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Les élections législatives de 1902 en France

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par Lucien MITAIS
Université Paris- Sorbonne - Diplôme d'études supérieures 1967
  

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3. LE SECOND TOUR DE SCRUTIN ( 11 mai 1902)

Les candidats des deux coalitions se sont générale ment montré disciplinés. A gauche on ne relève qu'une vingtaine de cas d'indiscipline dont huit seule ment ont eu une influence sur le résultat du scrutin. C'est ainsi que deux radicaux-socialistes indisciplinés ont battu un radical et un socialiste et que deux républicains de gauche indisciplinés ont battu un radical-socialiste et un socialiste. Deux cas d'indiscipline grave se sont produits : d'une part a Bordeaux, oil le maintien d'un radical contre un républicain de gauche aurait pu avoir des conséquences facheuses ; d'autre part, a Castelnaudary dans l'Aude, oil le refus d'un radical de se désister pour un radical-socialiste a permis l'élection d'un conservateur. Enfin, il faut noter qu'à Marseille un radical s'est désisté en faveur d'un progressiste, lui permettant ainsi de battre le socialiste arrivé en tête au premier tour'. En définitive, les victi mes de l'indiscipline ont été les socialistes qui ont ainsi perdu trois sièges, et les bénéficiaires en ont été les républicains de gauche qui ont gagné deux sièges. Quant aux radicaux, les plus indisciplinés de tous, ils n'ont eux- mê mes gagné qu'un siège, mais ils ont fait perdre deux sièges au Bloc et ont mê me failli lui en faire perdre un troisiè me.

Dans le camp adverse, les cas d'indiscipline ont été moins no mbreux, mais il faut se rappeler que dans 80% des circonscriptions la droite avait présenté une candidature unique dès le premier tour. Quatre cas d'indiscipline ont finale ment influencé les résultats du scrutin. Le premier est le moins important : un nationaliste indiscipliné a battu un républicain progressiste. Mais les trois autres ont eu des conséquences beaucoup plus graves : a Bordeaux, le maintien d'un nationaliste contre un autre nationaliste a facilité le succès d'un républicain de gauche alors que l'issue du scrutin se mblait très indécise. A La Réole (Gironde), le maintien d'un nationaliste contre un républicain progressiste a permis la victoire d'un républicain de gauche. 1l faut signaler en outre qu'à Paris, dans le 1er arrondissement, le désiste ment d'un progressiste en faveur d'un radical aurait pu faire perdre un siège (nationaliste) a la droite, si les électeurs modérés avaient en majorité suivi les conseils de leur candidat. L'indiscipline des candidats de droite a donc fait perdre / l'opposition deux sièges qui lui se mblaient acquis et un troisiè me qu'il lui était possible

22 Il s'agit du socialiste Flaissières, maire de Marseille (Bouches-du-Rhône).

d'acquérir. Les bénéficiaires de ces actes d'indiscipline ont été les républicains de gauche qui ont gagné deux siêges et en ont sauvé un troisiê me qui paraissait três menacé a l'issue du premier tour.

Dans un certain no mbre de circonscriptions les candidats de droite sont allés jusqu'à se désister en faveur du candidat de gauche le plus modéré. Ces désiste ments ont permis l'élection de six républicains de gauche menacés ou distancés au premier tour par trois socialistes, deux radicaux-socialistes et un radical. Mais ils ont égale ment rendu possible le succês d'un radical dissident menacé par un radical, celui d'un radical distancé par un radical-socialiste et même celui d'un radical-socialiste distancé par un socialiste2<.

1l est évide mment beaucoup plus difficile de savoir sil les électeurs se sont montrés disciplinés ou non. Un examen plus détaillé du résultat des deux tours permet néanmoins de se faire une opinion a ce sujet.

A gauche, les principales victi mes de l'indiscipline des électeurs sont assuré ment les socialistes. On re marque en effet que, dans les circonscriptions oil au second tour le candidat est un socialiste, três souvent le no mbre des voix qu'il obtient est assez nette ment inférieur au total des suffrages qui au premier tour s'étaient portés sur les différents candidats de gauche.

1l se mble donc que les électeurs qui, au premier tour, avaient voté pour des candidats républicains de gauche, radicaux et même radicaux-socialistes, aient préféré au second tour, soit s'abstenir, soit reporter leurs suffrages sur les candidats de droite, plutot que de voter pour des candidats qu'ils jugeaient trop avancés. C'est ainsi que Viviani, Alle mane, Ghesquiêre et Zévaês ont été battus au scrutin de ballottage alors qu'ils se mblaient devoir l'e mporter d'aprês les résultats du premier tour.

Le cas de Zévaês, battu par un progressiste dans la 2ême circonscription de Grenoble a cause de la défection des voix radicales-socialistes est un des plus caractéristiques a cet égard :

23 2ème circonscription d'Auxerre (Yonne) : Merlou (radical-socialiste), arrivé en deuxième position derrière le socialiste Camélinat, est élu le 11 mai grâce au désistement d'un progressiste.

ler tour

2e' tour

Votants

23.631

Votants

23.979

Zévaes (P.S.d.3.)

9.808

Pichat

12.894

Pichat (progressiste)

9.015

Zévaes

10.938

Vanier (radical-socialiste)

4.685

 

Mais les socialistes n'ont pas été les seuls victi mes de l'indiscipline de certains électeurs de gauche. On peut en effet citer le cas d'un radical-socialiste et celui d'un radical qui, respective ment dans le Gers et dans le Morbihan, ont été battus par deux nationalistes ayant recueilli une part importante des suffrages qui s'étaient portés au tour précédent sur des républicains de gauche.

On doit cependant bien dire que, si un certain no mbre d'électeurs refusent de voter au second tour pour un candidat plus avancé que celui qu'ils ont choisi au premier tour, d'une manière générale l'électorat de gauche fait preuve d'une assez grande discipline. Et cela permet le succês de quelques candidats, dont la victoire se mblait três problé matique a l'issue du tour précédent : le cas le plus spectaculaire s'est produit a Montauban, oil un radical, distancé de plus de 5.000 voix au premier tour par un conservateur, est parvenu, grace a la rigoureuse discipline des électeurs de gauche, a l'e mporter d'une voix au second tour.

A droite les électeurs se sont montré générale ment disciplinés. L'attitude la plus intéressante a observer est, ici, celle des électeurs qui ont au premier tour voté pour un candidat progressiste distancé par un nationaliste ou un conservateur. On re marque alors que la plupart d'entre eux ont agi au second tour conformé ment a l'intérêt de l'opposition et qu'en tout cas les quelques défections qui se sont produites dans leur rangs, n'ont fait perdre aucun siege a la droite. La droite se mble pourtant avoir perdu quelques sieges (a Toul, Chatillon-sur-Seine et Tarbes) a cause de l'indiscipline de certains de ses électeurs, mais il est impossible de déterminer les causes de celle-ci.

Par contre, on constate que l'appel, lancé par différents journaux et personnalités de droite, aux abstentionnistes du premier tour n'est pas resté partout sans réponse.

En effet, dans certaines circonscriptions oil le candidat de droite se mblait avoir encore une chance de l'e mporter, de nouveaux électeurs se sont manifestés en sa faveur. Bien sar, des candidats de gauche ont parfois aussi repu les voix d'abstentionnistes du premier tour, mais cela s'est produit a la fois plus rare ment et d'une fagon moins évidente. Dans certains cas les nouveaux électeurs ont permis au candidat de droite de l'e mporter2+; en d'autres occasions, ils lui ont permis de terminer très près de son concurrent de gauche.

Il apparait donc finale ment que la plupart des candidats et des électeurs ont été conscients de l'i mportance de l'enjeu de la bataille électorale, et qu'en conséquence ils ont su faire preuve de discipline.

*****

Le succès de la gauche n'est contesté par personne a l'issue du second tour de scrutin. Mais des divergences se font jour lorsqu'il s'agit d'évaluer l'i mportance de ce succès. Selon certains la majorité de la gauche n'est que d'une cinquantaine de sièges ; pour d'autres, elle est voisine de 180 sièges. Les évaluations concernant l'effectif des principaux groupes sont tout aussi fluctuantes.

La plupart des historiens25 acceptent co mme étant la plus proche de la réalité l'esti mation suivante :

Total gauche

366

Total droite

220

D'autres26 fournissent des estimations légère ment différentes.

24 Par exemple Marchand (nationaliste) à Jonzac en Charente-Inférieure.

25 Charles SEIGNOBOS, Georges BOURGIN, François GOGUEL, René REMOND.

26 Par exemple Jacques CHASTENET.

Les difficultés que l'on éprouve a classer dans une catégorie politique précise de três no mbreux députés tiennent essentielle ment au fait qu'ils jouissent dans leur majorité d'une indépendance presque totale.

A quelques exceptions prês, les partis et mouve ments politiques ont une structure três lâche, si bien que leurs me mbres possêdent une liberté d'action a peu prês entiêre. D'ailleurs beaucoup d'ho mmes politiques ne sont me mbres d'aucune organisation. 1l existe bien des groupes parle mentaires, mais, sauf les deux groupes socialistes, ils ne sont pas fermés : il n'est donc pas rare de voir des députés inscrits a deux et parfois même / trois groupes différents.

Voulant tenter d'établir une classification des députés aussi exacte que possible, je me suis servi de certains journaux (principale ment Le Temps), de L'année politique 1902, et de L'annuaire du Parlement25, mais je me suis surtout fié, d'une part aux professions de foi des candidats élus recueillies dans le Barodet , d'autre part aux votes é mis par les députés lors des principaux scrutins politiques28 des septiê me et huitiê me législatures (1898-1906).

Les résultats suivants ont été obtenus :

27 Années 1903, 1904 et 1905.

28 Scrutin du 14 juin 1898 (confiance à Méline et majorité exclusivement républicaine) ;

Scrutin du 25 mars 1901 sur la proposition de disjonction de l'article 14 de la loi sur les associations ; Scrutin du 29 juin 1901 sur l'ensemble de la loi sur les associations ;

Scrutin du 14 février 1902 sur l'abrogation de la loi Falloux ;

Scrutin du 10 juin 1902 sur la confiance à Combes ;

Scrutin du 4 juillet 1902 sur l'approbation de la politique de Combes relativement à l'application de la loi sur les associations ;

Scrutin du 18 mars 1903 sur les demandes d'autorisation des congrégations masculines ;

Scrutin du 3 juillet 1905 sur la séparation des Eglises et de l'Etat ;

Total gauche

340

Total droite

250

 

Métrop ole

Outre-mer

Socialistes (nuance P.S.d.3.)

12

-

Socialistes29(nuance P.S.3.)

36

1

Radicaux-socialistes

84

2

Radicaux

113

3

Républicains de gauche

81

8

TOTAL GAUCHE

326

14

Républicains progressistes

113

1

Conservateurs

78

-

Nationalistes

58

-

TOTAL DROITE

249

1

Il est bien entendu souvent malaisé de différencier un radical-socialiste d'un radical ou un conservateur d'un nationaliste mais cela ne revêt qu'une importance secondaire. 1l est beaucoup plus important de pouvoir distinguer un républicain de gauche d'un républicain progressiste, car il est nécessaire de connaitre, a quelques unités prês, l'effectif de la majorité et celui de la minorité. Or il existe quelques républicains modérés (par exe mple Jonnart) dont la profession de foi et l'attitude au Parle ment ont un caractère pour le moins ambigu. Heureuse ment ces députés sont três peu no mbreux : ils sont classés co mme républicains progressistes dans le tableau précédent.

Les élections de mai 1898 avaient donné les résultats suivants :

29 Il ne s'agit pas seulement des socialistes membres du P.S.F., mais de tous les députés qui ont adhéré au groupe des socialistes parlementaires.

30 Le groupe des conservateurs comprend une majorité de ralliés (environ une soixantaine) et une minorité de royalistes et bonapartistes (à peine une vingtaine).

 

Métropole

Outre-mer

Socialistes

45

1

Radicaux-socialistes

76

1

Radicaux

112

3

Républicains anti-mélinistes31

20

-

Républicains mélinistes

204

7

Ralliés

43

-

Conservateurs

49

-

Nationalistes

16

4

TOTAL GENERAL

565

16

En ne tenant co mpte que des résultats métropolitains on peut faire plusieurs constatations.

Les socialistes ont gagné trois sieges par rapport a 1898. 1l y avait en avril 1902 treize sortants de la nuance P.S.d.F. et trente et un de la nuance P.S.F. : les « révolutionnaires » ont donc perdu un siege, alors que les « parle mentaires » en ont gagné cinq.

Les radicaux-socialistes ont gagné huit sieges par rapport a 1898 et les radicaux un siege. Mais le gain réel des radicaux et radicaux-socialistes se situe aux environs d'une vingtaine de sieges, car une dizaine de députés élus sous l'étiquette radicale ou radicalesocialiste en 1898 ont rapide ment évolué vers le nationalis me.

Par rapport a 1898, les nationalistes ont réalisé un très fort gain de quarante-deux sieges. En fait leur gain réel se situe autour d'une quinzaine de sieges. En effet, outre la dizaine de radicaux précéde mment cités, une quinzaine de conservateurs et quelques progressistes sont devenus nationalistes au cours de la législature antérieure. Cela permet par ailleurs d'affirmer que les conservateurs ont maintenu leurs positions de 1898, alors que les chiffres font état pour eux d'une perte de quatorze sieges.

31 Classification établie essentiellement à l'aide du Temps et de L'année politique 1898. La répartition entre « anti-mélinistes » et « mélinistes » est effectuée d'après le vote du 14 juin 1898 sur la confiance au cabinet Méline.

Les modérés sont les grands perdants des élections : ils ont trente sieges de moins qu'en 1898. les républicains de gauche n'ont subi que de très légères pertes (facile ment co mpensées par des gains outre- mer) ; ce sont les républicains progressistes qui ont subi les plus lourdes pertes : environ vingt sieges.

Le Bloc des gauches sort vainqueur des élections. 1l dispose a la Chambre d'une majorité accrue : quatre-vingt-dix sieges contre un peu moins de soixante-dix auparavant. Les radicaux apparaissent co mme les grands gagnants a l'issue de la consultation électorale ; ils sont prêts a re mplacer les anciens progressistes dissidents a la tête du gouverne ment. Mais, mê me unis aux socialistes, ils ne disposent pas de la majorité a la nouvelle Chambre ; le concours des républicains de gauche leur est encore absolument nécessaire.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille