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Environnement socioculturel et réflexion éthique en médecine néonatale

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par Mourad Ouchtati
Faculté de Médecine de Marseille - DIU Ethique et pratiques médicales 2008
  

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Introduction

Lorsque l'on aborde la réflexion éthique en médecine néonatale, on pense généralement aux dilemmes suscités par les situations les plus cruciales : Interventions aux limites de la viabilité, décision d'abstention ou d'arrêt de soin. Dans la pratique quotidienne de cette discipline, on constate qu'elle n'est pas confinée à cela mais qu'elle est une réflexion de tous les instants. Elle impose un questionnement sur les devoirs à l'égard des patients, la cohésion et la cohérence des équipes, le souci de concilier les contraintes socioculturelles et médicales.

Nous avons voulu par ce travail décrire notre expérience de la confrontation de notre savoir médical avec un milieu socioculturel qui nous était en partie inconnu.

Nous décrirons pour cela le cheminement qui nous a amené à partir d'un groupe de réflexion au sein du service de réanimation néonatale du CHU de Pointe à Pitre, à créer une association dont la finalité est de structurer notre démarche, la faire partager par tous les soignants et s'enrichir de compétences et de points de vue extérieurs au monde médical. De ces discussions et des échanges de nos expériences est apparue la spécificité de l'environnement socioculturel Guadeloupéen.

Nous rapportons également les résultats de deux études
réalisées par questionnaire aux parents et aux soignants

permettant de mieux comprendre la place des croyances et des rites dans la pratique médicale.

Après une présentation de la Guadeloupe dans son contexte historique géographique et socioculturel, nous avons par ce travail, voulu faire le point sur l'importance de l'éthique en médecine néonatale et répondre à 3 questions :

> Quelle est l'importance des rites et des croyances

chez les parents Guadeloupéens confrontés à une pathologie grave à la naissance de leur enfant ?

> Y a-t-il une opposition entre la médecine officielle et les interprétations ou soins prodigués faisant appel à la culture traditionnelle ?

> Comment gérer les situations où manifestement l'attitude parentale peut gêner la prise en charge médicale classique ?

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Anthropologie médicale

Fondée sur l'observation des comportements humains, l'anthropologie révèle en effet une grande variété dans la manière dont les hommes, d'une société à l'autre, et même au sein d'une même société, se représente la maladie.

Le principal apport de l'anthropologie n'est pas d'accumuler des connaissances sur les autres mais plus, d'adopter une attitude de distanciation par rapport à son propre environnement culturel.

Avec l'expérience, les soignants acquièrent un savoir relationnel précieux bénéfique aux patients. Je donnerai pour exemple, l'attitude que l'on peut avoir vis-à-vis des situations de pathologies graves potentiellement mortelles. Quelles sont les attitudes à adopter ? Quels sont les mots à ne pas dire car certains peuvent avoir un impact important qui perdure à très long terme, des attitudes vis-à-vis du toucher et de l'odorat par exemple peuvent choquer les patients. Les parents qui nous présentent leur enfant et à qui on passe la main sur la tête peuvent mal percevoir ce geste interprété comme la tentative de lui prendre son intelligence. De même certains pensent que couper les cheveux de leur enfant, ce qui peut arriver lors du soin pour poser une voie veineuse sur le cuir chevelu, risque de le rendre idiot.

Autre exemple, on devra éviter d'accueillir des parents avec un « bonjour ! » alors que leur enfant vient de décéder.

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Les ethnologues de l'aire caraïbe témoignent de modèles de salutations dont la forme est directement liée à la peur de la sorcellerie ; Jean Benoist (1)dans « L'archipel inachevé 1972 » dira qu'à Sainte-Rose, une commune de Basse Terre, « un adulte qui voudra complimenter une mère sur la beauté ou l'intelligence de son enfant devra éviter d'exprimer directement sa pensée, dira plutôt son contraire, afin d'écarter la possibilité qu'un esprit jaloux, se saisissant de la parole prononcée, attire la malchance sur l'enfant et afin qu'il ne soit pas suspect lui-même d'hostilité déguisée. »

Ce savoir est à revaloriser car une mauvaise attitude peut finir par devenir préjudiciable à la relation, soignant-soigné. Cette démarche qui consiste de passer de l'attitude de jugement par rapport à une croyance ou un rite à l'observation et l'écoute est difficile à acquérir. Elle est surtout déstabilisante pour le soignant car elle remet en cause ses certitudes et sa suprématie. Didier Sicard (2) déclarait à un colloque intitulé : Pratiques soignantes, éthique et sociétés : impasses, alternatives et aspects interculturels, « Le témoin de Jéhovah qui refuse la transfusion que je lui propose, remet-il en question ma maîtrise médicale, ou blesse-t-il mon altruisme ? La réponse n'est pas forcément du côté de la prise en compte de l'Autre !, elle est plutôt dans le rejet d'une altérité singulière bousculant mes certitudes médicales alors qu'elle devrait peut être se situer du côté de la souffrance

d'une décision de notre Humanité brisée dans son unité indistincte. »

Cette difficulté est encore accentuée chez les infirmières de part leur proximité des malades et de leurs conditions de travail notamment dans les situations où le pronostic est très défavorable et que le décès ne survient pas rapidement. Si la cohésion de l'équipe n'est pas assurée et que l'information ne circule pas correctement entre ses membres, certains soignants peuvent ne pas comprendre la finalité des soins assurés alors que le pronostic vital a été jugé comme compromis. Ils ne peuvent parfois pas comprendre certains parents qui, malgré les informations médicales données, se mettent à faire part de croyances et de la mise en place de rites qui paraissent dérisoires. Mais il faut distinguer le savoir et la croyance. Cette dernière est nécessaire pour adhérer à la connaissance.

Pour Jean-Noël Dumont, philosophe, « la croyance est toujours la rencontre d'une liberté et d'un abandon, c'est se mettre en gage donc s'engager et ouvrir un espace de confiance sans soupçon ni crainte. »

Nous avions eu à maintes reprises dans le service, le sentiment que les soignants non seulement infirmières mais aussi médecins avaient le souhait de hâter certaines décisions médicales en raison de lésions neurologiques graves. Quand on essaye de savoir la raison on retrouve comme réponse, la hantise de la souffrance des parents,

l'idée de l'inutilité des soins apportés et la peur que les parents s'attachent à leur enfant et qu'ils se mettent à espérer une guérison.

Les parents ont dans ses situations, bien compris la gravité de la pathologie mais ils mettent en place des mécanismes pour surmonter cette souffrance. Ils parlent de destin et de volonté divine, ils font appel à leur foi et à leur famille. Tant que la décision d'arrêt de soin n'est pas décidée par les soignants et n'a pas été envisagé avec les parents, ils peuvent faire appel à diverses croyances pour expliquer et mettre en place des traitements issus de la tradition.

Pour les soignants, ils se doivent d'écouter et d'observer les patients et leurs représentants mais également s'interroger sur le bien fondé de leurs propres modèles et habitudes professionnelles. Ils ne doivent pas considérer comme marginaux tous les aspects symboliques qui accompagnent le soin tant du côté du soignant que du soigné.

Nous décrirons une partie de ces croyances et rites en Guadeloupe.

Concepts de représentation et de causes de la maladie

Dans chaque société humaine il existe une conception du corps et des perturbations qui peuvent l'atteindre. La maladie est le résultat d'une action qui peut être extérieure, naturelle voire surnaturelle. Il en découlera un schéma thérapeutique que nous aborderons dans le paragraphe suivant.

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Nous allons tout d'abord décrire de façon schématique cette conception en Guadeloupe en donnant quelques exemples. Il existe en Guadeloupe, une conception humorale du corps reposant sur le principe de la circulation des fluides et sur celui de classification des éléments de l'univers selon la qualité chaud ou froid.

S'y ajoute une vision mécaniste du corps. La cohésion interne du corps pouvant être ébranlée par le déplacement d'un ou de plusieurs éléments de l'organisme. Ceci peut survenir à la suite d'un choc ou d'un effort physique.

Le « bouket » (boule de chair ou os situé au niveau du plexus solaire à l'extrémité du sternum) peut tomber ou s'enfoncer provoquant l'ouverture de « l'estonmak » (partie pectorale comprenant le coeur et les poumons) et parfois l'écartement des côtes et engendrant une maladie appelée « Blès »).

Le corps est également soumis aux influences du monde surnaturel. Là interviennent les tensions sociales et on retrouve la jalousie déclenchée par une réussite sociale. L'individu jaloux fait appel au voyant « gadédzafé » qui envoie une maladie à l'individu jalousé (3)

On observe alors que, en plus des causes données par le médecin (hypertension artérielle, intoxications, infection, anomalies génétiques etc.) expliquant la survenue de la pathologie, se glissent des théories étiologiques telles la mauvaise relation avec son entourage, des causes religieuses (destin, volonté ou punition divine, la

malédiction transgénérationnelle etc.) mais également le « quimbois », la jalousie etc.

La maladie apparaît tantôt comme une agression exogène, tantôt comme une punition. Dans cette perspective, la santé devient alors un sujet d'interprétation morale et religieuse (4).

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams