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Les implications juridiques du transfert des affaires du Tribunal Pénal International pour le Rwanda devant les juridictions rwandaises

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par Jean Maurice Mugabonabandi
Université nationale du Rwanda - Bachelor's degree  2008
  

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Section III. La non imposition de la peine de mort

Le RPP requiert que les États vers lesquels les affaires du TPIR seront renvoyées ne doivent ni imposer ni appliquer la peine de mort189(*).

Partant de cette exigence, le Rwanda, un pays désireux à recevoir et juger les affaires du TPIR, a adopté une Loi Organique portant abolition de la peine de mort. L'article 3 de cette loi portant le titre de « remplacement de la peine mort » stipule que « dans tous les textes des lois en vigueur avant l'entrée en vigueur de présente Loi Organique, la peine de mort est remplacée par la peine d'emprisonnement à perpétuité ou par la peine de réclusion criminelle à perpétuité conformément à la présente loi »190(*).

Néanmoins, les opposants au transfert ne sont pas satisfaits de cette avancée de la législation rwandaise. Human Rights Watch, l'Association des Avocats de la Défense et la défense des accusés déclarent que malgré cette loi, il y a les autres textes rwandais qui prévoient la peine de mort, et certains accusés particulièrement considérés risqueront la mort191(*). Cet argument a été rejeté par les juges car il est prévu dans l'article 3 de ladite loi Organique que les dispositions antérieures prévoyant la peine de mort sont remplacées par la peine d'emprisonnement à perpétuité ou par la peine de réclusion criminelle à perpétuité conformément à la présente loi192(*). Ainsi, l'abolition de la peine de mort au Rwanda est une amélioration remarquable de la justice pénale rwandaise. Néanmoins, ce texte abolissant le châtiment, en substitue de l'emprisonnement à perpétuité assorti de certaines provisions spéciales comme l'isolement du détenu condamné pour certains crimes, y compris le génocide193(*). La possibilité d'isolement prévue dans cette loi est un des défis majeurs du transfert des affaires du TPIR vers le Rwanda.

Pour le procureur et le Rwanda, aucune peine d'isolement ne serait prononcée contre les accusés transférés par le TPIR, car la loi qui applicable est la loi Organique relative au transfert qui ne prévoit que l'emprisonnement à perpétuité. Cependant, HRW et la défense de Kanyarukiga et Hategekimana mentionnent que l'article 21 de la loi relative au renvoi des affaires du TPIR ne se limite qu'à prévoir que la peine maximale sera l'emprisonnement à vie, sans prohiber l'emprisonnement avec isolation prévue par la loi postérieure portant abolition de la peine mort194(*).

Après la lecture combinée des deux lois, nous pouvons penser que les deux lois sont contradictoires. En effet, elles ont prêté confusion devant les juges du TPIR. D'une part, la loi relative au transfert qui pourrait être considérée comme lex specialis ou loi spéciale stipule dans son article 25 qu'en cas de conflit de lois, les dispositions de la présente loi organique l'emporte sur toute autre loi; d'une autre part, la loi portant abolition de la peine de mort adoptée quelques mois après la première et qui est considérée comme lex posterior ou la loi postérieure mentionne dans son article 9 que « toutes les dispositions antérieures contraires à la présente Loi Organique sont abrogées ».

Pour les juges de la chambre désignée dans l'affaire Kanyarukiga, cette situation est ambiguë car la jurisprudence rwandaise ne détermine pas quelle loi prime sur l'autre195(*). Les juges précités ont décidé que l'accusé transféré au Rwanda courre le risque d'être isolé196(*). Dans l'affaire Munyakazi, la chambre entrevoit que là où la législation interne prévoit l'emprisonnement avec isolement, l'application de cette peine devrait être opérée dans les cas exceptionnels et d'extrême nécessité. Ainsi, la juridiction compétente doit être en mesure de revoir si l'isolation n'est plus nécessaire197(*). N'étant pas conscient de ces mesures au Rwanda, le TPIR a refusé le transfert des accusés vers le Rwanda sous prétexte qu'ils pourraient être isolés198(*).

Avec cette décision, il est vraisemblable que les juges ont trouvé que c'est la loi portant abolition de la peine de mort (lex posterior) qui prime sur la loi relative au transfert des affaires du TPIR vers le Rwanda (lex specialis). Cependant et selon certains juriste, cette loi ne peut pas être appliquée aux accusés transférés tant qu'il y a une loi spéciale qui leur est prévue. Le procureur trouve cette décision partiale car, les juges devraient être conscients qu'en cas de conflit des lois en matière pénale, la loi applicable est la loi favorable aux prévenus qui est à notre sens celle relative au transfert des accusés vers le Rwanda199(*).

Ainsi, le procureur a interjeté l'appel contre cette décision des juges première instance en alléguant que les juges auraient commis des erreurs en trouvant une ambiguïté dans les deux lois précitées régissant les matières séparées et indépendantes200(*), car au moment de la promulgation de la Loi Organique abolissant la peine de mort, la Loi Organique relative au transfert excluait déjà la peine de mort contre les accusés transférés201(*). Avec raison, le Procureur prouve que le préambule de la Loi Organique portant abolition de la peine de mort mentionne les lois et les articles affectés par celle-ci  et la Loi Organique relative au renvoi d'affaire vers le Rwanda y est exclue202(*). La chambre d'appel s'est exprimée sur ce point, et elle confirme l'ambiguïté203(*).

* 189 Voy. Article 11 bis (c) du Règlement de procédure et de preuve du TPIR, déjà citée : Il est prévu dans l'article 11bis (c)  que lorsqu'elle examine s'il convient de renvoyer l'affaire selon les termes du paragraphe A), la Chambre de première instance doit être convaincue que l'accusé recevra un procès équitable devant les juridictions de l'Etat concerné, et qu'il ne sera pas condamné à la peine capitale ni exécuté ».

* 190 Voy. Art .3 de la loi Organique n°31/2007 du 25/2007 portant abolition de la peine de mort, in J.O.R.R.,n 0 spécial du 25/07/2007.

* 191 Réponse de la défense aux éléments sollicités par le TPIR dans ses ordonnances rendues le sur l'affaires

Procureur c.Ildephonse Hategekimana, 24 octobre 2007, p. 5.

* 192 Procureur c. Ildephonse Hategekimana, op.cit., note 6, par.28.

* 193 Voy. Article 4 de la loi organique no 31/2007 du 25/2007 déjà cite : `la peine de réclusion criminelle a perpétuité est une peine de prison a vie assortie des modalités suivante : le condamnée ne peut bénéficier d'aucun mesure de grâce ou d'amnistie, de la libération conditionnelle, ni de la réhabilitation, sans qu'il ait accompli au moins vingt ans d'emprisonnement, le condamne est mis dans l'isolement. La loi détermine le régime particulier d'exécution de la peine de réclusion criminelle'.

* 194Procureur c. Gaspard Kanyarukiga, op.cit., note 6, par.95.

* 195 Id., par.96.

* 196 Ibid.

* 197 Procureur c. Munyakazi, op.cit .note 6, par 30; Comité de Droits de l'Homme, Commentaires générales 20, Article 7 (Quarantième session, 1992), Compilation des commentaires générales et Recommandations Adopté par les traités des organes de Droit de l'homme, U.N. Doc. HRI/GEN/1/Rev. 1 at 30 (1994), para. 6. Further, in assessing whether solitary confinement will amount to a violation of an individual's right to humane treatment which respects his or her inherent dignity, human rights bodies have considered factors such as the duration of the isolation and its physical and mental effects. Voir également, Achutan et Amnesty International c. Malawi, African Commission on Human and People's Rights (ACommHR), Comm. n°.s 64/92, 68/92, and 78/92 (1995), par. 7; Lorse et al.c.le Pays Bas (ECtHR), App. n°. 52750/99), 4 Février 2003, para. 63; Matthew c le Pays Bas (ECtHR) App. n°. 24919/03), 29 Septembre 2005, paras. 200 et 201.

* 198 Ibid..

* 199 Procureur c. Ildelphonse Hategekimana, Affaire n° TPIR / 005/55B/R11bis, Requête du procureur en appel, 14 juillet 2008, par.74. 

* 200 Procureur c. Yussuf Munyakazi, Affaire n° TPIR/ 97/36/R 11bis, Requête du procureur en appel, 27 Juin 2008, par.6.

* 201 Procureur c. Gaspard Kanyarukiga, Requête du procureur en appel, 8 juillet 2008, par.24.

* 202 Id., par.19.

* 203 Procureur c. Yussuf Munyakazi, op.cit., note 98, par.16: «The Appeals Chamber considers that it is unclear how these two laws may be interpreted by Rwandan courts».

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus