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L'expression de la Liberté dans "sous le jasmin la nuit " de Maà¯ssa Bey

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par Abdelkader Belkhiter
Université de Saida Algérie - Magister 2009
  

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2. La résistance des individus face à la violence

Nous avons vu dans les parties précédentes comment la violence physique, morale ou psychique traverse profondément tous les récits. L'écrivaine ne s'arrête pas uniquement à la description de sociétés perdues et déchirées par la violence, mais convoque  également les familles et tout être pour faire face à cette violence, malgré les difficultés quotidiennes et la conjoncture extérieure terriblement pessimiste.

L'élément spatio-temporel et le contexte socio-historique prennent une autre direction. Ce qui permet de mettre en jeu une sorte de métamorphose thématique et esthétique. La famille et la société gardent leurs repères et ses espaces conventionnels. Nous sommes en présence d'un discours présentant une tranche de la société qui résiste face à la violence, avec ses moyens physiques et spirituels, à son ébranlement et à sa désagrégation.

Cette femme a une voix douce, très douce elle m'a parlé. Elle disait la même chose que les autres : « Tu es là, avec nous. Tu n'as rien à avoir peur. C'est fini. Tu peux ouvrir les yeux, personne ne te fera plus mal ».[...] Au bout d'un moment, elle s'est levée et m'a dit encore : « N'aie pas peur. Je ne veux pas te faire du mal. Je reviendrais te voir ». P.104

Dans ce récit « Nuit et silence », l'auteure, qui ne peut rester sourd aux appels de son pays, décrit l'horreur et l'inqualifiable violence qui a frappé l'Algérie. Elle use souvent d'un ton réaliste comme si la langue ne pouvait se jouer de l'horreur en parlant de manière opaque, contrairement aux autres récits. A travers les signes explicites et implicites de cette écriture qui se revendique transparente, l'auteure n'hésite pas à se dévoiler et à s'impliquer fortement dans ce récit. Chaque fois que la patrie est menacée, Maïssa Bey intervient en faisant acte de témoin et d'écrivaine qui n'hésite pas à se dévoiler et à produire un récit transparent.

Tous les romanciers algériens qui ont abordé ce thème ont mis en exergue cette violence marquée par une opposition de deux camps et de deux champs lexcico-sémantiques. Il y a une sorte d'incommunicabilité. Les auteurs s'impliquent dans le récit et usent d'un style de facture réaliste. Assia Djebar, Rachid Boudjedra, Rachid Mimouni, Malika Mokkedem, Yasmina Khadra, Dib refusent de prendre une distance avec les antagonistes de ce pays et usent d'une langue simple, souvent dépouillée d'images complexes et difficiles pour peindre la société terrorisée par les attentats et les génocides collectifs.

Dans « Nuit et silence », Maïssa Bey décrit une jeune fille, bien que vivant dans une société terrorisée, a pu résister. Elle peint l'image de la femme courageuse pareille à celles qui ont vécu la guerre de libération.

L'espace est circonscrit par la description des événements dans le récit « Sur une virgule ». Le lecteur découvre aisément le lieu dont il est question. Le « je » de la première personne est le lieu de la subjectivité du narrateur et l'espace de divulgation de la parole et de la position de l'écrivaine. Espace et événements sont intimement liés. C'est l'événement qui détermine l'espace.

Nous pouvons remarquer aussi qu'aucun détail sur la vie privée du couple cité dans « Sous le jasmin la nuit » n'est avancé, et très peu d'informations sont données sur les deux aspects physique et moral. L'auteure ne donne que des informations au compte-gouttes sur ses personnages appelés à devenir les lieux privilégiés d'un élargissement du discours romanesque. C'est l'événement lui-même qui prend de l'importance aux dépens des personnages se retrouvant comme des illustrateurs attitrés du discours littéraire. Les jeux de l'énonciation révèlent le fonctionnement de la diégèse et inscrivent le discours dans des conditions historiques et sociologiques précises. Le lieu et les conditions d'énonciation précisés engendrent une manière de raconter et délimitent également le protocole de lecture.

Le choix, sans doute volontaire, de l'auteure de clarifier certains lieux dans les différents récits permet de mettre en exergue un effet voulu, celui de la solidité de la femme algérienne que les événements n'ont pas réussi à affecter. Effectivement, la femme et épouse recèle toujours en elle cet amour et cette affection qui lui sont propres, et que l'atrocité de la vie n'a pas pu atteindre ni éteindre. Il s'agit d'un événement qu'un lecteur non attentif ou absorbé par l'intrigue principale de l'action pourra négliger, alors qu'il est d'une importance majeure.

Le narrateur retrace le destin d'une famille, vivant en cohésion et entretenant d'excellents rapports avec son entourage. La petite communauté dans laquelle elle vivait était paisible, calme. Toutefois ce calme est perturbé lors de l'arrestation du père par l'armée française. La narratrice évoque quelques détails qui permettent de distinguer sa petite famille par rapport à la grande famille, ses moeurs et ses traditions :

« Les robes longues, amples et unies des ses tantes. Sur leur tête, des foulards de soie bariolée. Les signes mystérieux tatoués sur leur visage, sur le dos de leurs mains. Le burnous blanc et la barbe de son grand père » P.136

«  Chez elle, on parle aussi en français. Souvent. Sa mère qui s'appelle Fleur, Zahra, n'est pas tout à fait comme ses tantes. Elle porte des robes courtes et fleuries, serrées à la taille qu'elle a si fine. Elle ne se couvre pas la tête et n'a pas de tatouages sur le visage... » P.137

La famille reste unie jusqu'à ce que le père choisisse d'affronter le destin. C'est ainsi que l'auteure en pleines violences tumultueuses et conflits accentue la charge émotionnelle du lecteur et développe d'autres modes de violences. Les individus tentent d'échapper à la violence, mais elle les poursuit pour dominer le monde dans un combat éternel : « ... parce que nous sommes arabes » P.143

L'auteur qui épargne au lecteur des émotions fortes et violentes préfère rompre ce fil en utilisant différents procédés : les contrastes entre deux aspects d'une condition ; les espaces oppositionnels et oxymoriques. C'est le cas des deux récits « En tout bien tout honneur » et « Nuit et silence », que nous venons d'évoquer mettant en oeuvre un procédé qui sert à amortir le choc : en plein milieu de la violence humaine et de l'horreur, existe toujours un peu d'humanité et de sensibilité : « Cette femme a une voix douce, très douce. Elle m'a parlé. Elle disait la même chose que les autres : « tu es là, avec nous. Tu n'as pas à avoir peur. C'est fini. Tu peux ouvrir tes yeux, personne ne te fera plus mal » P.104

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