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La défense des intérêts américains en Iran par le discours idéaliste, de 1945 à  1954

( Télécharger le fichier original )
par Mickaël, Milad Jokar
Université Caen Basse Normandie - Master 2011
  

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UNIVERSITE DE CAEN
Unité de Formation et de Recherche des Langues Vivantes Etrangères

Département d`anglais

LA DEFENSE DES INTERETS AMERICAINS EN IRAN PAR LE
DISCOURS IDEALISTE
1945-1954

Travail d`Etudes et de Recherche

Présenté pour l`obtention du

Master 2

Par

Mickaël Jokar

Directeur d`Etudes :
Monsieur Andrew Ives
Session de juin 2011

Remerciements

Je tiens tout d`abord à remercier mon directeur de recherche M. Andrew Ives pour ses encouragements et pour la qualité de ses conseils. Je lui suis reconnaissant de m`avoir accordé sa confiance et la liberté nécessaire à la réalisation de mes travaux. Sa direction, claire et précise, ainsi que son regard critique et avisé lors de nos échanges ont été pour moi un appui incontestable.

Mes remerciements vont également à mes professeurs de Master 2, M. Taoufik Djebali, Mme Pascale Guibert et Mme Renée Dickason pour leur disponibilité, leur gentillesse et leurs conseils tout au long de mon cursus de Master.

J`ai une dette particulière envers mes collègues et amies du collège la Bucaille Mme Magalie Bocquet, Mme Marie Houtman et Mme Martine Côte Colisson pour leur soutien qui m`a permis d`avancer dans ce projet.

Parmi tous mes amis, je suis particulièrement redevable à Nourdin Ait-Kassi et Sylvain Duprey pour avoir pris le temps de lire mon travail et conseillé dans le travail d`écriture de celui-ci.

Enfin, il m`est particulièrement important de remercier mes parents, mon frère et ma sur qui m`ont toujours soutenu et sur qui je pourrai toujours compter. Je vous suis infiniment reconnaissant pour tout. Une grande partie de ma motivation vient d`un souhait qui me tient à cur et qui est celui de vous rendre fier de moi.

Tables des matières

Introduction

Jère PARTIE

Le choc géopolitique de la fin de la Seconde Guerre mondiale et le discours idéaliste de Truman

1) Les enjeux géopolitiques que représentait l`Iran pour l`intérêt national « réel » des États-Unis

2) La présentation des intérêts américains selon la rhétorique idéaliste de la Doctrine Truman

a) La présentation des valeurs

b) La création d`entités doxologiques

3) Discours idéaliste et soutien apporté à l`Iran : sortir l`Amérique de son noninterventionnisme

a) Processus discursif de simplification

b) La stratégie discursive idéaliste et la fin de l`isolationnisme américain

c) Discours idéaliste américain et soutien économique et militaire à l`Iran

2ème PARTIE

La mise en place du Programme point IV en Iran

1) La rhétorique de Truman lors du discours d`inauguration : Programme Point IV

a) Présentation du contexte

b) Discours d`inauguration du président Truman : bases d`une vision quiprévaudra en Iran

2) Les conséquences de la rhétorique du Programme Point IV en Iran : l`Etat supernation et l`ethos américain dans le discours de Truman au Shah

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3ème PARTIE

Le discours idéaliste lors de la crise de la nationalisation du pétrole iranien de 1951 et du coup d'état de 1953

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1) Le choc de la nationalisation et la stratégie discursive de l`administration Truman

a) La crise d`Abadan

b) L`intérêt national « réel » américain lors de la crise d`Abadan

c) L`approche discursive de Washington face aux pressions britanniques et iraniennes

70

2) Stratégie discursive et l`utilisation de la crise sous Eisenhower pour la défense de l`intérêt national américain

a)

70
72

Le changement de discours de Washington

b) Coup d`état, discours idéaliste et défense des intérêts américains

81

Conclusion

85

Documents annexes

112

Bibliographie

INTRODUCTION

Entre 1945 et 1953, c'est-à-dire, entre le « choc géopolitique » provoqué par la fin de la Seconde Guerre mondiale et le coup d`état de 1953 qui a renversé le premier ministre Mohammad Mossadegh, les relations entre les Etats-Unis et l`Iran ont été durablement modifiées. Si certains observateurs, comme Bruno Tertrais1, mettent en avant la révolution islamique de 1979 comme l`événement tournant dans les relations entre les États-Unis et l`Iran, nous soutiendrons ici que c`est plutôt le coup d`État de 1953, qui a suivit la nationalisation du pétrole, qui marque le tournant décisif et le début des tensions iranoaméricaines. Nous soutiendrons par ailleurs que les dirigeants américains se sont servis pendant cette période d`un discours idéaliste qui fonctionnait comme outil indispensable permettant de mieux défendre les intérêts des États-Unis en Iran dans les premières années de la Guerre froide.

Lors d`une conférence au Peninsula Peace and Justice Center, Dr Trita Parsi mentionne une notion importante qui est celle de « choc géopolitique ». Il explique que dans le cadre de la géopolitique du Moyen-Orient chaque choc géopolitique permet aux puissances de se redéfinir et que ces chocs créent un renouveau dans les relations internationales.2 La Seconde Guerre mondiale représente ce choc géopolitique puisqu`elle a redéfini les identités des puissances et a donné une nouvelle dimension aux valeurs américaines, désormais mises en avant pour mieux s`opposer à la représentation des valeurs soviétiques. Le rôle important du discours idéaliste pour structurer l`opposition à l`U.R.S.S sera développée dans ce mémoire. Le choc provoqué par la Seconde Guerre mondiale sera donc considéré comme l`élément déclencheur du changement de politique américaine au Moyen Orient. L`analyse du discours politique américain vis-à-vis de l`Iran se focalisera sur les conséquences de ce choc qui s`est suivi de plusieurs crises : la crise

1 Bruno Tertrais, Iran : la prochaine guerre, (Paris, le Cherche Midi, 2007) p.119

2 Dr Trita Parsi, conférence au Peninsula Peace and Justice Center, 30 novembre 2007. Des exemples de chocs géopolitiques cités par Trita Parsi sont l`effondrement de l`Union Soviétique ou de la défaite de Saddam Hussein pendant la première guerre du Golfe. Il explique dans cette conférence: Every time you have a geopolitical shock to the region; it creates opportunities for powerful states to redefine themselves.?

d`Azerbaïdjan, la crise de la nationalisation du pétrole iranien puis le coup d`Etat de 1953.3

Il existe deux valeurs prédominantes en ce qui concerne la politique étrangère des ÉtatsUnis : l`idéalisme et le réalisme.4 Ces deux valeurs ont des répercussions sur le discours public de la politique américaine. Dans son livre American Politics and Society, David McKay explique ce que représentent l`idéalisme et le réalisme en termes de politique étrangère :

Scholars have been quick to identify two competing themes in the post-war period - realist and idealist. Realism is, simply, the pursuit of =national self-interests`, and is associated with international power politics and the implementation of policies that have clear military, diplomatic or economic benefits. Idealism, in contrast, injects moral or normative element into policy, as such presidential rhetoric as =making the world safe for democracy` or achieving =peace with honour` in Vietnam implies.5

Ce mémoire traitera donc de l`idéalisme dans la rhétorique américaine tel que le définie David McKay. Il sera ainsi question, dans un premier aspect, de discours idéaliste de la politique américaine -- discours qui « injecte une morale » dans la rhétorique présidentielle et dans la politique des États-Unis.6

Il faut bien faire la distinction entre un discours idéaliste et une politique idéaliste. Un discours idéaliste n`amène pas nécessairement une politique idéaliste. Par ailleurs, nous n`écartons pas l`hypothèse qu`il est possible d`avoir une politique réaliste tout en ayant un discours idéaliste. Ce mémoire traite bien du discours idéaliste en ce qui concerne la politique étrangère américaine et, comme l`explique Patrick Charaudeau à propos du « discours politique », il s`agira de « tenter de définir une forme d`organisation du langage dans son usage et dans ses effets psychologiques et sociaux, à l`intérieur d`un certain

3 Interrogé sur C-SPAN, Trita Parsi explique que la manière de penser américaine voit le début des tensions entre les États-Unis et l`Iran à partir de 1979 avec la révolution islamique et surtout avec la prise des otages mais il ajoute que les Iraniens voient le début des relations à partir de la révolution constitutionnelle iranienne de 1906 (où les Américains ont joué un rôle important pour aider l`Iran dans son mouvement vers la démocratie) et qu`ils voient le début des tensions à partir du coup d`Etat de 1953 et non à partir de 1979. Trita Parsi on Anti-Government Protests in Iran, 12 décembre 2009, http://www.c-spanvideo.org/program/290640-4 (6 juin 2011). Ali Ansari explique également à ce sujet : For most politically active Iranians, the history of Iran-US relations began in 1953 with the coup orchestrated by the CIA for the overthrow of the democratically elected Prime Minister, Dr. Mohammad Mossadegh.? Ali M. Ansari, Confronting Iran, (New York, Basic Book, 2006) p.27.

4 Selon la définition de Foreign Policy d`Encyclopedia.

5 David McKay, American Politics and Society, Sixth Edition (Oxford: Blackwell Publishing, 2005) p.350. Ce mémoire associera le thème de l`idéalisme définie par David McKay avec la stratégie discursive.

6 Colleen J. Shogan explique à ce propos : Presidents use moral or religious language to describe segments of the American citizenry or the nation as a whole. They also use moral or religious language to defend their proposed policies or the actions they have already undertaken.? Colleen J. Shogan, the Moral Rhetoric of American Presidents, (College Station, A&M University Press, 2006) p.8. Colleen J. Shogan est maître de conférence en Politique et Gouvernement à George Mason University.

champ de pratiques "7. L`auteur ajoute que l`étude du discours politique « est un objet d`étude qui est au centre de diverses disciplines [elle partage la philosophie politique, la science politique, l`histoire et les analyses du discours politique] mais elle s`en différencie par sa finalité ".8 Cette recherche se centrera principalement sur « l`analyse du discours politique " qui, selon Patrick Charaudeau, « s`interroge sur les discours qui rendent possibles aussi bien l`émergence d`une rationalité politique que la régulation des faits politiques ", c'est-à-dire que le discours motive l`action politique.9 Ce mémoire analysera les discours de politique étrangère des États-Unis qui impliquent l`Iran.

Le choc provoqué par la Seconde Guerre mondiale constitua une nouvelle donne en ce qui concerne la défense des intérêts américains. Les enjeux géopolitiques ont été bouleversés et du point de vue américain, la doctrine Truman a instauré une nouvelle stratégie d`expansion des zones sous influence américaine. Le « stratégie discursive " idéaliste de la Maison Blanche a également encouragé à sortir les États-Unis de l`isolationnisme afin de mieux servir la défense du libéralisme et du capitalisme mondial.

La « stratégie discursive " concerne le domaine du discours public, la planification et les choix thématiques qui s`articulent dans un discours mais aussi la coordination du discours dans le but d`atteindre un objectif. Patrick Charaudeau explique à ce sujet :

En fait, les stratégies discursives de l`homme politique destinées à s`attirer la faveur du public dépendent de plusieurs choses : de sa propre identité sociale, de la façon dont il perçoit l`opinion publique et du circuit par lequel il passe pour s`adresser à celle-ci, de la position des autres acteurs politiques qu`ils soient partenaires ou adversaires, enfin, de ce qu`il juge nécessaire de défendre ou d`attaquer, les personnes, les idées ou les actions.10

La stratégie discursive se rapproche beaucoup de la rhétorique11 et elle ne doit pas être vue comme une fin en soi-même mais plutôt comme un moyen de servir l`intérêt national américain. Par conséquent, nous soutiendrons dans cette recherche que la rhétorique présidentielle idéaliste est un outil qui injecte une morale à la politique et qui a pour but de

7 Patrick Charaudeau, Le discours politique : les masques du pouvoir (Paris, Vuibert, 2005) p.24. Cette définition proposée par l`auteur sera en l`occurrence rapprochée au discours politique américain. Patrick Charaudeau est chercheur au CNRS au Laboratoire de Communication Politique.

8 Ibid. p.24

9 Ibid. p.28 L`auteur explique également que « le discours politique n`est pas le tout du politique, mais il n`est pas de politique sans discours politique. Celui-ci est constitutif de celui-là. La politique relève de l`action, et le langage est ce qui motive l`action, l`oriente et lui donne du sens. [... ]L`action politique et le discours politique sont indissolublement liés, ce qui justifie du même coup l`étude du politique par son discours ". Ibid. p. 29.

10 Patrick Charaudeau, op. cit., p.63.

11 Selon Aristote : « la rhétorique est la faculté de considérer dans chaque sujet ce qui s'y trouve de propre à persuader ». Aristote (par Norbert Bonafous), La rhétorique (Paris, A. Durand Librairie, 1856) p.13

persuader les personnes adressées : le Congrès et le peuple américain. Par ailleurs, Aristote expliquait dans son livre Rhétorique qu`il existe trois éléments à prendre en compte dans la mise en forme d`un discours : celui qui parle (l`orateur), le sujet et la personne adressée. Il ajoutait que c`est le dernier des trois -- la personne adressée -- qui détermine le but du discours et ce qu`il vise.12

Un autre élément clé qui sera développé dans ce mémoire concerne l`intérêt national américain. Il sera important de distinguer l`intérêt national « réel » et l`intérêt national « exprimé " car cette recherche soutiendra l`idée que le discours idéaliste peut également servir de façade.

D`une part, l`intérêt national « réel " : il s`agit de ce que les dirigeants américains doivent défendre pour protéger les intérêts stratégiques et économiques de leur nation. Ces intérêts représentent une fin en soi et ils sont mentionnés dans des rapports du Département d`Etat américain (US State Department), du Conseil National de Sécurité (US National Security Council) ou de la CIA. Ils sont exprimés de manière pragmatique.

D`autre part, l`intérêt national « exprimé " : il s`agit d`un moyen de réaliser l`intérêt national « réel ». Il s`expose à travers une stratégie discursive et le discours idéaliste peut être un élément qui permet de défendre ces intérêts. Il se trouve dans les discours publics des présidents.

Ce mémoire se présente en trois parties. La première partie analysera les conséquences directes du choc provoqué par la fin de la Seconde Guerre mondiale et le rôle du discours idéaliste pour la défense des intérêts américains. Ce choc a provoqué l`une des premieres crises de la Guerre froide : la crise d`Azerbaïdjan (province du nord de l`Iran). L`objet de recherche de cette partie sera la défense de l`intérêt national « réel " par la présentation de l`intérêt national « exprimé ». Le discours de Truman après la crise d`Azerbaïdjan mettra en avant la manière de présenter les valeurs et de diviser le monde en deux entités qui resteront dans les imaginaires de chacun pendant toute la période de la Guerre froide. Enfin, cette première partie tentera de démontrer comment la stratégie discursive du président Truman a permis aux États-Unis de ne plus adopter une attitude isolationniste et d`apporter une aide économique et technique à l`Iran.

La deuxième partie de ce mémoire se concentrera sur la défense des intérêts américains grâce à une rhétorique présidentielle idéaliste qui a construit une représentation de la

12 Aristotle, (par Rhys Roberts), Rhetoric (New York, Dover thrifts edition, 2004) p.12

Rhetoric falls into three divisions, determined by the three classes of listeners to speeches. For the three elements in speechmaking speaker, subject, and the person addressed it is the last one, the hearer, that determines the speech's end and object.?

nation américaine 13 . Cette stratégie discursive sera détaillée avec le discours d`inauguration du président (20 janvier 1949) connu sous le nom de programme Point IV. Cette partie tentera d`identifier la mise en place de ce programme dans le cadre de la Guerre froide en Iran et de la défense des intérêts américains.

Enfin, la troisième partie analysera le choc de la nationalisation de l`industrie pétrolière en Iran -- la nationalisation de l`Anglo-Iranian Oil Company (AIOC) qui eut lieu en 1951. Cet événement fut une crise majeure entre une Grande Bretagne en déclin et l`Iran, et les États-Unis furent impliqués et sollicités par les deux pays en conflit. Cette crise (la crise d`Abadan14) conduira au coup d`Etat d`aoüt 1953. Ce chapitre tentera de démontrer en quoi le discours idéaliste de Truman était un outil indispensable pour la défense des intérêts de sa nation dans le conflit qui opposait deux de ses alliés. La stratégie discursive construite par le président démocrate s`appliquaient pour faire face à cette crise. En revanche, elle fut abandonnée par son successeur républicain Dwight Eisenhower qui eut une approche réaliste et qui autorisa le renversement du premier ministre Mohammad Mossadegh. Nous soutiendrons que la rhétorique du président républicain a défendu les intérêts de Washington en servant de façade à l`égard de cette politique coercitive.

Ce mémoire s`appuiera sur des discours des présidents américains mais également sur des allocutions, des conférences de presse ou encore des communiqués. Il inclut aussi des aide-mémoires d`ambassadeur américain en Iran et des lettres échangées entre les présidents Truman et Eisenhower, et le premier ministre Mossadegh. Des documents déclassifiés du Département d`Etat américain, de la CIG (prédécesseur de la CIA) et des rapports du Conseil National de Sécurité (NSC) sont également des sources primaires qui permettront de comprendre comment les discours devaient être prononcés pour défendre l`intérêt national états-unien. Cette recherche mentionne aussi des extraits de législations autorisant les programmes d`assistance à l`Iran proposées par Truman et votées par le Congrès. Des sources secondaires viendront encadrer et apporter des précisions sur les enjeux géopolitiques, la défense de l`intérêt national américain et le contexte des discours. Enfin, un travail d`étude comparative sera également effectué. Il permettra de comparer des théories d`auteurs spécialisés sur l`analyse du discours politique (Paul Chilton, Patrick Charaudeau ou encore Halford Ryan) aux discours qui seront traités dans ce mémoire.

13 Cette deuxième partie évoquera ce que nous appellerons « l`ethos américain » à travers une « rhétorique supernation ».

14 L`AIOC (aujourd`hui appelé le National Iranian Oil Company (NIOC) ou Sherkat Melli Naft e Iran) se situe dans la ville d`Abadan (ville portuaire du Sud ouest de l`Iran qui situe à la frontière de l`Iraq et sur le Golfe Persique).

1ère PARTIE

LE CHOC DE LA FIN DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE ET LE
DISCOURS IDEALISTE DE TRUMAN

1) Les enjeux géopolitiques que représentait l'Iran pour l'intérêt national « réel » des États-Unis

Le contexte de la Guerre froide donnait une nouvelle dimension à l`importance de la position géostratégique de l`Iran pour les intérêts américains. D`un point de vue pragmatique, quels étaient les intérêts que devaient défendre les États-Unis ? Washington devait impérativement garder l`Iran sous son influence aprés le choc provoqué par la seconde guerre mondiale. L`une des premieres crises provoquées par ce choc fut la crise d`Azerbaïdjan15 qui débuta en 1946 aprés que l`URSS de Staline refuse d`évacuer ses troupes du nord de l`Iran. Quelle était cette crise ? Et comment la rhétorique présidentielle américaine a-t-elle présenté cette crise ?

Kristen Blake explique dans son livre the US-Soviet confrontation in Iran 1945-1962 qu`il existe plusieurs écoles de pensée concernant le début de la Guerre froide et la confrontation entre les États-Unis et l`Union Soviétique en Iran. La premiere argumente que les confrontations entre les deux superpuissances eurent lieu à cause des ambitions soviétiques d`étendre leurs intérêts dans la région. La deuxieme argumente que ce sont les tentatives américaines de promouvoir leurs intérêts stratégiques dans la région qui déclenchèrent la crise. Enfin, d`autres estiment que les confrontations résultérent des rivalités entre les États-Unis, l`Union Soviétique et la Grande-Bretagne.16 Nous soutenons dans cette recherche qu`il existait une confrontation d`intérêts stratégiques entre ces trois puissances. Confrontation d`intérêts car la Grande-Bretagne bénéficiait de la majeure partie des recettes de l`industrie pétroliére situé en Iran.17 Celle-ci était toujours rivale de la Russie dans le Grand Jeu (Great Game).18 Et, il s`agissait par ailleurs d`une lutte

15 Il s`agit de la province iranienne nommée Azerbaïdjan et non de l`Etat Azerbaïdjan. Voir Édouard Nissanian, du Berceau de la Perse Antique à la République Islamique D'Iran, (Connaissances et Savoir, Paris, 2006) p.78. Dans son Long Télégramme, le diplomate et chef de mission à Moscou George F. Kennan cite en premier plan la crise en Iran. (Le Long Télégramme, écrit entre 1944 et 1946, et envoyé au secrétaire d`Etat James Byrnes le 22 février 1946, est un document secret (puis publié dans Foreign Affais en 1947) considéré comme étant à l`origine de la dissension entre les États-Unis et l`Union Soviétique). Long Télégramme de George Kennan, 22 février 1946, http://www.gwu.edu/~nsarchiv/coldwar/documents/episode-1/kennan.htm (6 juin 2011)

16 Kristen Blake, the US-Soviet Confrontation in Iran 1945-1962: a Case in the Annals of the Cold War (University Press of America, Lanham, 2009) p.2

17 Ali M. Ansari, op. cit., p.28.

18 Elena Andreeva revient sur le Grand Jeu en Iran et explique notamment le rôle de l`Orientalisme russe en comparaison à l`Orientalisme Occidental. Elena Andreeva, Russia and Iran in the Great Game : Travelogues and Orientalism (Routleg, New York, 2007) p.8-9

d`intérêts qui opposait la politique économique américaine de marché de libre échange d`une part, à la tentative de mise en place du système communiste prônée par l`URSS de l`autre.19

Amin Saikal20 explique qu`il était convenu, lors de la conférence des ministres des affaires étrangères alliés de septembre 1945, que l`Union Soviétique, la Grande-Bretagne et les États-Unis retirent leurs troupes des provinces iraniennes occupées. Toutefois, Moscou, soucieux de la pénétration de la sphere d`influence américaine, exigea une concession de pétrole en échange de son retrait. Cette concession fut refusée par le Majlis21 -- notamment grâce aux efforts du porte-parole nationaliste émergent, le Dr Mohammad Mossadegh -- et les troupes soviétiques restèrent sur le sol iranien. Le Conseil de Sécurité des Nations Unis conseillait un règlement du conflit de manière bilatérale entre Moscou et Téhéran mais Londres et Washington, qui avaient retiré leurs troupes le 1er janvier 1946, envoyèrent chacun une lettre au Kremlin exigeant le retrait soviétique.22 Le nouveau premier ministre iranien Ahmad Ghavam parvint à trouver des accords bilatéraux avec Moscou qui, de son coté, annonça le retrait de ses troupes le 24 mars 1946. En contrepartie, ces accords prévoyaient, d`une part, la gestion de la province d`Azerbaïdjan sous la direction du parti Tudeh et, d`autre part, la mise en place d`une société en commandité par actions irano-soviétique (cette mise en place devait faire l`objet d`un vote au Majlis).23 Ces accords furent très impopulaires et cette crise renforça à la fois l`autorité du Shah Mohammad Reza Pahlavi et celle des américains en Iran. En effet, les Etats-Unis devenaient la principale puissance occidentale ayant position dans les affaires iraniennes, et ce, au dépend de la Grande-Bretagne qui, de son côté, connaissait des grandes difficultés économiques.24

19 Le système de libre échange défendu par les États-Unis s`oppose radicalement au système communiste mais le libéralisme américain a toujours connu plusieurs tendances qui séparent le Parti démocrate et le Parti républicain.

20 Amin Saikal est le directeur du centre d`études arabes et islamiques (Moyen-Orient et Asie centrale) et professeur de Sciences politiques à l`Australian National University.

21 Le Majlis est le nom attribué au parlement iranien.

22 Le rapport du Conseil National de Sécurité sur la situation en Azerbaïdjan du 4 juin 1947 estimait le nombre de troupes soviétiques présent sur le territoire iranien à 60 000. Central Intelligence Group, Developments in the Azerbaijan Situation - National Security Archives http://www.gwu.edu/~nsarchiv/NSAEBB/NSAEBB21/01- 03.htm (6 juin 2011)

23 Peter Avery, Gavin Hambly and Charles Melville, the Cambridge History of Iran, Volume 7, from Nader Shah to the Islamic Republic (Cambridge University Press, New York, 1991 ) p.438-9

A noter que les Soviétiques étaient actionnaires principales puisqu`ils avaient réussi à négocier 51% des actions de la société pour une période de 25 ans. Gholam Reza Afkhami, the Life and Times of the Shah, (Berkeley, University of California Press, 2009) p.98

24 Peter Avery, Gavin Hambly and Charles Melville, op. cit., p.439.

Amin Saikal explique dans ce livre : This [crisis] provided a necessary basis for Washington to widen its involvement in Iran and to transform the country into an anti-communist Western ally, dependent on the United States.?

Les États-Unis bénéficiaient d`une position qui leur était favorable en Iran, notamment grâce à la mauvaise impression que la crise avait laissé car elle renforçait le sentiment d`une Union Soviétique désireuse de faire de l`Iran un satellite socialiste. 25 Par conséquent, Washington devait exploiter ce sentiment antisoviétique afin de préserver ses intérêts. Ces derniers sont exprimés dans un rapport du Conseil National de Sécurité sur la situation en Iran. Ce rapport donne les détails des enjeux que représentait la position stratégique de l`Iran pour les intérêts américains mais il donne surtout un aperçu des intentions soviétiques vis-à-vis de son voisin du sud26. Il explique que la province d`Azerbaïdjan contenait un cinquième de la population iranienne et représentait environ un quart de la production en blé du pays. L`Union Soviétique voyait donc des intérêts dans les ressources naturelles iraniennes. L`autre source majeure était le pétrole situé au nord du pays -- en Azerbaïdjan mais également en Turquie et en Irak (dans les provinces kurdes des trois pays). Ces pays frontaliers de la province d`Azerbaïdjan étaient donc exposés à l`influence soviétique. Ce rapport du Central Intelligence Group (la CIG -- précurseur de la CIA), fait part de la dimension régionale de la situation. En effet, il évoque les risques d`intrusions soviétiques en Irak (avec les champs pétrolifères de Mossoul et de Kirkuk) puis par le sud de la Turquie, provoquant ainsi un risque d`effet domino avec la création de nouvelles « républiques démocratiques " (comme la République Populaire du Kurdistan). Ces riches champs pétrolifères soviétiques du Caucase auraient été menacés par la mise en place d`un gouvernement hostile en Azerbaïdjan.27

Par ailleurs, il est écrit dans ce rapport que le contrôle de l`Azerbaïdjan par une puissance étrangère laisserait la possibilité à celle-ci de dominer l`Iran grace à la configuration montagneuse qui facilitait une conquête. Le positionnement géographique de l`Azerbaïdjan était idéal pour une pénétration et des opérations militaires de la part de l`URSS qui avait la possibilité d`envoyer les troupes indépendantistes kurdes et azerbaidjanaises. Ces troupes avaient afflué dans les territoires soviétiques adjacents après l`intervention du pouvoir central iranien et représentaient « une menace " pour Téhéran.28

Enfin, les services de renseignements américains estimaient que la perte de l`Azerbaïdjan menacerait l`indépendance iranienne. Pour déstabiliser la région, le rapport

25 Ibid.

26 Selon la perspective présentée par le Conseil National de Sécurité américain. Central Intelligence Group, Developments in the Azerbaijan Situation - National Security Archives. Op. cit.

27 Ibid.

28 Ibid.

explique que les Soviétiques fournissaient les mouvements séparatistes et d`oppositions -- du Kurdistan, d`Azerbaïdjan et du parti Tudeh -- en armes. Par conséquent, la défense des intérêts de Washington passait par le soutien du régime central iranien.29

Les renseignements américains estimaient que l`Union Soviétique était capable de réoccuper l`Azerbaïdjan si elle le désirait. Ils ajoutaient que la faiblesse de l`armée iranienne ne permettait pas à l`Iran de protéger son indépendance car elle n`avait pas les moyens d`organiser la défense de ses provinces contre une éventuelle attaque soviétique. Les chances soviétiques d`actions militaires unilatérales étaient diminuées, d`une part, à cause de la mauvaise image due au retard dans le retrait des troupes soviétiques dans le nord ouest de l`Iran et, d`autre part, à cause de la politique étrangère américaine qui se durcissait. Ces actions auraient semé le désordre au sein des Nations Unis et c`est pour cela que les activités soviétiques se restreignaient à des pressions économiques et des subversions politiques. Le risque pour les États-Unis était que le Majlis accepte des concessions pétrolières à l`URSS car un consensus entre Moscou et Téhéran sur l`Azerbaïdjan aurait créé une ouverture à l`exploration et au développement de techniciens soviétique sur le sol iranien. Ces développements auraient -- toujours selon le rapport -- augmenté les efforts soviétiques d`attiser des conflits internes dans le but d`imposer leur hégémonie en Iran (le rapport du Conseil National de Sécurité ajoute en dernière page que l`URSS pouvait avoir la possibilité d`intervenir unilatéralement prétextant que le fait accompli mettait en jeu sa sécurité). Mais le Central Intelligence Group restait optimiste et estimait que le Majlis avait peu de chance d`accepter les concessions à l`URSS. 30

Le champ lexical utilisé par la CIG est d`un autre registre que celui utilisé lors des discours dédié au public. En effet, contrairement au discours idéaliste du président Truman, le rapport du Conseil National de Sécurité mentionne de manière très réaliste les risques de la perte de l`Iran (l`intérêt national « réel »). Ceci est illustré avec l`apparition de termes qui ne figurent pas dans les discours de Truman : « pétrole », « ressources pétrolières » ou « position stratégique ». En revanche, les termes « peuples libres », « nations libres », « paix » ou encore « principes démocratiques » n`apparaissent plus pour ce qui est de décrire les États-Unis ou les valeurs de leurs actions. Par ailleurs, les termes « URSS » et « Union Soviétique » remplacent « des Communistes », « régimes totalitaires » et « activités terroristes » pour qualifier le rival des États-Unis. Le discours présentait donc des différences qui montrent que Washington ne voulait pas dévoiler

29 Ibid.

30 Ibid.

publiquement l`intérêt national « réel ». Cela ne signifie pas pour autant que Truman adoptait une politique différente de celle que son discours présentait mais cela démontre que le discours idéaliste est un outil nécessaire á la défense des intérests des États-Unis.

Le document met l`accent sur l`intérêt national « réel » américain et c`est pour cela que le président se devait de les défendre. Sa stratégie d`expansion du capitalisme était de préserver la souveraineté de l`Iran afin d`éviter que cette nation ne tombe sous influence soviétique. C`est par le biais de la Doctrine Truman que cette défense allait être exprimée au public. La stratégie de la Maison Blanche était possible uniquement avec le consentement du Congrès. Par conséquent, le discours idéaliste du président démocrate était indispensable pour aider á sortir les États-Unis de leur politique noninterventionniste.31

Le rapport de sécurité nationale américain estimait les chances que le Majlis accepte les concessions de pétrole à l`URSS comme étant faibles.32 Les États-Unis devaient donc prendre avantage de cette situation pour faire de l`Iran un état tampon contre le communisme en favorisant un régime fondé sur un système économique de libre échange. De son côté, le premier ministre iranien Ahmad Qavam avait demandé une aide financière ainsi que des conseillers américain -- au plus fort de la crise d`Azerbaïdjan -- pour « rétablir l`Iran comme une nation ».33 Le président Truman engageait les États-Unis á renforcer la solidité du régime central iranien et ce soutien américain dans cette nation représentait l`un des piliers de la politique globale de la doctrine Truman. Cette doctrine fut prononcée lors de son célèbre discours du 12 mars 1947 au Capitole, soit quelques mois seulement apres la crise d`Azerbaïdjan.

2) La présentation des intérêts américains selon le discours idéaliste de la Doctrine Truman

Le choc géopolitique crée par la défaite de l`Allemagne Nazi en 1945 a fait basculer l`équilibre géopolitique puisque seulement deux superpuissances allaient désormais dominer la scène internationale. Comme le démontre le rapport du Conseil National de

31 Voir le chapitre sur la doctrine Truman

32 Central Intelligence Group, Developments in the Azerbaijan Situation #177; National Security Archives. Op. cit.

33 Rouhollah K. Ramazani, ELOT9FRUHn93 RGE191941-1973 : A Study of Foreign Policy in Modernizing Nations (University Press of Virginia, Charlottesville, 1975) p.154

Sécurité sur la crise d`Azerbaïdjan, la nouvelle frontière entre l`U.R.S.S et l`Iran représentait un nouvel enjeu géostratégique pour les États-Unis. Le manque de stabilité économique et politique en Iran constituait un risque pour les intérêts américain. Ce problème de manque de stabilité existait dans d`autres pays non-loin de l`Iran comme en Turquie et en Grèce. La situation est donc globale et c`est par le biais de la doctrine Truman que les États-Unis ont exprimé les valeurs à défendre. Le discours du 12 mars 1947 permettait à Truman de demander au Congrès un budget pour aider économiquement et financièrement la Grèce, la Turquie, puis l`ensemble du Moyen-Orient34 par la suite, afin de stopper l`influence communiste exercée par l`Union Soviétique. L`Iran étant un théâtre important de la Guerre froide, les Etats-Unis considéraient ce pays comme une nation qui faisait partie du cadre global de la défense de ses intérêts.

Le discours de Truman devait donc être à la hauteur de ce choc. Elizabeth Edwards Spalding explique dans son livre The First Cold Warrior que la doctrine Truman représente la première doctrine présidentielle américaine depuis la doctrine Monroe de 1823. L`auteur ajoute que le discours du 12 mars 1947 eut une magnitude comparable à celui du président républicain James Monroe.35

Le discours présenté au Congrès par Truman défendait l`intérêt national de sa nation en promouvant les valeurs américaines et en créant des entités distinctes. Le président présentait un discours conforme à la tradition de l`idéalisme américain. Il s`identifiait comme le nouveau leader mondial en mettant en place une stratégie discursive dichotomique et idéaliste afin d`exprimer la stratégie de défense de l`intérêt des États-Unis et d`alléguer la paix dans le monde. Cette stratégie discursive se retrouve dans des formulations comme « le maintien de la liberté des peuples libres » opposées à d`autres comme « les semences des régimes totalitaires »36.

Le discours devait permettre de justifier un interventionnisme américain en Grèce, en Turquie et dans l`ensemble du Moyen-Orient. La présence des États-Unis défendait ainsi l`expansion de la démocratie libérale et du capitalisme de marché mondial. Nous avons

34 Lors de son intervention devant le Congrès, Truman disait : That integrity [Turkey's national integrity] is essential to the preservation of order in the Middle East.?

Special Message to the Congress on Greece and Turkey: the Truman Doctrine, 12 mars 1947 (document annexe n°1).

35 Elizabeth Edwards Spalding, The First Cold Warrior: Harry Truman, Containment, and the Remaking of Liberal Internationalism (Lexington, University Press, 2006), p.68 Dr Spalding est maître de conférence à Claremont McKenna College.

36 Truman nommait ainsi le communisme dans son discours : « Les semences des régimes totalitaires sont nourries, par la misère et le dénuement ». Voir l`intégralité du discours dans le document annexe n°1.

sélectionné pour cette recherche, un extrait du discours qui résume quatre éléments clés de la doctrine Truman.

(1) The very existence of the Greek state is today threatened by the terrorist activities of several thousand armed men, led by Communists, who defy the government`s authority at a number of points, particularly along the northern boundaries

(2) [...] I believe that we must assist free peoples to work out their own destinies in their own way. I believe that our help should be primarily through economic and financial aid which is essential to economic stability and orderly political processes.

(3) [...] The seeds of totalitarian regimes are nurtured by misery and want. They spread and grow in the evil soil of poverty and strife. They reach their full growth when the hope of a people for a better life has died. We must keep that hope alive.

(4) The free peoples of the world look to us for support in maintaining their freedoms. If we falter in our leadership, we may endanger the peace of the world--and we shall surely endanger the welfare of this Nation.37

Le président Truman expose au Congrès et au peuple américain les valeurs que les États-Unis feront prévaloir durant toute la période de la Guerre froide. A partir de ce discours, la politique américaine en Iran sera motivée par cette doctrine qui peut se résumer en quatre principes. Dans son premier point, Truman présente la menace « dirigée par les Communistes " (cf.1). Deuxièmement, il insiste sur le soutien aux « peuples libres » pour une liberté d`agir propre à chacun (cf.2). Troisièmement, il évoque la lutte contre la pauvreté pour ne pas tomber dans le communisme (dans ce discours Truman ne cite pas encore explicitement l`Union Soviétique mais il parle de « régimes totalitaires " à la place) (cf.3). Et enfin, quatrièmement, il expose le « maintien de la liberté " et la « paix dans le monde " (cf.4).

Ces valeurs sont en adéquation avec les valeurs idéalistes que décrit David McKay. Il s`agit du discours précurseur de la doctrine Truman et - comme l`explique l`économiste Isaiah Franck -- « les différents programmes d`aide américains ont été justifiés au peuple américain et au Congrès essentiellement en termes de Guerre froide "38. En effet, le président Truman pose les fondements de sa rhétorique et de sa politique étrangère sur la création de cette dichotomie entre « les peuples libres " et « le Mal " en utilisant des déictiques qui mettent en évidence une opposition d`entités et de valeurs. Nous avons donc deux éléments discursifs : la présentation des valeurs et la création d`entités.

37Ibid.

38 Isaiah Franck, America and the World: from the Truman Doctrine to Vietnam (Baltimore, the Johns Hopkins Press, 1970) p.243 Beginning 1947, the various U.S. aid programs have been justified to the American people and the Congress primarily in terms if Cold war.? Isaiah Franck était un expert en commerce internationale, un professeur d`économie et président du comité consultatif du Département d`Etat américain sur l`investissement international.

a) La présentation des valeurs

Sur le plan de la politique internationale, les circonstances uniques de l`apres guerre favorisaient les rapports entre le pouvoir exécutif et le législatif. Le consensus politique concernant les affaires étrangeres américaines était d`une part renforcé par l`expérience partagée de la guerre et, d`autre part, par la quasi-unanimité forgée par la Guerre froide et la menace soviétique. Par ailleurs, la domination incontestée de l`économie américaine face à une Europe et un Japon encore en ruine était facteur d`unité et de force.39 Enfin, le parti Démocrate dominait la politique nationale (depuis le New Deal de Franklin D. Roosevelt).40 Bien que tous ces facteurs favorisassent la cohésion, Truman ne bénéficiait pas d`une cote de popularité en sa faveur (chute allant de 87% en juin 1945 à 32% en septembre 194641) ni de la majorité au Congrès. Sa rhétorique devait donc mettre en place un discours persuasif -- surtout pour persuader les conservateurs, adeptes d`une politique isolationniste, qui étaient opposés à la politique d`une gauche libérale42.

Tout d`abord, il faut noter que le président ne s`adresse pas seulement au Congrès, mais également à l`ensemble des citoyens américains. Un document datant du 28 février 1947 (soit treize jours avant le discours) révèle que le discours ne devait pas faire de distinctions entre ce qui devait être dit au public et ce qui devait être présenté au Congrès.43 Le discours de ce programme (mais également les discours qui seront analysés plus tard dans ce mémoire) s`adresse donc aux « masses » et certains paramètres énoncés par Patrick Charaudeau se retrouvent dans le discours de Truman :

Parce que s`adresser aux masses, c'est-à-dire à un ensemble d`individus hétérogènes et disparates du point de vue de leur niveau d`instruction, de leur possibilité de s`informer, de leur capacité à raisonner et de leur expérience de la vie collective, implique que l`on mette en exergue des valeurs qui puissent être partagées et surtout comprises par le plus grand nombre, faute de quoi on se couperait de public [...] L`homme politique doit donc chercher quel peut être le plus grand dénominateur commun des idées

39

Barack Obama, L'audace d'espérerU lEU ELLEULEULULLULLEn, (Points, 2009) p.39

40 D`après la définition de Democratic Party. ELULTILLELEEELELEUNFLUMLETERBLE, (New York, Oxford University Press, 2009) p.143

41 John A. Garratz et Mark C. Carnes, ULLNIL ETUJELMIZEELLEEy, IEMULLI1 (Oxford University Press, New York, 1999) p. 860

42 Ibid.

43 Chronology, Drafting of the President Message of March 12, 1947?, ca. March1947, Subject File, J.M. Jones Papers, Truman Library

http://www.trumanlibrary.org/whistlestop/study_collections/doctrine/large/documents/index.php?pagenumber=1 &documentdate=1947-03-00&documentid=7-3 (6 juin 2011)

du groupe auquel il s`adresse, tout en s`interrogeant sur la façon de les présenter.44

La stratégie du président Truman était donc de présenter son discours de manière à cibler quel est « le plus grand dénominateur commun des idées du groupe auquel il s`adresse » tout en sachant qu`il s`adresse « à un ensemble d`individus hétérogenes et disparates ». Il devait donc mettre « en exergue des valeurs qui puissent être partagées et surtout comprises par le plus grand nombre ». Les valeurs les plus communes à chacun aux États-Unis sont celles qui résident dans la déclaration d`indépendance signée le 4 juillet 1776 : la vie, la liberté et la recherche du bonheur. Cette déclaration stipule :

Nous tenons pour évidentes par elles-mêmes les vérités suivantes : tous les hommes sont créés égaux ; ils sont dotés par leur créateur de certains droits inaliénables ; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur.45

Comme l`écrit Barack Obama dans son livre l'AXTahFId'EkSpLFI, « ces mots simples sont notre point de départ en tant qu`Américains ».46 Il explique que ces mots décrivent non seulement les fondements du gouvernement américain mais aussi la substance des croyances communes des Américains. Il ajoute que cette idée de liberté est comprise par tous les Américains, qu`elle les oriente, fixe leur cap chaque jour et que cette valeur est profondément gravée chez eux.47 Par conséquent, Truman mettait en avant ces valeurs afin de créer un consensus parmi son auditoire car peu de temps après que « le monde occidental a été libéré des forces malfaisantes (ou maléfiques -- evil forces) »,48 les valeurs de la liberté résonnaient dans chaque esprit et avaient donc un impact plus important. Présenter le discours de cette manière offrait davantage de chances au président Truman de mettre en ~uvre son programme qui allait également s`appliquer en Iran. Par ailleurs, il n`évoque pas ces valeurs dans le but de convaincre, mais il le fait plutôt dans le cadre d`une praxis rhétoricienne. En effet, son discours suit la logique d`Aristote qui expliquait que :

44 Patrick Charaudeau, op. cit., p.75. L`auteur met en garde quant au terme « masse » en expliquant qu`il n`est plus possible aujourd`hui de considérer l`instance citoyenne comme une masse. (Ibid. pp. 202-203) Nous tiendrons compte de ceci tout au long du mémoire.

45 Déclaration d`indépendance des États-Unis d`Amérique.

We hold these truths to be self-evident, that all men are created equal, that they are endowed by their Creator with certain unalienable Rights, that among these are Life, Liberty and the pursuit of Happiness.' http://www.archives.gov/exhibits/charters/declaration_transcript.html (6 juin 2011)

46Barack Obama, op. cit., p.72.

47 Ibid. Il affirme également que « c`est avec le langage des valeurs que les gens dressent la carte de leur monde ».

48 Discours du président Truman, 8 mai 1945, Proclamation 2651 - Victory in Europe: Day of Prayer.

La rhétorique est une science d`un genre indéterminé comme la dialectique ; son utilité ; sa fonction n`est pas de persuader, mais de considérer dans chaque sujet ce qu`il y a de propre à persuader.49

Aristote explique que la rhétorique prend en considération « dans chaque sujet ce qu`il y a de propre à persuader ". Dans notre recherche, les sujets sont les auditeurs du discours du président américain. Donc, ce dernier devait, avec ses conseillers, effectuer un travail de recherche afin de trouver les mots sensés avoir le plus d`impact dans les esprits de chacun. En effet, malgré les risques que représentait la situation en Iran pour les intérêts américains (risques exposés dans le rapport du Conseil National de Sécurité), Truman ne donne pas d`explication technique et détaillé. Cette situation, quasiment inconnue du public américain, n`était pas expliquée dans le discours public de Truman par crainte « de se couper du public "50. Pour que le gouvernement américain puisse agir dans ce pays, Truman se sert du discours idéaliste pour lui permettre d`engager une politique en Iran. Cette stratégie discursive est utilisée comme leitmotiv puisque, au lieu de décrire des situations complexes et difficiles à comprendre pour les « masses ", elle se base davantage sur des principes et des valeurs qui font office de façade puisque celles-ci sont simples à comprendre par le plus grand nombre.51

Enfin, certains affirmaient que Truman exagérait la menace en Grèce et en Turquie et qu`il mettait en avant ces valeurs dans le but de persuader, ou de jouer sur les craintes du Congrès et du public afin que ceux-ci approuvent.52 Quoi qu`il en soit, dans ce nouveau contexte de Guerre froide, l`injection de valeurs morales dans le discours montre que la rhétorique idéaliste servait l`intérêt national américain. En effet, d`un point de vue national, le président démocrate mettait en avant les principes idéalistes dans le but de persuader le Congrès et l`opinion publique. S`agissant de persuader la communauté internationale, le discours idéaliste de Truman permettait de mettre l`emphase sur les valeurs traditionnellement exprimées par les États-Unis au détriment de celles de l`Union Soviétique. On voit donc apparaitre à cette époque, plus que jamais, deux entités distinctes et, du point de vue américain, le discours idéaliste influence l`auditeur à basculer vers le système économique, social et politique prôné par Washington.

49 Aristote (par Norbert Bonafous), La rhétorique (Paris, A. Durand Librairie, 1856) p.13

50 Reprise de la formulation exprimée par Patrick Charaudeau concernant la manière de s`adresser aux masses.

51 A noter également que le fait d`expliquer au contribuable américain la mise en place d`un programme de stabilisation de l`Iran aurait été une stratégie qui aurait probablement échouée. En effet, expliquer chaque crise en détail aurait compliqué le débat et compromis les chances de réussite de la doctrine Truman. (Le 3ème chapitre de cette partie de ce mémoire explique en détail cette stratégie discursive).

52Elizabeth Edwards Spalding, op. cit., p.66.

Ceci sera développé en détail dans les chapitres 2 et 3.

b) La création d`entités doxologiques53

Comme l`explique le diplomate américain (et chef de mission à Moscou) George F. Kennan dans son Long Télégramme, l`Union Soviétique voyait déjà le système capitaliste comme un danger pour ses intérêts. Ce document montre que l`Iran était l`une des premières préoccupations de la Guerre froide. Kennan décrit les ambitions soviétiques ainsi :

Wherever it is considered timely and promising, efforts will be made to advance official limits of Soviet power. For the moment, these efforts are restricted to certain neighboring points conceived of here as being of immediate strategic necessity, such as Northern Iran, Turkey, possibly Bornholm. However, other points may at any time come into question, if and as concealed Soviet political power is extended to new areas. Thus a "friendly Persian Government might be asked to grant Russia a port on Persian Gulf.54

Pour défendre ses intérêts, Washington devait inclure l`Iran dans sa sphere d`influence car « les efforts » du Kremlin dans le Nord de l`Iran risquaient de s`étendre jusqu`au Golf Persique. En revanche, l`administration Truman utilisait un discours idéaliste qui mettait en avant deux entités de manière manichéenne afin d`influencer les Iraniens, le Shah et les dirigeants. Par ailleurs, la rhétorique américaine a servit de contre propagande au régime communiste.55 Il existe chez les deux superpuissances une volonté politique d`implanter un système économique en Iran et le discours idéaliste est un moyen d`arriver à cette fin. Comment la stratégie discursive de Truman a-t-elle mis en opposition les entités « ÉtatsUnis » et « Union Soviétique » afin de faire basculer l`Iran dans une économie de libre échange ? La fin de la Seconde Guerre mondiale positionne l`Iran entre « les machines de propagandes » des deux superpuissances. Pour implémenter cette contre propagande, l`effort diplomatique américain -- avec le président Truman et son secrétaire d`Etat George Marshall puis James Byrnes aux commandes -- devait mettre en place une stratégie discursive idéaliste mettant en valeurs l`entité libérale aux dépens de l`entité

53 Il faut noter que l`opposition entre l`idéologie capitaliste et communiste existait avant le discours de la doctrine Truman. Dans le Long Telegram, Kennan cite Stalin qui disait déjà en 1927 : In course of further development of international revolution there will emerge two centers of world significance: a socialist center, drawing to itself the countries which tend toward socialism, and a capitalist center, drawing to itself the countries that incline toward capitalism. Battle between these two centers for command of world economy will decide fate of capitalism and of communism in entire world.? Long Télégramme de George Kennan, 22 février 1946, http://www.gwu.edu/~nsarchiv/coldwar/documents/episode-1/kennan.htm (6 juin 2011).

54 Ibid.

55 Dans son télégramme, George Kennan explique l`importance de l`influence de « la machine de propagande » soviétique dans le nord de l`Iran. Ibid.

communiste. Pour cela, le discours utilisé par la diplomatie américaine et un discours manichéen, qui créer deux entités bien distinctes.

Pour illustrer cela, la stratégie discursive de Truman peut être mise en relation avec l`analyse de Paul Chilton sur un discours d`adresse à la nation du président Bill Clinton. D`une part, cette analyse sera reliée avec les changements provoquées par le choc de la seconde guerre mondiale/début de la Guerre froide sur la rhétorique américaine et, d`autre part, elle permettra de comprendre les conséquences engendrées par cette stratégie sur la politique de Washington en Iran.

Dans son livre « Analysing Political Discourse: Theory and Practice ", le professeur Paul Chilton analyse minutieusement une stratégie discursive similaire à celle employée par Truman en ce qui concerne les « centres déictiques ». L`auteur explique qu`il est possible d`induire un amalgame -- au sens « communication " du terme -- du « we » (nous) grâce à un regroupement des déictiques « I » (je mais aussi mon/ma/mes) et « our " (notre/nos) afin d`inférer une attente basée sur un cadre de connaissance commun56 ; les pronoms « I » sont associés aux pronoms « we " dans le but de créer une proximité entre l`émetteur (Truman) et le récepteur (le peuple américain, le Congrès et les « peuples libres "). Paul Chilton explique à ce propos que « le centre déictique se construit tel une relation entre l`orateur et les auditeurs à l`intérieur d`une entité politique, et la proximité personnelle semble être une possible inférence. " 57

La rhétorique de Truman reprend ce « centre déictique construit sur la relation entre l`orateur et l`auditeur ". Le président démocrate exprime ses perceptions et les actions qu`il souhaite mener avec le consentement de son auditoire en créant une première entité

« I » en corrélation avec « we » et « our help » (cf. 2 - « I believe that we must assist free peoples / I believe that our help ... "). Ce rassemblement, cette unité et cette « proximité personnelle " facilitent le processus de justification de la politique du président et aide à l`approbation des idées et des valeurs mises en avant par ce dernier. Le déictique « on " joue un rôle de guide58 et créé une unité entre le programme de la branche exécutif américaine, le Congrès et le peuple américain. Dans une autre mesure, il vise à rassembler

56 Paul Chilton, Analysing Political Discourse: Theory and Practice (New York, Routledge, 2004) p.138 L`auteur analyse les citations suivantes : (1) My fellow Americans, today our armed forces joined NATO allies in air strikes against Serbian forces responsible for the brutality in Kosovo. (2) We have acted with resolve for several reasons.? L`auteur explique : Sentence (2) seems to induce a conflation of the I concept and our armed forces concept into a we concept.?

57 Ibid. p.139

58 Patrick Charaudeau, op. cit., p.61.

les gouvernements et peuples des pays européens et, ceux qui, comme l`Iran, sont à la frontière du bloc communiste.

Par ailleurs, s`il existe un processus discursif de regroupement autour de l`entité qui incarne « l`aide » et la « stabilité économique »59, il existe en contrepartie une entité -- créée par cette rhétorique -- qui représente le Communisme ; c'est-à-dire (selon la rhétorique illustrée) « le Mal, la pauvreté, le conflit et les activités terroristes » (cf.1 et 3).

La doctrine Truman a créé le fondement d`une doxologie60 qui a perduré pendant toute la période de la Guerre froide. En effet, son discours a construit un processus qui amène l`auditoire à conceptualiser ses propres « espaces ontologiques ». 61 L`entité « Communisme » (lié à l`Union Soviétique) est associée à des représentations négatives qui induisent la dangerosité et qui donnent naissance -- sur le long terme -- à un amalgame et un consensus établi chez l`auditeur du discours. La « signature déictique de l`espace »62 fait que l`Union Soviétique (ou le Communisme dans cet extrait) devient plus qu`un espace géographique ; il devient un concept. Ce concept est amalgamé au « totalitarisme, la misère et la pauvreté » (cf.2). D`autre part, l`entité « peuples libres » est associée aux États-Unis (ainsi que tous les déictiques corrélatifs aux États-Unis) qui deviennent également un concept -- symbole de leadership et de défense des libertés du « monde libre » (« the free people of the world look to us », « our leadership » (cf.3), « we must assist free people » (cf.1)). Le président américain insiste sur le fait que les ÉtatsUnis doivent mener cette mission, il prend « l`ethos de chef »63 et ce devoir n`est pas sans nous rappeler le Manifest Destiny exprimé par John O`Sullivan dans les années 1840 lorsque Truman répète « must » : « we must assist free people [...] we must keep that hope alive ».64

Ce leadership amené par le discours n`est pas quelque chose de nouveau dans la rhétorique américaine. Avec ses propres termes, Truman reprend l`idée que les États-Unis sont un guide, un phare qui éclaire les autres, « a beacon of light » qui se doit de guider les

59 Le terme aide économique se retrouve le plus fréquemment sous l`expression foreign assistance? ou foreign aid?.

60 Doxologie n`est pas à prendre au sens liturgique du terme mais plutôt au sens logique, c'est-à-dire comme une « manière de parler conforme à l`opinion commune ». Le Petit Larousse 2006 propose : « énoncé d`une opinion communément admise ».

61 Paul Chilton, op. cit., p.138.

62 Expression empruntée à Paul Chilton, p.138. Ibid.

63 Expression empruntée à Patrick Charaudeau.

64 Voir l`extrait du discours. John O`Sullivan écrivait à propos de la conquête de l`Oregon : and that claim is by right of our manifest destiny to overspread and to possess the whole of the continent which Providence has given us for the development of the great experiment of liberty and federated self-government entrusted to us.? Robert J. Miller, Native America, Discovered and Conquered: Thomas Jefferson, Lewis & Clark, and Manifest Destiny (Westport, Praeger Publisher, 2006) p.119

autres nations. Il reprend la rhétorique des Pères Fondateurs du XVIIème siècle, comme John Winthrop, qui se représentaient comme étant « une ville sur la colline » (« a city upon a hill »). L`expression « les peuples libres nous regardent » calque cet idéalisme des premiers colons puritains qui disaient « les yeux du monde sont posés sur nous » (« the eyes of the world [are] upon us»)65. La doctrine Truman reprend donc ces représentations traditionnelles du discours idéaliste américain, sauf qu`elle peut désormais présenter ces valeurs que les États-Unis défendent avec l`autorité d`une puissance hégémonique incontestée.

Toutefois, la nation américaine n`étant pas la seule puissance hégémonique, le président Truman créé une dichotomie qui oppose son pays et son rival afin de faciliter l`acceptation de son programme auprés du Congrés et du peuple américain. De plus, Truman parlait pour les peuples du monde. Comme l`explique le professeur Halford R. Ryan dans son livre « Harry S Truman's Presidential Rhetoric », « Truman parlait non seulement comme la vox populi mais aussi pour la vox populi libri mundi (la voix des peuples du monde libre).66 Cette stratégie discursive s`est avérée efficace non seulement puisqu`une grande majorité du Congrés a approuvé ce programme67, mais également parce que Truman -- par le biais du discours idéaliste -- a construit des « structures cognitives » 68 qui seront de circonstance durant toute la période de la Guerre froide.

Ce discours idéaliste présente donc la praxis géostratégique visant l`endiguement du bloc communiste et, parmi les pays frontaliers de l`Union Soviétique de Staline se situe l`Iran qui connaissait déjà une crise internationale dans ses provinces du nord (Azerbaïdjan, Kurdistan, Mazandaran, etc.). La doctrine Truman s`appliquant également à l`Iran, la stratégie d`expansion du capitalisme (et d`endiguement du communisme) du président démocrate comprenait un soutien économique et financier en Iran afin de stabiliser ce pays et ainsi lui permettre de mieux résister à une éventuelle intervention soviétique. Une intervention américaine à l`étranger nécessitait l`accord du Congrès.

65 For we must consider that we shall be as a city upon a hill, the eyes of all people are upon us; so that if we shall deal falsely with our God in this work we have undertaken, and so cause Him to withdraw His present help from us we shall shame the faces of many of God's worthy servants and cause their prayers to be turned into curses [...]? - John Winthrop, aboard the Arbella, 1630. Collections of the Massachusetts Historical Society (Boston, 1838), 3rd series, 47. Extrait cité à partir de l`article d`Andrew Ives, « L`importance du discours idéaliste pour défendre la politique étrangere américaine : vers une nouvelle forme d`impérialisme », Perspectives Transatlantiques sur les Empires, LISA e-journal Vol. V, n°3, 2007.

66 Halford R. Ryan, Harry S. Truman's Presidential Rhetoric (Greenwood Press, Westport, 1993) p.114 L`auteur est professeur en communication publique à Washington et Lee University.

67 John A. Garratz et Mark C. Carnes, op. cit., p.860. Les auteurs expliquent: Truman and his national security officials worked effectively with internationally minded Republicans, persuaded the broad center of the political spectrum, and got congressional approval by large majorities.?

68 Expression empruntée à Paul Chilton, op. cit., p.140.

Comment Truman a-t-il utilisé le discours idéaliste pour sortir l`Amérique de son traditionnel isolationnisme ?

3) Discours idéaliste et soutien apporté à l9l ID( I NIMI1l95 P DUTXR1e111( (1(- interventionnisme

a) Processus discursif de simplification

Pour Washington, les enjeux stratégiques étaient globaux et c`est pour cela que Truman exprimait rarement la situation en Iran dans ses discours et conférences de presse (la question iranienne était tres peu de fois mentionnée et lorsqu`un journaliste demandait au président des détails sur la situation en Iran, Truman répliquait -- comme il avait l`habitude de le faire -- de manière très brève)69. La situation en Iran faisait partie d`un problème régional et même mondial pour les raisons mentionnées précédemment. Par conséquent, face à la complexité de la situation et face à la multitude de théatres qu`offrait ce début de Guerre froide, Truman avait recours à un processus discursif de simplification. En ne donnant pas de détails, il évite de mentionner trop d`événements qui auraient compliqué la compréhension de la nouvelle situation d`apres guerre aupres des masses. Truman disait à ce sujet :

People don`t listen to a speaker just to admire his techniques or his manners; they go to learn. They want the meat of the speech--a direct statement of the facts and proof that the facts are corrects--not oratorical trimmings. Of course, the political speaker must remember that the education of the average man is limited. Therefore, he must make his message as simple and clear as possible.70

Truman explique donc que le message doit être clair car l`auditeur n`est pas forcément informé des affaires étrangeres et, en ce qui concerne cette étude, l`auditeur est encore moins informé de la politique étrangère de son pays à propos de la situation en Iran.

69 Les conférences de presse pendant la présidence de Truman n`était pas comme celles d`aujourd`hui où l`on voit les présidents répondre de manière élaborée aux questions des journalistes. Truman se contentait de réponses brèves et renvoyait souvent à ses secrétaires (d`Etat, à la Défense, etc.).

70 Halford R. Ryan, op. cit., p.12. L`auteur cite White et Hinderlider, What Harry Truman Told Us About His Speaking, pp.39-41

Ryan compare Truman à son prédécesseur et il explique que Roosevelt était un bien meilleur orateur que son successeur. Il est donc possible que Truman défende ses faibles qualités d`orateur en argumentant qu`il est davantage favorable d`aller droit au but.

Comme beaucoup de chercheurs argumentent, le président américain n`était pas un grand orateur71 et il est fort possible qu`il ait voulu se défendre en disant cela. Par contre, le fait d`aller à l`essentiel faisait partie d`une stratégie discursive : le « processus de simplification ".

Selon Charaudeau, il existe deux procédés de simplification : « la singularisation » et « l`essentialisation ». La « singularisation " consiste à éviter de multiplier les idées -- leur « multiplication pouvant prêter à confusion pour des esprits non habitués à la spéculation intellectuelle ".72

Dans un premier temps, la crise d`Azerbaïdjan n`était pas le seul conflit qui éclata à la fin de la seconde guerre mondiale, et, bien que certains considèrent cette crise comme la première de la Guerre froide 73 , d`autres rapports des services de renseignements américains avaient été écrits dans cette même période pour des crises qui eurent lieu dans d`autres endroits du globe comme en Turquie et en Grèce. Le président américain avait déjà présenté les cas de la Grèce et de la Turquie dans sa doctrine et il était certainement plus judicieux d`évoquer ce que Patrick Charaudeau appelle « des conditions de simplicité " c'est-à-dire, simplifier la complexité de la situation, simplifier le processus de construction des opinions ; tenter de réduire cette complexité à sa plus simple expression.74 Par conséquent, afin de ne pas compliquer l`énonciation, Truman n`évoquait pas l`Iran et les autres pays qui étaient dans cette même configuration de Guerre froide. Ainsi, il évitait d`apporter trop d`informations à son auditoire. Truman singularisait la Guerre froide à la Grèce et à la Turquie. Il évitait de multiplier le nombre de pays ayant des enjeux pour les intérêts américains afin de ne pas prêter à confusion. Le programme d`assistance prôné par la doctrine Truman devait s`appliquer à plusieurs nations mais sa stratégie discursive singularisait l`espace ontologique à ses deux pays afin d`obtenir un effet de persuasion.

Le deuxième procédé est celui de « l`essentialisation ». Selon l`auteur, il consiste à faire qu`une idée soit « toute entière contenue, ramassée et condensée en une notion qui existerait en soi, de façon naturelle, comme une essence, indépendamment d`autre chose que d`elle-même ; et pour ce faire, on la présente sous forme nominalisé ".75 C`est le cas

71 Ibid. p.109. Il est évident que Truman n`était pas un grand orateur. Un exemple est son discours d`inauguration (voir la partie analyse du discours d`inauguration du président Truman dans la 2ème partie du mémoire).

72 Ibid.

73 Comme George Kennan.

74 Patrick Charaudeau, op. cit., p.75.

75 Ibid.

du « monde libre » ou des « peuples libres ». Truman expliquait les mesures à prendre pour les intérêts des États-Unis seulement en Grèce et en Turquie. Ainsi, il essentialisait les autres pays qui étaient sous la menace communiste dans l`entité « monde libre ». Patrick Charaudeau explique que

Ce double procédé de singularisation et essentialisation donne lieu à l`existence de formules dont le succès et l`impact sont variables. Plus une formule est concise et en même temps chargée sémantiquement, globalisant ainsi une ou plusieurs idées en les essentialisant et en les rendant floues, plus elle aura de force d`attirance. C`est du moins une hypothèse psychosociologique qui dit qu`on serait d`autant plus attiré par une idée que celle-ci serait déterminée76. Ce type de formule est destiné à produire un effet d`évidence.77

La stratégie discursive du président Truman dans la présentation du conflit de la Guerre froide était de singulariser les nombreuses crises et tensions qui prirent place entre les États-Unis et l`URSS à la fin de la seconde guerre mondiale. Harry Truman n`a pas désigné un à un chaque pays dans lesquels les intérêts américains devaient être défendus car cela aurait perturbé la compréhension de l`auditoire. En revanche, en essentialisant un espace ontologique en le nominalisant, en le conceptualisant « peuples libres », « nations libres » ou encore « monde libre », Truman simplifiait l`imaginaire du récepteur du discours.78 Ces énoncés langagiers circulaient à l`intérieur d`un groupe social (l`auditoire de Truman : le peuple américain, ses représentants et ses alliés à travers le monde) et ils s`instituaient en normes de référence afin que chacun puisse former, ce que Patrick Charaudeau appelle, des « imaginaires sociodiscursifs ».79 L`Iran était l`un des nombreux théâtres de ce début de Guerre froide et, pour défendre les intérêts américains, Truman avait donc « singularisé » et « essentialisé » une entité qu`il nominalisa « monde libre » afin d`avoir plus de « force d`attirance ». En effet, cette « formule est à la fois concise et chargée sémantiquement », et elle avait pour effet de globaliser plusieurs théâtres de conflit, l`Iran inclut, entre les deux superpuissances vainqueurs de la seconde guerre mondiale. Ces processus de simplification se sont mis en place grâce à une

76 L`auteur ajoute une hypothèse émise par Baudrillard dans De la séduction (1979) : « Plus une idée est précise et plus elle laisse celui qui la reçoit à l`extérieur de celle-ci ; plus elle est définie de façon floue, et plus elle laisse à celui qui la reçoit un champ ouvert pour qu`il puisse s`y projeter. »

77 Ibid. p.76

78 A noter que l`expression free democratic world? avait été utilisé par Winston Churchill dans son discours de Fulton une semaine avant Truman, le 5 mars 1946 (c`est dans ce discours que Churchill parla d`un « rideau de fer » pour la première fois).

79 Ibid. p.157

instrumentalisation des imaginaires sociodiscursifs à des fins de persuasion80 et cela permettait à l`administration Truman de défendre les intérêts américains en Turquie, en Grèce, en Iran et dans l`ensemble « des peuples libres » -- selon sa doctrine.

b) La stratégie discursive idéaliste et la fin de l`isolationnisme américain

Le discours idéaliste du prédécesseur de Truman -- Franklin D. Roosevelt -- avait eu un impact, d`une part, pour persuader l`opinion publique et ses représentants de sortir l`Amérique de son non-interventionnisme afin de s`engager dans le conflit mondial et, d`autre part, pour faire voter la loi sur le Prêt-Bail (Lend Lease Act). Enfin, il a contribué à mobilisation de l`économie américaine selon les termes du Program Victory. 81 L`interventionnisme fédéral était assez mal perçu aux États-Unis82 et la rhétorique de Roosevelt avait encouragé l`opinion publique américaine ainsi que le Congrès d`accepter des réformes importantes (notamment lors du New Deal mais également des réformes en ce qui concerne les affaires étrangères). La présidence de Franklin Roosevelt a donc donné une nouvelle dimension dans les relations existantes entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. Cette dimension a été favorable à Truman pour mettre en place sa doctrine de manière générale et, dans sa gestion de la situation en Iran.

Lors de la guerre, le président démocrate envisageait d`augmenter les efforts américains pour apporter du soutien à l`Iran afin de l`aider à construire un « gouvernement

80 Patrick Charaudeau explique que « décrire les imaginaires, c`est contribuer à construire des Epistèmes, ces « grilles d`intelligibilité du champ social » dont parlait M. Foucault ». (L`auteur cite Foucault, La volonté de savoir, (Gallimard, Paris, 1976) p.122).

A noter que ces imaginaires sociodiscursifs ayant été massivement repris par la presse, le vocabulaire exprimant la représentation américaine de la Guerre froide et de « la menace communiste dans le monde libre » a circulé très rapidement à travers le peuple américain et même au-delà.

81 La loi Prêt-Bail (Lend Lease Act) fut votée le 11 mars 1941 et elle permettait aux États-Unis d`approvisionner massivement la Grande-Bretagne, l`Union Soviétique, la France, la Chine et d`autres alliés. Le Victory Program est la politique d`économie de guerre lancée par Roosevelt lors de son discours de l`état de l`Union du 6 janvier 1942 (soit un mois après les attaques de Pearl Harbor et cinq jours après que la déclaration de solidarité n`eut été signée à Washington par 26 nations unies contre l`Axe). Voir le discours de l`état de l`Union du 6 janvier 1942 sur http://www.presidency.ucsb.edu/ws/index.php?pid=16253&st=&st1= (6 juin 2011)

82 La présidence de Franklin D. Roosevelt marqua la sortie des États-Unis de son traditionnel noninterventionnisme. En effet, à partir des attaques de Pearl Harbor une rupture s`est créée avec l`idéologie politique exprimée dans le célèbre discours d`adieu de George Washington en 1797 dans lequel il énonçait sa théorie de « non-engagement » (non-entanglement). Cette attitude américaine de « non-engagement » fut reprise par Thomas Jefferson puis par James Monroe avec sa « doctrine » de 1823. Le 6 janvier 1941, Roosevelt déclarait dans son discours sur l`état de l`Union (entièrement dédié à la politique étrangère) que les États-Unis ne pouvaient pas se contenter de « rester derrière une ancienne muraille de Chine » alors que le reste de la civilisation était en péril.

démocratique » basé sur un « système de libre échange ».83 De manière plus générale, la rhétorique présidentielle n`a pas à elle seule sorti les États-Unis de leur isolationnisme mais c`est un outil qui y a contribué. En effet, la communication entre le pouvoir exécutif, législatif et le peuple est nécessaire puisque, d`une part, elle établit une confiance et, d`autre part, une grande majorité des américains attache une importance particulière à leurs valeurs. L`intervention américaine dans le conflit mondial d`après guerre a donc été facilitée par la présentation des événements et des valeurs. Ceci a permis à l`administration Truman de mettre en place sa politique étrangère.

Par ailleurs, la solution apportée par la doctrine Truman -- qui consistait à adopter une politique interventionniste pour contrer le communisme et laisser place à une politique libérale mondiale -- avait déjà était envisagée par Roosevelt et, Washington rejoignait publiquement la Grande-Bretagne contre l`Union Soviétique en Iran. Bien que l`entente entre les États-Unis et l`Iran ft solide et que les compagnies américaines eussent pris le dessus face aux compagnies soviétiques et britanniques concernant l`obtention d`une concession pétrolière, le gouvernement iranien refusa toute concession.84 La stratégie d`intervention américaine en Iran -- qui se situe à des milliers de kilomètres et qui est inconnu pour une grande majorité des américains -- était d`inclure ce pays par le biais de la stratégie discursive idéaliste dans une politique de soutien économique dédiée à l`ensemble du Moyen-Orient. Afin de faciliter la compréhension et l`identification de l`espace ontologique dans lequel les États-Unis voulaient s`engager, l`Iran était essentialisé dans la formule « peuples libres » ; formule qui singularise (encore aujourd`hui) l`ensemble des espaces où les États-Unis avaient des intérêts à défendre.

c) Discours idéaliste américain et soutien économique et militaire à l`Iran

Le soutien de Washington apporté à l`Iran offrait au Shah l`occasion de devenir pour la première fois le commandant-en-chef de l`armée iranienne et lui permettait ainsi d`avoir le contrôle des provinces séparatistes d`Azerbaïdjan et du Kurdistan en octobre 1946.85

83 Peter Avery, Gavin Hambly and Charles Melville, op. cit., p.437.

Le Shah venait d`être mis en place après l`abdication de son père qui subissait les pressions anglo-soviétiques car il refusait l`occupation de l`Iran par ces derniers.

84 Ibid.

85 Ibid. p.439

L`auteur explique également : the U.S. increased its military and economic aid to the Tehran government, while American police and military missions became active in reorganizing and equipping the Iranian security and military forces.?

L`aide américaine se faisait sous forme d`assistance militaire et économique au gouvernement iranien. Celle-ci lui permettait de sécuriser sa souveraineté et son indépendance vis-à-vis de l`Union Soviétique qui apportait son soutien au régime autonome d`Azerbaïdjan -- dirigé par le parti Tudeh.

Après le retrait des troupes soviétiques, l`Iran avait mis en place un programme de développement économique et pour cela, il lui fallait un investisseur pour financer son projet. L`Iran avait fait appel aux États-Unis pour, dans un premier temps, soumettre un rapport sur le développement économique en Iran. Comme les banques américaines ne répondaient pas favorablement à la demande du programme (car l`opération présentait certains risques), Overseas Consultants Inc. établit une étude économique complète en 1948-9.86 Cette étude prévoyait un programme de développement que l`Iran financerait grace aux redevances de l`Anglo-Iranian Oil Company.87 Cette aide pouvait permettre à l`Iran de se développer en faisant face aux nombreux problèmes de santé, de pauvreté et d`éducation dans le pays88 et elle permettait aux États-Unis de protéger leurs intérêts car ce qui importait en période de Guerre froide, c`était que l`Iran (comme tout autre pays) soit un modèle de stabilité, un fournisseur sûr de matières premières, un importateur de biens occidentaux, un allié solide, et enfin, un rempart contre le communisme.

Pour faire en sorte qu`un tel programme de développement soit accepté, il était important de bien présenter les idées car « l`opération de la World Bank était limitée par la réticence du marché new-yorkais à prêter à l`étranger »89. L`assistance a pu avoir lieu grace à l`Export-Import Bank of the United States (US Ex-Im Bank) qui annonça en octobre 1950 un prêt à l`Iran. L`aide américaine délivrée à l`Iran fut bien plus importante lors du second mandat du président Truman.90 Ce mandat fut introduit par un discours d`inauguration qui se différencie des autres présidents américains puisqu`il traitait uniquement de la politique étrangère américaine.91 Les prêts américains à l`Iran avaient affiché une hausse croissante après ce discours, ce qui montre que le discours idéaliste établit une confiance concernant les transactions financières.

86 Rouhollah K. Ramazani, op. cit., p.155.

87 Auteur inconnu, Foreign Development: a Plan for the King of Kings?, Time Magazine (24 Octobre 1949), p.1/2. http://www.time.com/time/magazine/article/0,9171,805172,00.html WEB. 15 juin 2011.

88 Ibid.

89 Frances Bostock, Geoffrey Jones, Planning and Power :Ebtehaj and Economic Development under the Shah, (Exeter, A Wheaton & Co. Ltd, 1989) p.94.

Rouhollah K. Ramazani, op. cit., p.155.

90 Department of State, American Foreign Policy, Basic Documents, 1950-1955, Volume II, (New York, Arno Press, 1971), en document annexe du livre - Grant Loan Funds Authorized and Appropriated for Major Foreign Aid Program of the United States, 1945-1956

91 Voir chapitre sur le Programme Point IV.

La défense de l`intérêt national américain a donc été étayée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale par le discours idéaliste qui mettait en avant la paix, la démocratie et le développement dans le monde par le biais du renforcement et de l`expansion du système économique et financier américain. La défense de l`intérêt national des États-Unis en Iran s`est faite par la préservation du régime iranien afin qu`il ne sombre pas dans ce que le discours idéaliste appelait « la terreur et le totalitarisme du communisme ».

Par ailleurs, la cohérence discursive92 idéaliste américaine était à l`époque facilitée par le Maccarthysme qui régnait aux États-Unis et gagnait facilement l`accord de l`opinion publique et du Congrès (surtout après le passage du Legislative Reorganization Act ou du Congressional Reorganization Act de 1946 qui avait pour effet de réduire, bien que peu encore à cette époque, le pouvoir de la branche exécutive). Cette cohérence discursive créa une doxologie dichotomique (opposition entre « le communisme » et « le monde libre ») qui garantissait l`accord d`assistance économique, technique et militaire à un Iran membre des nations du « monde libre » et du système économique du libre échange. Cette assistance renforçait d`une part, la stabilité de l`Iran et d`autre part, elle en faisait un rempart contre l`URSS -- rempart important comme le mentionne le rapport du conseil national de sécurité sur la situation en Iran qui indique les enjeux géostratégiques pour la défense pragmatique de ses intérêts.

Enfin, cette rhétorique présidentielle a augmenté la possibilité d`apporter un soutien à ce pays géographiquement éloigné des États-Unis. Ceci montre que la stratégie discursive est un outil contribuant à défendre les intérêts américains même dans un pays peu connu de l`auditeur américain et, pour ce cas spécifique, l`orateur (Truman) utilise le processus rhétorique de simplification afin de persuader les personnes adressées. Truman, par le biais de la construction des imaginaires sociodiscursifs, singularise l`espace et inclut l`Iran dans l`entité « monde libre » ou « peuples libres ». Or, le rapport de la CIG sur la situation en Iran expose uniquement des intérêts géostratégiques, ce qui démontre l`apport du discours idéaliste pour la défense des intérêts américains dans ce que plusieurs auteurs, dont David Harvey, appellent une « nouvelle forme d`impérialisme »93.

92 Edward Said dit à propos de la cohérence discursive : « Les représentations de l`orientalisme dans la culture européenne reviennent à ce que nous pouvons appeler une cohérence discursive, qui a non seulement pour elle l`histoire, mais une présence matérielle (et institutionnelle). [...] Cette cohérence est une forme de praxis culturelle, un système d`occasion d`affirmer des choses sur l`Orient. Edward Said, L'orientalisme, l'Orient crée par l'Occident, (Lonrai, Seuil, 1997), p.305 Une parallèle peut se faire entre ce que dit Saïd et les représentations mis en avant par les États-Unis.

93 David Harvey, The New Imperialism, (Oxford University Press Inc, New York, 2003) P.5

Ce nouvel impérialisme défend ses intérêts d`une toute autre manière que la France ou la Grande-Bretagne ont pu le faire dès le XIXe siècle : elle exporta ses valeurs et ses marchés selon le concept de la « destinée manifeste ». 94 La rhétorique traditionnelle a donc été associée aux événements d`actualité de l`époque. De cette manière, après les événements comme la crise d`Azerbaïdjan, les États-Unis ont posé les fondements s`agissant du choix laissé aux autres nations, d`une part, mais également pour ce qui est de la persuasion des américains (peuple, représentants du peuple, investisseurs privés, etc.) d`autre part.

Lors de la crise d`Azerbaïdjan, le président Truman et son administration sont intervenus de manière diplomatique pour contrer l`occupation des troupes de Staline dans ce qui est considérer comme étant la première crise de la Guerre froide. Cependant, Truman n`a jamais adressé de communiqué pour clarifier publiquement la position des États-Unis. Ce n`est qu`une fois la crise résolue que Truman a lancé sa doctrine devant le Congrès américain et devant le monde entier, sans mentionner l`Iran.95

En résumé, le discours idéaliste américain a contribué à rompre avec l`isolationnisme, il simplifiait la situation globale et incluait l`Iran dans une entité nominalisé « monde libre ». Ainsi, la problématique iranienne était associée à celle de la Grèce et de la Turquie, sans être nommée. En revanche, l`intervention en Iran eut bien lieu et la stratégie discursive américaine de simplification (singularisation de la situation à l`étranger d`une part et, essentialisation des entités dichotomiques d`autre part) fut un outil indispensable pour justifier la libéralisation du marché iranien (par opposition à l`implantation du système communiste).

94 Thucydide.com Les héritages fondamentaux : la Destinée Manifeste et la mission des Etats-Unis « Vers 1890, les frontières étasuniennes étant fixées, les États-Unis étendirent au-delà de celles-ci leur « mission civilisatrice ». Pourtant, en tant qu`ancienne colonie britannique qui avait combattu pour son indépendance, les États-Unis ne pouvaient adopter la forme de colonialisme des Etats européens. C`est pourquoi, à part quelques cas (Philippines, 1898), le mode d`impérialisme américain fut fondé sur l`exportation de valeurs, aussi bien marchandes que culturelles, et ne provoqua pas une perte de souveraineté des pays. Les États-Unis, contrairement aux Etats européens pratiquèrent un expansionnisme économique, commercial et culturel, qui ne reposa pas sur la fondation de colonies (c`est à dire la confiscation de la souveraineté d`un État pour le contrôler). La mission des États-Unis devait être de « civiliser » le monde, le rendre à son image, pour faire littéralement le bonheur des autres Etats malgré eux. »

http://www.thucydide.com/realisations/comprendre/usa/usa2.htm (6 juin 2011)

95 A noter que l`Europe était la priorité pour l`administration Truman comparé à l`Iran.

2ème PARTIE

LA MISE EN PLACE DU PROGRAMME POINT IV EN IRAN

1) / EILI4jtAIIXIISIC7 IXP El(1l3BNSXISMIXIA SPil(EXgXrEAIPl( : Programme Point IV

a) Présentation du contexte

Harry Truman présentait aux citoyens américains -- et au reste du monde -- son Programme Point IV lors de son discours d`inauguration le 20 janvier 1949. La rhétorique employée par le président démocrate pour formuler ce programme se rapprochait étroitement de celle utilisée pour présenter sa doctrine deux ans plus tôt. L`Iran n`était pas mentionné dans ce discours, mais il était inclus dans ce programme. Quels étaient les objectifs de l`administration Truman ? Comment allaient-ils être présentés au public américain ? Enfin, concernant l`application du programme en Iran, en quoi le discours idéaliste de Truman était-il un outil nécessaire à la défense des intérêts américains ?

Le discours d`inauguration du président Truman devait persuader avant tout le peuple américain et ses représentants. Avant les élections présidentielles de 1949, les républicains détenaient la majorité à la Chambre des représentants et au Sénat. Cependant, le rejet soviétique du Plan Marshall (juin 1947), le coup d`État prosoviétique en Tchécoslovaquie (février 1948) et le début du blocus de Berlin (juin 1948-mai 1949) favorisaient déjà le passage des législations entreprises par le président démocrate dans le domaine des affaires étrangères américaines.96 Puis, au lendemain de la victoire surprenante de Truman à l`élection présidentielle de novembre 1948, le parti démocrate bénéficiait de la majorité à la fois à la Chambre des représentants et au Sénat.97

Les États-Unis bénéficiaient d`une cohésion amenée par la croissance économique et la stabilité politique d`aprés guerre. Mais le contexte de la Guerre froide amenait davantage de cohésion et d`unité chez les membres du Congrés. Ce contexte orientait la politique étrangère américaine vers une approche anticommuniste tant chez les républicains que

96 John A. Garratz et Mark C. Carnes, op. cit., p.860.

97 Ibid.

chez les démocrates. Par conséquent, Truman pouvait -- grâce à ses discours -- associer l`éthique des États-Unis à la bataille contre le communisme, et ce, avec le soutien de Capitole Hill. Par ailleurs, en cette période de Maccarthysme, le climat était propice à la rhétorique antisoviétique puisque le Sénat et la Chambre des représentants favorisaient les programmes de lutte contre le communisme aux États-Unis comme par exemple le HUAC (House Un-American Activities Committee).98 Ce même climat unissait le Congrès et les Américains dans cette bataille contre le communisme. Par conséquent, le discours de politique étrangère du président Truman pouvait facilement identifier l`image des ÉtatsUnis à ce sentiment anticommuniste.

Tout ceci favorisait la mise en valeur de l`« ethos américain »99. Certes, cet ethos s`est construit en plusieurs siècles mais le choc de la Seconde Guerre mondiale lui a donné un nouvel élan aux yeux de l`opinion publique américaine et internationale. Patrick Charaudeau explique que « l`ethos concerne l`image de celui qui parle et qui est également susceptible de toucher l`auditoire par identification possible de celui-ci à la personne de l`orateur ».100 En tant que président, Truman s`engageait sur une plateforme de confrontation avec l`Union Soviétique. Son discours devait toucher son auditoire en évoquant la puissance de la nation américaine. La stratégie discursive de Truman devait amener l`auditoire à s`identifier à l`image de l`orateur. De plus, le choc causé par la fin de la Seconde Guerre mondiale permettait au président Truman de valoriser l`image des États-Unis en coordination avec les quatre points de son programme Point IV. Ce contexte offrait à Truman la possibilité d`associer la puissance politique, économique, militaire, technologique et idéologique américaine à l`image de sa nation, de ses valeurs et de son peuple.

Tout comme le discours de la Doctrine Truman, le discours du programme Point IV servait de façade. D`une part, il mettait en évidence la vision de la politique américaine dans le Moyen-Orient et l`appliquait ensuite en Iran. D`autre part, il servait de façade puisque la stratégie discursive idéaliste justifiait la continuité de cette vision auprès du Congrès et du peuple américain, et ce, même en cas de crise. Cette partie va identifier cet discours idéaliste qui servira de base de langage dédiée à la défense des intérêts américains.

98 Le Maccarthysme, http://www.cartage.org.lb/fr/themes/geohis/Histoire/chroniques/pardate/Chr/500209a.HTM (6 juin 2011).

99 Voir le deuxième point de cette première partie.

100 Patrick Charaudeau, op. cit., p.62. L`auteur fait référence à Gisèle Mathieu-Castellani (2000) qui revisite les catégories aristotéliciennes.

b) Discours d`inauguration du président Truman : bases d`une vision qui prévaudra en Iran

Dans son livre « Harry 6 E7 LITYEQVSLesideQtiDELhHRLiF » le professeur Halford Ryan explique que le discours de Truman dura 20 minutes au lieu des 15 prévues, et qu`il contenait 2200 mots. Truman n`étant pas un grand orateur, le ton était hésitant et il y eut quelques erreurs de prononciation dû à un manque de répétition. De plus, le contact visuel du président était pauvre car il lisait son discours. Cependant, Truman ralentissait volontairement le taux de mots par minutes (110 mpm au lieu des 150 mpm prononcés habituellement) afin d`honorer l`occasion. Il s`agissait de la premiere inauguration présidentielle diffusée à la télévision et l`auteur ajoute que la prestance du président démocrate était terne et que son discours manquait d`effets de rhétorique (temps de pause non respectés, élocution prosaïque, le rythme de sa voix ne variait pas, etc.).101 Néanmoins, ce manque d`effets de rhétorique et ses phrases courtes furent perçues comme un franc parlé lorsqu`il s`agissait du Communisme.102


·
« Rhétorique présidentielle de crise » et « rhétorique supernation »

Halford Ryan parle de deux constructions rhétoriques. D`une part, la « rhétorique présidentielle de crise » qui est, selon l`auteur, une maniere de parler que le commandant en chef utilise pour gagner le soutien du Congrès et du peuple en créant une crise rhétorique. Cette dernière peut exister en réalité ou pas. Le président met en avant des « Nouveau Faits » qui mènent inexorablement à la « Nouvelle Situation » que le président défini comme une crise, souvent de nature militaire, à laquelle les États-Unis doivent faire face. La question n`est pas de savoir si les États-Unis doivent répondre mais comment ils vont réagir face à ces circonstances dangereuses. Pour répondre à cette grave situation, le président présente sa politique qui est souvent annoncée comme un fait accompli. Il argumente, se justifie et appelle au sens patriotique et à la virilité du peuple américain.

101 Halford R. Ryan, op. cit., p.119. L`auteur explique que « Harry Truman avait le désavantage rhétorique particulier de suivre les pas du peut être plus grand orateur présidentiel de l`histoire américaine. » Il ajoute également que Truman s`appuyait énormément sur ses rédacteurs contrairement à Roosevelt qui écrivait luimême ses discours avec ses conseillers. p.109

102 Ibid. p.9

Enfin, le président créé la dichotomie à travers son discours (bien/mal, ange/démon, blanc/noir, etc.).103

D`autre part, Halford Ryan parle de « rhétorique supernation ". Il explique que la philosophie publique des États-Unis des XVIIIème et XIXème siècles était de protéger la liberté et la sécurité du peuple américain et que cela était réalisé en évitant les alliances avec des puissances étrangères. De plus, cette philosophie publique prônait la nonintervention dans les affaires internes des autres pays. L`auteur explique qu`il y eut un changement brusque dans le ton de la rhétorique publique, particulièrement en ce qui concerne les affaires étrangères des États-Unis. Il ajoute que cette rhétorique d`« ainsi nommée Guerre froide " avait deux leitmotivs : d`une part, apporter « une nouvelle note d`une transformation quasi-apocalyptique du monde dans une bataille finale avec le démoniaque communisme "104 et d`autre part, « les représentations de la Guerre froide avaient tendances à avilir le langage et à déformer de la réalité ".105

La « rhétorique supernation " a donc pour effet de représenter le monde de manière manichéenne et Truman s`en servait dans le but de d`associer tout ce qui est anticommuniste avec le camp américain. Les États-Unis étant présentés comme les défenseurs des valeurs idéalistes, il était plus facile que le Congrès accepte la politique de Truman dans le Moyen-Orient et en Iran puisque cette région devait faire parti du « monde libre ". Par ailleurs, cette rhétorique avait d`autant plus d`impact dans un discours d`inauguration puisque c`est celui-ci qui annonçait au peuple américain la vision globale de la politique étrangère des États-Unis.

La « rhétorique présidentielle de crise " se retrouve lorsque Truman confronte l`opinion publique américaine et internationale (par la voie de la presse) à la menace que représente l`Union Soviétique. Le président américain expose les « Nouveaux Faits " qui nécessiteront la « Nouvelle Situation " :

[...] the United States and other like-minded nations find themselves directly opposed by a regime with contrary aims and a totally different concept of life.

That regime adheres to a false philosophy which purports to offer freedom, security, and greater opportunity to mankind. Misled by that philosophy, many peoples have sacrificed their liberties only to learn to their sorrow that deceit and mockery, poverty and tyranny, are their reward.

103 Halford R. Ryan, op. cit., p.14.

104 Ibid. l`auteur cite Dante Germino, the Inaugural Addresses of American Presidents; the Public Philosophy and Rhetoric (Lanham, University Press of America, 1984) pp.19, 21, 22. Il fait également référence au philosophe zoroastrien et perse Mânes, fondateur du manichéisme, qui divisait le monde en forces obscures et claires.

105 Ibid. pp. 14, 15.

That false philosophy is communism.

[...] the actions resulting from the Communist philosophy are a threat to the efforts of free nations to bring about world recovery and lasting peace.106

Truman met en avant ces « Nouveaux Faits " : « les États-Unis et les nations qui ont le même état d`esprit se retrouvent directement opposés par un régime qui a des objectifs contraires et une conception totalement différente de la vie ". Le président américain présente ce « nouveau fait " comme un fait accompli dans le but de gagner le soutien de l`opinion publique et du Congrès. Ensuite, il avilit « ce régime qui adhère à une fausse philosophie ". Ce dernier est en confrontation directe avec les valeurs américaines. Puis, Truman utilise le procédé rhétorique d`essentialisation pour le nominaliser dans un terme désormais chargé sémantiquement : « cette fausse philosophie est le communisme ". Enfin, il montre que le communisme est une réalité, il le défini (en l`opposant à la démocratie)107, et il le présente comme étant une menace : « les actions résultant de la philosophie communiste sont une menace pour les efforts des nations libres d`amener la relance mondiale et une paix durable ". Enfin, le président américain annonce à son peuple que sa nation « va renforcer les nations éprises de liberté contre les dangers de l`agression ". Ainsi, il continue avec ce procédé de « rhétorique présidentielle de crise " en apportant une solution virile -- tout en gardant des formules idéalistes.

Ces solutions sont évoquées en quatre points majeurs qui reprennent les principaux axes de la doctrine Truman. Ce discours visait essentiellement à unir les États-Unis autour d`un consensus et il englobera l`Iran indirectement pour les raisons évoquées au premier chapitre (procédé rhétorique de simplification). Ces quatre points sont prononcés ainsi :

First, we will continue to give unfaltering support to the United Nations and related agencies [...] We believe that the United Nations will be strengthened by the new nations which are being formed in lands now advancing toward self-government under democratic principles.

Second, we will continue our programs for world economic recovery. [...] In addition, we must carry out our plans for reducing the barriers to world trade and increasing its volume. Economic recovery and peace itself depend on increased world trade.

Third, we will strengthen freedom-loving nations against the dangers of aggression. [...]In addition, we will provide military advice and equipment to free nations which will cooperate with us in the maintenance of peace and security.

Fourth, we must embark on a bold new program for making the benefits of our scientific advances and industrial progress available for the improvement and growth of underdeveloped areas. I believe that we should make available to peace-loving peoples the benefits of our store of technical knowledge in

106 Discours d`inauguration d`Harry S. Truman, 20 janvier 1949, (voir annexe n°2).

107 Ibid.

order to help them realize their aspirations for a better life. And, in
cooperation with other nations, we should foster capital investment in areas

needing development.108

Truman profite des conditions qui sont favorables aux États-Unis pour mettre en valeur l`hégémonie américaine et annoncer la mise en place de grands changements dans le système économique et de gouvernance mondiale. Par ailleurs, il exprime la volonté politique d`isoler l`URSS et son système communiste. Cette isolation permettra de protéger l`Iran et de maintenir son marché ouvert au monde. Les quatre points peuvent se résumer ainsi : premièrement, l`uniformisation du système politique mondial avec des principes démocratiques (renforcement des Nations Unis). Le deuxièmement évoque la reprise de la croissance économique mondiale avec l`expansion du libéralisme et du capitalisme de marché mondial comme base d`une paix qui est dépendante de ce même marché. Le troisièmement prône l`endiguement du communisme notamment grâce au soutien militaire apporté aux pays situés à la frontière soviétique (création de pactes de sécurité dont l`OTAN). Et enfin, le quatrièmement insiste sur le développement scientifique en corrélation avec l`aspect humanitaire (humanitarisme possible grace à l`encouragement des investissements de capitaux dans les endroits ayant besoin de développement).

Pour formuler son programme, Truman associait des valeurs idéalistes à son projet afin que le plus grand nombre de personnes adhère. En effet, chaque point de son programme est embelli par des éléments de rhétorique idéaliste. Il évoquait « les principes démocratiques » dans le point 1, « la paix » pour ce qui est de la réduction des barrières commerciales dans le point 2, « le maintien de la paix et de la sécurité » en ce qui concerne le soutien militaire pour « les nations libres » dans le point 3, et enfin, « aider les peuples qui aiment la liberté dans leur aspiration à une vie meilleur » à propos de l`encouragement des investissements de capitaux dans le point 4.

Cette rhétorique idéaliste permettait au président Truman de faire plusieurs choses. Premièrement, elle encourageait les représentants et les sénateurs du Congrès à être en faveur de son projet (comme expliqué auparavant dans le chapitre sur la doctrine Truman). Deuxièmement, le discours idéaliste est essentiel pour la défense des intérêts américains car le choc géopolitique est un événement que le public ne saisit pas s`il n`en est pas informé. En effet, l`imaginaire collectif de l`opinion publique à propos de la Guerre froide est né en partie grace à la rhétorique de l`administration présidentielle, avec notamment la

108 Ibid. (Les parties en gras et soulignées ont été ajoutées pour cette analyse par nos soins).

création des entités dichotomiques élaborée par le discours de Truman. Son administration n`a pas inventé cette dichotomie car il y avait réellement une opposition entre deux systèmes économiques, politiques et sociaux. Cependant, il y a une distinction entre le choc de la Guerre froide lui-même (qui n`est pas palpable par l`opinion publique) et la manière de le présenter (qui est perceptible par l`auditeur). Par conséquent, un auditoire non-informé d`éléments non-palpable aura plus facilement tendance à s`appuyer sur un discours ayant une bonne construction rhétorique. Ce dernier sera d`autant plus efficace si l`orateur utilise une « rhétorique de crise » et s`il défend des valeurs qui se répercutent positivement dans la structure cognitive du public.


· La promotion de l`« ethos américain "109

Cette rhétorique idéaliste permettait également d`inciter implicitement le peuple américain (mais aussi les « nations libres ») à s`identifier à l`action de son leader. Ainsi, Truman promeut l`ethos américain ; outil indispensable de défense des intérêts de son pays. La conceptualisation de celui-ci s`illustre à travers les quatre points du programme Point IV. Pour identifier sa nation à l`action de son leader, Truman positionne les ÉtatsUnis et le peuple américain au centre des affaires internationales en employant constamment « nous " (en reprenant les centres déictiques)110. Il utilise cette technique dans chaque point du programme : « we must ", « we will continue ", « we will strenghen ", ou encore « we believe ". Le quatrième point de son discours est même caractérisé par l`identité discursive du « Je-nous ", une identité du singulier-collectif111 « I believe that we should... ».

La rhétorique de Truman positionne également la nation américaine comme garante des principes démocratiques (cf. point 1) lui donnant ainsi un ethos de « chef ", c'est-àdire « une construction de soi pour que l`autre adhere, suive, s`identifie à cet être qui est censé représenter un autre soi-même idéalisé ".112 La position de « chef " des États-Unis est donc identifiée au nom de son discours idéaliste qui défend « les principes démocratiques " (cf. point 1), « la paix " (cf. point 2), la défense de la stabilité des

109 Nous aurions pu analyser le concept d` « éthos américain " dans le chapitre relatif à la doctrine Truman. Le choix s`est fait ainsi afin de poursuivre l`étude dans le temps.

110 Se référer à la partie 1 du mémoire.

111 Selon la théorie des stratégies de paraître de Patrick Charaudeau, op. cit., p.62. (Voir la partie 1 du mémoire).

112 Ibid. p.118

« nations libres contre les dangers d`agression » (cf. point 3) et « le développement des nations qui en ont besoin » (cf. point 4).

Cette rhétorique est aussi importante que le programme en soit -- surtout après le choc de la Seconde Guerre mondiale et la politique étrangère américaine d`endiguement de l`Union Soviétique, tous deux facteurs de cohésion. Patrick Charaudeau explique à ce sujet « qu`il ne faut pas séparer l`ethos des idées, car la façon de poser celles-ci peut être constructeur d`image ».113 C`est pour cela que le choc facilite la construction d`une telle image de leader mondiale et, la grandeur du projet américain doit être à la hauteur de celui qui le met en ~uvre. Charaudeau ajoute que le discours doit être la « construction d`un rêve (d`une idéalité sociale) ». Truman se doit donc d`être le plus persuasif possible afin que les citoyens américains et du « monde libre » adhèrent à la construction de cette idéalité présentée par la « rhétorique supernation ». Cette idéalité est introduite sous la tutelle de l`ethos de « chef » des États-Unis auquel le peuple américain s`identifie implicitement.

Promouvoir une image idéaliste était donc l`une des fonctions de la stratégie discursive américaine. Celle-ci permettait à l`identité américaine de véhiculer son image de grandeur et de meneur aux yeux du monde (« du monde libre »)114. En plus de cela, « l`approche cognitive » 115 élaborée par le discours de Truman faisait partie de la construction de l'1JRRs américain. En effet, nouvellement (ré)élu116, le président démocrate bénéficiait d`une vague d`espoir et de progrès amenée par la campagne électorale (comme c`est souvent le cas). C`est avec cet élan qu`il pouvait consolider l`ethos américain par le discours, et même conceptualiser le leadership américain (notamment grâce à la métaphore) de façon à ce que l`image des États-Unis rejaillisse de manière salvatrice dans le monde entier. Par exemple : they [the peoples of the earth] look to the United States as never before for good will, strength, and wise leadership.?117 L`image de leader américain

113 Ibid. p.91

114 Ici, l`expression « monde libre » reprend le terme exprimé par la rhétorique américaine. Il faut noter que lorsque l`on parle d`une « image de grandeur et de meneur aux yeux du monde (« monde libre ») », il s`agit des parties du globe ayant un accès à l`information (dans le monde de la fin des années 1940).

115 Paul Chilton explique: The cognitive approach considers political discourse as necessarily a product of individual and collective mental processes. It seeks to show how knowledge of politics, political discourse and political ideologies involves storage in long-JelP PIPRly'. Paul Chilton, op. cit., p. 51

116 Truman, ayant succédé à Franklin D. Roosevelt après le décès de ce dernier, a été élu une fois président des États-Unis (novembre 1948) et une fois vice-président (novembre 1944).

117 Discours d`inauguration de Truman, 20 janvier 1949, op. cit. (voir document annexe n°2).

représente constamment l`équilibre mondial et « l`effort de restaurer la paix, la stabilité et la liberté dans le monde ».118

Par ailleurs, le pathos peut être associé à l`ethos. En effet, le discours de Truman est pourvoyeur d`un rêve qui se construit autour d` « une sorte de pacte d`alliance »119 et qui créer un but commun, un consensus qui se sensibilise autour du « on » (« we »). La rhétorique de Truman tente « d`inspirer confiance, admiration » afin de « coller à l`image idéale du chef qui se trouve dans l`imaginaire collectif des sentiments et des émotions »120. La rhétorique présidentielle de crise (qui fait appel au pathos) inhibe l`auditoire parce que ça l`émeut. Les gens, qui normalement ne s`inscrivent pas dans les débats, prennent position ; ils sont plus enclins à s`y inscrire. Ainsi, Truman essaie de toucher les gens avec sa rhétorique idéaliste, et en puisant dans l`affect social, le citoyen américain, « au travers d`un processus d`identification irrationnel, fond son identité dans celle de l`homme politique »121. Dans ce cas, il fond son identité dans l`image des États-Unis -- image ici véhiculée en grande partie par la rhétorique de Truman.

Enfin, parallèlement à la rhétorique, l`aide économique est une partie importante dans la construction de cette idéalité puisqu`elle est devenue un instrument de la défense des intérêts américains :

Après la deuxième guerre mondiale, avec l`avènement de la Guerre froide et

l`accession à l`indépendance des anciennes colonies, l`aide étrangère est
devenue un instrument fondamental de la politique étrangère des États-Unis

et un élément important de leur sécurité nationale. À partir de ce moment,
l`aide sera toujours liée à la stratégie de sécurité nationale et en devient une

composante importante. L`utilisation de l`aide comme instrument de la
politique de sécurité nationale a fait et fait toujours l`objet de débats au

Congrès et au Sénat, de même qu`entre les spécialistes de la question, voire

dans l`opinion publique. Néanmoins, périodiquement, malgré les différentes
tentatives de réforme, l`importance de l`aide économique comme instrument

de promotion des intérêts tant économiques que de sécurité a toujours été réaffirmée.122

Après la seconde guerre mondiale, l`image des États-Unis se construit avec l`instrumentalisation de l`aide économique dans le but de promouvoir la sécurité nationale

118 Ibid. «the United States has invested its substance and its energy in a great constructive effort to restore peace, stability, and freedom to the world.?

119 Ibid. Patrick Charaudeau explique que l`instance politique est pourvoyeuse d`un rêve qui s`associe au destinataire-citoyen et qui se construit avec lui en une sorte de pacte d`alliance (il donne l`exemple : « Nous, ensemble, nous bâtirons une société plus juste ».

120 Ibid. p.62 L`auteur ajoute : « Bien des penseurs l`ont dit, et quelques grands hommes l`ont mis en pratique : la gestion des passions est l`art de la bonne politique ».

121 Ibid. p105

122 Anne Duhamel, « L`aide économique américaine et la sécurité dans les Amériques », Groupe de recherche sur l`intégration continentale, Université du Québec à Montréal, Département des Sciences Politiques, Juin 2001 http://www.ieim.uqam.ca/IMG/pdf/gric-01-5-duhamel-aide-secu.pdf (6 juin 2011).

(avec deux constantes : la peur de l`expansion communiste dans le Tiers-Monde et l`avancement des intérêts économiques américains dans le monde123). Cette stratégie faisant l`objet de débat, elle est véhiculée par le discours idéaliste. La rhétorique devient un instrument indispensable pour réaliser cette stratégie de défense de la sécurité nationale.

Voici donc les bases fondamentales de la stratégie discursive idéaliste américaine. Ce cadre rhétorique va prévaloir pendant toute la période de la Guerre froide. Le choc géopolitique a permis aux États-Unis de se créer une nouvelle identité de leader mondial, d`État supernation et, le processus discursif idéaliste du président Truman a fait transparaître -- une nouvelle fois -- l`ethos d`une Amérique salvatrice aux yeux du monde.

Ce concept peut être assimilé aux propos d`Edward Said à propos de l`orientalisme moderne. Dans son livre « l`orientalisme », il explique que « l`orientaliste moderne est, à ses propres yeux, un héro qui sauve l`Orient de l`obscurité, de l`aliénation et de l`étrangeté qu`il a lui-même convenablement perçu ». 124 Dans ce cas, la projection de l`ethos américain par le discours idéaliste placerait les États-Unis -- à partir de sa perception -- comme le héro qui sauverait l`Iran de l`obscurité ou de l`aliénation. Le discours créer un rapport entre les deux pays. La manière d`exprimer ce discours et la rhétorique employée donnent l`impression d`un rapport de supériorité de la nation américaine (position de force) par rapport à la nation iranienne qui a besoin d`aide. La rhétorique idéaliste n`exprime pas ici un rapport de dominant/dominé ; elle est plutôt constructrice d`une image de chef qui guiderait les peuples vers la paix et la sécurité.

La stratégie d`expansion du système américain -- qui passait en partie par la fin de l`isolationnisme américain en faveur d`une politique libérale -- s`établissait en corrélation

123 Ibid. L`auteur explique : « Les politiques d'aide ont connu une évolution selon trois périodes depuis la fin de la deuxième guerre mondiale jusqu'à la création de l'USAID. La première période (1945-1951), celle du Plan Marshall, se caractérise par une distribution d'aide surtout économique à l'Europe pour son redressement et par la montée de la peur d'une éventuelle conversion au communisme de la Grèce, de la Turquie et de certains pays européens où des partis communistes sont alors en plein essor (France, Italie, Belgique,...). La deuxième période (1951-1961), celle du Mutual Security Act de 1951 et de 1954, se distingue par la primauté accordée à l'aide militaire aux pays frontaliers de l'URSS et de la Chine afin d'endiguer le communisme (Grèce, Turquie, Iran, Pakistan, Thaïlande, Indochine, Taiwan, les Philippines, la Corée...). A la suite de l'éclatement de la guerre en Corée (1950) et en Indochine, le Président Truman se voit contraint, malgré l'introduction de son Point Four en 1949 (une première politique d'aide au développement pour les régions sous développées qui ne se concrétisera que partiellement, surtout par de l'aide technique), d'orienter l'aide vers de l`assistance militaire afin de garantir la sécurité des États-Unis et celle de leurs alliés. Enfin, la troisième période (1961-1973) est marquée par la prépondérance du concept d'aide économique au développement. »

124 Edward Said, op. cit., p.144

avec la stratégie discursive de l`administration Truman. Cette stratégie visait à « vendre » son programme à l`Iran (et aux autres pays dit « sous-développés) en mettant en avant le « développement ». A ce propos, le professeur Gilbert Rist explique :

En quelques paragraphes [discours du programme Point IV], une stratégie globale est affirmée. Bien qu`elle serve d`abord les intérêts particuliers de la nation la plus puissante du monde, elle feint de ne se préoccuper que du bien commun et présente le « développement » comme un ensemble de mesures techniques (utilisation du savoir scientifique, croissance de la productivité, intensification des échanges internationaux) et donc situées hors du débat politique ; ce qui permettra d`en donner - selon les lieux et les moments - des interprétations conservatrices ou révolutionnaires. De plus, en définissant le « sous-développement » comme un état de manque, plutôt que comme le résultat de circonstances historiques, et les « sous-développés » comme des pauvres, sans s`interroger sur les raisons de leur dénuement, on fait de la croissance et de l`aide -- conçues en termes technocratiques et quantitatifs -- la seule réponse possible.125

L`auteur évoque deux choses. D`une part, il explique que le discours de Truman valorise le développement des pays « sous-développés » et que c`est sous ces termes (développement, stabilité, sécurité, paix) que les États-Unis interviennent. D`autre part, il explique que la rhétorique de Truman créée une nouvelle entité : « les sous-développés ». L`Iran se positionnait donc dans cette entité. Présenté ainsi, l`aide économique démontre que les « sous-développés » avaient tout à gagner et que le plan américain était la seule solution. Aux yeux de l`opinion publique américaine, l`Iran devient membre d`une entité commune qui compte deux milliards d`habitants et qui est nominalisées dans le terme « sous-développés »).126

L`objectif de Truman était de défendre l`intérêt national américain, et ce, dans chaque partie du globe représentant des enjeux géopolitiques considérables pour les États-Unis dans le contexte de la Guerre froide. L`architecture du nouvel ordre élaboré par l`administration Truman (composée de Dean Acheson, de George Marshall et de George Kennan) « conjuguait l`idéalisme de Wilson à un réalisme froid ».127 En effet, la politique de Truman mettait en avant des principes idéalistes et son discours encadrait les actions de

125 Gilbert Rist, Le développement : histoire CIKniIHRIDYiERFHCintDli, (Paris, Presses de Science-Po, 2001) p.133. Gilbert Rist est professeur à l'Institut de hautes études internationales et du développement (graduate institute of development studies) à Genève.

126

L`auteur explique : « Ainsi, à partir de 1949, plus de deux milliards d`habitants de la planète vont -- le plus souvent à leur insu - changer de nom, être considérés « officiellement », si l`on peut dire, tels qu`ils apparaissent dans le regard de l`autre et être mise en demeure de rechercher ainsi leur occidentalisation en profondeur au mépris de leurs propres valeurs ; ils ne seront plus Africains, Latino-Américains ou Asiatiques (pour ne pas dire Bambaras, Shona, berbères, Quechuas, Aymaras, Balinais ou Mongols) mais simplement « sous-développés » ». Ibid.

127 Barack Obama, op. cit., p.348.

son administration mais la défense des intérêts américains lors de ses mandats était très réaliste (comme le montre le rapport de la CIG). Par ailleurs, Truman présentait toujours les problèmes sur les bases d`un conflit idéologique. De cette manière, Truman offrait une dynamique complètement différente, un tout autre potentiel pour s`attirer du soutien et de la sympathie auprès du Congrès et de l`opinion publique (américaine et internationale). Il était plus simple d`obtenir du soutien en jouant sur les craintes causées par un problème d`une telle nature plutôt que d`évoquer les réalités stratégiques et économiques.128

La position géostratégique de l`Iran représentait des enjeux majeurs pour la doctrine Truman et cette nation faisait par conséquent partie des pays qui allaient bénéficier du programme Point IV et du Mutual Defense Assistance Act. La manière de présenter les enjeux sera largement influencée par une présentation idéologique, toujours appuyée par la rhétorique idéaliste. Le programme Point IV servait de référence pour les projets à venir et la « rhétorique supernation » permettait d`influencer les décisions sur les crises à venir -- comme la crise de la nationalisation du pétrole iranien de 1951 -- en termes de Guerre froide. Par conséquent, ce discours idéaliste dressait un socle dans les imaginaires sociodiscursifs ; une forme d`organisation du langage qui résonnait dans l`imaginaire collectif (celui de l`auditoire). Cette stratégie discursive était en corrélation avec la politique non-coercitive de Truman (soft policy) et elle permettait d`orienter le Congrès vers cette approche.

L`utilisation de cette rhétorique idéaliste offre une légitimité au programme d`aide économique et militaire américain en Iran (sans même que le président ne mentionne l`Iran). En effet, Truman annonce que « [les États-Unis] vont fournir des conseils et de l`équipement militaire aux nations libres qui vont coopérer avec [les Etats-Unis] dans le maintien de la paix et la sécurité ». L`idée était de promouvoir la paix dans le but d`obtenir un intérêt mutuel de coopération économique.

Bénéficiant du soutien technique et militaire, l`Iran se retrouvait avec un allié américain qui ne le lui laissait pas une grande manuvrabilité. L`approche attractive

128 Lors d`une conférence sur les relations entre les États-Unis, Israël et l`Iran à Harvard, Dr Trita Parsi explique que présenter une situation sur les bases d`une bataille idéologique renforce la dynamique du conflit entre l`Iran et Israël car les deux camps ont deux publics complètement différents et les orateurs ne semblent pas considérer l`impact de la rhétorique (et de l`image projetée sur l`autre public). Voir la conférence sur http://www.law.harvard.edu/news/2011/02/22_trita-parsi.html (6 juin 2011). Il en va de même pour la présentation du conflit entre les États-Unis et l`URSS (l`application de cette stratégie en Iran sera développée dans le chapitre suivant).

américaine influençait le Shah à appliquer le programme de Truman en Iran (sous le Mutual Defense Aid). Celui-ci était appuyé par son discours en confrontation avec le communisme ; discours qui positionnait l`Iran dans le système d`économie de marché.129 Par conséquent, les États-Unis offraient un choix paradoxal au Shah : une coopération économique avec les États-Unis qui permettait à l`Iran d`être « une nation libre » tout en compromettant son indépendance économique. L`Iran était présenté comme un pays démocratique parce qu`il n`était pas communiste. Cela lui permettait de bénéficier du soutien des États-Unis puisque la « rhétorique supernation » le définissait ainsi.130

La rhétorique de Truman a surdimensionné la menace communiste dans le but de jouer sur les craintes de l`opinion publique -- et aussi l`opinion républicaine qui avait un nombre plus important d`élus anti-communiste. Dans cette logique, refuser le programme de Truman revenait à s`opposer à l'FJkRs américain. Quoi qu`il en soit, l`onde de choc géopolitique causée par la fin de la Seconde Guerre mondiale a favorisé l`expansion du système économique américain (et a ralenti considérablement l`expansion idéologique soviétique). Cependant, suite à la crise d`Azerbaïdjan, l`Iran était toujours un pays qui risquait de ne pas ouvrir ses marchés. C`est pourquoi la rhétorique idéaliste était un outil nécessaire à la mise en ~uvre de la stratégie de Truman en Iran. Elle accompagnait et justifiait le soutien technique, militaire et économique des États-Unis.

2) Les conséquences de la rhétorique du Programme Point IV en Iran : l'État supernation et l'ethos américain dans le discours de Truman au Shah

Le discours idéaliste présentait le programme Point IV comme une politique qui renforçait l`Iran contre la menace soviétique grace à des aides économiques. Ce programme s`est étendu après la premiere visite du Shah à Washington en 1949. Truman

129 On retrouve la stratégie discursive utilisée par George W. Bush après le 11 septembre 2001 où le choix était : Either you are with us, or you are with the terrorists.? Discours devant le Congrès, le 20 septembre 2001.

130 Halford Ryan explique que « Truman avait engagé les États-Unis dans une croisade anti-communiste en aidant les pays qui étaient, ou prétendaient être, démocratique. Le problème était qu`un tel pays était souvent défini comme étant « démocratique » seulement parce qu`il était anti-communiste. » Halford R. Ryan, op. cit., p.171.

accepta d`étendre l`aide économique à un soutien militaire à l`Iran sous le programme Mutual Defense Aid. 131 Le discours de Truman défendait les intérêts américains et s`adressait à son auditoire en manifestant « l`ethos d`un État supernation ». Voici un extrait du communiqué conjoint de cette visite qui exprime les points sur lesquels les deux pays se sont mis d`accord :

1. They [the Shah of Iran and the President of the United States] believe the United Nations offers the best means of assuring a peaceful world. Both countries will continue to give the United Nations their unfaltering support and to work in close cooperation with it and its agencies.

2. A serious threat to international peace and security anywhere in the world is of direct concern to the United States. [...] the United States made clear its desire for the maintenance of the independence and integrity of Iran.

3. His Imperial Majesty believes, and the President concurs, that the ability of any country to maintain its independence is based on a sound and prosperous economy. For this reason, as far back as 1946, upon His Majesty's advice, the Iranian Government took steps to prepare a Seven-Year Plan for economic and social progress [...] His Majesty welcomes the assistance envisaged under the Point IV program and is particularly aware of the desirability of increased investments of private capital in the Iranian economy.

4. It is the policy of the United States to help free peoples everywhere in the maintenance of their freedom wherever the aid which it is able to provide can be effective. As the result of recent Congressional authorization, and in response to the request of the Government of Iran, the Government of the United States is currently prepared to offer certain military assistance essential to enable Iran, as a nation dedicated to the purposes and principles of the United Nations Charter, to develop effective measures for its self-defense in support of those purposes and principles..132

Les axes politiques et la rhétorique donnés par le discours du programme Point IV s`appliquent un à un à l`Iran. En effet, ce communiqué mentionne premièrement, le soutien aux Nations Unis, deuxièmement, le maintien de l`indépendance et de l`intégrité de l`Iran (éviter que l`Iran devienne communiste, et ainsi, favoriser l`endiguement de l`Union Soviétique), troisièmement, l`encouragement des investissements de capitaux privés américains dans l`économie iranienne afin que celle-ci soit prospère, et enfin, quatrièmement, l`aide au peuple iranien -- qui est un peuple libre selon la rhétorique idéaliste de Truman -- à entretenir sa liberté en lui apportant un soutien militaire ; celui-ci permettant à l`Iran de se défendre des agressions étrangères.

131 Amin Saikal, Islam and the West : Conflict or Cooperation?, (Palgrave Macmillan, New York, 2003) P.51

132 Communiqué conjoint du président Truman suivant une discussion avec le Shah d`Iran, 30 décembre 1949 (les parties mises en gras et soulignées ont été effectué pour l`étude par nos soins). Voir l`intégralité du communiqué dans le document annexe 3.

Ces éléments sont appuyés par une rhétorique présidentielle idéaliste. En effet, le communiqué met en avant une action pour « assurer un monde en paix » pour « les peuples libres » en accord avec les « objectifs et les principes de la charte des Nations-Unis » (cf. point 1). Il promeut la défense de « la paix et la sécurité internationale partout dans le monde » (ainsi qu`en Iran) contre une « sérieuse menace » (cf. point 2)133 et le « maintien de l`indépendance » de l`Iran (cf. point 3). Enfin, le communiqué promeut « l`aide aux peuples libres dans le maintien de leur liberté » (cf. point 4). La cohérence discursive promeut toujours l`ethos américain mais cette fois ci, elle le fait vis-à-vis de l`Iran. Par exemple, le terme « États-Unis » est associé à « l`aide des peuple libres » et à « l`offre du soutien militaire essentiel à l`Iran ».

Par ailleurs, de même que pour le discours d`inauguration de Truman, les États-Unis avaient toujours intérêt à présenter la situation sur les bases d`un conflit idéologique. Pour cela, Washington utilisait le discours idéaliste pour mettre en relief la défense des intérêts de l`Iran et des États-Unis auprès de l`auditoire. En effet, s`il avait été mentionné que les États-Unis voulaient favoriser les exportations des entreprises américaines en investissant en Iran, en y installant des succursales dans le but de promouvoir la vente du surplus de production créé par l`économie de guerre de ses entreprises, en favorisant les Exim Banks et les fonds de contrepartie pour faciliter la création d`un système de marché en Iran134, en diminuant les taxes douanières, etc. quel aurait été l`impact vis-à-vis de l`opinion publique ? En quelle mesure cela aurait été attrayant d`un point de vue politique, comparé à présenter une politique étrangère qui « assure un monde en paix », en formulant que les États-Unis désirent « le maintien de l`indépendance et de l`intégrité de l`Iran » contre une « sérieuse menace pour la paix et la sécurité internationale » (en d`autres termes le communisme -- selon la doxologie instaurée par la doctrine Truman dans les structures cognitives de chacun).

133 Le communiqué joint entre les deux pays ne mentionne pas directement l`URSS. Ceci nous permet de penser que la nominalisation directe de l`Union Soviétique comme étant « une menace » vise plus à persuader l`opinion publique américaine. Le Shah devait se protéger du parti communiste iranien (le parti Tudeh). Selon Stephen Kinzer, Mohammad Reza Shah rightly feared Tudeh, which was strongly antimonarchist, but for several years after the Azerbaijan episode he could find no way to act against it. After the assassination attempt of 1949 he came up with one. All evidence suggested that the failed assassin was a religious fanatic, but the Shah ignored it and accused Tudeh of organizing the attempt. He banned it and imprisoned dozens of its leaders.? Stephen Kinzer, All the Shah's Men, an American Coup and the Roots of Middle East Terror (John Wiley & Sons, Inc., Hoboken, New Jersey, 2003), p.66.

134 L`intérêt économique était de favoriser les exportations américaines mais également de faciliter ses investissements de capitaux privés en Iran dans le but de promouvoir l`afflux de liquidité du dollar américain à travers des transactions dans un système économique international (dans la logique des accords Bretton Woods et du Plan Marshall).

De cette manière, l`administration Truman s`attirait beaucoup plus de sympathie auprès de l`opinion publique grace à une rhétorique idéaliste qui présentait l`Iran au centre d`un conflit idéologique. En revanche, il était dans l`intérêt de Washington de ne pas insister sur les réalités stratégiques et économiques, et de rester vague en ce qui concerne « l`augmentation d`investissements de capitaux privées dans l`économie iranienne ". Une fois encore, il existe un écart entre l`intérêt national « réel » et l`intérêt national « exprimé ". Cet écart est crée volontairement afin de ne pas perturber les « masses " et c`est pour cela que la rhétorique idéaliste de Truman insiste davantage sur les valeurs partagées (et surtout comprises par le plus grand nombre) plutôt que d`utiliser des termes techniques et nécessaires à la compréhension des réalités stratégiques.

Enfin, le communiqué indique que les États-Unis « continueront de garder à l`esprit les besoins de défense de l`Iran pour plus d`assistance » ce qui d`une part, montre la supériorité américaine ainsi que sa position d`État supernation à travers sa rhétorique, et d`autre part, cela montre sa capacité à répondre à la demande de soutien de l`Iran. Les deux pays ont besoin l`un de l`autre pour leur sécurité nationale mais le discours présente les choses de sorte que l`opinion publique considère les États-Unis comme étant la nation salvatrice ayant un pouvoir d`attraction.135

Ainsi, le soutien militaire défendait les intérêts américains puisque l`Iran devenait plus en mesure de former un rempart solide contre l`expansion communiste.136 De plus, la visite du Shah renforçait les bases de l`implantation du système capitaliste aux portes de l`Union Soviétique. Il s`agissait d`accords mutuels entre les deux nations et la part accordée à l`Iran était d`une importance considérable comparée à celle accordée à d`autres pays.137

135 À noter que le déplacement du Shah en personne à Washington montre la position le pouvoir d`attraction des États-Unis puisque Harry Truman n`a jamais été en Iran. Franklin Roosevelt s`était rendu en Iran durant la conférence de Téhéran mais le premier président américain à avoir rendu visite au Shah après la Seconde Guerre mondiale fut Eisenhower en décembre 1959 puis Richard Nixon en Mai 1972. Nixon, en tant que vice président, avait rendu visite au Shah et au premier ministre Zahedi le 9 décembre 1953 pour la défense des intérêts américains concernant la place des compagnies américaines dans le consortium de l`AIOC d`après coup d`Etat.

136 Le rapport du conseil national de sécurité du 20 novembre 1952 confirme ce qui est écrit dans ce communiqué joint puisque l`assistance a bien été délivrée. Selon ce rapport, l`un des objectifs en Iran était : Continue present programs of military, economic and technical assistance to the extent they [the Iranians] will help to restore stability and increase internal security, and be prepared to increase such assistance to support Iranian resistance to communist pressure.? Voir le Rapport du Conseil National de Sécurité sur la situation en Iran. Rapport écrit à Washington le 20 novembre 1952, disponible sur The National Security Archives -

http://www.gwu.edu/~nsarchiv/NSAEBB/NSAEBB126/iran521120.pdf (6 juin 2011)

137 Ali Ansari explique : In 1950, President Truman had launched a Point 4 technical assistance program for Iran. Although Iranians complained that the level of aid was too low, Iran was among the highest beneficiaries in comparative terms. For example, in 1952, the United States allocated $23,450,000 in the form of technical (developmental) assistance to Iran, which compared favourably with sums allocated to other countries in the region according to country director, William Wayne.? Ali M. Ansari, op. cit., p.26.

La rhétorique idéaliste formulée dans ce communiqué devait persuader plusieurs partis. Tout d`abord, une telle cohérence discursive de la part du président Truman offrait plus de chance d`adopter les projets énoncés auprès du Congrès (qui vota en faveur du Foreign Economic Assistant Act le 5 juin 1950).138 D`autre part, cela encourageait les investisseurs à s`engager en Iran. Enfin, cela persuadait le contribuable américain (qui élit ses représentants et sénateurs) à ce que sa nation investisse dans ce pays. En effet, la rhétorique présidentielle doit être persuasive, et pour cela, elle doit respecter les principes fondamentaux des États-Unis. Ainsi, le peuple américain peut s`identifier le plus possible aux idées et aux valeurs présentées par son chef d`Etat. Par conséquent, les citoyens américains acceptent plus facilement que son gouvernement fédéral entreprenne un investissement de plusieurs milliards de dollars au service du « maintien de la stabilité et le développement » dans un pays autre que le sien. Toutefois, il est évident que chaque citoyen américain ne suit pas avec attention les investissements de son gouvernement dans les affaires étrangères. C`est pourquoi cette rhétorique permet plutôt de justifier les actions entreprises par la Maison Blanche.

Par ailleurs, le programme Point IV devait s`occuper seulement des aides techniques. Mais « l`administration américaine, certains milieux du Congrès et certains milieux d`affaires se sont rendu compte que cela ne suffisait pas, qu`il fallait du capital ». 139 Les capitaux provenaient à la fois du gouvernement (du contribuable), mais principalement de fonds privés.140 Ainsi, l`électorat américain devait être convaincu de la bienfaisance et de la morale des actions annoncées par ses dirigeants qui annonçaient que les États-Unis allaient fournir une stabilité politique en Iran via un soutien militaire.141

Bien que les démocrates bénéficiassent de la majorité du 81ème Congrès, en 1950, la rhétorique de Truman devait tout de même persuader l`opposition républicaine. Pour cela, le président insistait sur l`idée que « les Etats-Unis continueront de garder à l`esprit les besoins en défense de l`Iran » et que le programme Point IV était sujet d`une « action

138 National Archives, Records of U.S. Foreign Assistance Agencies, 1948-1961. Disponible sur, http://www.archives.gov/research/guide-fed-records/groups/469.html (6 juin 2011)

139Michael A. Heilperin, Le Point IV du président Truman, 1950, Volume 15, n°2, pp.169-170 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032-342x_1950_num_15_2_5753 (6 juin 2011)

140 Ibid.

141 La stratégie discursive américaine prend une importance de plus en plus considérable à partir du moment les citoyens ont la possibilité d`accéder aux média de plus en plus facilement (il est évident que l`importance de

la stratégie discursive évolue en fonction de l`accessibilité aux média, et donc avec le temps). A noter que de nos jours l`importance du nombre de médias serait à prendre en compte dans l`analyse des stratégies discursives (surtout depuis l`ère du web). Le discours d`inauguration de Truman était le premier à être diffusé à la télévision et ceci joue différemment sur la mise en valeur de l`ethos américain et de l`Etat supernation - qui est conceptualisé par le public.

favorable du Congrès »142. Par ces formules, la rhétorique suggère que le soutien apporté à l`Iran est lié à l`ethos américain. En effet, le président Truman -- par le biais de sa rhétorique supernation lors de son discours d`inauguration et de celui de sa doctrine -- avait conceptualisé la dichotomie entre les deux valeurs qui dominaient l`espace ontologique de l`auditoire dans le contexte de la Guerre froide (libéralisme américain contre communisme soviétique). De ce fait, les opposants de la politique du président démocrate se retrouvaient donc plus facilement amenés à être amalgamé avec une valeur qui est autre que celle proposée par l`ethos américain (la valeur mise en avant par le discours idéaliste). Par conséquent, la stratégie discursive américaine tendait à diviser les « structures cognitives des masses » en ces deux espaces ontologiques, permettant ainsi de défendre les intérêts des États-Unis.143

D`autre part, et puisqu`il s`agit d`un communiqué conjoint, la stratégie discursive prévoit également de persuader le Shah d`Iran, le gouvernement et le peuple iranien. Pour cela, la rhétorique du communiqué idéalise la relation entre les deux pays et elle rend facilement perceptible la coopération existante avec des expressions comme :

The President said today that the existing friendly relations with Iran have been strengthened still further by the Shah's visit. The President is most happy that His Majesty has paid the United States the honor of this visit, which enabled not only the President but many officials of the Government, as well as the American people, more clearly to know and understand Iran, its great traditions, and its present achievements and objectives.144

La rhétorique employée par Truman rend public les bons rapports diplomatiques existants. Le discours affiche complètement l`entente cordiale entre les deux États et cette coopération se traduit aussi par les échanges de savoir entre les deux pays. Pour cela le communiqué exprime les différentes visites du Shah dans les secteurs de l`industrie, de l`agriculture, de l`éducation et militaire (naval, armée de l`air et armée de terre).145 Ces secteurs sont ceux évoqués dans le plan de Sept-Ans (the Seven Years Plan). Ce document confirme le soutien américain à l`Iran. Ce soutien est approuvé par le Mutual Defense

142 Communiqué conjoint du président Truman suivant une discussion avec le Shah d`Iran, 30 décembre 1949. Op. cit. Voir le point n°3 du communiqué en dans le document annexe n°3. (Le point n°4 fait également mention de « l`autorisation du Congrès »).

143 Les intérêts en termes de politique étrangère étant relativement communs aux deux partis à cette époque, le discours idéaliste présentait moins de division majeure qu`aujourd`hui. A noter que la manière dont les journalistes traitent l`information ayant son importance, la stratégie discursive présidentielle devait persuader les médias.

144 Voir les deux premiers paragraphes du document intégral en annexe 3.

145 Ibid. paragraphe n°2

Assistance Act146 et s`accompagne d`un emprunt iranien à la Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement (BIRD).

La rhétorique supernation des États-Unis incluait l`Iran dans les pays qu`ils définissaient comme étant « libres » (c'est-à-dire « non-communistes »). Cet ethos lui permet de bénéficier d`un soutien considérable en ce qui concerne le libre échange avec les pays ayant un système d`économie de marché (free market). Le choc permet à la rhétorique américaine d`inclure l`Iran dans ce que les États-Unis appellent « le monde libre » (the free world) et cette image -- apporté par la stratégie discursive américaine -- fait basculer la balance en faveur de leurs intérêts.

En termes de politique étrangère, Truman bénéficiait toujours de l`élan de cohésion nationale créé par le choc géopolitique de la Guerre froide. Le discours d`inauguration de Truman énonçait les quatre points de son programme. Son programme était exprimé avec une rhétorique idéaliste qui valorisait l`ethos américain et qui favorisait l`action de l`administration Truman. Cette rhétorique supernation s`illustrait avec l`Iran et permettait d`une part, d`inclure l`Iran dans l`entité « monde libre » (c'est-à-dire « noncommunistes »), d`autre part, de persuader l`opinion publique américaine d`appliquer le programme Point IV en Iran (sans que Truman ne donne de détails sur les pays dans lesquels ce programme aura lieu), et enfin, de persuader le Congrès de voter en faveur du Mutual Defense Assistant Act qui a fourni à l`Iran un soutien technique et militaire.147

Face à une telle complexité dans les affaires étrangères américaines, il était plus avantageux pour Truman de présenter la situation au public sur les bases d`un conflit idéologique. Les « intérêts réels » à défendre en Iran n`étaient pas exprimés (ou restaient très vagues) afin de gagner du soutien et mettre en place les programmes. La rhétorique idéaliste éloignait donc l`auditeur des réalités stratégiques. Elle amenait celui-ci à une perception idéologique de la Guerre froide et permettait à Washington de défendre ses intérêts économiques et géostratégiques en Iran.

146 Voir l`extrait du Mutual Defense Assistance Act [H.R. 5895] de 1949 qui autorise l`assistance militaire aux nations étrangères afin de promouvoir la politique étrangère et de défendre le bien-être et la sécurité des ÉtatsUnis - Document annexe n° 4. Les sections 301 et 302 Titre III de la loi stipulent que le président est autorisé à fournir de l`aide à l`Iran, la république de Corée et la république des Philippines pour un montant ne pouvant excéder $27 640 000 et ce à compter du 30 juin 1950.

147 Voir la carte des pays bénéficiant du programme Mutual Defense Aid, annexe n°5.

3ème PARTIE

LE DISCOURS IDEALISTE LORS DE LA CRISE DE LA
NATIONALISATION DU PETROLE IRANIEN DE 1951 ET DU
COUP D'ETAT DE 1953

1) L e choc de la nationalisation et la stratégie discursive de l'administration Truman

a) La crise d`Abadan

Pendant la Guerre froide, la politique étrangère des États-Unis était guidée par les quatre points énoncés par Truman lors de son discours d`inauguration du 20 janvier 1949. Le programme Point IV s`appliquait aussi en Iran sous le Mutual Defense Assistance Act voté par le Congrès. Celui-ci fut mis en place à compter du 30 juin 1950.148 L`Iran bénéficiait aussi du soutien technique et militaire des États-Unis afin « d`améliorer l`efficacité de l`armée iranienne » mais également celle de sa police et de sa gendarmerie. Les accords prévoyaient que cela se fasse « sans que l`Iran n`engage les services de personnel de tout autre gouvernement étranger pour des devoirs de toute nature en rapport avec l`armée iranienne, sauf par accord mutuel entre le gouvernement des États-Unis d`Amérique et le gouvernement d`Iran ».149 L`Iran avait demandé de l`aide aux États-Unis dès 1942 pendant la seconde guerre mondiale. Cependant, en 1950, les États-Unis avaient eux-mêmes renouvelé ce programme d`aide à l`étranger dans le but de poursuivre ses objectifs de sécurité partout dans le monde.150 Et pour défendre ses intérêts dans le monde et en Iran, le programme d`assistance aux « nations libres » était une priorité pour les affaires étrangères américaines.

Bien que l`Iran attendît plus d`aide de la part des États-Unis, les Iraniens avaient besoin de ce soutien pour affirmer sa souveraineté territoriale. En effet, l`Iran était toujours sous la pression de deux puissances qui mettaient en péril le maintien de son indépendance nationale. D`une part, l`URSS avait toujours des ambitions en Iran car le retrait des troupes soviétiques lors de la crise d`Azerbaïdjan avait mis fin ni à l`influence

148 Le gouvernement iranien a adhéré au Mutual Defense Assistance Act grâce à des accords avec les États-Unis le 23 mai 1950. Rouhollah K. Ramazani, op. cit., p.162. L`auteur se réfère à U.S. Department of State, United States Treaties and Other International Agreements 1, TIAS no.2071 (May 23, 1950): 420-24

149 Ibid. p.161. L`auteur se réfère à U.S. Department of State, United States Treaties and Other International Acts Series 1924, Agreement between the United States and Iran,? amending and extending agreement of Oct. 6 1947. Il explique que les accords ont été renouvelés.

150 Ibid. p.162

communiste dans le pays ni aux activités du parti Tudeh. D`autre part, il commençait à y avoir de sérieux mécontentements avec la Grande-Bretagne à cause de la gestion de l`Anglo-Iranian Oil Company (AIOC).151 Le professeur Rouhollah Ramazani écrit à ce propos :

The era of Iranian disenchantment with American economic aid was paralleled by the cold war with the Soviet Union, on the one hand, and, on the other, a growing nationalistic crusade against the British.152

Ce mécontentement favorisa la montée du nationalisme qui fut menée par Mohammad Mossadegh153. Ce dernier fut élu premier ministre le 21 avril 1951 après l`assassinat de son prédécesseur Ali Razmara -- assassinat qui eut lieu dans ce contexte de mécontentement populaire. Le Majlis vota la nationalisation du pétrole iranien le 15 mars 1951154 et le Shah fut contraint de signer la loi le 1er mai de la même année.155

Cette nationalisation représente un choc en termes d`enjeux géostratégiques et économiques pour l`Iran, la Grande-Bretagne et les États-Unis puisqu`elle remet en cause la nature des relations entre ces trois nations. De plus, elle joue sur l`équilibre du Moyen Orient et du monde. D`un point de vue économique, la nationalisation d`une industrie aussi importante que l`AIOC représentait une grande menace pour la finance et l`économie britannique (alors dirigée par le gouvernement Travailliste de Clement Attlee). Un rapport intitulé « l`instabilité politique et la réaction des marchés boursiers suite à la nationalisation de l`AIOC en 1951 » explique qu`environ 80% des actifs de la société (AIOC) étaient déployés en Iran et que ces derniers étaient « soumis à la confiscation par le gouvernement iranien ».156 Ali Ansari ajoute que l`empire britannique, qui sortait d`une exhaustive et ruineuse seconde guerre mondiale, ne pouvait pas se permettre de perdre ses intérêts sur l`AIOC ainsi que son accès à un pétrole bon marché.157 Enfin, Stephen Kinzer

151 Ibid. p.163

152 Ibid.

153 Il est également possible de trouver l`orthographe de « Mossadegh » avec un « q » car le son final est un son guttural qui n`a pas d`équivalent en français.

154 Stephen Kinzer, p.79. Op. Cit

155 Ibid. p.91

156 Neveen Abdelrehim, Josephine Maltby, Steven Toms, Political Instability and Stock Market Reaction: The Anglo-Iranian Oil Nationalisation, 1951, p.2

157 Ali M. Ansari, p.28. Op. Cit

Le membre du Congrès Jim McDermott explique que les britanniques prenaient officiellement 85% de bénéfices sur le pétrole iranien mais qu`il est possible qu`ils avaient des bénéfices plus important : The United Kingdom also kept the books secret merely telling Iran what its 15 percent take was? (U.S. Congressman Jim McDermott, Bush Authorizes Covert Actions against Iran?. Chambre des Représentants, 23 mai 2007. WEB. 14 juin 2011 http://www.gpo.gov/fdsys/pkg/CREC-2007-05-23/pdf/CREC-2007-05-23-pt1-PgH5685-4.pdf

explique qu`en 1947 la compagnie rapportait un profit de £40 millions -- soit l`équivalent de 120 millions de dollars d`époque (1.2 milliard de dollars aujourd`hui) -- et elle versait à l`Iran seulement £7 millions158 (soit 21 millions de dollars aujourd`hui).

En Iran, le mécontentement se faisait de plus en plus entendre car les conditions de travail des ouvriers étaient déplorables et elles ne correspondaient pas avec les accords signés en 1933 sous Reza Shah. 159 L`Iran, qui recherchait une reconnaissance internationale, défendait son droit à la souveraineté. Toutefois, le pays avait besoin du soutien technique et économique des Américains. Dans un premier temps, Washington se contentait de mettre en garde les Iraniens contre des effets néfastes de la nationalisation de l`industrie pétrolière pour les intérêts de l`Iran et du monde (circulation du pétrole iranien dans le marché mondial). En revanche, la Grande-Bretagne, en déclin et ne pouvant se passer d`un accès privilégié aux ressources iraniennes, adoptait un ton nettement plus belliqueux vis-à-vis pour faire face à cette montée du nationalisme iranien. Ce changement de ton basculait l`équilibre des relations entre Londres, Téhéran et Washington, et cela traduisait un changement de dynamique dans l`activité diplomatique.

b) L`intérêt national « réel » américain lors de la crise d`Abadan

Cette crise illustre l`écart qui existe entre les intérêts stratégiques américains et leur stratégie discursive idéaliste mis en place pour les défendre. Les États-Unis se trouvaient au centre de cette crise et ils devaient maintenir l`unité du « monde libre » afin de ne pas laisser de terrain au communisme. Pourtant, cette menace communiste n`était jamais mentionnée dans les échanges diplomatiques entre Washington et Téhéran.160

Les États-Unis devaient défendre deux intérêts majeurs en Iran. D`une part, la circulation du pétrole iranien dans le marché mondial et, d`autre part, le maintien de bonnes relations entre les pays du « monde libre ». Un rapport du Conseil National de Sécurité sur la situation en Iran datant du 20 novembre 1952 indique que les États-Unis « devraient maintenir une totale consultation avec le Royaume-Uni » mais qu`ils devraient

158 Stephen Kinzer, op. cit., p.67.

159 Ibid. L`auteur cite les mauvaises conditions de travail et le manque de respect des accords qui prévoyaient la construction d`hôpitaux, d`écoles, de route ou de lignes téléphoniques.

160 Ces échanges seront illustrés dans le point n°3 de ce chapitre.

également « éviter de sacrifier inutilement les intérêts légitimes du Royaume-Uni ou de compromettre inutilement les relations entre les États-Unis et le Royaume-Uni ».161

Cette crise est apparue quelques temps après l`annonce de la doctrine Truman et du programme Point IV et elle marqua une confrontation stratégique et idéologique entre « le nouvel impérialisme américain » d`un côté, et le système impérialiste britannique d`un autre côté.162 La Grande-Bretagne était un allié incontestable des États-Unis et elle refusait de limiter ses exigences concernant les négociations à l`égard des revendications de souveraineté de l`Iran. La cohérence discursive de Truman est quant à elle en coordination avec la stratégie présentée dans sa doctrine, dans le programme Point IV et dans le Mutual Defense Aid. Son discours vis-à-vis de l`Iran met bien en valeur les principes de liberté, de démocratie et de paix ; gardant ainsi sa stratégie discursive idéaliste. Celle-ci insiste beaucoup plus sur l`idéalisme décrit par David McKay que sur les réalités géostratégiques et économiques. Cependant, il existe une distinction entre le discours et les intérêts géopolitiques. Le rapport du conseil de sécurité sur la situation en Iran exprime ces réalités que les États-Unis devaient protéger via la rhétorique idéaliste afin d`obtenir un bénéfice qui est le fruit d`une politique réaliste. Voici ce que représentait l`Iran pour les intérêts américains :

It is of critical importance to the United States that Iran remains an independent and sovereign nation, not dominated by the USSR. Because of its key strategic position, its petroleum resources, its vulnerability to political subversion, Iran must be regarded as a continuing objective of Soviet expansion. The loss of Iran by default or by Soviet intervention would:

a) Be a major threat to the security of the entire Middle East, including Pakistan and India

b) Permit communist denial to the free world of access to Iranian oil and seriously threaten the loss of other Middle Eastern oil.

c) Increase the Soviet Union`s capability to threaten important United States-United Kingdom lines of communication

d) Damage United States prestige in nearby countries and with the exception of Turkey and possibly Pakistan, seriously weaken, if not destroy, their will to resist communist pressures.

161 Rapport du Conseil National de Sécurité sur la situation en Iran. Rapport écrit à Washington le 20 novembre 1952, disponible sur The National Security Archives -

http://www.gwu.edu/~nsarchiv/NSAEBB/NSAEBB126/iran521120.pdf (6 juin 2011).

162 Andrew Ives que le discours idéaliste est nécessaire pour les États-Unis en ce qui concerne la défense de ses intérêts en termes de politique étrangère. Il explique que cela est dû à cette « nouvelle forme d`impérialisme » car, contrairement au système impérialiste britannique, qui ne cachait pas la défense des intérêts de son empire, les États-Unis présentent la défense de la démocratie libérale et du capitalisme de marché mondial comme principale orientation pour sa politique étrangère. Andrew Ives, Op. cit.

e) Set off a series of military, political and economic developments, the consequences of which would seriously endanger the security interests of the United States.163

Ce document montre à quel point la perte de l`Iran aurait sérieusement mis en péril les intérêts américains. La non-influence américaine de cette position stratégique représentait une menace pour les États-Unis. En effet, l`Union Soviétique cherchait depuis longtemps un passage jusqu`au Golfe Persique qui leur aurait permit d`avoir accès aux réserves de pétrole se situant majoritairement dans le sud de l`Iran. Moscou avait donc des raisons de déstabiliser le régime de Shah par l`intermédiaire du parti communiste iranien -- le parti Tudeh. Les États-Unis craignaient une intervention soviétique en Iran qui risquait de faire tomber le régime, provoquant ainsi un effet domino. Ceci est exprimé dans le premier point du document (a) qui mentionne que cette intervention serait « une menace pour la sécurité de l`ensemble du Moyen-Orient, Inde et Pakistan inclus ». Le point (b) du rapport mentionne ensuite, la menace de la perte de l`accès au pétrole pour l`ensemble du « monde libre » car l`influence soviétique dans la région aurait augmenté exponentiellement le risque de perte des marchés d`autres pays possédant des réserves de pétrole importantes.

Le pétrole devenait à cette époque la principale source énergétique puisqu`elle dépassait le charbon en 1947.164 Cette source avait déjà attiré la Grande-Bretagne qui était présente en Iran depuis le début du siècle avec la découverte du pétrole dans le sud du pays et la création de l`Anglo-Persian Oil Company (APOC)165 fondée en 1909. Puis, en aoüt 1941, les forces britanniques et russes occupaient l`Iran et les troupes américaines arrivèrent quinze mois plus tard pour conduire le transbordement du ravitaillement à l`Union Soviétique qui se présentait sous le programme Prêt-Bail (Lend-lease).166

Il était primordiale pour les Américains d`avoir accès aux lignes de communication que les alliés avaient établi en Iran et le point (c) du rapport mentionne que la perte de l`Iran augmenterait les risques de perte de ces lignes. Ces dernières furent d`une importance majeure pour l`acheminement de matériel pendant la Seconde Guerre mondiale et elles continuaient à protéger les intérêts américains dans le contexte de la Guerre froide. Enfin, ce document montre que la stratégie américaine pouvait échouer à cause de cette perte car l` « ethos américain » -- présenté lors des discours tels la doctrine

163 Rapport du Conseil National de Sécurité sur la situation en Iran., op. cit.

164 Energy Information Administration, History of Energy in the United States, 1635-2000, (Voir annexe n°6).

165 L`APOC est devenu l`AIOC (Anglo-Iranian Oil Company) en 1935 lorsque le Shah Reza Pahlavi changea le nom de la Perse à Iran.

166 Chester J. Pach, Jr., Arming the Free World : the Origins of the United States Military Assistance Program, (the University of North Carolina Press, 1991) p.91

Truman et le programme Point IV -- risquait de remettre en cause la crédibilité et le prestige de « l`État supernation ». En effet, le point (d) du rapport explique que les pays se situant autour de l`Iran devaient garder une image positive de la politique proposée par Truman dans leurs structures cognitives afin de ne pas se tourner vers le communisme. Ceci déclencherait un changement considérable dans les mesures politiques, économiques et militaires entreprises par les États-Unis, mettant ainsi la sécurité des intérêts américains en danger (cf. e).

c) L`approche discursive de Washington face aux pressions britanniques et iraniennes

. La rhétorique dans le discours public

Washington se retrouvait au milieu d`un conflit entre deux alliés qui avaient chacun des intérêts communs avec les Etats-Unis. La stratégie discursive de Truman était de respecter la neutralité entre ces deux pays, tous deux membres de la nouvelle Organisation des Nations Unis. Le président démocrate faisait très peu de commentaires sur la crise anglo-iranienne. Cette crise était mentionnée uniquement à travers quelques conférences de presse dans lesquelles ses réponses restaient brèves et non-détaillées. Il y exprimait son souhait de voir une « résolution satisfaisante pour les deux partis, et de manière équitable pour les deux partis ».167 Part ailleurs, il employait une rhétorique idéaliste qui lui permettait d`assurer une neutralité dans le conflit anglo-iranien : « je suis toujours pour une résolution pacifique partout dans le monde ».168 Les réponses de Truman montrent néanmoins le désir de maintenir une unité chez ses alliés membres du « monde libre ».

Le département d`État déclarait que le conflit entre l`Iran et la Grande-Bretagne concernait directement les intérêts des deux pays mais également ceux du « monde libre ». Il ajoutait que les États-Unis voulaient que cette crise se résolve à travers « des négociations amicales » sans qu`aucun parti n`entreprenne « des actions unilatérales ». Ce communiqué déclare que les États-Unis reconnaissaient pleinement le droit souverain de l`Iran d`accroître ses bénéfices provenant du développement de son pétrole. Par contre, le gouvernement américain « s`opposait fortement à l`annulation unilatérale des rapports

167Conférence de presse du président Truman, le 7 juin 1951. WEB 14 juin 2011. http://www.presidency.ucsb.edu/ws/index.php?pid=13797&st=&st1=#axzz1PIW8nRLP 168 Conférence de presse du président Truman, le 27 septembre 1951. WEB 14 juin 2011. http://www.presidency.ucsb.edu/ws/index.php?pid=13931&st=&st1=#axzz1PIW8nRLP

contractuels » avec l`AIOC -- en d`autres termes la nationalisation -- à cause des effets graves que cela aurait entrainé.169

L`administration américaine s`opposait fermement à la nationalisation de l`industrie pétrolière iranienne. Mais pour exprimer cela, elle devait utiliser une rhétorique idéaliste car le conflit anglo-iranien était devenu une cause nationale chez les Iraniens. Stephen Kinzer explique que le nationalisme était alimenté par une rhétorique anti-impérialiste de la part du Front National de Mossadegh dans un premier temps, et par des mollahs dirigés par l`Ayatollah Kashani dans un second temps. Ces derniers associaient la nationalisation à un « devoir sacré ». L`auteur ajoute que la nationalisation était « une grande cause " chez les Iraniens.170 Il était donc impératif pour Truman et son administration de ne jamais parler de « nationalisation " publiquement car ils étaient conscient que ce terme était devenu tres populaire dans l`opinion publique iranienne. Par conséquent, les décideurs à Washington devaient manier la rhétorique avec habilité afin de ne pas contrarier l`opinion iranienne et ainsi défendre les intérêts américains. En somme, qualifier cette nationalisation en utilisant d`autres termes permettait à l`administration américaine de ne pas donner une image qui soit en opposition directe avec les termes employés par la majorité pro-nationaliste en Iran.

Quelques jours après la signature de la nationalisation, le département d`Etat américain faisait part de ses remarques concernant ce qu`ils allaient désormais appeler « la controverse sur le pétrole iranien » (Anglo-Iranian controversy? ou the dispute?) :

The United States is deeply concerned by the dispute between the Iranian and British Governments over Iranian oil. [...]

We have stressed to the Government of both countries the need to solve the dispute in a friendly way through negotiation and have urged them to avoid intimidation and threats of unilateral action. [...]

In talks with the Iranian Government, we have pointed out the serious effects of any unilateral cancellation of clear contractual relationships which the United States strongly oppose.171

La position des Etats-Unis devait paraître neutre. La nationalisation allait à l`encontre des principes américains. Toutefois, la doctrine Truman s`effectuant sous la bannière de la liberté, la paix et la démocratie, le rôle de la rhétorique idéaliste était de présenter une façade de la politique étrangère de Washington. Les déclarations du département d`Etat font part d`une « controverse entre l`Iran et la Grande-Bretagne " ou encore de

169 Remarques du Département d`Etat américain, 18 mai 1951, United States Position in Talks With Iran and the United Kingdom, Department of State Bulletin p.851 - voir document annexe n°9

170 Stephen Kinzer, op. cit., pp.77-78.

171 Remarques du Département d`Etat américain. Op. cit. (Les parties en italiques ont été ajoutées par nos soins).

« l`annulation unilatérale des rapports contractuels transparents » au lieu de parler de la nationalisation de l`industrie pétrolière iranienne. Mentionner cette dernière aurait eu pour effet de mettre en danger les objectifs énoncés par le Program Point IV et le Mutual Assistance Act du président Truman.

Par ailleurs, le département d`Etat manifestait l`importance de la circulation du pétrole iranien dans le marché mondial et il faisait également remarquer à l`Iran trois objets de litige. En premier lieu, il exprimait des inquiétudes vis-à-vis la productivité du pétrole de la part de l`Iran dans le cas où la compagnie britannique serait exclue du pays. En deuxième lieu, la production et le raffinement efficace du pétrole iranien exigeait des connaissances techniques et du capital que l`Iran ne possédait pas. D`autre part, un rendement efficace exigeait du transport, de la logistique et de la vente d`infrastructures comme celles fournies par la compagnie. Enfin, des incertitudes étaient soulignées quant aux disponibilités futures de ravitaillements iraniens. Un manque causerait des inquiétudes chez les clients qui pourraient éventuellement changer leur source de ravitaillement. Le département d`Etat explique que ceci aurait pour conséquence une baisse des revenus pour l`Iran et que les compagnies américaines n`étaient pas disposées à entreprendre des opérations dans ce pays en cas « d`actions unilatérales contre les compagnies britanniques».172

Les États-Unis n`avaient pas intérêt à ce que l`Iran nationalise son industrie pétrolière car cela compromettait la stabilité des marchés et la garantie de sécurité des approvisionnements en pétrole à travers le monde. Cela allait contre le libéralisme et Truman ne pouvait accepter cet élan mené par Mohammad Mossadegh. Toutefois, une semaine avant son message au Congrès sur le Mutual Security Program, Truman ne pouvait pas afficher publiquement ce refroidissement entre Téhéran et Washington puisque son programme s`appliquait à l`ensemble du Moyen-Orient, Iran inclut. La stratégie discursive du président était de commenter le moins possible la nationalisation.

Une semaine plus tard, le 24 mai 1951, Harry Truman donnait une conférence de presse avant son discours au Congrès. Un journaliste demanda quelles étaient les intentions du président concernant « la situation en Iran ». Truman resta très discret sur ce sujet et se contenta de demander au journaliste de lire les commentaires fait la veille par son secrétaire d`Etat Dean Acheson. Lors de la conférence de presse de Dean Acheson déclarait :

172 Ibid.

We believe very earnestly that the controversy between the British Government and the Iranian Government is a controversy which can be and should be settled by negotiation between those parties, and we indicated some of the principles which we thought were important in controlling the general conduct of those negotiations... The United States is the friend of, and is deeply concerned in the welfare and strength of both parties to the controversy.173

Le secrétaire d`État maintenait la cohérence discursive de l`administration Truman concernant la crise anglo-iranienne. Un jour avant l`intervention du président devant le Congrès Dean Acheson continuait de parler de « controverse » et de « négociation entre les parties [le gouvernement britannique et le gouvernement iranien] ». La stratégie américaine était de stabiliser les pays à la frontière de l`Union Soviétique et de les aider économiquement pour protéger le libre échange. La nationalisation allait à l`encontre du libéralisme et le Congrès se serait posé des questions quant au soutien économique et militaire des États-Unis vers un pays qui risquait de ne pas faire circuler son pétrole dans le « monde libre ».

Cependant, le discours public du secrétaire d`Etat traitait d`une crise ciblée entre l`Iran et la Grande-Bretagne. Il ne faisait pas allusion à la menace communiste de l`Union Soviétique car il s`agissait avant tout d`une crise bilatérale. Pour défendre les intérêts américains devant les représentants du peuple américain, Truman se servait de sa stratégie discursive idéaliste comme une façade.

Le président démocrate défendait son Mutual Security Program lors de son message spécial au Congrès du 24 mai 1951 (soit un mois après la nationalisation de l`AIOC). Truman avait éludé la question iranienne lors de sa conférence de presse, mais l`Iran faisait toujours parti de la stratégie américaine dans le Moyen-Orient. Dans son discours, il incluait l`Iran dans une stratégie qui défendait les intérêts américains dans le MoyenOrient :

The countries of the Middle East are, for the most part, less developed industrially than those of Europe. They are, nevertheless, of great importance to the security of the entire free world. This region is a vital link of land, sea, and air communications between Europe, Asia, and Africa. In the free nations of the Middle East, lie half of the oil reserves of the world. No part of the world is more directly exposed to Soviet pressure. [...] In Iran, continuing military aid is required to help build internal security and defense, together with economic aid to help sustain the Iranian economy and

173Conférence de presse du président du 24 mai 1951. http://www.presidency.ucsb.edu/ws/index.php?pid=13792&st=&st1= (6 juin 2011). Le texte de ses remarques à ce sujet sont imprimés dans le bulletin du Département d`Etat (vol. 24, p. 891).

give impetus to the much-needed longer-term process of economic development for the benefit of the Iranian people.174

Truman présente au Congrès les enjeux géopolitiques dans cette région : « lien vital de communications terrestres, maritimes et aériennes entre l`Europe, l`Asie et l`Afrique " et l`importance de cette zone géostratégique pour ses réserves de pétrole. Pour accréditer une intervention dans cette région, il présente le Moyen-Orient comme étant d`une « grande importance pour la sécurité de l`ensemble du monde libre ". Ainsi, il établit un lien entre le Moyen-Orient d`une part, et la sécurité du monde libre d`autre part. Puis, il inclut le « Moyen-Orient " dans le « monde libre " en disant : « dans les nations libres du MoyenOrient ". Cela a pour effet de présenter le Moyen-Orient comme une région qui peut -- ou doit -- bénéficier du soutien des États-Unis. Pour confirmer cela Truman insiste en expliquant que cette région est « exposée directement aux pressions soviétiques ". De cette façon, il joue sur les craintes du Congrès en utilisant à nouveau les procédés rhétoriques de « singularisation » et d`« essentialisation ". En effet, il nomme la menace soviétique dans une phrase courte mais chargée sémantiquement : No part of the world is more directly exposed to Soviet pressure?. Cette rhétorique a pour effet de réduire les problèmes complexes des événements qui traitent du pétrole dans la région à cette seule entité : le communisme soviétique. Pour cela il créé un lien entre « la moitié des réserves de pétrole dans le monde " qui repose « chez les nations libres du Moyen-Orient " et « les pressions soviétiques ". Ainsi, Truman alarme le Congrès et stimule son « ethos de chef " en l`incitant à suivre la stratégie de politique étrangère de son administration ; politique qui se présente comme étant « musclée " plutôt que « faible ".

Enfin, le président démocrate présente les développements économiques et militaires que les États-Unis peuvent apporter à l`Iran. Il présente une nouvelle fois les intérêts américains et ses objectifs par le biais de la stratégie discursive idéaliste. Pour ce faire, son discours inclut l`Iran dans « les nations libres du Moyen-Orient » en s`abstenant volontairement d`évoquer la nationalisation de l`AIOC. Cela signifie que malgré cette dernière, le président décide de maintenir sa stratégie globale de soutien et de stabilisation de chaque pays du Moyen-Orient dans le but de défendre les intérêts américains. Pour ce faire, il axe la vision de la politique étrangère américaine en Iran en termes de « développement économique pour le bénéfice du peuple iranien ", et ce, toujours sous le spectre des « pressions soviétiques ". Cette stratégie discursive idéaliste permettait à

174 Special Message to the Congress on the Mutual Security Program, 24 mai 1951 http://www.presidency.ucsb.edu/ws/index.php?pid=13793&st=&st1= (6 juin 2011).

Truman d`établir une façade. En effet, son discours se basait sur sa doctrine trois ans auparavant i.e. l`opposition dichotomique entre les entités qui ont des sémantiques propres aux structures cognitives de l`auditoire américain : les « Soviétiques » d`un sens, les « nations libres du Moyen-Orient » de l`autre. Cette façade essentialisait la politique étrangère américaine sur cette dichotomie. Cela permettait à Truman de maintenir une stratégie politique en Iran en concordance avec sa stratégie globale dans le Moyen-Orient. Le but de cette façade était de poursuivre cette stratégie en Iran -- malgré le choc causé par la nationalisation -- sans que l`opposition républicaine ne tente d`en adopter une autre. La rhétorique idéaliste dans le discours public permettait donc à l`administration Truman de maintenir sa vision politique et de ne pas intervenir directement dans les affaires internes de l`Iran.

. La rhétorique dans le discours privé

Une semaine après la déclaration du Département d`Etat et le discours de Truman au Congrès, l`ambassadeur des États-Unis à Téhéran réaffirmait au ministre des affaires étrangères iranien que les « États-Unis ne souhaitent pas interférer dans les affaires internes iraniennes, ni de s`opposer au droits souverains de l`Iran » ou encore de contrôler le pétrole iranien. Mais l`ambassadeur américain exprimait dans cet aide-mémoire que « la controverse entre la Grande-Bretagne et l`Iran pourrait perturber l`unité du monde libre et l`affaiblir ». Il ajoutait que la résolution à travers « des négociations amicales » pourraient « satisfaire les désires du peuple iranien à contrôler ses propres ressources », cela « protégerait les intérêts légitimes britanniques » et « assurerait la circulation du pétrole iranien dans le marché mondial ». Enfin, il terminait, toujours avec la même rhétorique idéaliste, en disant que trouver une solution à ce conflit était « de la plus grande importance non seulement pour les deux puissances concernés mais pour l`ensemble du monde libre».175

L`aide-mémoire de l`ambassadeur montre que la rhétorique était à la fois idéaliste et réaliste. Le ton employé était réaliste lorsqu`il s`agissait d`exposer les besoins américains et du monde en pétrole iranien, le tout pour le développement de l`économie de marché

175 Aide-Mémoire de l`Ambassadeur Américain à Téhéran au Ministre des Affaires Etrangères Iranien, le 26 Mai 1951, United States Non-Intervention in Iranian Domestic Affairs, Department of State Bulletin, 4 Juin 1951, pp.891-892 (Voir document annexe n°10)

mondiale. De plus, l`ambassadeur américain réitérait dans ce document, avec un ton réaliste, la divergence mentionnée publiquement par son département d`Etat. Il est écrit dans cet aide-mémoire :

While the United States has urged upon both parties the need for moderation,
it has taken no position on details of any arrangement which might be

worked out. It has, however, reaffirmed its stand against unilateral

cancellation of contractual relationships and action of a confiscatory nature.176

La position des États-Unis est ferme. L`ambassadeur réaffirme les directives du département d`Etat américain en s`opposant à toute « annulation unilatérale des rapports contractuels ». Le mot « nationalisation » n`est toujours pas employé ; elle est qualifiée « d`action de nature confiscatoire ». Cela permet de montrer au gouvernement iranien que les États-Unis considèrent la nationalisation comme étant une politique de nature peu diplomatique, voir radicale puisqu`elle est unilatérale. Le message devait réaffirmer la position américaine tout en modérant la fermeté de cette opposition afin de conserver de bons rapports diplomatiques avec son allié.

Washington devait conserver de bonnes relations avec l`Iran car la crise entre ce dernier et la Grande-Bretagne s`intensifiait au fil des semaines. Ceci avait pour effet d`augmenter le risque de division du « monde libre ». Le document exprime ce risque de division et « d`affaiblissement du monde libre ». Pour modérer l`expression de sa divergence de vision politique, l`administration américaine camouflait cette opposition grâce à cette stratégie discursive idéaliste qui met en évidence le respect des droits iraniens dans cette crise. Toujours afin de tempérer, la rhétorique idéaliste formule la politique étrangère en termes de préservation de la « stabilité du monde libre » et de « maintien de l`indépendance et d`intégrité territoriale de l`Iran ». De plus, l`ambassadeur termine son message en rappelant que ces objectifs sont des « principes fondamentaux de la politique des États-Unis ».177 La vision américaine est en opposition avec la politique iranienne de nationalisation -- elle ne soutient pas pour autant la politique postcoloniale de la Grande-Bretagne -- et le discours idéaliste (qui fait parti de l`effort diplomatique) permet d`atténuer la divergence entre Washington et Téhéran.

Malgré cette approche discursive, les efforts diplomatiques ne menaient à aucun compromis de la part de Londres et Téhéran. Une bonne stratégie discursive idéaliste ne peut donc à elle seule arranger les choses. Dans cette crise, elle n`est qu`un outil qui

176 Aide-Mémoire de l`Ambassadeur Américain à Téhéran au Ministre des Affaires Etrangères Iranien, Op. cit.

177 Ibid.

permet de tenter de convaincre les parties de résoudre le conflit de manière diplomatique. La crise s`intensifiait entre les deux pays et le risque de voir le « monde libre » se diviser devenait la principale préoccupation de Truman. L`intérêt national américain passait davantage par le maintien de l`unité du « monde libre » que par la question du pétrole en elle-même. Stephen Kinzer explique :

Truman now saw greater peril than ever. To him, the question of who would control Iranian oil was only secondary. He was more worried that the argument between the United States and Britain over how to deal with Mossadegh might spiral out of control and split the Atlantic alliance.178

L`administration Truman devait maintenir une stabilité diplomatique entre l`Iran d`une part et son allié membre de l`OTAN179 et présent dans la guerre de Corée d`autre part. La compagnie avait commencé à évacuer le personnel britannique d`Abadan et un arrêt complet de la raffinerie était envisageable.180 Truman décida d`envoyer une lettre à Mossadegh afin de poursuivre les efforts diplomatiques engagés. Le président américain exprimait dans cette dernière la « compréhension » des États-Unis quant au « désire de l`Iran de contrôler ses ressources naturelles »181 et il insistait sur les enjeux de cette nationalisation :

Since British skill and operating knowledge can contribute so much to the Iranian oil industry I had hoped -- and still hope -- that ways could be found to recognize the principle of nationalization and British interests to the benefit of both. For these reasons I have watched with concern the breakdown of your discussions and the drift toward a collapse of oil operations with the attendant losses to Iran and the world. Surely this is a disaster which statesmanship can find a way to avoid.182

Deux éléments sont à relever. D`une part, plus la situation devient pressante, plus le discours de Truman est réaliste. En effet, Truman utilise désormais le mot « nationalisation ». Ceci montre que l`administration Truman avait fini par la reconnaitre, sans pour autant accepter le principe. En effet, le président relate les effets de celle-ci en énonçant les pertes causées par l`absence de savoir-faire britannique et oriente la position américaine vers une solution équitable entre les deux partis. Celle-ci est exprimée de manière indirecte puisque Truman ne donne pas de directive. Il explique qu`« il espère

178 Stephen Kinzer, op. cit., p.99.

179 Truman a signé le Traité de l`Atlantique Nord le 4 avril 1949 à Washington D.C.

180 Stephen Kinzer, op. cit., p.99.

181 Bulletin du Département d`Etat, 23 juillet 1951, pp. 129-130, Offer to Send a Presidential Personal Representative to Tehran : Message From the President of the United States to the Prime Minister of Iran, July 8, 1951. Le président Truman propose dans cette lettre d`envoyer un représentant (W. Averell Harriman) à Téhéran afin de régler le conflit. (Mossadegh accepta l`offre de Truman).

182 Ibid.

toujours » qu`un arrangement profitant aux intérêts de chaque parti sera trouvé afin d`éviter « un désastre » pour l`Iran et le monde. Pour arriver à cela, la rhétorique de Truman indique une volonté de continuer dans la voie des négociations.

La désignation de la crise se fait à présent de manière plus réaliste et la rhétorique idéaliste s`applique désormais pour encourager le gouvernement de Mossadegh à trouver une solution à travers la Court Internationale de Justice. Truman écrit :

I know how sincerely your Government and the British Government believe in the positions which you both have taken in your discussions. However, I am sure you believe even more profoundly in the idea of a world controlled by law and justice which has been the hope of the world since the San Francisco conference.183

Trouver un accord à travers « des négociations à l`amiable » entre les deux partis devenait de plus en difficile. Pourtant, Truman insistait en demandant au premier ministre iranien d`accepter la décision de la « court mondiale ». Il mettait toujours en avant les principes idéalistes (« la justice », « la loi », « l`espoir du monde ») mais il les exprimait cette fois ci à l`égard de la Court International de Justice. Truman espérait ainsi mettre un terme à cette crise grace à la décision d`un « organisme impartial, dédié à la justice et l`équité et à un monde en paix basé sur ces grandes conceptions »184. Son objectif était de mettre en place un arrangement équitable (comme c`était le cas en Arabie Saoudite avec les compagnies américaines et Aramco) 185 et Truman utilisait toujours la rhétorique idéaliste comme outil permettant d`atteindre cet objectif. Les États-Unis reconnaissaient désormais la nationalisation et tentaient à présent de trouver une solution à travers la Cour Internationale de Justice. Ce transfert de cible caractérise d`une part les tensions grandissantes entre la Grande-Bretagne et l`Iran, et d`autre part, c`est un indicateur des risques de division du « monde libre » de manière plus globale.

Quoi qu`il en soit, le président américain maintenait sa stratégie discursive idéaliste afin de montrer son souhait de trouver une solution diplomatique. Ses paroles s`accompagnaient d`actions puisque pour préserver l`unité du « monde libre » il terminait sa lettre en proposant d`envoyer un de ses proches conseillers pour tenter de trouver un compromis.186

183 Ibid.

184 Ibid. Truman exprimait ces mêmes objectifs à W. Averell Harriman. Voir annexe n°7.

185 Stephen Kinzer, op. cit., p.76 L`Arabie Saoudite détenait 50% des revenus pétroliers du pays et les compagnies américaines se partageaient l`autre moitié.

186 Il s`agissait de W. Averell Harriman (ses efforts de médiation ayant échoué, le Royaume Uni décida de faire
appel au Conseil de Sécurité de l`ONU le 28 septembre 1951 pour poursuivre sa plainte stipulant que l`Iran avait

Le deuxième élément est l`absence de la menace communiste dans les enjeux présentés par l`administration démocrate (qu`il s`agisse de l`ambassadeur ou de Truman lui-même). Ceci montre que la façade idéologique présente dans la stratégie discursive idéaliste ne s`applique plus dans les messages écrits envoyés à Mossadegh. En effet, la dichotomie entre les entités « monde libre » et « communisme » n`a pas lieu d`être dans cette lettre puisque celle-ci s`exprimait seulement dans les discours publics afin de persuader le Congrès et l`opinion publique américaine de soutenir le Program Point IV et le Mutual defense Aid en Iran.

? Intensification de la crise

La nationalisation de l`AIOC, qui provoqua une forte dégradation dans les relations irano-britanniques, entraîna la mobilisation mondiale de la Grande-Bretagne en faveur d`un boycott du pétrole iranien et un embargo économique qui fit chuter de façon spectaculaire le revenu pétrolier du pays. 187 Par ailleurs, la demande de soutien économique de Mossadegh auprès des États-Unis augmenta mais le président Truman livra seulement l`aide nécessaire aux intérêts américains. Stephen Kinzer explique que le refus d`apport économique de la banque mondiale et les aides insuffisantes de la part des américains pour faire face au boycott imposé par la Grande-Bretagne appauvrissaient la population iranienne de jour en jour.188 Les ressources pétrolières constituaient une part importante du produit intérieur brut iranien et l`embargo britannique avait pour effet d`appauvrir le pays mais également de créer une instabilité politique pouvant renverser Mossadegh en faveur d`un gouvernement Tudeh contrôlé par Moscou.189

Les États-Unis devaient donc faire face à la pression de Mossadegh qui urgeait plus d`aides économiques afin que les conditions de vie des Iraniens ne déclinent pas190, ce qui engendrait le risque que l`Iran trouve une solution en Union Soviétique. Cependant, l`administration Truman devait résister aux pressions de Londres.191 Winston Churchill remporta l`élection et remplaça Clement Attlee au poste de premier ministre le 26 octobre

échoué à respecter les « mesures provisoires » indiquées par la Cour Internationale de Justice en ce qui concerne son ordre du 5 juillet 1951).

Department of State, American Foreign Policy, Basic Documents, op. cit., p.2269.

187 William Bayne Fisher, Peter Avery, Gavin Hambly et Charles Melville, op. cit., p.441.

188 Stephen Kinzer, op. cit. pp.135-136.

189 Ibid. p.104

190 Gholam Reza Afkhami, op. cit., p.153.

191 Stephen Kinzer, op. cit., p.135-136.

1951 et l`un des arguments virulents de la campagne de Churchill fut le manque de fermeté d`Attlee face à Mossadegh. Kinzer mentionne dans son livre :

He [Churchill] told a crowd in Liverpool that Attlee had betrayed solemn undertakings? never to abandon Abadan. I don`t remember a case,? he thundered, when public men have broken their word so abruptly and without even an attempt at explanation.?192

L`arrivée au pouvoir de Churchill durcit le ton et compliqua davantage le processus de négociation. La crise anglo-iranienne était d`une importance majeure au niveau des enjeux géopolitiques puisqu`elle marqua la premiere nationalisation dans le tiers monde. Celle-ci envoya des ondes des chocs à travers la région et pour la Grande-Bretagne, cette crise représentait un risque d`intensification du rythme de la chute de l`Empire.193 La rhétorique idéaliste de Truman se confrontait au ton belliqueux de l`administration de Churchill qui ne se voyait pas perdre la raffinerie d`Abadan.194 Stephen Kinzer explique dans une entrevue sur Democracy Now que durant les années 1920, 1930 et 1940, le niveau de vie en Grande-Bretagne était subventionné par l`Iran, tous les camions et toutes les jeeps fonctionnaient à partir du pétrole iranien, les usines britanniques étaient financées par le pétrole iranien, la Royal Navy qui projetait la puissance britannique partout dans le monde -- fonctionnait à 100% avec du pétrole iranien.195 Winston Churchill s`opposait fermement à la montée du nationalisme en Iran et dans le monde arabe, lui qui avait dédié une grande partie de sa carrière dans la défense des colonies britanniques.196 Il voyait l`Iran comme une source de pétrole bon marché et ce pays représentait pour lui l`un des derniers avant-postes britannique qu`il ne fallait pas perdre puisque cela pouvait très certainement provoquer la perte de Suez en Egypte et d`autres avant-postes restants. Stephen Kinzer écrit dans son livre que « tenir position contre le nationalisme du tiers monde était l`une de ses grandes croisades et au crépuscule de sa carrière, il était déterminé à livrer une dernière bataille ».197

192 Ibid. p.125

193 L`empire Britannique souffrait déjà énormément financièrement à cause de la Seconde Guerre mondiale et elle lui était de plus en plus difficile de maintenir ses intérêts dans ses colonies. D`autres exemples du déclin de l`empire sont la partition de l`Inde et du Pakistan en 1947, puis la crise de Suez en 1956.

194 Stephen Kinzer, op. cit., p.125

195 Interview de Stephen Kinzer sur Democracy Now, le 14 juin 2010, http://www.democracynow.org/2010/6/14/steven_kinzer_on_the_history_of (6 juin 2011).

196 Stephen Kinzer, op. cit., p.131 L`auteur revient sur les débuts de Churchill en tant que soldat en 1898 où il défendait la colonie britannique du Soudan, puis sur la campagne de Gallipoli en Turquie lors de la première guerre mondiale, du maintien du contrôle de la Palestine et de la Mésopotamie, et de son refus de laisser l`indépendance à l`Inde.

197 Ibid. p.131

L`arrivée au pouvoir du premier ministre conservateur, Winston Churchill, durcit donc le ton et l`approche stratégique de la Grande-Bretagne vis-à-vis de l`Iran et des États-Unis. La Maison Blanche maintenait sa cohérence discursive à l`égard de Londres afin de protéger ses intérêts tout en préservant la Special Relationship. C`est pour cela que les États-Unis avaient décidé de soutenir une résolution de l`ONU appelant à la reprise des négociations en accord avec les principes de la charte des Nations Unis (en octobre 1951). Cette décision fut prise après la plainte de la Grande-Bretagne contre l`Iran à la Cour Internationale de Justice et aux Nations Unis198 en nommant la crise comme étant « la menace pour la paix et la sécurité internationale. »199

Cette crise a modifié les relations entre les deux partis. La Grande-Bretagne avait désormais un discours plus belliqueux à l`égard de l`Iran. Néanmoins, les États-Unis maintenaient leur cohérence discursive car leur stratégie visait toujours une solution à travers des négociations amicales entre ses deux alliés. Dans un premier temps, le discours public de Truman (au Congrès) servait de façade puisqu`il utilisait le spectre de la menace communiste dans le Moyen-Orient afin de fournir de l`aide économique et militaire à l`Iran, et ce, dans le but de stabiliser le pays (dans la logique du Programme Point IV et du Mutual Defense Aid). Dans un second temps, jouer sur les craintes dans la région ouvrait un espace en Iran où il était désormais possible d`actionner des leviers diplomatiques pour maintenir le « monde libre » uni et résoudre le conflit anglo-iranien de manière noncoercitive. L`administration démocrate avait en effet pour principe de ne pas intervenir politiquement dans les affaires internes iraniennes.

Enfin, la rhétorique idéaliste défendait les intérêts américains à travers le discours privé. Celui-ci tentait indirectement d`influencer les deux partis d`accepter un accord équitable afin que pétrole iranien continue de circuler dans le marché mondial.

198 Department of State, American Foreign Policy, Basic Documents, op. cit., p.2269 La note de bas de page de la section 52 Proposals For Settlement of the Controversy: Joint Message and Proposals From the President of the United States and the Prime Minister of the United Kingdom to the Prime Minister of Iran, August 30, 1952 explique la tentative de résolution par la Cour Internationale de Justice.

Voir également la discussion à la Chambre des Communes entre Churchill (alors chef de l`opposition) et le secrétaire d`Etat aux affaires étrangères britannique M. Herbert Morrison, le 1er mai 1951. Le document montre que les Britanniques ont eut recours à la court internationale de Justice de la Haye, comme les accords signés par Reza Shah en 1933 le prévoyaient en cas de litige.

http://hansard.millbanksystems.com/commons/1951/may/01/persia-anglo-iranian-oilcompany#S5CV0487P0_19510501_HOC_293 (6 juin 2011).

199 Extrait de l`article 36 [paragraphe 40] du Conseil de Sécurité des Nations dans le conflit entre l`Iran et la Grande Bretagne Art. 36, Repertory, vol. II (1945-1954) p.286 (voir document annexe n°11)

L`économie iranienne fut considérablement pénalisée par l`embargo et le boycott britannique du pétrole iranien. La crise anglo-iranienne s`est achevée sous l`administration Eisenhower par le coup d`État d`aoft 1953. Celui-ci va à l`encontre de la politique de Truman. Comment le président républicain a-t-il défendu discursivement sa politique en Iran ? Et quelle a été le rôle de la rhétorique idéaliste pour défendre l`intérêt national américain ?

2) La stratégie discursive et l'utilisation d'un « choc » sous Eisenhower pour la défense de l'intérêt national américain

a) Le changement de discours de Washington

Le président Eisenhower a été élu en novembre 1952 et s`est installé à la Maison Blanche le 20 janvier 1953. Le parti Républicain possédait alors la majorité au Congrès. Sa politique est connue pour être plus réaliste que celle du président Truman.200 Le professeur Isaac Alteras explique dans son livre « Eisenhower and Israel : US-Israel relations » que des février 1953, le secrétaire d`État américain avait développé la théorie appelée New Look et que le message était : « It's time for a change ».201 Stephen Kinzer étaye à ce propos la différence de conception des Britanniques concernant la venue du nouveau président :

The Republican candidate to replace him [President Truman], Dwight Eisenhower, was running on a vigorously anticommunist platform. Eisenhower`s rhetoric greatly encouraged Churchill and Eden. The moment he was elected, they called off their effort to influence Truman and shifted their focus to the incoming team.202

L`administration Truman n`envisageant pas de coup d`État, la Grande Bretagne de Churchill se tourna donc vers le président républicain. Le climat à Washington ayant changé, les ambitions britanniques en Iran devenaient à présent possible.203 La vision

200 Professeur Brian Holden Reid explique à ce propos : The replacement of Truman and Acheson by the Eisenhower administration in January 1953 led to a greater degree of initial tolerance for the British viewpoint on the Iranian crisis.? John W. Young, the Foreign Policy of Churchill's Peacetime Administration, 1951-1955, op. cit., p.168.

201 Isaac Alteras, Eisenhower and Israel: U.S.-Israeli relations, 1953-1960, (University Press of Florida, 1993) P.37

202 Stephen Kinzer, op. cit., p.148.

203 Ibid. p.150

américaine en Iran n`était plus la même. Parallèlement, la cohérence discursive américaine se modifiait. Elle affichait des objectifs différents vis-à-vis de l`Iran ainsi qu`un ton moins idéaliste comme le montre cette conférence de presse du 5 mars 1953 :

Q. James B. Reston, New York Times: I wondered, sir, if you would comment on the Iranian situation, and especially whether you had made any appeal to the Shah or to the Prime Minister there recently?

THE PRESIDENT. I exchanged greetings with the Prime Minister before the inauguration, to assure him of our continued friendly interest in that region. Since this latest difficulty has arisen, I have not personally sent any message, although, of course, our whole Government watches this with the closest attention. It is a very delicate situation, and since it is an internal one, there is little that any outsider can do, even when they intend to be very helpful. We have a lot of hopes, of course, that this thing will straighten itself out, but it is, to say the least, delicate.204

Contrairement à Truman, Eisenhower ne mentionne plus « la défense des peuples libres », de la démocratie, de la paix et du développement. Au contraire, la cohérence discursive américaine se centre uniquement sur les intérêts américains dans la région. La rhétorique n`est plus idéaliste. En revanche, le président républicain reste pragmatique et se contente de réponses vagues, donnant peu de détails sur l`évolution de la crise. Il répond seulement que la situation est « très délicate » et que les États-Unis ne peuvent pas faire grand-chose étant donné qu`il s`agit de problèmes internes. Lorsqu`un autre journaliste continue l`interview en posant une question plus précise sur la situation en Iran, le président Eisenhower répond de la manière suivante :

Q. Arthur Sylvester, Newark News: Mr. President, do you, by considering Iran an internal problem, relinquish the initiative to the Russian Communists operating through the Tudeh Party?

THE PRESIDENT. Very naturally--we are represented there. We do every single thing we can to protect the interests of the United States everywhere on the globe, including Iran. What I meant was that it is not proper for me here to comment on things that are internal and which could be properly resented. But make no mistake: the reason we have representatives around the world is to protect American interests wherever they may be endangered or in difficulties.205

Eisenhower ne montre pas de signe de faiblesse face aux « communistes russes ». Il reste vague et ne donne toujours pas d`indications précises. Il cherche à rassurer l`opinion publique en montrant que les États-Unis sont présents « partout sur le globe, Iran inclus. » Le processus discursif de simplification est toujours utilisé. En effet, la rhétorique d`Eisenhower met en avant une politique globale qui valorise la puissance américaine et

204 Conférence de presse du président, 5 mars 1953 http://www.presidency.ucsb.edu/ws/index.php?pid=9734&st=&st1= (6 juin 2011).

205 Ibid.

qui n`obscurcit pas la compréhension du public, donnant ainsi à sa réponse plus de force d`attirance.206 Dans sa réponse à cette deuxième question, Eisenhower insiste bien (à deux reprises) sur l`objectif qui est de « défendre les intérêts américain ». Le président républicain minimise le pouvoir des États-Unis face à cette crise et se contente d`assurer la volonté américaine de ne pas s`occuper des affaires internes iraniennes. Ainsi, le président Eisenhower se démarque de Truman sur le plan de sa stratégie discursive. Ce changement de discours en public traduit un changement de stratégie de la politique américaine en Iran. Désormais, il ne s`agit plus de mettre en avant l`ethos américain via la rhétorique supernation pour résoudre le conflit et faire valoir les principes évoqués par le discours idéaliste. La rhétorique supernation est toujours appliquée mais elle concerne uniquement les intérêts de la nation américaine contrairement à la rhétorique de Truman qui insistait de manière plus prononcée sur la défense des « peuples libres ».

Le coup d`État, orchestré en août 1953, qui renversa Mohammad Mossadegh pour mettre en place la dictature du Shah Mohammad Reza Pahlavi, montre bien que l`administration républicaine avait mis en place une autre méthode pour défendre l`idéologie du système d`économie de marché mondial. L`objectif restait la défense des intérêts américains mais les moyens d`y parvenir avaient changé. Eisenhower a utilisé le choc de la crise irano-britannique d`un angle différent ; son administration, en collaboration avec Winston Churchill,207 était en faveur du renversement du premier ministre Mohammad Mossadegh, et ce, dès le jour de l`élection du président républicain.208 Ce coup d`Etat fut le premier orchestré par la CIA.209

b) Coup d`État, rhétorique idéaliste et défense des intérêts américains

Un document du département d`État américain classé information de sécurité top secrète datant de mars 1953 explique les précautions que les États-Unis et le Royaume Uni devraient prendre après le coup d`État. La partie « public » du chapitre « Psychological

206 Comme l`explique Patrick Charaudeau (Voir chapitre 2).

207 Churchill, Winston S. and Dwight D. Eisenhower, The Churchill-Eisenhower Correspondence, 1953-1955, edited by Peter G. Boyle, Chapel Hill, NC: University of North Carolina Press, 1990

208 Stephen Kinzer, op. cit., p.150.

209 Ibid. p4. L`auteur explique : Truman, however, sympathized viscerally with nationalist movements like the one Mossadegh led. He had nothing but contempt for oldstyle imperialists like those who ran Anglo-Iranian. Besides, the CIA had never overthrown a government, and Truman did not wish to set the precedent.?

Measures » de ce document qui a pour problématique « quelles mesures le gouvernement des États-Unis devrait-il prendre pour soutenir le gouvernement successeur ? », explique :

1. It would be literally fatal to any non-(communist) successor to Mossadeq if the Iranian public gained an impression that the new premier was a foreign tool?. The U.S. Government should confine any comment upon a change in government in Iran to a repetition of our traditional unwillingness to interfere in the internal affairs of a free country and our willingness to work with the government in power. The U.K Government should give no indication that it considers a successor to Mossadeq to be ready to serve U.K interests or that the British had a hand in bringing him to power. Naturally, there should be no expression of regret that Mossadeq has departed from the political scene. 210

Le premier point prend en considération l`opinion publique iranienne. Il explique que le public iranien ne doit pas avoir « l`impression que le nouveau premier ministre est un « outil étranger » ». Si le nouveau premier ministre Fazlollah Zahedi avait été perçu comme un outil servant les intérêts américains, les valeurs américaines auraient été sérieusement remises en question par le peuple iranien. Ceci aurait mis en danger les intérêts américains étant donné que des soupçons auraient créé un nouveau gouvernement instable avec un risque considérable de rejet des États-Unis en faveur d`un régime se rapprochant du communisme. Du point de vue de l`opinion publique américaine, la défense des intérêts américains -- par rapport aux critères géostratégiques et économiques -- aurait été immédiatement remise en cause sans la stratégie discursive idéaliste. Elle aurait certainement été critiquée de politique impérialiste par le peuple américain qui aurait probablement remis en question la politique étrangère de sa nation, son respect des principes idéalistes, et ses valeurs.

Pour cela, le mémorandum mentionne que le gouvernement américain devrait continuer d`employer un discours idéaliste avec les « traditionnelles réticences à s'immiscer dans les affaires intérieures d'un pays libre ». Il préconise également de ne pas exprimer le rôle du gouvernement britannique dans le changement de régime ni ses intérêts. La logique de cette stratégie discursive est de dissimuler le rôle de l`intervention externe et il est expliqué que le président américain et le premier ministre britannique ne devraient pas exprimer de regret quant au départ de Mossadegh.

Le deuxième point concerne directement les mesures à prendre concernant la résolution du problème de l`industrie pétrolière iranienne :

210 State Department, "Measures which the United States Government Might Take in Support of a Successor Government to Mossadeq," Top Secret Memorandum, March 1953. Source: National Archives and Records Administration (NARA), Record Group 59, Records of the Officer-incharge of Iranian Affairs, 1946-1954, Lot 57D529, Box 40, Folder: Policy. Voir le document en annexe n°12.

2. The U.S. Government should avoid any statement that the oil question is involved in a change of government in Iran. It is important that neither the U.S. not the U.K. Governments should rejoice publicly over expectations of a more reasonable Iranian attitude toward solution of the oil problem.211

Pour satisfaire l`opinion publique (iranienne, américaine, britannique et internationale), le département d`État énonce dans ce deuxième point que le gouvernement américain doit éviter tout commentaire sur le rapport entre le changement de gouvernement iranien et son pétrole. Pour défendre leurs intérêts, le discours américain et britannique ne doit pas exprimer de réjouissance en public concernant le changement d`attitude de l`Iran envers la résolution du conflit sur le pétrole.

Le troisième point de ce mémorandum sollicite l`apport du discours idéaliste dans la défense des intérêts américains. Il est mentionné :

3. To show that the U.S. is not antagonistic to the successor government, an official comment could be made that we are, as always, interested in helping any free country to build its strength against communist inversion and will work with the present government of Iran to that end, if so requested by the Iranians.212

La rhétorique idéaliste sert toujours d`outil pour mettre en avant la bataille idéologique puisque ce document stipule qu`un officiel pourrait faire un commentaire expliquant que les États-Unis ont « comme toujours, pour intérêt d`aider tout pays libre à s`affirmer contre une inversion communiste et travailleront avec le gouvernement actuel d`Iran à cette fin, si tel est la requête des Iraniens ». Cette stratégie discursive est idéaliste, elle affirme le soutien américain pour les peuples libres et présente le respect de la souveraineté des Iraniens. Le département d`Etat insiste sur le fait que le gouvernement doit annoncer que la priorité des États-Unis est de protéger ses intérêts en renforçant son rempart contre le communisme plutôt que d`évoquer un changement de gouvernement en Iran.

Ce document montre bien à quel point le discours idéaliste est un instrument indispensable dans la défense des intérêts américains. En effet, il montre que le discours américain doit évoquer l`aide des États-Unis aux « pays libres » et le désire de travailler avec les « gouvernements au pouvoir » sans interagir dans les affaires internes. La cohérence discursive met donc en avant les valeurs traditionnelles des États-Unis et l`on

211 Ibid.

212 Ibid. D`autres mesures préconisaient la circonspection de la part des officiels de l`ambassade américaine en Iran ou encore la visite en Iran du secrétaire d`Etat John Foster Dulles seulement dans le cadre d`une visite dans le Moyen-Orient. (Parties 4 et 5 du chapitre « Psychological Measures ».)

peut remarquer ici que le département de la défense prête une attention particulière à la rhétorique qui doit être employée vis-à-vis de l`opinion publique.

Contrairement à l`administration Truman, qui se servait du discours idéaliste afin de justifier sa politique de soft power, l`administration Eisenhower utilisait cette stratégie discursive dans le but de dissimuler sa politique de hard power. Le changement de stratégie politique modifie donc le discours. Celui-ci est maintenant un outil qui sert à défendre les intérêts américains ; intérêts défendu désormais par une politique coercitive.

Lors d`une conférence donnée le 4 aoüt à Seattle213, soit quelques jours avant le coup d`État qui renversa Mossadegh le 19 aoüt, le président Eisenhower respectait les mesures énoncées par le département d`État. Il annonçait que « les peuples libres restant en Asie étaient ceux du subcontinent indien, incluant le gouvernement du Pakistan, et qu`il fallait les protéger de la domination du Kremlin car cette partie du globe se trouvait en difficulté à l`Est mais également à l`Ouest. » Il expliquait ensuite que l`Inde était « encerclé de ce côté par l`empire Communiste » et que « l`Iran, à sa gauche, est dans une position de faiblesse ». La rhétorique idéaliste associait toujours l`Iran au spectre du communisme sans évoquer la crise anglo-britannique. Ceci avait pour effet de jouer facilement sur les craintes puisque le premier ministre iranien était très peu connu des Américains et même des gouverneurs à qui le discours était adressé.214 Il continuait de décrire l`effet domino en expliquant que « l`avancée de Mossadegh vers une suppression de son parlement était soutenu et qu`il était bien évidemment soutenu dans cette avancé par le parti Tudeh, qui est le parti communiste en Iran. »215 Il étayait en disant que cette fragilité pouvait mettre les intérêts américains en Asie en danger et qu`il fallait donc, tout comme les français, bloquer la chute de la ligne qui s`étend de l`Indonésie à l`Iran pour le bien du monde libre.216

Eisenhower suivait les directives du mémorandum de son département d`Etat. En effet, il ne mentionna pas les intérêts économiques américains vis-à-vis du pétrole iranien. Il

213 Voir le discours du président Eisenhower prononcé le 4 août 1953, Remarks at the Governor's Conference, Seattle, Washington, Public Papers of the Presidents of the United States, Dwight D. Eisenhower, 1953, Washington, U.S. Government Printing Office, 1960, p.536

214 Eisenhower expliquait lui-même dans ce discours les problèmes de repères des américains : You find it again described as a war between the communists and the other elements in southeast Asia. But you have a confused idea of where it is located--Laos, or Cambodia, or Siam, or any of the other countries that are involved. You don't know, really, why we are so concerned with the far-off southeast corner of Asia.? Ibid.

215 Ibid. «Now, India is surrounded on that side by the Communist empire. Iran on its left is in a weakened condition. I believe I read in the paper this morning that Mossadegh's move toward getting rid of his parliament has been supported and of course he was in that move supported by the Tudeh, which is the Communist Party of Iran.?

216 Ibid.

s`en tenait au discours traditionnel des États-Unis. Bien que le ton employé par le président républicain fût plus réaliste que celui de son prédécesseur démocrate,217 son discours continuait de mettre en avant une bataille idéologique (intérêts américains menacés par le spectre du communisme). Toutefois, contrairement à Truman, la stratégie discursive d`Eisenhower présentait à l`auditoire américain l`Iran de Mossadegh comme étant un danger pour l`intérêt national des États-Unis. Cela préparait l`opinion publique à un changement de politique vis-à-vis de l`Iran. Le discours permettait en quelque sorte de justifier un tel changement.

Ce changement de stratégie s`exprimait à travers le discours public de l`administration Eisenhower. Il s`exprimait également dans les échanges entre le président américain et le premier ministre iranien. L`intérêt national des États-Unis était toujours d`assurer du pétrole iranien dans le marché mondial. Cependant, le moyen de réaliser cet objectif était différent. L`administration Eisenhower affichait ce changement dans une lettre adressée à Mossadegh. Cette lettre date du 9 juillet 1953, soit deux jours avant que le président Eisenhower signe l`autorisation du coup d`État (Churchill l`ayant signé le 1er juillet)218 et environ un mois avant le coup d`État qui eut lieu du 15 au 19 août.

The failure of Iran and of the United Kingdom to reach an agreement with regard to compensation has handicapped the Government of the United States in its efforts to help Iran. There is a strong feeling in the United States, even among American citizens most sympathetic to Iran and friendly to the Iranian people, that it would not be fair to the American taxpayers for the United States Government to extend any considerable amount of economic aid to Iran so long as Iran could have access to funds derived from the sale of its oil and oil products if a reasonable agreement were reached with regard to compensation whereby the large-scale marketing of Iranian oil would be resumed. Similarly, many American citizens would be deeply opposed to the

217 Ibid. Eisenhower disait dans ce discours : So, when the United States votes $400 million to help that war, we are not voting for a giveaway program. We are voting for the cheapest way that we can to prevent the occurrence of something that would be of the most terrible significance for the United States of America--our security, our power and ability to get certain things we need from the riches of the Indonesian territory, and from southeast Asia.?

218Arindrajit Dube, Ethan Kaplan and Suresh Naidu, Coups, Corporations, and Classified Information, UC Berkeley; IIES, Stockholm University; Harvard University, 19 septembre 2008 - p.35 The Truman administration had attempted to broker a deal between the British and the Iranian government. With the advent of the Eisenhower administration, however, the U.S. government's interesting in overthrowing Mossadegh increased. In late 1952, the British MI6 found an ear receptive to the idea of overthrowing Mossadegh in Allen Dulles, and final coup plans were jointly approved by the CIA and MI6 on June 18, 1953. Churchill approved the coup plan on July 1, 1953, with Eisenhower's endorsement following 10 days later.?

http://emlab.berkeley.edu/users/webfac/bardhan/e271_f08/suresh.pdf (6 juin 2011)

purchase by the United States Government of Iranian oil in the absence of an oil settlement.219

Bien qu`empruntant un ton diplomatique, le message du président Eisenhower est clair. Son message montre une rupture et, comme l`explique Stephen Kinzer, l`instabilité grandissante des l`investiture du président républicain en janvier 1953 montre bien que le processus de renversement de Mossadegh était dors et déjà lancé.220 Cette lettre du président Eisenhower met en avant les intérêts du peuple américain en insistant sur le fait qu`un accord devait être trouvé afin que les États-Unis puissent acheter le pétrole iranien alors sous embargo britannique. Elle exprime une friction dans les rapports entre les deux pays sans pour autant apporter de solution au premier ministre Mohammad Mossadegh. Il n`y a pas non plus de perspective de résolution de la crise et Eisenhower parle d`un « échec de l`Iran et de la Grande-Bretagne pour trouver un accord ». L`administration américaine considère que cet « échec [...] handicape le gouvernement des États-Unis dans ses efforts pour aider l`Iran». Ainsi, Eisenhower s`exprime au nom du peuple américain et de ses contribuables afin de faire connaitre son refus d`acheter le pétrole iranien mais également le refus d`accorder plus d`aide au gouvernement jugé instable de Mossadegh. La réponse d`Eisenhower ne fait aucune allusion au parti Tudeh ni à un rapprochement de l`Iran vers l`Union Soviétique ce qui montre que la position géostratégique de l`Iran ne faisait donc pas parti de la cohérence discursive du président républicain vis-à-vis de son destinataire. Cette position est seulement exprimée dans le discours public -- à travers la stratégie discursive idéaliste et la rhétorique supernation -- afin de persuader l`opinion américaine.

Comme évoqué précédemment, l`intérêt principal des États-Unis, et surtout en ce début de Guerre froide, était la défense du système économique de marché mondiale et de libre échange. La stratégie de défense de l`intérêt américain de l`administration Eisenhower a utilisé le choc de la crise d`Abadan de manière à produire un changement considérablement bénéfique aux États-Unis et à ses compagnies. En effet, d`un point de vue économique, l`accord de consortium international, qui se finalisa un an après le coup d`État, mettait en place cinq compagnies américaines qui détenaient 40% des parts de la National Iranian Oil Company (NIOC). L`Anglo-Iranian -- qui deviendra British Petroleum -- détenait 40% et le reste était distribué à la Royal Dutch/Shell et à la

219 Exchange of Messages Between the President and Prime Minister Mossadegh on the Oil Situation and the Problem of Aid to Iran, 9 juillet 1953 (document annexe n°13).

220 Stephen Kinzer, op. cit., p.150.

Compagnie Française de Pétroles221. Le coup d`Etat a favorisé l`expansion du système économique américain et l`implantation de son système de libre marché sur la principale ressource naturelle iranienne. Toutefois, cet objectif a été réalisé de manière coercitive (hard power), contrairement à la voie diplomatique privilégiée par Truman (soft power). Ceci a changé la donne en Iran puisque le Shah détenait un pouvoir qui allait s`accroitre au fil des années.

Un an plus tard, le 5 aoüt 1954 (jour de l`accord entre le gouvernement iranien et les compagnies pétrolières), le président Eisenhower envoyait un message au Shah pour lui exprimer sa gratitude ainsi que son désire de voir « l`Iran prospérer dans la famille des nations libres ».222 La résolution de la crise a contribué à une importante augmentation de l`assistance militaire américaine à l`Iran. De 1949 à 1952, le total des aides américaines s`élevait à $16,7 millions tandis que l`aide militaire apportée dans la période 1953-61 se chiffrée à $436 millions. L`augmentation de l`aide économique fut encore plus importante. Elle passa de $16,5 millions dans la période 1949-52 à $611 millions pour la période 1953-61.223 Avec l`aide des États-Unis, le nouveau premier ministre Zahedi avait pris les mesures nécessaires concernant les trois principaux problèmes de l`Iran : 1) trouver un accord sur le règlement de la crise, 2) redresser la situation économique du pays alors en faillite et, 3) mettre un terme aux activités clandestines du parti Tudeh.224

Le 11 août 1954, soit une semaine après le règlement du conflit, un journaliste demandait à Eisenhower si les États-Unis se dirigeaient vers la guerre ou vers la paix. Le président répondait :

I think the best thing we could do would be to go back and review for a second. A year ago last January we were fighting in Korea and in Indochina. We were faced in Iran with a situation that was highly dangerous to the world. Mossadegh was using his power, and the party-I don't know exactly how you pronounce it, but the Communist Party, Tudeh I guess--that party

221 Stephen Kinzer, op. cit., pp.195-196.

Amin Saikal précise que les 40% de part des compagnies étaient divisées en part de 8% entre Standard Oil of New Jersey, Standard Oil of California, Texaco, Mobil et Gulf, British Petroleum possédait 40%, Anglo-Dutch Shell 14% et la Compagnie Française des Pétroles 6%. Amin Saikal, Islam and the West, P.54

L`Iran bénéficiait d`un revenu de £150 millions pour les trois premieres années. Communiqué conjoint du gouvernement iranien et du consortium pétrolier datant du 5 août 1954. Department of State, American Foreign Policy, Basic Documents, 1950-1955, Volume II, p.2274 (voir document annexe n° 14)

222 Ibid. (voir document annexe n° 14)

223 Rouhollah K. Ramazani, op. cit., p.286.

224 Kristen Blake, op. cit., p.96. (Voir également page 96 pour le développement de la gestion du gouvernement face au parti Tudeh).

was using their power to lead Iran further and further away from the Western World. It looked almost as if a break was imminent from day to day.225

Eisenhower mentionnait la protection du monde et le danger que représentait Mossadegh à cause de l`éloignement de l`Iran avec le « Monde Occidental " en faveur du communisme. Cette conférence de presse est la première dans laquelle le président républicain traite de l`Iran depuis le 4 aoüt 1953 (soit onze jours avant le début de l`opération AJAX). Il reprend les mêmes consignes que préconisait le mémorandum du secrétariat d`État américain. En effet, il n`exprime pas de regret quant au départ de Mohammad Mossadegh de la scene politique, il n`évoque pas l`intervention dans les affaires internes de l`Iran, il n`exprime pas de réjouissance quant aux accords pétroliers établis sous forme de consortium international, et il met en avant l`intérêt américain au maintien de la stabilité du « monde libre " face à la menace communiste.226

La rhétorique du président est vague et s`accorde avec ce que le public américain souhaite entendre dans ce contexte de Guerre froide, c'est-à-dire une Amérique qui se protège du communisme. Une fois encore, la rhétorique présidentielle met en avant des bases idéologiques afin de rester dans une représentation de la politique étrangère américaine qui ne perturbe pas la compréhension du public américain. Eisenhower utilise les procédés rhétoriques de « singularisation » et d` «essentialisation ". « Singularisation " puisque le président américain évite de multiplier les idées -- ceci dans le but de ne pas désorienter l`auditoire. Sa réponse reste centrée sur la victoire du « monde occidentale " contre le communisme en Iran. Enfin, « essentialisation " puisque toute la dimension idéologique et stratégique est « contenue, ramassée et condensée en une notion qui existerait en soi " : le « parti communiste ". Eisenhower ne prête pas vraiment attention au nom du parti communiste iranien (le parti Tudeh) car ce qui doit résonner avant tout dans l`intellect du public est « le communisme " sous sa forme nominalisée.

Cet épisode démontre le double discours mis en place par Washington lors de cette crise majeure. Cet écart entre l`intérêt national « réel » et l`intérêt national « exprimé " s`est considérablement amplifié lors de la présidence de Dwight Eisenhower. En effet, contrairement à Truman, le président républicain -- déjà conscient de l`éventualité d`un

225 Conférence de presse du 11 août 1954 http://www.presidency.ucsb.edu/ws/index.php?pid=9977 (6 juin 2011)

226 Op Cit. State Department, "Measures which the United States Government Might Take in Support of a Successor Government to Mossadeq," Top Secret Memorandum, March 1953. Source: National Archives and Records Administration (NARA), Record Group 59, Records of the Officer-incharge of Iranian Affairs, 1946-1954, Lot 57D529, Box 40, Folder: Policy. Voir annexe n°12.

coup d`Etat pour renverser Mossadegh -- insistait moins sur la rhétorique idéaliste concernant la controverse anglo-iranienne. D`une part, le discours public se concentrait sur l`expression d`un conflit idéologique : le communisme contre l`économie de marché. D`autre part, l`opinion publique américaine n`était pas au fait des « intérêts réels » ni de la manière de les défendre. Il y avait donc une volonté politique de formuler la crise de la nationalisation de l`AIOC (et le renversement de Mossadegh) en termes de Guerre froide et d`endiguement de l`Union Soviétique. L`objectif était de rester dans la continuité de la stratégie globale de politique étrangère américaine. Toutefois, cet objectif était poursuivi de manière différente (soft power pour Truman contre hard power pour Eisenhower) et le discours permettait d`indiquer ce changement. Bien qu`il y ait eu un changement de rhétorique, le discours idéaliste est resté un outil important de la défense des intérêts américains puisqu`elle a permis de justifier la politique réaliste des États-Unis en Iran.

CONCLUSION

Cette recherche montre que la stratégie discursive idéaliste est un outil important de la défense des intérêts américain en Iran, surtout après le choc géopolitique causé par la fin de la seconde guerre mondiale/début de Guerre froide. La crise d`Azerbaïdjan et la crise d`Abadan montrent à quel point la position géostratégique de l`Iran était importante pour l`intérêt national des États-Unis. Les documents des services de renseignement américains (CIG, Conseil National de Sécurité, département d`Etat) montrent que pour les États-Unis, l`Iran doit être un modèle de stabilité, un fournisseur sür de matières premières, un importateur de biens occidentaux, un allié solide, et enfin, un rempart contre le communisme.

Cependant, pour assurer cela, la rhétorique idéaliste présidentielle présente seulement une façade au peuple américain et au Congrès pour qu`ils adherent à sa vision politique. Cette stratégie discursive idéaliste se mène de plusieurs manières. Tout d`abord, elle présente les chocs de manière simplifiée. Ceci permet au président de ne pas expliquer en détail au peuple la complexité de la Guerre froide, de la crise d`Azerbaïdjan, des programmes d`aides économiques et militaires à l`Iran (comme le Mutual Defense Aid) ou encore les enjeux de la crise de la nationalisation de l`AIOC. Le président utilise donc cette façade car la multiplication des idées perturbe la compréhension des « masses » et risque de mettre en danger la réalisation des objectifs stratégiques. Par conséquent, son discours public présente la vision de sa politique étrangère et met en avant les principes de libertés, de démocratie, de paix et d`unité avec une rhétorique idéaliste. Ainsi, la présentation de la défense de l`intérêt national « exprimé » permet à la Maison Blanche de défendre l`intérêt national « réel ».

D`autre part, cette façade créée un pouvoir d`attraction qui encourage les gens à s`identifier plus facilement à l`ethos de son leader. Celui-ci étant le défenseur des valeurs idéalistes à travers le monde, son discours permet d`atteindre les objectifs stratégiques puisqu`il unit le peuple et ses représentants autour des principes communs. En touchant l`auditoire, il incite implicitement celui-ci à adhérer à son programme. De plus, ne pas

adhérer reviendrait tacitement à être contre ces valeurs (chose risquée en période de Maccarthysme).

Ainsi, cette rhétorique présente la situation en Iran sur les bases d`un conflit idéologique en insistant sur la dichotomie entre les valeurs idéalistes des États-Unis qui s`opposent au spectre du communisme. Formuler la politique étrangère dans le MoyenOrient de cette manière offre une dynamique complètement différente. Par ailleurs, cela permet au président américain de s`attirer du soutien et de la sympathie auprès du Congrès et de l`opinion publique puisque les réalités géostratégiques et économiques (qui sont complexes, voir troublantes) sont très peu mentionnées dans le discours public. En revanche, l`accent est porté sur la confrontation idéologique avec l`Union Soviétique (et le parti Tudeh qui représente aussi le communisme) parce qu`il est plus simple d`obtenir du soutien en stimulant les craintes. Pour ce faire, la rhétorique présidentielle créée un rapprochement entre l`Iran, les intérêts américains et le communisme qui est essentialisé dans des phrases courtes mais chargées sémantiquement. Ceci réduit la complexité de la défense des intérêts en Iran à la menace communiste. Une nouvelle fois, le discours idéaliste crée un écart entre l`intérêt national « réel » et l`intérêt national « exprimé ».

Toutefois, la rhétorique idéaliste peut être utilisée à des fins différentes. La crise angloiranienne de l`AIOC démontre ceci. En effet, Truman utilise cette rhétorique pour maintenir sa stratégie globale malgré la crise de la nationalisation. Pour ce faire, son discours public inclut l`Iran dans la stratégie d`endiguement du communisme. Puis, dans un second temps, son discours privé pourvoit le pouvoir attractif (soft power) des ÉtatsUnis vis-à-vis de l`Iran et la Grande-Bretagne en tentant, dans un premier lieu (avec l`aide de son administration), d`encourager Mossadegh à renoncer à la nationalisation par le dialogue. Ensuite, il essaie d`influencer les deux partis à trouver une solution équitable et diplomatique au conflit. Truman se sert donc de cet outil discursif comme un levier diplomatique qui permet d`amener à des négociations amicales (toujours pour défendre les intérêts de son pays). En revanche, cette voie prend du temps et le président démocrate n`a pas pu aller au bout de sa stratégie.

Son successeur s`est servi de la rhétorique idéaliste à une autre fin : justifier le renversement de régime afin de défendre ses intérêts. Dans un premier temps, son discours montre plus de réalisme puisqu`il se centre davantage sur la défense des intérêts américains. Ensuite, il dissimule le coup d`Etat et sa stratégie de pouvoir de coercition (hard power). Enfin, le discours d`Eisenhower devient idéaliste lorsqu`il s`agit de justifier

le départ de Mossadegh en faisant un rapprochement entre ce dernier et la menace communiste.

Cette recherche offre plusieurs instruments qui permettent d`ouvrir des perspectives pouvant faire l`objet d`une recherche de these. Celle-ci permettrait de se pencher sur l`importance du rôle du discours idéaliste comme outil facilitant la mise en place de la politique étrangère américaine lors du choc idéologique de la révolution islamique, du choc géopolitique de la fin de Guerre froide, et celui du 11 Septembre 2001. En effet, ce mémoire pourrait permettre de servir de base pour comprendre la situation actuelle. Il nous démontre que, le discours idéaliste servant de façade pour défendre les intérêts américains, il est important de considérer les réalités géostratégiques plus que la présentation du conflit idéologique afin de s`engager dans une stratégie politique vis-à-vis de l`Iran. Cette stratégie peut être attractive (soft power) ou bien coercitive (hard power).

Les tensions entre l`Iran et les États-Unis sont présentés sur les bases d`un conflit idéologique depuis la révolution de 1979, mais la crise de la nationalisation et le coup d`Etat de 1953 démontrent que présenter le conflit comme tel détourne l`attention de l`opinion publique afin de défendre les intérêts géostratégiques et économiques. A partir de cela, sur du long terme, nous pouvons nous demander s`il est productif de justifier une stratégie coercitive avec l`outil de la rhétorique idéaliste (stratégie qui vise à sanctionner l`Iran depuis plus de 30 ans afin de l`isoler et probablement d`obtenir un changement de régime).

Par ailleurs, la politique coercitive d`Eisenhower a mis en place la dictature du Shah qui a protégé les intérêts américains. Cependant, cette stratégie a fonctionné seulement sur du moyen terme puisque le peuple iranien a renversé Mohammad Reza Pahlavi. Ensuite, le régime a rapidement véhiculé -- par le biais de sa propre rhétorique -- une vision fondamentaliste et idéologique.227 En effet, depuis, sa création, la République islamique a toujours tenté d`exporter cette vision en galvanisant l`opinion publique arabe et sunnite

227 A noter que certains auteurs pensent qu`il peut exister un lien entre le coup d`Etat de 1953, la révolution islamique de 1979 et les attentats du 11 septembre 2001. Stephen Kinzer explique : It is not far-fetched to draw a line from Operation Ajax through the Shah's repressive regime and the Islamic Revolution to the fireballs that engulfed the World Trade Center in New York.? Stephen Kinzer, op. cit., p.203-204. Par ailleurs, Dr Vali Nasr explique : The three [key] events [that account for ascendancy of fundamentalism] are the Iranian Revolution, the Afghan war, and the rise in the price of oil and its implications for the Saudis. These three events had the following impacts. The Iranian Revolution made fundamentalism a viable ideology for opposition -- one that can successfully overthrow a regime.? Interview de Vali Nasr, Conversations with History; Institute of International Studies, UC Berkeley, WEB. 15 juin 2011. http://globetrotter.berkeley.edu/people2/Nasr/nasr-con5.html Vali Nasr est professeur de sciences politiques à l`Université de San Diego.

avec sa rhétorique idéologique. Les États-Unis se sont engagés dans cette même stratégie discursive qui est en opposition directe et ardente avec la République islamique d`Iran -- principalement après le choc géopolitique causé par la fin de la Guerre froide (puis la défaite de Saddam Hussein en 1991). Du point de vue du discours politique, il y a eu un transfert de la menace communiste à la menace fondamentaliste islamiste. Depuis, la rhétorique idéaliste publique des États-Unis a essentialisé l`Iran et simplifié la complexité des conflits de la même manière qu`elle le faisait à l`égard de l`Union Soviétique pendant la Guerre froide. Par conséquent, le choc géopolitique amène une rhétorique qui avilit « l`ennemi » des États-Unis et la rhétorique présidentielle le présente (avec la façade du discours idéaliste) comme étant un opposant idéologique aux valeurs américaines.

Enfin, l`Iran représente toujours aujourd`hui des enjeux géostratégiques et économiques essentielles pour les intérêts de Washington. Affichant clairement son opposition, la République islamique est un support idéologique pour le discours public américain qui présente toujours la défense de ses intérêts avec une rhétorique idéaliste. Par conséquent, après avoir analysé le coup d`Etat de 1953, la rhétorique idéaliste américaine peut-elle défendre ses intérêts sur du long terme avec une approche coercitive ? Est-il possible de trouver des arrangements gagnant-gagnants en divisant les électeurs de chaque camp avec un discours se basant, avec véhémence, sur une opposition de nature idéologique ? La diplomatie ne doit-elle pas considérer davantage les réalités géostratégiques afin de trouver un consensus qui défende les intérêts de chacun ? Enfin, dans cette région instable et convoitée du Moyen-Orient, quelle est la part du rôle de la rhétorique idéaliste de Barack Obama dans la création du mouvement vert en Iran ? Et, de manière plus générale, sur le printemps arabe ? L`expérience du choc géopolitique du début de la Guerre froide, de la nationalisation de l`AIOC, puis du coup d`Etat de 1953 nous montre qu`il est préférable de se servir de la rhétorique idéaliste pour promouvoir une politique visant l`ouverture diplomatique avec l`Iran -- tout en activant les leviers nécessaires pour garantir la stabilité et la sécurité dans le Moyen-Orient. En effet, cette expérience nous montre que se servir de cette stratégie discursive à des fins coercitives risque considérablement de mettre en péril les intérêts de chacun sur du long terme.

DOCUMENTS ANNEXES

1.

89

Message spécial au Congrès sur la Grèce et la Turquie : la Doctrine Truman, 12 mars 1947

2.

92

96

Discours d`inauguration du président Truman, 20 janvier 1949

3. Déclaration conjointe suivant les discussions avec le Shah d`Iran, 30 décembre 1949

4.

97
97

Mutual Defense Assistance Act, 1949

5. Carte des pays bénéficiant d`une subvention d`aide militaire sous le Mutual Security Program.

6.

98

98

99

100

Graphique de la consommation énergétique par ressource, 1635-2000

7. Remarques du président Truman à W. Averell Harriman avant son départ en mission en Iran, 13 juillet 1951.

8. Conférence de presse du président Truman, 23 août 1951

9. Déclarations du Département d`Etat américain sur la position des ÉtatsUnis dans les discussions avec l`Iran et la Grande-Bretagne, 18 mai 1951.

10.

101

Aide-mémoire de l`ambassadeur américain à Téhéran pour le ministre des affaires étrangères iranien sur la non-intervention des États-Unis dans les affaires internes de l`Iran, 26 mai 1951.

11.

102

Extrait de l`article 36 [paragraphe 40] du Conseil de Sécurité des Nations Unis dans le conflit entre l`Iran et la Grande-Bretagne, 15 octobre 1951.

12.

103

Mémorandum top secret du Département d`Etat américain sur les « mesures que le gouvernement des États-Unis envisage de prendre pour soutenir un gouvernement succédant à celui de Mossadegh », mars 1953.

13.

109

Echange de message entre le président Eisenhower et le premier ministre Mossadegh sur la question du pétrole et du problème de l`aide accordée à l`Iran, 9 juillet 1953.

14.

111

Echange de lettres entre le président Eisenhower et le Shah d`Iran concernant les accords sur la question du pétrole, 5 août 1954.

Annexe 1 :

Special Message to the Congress on Greece and Turkey: The Truman Doctrine March 12, 1947

Mr. President, Mr. Speaker, Members of the Congress of the United States:

The gravity of the situation which confronts the world today necessitates my appearance before a joint session of the Congress.

The foreign policy and the national security of this country are involved.

One aspect of the present situation, which I present to you at this time for your consideration and decision, concerns Greece and Turkey.

The United States has received from the Greek Government an urgent appeal for financial and economic assistance. Preliminary reports from the American Economic Mission now in Greece and reports from the American Ambassador in Greece corroborate the statement of the Greek Government that assistance is imperative if Greece is to survive as a free nation.

I do not believe that the American people and the Congress wish to turn a deaf ear to the appeal of the Greek Government.

Greece is not a rich country. Lack of sufficient natural resources has always forced the Greek people to work hard to make both ends meet. Since 1940, this industrious, peace loving country has suffered invasion, four years of cruel enemy occupation, and bitter internal strife.

When forces of liberation entered Greece they found that the retreating Germans had destroyed virtually all the railways, roads, port facilities, communications, and merchant marine. More than a thousand villages had been burned. Eighty-five percent of the children were tubercular. Livestock, poultry, and draft animals had almost disappeared. Inflation had wiped out practically all savings.

As a result of these tragic conditions, a militant minority, exploiting human want and misery, was able to create political chaos which, until now, has made economic recovery impossible.

Greece is today without funds to finance the importation of those goods which are essential to bare subsistence. Under these circumstances the people of Greece cannot make progress in solving their problems of reconstruction. Greece is in desperate need of financial and economic assistance to enable it to resume purchases of food, clothing, fuel and seeds. These are indispensable for the subsistence of its people and are obtainable only from abroad. Greece must have help to import the goods necessary to restore internal order and security so essential for economic and political recovery.

The Greek Government has also asked for the assistance of experienced American administrators, economists and technicians to insure that the financial and other aid given to Greece shall be used effectively in creating a stable and self-sustaining economy and in improving its public administration.

The very existence of the Greek state is today threatened by the terrorist activities of several thousand armed men, led by Communists, who defy the government's authority at a number of points, particularly along the northern boundaries. A Commission appointed by the United Nations Security Council is at present investigating disturbed conditions in northern Greece and alleged border violations along the frontier between Greece on the one hand and Albania, Bulgaria, and Yugoslavia on the other.

Meanwhile, the Greek Government is unable to cope with the situation. The Greek army is small and poorly equipped. It needs supplies and equipment if it is to restore authority to the government throughout Greek territory.

Greece must have assistance if it is to become a self-supporting and self-respecting democracy.

The United States must supply this assistance. We have already extended to Greece certain types of relief and economic aid but these are inadequate.

There is no other country to which democratic Greece can turn.

No other nation is willing and able to provide the necessary support for a democratic Greek government.

The British Government, which has been helping Greece, can give no further financial or economic aid after March 31. Great Britain finds itself under the necessity of reducing or liquidating its commitments in several parts of the world, including Greece.

We have considered how the United Nations might assist in this crisis. But the situation is an urgent one requiring immediate action, and the United Nations and its related organizations are not in a position to extend help of the kind that is required.

It is important to note that the Greek Government has asked for our aid in utilizing effectively the financial and other assistance we may give to Greece, and in improving its public administration. It is of the utmost importance that we supervise the use of any funds made available to Greece, in such a manner that each dollar spent will count toward making Greece self-supporting, and will help to build an economy in which a healthy democracy can flourish.

No government is perfect. One of the chief virtues of a democracy, however, is that its defects are always visible and under democratic processes can be pointed out and corrected. The government of Greece is not perfect. Nevertheless it represents 85 percent of the members of the Greek Parliament who were chosen in an election last year. Foreign observers, including 692 Americans, considered this election to be a fair expression of the views of the Greek people.

The Greek Government has been operating in an atmosphere of chaos and extremism. It has made mistakes. The extension of aid by this country does not mean that the United States condones everything that the Greek Government has done or will do. We have condemned in the past, and we condemn now, extremist measures of the right or the left. We have in the past advised tolerance, and we advise tolerance now. Greece's neighbor, Turkey, also deserves our attention.

The future of Turkey as an independent and economically sound state is clearly no less important to the freedom-loving peoples of the world than the future of Greece. The circumstances in which Turkey finds itself today are considerably different from those of Greece. Turkey has been spared the disasters that have beset Greece. And during the war, the United States and Great Britain furnished Turkey with material aid.

Nevertheless, Turkey now needs our support.

Since the war Turkey has sought additional financial assistance from Great Britain and the United States for the purpose of effecting that modernization necessary for the maintenance of its national integrity.

That integrity is essential to the preservation of order in the Middle East.

The British Government has informed us that, owing to its own difficulties, it can no longer extend financial or economic aid to Turkey.

As in the case of Greece, if Turkey is to have the assistance it needs, the United States must supply it. We are the only country able to provide that help.

I am fully aware of the broad implications involved if the United States extends assistance to Greece and Turkey, and I shall discuss these implications with you at this time.

One of the primary objectives of the foreign policy of the United States is the creation of conditions in which we and other nations will be able to work out a way of life free from coercion. This was a fundamental issue in the war with Germany and Japan. Our victory was won over countries which sought to impose their will, and their way of life, upon other nations.

To ensure the peaceful development of nations, free from coercion, the United States has taken a leading part in establishing the United Nations. The United Nations is designed to make possible lasting freedom and independence for all its members. We shall not realize our objectives, however, unless we are willing to help free peoples to maintain their free institutions and their national integrity against aggressive movements that seek to impose upon them totalitarian regimes. This is no more than a frank recognition that totalitarian regimes imposed upon free peoples, by direct or indirect aggression, undermine the foundations of international peace and hence the security of the United States.

The peoples of a number of countries of the world have recently had totalitarian regimes forced upon them against their will. The Government of the United States has made frequent protests against coercion and intimidation, in violation of the Yalta agreement, in Poland, Rumania, and Bulgaria. I must also state that in a number of other countries there have been similar developments.

At the present moment in world history nearly every nation must choose between alternative ways of life. The choice is too often not a free one.

One way of life is based upon the will of the majority, and is distinguished by free institutions, representative government, free elections, guarantees of individual liberty, freedom of speech and religion, and freedom from political oppression.

The second way of life is based upon the will of a minority forcibly imposed upon the majority. It relies upon terror and oppression, a controlled press and radio, fixed elections, and the suppression of personal freedoms.

I believe that it must be the policy of the United States to support free peoples who are resisting attempted subjugation by armed minorities or by outside pressures.

I believe that we must assist free peoples to work out their own destinies in their own way.

I believe that our help should be primarily through economic and financial aid which is essential to economic stability and orderly political processes.

The world is not static, and the status quo is not sacred. But we cannot allow changes in the status quo in violation of the Charter of the United Nations by such methods as coercion, or by such subterfuges as political infiltration. In helping free and independent nations to maintain their freedom, the United States will be giving effect to the principles of the Charter of the United Nations.

It is necessary only to glance at a map to realize that the survival and integrity of the Greek nation are of grave importance in a much wider situation. If Greece should fall under the control of an armed minority, the effect upon its neighbor, Turkey, would be immediate and serious. Confusion and disorder might well spread throughout the entire Middle East.

Moreover, the disappearance of Greece as an independent state would have a profound effect upon those countries in Europe whose peoples are struggling against great difficulties to maintain their freedoms and their independence while they repair the damages of war.

It would be an unspeakable tragedy if these countries, which have struggled so long against overwhelming odds, should lose that victory for which they sacrificed so much. Collapse of free institutions and loss of independence would be disastrous not only for them but for the world. Discouragement and possibly failure would quickly be the lot of neighboring peoples striving to maintain their freedom and independence.

Should we fail to aid Greece and Turkey in this fateful hour, the effect will be far reaching to the West as well as to the East.

We must take immediate and resolute action.

I therefore ask the Congress to provide authority for assistance to Greece and Turkey in the amount of $400,000,000 for the period ending June 30, 1948. In requesting these funds, I have taken into consideration the maximum amount of relief assistance which would be furnished to Greece out of the $350,000,000 which I recently requested that the Congress authorize for the prevention of starvation and suffering in countries devastated by the war.

In addition to funds, I ask the Congress to authorize the detail of American civilian and military personnel to Greece and Turkey, at the request of those countries, to assist in the tasks of reconstruction, and for the purpose of supervising the use of such financial and material assistance as may be furnished. I recommend that authority also be provided for the instruction and raining of selected Greek and Turkish personnel.

Finally, I ask that the Congress provide authority which will permit the speediest and most effective use, in terms of needed commodities, supplies, and equipment, of such funds as may be authorized.

If further funds, or further authority, should be needed for the purposes indicated in this message, I shall not hesitate to bring the situation before the Congress. On this subject the Executive and Legislative branches of the Government must work together.

This is a serious course upon which we embark. I would not recommend it except that the alternative is much more serious.

The United States contributed $341,000,000,000 toward winning World War II. This is an investment in world freedom and world peace.

The assistance that I am recommending for Greece and Turkey amounts to little more than 1/10 of 1 percent of this investment. It is only common sense that we should safeguard this investment and make sure that it was not in vain.

The seeds of totalitarian regimes are nurtured by misery and want. They spread and grow in the evil soil of poverty and strife. They reach their full growth when the hope of a people for a better life has died.

We must keep that hope alive.

The free peoples of the world look to us for support in maintaining their freedoms.

If we falter in our leadership, we may endanger the peace of the world--and we shall surely endanger the welfare of this Nation.

Great responsibilities have been placed upon us by the swift movement of events. I am confident that the Congress will face these responsibilities squarely.

Source : The American Presidency Project: www.presidency.ucsb.edu http://www.presidency.ucsb.edu/ws/index.php?pid=12846&st=&st1=#ixzz1OGY1Rdmi

Annexe 2 :

President Truman's InVugV',Vl AVV',ess. January 20, 1949

[Delivered in person at the Capitol]

Mr. Vice President, Mr. Chief Justice, fellow citizens:

I accept with humility the honor which the American people have conferred upon me. I accept it with a resolve to do all that I can for the welfare of this Nation and for the peace of the world.

In performing the duties of my office, I need the help and the prayers of every one of you. I ask for your encouragement and for your support. The tasks we face are difficult. We can accomplish them only if we work together.

Each period of our national history has had its special challenges. Those that confront us now are as momentous as any in the past. Today marks the beginning not only of a new administration, but of a period that will be eventful, perhaps decisive, for us and for the world.

It may be our lot to experience, and in a large measure bring about, a major turning point in the long history of the human race. The first half of this century has been marked by unprecedented and brutal attacks on the rights of man, and by the two most frightful wars in history. The supreme need of our time is for men to learn to live together in peace and harmony.

The peoples of the earth face the future with grave uncertainty, composed almost equally of great hopes and great fears. In this time of doubt, they look to the United States as never before for good will, strength, and wise leadership.

It is fitting, therefore, that we take this occasion to proclaim to the world the essential principles of the faith by which we live, and to declare our aims to all peoples.

The American people stand firm in the faith which has inspired this Nation from the beginning. We believe that all men have a right to equal justice under law and equal opportunity to share in the common good. We believe that all men have a right to freedom of thought and expression. We believe that all men are created equal because they are created in the image of God.

From this faith we will not be moved.

The American people desire, and are determined to work for, a world in which all nations and all peoples are free to govern themselves as they see fit, and to achieve a decent and satisfying life. Above all else, our people desire, and are determined to work for, peace on earth--a just and lasting peace--based on genuine agreement freely arrived at by equals.

In the pursuit of these aims, the United States and other like-minded nations find themselves directly opposed by a regime with contrary aims and a totally different concept of life.

That regime adheres to a false philosophy which purports to offer freedom, security, and greater opportunity to mankind. Misled by that philosophy, many peoples have sacrificed their liberties only to learn to their sorrow that deceit and mockery, poverty and tyranny, are their reward.

That false philosophy is communism.

Communism is based on the belief that man is so weak and inadequate that he is unable to govern himself, and therefore requires the rule of strong masters.

Democracy is based on the conviction that man has the moral and intellectual capacity, as well as the inalienable right, to govern himself with reason and justice.

Communism subjects the individual to arrest without lawful cause, punishment without trial, and forced labor as the chattel of the state. It decrees what information he shall receive, what art he shall produce, what leaders he shall follow, and what thoughts he shall think.

Democracy maintains that government is established for the benefit of the individual, and is charged with the responsibility of protecting the rights of the individual and his freedom in the exercise of those abilities of his.

Communism maintains that social wrongs can be corrected only by violence.

Democracy has proved that social justice can be achieved through peaceful change.

Communism holds that the world is so widely divided into opposing classes that war is inevitable. Democracy holds that free nations can settle differences justly and maintain a lasting peace.

These differences between communism and democracy do not concern the United States alone. People everywhere are coming to realize that what is involved is material well-being, human dignity, and the right to believe in and worship God.

I state these differences, not to draw issues of belief as such, but because the actions resulting from the Communist philosophy are a threat to the efforts of free nations to bring about world recovery and lasting peace.

Since the end of hostilities, the United States has invested its substance and its energy in a great constructive effort to restore peace, stability, and freedom to the world.

We have sought no territory. We have imposed our will on none. We have asked for no privileges we would not extend to others.

We have constantly and vigorously supported the United Nations and related agencies as a means of applying democratic principles to international relations. We have consistently advocated and relied upon peaceful settlement of disputes among nations.

We have made every effort to secure agreement on effective international control of our most powerful weapon, and we have worked steadily for the limitation and control of all armaments.

We have encouraged, by precept and example, the expansion of world trade on a sound and fair basis.

Almost a year ago, in company with 16 free nations of Europe, we launched the greatest cooperative economic program in history. The purpose of that unprecedented effort is to invigorate and strengthen democracy in Europe, so that the free people of that continent can resume their rightful place in the forefront of civilization and can contribute once more to the security and welfare of the world.

Our efforts have brought new hope to all mankind. We have beaten back despair and defeatism. We have saved a number of countries from losing their liberty. Hundreds of millions of people all over the world now agree with us, that we need not have war--that we can have peace.

The initiative is ours.

We are moving on with other nations to build an even stronger structure of international order and justice. We shall have as our partners countries which, no longer solely concerned with the problem of national survival, are now working to improve the standards of living of all their people. We are ready to undertake new projects to strengthen a free world.

In the coming years, our program for peace and freedom will emphasize four major courses of action.

First, we will continue to give unfaltering support to the United Nations and related agencies, and we will continue to search for ways to strengthen their authority and increase their effectiveness. We believe that the United Nations will be strengthened by the new nations which are being formed in lands now advancing toward self-government under democratic principles.

Second, we will continue our programs for world economic recovery.

This means, first of all, that we must keep our full weight behind the European recovery program. We are confident of the success of this major venture in world recovery. We believe that our partners in this effort will achieve the status of self-supporting nations once again.

In addition, we must carry out our plans for reducing the barriers to world trade and increasing its volume. Economic recovery and peace itself depend on increased world trade.

Third, we will strengthen freedom-loving nations against the dangers of aggression.

We are now working out with a number of countries a joint agreement designed to strengthen the security of the North Atlantic area. Such an agreement would take the form of a collective defense arrangement within the terms of the United Nations Charter.

We have already established such a defense pact for the Western Hemisphere by the treaty of Rio de Janeiro.

The primary purpose of these agreements is to provide unmistakable proof of the joint determination of the free countries to resist armed attack from any quarter. Every country participating in these arrangements must contribute all it can to the common defense.

If we can make it sufficiently clear, in advance, that any armed attack affecting our national security would be met with overwhelming force, the armed attack might never occur.

I hope soon to send to the Senate a treaty respecting the North Atlantic security plan.

In addition, we will provide military advice and equipment to free nations which will cooperate with us in the maintenance of peace and security.

Fourth, we must embark on a bold new program for making the benefits of our scientific advances and industrial progress available for the improvement and growth of underdeveloped areas.

More than half the people of the world are living in conditions approaching misery. Their food is inadequate. They are victims of disease. Their economic life is primitive and stagnant. Their poverty is a handicap and a threat both to them and to more prosperous areas.

For the first time in history, humanity posesses the knowledge and skill to relieve suffering of these people.

The United States is pre-eminent among nations in the development of industrial and scientific techniques. The material resources which we can afford to use for assistance of other peoples are limited. But our imponderable resources in technical knowledge are constantly growing and are inexhaustible.

I believe that we should make available to peace-loving peoples the benefits of our store of technical knowledge in order to help them realize their aspirations for a better life. And, in cooperation with other nations, we should foster capital investment in areas needing development.

Our aim should be to help the free peoples of the world, through their own efforts, to produce more food, more clothing, more materials for housing, and more mechanical power to lighten their burdens.

We invite other countries to pool their technological resources in this undertaking. Their contributions will be warmly welcomed. This should be a cooperative enterprise in which all nations work together through the United Nations and its specialized agencies whenever practicable. It must be a worldwide effort for the achievement of peace, plenty, and freedom.

With the cooperation of business, private capital, agriculture, and labor in this country, this program can greatly increase the industrial activity in other nations and can raise substantially their standards of living.

Such new economic developments must be devised and controlled to the benefit of the peoples of the areas in which they are established. Guarantees to the investor must be balanced by guarantees in the interest of the people whose resources and whose labor go into these developments.

The old imperialism--exploitation for foreign profit--has no place in our plans. What we envisage is a program of development based on the concepts of democratic fair-dealing.

All countries, including our own, will greatly benefit from a constructive program for the better use of the world's human and natural resources. Experience shows that our commerce with other countries expands as they progress industrially and economically.

Greater production is the key to prosperity and peace. And the key to greater production is a wider and more vigorous application of modern scientific and technical knowledge.

Only by helping the least fortunate of its members to help themselves can the human family achieve the decent, satisfying life that is the right of all people.

Democracy alone can supply the vitalizing force to stir the peoples of the world into triumphant action, not only against their human oppressors, but also against their ancient enemies--hunger, misery, and despair.

On the basis of these four major courses of action we hope to help create the conditions that will lead eventually to personal freedom and happiness for all mankind.

If we are to be successful in carrying out these policies, it is clear that we must have continued prosperity in this country and we must keep ourselves strong.

Slowly but surely we are weaving a world fabric of international security and growing prosperity.

We are aided by all who wish to live in freedom from fear--even by those who live today in fear under their own governments.

We are aided by all who want relief from lies and propaganda--those who desire truth and sincerity. We are aided by all who desire self-government and a voice in deciding their own affairs.

We are aided by all who long for economic security--for the security and abundance that men in free societies can enjoy.

We are aided by all who desire freedom of speech, freedom of religion, and freedom to live their own lives for useful ends.

Our allies are the millions who hunger and thirst after righteousness.

In due time, as our stability becomes manifest, as more and more nations come to know the benefits of democracy and to participate in growing abundance, I believe that those countries which now oppose us will abandon their delusions and join with the free nations of the world in a just settlement of international differences.

Events have brought our American democracy to new influence and new responsibilities. They will test our courage, our devotion to duty, and our concept of liberty.

But I say to all men, what we have achieved in liberty, we will surpass in greater liberty.

Steadfast in our faith in the Almighty, we will advance toward a world where man's freedom is secure.

To that end we will devote our strength, our resources, and our firmness of resolve. With God's help, the future of mankind will be assured in a world of justice, harmony, and peace.

Source : The American Presidency Project: www.presidency.ucsb.edu http://www.presidency.ucsb.edu/ws/index.php?pid=13282&st=&st1#ixzz1OGd76Mwu

Annexe 3 :

Joint Statement Following Discussions With the Shah of Iran. December 30, 1949

HIS IMPERIAL Majesty, Mohammed Reza Pahlavi, Shahinshah of Iran, today completed his tour of the United States and departed for Iran. The Shah came to this country at the invitation of the President and his visit has enabled him to become acquainted at first hand with the United States and its institutions. The President said today that the existing friendly relations with Iran have been strengthened still further by the Shah's visit. The President is most happy that His Majesty has paid the United States the honor of this visit, which enabled not only the President but many officials of the Government, as well as the American people, more clearly to know and understand Iran, its great traditions, and its present achievements and objectives.

Following a stay of several days in Washington, the Shah visited many parts of the country and inspected various institutions and industrial and agricultural enterprises whose technical operation might be usefully applied in Iran. He also saw military, naval, and air installations. His Majesty had the opportunity of meeting civic, industrial and educational leaders, as well as other representatives of broad segments of the American population.

While in Washington His Majesty had conversations with the President, the Secretary of State and other senior officials of the United States Government. These conversations took place in an atmosphere of frankness and cordiality, and the interchange of views was most valuable in arriving at a mutual understanding of problems in which both the United States and Iran have interest. Pursuant to these conversations His Majesty and the President have decided to issue the following joint statement on the relations between the two countries:

"His Imperial Majesty, the Shah of Iran, and the President of the United States have examined the relations between their two countries and the problems which they face in common. In the course of their conversations it has been brought out that:

"1. They believe the United Nations offers the best means of assuring a peaceful world. Both countries will continue to give the United Nations their unfaltering support and to work in close cooperation with it and its agencies.

"2. A serious threat to international peace and security anywhere in the world is of direct concern to the United States. As long ago as December 1, 1943, when President Roosevelt, Prime Minister Churchill, and Marshal Stalin signed the Three Power Declaration at Tehran, the United States made clear its desire for the maintenance of the independence and integrity of Iran. The great interest of the United States in this regard has been repeatedly affirmed in its foreign policy declarations and the United States Government intends to continue that policy.

"3. His Imperial Majesty believes, and the President concurs, that the ability of any country to maintain its independence is based on a sound and prosperous economy. For this reason, as far back as 1946, upon His Majesty's advice, the Iranian Government took steps to prepare a Seven-Year Plan for economic and social progress which now, embodied into law, is being carried out with all the means at the Government's disposal. The President appreciates the importance of this program to the economic development of Iran, and applications by the Iranian Government to the International Bank for Reconstruction and Development for economically justifiable loans to be used in the furtherance of the program will therefore receive the support of the United States. Subject to favorable Congressional action on the Point IV program, the United States also stands ready to facilitate Iranian economic development through the provision under Point IV and otherwise of technical advisory assistance if requested by Iran. His Majesty welcomes the assistance envisaged under the Point IV program and is particularly aware of the desirability of increased investments of private capital in the Iranian economy. The Iranian Government will consider measures to be taken to encourage such investments.

"4. It is the policy of the United States to help free peoples everywhere in the maintenance of their freedom wherever the aid which it is able to provide can be effective. As the result of recent Congressional authorization, and in response to the request of the Government of Iran, the Government of the United States is currently prepared to offer certain military assistance essential to enable Iran, as a nation dedicated to the purposes and principles of the United Nations Charter, to develop effective measures for its self-defense in support of those purposes and principles. The United States will continue to bear in mind Iran's defense needs in connection with further foreign assistance which may be considered by the United States Government."

Source : The American Presidency Project http://www.presidency.ucsb.edu/ws/index.php?pid=13375&st=iran&st1=

Annexe 4 :

MUTUAL DEFENSE ASSISTANCE ACT OF 1949

An act [H.R. 5895] To promote the foreign policy and provide for the defense and general welfare of the United States by furnishing military assistance to foreign nations.228

Title III

Sec. 301. The President, whenever the furnishing of such assistance will further the purposes and policies of this Act, is authorized to furnish military assistance as provided in this Act to Iran, the Republic of Korean and the Republic of Philippines.

Sec.302. There are hereby authorized to be approved to the President for the period through June 30, 1950, out of any moneys in the Treasury not otherwise appropriated, for carrying out the provisions and accomplishing the purposes of section 301, not to exceed $27,640,000.

Source : Senate Committee on Foreign Relations by the Staff of the Committee and the Department of State, A Decade of American Foreign Policy: Basic Documents 1941-49 (Washington, Government Printing Office, 1950) pp.1358, 1359. Department of State, American Foreign Policy, Basic Documents, 1950-1955, Volume II, (New York, Arno Press, 1971)

Annexe 5 :

Countries Having Entered Into Arrangements For Grant Military Aid Under The Mutual Security Program: Map, December 31, 1955

Source: Ninth Semiannual Report to Congress on the Mutual Security Program for the six months ended December 31, 1955 (1956), p.12. Op. Cit. Department of State, American Foreign Policy, Basic Documents, 1950-1955, Volume II, p.3156

228 Public Law 329, 81st Cong., 1st sess.

Consommation énergétique par ressource, 1635-2000 (en quadrillion de Btu)

Source : Energy Information Administration, History of Energy in the United States, 1635-2000, http://www.eia.doe.gov/emeu/aer/eh/frame.html

Annexe 7 :

President Truman's Remarks to W. Averell Harriman Before His Departure on a Mission to Iran.

July 13, 1951

THE PRESIDENT. I want to express to you my appreciation for your willingness to undertake this trip to Iran. It is a very important job that you have undertaken, and one which I think you can handle with satisfaction and success.

All of us want to wish you a pleasant trip, and I hope that you will express to the Iranian Government that our interest is the interest of world peace, and the welfare of Iran and the rest of the world.

We have no selfish interest in the matter whatever.

Source: American Presidency Project: www.presidency.ucsb.edu http://www.presidency.ucsb.edu/ws/index.php?pid=13838&st=&st1=#ixzz1NsZgtsNZ

President Truman's News Conference

August 23, 1951

[...] [Reading] "I have been most disappointed to learn of the suspension of the negotiations in Tehran between the British delegation and the Iranian Government, which we had hoped would lead to a settlement of the Iranian oil question.

"Since these conversations have been suspended rather than completely broken off, it remains my hope that a solution will eventually be found agreeable to both parties. It has been clear during the course of negotiations that both Iran and Great Britain sincerely desire a settlement, and in view of this fact I am confident that an arrangement can ultimately be worked out.

"Mr. Harriman has worked long and tirelessly in an effort to bring the parties together, and to set the stage for a settlement, and his activities have had my complete support. His letter to Prime Minister Mosadeq of August 21 summarizes very clearly the American point of view on the steps which led to the suspension of the conversations and the views that Mr. Harriman put forward reflect my own and the State Department's."

Source: the American Presidency Project: www.presidency.ucsb.edu http://www.presidency.ucsb.edu/ws/index.php?pid=13889&st=&st1=#ixzz1NsbKh7pR

Source : Department of State, American Foreign Policy, Basics documents, 1950-1955, Volume II, pp.2261-2

Source : Department of State, American Foreign Policy, Basics documents, 1950-1955, Volume II, p.2263

Extrait de l'article 36 [paragraphe 40] du Conseil de Sécurité des Nations dans le conflit entre l'Iran et la Grande Bretagne

At the 560th meeting on 15 October 1951, after the Anglo-Iranian Oil Company staff had been expelled from Iran, the representative of the United Kingdom submitted a draft resolution 8_6/ declaring that a dispute existed, the continuance of which vas likely to threaten the maintenance of international peace and security, and calling for the resumption of negotiations to resolve differences in accordance with the principles of the provisional measures handed down by the Court. Discussion on the draft resolution gave rise to the question whether the dispute was one in respect of which the Council might make recommendations under Article 36.

Source : Art. 36, Repertory, vol. II (1945-1954) p.286 http://untreaty.un.org/cod/repertory/art36/english/reporigvol2-art36e.pdf

103

104

106

State Department, "Measures which the United States Government Might Take in Support of a Successor Government to Mossadeq," Top Secret Memorandum, March 1953.

Source: National Archives and Records Administration (NARA), Record Group 59, Records of the Officer-in-charge of Iranian Affairs, 1946-1954, Lot 57D529, Box 40, Folder: Policy. http://www.gwu.edu/~nsarchiv/NSAEBB/NSAEBB126/iran530300.pdf

Annexe 13 :

Exchange of Messages Between the President and Prime Minister Mossadegh on the Oil Situation and the Problem of Aid to Iran

July 9, 1953

[Released July 9, 1953. Dated June 29, 1953] - Dear Mr. Prime Minister:

I have received your letter of May 28 in which you described the present difficult situation in Iran and expressed the hope that the United States might be able to assist Iran in overcoming some of its difficulties. In writing my reply which has been delayed until I could have an opportunity to consult with Mr. Dulles and Ambassador Henderson, I am motivated by the same spirit of friendly frankness as that which I find reflected in your letter.

The Government and people of the United States historically have cherished and still have deep feelings of friendliness for Iran and the Iranian people. They sincerely hope that Iran will be able to maintain its independence and that the Iranian people will be successful in realizing their national aspirations and in developing a contented and free nation which will contribute to world prosperity and peace.

It was primarily because of that hope that the United States Government during the last two years has made earnest efforts to assist in eliminating certain differences between Iran and the United Kingdom which have arisen as a result of the nationalization of the Iranian oil industry. It has been the belief of the United States that the reaching of an agreement in the matter of compensation would strengthen confidence throughout the world in the determination of Iran fully to adhere to the principles which render possible a harmonious community of free nations; that it would contribute to the strengthening of the international credit standing of Iran; and that it would lead to the solution of some of the financial and economic problems at present facing Iran.

The failure of Iran and of the United Kingdom to reach an agreement with regard to compensation has handicapped the Government of the United States in its efforts to help Iran. There is a strong feeling in the United States, even among American citizens most sympathetic to Iran and friendly to the Iranian people, that it would not be fair to the American taxpayers for the United States Government to extend any considerable amount of economic aid to Iran so long as Iran could have access to funds derived from the sale of its oil and oil products if a reasonable agreement were reached with regard to compensation whereby the large-scale marketing of Iranian oil would be resumed. Similarly, many American citizens would be deeply opposed to the purchase by the United States Government of Iranian oil in the absence of an oil settlement.

There is also considerable sentiment in the United States to the effect that a settlement based on the payment of compensation merely for losses of the physical assets of a firm which has been nationalized would not be what might be called a reasonable settlement and that an agreement to such a settlement might tend to weaken mutual trust between free nations engaged in friendly economic intercourse. Furthermore, many of my countrymen who have kept themselves informed regarding developments in this unfortunate dispute believe that, in view of the emotions which have been aroused both in Iran and the United Kingdom, efforts to determine by direct negotiation the amount of compensation due are more likely to increase friction than to promote understanding. They continue to adhere to the opinion that the most practicable and the fairest means of settling the question of compensation would be for that question to be referred to some neutral international body which could consider on the basis of merit all claims and counter-claims.

I fully understand that the Government of Iran must determine for itself which foreign and domestic policies are likely to be most advantageous to Iran and to the Iranian people. In what I have written, I am not trying to advise the Iranian Government on its best interests. I am merely trying to explain why, in the circumstances, the Government of the United States is not presently in a position to extend more aid to Iran or to purchase Iranian oil.

In case Iran should so desire, the United States Government hopes to be able to continue to extend technical assistance and military aid on a basis comparable to that given during the past year.

I note the concern reflected in your letter at the present dangerous situation in Iran and sincerely hope that before it is too late, the Government of Iran will take such steps as are in its power to prevent a further deterioration of that situation.

Please accept, Mr. Prime Minister, the renewed assurances of my highest consideration. DWIGHT D. EISENHOWER

Note: The Prime Minister's message follows: - Dear Mr. President:

In the kind reply which you sent to my message of last January you suggested that I might inform you direct or through diplomatic channels of any views that may be of mutual interest.

In that message I had briefly referred to the hardships and privations which the Iranian people had undergone during the last two years in their efforts to attain their aspirations and also to the difficulties which the British Government has created for Iran in its support of the illogical claims of an imperialistic company.

During the few months that have elapsed since the date of that message the Iranian people have been suffering financial hardships and struggling with political intrigues carried on by the former Oil Company and the British Government. For instance, the purchasers of Iranian oil have been dragged from one court to another, and all means of propaganda and diplomacy have been employed in order to place illegal obstacles in the way of the sale of Iranian oil. Although the Italian and Japanese courts have declared Iranian oil to be free and unencumbered, the British have not as yet abandoned their unjust and unprincipled activities.

Although it was hoped that during Your Excellency's administration attention of a more sympathetic character would be devoted to the Iranian situation, unfortunately no change seems thus far to have taken place in the position of the American Government.

In the message which the Secretary of State sent me from Karachi, he expressed regret that the efforts of the United States to contribute to the solution of the problem of compensation had thus far been unsuccessful. It should be recalled that the Iranian Government was prepared to pay the value of the former Company's properties in Iran in such amount as might be determined by the International Court of Justice. It was also prepared to accept the jurisdiction of the said court with regard to the amount of compensation provided the British Government would state the amount of its claim in advance and that claim would be within the bounds of reason. Obviously the Iranian Government also had certain claims against the former Oil Company and the British Government which would have been presented at the time of the hearing of the case.

The British Government, hoping to regain its old position, has in effect ignored all of these proposals.

As a result of actions taken by the former Company and the British Government, the Iranian nation is now facing great economic and political difficulties. There can be serious consequences, from an international viewpoint as well, if this situation is permitted to continue. If prompt and effective aid is not given this country now, any steps that might be taken tomorrow to compensate for the negligence of today might well be too late.

We are of course grateful for the aid heretofore granted Iran by the Government of the United States. This aid has not, however, been sufficient to solve the problems of Iran and to ensure world peace which is the aim and ideal of the noble people and of the Government of the United States.

The standard of living of the Iranian people has been very, low as a result of century-old imperialistic policies, and it will be impossible to raise it without extensive programs of development and rehabilitation. Unfortunately the aid heretofore granted has been in principle primarily of a technical nature, and even in this respect the assistance needed has not at times been accorded. For example, the Export-Import Bank which was to have advanced Iran twenty-five million dollars for use in the sphere of agriculture did not do so because of unwarranted outside interference.

The Iranian nation hopes that with the help and assistance of the American Government the obstacles placed in the way of sale of Iranian oil can be removed, and that if the American Government is not able to effect a removal of such obstacles, it can render effective economic assistance of the Presidents to enable Iran to utilize her other resources. This country has natural resources other than oil. The exploitation of these resources would solve the present difficulties of the country. This, however, is impossible without economic aid.

In conclusion, I invite Your Excellency's sympathetic and responsive attention to the present dangerous situation of Iran, and I trust that you will ascribe to all the points contained in this message the importance due them.

Please accept, Mr. President, the assurance of my highest consideration. DR. M. MOSSADEGH

Source: the American Presidency Project: Dwight D. Eisenhower: Exchange of Messages Between the President and Prime Minister Mossadegh on the Oil Situation and the Problem of Aid to Iran http://www.presidency.ucsb.edu/ws/index.php?pid=9633&st=&st1#ixzz1OVlSHz1F

Annexe 14 :

Exchange of Letters Between the President and the Shah of Iran Concerning the Settlement of the Oil Problem.

August 5, 1954

Your Imperial Majesty:

The important news that your Government, in negotiation with the British, French, Dutch and United States oil companies, has reached, in principle, a fair and equitable settlement to the difficult oil problem is indeed gratifying.

Your Majesty must take great satisfaction at the success of this significant phase in the negotiations to which you personally have made a valuable contribution. I am confident that implementation of this agreement, under Your Majesty's leadership, will mark the beginning of a new era of economic progress and stability for your country.

Like myself, all Americans have a deep concern for the well-being of Iran. With them I have watched closely your courageous efforts, your steadfastness over the past difficult years, and with them I too have hoped that you might achieve the goals you so earnestly desire. The attainment of an oil settlement along the lines which have been announced should be a significant step in the direction of the realization of your aspirations for your people.

There is concrete evidence of the friendship that exists between our two countries and of our desire that Iran prosper independently in the family of free nations. We have endeavored to be helpful in the form of economic and technical assistance and we are happy to have helped in finding a solution to the oil problem.

I can assure Your Majesty of the continued friendly interest of the United States in the welfare and progress of Iran, and of the admiration of the American people for your enlightened leadership.

With sincere best wishes for the health and happiness of Your Majesty and the people of Iran, Sincerely,

DWIGHT D. EISENHOWER

Note: His Imperial Majesty's reply, released August 9, follows:

Mr. President:

I am deeply grateful for your letter of August 5th and appreciate the friendly feelings which have inspired it.

It is, indeed, a source of satisfaction to me that my government has been able to arrive, in principle, at a settlement of the oil dispute, which, in the light of present world conditions, appears to be as equitable a solution of a difficult problem as could have been reached.

Ever since nationalization of the oil industry, which corresponded with the aspirations of my people, it has been my constant endeavor to facilitate and hasten a fair agreement within the framework of the relevant laws.

You can rest assured that the valuable contribution which you personally, Mr. President, The American Government and your distinguished Ambassador, Loy Henderson, have made to this end is highly prized.

It is now my hope that the implementation of the agreement will not be long delayed.

With the attainment of this goal and with increased American assistance, I share your feeling that we may look forward to an era of economic and social development which will improve the lot of my people, as well as further consolidate the security of the Middle East.

I cannot sufficiently lay stress on the fact that American assistance to Iran has been most timely and helpful. My people reciprocate to the full the friendship of your noble nation.

Whilst renewing the expression of my gratitude for your cooperation, I tender warm wishes for the welfare of the American people under your wise leadership.

Yours sincerely,

MOHAMMAD REZA PAHLAVI

Source: The American Presidency Project:

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