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Démographie du Burkina Faso : évolutions, tendances actuelles, perspectives

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par Aurélie PIECHAUD
Université Paris-Descartes-Sorbonne - Master 2 expertise en population et développement" 2010
  

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Université Paris-Descartes
Master 2 EPD
2010-2011

Démographie du Burkina Faso : évolutions, tendances

actuelles, perspectives.

Aurélie PIECHAUD

Introduction

Le Burkina Faso est un pays enclavé situé en Afrique de l'Ouest. Il partage ses frontières avec six pays : le Mali au Nord et à l'Ouest, le Niger à l'Est, le Bénin, le Togo, le Gahna, et la Côte d'Ivoire au Sud. Avec une superficie de 274 200 km2, et une altitude moyenne de 400 m, le Burkina Faso est principalement constitué de plateaux, de collines, et de vallées peu profondes (le plus haut sommet, au sud-ouest, culmine à 740 m). Le climat est tropical, de type soudano-sahélien, avec deux grandes saisons très contrastées : une saison sèche, entre octobre et avril, durant laquelle souffle l'harmattan (vent chaud et chargé de poussière, en provenance du Sahara), et une saison des pluies (avec des précipitations comprises entre 300 mm et 1200 mm). Si la pluviométrie est faible d'une façon générale (avec cependant des variations du simple au quadruple entre le nord et le sud), le pays présente un réseau hydrographique important, et particulièrement dense au sud.

Au niveau administratif, le pays est divisé en 45 provinces, elles-mêmes divisées en départements (382). On dénombre plus de 8000 villages. La population, rurale à plus de 70%, est estimée à 15,7 millions en 2010 [source : INSD], avec un taux de croissance de l'ordre de 3,4 % entre 2005 et 2010. Ouagadougou, la capitale, est la ville la plus peuplée du pays, avec plus d'1,4 millions d'habitants en 2006 [INSD, 2010]. La densité est faible, avec 51,8 habitants/km2 en 2006 au niveau national, mais la population est inégalement répartie sur le territoire. Ainsi, le quart de la population environ se concentre dans la région centrale autour de Ouagadougou, où la densité de population dépasse 600 habitants/km2 dans le département de Kadiogo [source : INSD].

Avec un indice de développement humain de 0,305 en 2010, le pays est classé au 161e rang sur 169. La population vit en grande majorité du secteur agricole, soumis à des conditions climatiques difficiles (sécheresse notamment). En 2006, la part de la population considérée comme pauvre (approche multidimensionnelle de la pauvreté) était de 40,1 % , et vivait essentiellement en milieu rural [RGPH 2006].

1/ Histoire démographique du pays depuis un siècle

Jusqu'au début du 20e siècle, selon les historiens et ethnologues ayant étudié la région, la dynamique démographique est marquée par d'importants mouvements migratoires. « La mobilité a fondamentalement influencé la genèse et l'évolution des sociétés qui composent le Burkina Faso actuel. »1. L'absence ou quasi-absence de barrières naturelles permet la colonisation de tous les espaces, et les différentes formes économiques rendues possibles (agriculture itinérante, commerce, pastoralisme transhumant) vont conditionner les mouvements migratoires. Mais il existe très peu de sources écrites concernant le Burkina Faso avant la colonisation. Il s'agit pour l'essentiel des informations rapportées par les missionnaires (nous y reviendrons un peu plus avant). Par ailleurs, le Burkina Faso n'a pas toujours été délimité, est-il besoin de le rappeler, par ses frontières actuelles. D'une part, le pays n'existait pas en tant que tel avant la colonisation. D'autre part, le territoire du Burkina Faso actuel, a connu par la suite de nombreux changements de ses frontières et de son statut administratif2. La région Niger-Volta, créée en 1897, est rattachée au Soudan français, une colonie de l'Afrique Occidentale Française (AOF). Deux ans plus tard, le Soudan français, jugé trop grand, est divisé. Le territoire du futur Burkina Faso est alors coupé en deux. La partie Nord est rattachée au premier territoire militaire, et la partie Sud, autour de Bobo-Dioulasso, au second. La région actuelle de Fada N'gouma fera partie de la colonie du Dahomey (actuel Bénin), jusqu'en 1907. Vers 1904, considérant que les territoires sont pacifiés, l'administration procède à leur démilitarisation. La colonie du Haut-Sénégal et Niger comprend alors, à peu de choses près, les territoires du Mali et du Burkina actuels. La région de Dori appartient quant à elle au territoire militaire du Niger, est n'est rattachée à la colonie voisine qu'en 1909. Suites aux guerres anticoloniales de 1914-1916 dans la région Vota-Bani, le territoire subit une nouvelle réogranisation. En 1919, la Haute-Volta est créée, avec pour Chef-lieu Ouagadougou. Mais de nouveaux changements interviennent rapidement, et en 1932, la Haute-Volta est démembrée, et répartie entre

1 Opus cité, p. 6.

2 Kuba Richard, Lentz Carola, Nurukyor Somda (dir.), Histoire du peuplement et relations interethniques au Burkina Faso, Kathala, p. 8.

les colonies du Niger, du Soudan français, et de la Côte d'Ivoire. Finalement, la Haute-Volta est rétablie en 1947, et devient État indépendant le 5 août 1960. Les différentes peuples qui se trouvent alors sur le territoire sont pour la première fois regroupées au sein d'un cadre géopolitique unique. C'est en 1984 que le pays prend le nom de « Burkina Faso », qui signifie en Mossi (Burkina) et Bambara (Faso) « pays des hommes intègres ». De façon simplifiée, on dénombre actuellement une soixante de groupes ethniques et linguistiques au Burkina Faso.

Pour avoir des données concernant les naissances, mariages, décès, et mesurer les mouvements naturels de la population, la source idéale serait le système d'état civil (SEC). En Afrique de l'Ouest, l'état civil est importée par le colonisateur au début du 20e siècle. Mais il ne concerne à ses début que les citoyens et sujets français (indigènes ayant changé de statut). Les « indigènes » peuvent faire enregistrer les faits d'état civil dans des registres spéciaux, mais n'en ont pas l'obligation. Sans devenir obligatoire, la pratique est par la suite encouragée, mais la loi ne précise pas les éléments qui doivent être notés. Au moment de l'indépendance, le Burkina Faso (encore Haute-Volta) adopte, à l'instar des autres Etats de l'AOF, son propre système d'état civil. Mais pour un certain nombre de raisons (économiques, infrastructures, non-valorisation, etc.), le SEC se dégrade. La couverture et la complétude des enregistrements est faible. Et la fonction statistique du SEC n'est pas utilisée. Toutefois, d'autres méthodes, recensements, enquêtes, vont permettre d'avoir des informations sur les naissances, mariages et décès. Afin de palier l'incomplétude des données d'état civil datant de l'ère coloniale, qui sont de plus dispersées aujourd'hui dans plusieurs pays (Côte d'Ivoire, Burkina, et France, entre autres), certains auteurs ont eu recours à d'autres sources, que sont les registres paroissiaux, tenus par les missionnaires catholiques, qui enregistraient naissances, mariages et décès. Ainsi, Daniel Benoît3 montre que dans certains cas (paroisse ancienne, documents bien conservés, et bien tenus), les registres paroissiaux constituent une source de données très fiable. Néanmoins, les données ne concernent pas les non-catholiques, et demeurent aussi très localisés.

3 Benoît Daniel, Une étude démographique à partir des registres paroissiaux en pays Gourounsi, Cah. O.R.S.T.O.M., série Sc. Humaines, vol. XIII, n°3, 1976 : 297-310.

Des données sur la population à un niveau national sont disponibles à partir de 1949-1950 (« Population de Haute-Volta par canton et groupe ethnique », Haut-Commissariat de l'AOF). Par la suite, plusieurs enquêtes démographiques vont être menées en 1960-1961 (« Enquête démographique par sondage en République de Haute-Volta »), 1976, 1984, 1991, parallèlement aux recensements (1975, 1985, 1996, 2006), et aux EDS (1993, 1998-99, 2003). Pour le graphique suivant, nous avons utilisé les estimations des Nations Unies, qui correspondent à peu de choses près aux données des enquêtes et recensements (les taux des Nations Unies sont légèrement inférieurs mais la tendance reste la même), pour observer l'évolution des taux de natalité et mortalité. Le taux de natalité est calculer en rapportant le nombre total de naissances vivantes d'une année à la population moyenne de la même année. Le taux de mortalité correspond au nombre total de décès survenus au cours d'une année rapporté à la population moyenne de la même année.

Evolution de la natalité et de la mortalité, Burkina Faso, 1950-2010.

Source : Nations Unies.

Ce graphe peut être comparé avec les « modèles » type de transition démographique établis par D. Taboutin et B. Schumacher. Le cas du Burkina correspond de façon très nette au modèle « traditionnel », comme son voisin le Mali. La mortalité a connu une baisse importante, du fait du développement des infrasctructures sanitaires, et des apports de la médecine moderne (vaccination,

chirurgie, accouchements assistés, etc.). La natalité quant à elle stagne, voire connaît une augmentation récente. De ce fait, la croissance démographique augmente.

Selon la théorie de la transition démographique, c'est par une évolution de la nuptialité que débute la transition reproductive [Landry 1934, Coale 1967, Chesnais 1986, Tabutin 1995, Hertrich et Pilon 1997]. La transition de la nuptialité semble s'effectuer en deux temps : une restriction de la durée de vie en union, suivie d'une limitation des naissances au sein du mariage. D'après les travaux de Chesnais [1986], dans les pays d'Afrique où les statistiques sont bonnes, on observe que le contôle des mariages précède le contrôle des naissances par les couples. On peut donc s'intéresser à l'évolution des indicateurs de nuptialité au Burkina. Précisons que les enquêtes collectent les données concernant les mariages, qu'il s'agissent du mariage coutumier, ou civil.

Evolution des indicateurs de nuptialité, Burkina Faso, 1960-2006.

 

1960

1975

1985

1991

1993

1996

2006

Age moyen au premier mariage des hommes

26,0

27,2

26,9

27,9

nd

26,7

26,9

Age moyen au premier mariage des femmes

16,9

17,3

18,0

18,8

nd

18,7

19,6

% des hommes mariés polygames

38,4

32,4

36,0

38,0

34,9

33,2

28,4

Nombre moyen d'épouses par homme polygame

nd

nd

nd

2,4

2,5

2,4

2,3

 
 
 
 
 
 
 

Sources : INSD, Enquêtes démographiques (1960/61 et 1991), Recensements (1975, 1985, 1996 et 2006) et Enquêtes démographiques et de santé (1993)

On remarque que l'âge moyen au premier mariage à peu changé pour les hommes. En revanche, pour les femmes, il a augmenté de près de 3 ans en moyenne, mais reste inférieur à celui des pays côtiers (Sénégal, Togo, Côte d'Ivoire), et l'écart moyen de l'âge au mariage demeure élevé (7 ans). La polygamie est devenu moins fréquente aussi. Ceci correspond au fait que beaucoup d'hommes ont migré vers les villes, et les conditions de vie se sont trouvées être moins favorables à

ce type de vie maritale. D'autre part, le nombre d'hommes célibataires a augmenté. Concernant le nombre d'épouses par homme polygame, il semble n'avoir pas varié. Selon Hertrich et Pilon qui ont compilé les données sur la nuptialité issues des enquêtes et recensements de 1960 à 1993, les femmes passent toujours la plus grande partie de leur vie mariées (entre 84 et 89 % de la durée de vie). Le temps passé en tant que célibataire double entre 1960 et 1984. Le temps passée en tant que femme marié baisse pour ces années là. Ceci semble correspondre au recul de l'âge au premier mariage. Au Burkina Faso, l'augmentation de l'âge au mariage n'a pas été suivie d'une augmentation de l'âge à la première naissance, ni d'une baisse de la fécondité.

En 2003, d'après EDS, 77% des femmes de plus de 12 ans étaient en union. 48% des femmes de plus de 12 ans étaient dans une union de type polygame. Et 19% des femmes âgées de 15 à 49 ans n'avaient jamais été mariées. Difficile de déterminer, donc, si oui ou non le pays a entamé sa transition de la nuptialité.

2/ Evolution de la population depuis 1950 : peu de changement de la structure par âge.

source : données issues de la Division de la Population des Nations Unies (2010).

source : données issues de la Division de la Population des Nations Unies, 2010.

Entre 1950 et 2010, la population du Burkina Faso passe de 4,3 millions d'habitants à 15,7 millions. Dépassant les 12 millions en 2000, la population du pays avait triplé en l'espace de 50 ans. Les pyramides ci-dessus nous permettent de comparer la population de 1950 avec celle de 2010. Que ce soit en 1950 ou en 2010, les graphiques présentent tous deux une forme « pyramidale », laquelle illustre la forte proportion de jeunes (enfants, adolescents et jeunes adultes), et la très faible proportion de personnes âgées (pyramide éffilée). Concernant le rapport de sexe, on observe une légère asymétrie en 1950, la proportion d'hommes étant légèrement supérieure à celle des femmes, à tous les âges. En 2010, la part des hommes reste plus importante aux âges jeunes et adultes, mais l'on commence à voir apparaître une légère prépondérance des femmes aux âges élevés. D'une façon générale, la forme de la pyramide traduit une natalité et une mortalité élevées, et la première strate en particulier suggère une forte fécondité associée à une forte mortalité infanto-juvénile. La pyramide en 2010 présente « affaissement » des flancs, un peu plus du côté masculin, qui traduit le phénomène d'émigration, qui touche plus les hommes, et peut-être aussi, dans une moindre mesure, l'impact de l'épidémie de sida, qui touche les adultes en particulier, et les femmes un peu plus que les hommes.

3/ Rapport de masculinité selon l'âge : impact des migrations internes et externes.

Source : données issues de la Division de la Population des Nations Unies (2010).

Le rapport de masculinité correspond au nombre d'hommes pour cent femmes. Pour calculer le rapport de masculinité pour une tranche d'âge on utilise le nombre d'hommes de cette tranche d'âge rapporté au nombre de femmes de la même tranche d'âge. Le rapport de masculinité à la naissance est une constante démographique. Partout dans le monde, il est égal à 105. En Afrique il est cependant plus proche de 104. Le graphique ci-dessus, établi à partir des estimations de populations à chaque âge par la Division de la Population des Nations Unies, présente une allure étrange en comparaison avec les rapports de masculinité issus des enquêtes et recensements nationaux. Il est certainement faussé par la non-prise en compte de certains phénomènes, en particulier les migrations. Le données issues des enquêtes et recensements permette d'obtenir le graphe ci-dessous, dont l'allure est différente.

Source : graphique issu du rapport du RGPH 2006.

Ce graphique nous permet d'observer, pour l'année 2006, les variations du rapport de masculinité selon l'âge, et selon le milieu de vie. L'étude du sex ratio va se réveler très intéressante pour l'étude de la répartition de la population, ainsi que des mouvements, entre milieu urbain et milieu rural, en fonction des périodes de la vie. A la naissance, donc, le sex ratio est légèrement supérieur à 100. Concernant la population générale qui suit la même progression que la population rurale, les hommes sont légèrement en surnombre jusqu'à 10 ans, puis leur part diminue, et ils sont largement sous-représentés à l'âge adulte, et dans une moindre mesure aux âges avancés. En revanche, les hommes sont déficitaires avant 10 ans en milieu urbain, mais deviennent largement majoritaire à l'âge adulte. Après 60, en milieu urbain de la même façon qu'en milieu rural, les hommes sont sous-représentés. Il y a donc plusieurs éléments à expliquer : 1/ la surmasculinité aux âge jeune en population générale, 2/ la surmasculinité à l'âge adulte en milieu urbain, 3/ la sousréprésentation des hommes dans la population générale à l'âge adulte, et enfin, 4/ leur sousreprésentation généralisée aux âges avancés. Le 1/ s'explique par la constante qui fait qu'il naît plus

de garçons que de filles. Mais ce déséquilibre à la naissance est en général compensé par une surmortalité masculine dans l'enfance et autour de 20 ans (plus de conduites à risque). Le 2/ s'explique probablement par l'exode rural. A partir de 15 ans, nombreux sont les jeunes hommes actifs qui migrent vers les centres urbains pour trouver du travail. Et en général ils y restent. Le 3/ doit s'expliquer par l'émigration internationale. S'il l'immigration existe aussi, elle est moins importante. Ces hypothèses semblent confirmer par l'étude du rapport de masculinité des migrations. Ainsi, en 1985, le rapport de masculinté des migrations internes était de 130. Concernant les migrations internationales récentes en 1985, on comptait 144 hommes immigrants pour 100 femmes, et 394 émigrants. En 1996, le rapport de masculinité donne 132 pour l'immigration internationale récente, et 540 pour l'émigration [RGPH 2006]. Enfin, le 4/ s'explique par la mortalité différentielle aux âges avancés, que l'on observe dans tous les pays développés, où les gens vivent de plus en plus vieux. Les femmes vivent en moyenne plus longtemps que les hommes.

La courbe représentant la population générale met donc en évidence l'émigration massive d'hommes actifs vers l'étranger. En effet, des données qualitatives montrent que beaucoup de Burkinabés migrent vers la Côte d'Ivoire, le Gahna, le Bénin, pour trouver du travail. Le Burkina Faso reste aujourd'hui le principal réservoir de main d'oeuvre de la Côte d'Ivoire.

Nous avons construit la graphique suivant à partir des effectifs de population par âge et par sexe de l'enquête démographique de 1960, et du RGPH de 2006, nous permettant de comparer l'allure des courbes représentant le rapport de masculinité à chaque âge aujourd'hui et il y a cinquante ans. En 1960, les hommes sont sur-représentés tout le temps à l'exeption de la tranche 20- 44 ans. D'après le rapport du RGPH 2006, on observe le même phénomène à l'issu du recensement de 1975. L'explication donnée est une sous-déclaration des femmes durant l'enquête pour des raisons liées à l'impôt de capitation en vigueur à l'époque. Il est probable que la même raison explique l'allure de la courbe en 1960.

Nombre d'hommes pour 100 femmes

Evolution du rapport de masculinité selon l'âge, Burkina Faso, 1960-2006.

140

130

120

110

100

90

80

70

60

50

40

30

20

10

0

SR 1960

SR 2006

Groupes d'âge

Source : enquête démographique (1960), et RGPH (2006). SR correspond au Sex Ratio, ou rapport de masculinité.

4/ Une mortalité des jeunes enfants en baisse, mais qui demeure importante.

Du fait d'un enregistrement lacunaire des naissances et des décès au Burkina Faso, la mesure de la mortalité, et en particulier celle des enfants, repose sur des enquêtes et des estimations. A partir de là, on peut mesurer produire plusieurs indicateurs. Les quotients de mortalité donnent la probabilité de décéder entre deux âges. La mortalité néonatale précoce correspond aux décès survenus lors de la première semaine. La mortalité néonatale correspond au décès survenus lors des premiers 28 jours, et la mortalité post-néonatale aux décès survenus après 28 jours et avant 1 ans. La mortalité infantile correspond aux décès survenus entre la naissance et le premier anniversaire. La mortalité juvénile, entre le premier et le cinquième anniversaire. Et la mortalité infanto-juvénile, entre la naissance et le cinquième anniversaire. Le quotient de mortalité infantile correspond au nombre de décès survenus avant le premier anniversaire, rapporté au nombre de naissances. Le quotient de

mortalité infantile a beaucoup baissé au Burkina Faso, passant de 182 p. 1000 en 1960 à 91,7 p. 1000 en 2006. On note toutefois une discontinuité de la baisse. En effet, de 93,7 p. 1000 en 1993, le quotien remonte à 107 en 1996, puis entame une nouvelle baisse jusqu'à 81 en 2003, pour remonter en 2006. Les épidémies, telle que celle de méningite, pourrait constituer l'explication. Toujours estil que de manière globale, entre 1960 et 2006, la probabilité de décéder avant un an a été divisée par deux. Cette amélioration est due pour une grande partie à l'augmentation de la couverture vaccinale. Mais si l'évolution est positive, la mortalité infantile demeure trop importante. La mortalité des moins de cinq ans, ou mortalité infanto-juvénile, a elle aussi connu une baisse importante, passant de 360 p. 1000 en 1960 à 141,9 p. 1000 en 2006. Là aussi, la baisse est discontinue, avec des remontées au début et à la fin des années 90.

5/ Mortalité générale et espérance de vie.

La mortalité générale est représentée par le Taux But de Mortalité (TBM), les taux de mortalité par
groupe d'âge, la table de mortalité du moment, et l'espérance de vie. Le TBM correspond au nombre
total de décès d'une année donnée, rapporté à la population totale moyenne de la même année, et est

généralement exprimé pour 1000 habitants. La mortalité générale au Burkina Faso a baissé, passant de 32 p. 1000 en 1960 à 11,8 p. 1000 en 2006. Une évolution positive, mais le taux de mortalité demeure élevé, et recouvre d'importantes disparités selon le milieux de vie. Ainsi, en 2006, le taux de mortalité est de 13,1 p. 1000 environ en zone rurale, contre 6,8 p. 1000 en zone urbaine [RGPH 2006]. De même, l'espérance de vie à la naissance a connue une nette hausse, passant de 33 ans en 1960 à 55,8 ans en 2006. Mais là encore, il s'agit d'une moyenne qui recouvre des disparités. L'écart entre les hommes et les femmes, très faible en 1960, croît avec l'espérance de vie elle-même, et en 2006, elle est de 57,5 ans pour les femmes et 55,8 ans pour les hommes. L'espérance de vie varie aussi selon le milieu de vie, pour atteindre 64,3 ans en milieu urbain, et tomber à 55,1 ans en zone rurale. Enfin, l'espérance de vie varie aussi en fonction des régions, et dans la région la moins favorisée (Centre-Est), la population vit en moyenne 15 ans de moins que dans la capitale.

Evolution du TBM et de l'espérance de vie à la naissance (Eo).

 

1960

1975

1985

1991

1996

2006

TBM (p.
1000)

32

24

17,5

16,4

14,8

11,8*

Eo
(années)

33

...

48,2

52,2

53,5

55,8

Source : enquêtes démographiques (1960-61, 1991), et recencements (1975, 1985, 1996, 2006) -

*les analystes du recensement de 2006 notent que le TBM obtenu à partir des données brutes, en comparaison avec les recensements précédents, traduit une sous-évaluation de la mortalité. Le chiffre a donc été redressé à l'aide de méthodes indirectes.

L'espérance de vie peut se calculer de deux façons : pour une génération, que l'on suit de la naissance à la mort, ou pour plusieurs génération, à un moment donné. La seconde méthode est la plus fréquemment employée, permettant de calculer l'espérance de vie des générations actuelles. Ainsi, on fait comme si une génération x, née l'année a, allait subir à chaque âge les même probabilités de décès que celles que connaissent à chaque âge les générations vivantes durant l'année a. On peut ainsi construire une table de mortalité. Et en déduire l'espérance de vie à chaque

âge, et donc aussi l'espérance de vie à la naissance, qui correspond alors au nombre d'années que vivraient, en moyenne, les individus de la génération x, nés l'année a, si les probabilités actuelles de décéder à chaque âge, restaient inchangées durant toute la vie de ces individus. Plus simplement, l'espérance de vie à la naissance en 2006 correspond au nombre d'années qu'un enfant né en 2006 vivrait si les conditions sanitaires et les risques de mortalité restent constant pendant toute la vie de cet enfant [PNUD]. L'espérance de vie à la naissance n'indique donc pas le nombre d'année réel d'années que ces enfants vont vivre, mais donne une idée de l'état de santé d'une population à un moment donné. Ainsi, une espérance de vie faible, comme cela est généralement le cas dans les pays en développement, comme c'était le cas encore dans la France du XVIIIe siècle, traduit avant tout l'importance de la mortalité avant cinq, ainsi qu'aux grands âges. En revanche, une espérance de vie à la naissance qui augmente, correspond, dans un premier temps, à une réduction de la mortalité des enfants, et dans un deuxième temps, à un allongement de la durée de vie.

Espérance de vie à chaque âge, Burkina, 2006

0 1 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60 65 70 75 80 85

Esperance de vie (annees)

40

70

60

50

30

20

10

0

âge (années)

Le graphique ci-dessus représente donc l'espérance de vie à chaque âge en 2006. D'une manière générale, plus les individus avancent en âge, plus l'espérance de vie diminue. Ce qui somme toute semble logique. Cependant, la courbe présenté une bosse entre 0 et 10 ans. Ainsi en 2006, l'espérance de vie à la naissance est de 55,8 ans, puis elle passe à 61,35 ans à 1 ans, 60,85 à 5 ans, et retombe à 56,76 ans à 10 ans. Après 10 ans, elle diminue de façon régulière jusqu'à 70 ans, et

diminue de façon un peu plus lente après. Ce graphique montre l'impact de la mortalité des moins de 5 ans, et surtout de la mortalité infantile (moins de 1 ans), sur l'espérance de vie. La probabilité de mourir avant un an est très importante, mais ceux qui ont survécu sont généralement les plus résistants, et les risques de mourir par la suite sont moins importants. Le graphique logarythmique suivant qui représente les probabilités de décéder à chaque âge en 2006, illuste bien ce phénomène. A la naissance, la probabilité de mourir est très importante. Puis elle diminue jusqu'à 10 ans. A partir de 10 ans, elle augmente à nouveau, de façon régulière (avec un pic autour de 20 que l'on attribue généralement aux prises de risque des jeunes, et des jeunes hommes en particulier). Après 80 ans, la probablitité de décéder augment plus rapidement. A 85 ans, elle est de 1000 p. 1000, tout le monde est mort.

Evolution du quotient de mortalité selon l'âge,
Burkina, 2006

0 1 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60 65 70 75 80 85

quotient de mortalite

1000

100

10

1

âge (années)

De la même façon, le graphique tiré de la table de mortalité de 2006 (voir ci-dessous), met bien en évidence le nombre important de décès qui ont lieu au cours des cinq premières années, au regard de l'évolution utltérieure. Ainsi, entre 0 et 5 ans, on passe de 100 000 à 85 807 individus. Puis entre 5 et 10 ans, de 85 807 à 84 495. Soit près de 15 000 individus qui décèdent au cours des 5 premières années (dont 10 000 la première année), et 1 300 au cours des cinq années suivantes. Après 5 ans, le nombre de survivants diminue de façon lente et régulière jusqu'à 45-50 ans, puis de plus en plus rapidement après, jusqu'à ce qu'il ne reste aucun survivant. On peut comparer ce

graphique avec l'évolution de la mortalité en France entre au cours des deux dernier siècles. En France, entre 1800 et 1950, la courbe de mortalité s'est progressivement décalée vers la droit, jusqu'à former aujourd'hui quasiment un angle droit, ce qui fait qu'on parle de rectangularisation de la courbe de mortalité. Le graphique ci-dessous montrent que la courbe de mortalité du Burkina Faso est en cours de rectangularisation. Elle correspond à ce que l'on pouvait observer en France à la fin du XIXe siècle. La mortalité des adultes se réduit. Mais la mortalité dans l'enfance et après 50 demeure importante.

Source : à partir de la table de mortalité du moment du RGPH 2006.

De façon générale, l'espérance de vie à connu une constante augmentation depuis 1950. Le graphique ci-dessous a été établi à partir des estimations des Nations Unies. On voit toutefoi que les valeurs sont inférieures à celles des enquêtes et recensements nationaux.

Evolution de l'espérance de vie à la naissance,
Burkina, 1950-2010

60

Esperance de vie (en annees)

55
50
45

 
 

Population totale Femmes Hommes

40
35
30

 

1950-

1955-

1960-

1965-

1970-

1975-

1980-

1985-

1990-

1995-

2000-

2005-

1955

1960

1965

1970

1975

1980

1985

1990

1995

2000

2005

2010

Suite à la conférence d'Alma Ata en 1978 sur les soins de santé primaires, le Burkina Faso adopte la stratégie des SSP comme stratégie de développement sanitaires. C'est donc sur cela que sont basés les Plans successifs de développement sanitaire (programme sanitaire national, 1980- 1990, réajusté en 1984, plans quinquennaux de développement sanitaire 1986-1990, 1991-1995). A partir de 1991, la stratégie des SSP est renforcée par l'Initiative de Bamako. L'accent est alors mis sur la décentralisation du système de santé basé sur le district sanitaire. Mais peu d'améliorations sont observées au niveau des indicateurs sanitaires. Les objectifs des plan sanitaires ne sont pas atteints. Une Politique sanitaire nationale (PSN) est adoptée en 2000. Et un Plan National de Développement Sanitaire (PNDS) a été élaboré sur la base de cette politique pour la période 2001- 2010. Son objectif général est de réduire la morbidité et la mortalité au sein des populations. Si ce plan a été efficace dans une certaine mesure, puisque la mortalité générale a beaucoup baissé, comme la mortalité dans l'enfance, il reste néanmoins de grands efforts à faire concernant cette dernière, qui reste une des plus élevée du monde.

6/ Fécondité : l'amorce d'une diminution ?

L'Indice Synthétique de fécondité (ISF) est obtenu à partir du cumul des taux de fécondité par âge
18

d'une année du calendrier. Il correspond au nombre moyen d'enfants vivants que mettrait au monde une femme à la fin de sa vie féconde, si elle subissait toute sa vie les taux de fécondité par âge observés l'année d'observation. Cet indice repose donc sur le raisonnement d'une génération fictive. Pour le calculer, on utilise donc les taux de fécondité par groupes d'âge quinquennaux, que l'on additionne, et l'on multiplie le résultat par cinq. La descendance finale correspond quant à elle au nombre moyen d'enfants nés vivants qu'a eu effectivement une femme au cours de sa vie. La descendance finale est mesurée en demandant lors d'une enquête aux femmes en fin de vie féconde (45-49 ans), le nombre d'enfants vivants qu'elles ont mis au monde. La mesure de l'ISF comme celle de la descendance finale, comprennent des biais relatifs à la mémoire des évènements, où au fait que les individus confondent parfois mortinatalité (enfant mort-né) et mortalité néonatale précoce (enfant mort au cours de la première semaine).

D'une façon générale, l'ISF a peu baissé au Burkina Faso si l'on compare le chiffre en 1950 (6,1) et en 2010 (5,94), selon les Nations Unies. En fait, selon les chiffres, l'ISF aurait même connu une hausse entre 1950 et 1985 (jusqu'à 7) pour baisser par la suite.

Evolution de l'Indice Synthétique de Fécondite, Burkina, 1950-2050

7,02 7,06 6,94

6,7

6,71

6,56

6,35

6,4

6,1

6,24

6,14

5,94

nombre d'enfants par femme

Source : Nations Unies.

Selon les chiffres des différentes enquêtes et recensements nationaux cette-fois, l'ISF baisse depuis 1985, mais mois rapidement. Ainsi, de 7,2 en 1985, il passe à 7,3 en 1991, 6,9 en 1993, 6,8 en 1998-1999, 6,2 en 2003, et 6,2 en 2006. L'ISF au Burkina Faso demeure ainsi les des plus important d'Afrique Sub-saharienne, avec le Niger et le Bénin notamment.

Le graphique suivant nous permet de comparer l'ISF avec la descendance finale, en 2006, selon le milieu de vie. Au niveau national, l'ISF est très légèrement inférieur à la descendance finale, ce qui indique une baisse de la fécondité. Mais cette évolution générale, comme souvent, recouvre des disparités. Ainsi, en milieu urbain, l'écart est plus prononcé, la diminution de la fécondité est donc plus importante. C'est le cas pour la capitale, comme pour les autres villes, même si la fécondité reste inversement proportionnelle à la taille de la ville. Au contraire, en milieu rural, l'ISF est supérieur à la descendance finale, ce qui indique une fécondité en hausse. Ce phénomène peut être interprété, en partie au moins, comme l'effet de certains déstructurations sociales dues à la modernisation en cours (augmentation de la sexualité avant la mariage, éloignement des méthodes traditionnelles de contraception, mais non-adoption des méthodes modernes).

Source : à partir des données du RGPH 2006.

Le Burkina Faso adopte une politique de population en juin 1991, reprenant les résolutions

des conférences du Caire et de Pékin. Mais cette politique a eu jusqu'à présent peu d'impact au niveau national. C'est au niveau des zones urbaines nous l'avons vu, que les évolutions sont les plus visibles. La majorité de la population continue de vivre du secteur agricole. Les enfants constituent alors une main d'oeuvre dont on peut difficilement se passer. Ils représentent aussi l'assurance maladie et l'assurance vieillesse, que ne fournit pas l'Etat. Par ailleurs, des facteurs anthropologiques expliquent la persistance d'une fécondité élevée : en milieu rural, les valeurs traditionnelles demeurent prépondérante, même si les valeurs modernes commencent à s'imposer, notamment par le truchement du développement de l'éducation (le taux brut de scolarisation au primaire est passé de 30% au début des années 90 à près de 80% aujourd'hui). Mais une descendance nombreuse reste un marqueur de statut social pour l'homme, et notamment le fait d'avoir des garçons est important (dans les sociétés patrilinéaires). Ainsi, tant qu'une femme n'a pas de garçon, elle doit continuer de faire des enfants. Mais au-delà de ça, les enquêtes récentes montrent aussi que 29% des besoins en matière de contraception ne sont pas satisfaits. Les politiques publiques doivent donc intervenir pour une meilleure prise en compte des difficultés d'accès à la contraception.

7/ Augmentation de la prévalence contraceptive, et poids de l'avortement.

Évolution de la prévalence contraceptive (méthodes modernes) au Burkina Faso, 1993-2009.

Année

1993

1998-1999

2003

2006

2007

2008

2009

Toute
méthodes

8

12

14

18,6

19,7

22,1

26,9

M.N. (%)

3,7

6,7

5,1

...

...

...

3,4*

M.M. (%)

4,2

2,6

8,6

...

...

...

23,5*

Source : INSD, annuaire statistique 2008 (enquêtes démographiques et de santé (1993-2003)), annuaire statistique 2009 (2006-2009)) - *calculs effectués à partir du tableau de répartition des utilisatrices par méthodes (en valeurs absolues).

La prévalence contraceptive correspond au nombre total d'utilisatrices (anciennes et nouvelles)

d'une méthode contraceptive quelconque rapporté au nombre total de femmes en âge de procréer (15-49 ans). Ainsi, en 2009, les districts sanitaires (excepté un pour lequel les données manquent) rapportent le nombre de 912 321 utilisatrices, pour un total de 3 494 885 femmes en âge de procréer. Soit une prévalence de 26,9%. Avant 2009, la prévalence était mesurer en prenant au dénominateur le nombre de femmes en âge de procréer duquel était retranché le nombre de grossesses attendues. La méthode de mesure a donc été modifiée en 2009 pour correspondre à celle que recommande l'OMS. Par conséquent, les données des années 2006 à 2008 ont été réévaluées. Pas

On peut donc noter une augmentation importante de la prévalence contraceptive entre 1993 et 2009, puisqu'elle a plus que triplé. Toutefois, la prévalence générale de la contraception comprend les méthodes traditionnelles ou naturelles (MN) et les méthodes modernes (MM). A l'intérieur d'une nette tendance à la hausse, on peut distinguer des variations relatives au poids des méthodes naturelles par rapport aux méthodes modernes. Entre 1993 et 2009, l'écart entre méthodes naturelles et modernes se creuse au profit des dernières. Mais ces évolution générales à la hausse recouvre aussi des disparités selon le lieu de vie. Ainsi, la prévalence de la contraception est toujours plus importante en milieu urbain qu'en milieu rural. Et en milieu rural, les méthodes naturelles sont le plus souvent dominantes.

La contraception permet directement à la femme d'exercer un contrôle sur sa fécondité. Elle permet plus largement au couple de maîtriser le moment d'arrivée des enfants, et leur nombre. Catherine Rollet4 nous rappelle qu'en France, dès le milieu du XVIIIe siècle, les couples ont commencé à agir sur leur fécondité, et ce bien avant l'arrivée des méthodes contraceptives modernes, et sans incitation étatique. C'est ce qu'Henri Léridon a nommé la « première révolution contraceptive » (qui arrive un siècle plus tard dans le reste du monde industrialisé). La « seconde révolution contraceptive », en revanche, touche tous les pays industrialisés après la seconde guerre mondiale. Cette seconde phase est caractérisée par le développement de la pilule et du stérilet, à quoi s'ajoutent le recours à l'avortement en cas de grossesse non désirée, et la stérilisation. Selon les

4 Rollet Catherine, Introduction à la démographie, 2e édition, coll. 128, Armand Colin, Paris, 2006, pp. 80-81.

pays, en développement ou non, l'une ou l'autre méthode domine. Mais la contraception vient satisfaire un besoin, ainsi, « le nombre d'enfants procréés dans un pays ne reflète pas l'impact des technologies modernes de contraception : il reflète avant tout la volonté des couples de réduire la taille de la famille, cette volonté résultant d'un certain niveau d'éducation, et plus globalement d'un certain niveau social et économique. Il peut refléter dans certains cas l'intervention des gouvernements en faveur de la limitation des naissances »5.

La pratique effective de la contraception au Burkina Faso n'est pas l'exact reflet des besoins en matière de contraception. Pour diverses raisons (âge, pressions de l'entourage familial, faible niveau d'éducation, faibles connaissances en matière de contraception, ou d'accès à la contraception, éloignement physique des lieux de distribution, réticences, etc...), certaines femmes qui pourraient vouloir retarder ou espacer les naissances, n'utilisent pas de moyen de contraception (ce besoin non satisfait, qui est mesuré dans les EDS en comparant avec le nombre de femmes utilisatrices de moyens de contraception, le nombre de femmes qui disent ne plus vouloir d'enfants, ou vouloir attendre deux ans avant la prochaine grossesse, était de 29% en 2003). Ces femmes qui ne désirent pas, pas encore, ou plus d'enfants, peuvent alors avoir recours à l'avortement. Mais l'avortement peut être aussi la réponse à une grossesse résultant d'une relation illégitime. Selon Clémentine Rossier6, dans les langues locales d'Afrique de l'Ouest, il n'existe pas de termes pour « grossesse non désirée », en revanche, on parle de « grossesse honteuse ». Dans ce cas, l'avortement est perçu, aussi, comme une pratique « honteuse », puisqu'il révèle, en les dissimulant, les fautes sexuelles [Bleek 1981, Jonhston-Hanks 2002, Rossier, Pictet et Ouédraogo, à paraître).

Quoiqu'il en soit, l'avortement provoqué est une pratique illégale (sauf en cas de viol, inceste, vie de la mère en danger, ou malformation du foetus), et en réalité peu poursuivie, mais c'est surtout une patrique réprouvée socialement [Rossier, 2006]. Malgré cela, les acteurs de l'avortement (clients et prestataires, femmes et hommes) finissent par en parler à un nombre de personnes important. Mais tous les acteurs « mettent en place des systèmes de sécurité pour éviter

5 Opus cité, p. 82.

6 Rossier Clémentine, L'avortement : un secret connu de tous ?, Sociétés contemporaines, 2006, n°61, pp. 41-64.

que leur secret ne s'évente ». Cette pratique du secret éclaire la sous-déclaration des avortements dans toutes les enquêtes. Mais c'est aussi ce qui va permette de constituer un nouvel outil de mesure des avortements clandestins : la « méthode des confidentes ». Ce pourrait être une façon d'estimer le nombre d'avortements clandestins. Des auteurs proposent des méthodes d'estimations indirectes des avortements provoqués à partir des EDS [Johnston et Hill, 1996]. « En moyenne, l'avortement semble exercer sur la fécondité une influence comparable à celle de la pratique contraceptive »7. Ainsi, pouvoir mesurer l'ampleur de l'avortement s'avère nécessaire lorsque l'on cherche à étudier le rapport entre les déterminants de la fécondité et le niveau de fécondité, sous peine de produire des résultats faussés.

La méthode proposée consiste en une estimation résiduelle de l'avortement, en représentant l'équation de Bongaarts sous la forme : Ca = ISF/(TF*Cm*Cc*Ci), avec Ca l'indice pour la réduction proportionnelle de la fécondité causée par l'avortement provoqué, ISF l'indice synthétique de fécondité, TF le nombre moyen de naissance par femme durant ses années de reproduction et estimé à 15,3, Cm l'indice pour la réduction proportionnelle de la fécondité causée par la non-exposition au mariage, Cc l'indice pour la réduction proportionnelle de la fécondité causée par l'utilisation de la contraception, et Ci l'indice pour la réduction proportionnelle de la fécondité causée par l'insusceptibilité post-partum.

L'indice conjoncturel (ou synthétique) d'avortement est calculé dans l'EDS de 1993. Il est 0,31 et correspond au nombre moyen d'avortements qu'une burkinabé aura dans sa vie si elle a des avortements aux taux par âge prévalent durant les cinq années précédent l'enquête. Les auteurs de l'article arrivent quant à eux pour le Burkina Faso, à partir de l'EDS de 1993, à un indice d'avortement de 0,95. Il y a donc une différence considérable entre les deux chiffres, qui doit résulter pour l'essentiel de la sous-déclaration des avortements. Dans un pays comme le Burkina Faso, où l'avortement est illégal, et où il n'existe donc pas de système d'enregistrement statistique des avortements, une méthode d'estimation indirecte des avortements provoqués semble bien

7 Johnston Heidi B., Hill Kenneth H., Avortement provoqué dans le monde en développement : estimations indirectes, in Perspectives internationales sur le plannig familial, numéro spécial de 1996, pp. 15-22.

incontournable8. Les EDS de 1998-99 et 2003 ne donnent pas d'indice conjoncturel d'avortement par estimation directe, et les données fournies ne permettent pas de le calculer.

9/ Indicateurs du vieillissement de la population et projections.

Source : à partir des données des Nations Unies.

Le Burkina, nous l'avons vu au début, a toujours une pyramide des âges de forme « pyramidale », avec des générations de plus en plus importantes numériquement au fur et à mesure que l'on passe des âges les plus élevés aux âges inférieurs. Le vieillissement démographique y est encore à venir. La pyramide réalisée à partir des projections de population des Nations Unies pour 2050 montre que la part des jeunes devrait diminuer au profit des adultes. Le haut de la pyramide reste effilé, les

8 La méthode cependant n'est pas exempte de biais. Se reporter aux travaux des auteurs pour plus précision.

personnes âgées sont encore peu nombreuses. Si la fécondité et la natalité baissent, le pays devrait entamer la seconde phase de la transition démographique. Il connaîtra donc pendant quelques décennies encore une croissance démographique importante. Mais le rapport de dépendance des moins de 15 ans va s'inverser. La part des actifs va devenir plus importante, ce qui pourrait constituer un atout pour le développement économique du pays. Toutefois, l'émigration, et en particulier des jeunes hommes, est importante aussi. Et si elle persiste, le pays ne pourra tirer complètement profit de sa structure par âge. Enfin, si les conditions sanitaires et de vie continuent de s'améliorer, la population vivra de plus en plus longtemps, et le poids des personnes âgées augmentera. Avec le vieillissement de la population, risquent aussi de se développer les maladies chroniques, dites « de civilisation », et les « maladies » de la vieillesse. Selon Gilles Pison [2009], le vieillissement démographique sera plus rapide au Sud qu'au Nord. Alors, toutes ces évolutions de la structure par âge qui n'ont pas encore eu lieu, mais que l'on peut, avec plus ou moins de précision, anticiper, doivent être prises en compte dès à présent dans l'élaboration des politiques publiques. En effet, si l'on veut mettre en place ou généraliser des systèmes de sécurité sociale (assurance maladie, retraite), les réflexions doivent envisager, d'ores et déjà, les évolutions démographiques, futures certes, mais probablement rapides.

BIBLIOGRAPHIE

1/ Rapports d'enquêtes et recensements :

Enquêtes démographiques et de santé : 1993, 1998-1999, 2003.

Recensements : 1996, 2006.

Annuaires statistiques : 2007, 2008, 2009.

2/ Autres rapports :

Ministère de la santé, La santé d'après les enquêtes statistiques nationales, une synthèse des résultats disponibles depuis l'indépendance du Burkina Faso, septembre 2010. http://cns.bf/IMG/pdf/Sante_d_apres_les_enquetes.pdf

Burkina Faso, Rapport pays : suivi des objectifs du millénaire pour le développement, Unesco, 2003.

http://planipolis.iiep.unesco.org/upload/Burkina%20Faso/Burkina_Faso%20MDG%20French.pdf

3/ Ouvrages et articles :

Benoît Daniel, Une étude démographique à partir des registres paroissiaux en pays Gourounsi, Cah. O.R.S.T.O.M., série Sc. Humaines, vol. XIII, n°3, 1976 : 297-310. http://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/pleins_textes_4/sci_hum/00960.pdf

Johnston Heidi B., Hill Kenneth H., « Avortement provoqué dans le monde en développement : estimations indirectes », in Perspectives internationales sur le plannig familial, numéro spécial de 1996, pp. 15-22.

Hertrich V., et Pilon M., « Transitions de la nuptialité en Afrique », ORSTOM, 1997, 27 p.

Pison Gilles, « Le vieillissement démographique sera plus rapide au Sud qu'au Nord », in Population et sociétés, n°457, juin 2009, 4 p.

Rollet Catherine, Introduction à la démographie, 2e édition, coll. 128, Armand Colin, Paris, 2006, pp. 80-81.

Rossier Clémentine, « L'avortement : un secret connu de tous ? », Sociétés contemporaines, 2006, n°61, pp. 41-64.






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