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L'expression de la Liberté dans "sous le jasmin la nuit " de Maà¯ssa Bey

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par Abdelkader Belkhiter
Université de Saida Algérie - Magister 2009
  

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Conclusion

Il est intéressant de remarquer ici que «l'urgence de dire» une réalité trop terrible pour pouvoir être exprimée par le langage, semble remplacer, chez un nombre d'auteurs de la génération des années 90, les questionnements identitaires des auteurs bilingues de la première génération qui sont le résultat du conflit de l'univers symbolique de la langue maternelle et de la langue française qu'ils utilisent comme langue d'écriture.

L'urgence qu'il y a à restaurer la parole perdue individuelle et collective des femmes algériennes, constitue l'autre versant de la poétique de Maïssa Bey qui, fille d'un instituteur qu'elle a perdue très jeune pendant la guerre d'Algérie, a fait l'expérience de tous les dangers auxquels la femme algérienne est exposée dans la société arabo-musulmane lorsqu'elle s'associe au pouvoir de l'écriture, de la lecture et du savoir. Elle explique: « Et puis, il a fallu qu'un jour, je ressente l'urgence de dire, de porter la parole, comme on pourrait porter un flambeau ».27(*) Elle ne nie pas le caractère sociologique de ces textes que de nombreux critiques soulignent, mais elle précise:

Et plus la pression de la société est forte, plus l'oppression des personnages par cette société est grande, plus elle envahit l'oeuvre, au risque même de paraitre délibérée. C'est cela la réalité algérienne aujourd'hui.28(*)

L'altérité

Il est évident que le regard qu'on porte sur «l'autre», et vice versa, mène à des carrefours problématiques. En regardant « l'autre», en parlant de « l'autre« et en écrivant sur « l'autre», une image est véhiculée qui renseigne sur le « je » qui regarde ou qui écrit. Cette image qu'on se fait de l'autre peut être en fait, d'une part, une négation de « l'autre» et d'autre part, un prolongement du «je » et de son espace référentiel :

« Tiens, chez nous on dit : être frappé par le vent. C'est pas mal comme expression non? [...] je ne suis pas d'ici. Enfin, je ne suis pas née ici. .. J'espère que cela n'aura aucune incidence sur la suite des événements [...] Je ne suis pas née de ce côté de la Méditerranée. Et ma mère non plus. Pas plus que mon père » P.49

La narratrice expose le désir de s'intégrer, de ne faire qu'un avec «l'autre» et la nécessité de tenir à ses racines. Elle veut, aussi démontrer qu'on a tous un point commun, une histoire commune pour ainsi dire nous ne sommes pas différents de « l'autre» :

« Parce que tout le monde me le dit, vraiment, on ne dirait pas une arabe...ton teint, tes cheveux [...] Le hasard des combinaisons génétiques, sous savez bien ... les mélanges... Berbères, Vandales, Phéniciens, Arabes, Turcs, Espagnols, Français, ... pour s'y retrouver dans cette généalogie, ces métissages...je pourrai passer pour une méditerranéenne et puis je parle français sans accent » P.49

Le drame de l'identité est présent dans cette nouvelle « Improvisation » qui est un monologue. Aussi, des traits de caractères, des tranches de vie sont révélés dans ce discours. La jeune dame « Leila » monte sur le théâtre, sans aucune préparation, avec l'espoir d'être acceptée et engagée comme comédienne suite à une annonce publiée par la direction du théâtre. Sur scène, elle interpelle le jury : « Qu'est-ce que je suis venue faire ici ? En France ?... Postuler pour le rôle bien sûr, tenter ma chance ! » P.50

Elle quitte son pays pour se libérer de l'autorité patriarcale. Elle essaye de démontrer à son public comment les choses peuvent évoluer de manière insatisfaisante et désagréable, comment la femme sur l'autre rive de la Méditerranée, souffre et assume l'autorité de l'époux en silence : «Et c'est ma mère qui essuyait tout en silence. Les tempêtes, les bourrasques, entre de trop rares accalmies. Vous comprenez maintenant pourquoi je suis partie, pourquoi j'ai largué les amarres... j'ai quitté mon pays, j'ai quitté mon soleil» P.55

Et pour déjouer cette autorité, elle use de son génie et du mensonge : « J'ai toujours joué de la comédie. Sans arrêt, comme toutes les femmes. Depuis toute petite.... bien obligée.» P.50

L'écrivaine évoque aussi un autre sujet: la fragilité, la soumission, la faiblesse de la femme qui a connu une vie difficile, sa souffrance d'enfance, d'adolescence et d'adulte était en grande partie causée par le fait qu'elle donne inconsciemment aux autres le pouvoir de lui enlever la liberté d'être elle-même et aussi l'acte de faire un choix «signe de liberté ».

Sommes-nous libres de faire nos propres choix ? Choisir notre sexe ? L'écrivaine dénonce une idée tant marquée cette société : celle d'avoir beaucoup d'enfants et des mâles d'abord. Un autre aspect de la liberté est abordé ici: celui de la possibilité d'agir, de penser et de s'exprimer selon ses propres choix. Tel est le cas de cette comédienne qui eut une certaine hésitation pour le choix du rôle qu'elle va jouer; un choix entre Phèdre ou Antigone29(*): « J'ai tellement hésité entre Phèdre et Antigone....des méditerranéennes elles aussi... »P.51.

Ce choix fait par Maïssa bey n'est pas fortuit, elle veut montrer qu'à travers toute l'histoire, les femmes ont souffert et ont subi l'injustice de l'autorité masculine

L'écriture de Maïssa Bey retrace l'évolution de la voix féminine à partir de la constatation d'un silence, silence de la femme dans la société patriarcale. Une société qui veut le silence. Un thème déjà évoqué par une autre romancière algérienne Assia Djebar en disait en 1987 :

« Une femme algérienne qui se met à écrire risque d'abord l'expulsion de sa société (...) Aujourd'hui, on peut dire qu'il y a une dizaine d'Algériennes qui écrivent. Par la langue française, elles se libèrent, libèrent leur corps, se dévoilent, essaient de se maintenir en tant que femmes travailleuses et, quand elles veulent s'exprimer par l'écriture, c'est comme si elles expérimentaient ce risque d'expulsion. En fait la société veut le silence. A un moment donné toute écriture devient provocation. Tant qu'il y avait la justification de la guerre d'Algérie, on pouvait écrire. » (Le Monde, 29 mai 1987) 30(*)

Par son écriture, l'écrivaine crée un lieu d'expression à la parole féminine et dans cet espace, sa propre voix peut s'exprimer de manière individuelle, tout en s'inscrivant dans une polyphonie féminine.

* 27 - Dans la rubrique L'auteur répond aux questions d'Algérie Littérature / Action, Nov. 1996, Paris: Editions Marsa, p.75

* 28 - Idem, p.77.

* 29- Dans la mythologie grecque, Phèdre est la fille de Minos, roi de Crète, et de Pasiphaé. C'est aussi la soeur d'Ariane qui aide Thésée à sortir du labyrinthe. Elle épouse Thésée, roi d' Athènes. Tombée amoureuse de son beau-fils, Hippolyte (que Thésée a eu avec Antiope, la reine des Amazones), elle est repoussée par celui-ci. Par vengeance, elle accuse le jeune homme d'avoir cherché à la violenter. Furieux, Thésée implore aussitôt sur son fils la malédiction de Poséidon, qui lui doit trois voeux. Poséidon emballe les chevaux du jeune homme qui périt écrasé par son char. Accablée de remords, Phèdre se suicide et Thésée apprend trop tard la vérité

Quant à « Antigone », elle est la soeur de Polynice qui est venu avec les armées d' Argos pour reprendre le trône de Thèbes à son frère Étéocle. Les deux hommes s'entretuent lors d'un combat singulier. Le nouveau roi, leur oncle Créon déclare Polynice « traître à la patrie » et interdit toute sépulture sous peine de mort, condamnant ainsi son âme à l'errance. Mais Antigone s'oppose, seule, à cette décision. Elle s'en va jeter quelques poignées de terre sur le corps de Polynice. Prise en flagrant délit, elle affronte Créon qui lui dénie, en tant que femme, le droit de faire la loi et fait appliquer la sentence de mort. Il la fait emmurer dans une grotte.

* 30 - Assia Djebar cité par

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus