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La défense des intérêts américains en Iran par le discours idéaliste, de 1945 à  1954

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par Mickaël, Milad Jokar
Université Caen Basse Normandie - Master 2011
  

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b) Discours d`inauguration du président Truman : bases d`une vision qui prévaudra en Iran

Dans son livre « Harry 6 E7 LITYEQVSLesideQtiDELhHRLiF » le professeur Halford Ryan explique que le discours de Truman dura 20 minutes au lieu des 15 prévues, et qu`il contenait 2200 mots. Truman n`étant pas un grand orateur, le ton était hésitant et il y eut quelques erreurs de prononciation dû à un manque de répétition. De plus, le contact visuel du président était pauvre car il lisait son discours. Cependant, Truman ralentissait volontairement le taux de mots par minutes (110 mpm au lieu des 150 mpm prononcés habituellement) afin d`honorer l`occasion. Il s`agissait de la premiere inauguration présidentielle diffusée à la télévision et l`auteur ajoute que la prestance du président démocrate était terne et que son discours manquait d`effets de rhétorique (temps de pause non respectés, élocution prosaïque, le rythme de sa voix ne variait pas, etc.).101 Néanmoins, ce manque d`effets de rhétorique et ses phrases courtes furent perçues comme un franc parlé lorsqu`il s`agissait du Communisme.102


·
« Rhétorique présidentielle de crise » et « rhétorique supernation »

Halford Ryan parle de deux constructions rhétoriques. D`une part, la « rhétorique présidentielle de crise » qui est, selon l`auteur, une maniere de parler que le commandant en chef utilise pour gagner le soutien du Congrès et du peuple en créant une crise rhétorique. Cette dernière peut exister en réalité ou pas. Le président met en avant des « Nouveau Faits » qui mènent inexorablement à la « Nouvelle Situation » que le président défini comme une crise, souvent de nature militaire, à laquelle les États-Unis doivent faire face. La question n`est pas de savoir si les États-Unis doivent répondre mais comment ils vont réagir face à ces circonstances dangereuses. Pour répondre à cette grave situation, le président présente sa politique qui est souvent annoncée comme un fait accompli. Il argumente, se justifie et appelle au sens patriotique et à la virilité du peuple américain.

101 Halford R. Ryan, op. cit., p.119. L`auteur explique que « Harry Truman avait le désavantage rhétorique particulier de suivre les pas du peut être plus grand orateur présidentiel de l`histoire américaine. » Il ajoute également que Truman s`appuyait énormément sur ses rédacteurs contrairement à Roosevelt qui écrivait luimême ses discours avec ses conseillers. p.109

102 Ibid. p.9

Enfin, le président créé la dichotomie à travers son discours (bien/mal, ange/démon, blanc/noir, etc.).103

D`autre part, Halford Ryan parle de « rhétorique supernation ". Il explique que la philosophie publique des États-Unis des XVIIIème et XIXème siècles était de protéger la liberté et la sécurité du peuple américain et que cela était réalisé en évitant les alliances avec des puissances étrangères. De plus, cette philosophie publique prônait la nonintervention dans les affaires internes des autres pays. L`auteur explique qu`il y eut un changement brusque dans le ton de la rhétorique publique, particulièrement en ce qui concerne les affaires étrangères des États-Unis. Il ajoute que cette rhétorique d`« ainsi nommée Guerre froide " avait deux leitmotivs : d`une part, apporter « une nouvelle note d`une transformation quasi-apocalyptique du monde dans une bataille finale avec le démoniaque communisme "104 et d`autre part, « les représentations de la Guerre froide avaient tendances à avilir le langage et à déformer de la réalité ".105

La « rhétorique supernation " a donc pour effet de représenter le monde de manière manichéenne et Truman s`en servait dans le but de d`associer tout ce qui est anticommuniste avec le camp américain. Les États-Unis étant présentés comme les défenseurs des valeurs idéalistes, il était plus facile que le Congrès accepte la politique de Truman dans le Moyen-Orient et en Iran puisque cette région devait faire parti du « monde libre ". Par ailleurs, cette rhétorique avait d`autant plus d`impact dans un discours d`inauguration puisque c`est celui-ci qui annonçait au peuple américain la vision globale de la politique étrangère des États-Unis.

La « rhétorique présidentielle de crise " se retrouve lorsque Truman confronte l`opinion publique américaine et internationale (par la voie de la presse) à la menace que représente l`Union Soviétique. Le président américain expose les « Nouveaux Faits " qui nécessiteront la « Nouvelle Situation " :

[...] the United States and other like-minded nations find themselves directly opposed by a regime with contrary aims and a totally different concept of life.

That regime adheres to a false philosophy which purports to offer freedom, security, and greater opportunity to mankind. Misled by that philosophy, many peoples have sacrificed their liberties only to learn to their sorrow that deceit and mockery, poverty and tyranny, are their reward.

103 Halford R. Ryan, op. cit., p.14.

104 Ibid. l`auteur cite Dante Germino, the Inaugural Addresses of American Presidents; the Public Philosophy and Rhetoric (Lanham, University Press of America, 1984) pp.19, 21, 22. Il fait également référence au philosophe zoroastrien et perse Mânes, fondateur du manichéisme, qui divisait le monde en forces obscures et claires.

105 Ibid. pp. 14, 15.

That false philosophy is communism.

[...] the actions resulting from the Communist philosophy are a threat to the efforts of free nations to bring about world recovery and lasting peace.106

Truman met en avant ces « Nouveaux Faits " : « les États-Unis et les nations qui ont le même état d`esprit se retrouvent directement opposés par un régime qui a des objectifs contraires et une conception totalement différente de la vie ". Le président américain présente ce « nouveau fait " comme un fait accompli dans le but de gagner le soutien de l`opinion publique et du Congrès. Ensuite, il avilit « ce régime qui adhère à une fausse philosophie ". Ce dernier est en confrontation directe avec les valeurs américaines. Puis, Truman utilise le procédé rhétorique d`essentialisation pour le nominaliser dans un terme désormais chargé sémantiquement : « cette fausse philosophie est le communisme ". Enfin, il montre que le communisme est une réalité, il le défini (en l`opposant à la démocratie)107, et il le présente comme étant une menace : « les actions résultant de la philosophie communiste sont une menace pour les efforts des nations libres d`amener la relance mondiale et une paix durable ". Enfin, le président américain annonce à son peuple que sa nation « va renforcer les nations éprises de liberté contre les dangers de l`agression ". Ainsi, il continue avec ce procédé de « rhétorique présidentielle de crise " en apportant une solution virile -- tout en gardant des formules idéalistes.

Ces solutions sont évoquées en quatre points majeurs qui reprennent les principaux axes de la doctrine Truman. Ce discours visait essentiellement à unir les États-Unis autour d`un consensus et il englobera l`Iran indirectement pour les raisons évoquées au premier chapitre (procédé rhétorique de simplification). Ces quatre points sont prononcés ainsi :

First, we will continue to give unfaltering support to the United Nations and related agencies [...] We believe that the United Nations will be strengthened by the new nations which are being formed in lands now advancing toward self-government under democratic principles.

Second, we will continue our programs for world economic recovery. [...] In addition, we must carry out our plans for reducing the barriers to world trade and increasing its volume. Economic recovery and peace itself depend on increased world trade.

Third, we will strengthen freedom-loving nations against the dangers of aggression. [...]In addition, we will provide military advice and equipment to free nations which will cooperate with us in the maintenance of peace and security.

Fourth, we must embark on a bold new program for making the benefits of our scientific advances and industrial progress available for the improvement and growth of underdeveloped areas. I believe that we should make available to peace-loving peoples the benefits of our store of technical knowledge in

106 Discours d`inauguration d`Harry S. Truman, 20 janvier 1949, (voir annexe n°2).

107 Ibid.

order to help them realize their aspirations for a better life. And, in
cooperation with other nations, we should foster capital investment in areas

needing development.108

Truman profite des conditions qui sont favorables aux États-Unis pour mettre en valeur l`hégémonie américaine et annoncer la mise en place de grands changements dans le système économique et de gouvernance mondiale. Par ailleurs, il exprime la volonté politique d`isoler l`URSS et son système communiste. Cette isolation permettra de protéger l`Iran et de maintenir son marché ouvert au monde. Les quatre points peuvent se résumer ainsi : premièrement, l`uniformisation du système politique mondial avec des principes démocratiques (renforcement des Nations Unis). Le deuxièmement évoque la reprise de la croissance économique mondiale avec l`expansion du libéralisme et du capitalisme de marché mondial comme base d`une paix qui est dépendante de ce même marché. Le troisièmement prône l`endiguement du communisme notamment grâce au soutien militaire apporté aux pays situés à la frontière soviétique (création de pactes de sécurité dont l`OTAN). Et enfin, le quatrièmement insiste sur le développement scientifique en corrélation avec l`aspect humanitaire (humanitarisme possible grace à l`encouragement des investissements de capitaux dans les endroits ayant besoin de développement).

Pour formuler son programme, Truman associait des valeurs idéalistes à son projet afin que le plus grand nombre de personnes adhère. En effet, chaque point de son programme est embelli par des éléments de rhétorique idéaliste. Il évoquait « les principes démocratiques » dans le point 1, « la paix » pour ce qui est de la réduction des barrières commerciales dans le point 2, « le maintien de la paix et de la sécurité » en ce qui concerne le soutien militaire pour « les nations libres » dans le point 3, et enfin, « aider les peuples qui aiment la liberté dans leur aspiration à une vie meilleur » à propos de l`encouragement des investissements de capitaux dans le point 4.

Cette rhétorique idéaliste permettait au président Truman de faire plusieurs choses. Premièrement, elle encourageait les représentants et les sénateurs du Congrès à être en faveur de son projet (comme expliqué auparavant dans le chapitre sur la doctrine Truman). Deuxièmement, le discours idéaliste est essentiel pour la défense des intérêts américains car le choc géopolitique est un événement que le public ne saisit pas s`il n`en est pas informé. En effet, l`imaginaire collectif de l`opinion publique à propos de la Guerre froide est né en partie grace à la rhétorique de l`administration présidentielle, avec notamment la

108 Ibid. (Les parties en gras et soulignées ont été ajoutées pour cette analyse par nos soins).

création des entités dichotomiques élaborée par le discours de Truman. Son administration n`a pas inventé cette dichotomie car il y avait réellement une opposition entre deux systèmes économiques, politiques et sociaux. Cependant, il y a une distinction entre le choc de la Guerre froide lui-même (qui n`est pas palpable par l`opinion publique) et la manière de le présenter (qui est perceptible par l`auditeur). Par conséquent, un auditoire non-informé d`éléments non-palpable aura plus facilement tendance à s`appuyer sur un discours ayant une bonne construction rhétorique. Ce dernier sera d`autant plus efficace si l`orateur utilise une « rhétorique de crise » et s`il défend des valeurs qui se répercutent positivement dans la structure cognitive du public.


· La promotion de l`« ethos américain "109

Cette rhétorique idéaliste permettait également d`inciter implicitement le peuple américain (mais aussi les « nations libres ») à s`identifier à l`action de son leader. Ainsi, Truman promeut l`ethos américain ; outil indispensable de défense des intérêts de son pays. La conceptualisation de celui-ci s`illustre à travers les quatre points du programme Point IV. Pour identifier sa nation à l`action de son leader, Truman positionne les ÉtatsUnis et le peuple américain au centre des affaires internationales en employant constamment « nous " (en reprenant les centres déictiques)110. Il utilise cette technique dans chaque point du programme : « we must ", « we will continue ", « we will strenghen ", ou encore « we believe ". Le quatrième point de son discours est même caractérisé par l`identité discursive du « Je-nous ", une identité du singulier-collectif111 « I believe that we should... ».

La rhétorique de Truman positionne également la nation américaine comme garante des principes démocratiques (cf. point 1) lui donnant ainsi un ethos de « chef ", c'est-àdire « une construction de soi pour que l`autre adhere, suive, s`identifie à cet être qui est censé représenter un autre soi-même idéalisé ".112 La position de « chef " des États-Unis est donc identifiée au nom de son discours idéaliste qui défend « les principes démocratiques " (cf. point 1), « la paix " (cf. point 2), la défense de la stabilité des

109 Nous aurions pu analyser le concept d` « éthos américain " dans le chapitre relatif à la doctrine Truman. Le choix s`est fait ainsi afin de poursuivre l`étude dans le temps.

110 Se référer à la partie 1 du mémoire.

111 Selon la théorie des stratégies de paraître de Patrick Charaudeau, op. cit., p.62. (Voir la partie 1 du mémoire).

112 Ibid. p.118

« nations libres contre les dangers d`agression » (cf. point 3) et « le développement des nations qui en ont besoin » (cf. point 4).

Cette rhétorique est aussi importante que le programme en soit -- surtout après le choc de la Seconde Guerre mondiale et la politique étrangère américaine d`endiguement de l`Union Soviétique, tous deux facteurs de cohésion. Patrick Charaudeau explique à ce sujet « qu`il ne faut pas séparer l`ethos des idées, car la façon de poser celles-ci peut être constructeur d`image ».113 C`est pour cela que le choc facilite la construction d`une telle image de leader mondiale et, la grandeur du projet américain doit être à la hauteur de celui qui le met en ~uvre. Charaudeau ajoute que le discours doit être la « construction d`un rêve (d`une idéalité sociale) ». Truman se doit donc d`être le plus persuasif possible afin que les citoyens américains et du « monde libre » adhèrent à la construction de cette idéalité présentée par la « rhétorique supernation ». Cette idéalité est introduite sous la tutelle de l`ethos de « chef » des États-Unis auquel le peuple américain s`identifie implicitement.

Promouvoir une image idéaliste était donc l`une des fonctions de la stratégie discursive américaine. Celle-ci permettait à l`identité américaine de véhiculer son image de grandeur et de meneur aux yeux du monde (« du monde libre »)114. En plus de cela, « l`approche cognitive » 115 élaborée par le discours de Truman faisait partie de la construction de l'1JRRs américain. En effet, nouvellement (ré)élu116, le président démocrate bénéficiait d`une vague d`espoir et de progrès amenée par la campagne électorale (comme c`est souvent le cas). C`est avec cet élan qu`il pouvait consolider l`ethos américain par le discours, et même conceptualiser le leadership américain (notamment grâce à la métaphore) de façon à ce que l`image des États-Unis rejaillisse de manière salvatrice dans le monde entier. Par exemple : they [the peoples of the earth] look to the United States as never before for good will, strength, and wise leadership.?117 L`image de leader américain

113 Ibid. p.91

114 Ici, l`expression « monde libre » reprend le terme exprimé par la rhétorique américaine. Il faut noter que lorsque l`on parle d`une « image de grandeur et de meneur aux yeux du monde (« monde libre ») », il s`agit des parties du globe ayant un accès à l`information (dans le monde de la fin des années 1940).

115 Paul Chilton explique: The cognitive approach considers political discourse as necessarily a product of individual and collective mental processes. It seeks to show how knowledge of politics, political discourse and political ideologies involves storage in long-JelP PIPRly'. Paul Chilton, op. cit., p. 51

116 Truman, ayant succédé à Franklin D. Roosevelt après le décès de ce dernier, a été élu une fois président des États-Unis (novembre 1948) et une fois vice-président (novembre 1944).

117 Discours d`inauguration de Truman, 20 janvier 1949, op. cit. (voir document annexe n°2).

représente constamment l`équilibre mondial et « l`effort de restaurer la paix, la stabilité et la liberté dans le monde ».118

Par ailleurs, le pathos peut être associé à l`ethos. En effet, le discours de Truman est pourvoyeur d`un rêve qui se construit autour d` « une sorte de pacte d`alliance »119 et qui créer un but commun, un consensus qui se sensibilise autour du « on » (« we »). La rhétorique de Truman tente « d`inspirer confiance, admiration » afin de « coller à l`image idéale du chef qui se trouve dans l`imaginaire collectif des sentiments et des émotions »120. La rhétorique présidentielle de crise (qui fait appel au pathos) inhibe l`auditoire parce que ça l`émeut. Les gens, qui normalement ne s`inscrivent pas dans les débats, prennent position ; ils sont plus enclins à s`y inscrire. Ainsi, Truman essaie de toucher les gens avec sa rhétorique idéaliste, et en puisant dans l`affect social, le citoyen américain, « au travers d`un processus d`identification irrationnel, fond son identité dans celle de l`homme politique »121. Dans ce cas, il fond son identité dans l`image des États-Unis -- image ici véhiculée en grande partie par la rhétorique de Truman.

Enfin, parallèlement à la rhétorique, l`aide économique est une partie importante dans la construction de cette idéalité puisqu`elle est devenue un instrument de la défense des intérêts américains :

Après la deuxième guerre mondiale, avec l`avènement de la Guerre froide et

l`accession à l`indépendance des anciennes colonies, l`aide étrangère est
devenue un instrument fondamental de la politique étrangère des États-Unis

et un élément important de leur sécurité nationale. À partir de ce moment,
l`aide sera toujours liée à la stratégie de sécurité nationale et en devient une

composante importante. L`utilisation de l`aide comme instrument de la
politique de sécurité nationale a fait et fait toujours l`objet de débats au

Congrès et au Sénat, de même qu`entre les spécialistes de la question, voire

dans l`opinion publique. Néanmoins, périodiquement, malgré les différentes
tentatives de réforme, l`importance de l`aide économique comme instrument

de promotion des intérêts tant économiques que de sécurité a toujours été réaffirmée.122

Après la seconde guerre mondiale, l`image des États-Unis se construit avec l`instrumentalisation de l`aide économique dans le but de promouvoir la sécurité nationale

118 Ibid. «the United States has invested its substance and its energy in a great constructive effort to restore peace, stability, and freedom to the world.?

119 Ibid. Patrick Charaudeau explique que l`instance politique est pourvoyeuse d`un rêve qui s`associe au destinataire-citoyen et qui se construit avec lui en une sorte de pacte d`alliance (il donne l`exemple : « Nous, ensemble, nous bâtirons une société plus juste ».

120 Ibid. p.62 L`auteur ajoute : « Bien des penseurs l`ont dit, et quelques grands hommes l`ont mis en pratique : la gestion des passions est l`art de la bonne politique ».

121 Ibid. p105

122 Anne Duhamel, « L`aide économique américaine et la sécurité dans les Amériques », Groupe de recherche sur l`intégration continentale, Université du Québec à Montréal, Département des Sciences Politiques, Juin 2001 http://www.ieim.uqam.ca/IMG/pdf/gric-01-5-duhamel-aide-secu.pdf (6 juin 2011).

(avec deux constantes : la peur de l`expansion communiste dans le Tiers-Monde et l`avancement des intérêts économiques américains dans le monde123). Cette stratégie faisant l`objet de débat, elle est véhiculée par le discours idéaliste. La rhétorique devient un instrument indispensable pour réaliser cette stratégie de défense de la sécurité nationale.

Voici donc les bases fondamentales de la stratégie discursive idéaliste américaine. Ce cadre rhétorique va prévaloir pendant toute la période de la Guerre froide. Le choc géopolitique a permis aux États-Unis de se créer une nouvelle identité de leader mondial, d`État supernation et, le processus discursif idéaliste du président Truman a fait transparaître -- une nouvelle fois -- l`ethos d`une Amérique salvatrice aux yeux du monde.

Ce concept peut être assimilé aux propos d`Edward Said à propos de l`orientalisme moderne. Dans son livre « l`orientalisme », il explique que « l`orientaliste moderne est, à ses propres yeux, un héro qui sauve l`Orient de l`obscurité, de l`aliénation et de l`étrangeté qu`il a lui-même convenablement perçu ». 124 Dans ce cas, la projection de l`ethos américain par le discours idéaliste placerait les États-Unis -- à partir de sa perception -- comme le héro qui sauverait l`Iran de l`obscurité ou de l`aliénation. Le discours créer un rapport entre les deux pays. La manière d`exprimer ce discours et la rhétorique employée donnent l`impression d`un rapport de supériorité de la nation américaine (position de force) par rapport à la nation iranienne qui a besoin d`aide. La rhétorique idéaliste n`exprime pas ici un rapport de dominant/dominé ; elle est plutôt constructrice d`une image de chef qui guiderait les peuples vers la paix et la sécurité.

La stratégie d`expansion du système américain -- qui passait en partie par la fin de l`isolationnisme américain en faveur d`une politique libérale -- s`établissait en corrélation

123 Ibid. L`auteur explique : « Les politiques d'aide ont connu une évolution selon trois périodes depuis la fin de la deuxième guerre mondiale jusqu'à la création de l'USAID. La première période (1945-1951), celle du Plan Marshall, se caractérise par une distribution d'aide surtout économique à l'Europe pour son redressement et par la montée de la peur d'une éventuelle conversion au communisme de la Grèce, de la Turquie et de certains pays européens où des partis communistes sont alors en plein essor (France, Italie, Belgique,...). La deuxième période (1951-1961), celle du Mutual Security Act de 1951 et de 1954, se distingue par la primauté accordée à l'aide militaire aux pays frontaliers de l'URSS et de la Chine afin d'endiguer le communisme (Grèce, Turquie, Iran, Pakistan, Thaïlande, Indochine, Taiwan, les Philippines, la Corée...). A la suite de l'éclatement de la guerre en Corée (1950) et en Indochine, le Président Truman se voit contraint, malgré l'introduction de son Point Four en 1949 (une première politique d'aide au développement pour les régions sous développées qui ne se concrétisera que partiellement, surtout par de l'aide technique), d'orienter l'aide vers de l`assistance militaire afin de garantir la sécurité des États-Unis et celle de leurs alliés. Enfin, la troisième période (1961-1973) est marquée par la prépondérance du concept d'aide économique au développement. »

124 Edward Said, op. cit., p.144

avec la stratégie discursive de l`administration Truman. Cette stratégie visait à « vendre » son programme à l`Iran (et aux autres pays dit « sous-développés) en mettant en avant le « développement ». A ce propos, le professeur Gilbert Rist explique :

En quelques paragraphes [discours du programme Point IV], une stratégie globale est affirmée. Bien qu`elle serve d`abord les intérêts particuliers de la nation la plus puissante du monde, elle feint de ne se préoccuper que du bien commun et présente le « développement » comme un ensemble de mesures techniques (utilisation du savoir scientifique, croissance de la productivité, intensification des échanges internationaux) et donc situées hors du débat politique ; ce qui permettra d`en donner - selon les lieux et les moments - des interprétations conservatrices ou révolutionnaires. De plus, en définissant le « sous-développement » comme un état de manque, plutôt que comme le résultat de circonstances historiques, et les « sous-développés » comme des pauvres, sans s`interroger sur les raisons de leur dénuement, on fait de la croissance et de l`aide -- conçues en termes technocratiques et quantitatifs -- la seule réponse possible.125

L`auteur évoque deux choses. D`une part, il explique que le discours de Truman valorise le développement des pays « sous-développés » et que c`est sous ces termes (développement, stabilité, sécurité, paix) que les États-Unis interviennent. D`autre part, il explique que la rhétorique de Truman créée une nouvelle entité : « les sous-développés ». L`Iran se positionnait donc dans cette entité. Présenté ainsi, l`aide économique démontre que les « sous-développés » avaient tout à gagner et que le plan américain était la seule solution. Aux yeux de l`opinion publique américaine, l`Iran devient membre d`une entité commune qui compte deux milliards d`habitants et qui est nominalisées dans le terme « sous-développés »).126

L`objectif de Truman était de défendre l`intérêt national américain, et ce, dans chaque partie du globe représentant des enjeux géopolitiques considérables pour les États-Unis dans le contexte de la Guerre froide. L`architecture du nouvel ordre élaboré par l`administration Truman (composée de Dean Acheson, de George Marshall et de George Kennan) « conjuguait l`idéalisme de Wilson à un réalisme froid ».127 En effet, la politique de Truman mettait en avant des principes idéalistes et son discours encadrait les actions de

125 Gilbert Rist, Le développement : histoire CIKniIHRIDYiERFHCintDli, (Paris, Presses de Science-Po, 2001) p.133. Gilbert Rist est professeur à l'Institut de hautes études internationales et du développement (graduate institute of development studies) à Genève.

126

L`auteur explique : « Ainsi, à partir de 1949, plus de deux milliards d`habitants de la planète vont -- le plus souvent à leur insu - changer de nom, être considérés « officiellement », si l`on peut dire, tels qu`ils apparaissent dans le regard de l`autre et être mise en demeure de rechercher ainsi leur occidentalisation en profondeur au mépris de leurs propres valeurs ; ils ne seront plus Africains, Latino-Américains ou Asiatiques (pour ne pas dire Bambaras, Shona, berbères, Quechuas, Aymaras, Balinais ou Mongols) mais simplement « sous-développés » ». Ibid.

127 Barack Obama, op. cit., p.348.

son administration mais la défense des intérêts américains lors de ses mandats était très réaliste (comme le montre le rapport de la CIG). Par ailleurs, Truman présentait toujours les problèmes sur les bases d`un conflit idéologique. De cette manière, Truman offrait une dynamique complètement différente, un tout autre potentiel pour s`attirer du soutien et de la sympathie auprès du Congrès et de l`opinion publique (américaine et internationale). Il était plus simple d`obtenir du soutien en jouant sur les craintes causées par un problème d`une telle nature plutôt que d`évoquer les réalités stratégiques et économiques.128

La position géostratégique de l`Iran représentait des enjeux majeurs pour la doctrine Truman et cette nation faisait par conséquent partie des pays qui allaient bénéficier du programme Point IV et du Mutual Defense Assistance Act. La manière de présenter les enjeux sera largement influencée par une présentation idéologique, toujours appuyée par la rhétorique idéaliste. Le programme Point IV servait de référence pour les projets à venir et la « rhétorique supernation » permettait d`influencer les décisions sur les crises à venir -- comme la crise de la nationalisation du pétrole iranien de 1951 -- en termes de Guerre froide. Par conséquent, ce discours idéaliste dressait un socle dans les imaginaires sociodiscursifs ; une forme d`organisation du langage qui résonnait dans l`imaginaire collectif (celui de l`auditoire). Cette stratégie discursive était en corrélation avec la politique non-coercitive de Truman (soft policy) et elle permettait d`orienter le Congrès vers cette approche.

L`utilisation de cette rhétorique idéaliste offre une légitimité au programme d`aide économique et militaire américain en Iran (sans même que le président ne mentionne l`Iran). En effet, Truman annonce que « [les États-Unis] vont fournir des conseils et de l`équipement militaire aux nations libres qui vont coopérer avec [les Etats-Unis] dans le maintien de la paix et la sécurité ». L`idée était de promouvoir la paix dans le but d`obtenir un intérêt mutuel de coopération économique.

Bénéficiant du soutien technique et militaire, l`Iran se retrouvait avec un allié américain qui ne le lui laissait pas une grande manuvrabilité. L`approche attractive

128 Lors d`une conférence sur les relations entre les États-Unis, Israël et l`Iran à Harvard, Dr Trita Parsi explique que présenter une situation sur les bases d`une bataille idéologique renforce la dynamique du conflit entre l`Iran et Israël car les deux camps ont deux publics complètement différents et les orateurs ne semblent pas considérer l`impact de la rhétorique (et de l`image projetée sur l`autre public). Voir la conférence sur http://www.law.harvard.edu/news/2011/02/22_trita-parsi.html (6 juin 2011). Il en va de même pour la présentation du conflit entre les États-Unis et l`URSS (l`application de cette stratégie en Iran sera développée dans le chapitre suivant).

américaine influençait le Shah à appliquer le programme de Truman en Iran (sous le Mutual Defense Aid). Celui-ci était appuyé par son discours en confrontation avec le communisme ; discours qui positionnait l`Iran dans le système d`économie de marché.129 Par conséquent, les États-Unis offraient un choix paradoxal au Shah : une coopération économique avec les États-Unis qui permettait à l`Iran d`être « une nation libre » tout en compromettant son indépendance économique. L`Iran était présenté comme un pays démocratique parce qu`il n`était pas communiste. Cela lui permettait de bénéficier du soutien des États-Unis puisque la « rhétorique supernation » le définissait ainsi.130

La rhétorique de Truman a surdimensionné la menace communiste dans le but de jouer sur les craintes de l`opinion publique -- et aussi l`opinion républicaine qui avait un nombre plus important d`élus anti-communiste. Dans cette logique, refuser le programme de Truman revenait à s`opposer à l'FJkRs américain. Quoi qu`il en soit, l`onde de choc géopolitique causée par la fin de la Seconde Guerre mondiale a favorisé l`expansion du système économique américain (et a ralenti considérablement l`expansion idéologique soviétique). Cependant, suite à la crise d`Azerbaïdjan, l`Iran était toujours un pays qui risquait de ne pas ouvrir ses marchés. C`est pourquoi la rhétorique idéaliste était un outil nécessaire à la mise en ~uvre de la stratégie de Truman en Iran. Elle accompagnait et justifiait le soutien technique, militaire et économique des États-Unis.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand