient donc être significativement relevées. Par ailleurs, les ressources stables, dans la mesure où leur rémunération est faible, peuvent avoir un effet de levier important sur l'accroissement de l'impact ou de la qualité des services offerts (baisse des taux d'intérêt des crédits moyens, croissance accélérée du secteur ou prise de risque accrue auprès de certains clients) ;

31 P. FORESTIER, id.

- La diversification des partenaires des institutions de microfinance, et en

particulier, l'accroissement de l'intervention des investisseurs privés.

En définitive, l'analyse de P.FORESTIER sur les enjeux de la microfinance confirme qu'il existe des besoins divers d'accompagnement des institutions et d'apport de financements concessionnels. Elle confirme en corollaire, l'intérêt de la poursuite d'une intervention de la puissance publique et de l'aide internationale au-delà de la phase de la création de l'institution. En revanche, elle oblige à repenser son positionnement, ses outils (diversité des besoins en termes de stabilité, durée et concessionalité) et ses objectifs.

Le domaine de la microfinance comme nous le constatons à la suite de notre revue documentaire est largement exploré. De son origine et son évolution à ses objectifs et ses méthodes d'intervention, beaucoup d'auteurs et spécialistes ont écrit à propos du phénomène de la microfinance. Cependant, les résultats réels sur le terrain sont très peu vulgarisés. C'est ce qui explique la démarcation de notre thème pour expliquer objectivement et donc scientifiquement l'influence des services de la microfinance sur la vie quotidienne des populations bénéficiaires.

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984