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Les mots du sida à  Libreville: métaphores postcoloniales et hétérotopies

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par Yannick ALEKA ILOUGOU
Université Omar Bongo - Master 2012
  

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2) Le Sida maladie du sang

Lorsque Hilarion NGUEMA dit dans sa chanson que le Docteur lui a dit que le Sida est une maladie du sexe, du siècle et du sang, il met à jour la pensée biomédicale qui est en lutte pour démystifier les rumeurs sur les modes de contamination. Cette chanson dévoile les intentions avérées des ONG pour lutter contre les représentations sociales du Sida. Cette chanson met à jour tous les préjugés qui gravitent autour de la maladie du Sida. C'est donc, la lutte contre le discours trivial populaire à laquelle cette chanson s'attaque. Car, en effet, le Sida est ici dans un dédoublement. Il y a exactement deux Sida maladie du sang. Il y a le Sida biomédical qui présente l'idée que le Sida est un virus qui s'attaque aux défenses immunitaires du corps humain par le moyen du sang, puis il y a le Sida populaire qui est aussi un Sida du sang. Mais ce Sida populaire est un Sida qui utilise le sang de façon mystique. Il y a prélèvement mystique du sang d'une personne affectée par le Sida pour l'inoculer à un autre individu dans l'objectif de nuire. Le virus dans cette conception symbolique est introduite par la morsure et le venin du vampire qui, au préalable, comme un moustique, à ingéré le sang d'un sidéen pour ensuite l'insérer dans le corps de sa proie.

C'est un dédoublement du Sida. Il y a un Sida qui est un virus du sang biomédical et il y a un Sida qui est une morsure mystique du vampire. C'est donc une opposition ouverte dans la chanson de Hilarion NGUEMA entre la biomédecine et le milieu populaire. Une lutte idéologique de la revendication d'une maladie qui est, malheureusement une maladie biomédicale et rien d'autre. Le Sida est une maladie du sang parce que c'est un virus qui détruit les défenses immunitaire du corps de l'homme. Ce n'est pas une maladie du sorcier, du « vampireux », qui vient sucer ou inoculer du sang à une tierce personne. Cette chanson est une représentation de la santé biomédicalement parlant. C'est une représentation sociale et biomédicale du Sida qui, entre autre, exclu les ombres de la nuit et la puissance des « vampires ». Tout se passe comme si à travers les chansons nous inaugurons symboliquement une « guerre froide » des mots du Sida. La chanson devient le lieu de conscientisation, de prévention, de lutte contre les apories et préjugés populaires qui affectent le Sida. La scène du spectacle musicale du Sida est un lieu d'éducation, mais aussi un lieu de lutte contre les non-sens et l'irréel. Pour corroborer ce propos nous allons transcrire quelques phrases que nous a proposées Franck BAPOUNGA237 au sujet de la chanson du Sida.

Énoncé n°16 :

« La scène est un lieu d'éducation. Bon d'accord dans certains de nos textes c'est foutre (mettre) l'ambiance qui compte. Mais quand il s'agit de sujet sérieux, comme le Sida, le rappeur doit montrer l'exemple. Il doit être conscient car il doit faire passer un message sérieux et toute sa technique à faire passer ce message fera de lui un rappeur respecté. Le ring et la scène c'est la même chose quand on monte on doit être sérieux. Alors quand le sujet est sérieux, le message doit être sérieux. Le Sida il faut le faire connaître dans sa réalité aux petits frères. Et c'est ce que j'ai fait quand j'ai écrit « ne me dit pas ça ! » J'éduque du mieux que je peux.»

237 Franck BAPOUNGA, masculin, niveau d'étude secondaire, catholique , Massango

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Ce propos présente que dans le cadre de la prévention les rappeurs ou musiciens deviennent des éducateurs et se doivent de faire passer un message authentique et le plus proche de la réalité possible. La réalité c'est la vérité biomédicale de la maladie du Sida. C'est les mots de prévention, les mots scientifiques que les populations on travestit. C'est redire dans un rythme populaire ce qui à été dit dans les émissions de télévision ou de radio. L'objectif est d'intégrer et infiltrer la conscience populaire afin de la démystifier, la sortir du spectacle des ombres de l'imaginaires qui réifient la chose en objet spectrale. C'est encore intégrer les espaces hétérotopiques qui sont, dans les sociétés postcoloniales, envoûter et sous l'emprise de la puissance de la grande nuit, la violence de l'imaginaire.

Dans la grande nuit idéologique dans laquelle la société postcoloniale gabonaise se meut, le sexe et le sang sont des objets de puissance, de pouvoir. C'est toujours des « affaires du corps », les « choses du corps ». C'est toujours celui qui a « le bon sang » qui réussit ; réussir ici, c'est occuper un poste ministériel, réussir dans le sport, à l'école, dans le milieu professionnel etc. Du coup avoir le Sida ce n'est plus seulement avoir la maladie du sang, c'est-à-dire un virus, c'est avoir le sang souillé, avoir un « mauvais sang », avoir la malchance. Alors quand on entend maladie du sang dans la nuit noire de la postcolonie, c'est avoir la malchance, la poisse, le « Nzobu 238 ». La population a fait de cette expression de maladie du sang une expression pour décrire un évènement des plus dramatiques de la société. La maladie du sang équivaut à avoir un mauvais sang aussi biomédicalement que mystiquement.

238 Expression Ipounou qui est le nom de l'animal appelé la civette qui a la caractéristique d'être une bête portant malheur à cause de ses excréments dont l'odeur est violement putride et insupportable.

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