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Les enfants en situation de rue du Sénégal. L'identité et la socialisation dans le processus de sortie de la rue

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par Corentin SIROU
Université Lumière Lyon 2 (ISPEF) - Master 1 sciences de l'éducation 2011
  

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Chapitre 3 : Les enfants en situation de rue au Sénégal

La littérature universitaire semble avoir longtemps ignorée le problème des enfants en situation de rue au Sénégal. Les travaux sont encore rares sur cette thématique. Malgré cela, il est vrai que la plus grande partie des informations disponibles sur la question se trouve du côté des rapports fournis par les institutions nationales ou internationales et les ONG. De plus il est plus fréquent de trouver des informations concernant les talibés que sur la problématique des enfants en situation de rue en général, et hors talibés en particulier.

3.1. Qui sont-ils ?

La population des enfants en situation de rue au Sénégal est en grande partie composée de talibés
mendiants, mais pas uniquement. En effet, d'autres enfants, ayant des parcours différents, et donc

74 Gandolfi Stefania, L'enseignement islamique en Afrique noire, Cahiers d'études africaines 2003/1-2, 169-170, p. 271

75 Jean-Émile Charlier, Le retour de Dieu : l'introduction de l'enseignement religieux dans l'École de la République laïque du Sénégal, Éducation et Sociétés, n° 10/2002/2, p. 95 -111

des problématiques différentes, se retrouvent à mendier, à travailler ou simplement à passer leurs temps dans la rue. Des études faites à Dakar et aux alentours par le Samu Social ont permis de dresser une typologie de ces enfants76.

Aujourd'hui, les talibés représentent la majeure partie des enfants présents dans la rue. L'association Enda Tiers-Monde, qui travaille sur la question des talibés depuis de nombreuses années, est l'auteur de plusieurs rapports sur la question. Nous nous basons ici sur l'un d'entre eux pour définir les talibés77. Talibé est un mot wolof qui désigne une personne qui apprend ou qui s'initie au coran (dérivé du mot arabe «tâlib» : celui qui cherche, qui demande). Le mot talibé aujourd'hui prend un sens péjoratif, car il est de plus en plus associé à la mendicité, aux conditions de vie difficiles. Nous distinguerons donc talibé mendiant et talibé. En effet, en s'en tenant à la définition donnée juste avant, beaucoup de musulmans du Sénégal sont des talibés (c'est à dire des élèves) car ils apprennent le Coran. Le talibé mendiant est donc celui qui, au sein d'un daara, est obligé de mendier et de faire des petits boulot dans la rue, soit pour survivre, soit pour le compte de son marabout. Une enquête de 2007 fait apparaître qu'ils représentent 90% des enfants mendiants à Dakar78. Toutefois, il est difficile de fournir des chiffres précis sur le nombre de talibés mendiants, certaines associations publient sur leurs sites internet le chiffre de 50000 au Sénégal, mais sans l'étayer. Cette population est en effet impossible à mesurer avec précision, car toujours en mouvement (décès, fugues, arrivées, départs etc). En ce qui concerne le nombre de daaras, la situation est à peu près la même, étant donné l'informalité de ce type d'enseignement. Un rapport avance la présence de quelques trois cent soixante daaras à Saint-Louis79. Ce chiffre, s'il se rapproche peut-être de la réalité, donne en tout cas à voir l'importance de l'enseignement religieux dans le pays (Saint-Louis compte environ 200 000 habitants).

Il y a les « fakhmans », tel qu'ils se désignent eux même (fakh, en wolof, signifie casser, rompre, briser). Ce sont les enfants qui se retrouve à la rue après une rupture avec le milieu avec lequel ils vivaient. Ainsi, ils ont quitté leur daara, leur famille, l'institution qui les hébergeait, etc. Ils vivent donc dans la rue et, la plupart du temps, se retrouvent et s'organisent en bande et sont souvent consommateurs de drogues. « Être Fakhman, c'est aussi appartenir à un groupe et avoir des repères identitaires. [...] Ils vivent en bandes très structurées et hiérarchisées de 30 à 60 garçons. Les plus

76 Fatou Dramé, Nàndité . Enquête sur les enfants des rues à Dakar , Samusocial Sénégal - UNICEF Sénégal ,Dakar , 2010, p. 17-18

77 Enda Tiers-Monde / Save The Children Suède , « Situation des enfants dans les écoles coraniques au Sénégal », JEUDA 114, Dakar, Enda Tiers-Monde Jeunesse Action , 2005

78 Unicef, Banque Mondiale et BIT, Enfants mendiants dans la région de Dakar, Understanding children's work project working papers series, Dakar, novembre 2007, Unicef, Rapport annuel 2006, New York, 2007, p. 2

79 République du Sénégal / Service Régional de la Statistique et de la Démographie (SRSD) de Saint-Louis, Situation économique et sociale de la région de Saint-Louis de 2008 , Dakar, Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie, 2009, p. 104

jeunes et les nouveaux sont mis en « esclavage » par les plus âgés, en échange d'une « protection », et doivent trouver la nourriture pour le groupe. »80

Les fakhmans sont proches d'une autre catégorie d'enfants qui est celle des « jeunes travailleurs ». Ce sont des enfants qui ont des petits boulots, pour essayer de survivre, et qui eux aussi s'organisent en groupe. La différence avec les fakhmans se fait en partie sur la prise de drogues, beaucoup moins pratiquée chez ces enfants. « Ils échappent totalement, parfois, au contrôle social prévu pour les enfants de leur âge. Ils vivent de mendicité, du fruit de petits délits, de ce qu'ils trouvent dans les poubelles. [...] La violence, le vol, la drogue, le rejet par la société et la mort forment leur quotidien. »81. Il est évident que la frontière est assez floues entre ces deux catégories, et les enfants passent rapidement de l'une à l'autre.

Les jeunes filles qui sont dans la rue représentent un catégorie particulière. Si on les retrouve dans les deux catégories précédentes, elles sont plus particulièrement victimes de la prostitution. D'après le Samu Social, cette population semble particulièrement difficile d'accès.

Les « enfants handicapés » sont aussi amenés à se retrouver dans la rue, contraints d'y mendier pour subsister. Ils font face à « des rejets en cascade »82, causés principalement par le manque de dispositifs et de structures facilitant l'inclusion sociale. Il arrive aussi de trouver des enfants accompagnant des adultes en situation de handicap. Qu'il s'agisse d'un parent ou d'une autre personne, ces enfants secondent des adultes dans la mendicité.

Ces catégories ont l'avantage de décrire par touches successives la population des enfants en situation de rue. Nous l'avons déjà dit, les frontières entre des catégories sont fines et mouvantes. Si ce travail de classement permet de rendre compte de manière assez simple (et simplificatrice) des différentes situations rencontrées, il se base essentiellement sur les activités exercées dans la rue par les enfants.

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