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Les enfants en situation de rue du Sénégal. L'identité et la socialisation dans le processus de sortie de la rue

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par Corentin SIROU
Université Lumière Lyon 2 (ISPEF) - Master 1 sciences de l'éducation 2011
  

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1.2. Enfance et adolescence

Nous parlons ici d'enfants en situation de rue. Il nous faut donc éclairer la notion d'enfance. L'âge peut-il servir de critère pour délimiter ce passage de la vie ? Comment peut-on définir précisément ce qu'est un enfant ? Quelle est la limite entre un enfant et un adolescent ?

L'âge peut apparaître comme un critère important, notamment du point de vue juridique, mais dans certaines cultures, les représentations de l'enfance débordent souvent la simple borne de la majorité. Si, d'après plusieurs études à travers le monde, beaucoup d'enfants en situation de rue ont moins de quinze ans, il en est certains qui dépassent la limite de la majorité. Il est important, pour prendre en compte l'intégralité de cette population, de faire attention, à travers la notion d'enfant, de ne pas se fixer sur cette limite mineur/majeur. On peut ainsi espérer toucher le phénomène plus largement, même si, encore une fois, il regroupe avant tout des personnes en dessous de cet âge. Il faut néanmoins rappeler que cette limite juridique peut prendre toute son importance lorsque l'on s'intéresse à la prise en charge de cette population. En effet, le changement juridique du passage à la majorité peut entraîner des modes de prise en charge différents. Par exemple, en France, le statut juridique des mineurs isolés étrangers (M.I.E.) varie du tout au tout à l'atteinte de la majorité, avec des conséquences importante sur l'avenir de la personne. En effet, ils ne bénéficient plus de l'aide à l'enfance, et pour beaucoup, deviennent des « majeurs expulsables »8. Cette limite purement juridique rencontre un problème lorsqu'elle est en face des réalités de certains pays. On observe en effet que « dans de nombreuses sociétés de pays en développement où l'état civil n'est pas rigoureusement appliqué, les personnes ne connaissent pas leur âge et la notion de tranche d'âge n'est pas comparable à celle qu'en ont les médecins ou les juristes »9. Ainsi, par endroit, des personnes naissent, vivent et meurent sans exister administrativement parlant. Aussi, les représentations liés à l'enfance dépassent parfois cette limite. Cette catégorie se définit différemment d'une société ou d'une culture à une autre. Ainsi, le passage vers la catégorie d'adulte peut être marqué par un rituel, ou s'obtient du fait de son l'indépendance financière vis à vis des

7 Ibid, p. 5

8 La régularisation n'est pas automatique et est soumise à un certain nombre de contraintes (comme par exemple la durée de séjour en France avant la majorité). Voir l'article de Hugo Lindenberg, « Le mineur étranger, un majeur expulsable », Libération, 01/03/2005 et le site http://www.infomie.net

9 Bonnet Doris, La construction sociale de l'enfance : une variété de normes et de contextes, Informations sociales n° 160, p. 13

parents, donc à des ages variables. « L'enfant occupe une place en tant que catégorie sociale, non seulement selon les milieux socioprofessionnels, mais aussi selon le monde social qui l'entoure et selon l'histoire du développement socio-économique et politique des pays où il vit, au Nord comme au Sud »10. Dès lors, comment peut-on définir de façon plus précise ce qu'est un enfant ?

La psychologie du développement nous apporte une réponse claire. D'abord, le mot enfant vient de infans, « celui qui ne parle pas bien, qui n'est pas éloquent », ou aussi, « celui qui ne parle pas encore ». L'enfance est l'étape se situant entre l'âge de 2 ans et 12 à 13 ans11. Il suit ainsi l'étape du nourrisson, ou du bébé, et précède l'adolescence. Selon Henry Wallon12, l'enfant traverse deux stades différents : le stade du personnalisme (3-6 ans) et le stade catégorielle (6-11 ans). La théorie de Wallon est basée sur le fait que les enfants traversent des stades successivement centripètes (tourné vers l'enfant lui-même) et centrifuges (tourné vers l'extérieur, les autres) depuis le stade intra-utérin jusque l'âge adulte. Le stade du personnalisme (centripète) est marqué par le développement de la personnalité de l'enfant et l'affirmation du moi, même si ces éléments restent précaires et inachevés. Ce stade se décompose en trois périodes (d'opposition, de séduction puis d'imitation) : dès trois ans, l'indépendance du moi se construit à partir d'un conflit, à l'opposition à l'adulte pour affirmer sa personnalité ; vers quatre ans apparaît une période narcissique, où la personnalité se construit dans la séduction ; ensuite, vers cinq-six ans intervient la différenciation entre le moi-autrui. Le stade catégoriel (centrifuge) est celui de la socialisation élémentaire, de l'apprentissage de la lecture et des chiffres. A cet âge l'enfant manifeste un intérêt pour la tâche en particulier dans les exercices scolaires (comparer les choses, les mesurer, les assembler, etc.). Au point de vue social apparaît la camaraderie, dans la collaboration des tâches et le sentiment d'égalitarisme par l'échange des rôles dans le jeux. D'après Freud, le développement affectif de l'enfant traverse deux stades. Le stade phallique, de 3 à 6 ans, où les plaisirs ont pour origine le sexe de l'enfant. C'est à ce stade qu'apparaît le complexe d'Oedipe (sentiment d'attachement au parent de sexe opposé, et de répulsion du parent du même sexe). Ensuite, la période de latence, de 6 à 12 ans, voit ce complexe décliner (il sera réactivé à l'adolescence), et l'énergie de la sexualité dirigée vers d'autres fins. La disparition du complexe entraîne un attachement au parent du même sexe13. Durant cette période, des phénomènes d'identification aux parents se distinguent : appropriation de traits, attitudes, idéaux, désirs.

10 Ibid, p. 17

11 Jacqueline Bideaud, Olivier Houdé, Jean-Louis Pedinielli, L'homme en développement (9ème édition), Paris, PUF, 2002, p. 285

12 D'après Gora Mbodj, Cours de « Socialisation de l'enfant » de troisième année de licence de sociologie, Université Gaston Berger de Saint-Louis, 2010

13 Jacqueline Bideaud, Olivier Houdé, Jean-Louis Pedinielli, L'homme en développement (9ème édition), Paris, PUF, 2002, p. 418

A l'enfance succède l'adolescence. Le mot adolescent vient lui du latin adolescere (« croître »). Le mot puberté vient quant à lui du latin puber (« poil »). La puberté marque le début de l'adolescence14. Chez les garçons, elle se manifeste vers 11 ans, et dès 10 jusqu'à 12 ou 13 ans chez les filles. L'adolescence se décompose en différents stades15 : la pré-adolescence (où réveil pulsionnel sous l'effet de la puberté biologique) ; la première adolescence (où le désinvestissement des objets oedipiens entraîne une modification de l'appareil psychique interne, qui constitue alors une menace pour le mode de fonctionnent psychique interne) ; l'adolescence (avec découverte de l'objet hétérosexuel et investissement d'un nouvel objet, autre que les parents) ; la fin de l'adolescence (avec la consolidation des fonctions du Moi16, structuration des représentation de soi) ; la post-adolescence (l'entrée dans la vie adulte). C'est donc une période de trouble pour les identités antérieures, une période où l'on doit accepter des changement de son corps, et développer une capacité à élaborer son identité personnelle et sexuelle définitive. Il y a donc un rejet, une rupture avec les identifications antérieures, notamment parentaux, qui entraîne une angoisse sur la cohésion de la personne et de l'identité. C'est ce qui entraîne à multiplier les relations objectales pour constituer un socle aux intériorisations et aux identifications ultérieures. A cet égard, l'appartenance à des groupes autonomes (c'est à dire hors des registres parentaux) est formateur pour l'adolescent, et marque donc l'importance des relations entre pairs. Ces relations évoluent significativement durant cette période17. D'abord, entre 11 et 13 ans, elles sont liées à l'existence d'activité commune, et l'identification et le partage fondent les relations. Ensuite, vers 14-16 ans, la confiance réciproque fonde le sentiment d'amitié. Les relations sont passionnelles. A partir de 17 ans, on passe des relations passionnelles à une reconnaissance des différences individuelles, qui deviennent alors sources d'enrichissement. L'adolescence voit donc les relations évoluer, passer de la recherche de traits commun à la recherche de la complémentarité. C'est aussi la période des premiers sentiments amoureux et des possibilités d'accomplissement sexuel. Chez Wallon, l'adolescence correspond au stade pubertaire (centripète), où les transformations à l'oeuvre (physiologies et morphologiques) marquent « l'équilibre antérieur et une sorte de dépaysement qui occasionnent vis-à-vis de soimême et de l'environnement »18. Les ambivalences psychiques (timidité/audace, égoïsme/générosité prononcée, etc) vont permettre progressivement l'adhérence à des idéaux sociaux et culturels.

14 Ibid, p. 432

15 Ibid, p. 462

16 Le Moi est une notion issue de la seconde topic de Freud (ibid, p. 48), avec le ça et le Surmoi. Le Moi est le siège de la conscience, lieux d'expression de l'inconscient (englobe conscient/pré-conscient). Le Ça est le réservoir de l'énergie psychique où s'affronte pulsion de vie et mort. Ce sont des contenus inconscient d'origines divers. Le Surmoi se compose de l'idéal du Moi et d'une instance critique qui juge le Moi, en fonction de l'intériorisation des interdits culturels et sociaux.

17 Ibid, p.473

18 Gora Mbodj, op cit

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery