SOMMAIRE
DEDICACE ii
REMERCIEMENTS iii
AVANT PROPOS iv
INTRODUCTION 1
PREMIERE PARTIE Le concept de blanchiment de capitaux
4
Chapitre 1 : Définition et origine du concept de
blanchiment de capitaux 5
I-1 : Approche notionnelle 5
I-2 : Origine du concept 7
Chapitre 2 : Les principales techniques de blanchiment d'argent
8
II-1 : Les trois phases classiques de blanchiment de capitaux
8
II-2 : Les principales méthodes de blanchiment d'argent :
cas du secteur bancaire 9
DEUXIEME PARTIE Les enjeux economiques du blanchiment des
capitaux 13
Chapitre 3 : L'impact économique et financier du
blanchiment d'argent 14
III-1 : L'importance des flux générés par
l'argent blanchi 14
III-2 : Les effets de distorsion et l'instabilité
économique 15
III-3 : L'augmentation des dépenses publiques et l'effet "
corrosif" sur la société 16
Chapitre 4 : La lutte contre le blanchiment de capitaux : un
enjeu mondial 17
IV-1 : Le Groupe d'Action Financière contre le blanchiment
d'argent (GAFI) 17
IV-2 : Le rôle du FMI dans la lutte contre le blanchiment
de capitaux 18
IV-3 : Le Comité de Bale : les nouvelles
réglementations relatives aux établissements financiers 20
TROISIEME PARTIE La lutte contre le blanchiment des
capitaux en Afrique 22
Chapitre 5 : Les stratégies de lutte contre le blanchiment
d'argent en Afrique 23
V-1 : La nécessité de la lutte en Afrique 23
V-2 : Les structures et dispositifs mis en place 26
V-3 : L'état d'avancée de la lutte en Côte
d'Ivoire : cas illustratif des procédures anti-blanchiment d'argent
mises en place a la KJ BANK 28
Chapitre 6 : Evaluation et proposition d'un plan d'actions pour
l'amélioration des
procédures de lutte contre le blanchiment d'argent en
Afrique 33
VI-1 : Analyse critique de la politique africaine de lutte
contre le blanchiment
de capitaux par rapport au niveau mondial du fléau 33
VI-2 : Cas pratique de l'évaluation des procédures
de lutte contre le blanchiment d'argent dans un établissement financier
: la KJ BANK 38
VI-3 : Proposition de solutions pour l'amélioration du
dispositif de lutte contre le blanchiment d'argent en Afrique 41
CONCLUSION GENERALE 46
BIBLIOGRAPHIE 48
LEXIQUE 49
TABLE DES ANNEXES 50
DEDICACE
A mon père et a ma mère,
C'est parce que vous m'avez toujours indiqué la bonne
voie a suivre en me rappelant que la volonté fait toujours les grands
hommes que j'ai pu atteindre, avec patience, les objectifs que je me suis
fixés jusqu'ici...
REMERCIEMENTS
A la direction et au personnel du cabinet MAZARS
Côte d'Ivoire pour l'accueil exemplaire qu'ils nous ont
réservé, facilitant ainsi en grande partie cette première
expérience professionnelle et tout particulièrement a
l'Associé Mr Armand FANDOHAN pour avoir mis en oeuvre
toutes les diligences nécessaires pour la réalisation de ce stage
. A ce propos, nous tenons également a faire une mention spéciale
a l'endroit de Messieurs Elvis D'OLIVERA, Directeur de
Mission au département Audit et Conseil, et Othniel BOSSON,
Responsable de Mission Senior du secteur Banques >>,
nos encadreurs professionnels, pour la sollicitude et les critiques pertinentes
apportées a nos travaux ;
A l'ensemble du corps professoral de l'INP-HB en
particulier celui de l'ESCAE pour la formation prodiguée durant
ces cinq (5) années académiques;
A Madame GUEYES Désirée, notre
professeur encadreur de l'INP-HB pour son suivi méthodologique et
surtout sa disponibilité durant toute la période de
rédaction du présent mémoire;
A la promotion 2003-2005 des classes
préparatoires commerciales de l'INP-HB de Yamoussoukro de
même qu'aux étudiants de la 17ème promotion des
Etudes Comptables Supérieures (ECS) pour toutes ces belles années
passées ensemble;
Enfin, nous achèverons notre série de
remerciements par tous ceux et toutes celles qui n'ont malheureusement pas pu
être nommés dans ce document et qui ont de près ou de loin
contribué a la réalisation de ce mémoire.
AVANT PROPOS
Il est nécessaire d'avoir reçu une formation
académique et théorique des plus pointues pour pouvoir
rédiger et présenter un mémoire de fin de cycle a l'issue
d'une année de stage professionnel dans l'un des meilleurs cabinets
d'audit au monde.
Dans cet avant-propos, nous avons donc choisi de nous
intéresser d'une part a l'école qui nous a formés et
d'autre part au cabinet d'audit au sein duquel nous avons réalisé
notre année de stage1.
Présentation des Etudes Comptables
Supérieures (ECS)
L'Institut National Polytechnique Félix Houphouet Boigny
de Yamoussoukro, créé par le décret n° 96-678 du 04
septembre 1996, résulte de la fusion de quatre (4) écoles:
o l'Institut National Supérieur de l'Enseignement
Technique (I.N.S.E.T.) ; o l'Ecole Nationale Supérieure des Travaux
Publics (E.N.S.T.P.) ;
o l'Institut Agricole de Bouaké (I.A.B.) ;
o l'Ecole Nationale Supérieure d'Agronomie (E.N.S.A.).
Etablissement d'enseignement supérieur et de recherche,
l'INP-HB comprend a ce jour six (6) grandes écoles a savoir:
o l'Ecole Supérieure de Mines et Géologie
(E.S.M.G.) ;
o l'Ecole Supérieure d'Agronomie (E.S.A.) ;
o l'Ecole Supérieure des Travaux Publics (E.S.T.P.) ;
o l'Ecole Supérieure d'Industrie (E.S.I.) ;
o l'Ecole de Formation Continue et de Perfectionnement des Cadres
(E.F.C.P.C.) ;
o l'Ecole Supérieure de Commerce et d'Administration des
Entreprises (E.S.C.A.E.) ;
Cette dernière école dont nous sommes issus, est
chargée de la formation des techniciens supérieurs, des
ingénieurs des techniques et des ingénieurs de conception du
secteur du commerce et de l'administration des entreprises. Elle renferme par
ailleurs différentes filières dont celle des Etudes Comptables
Supérieures (E.C.S.).
1 Notre stage chez MAZARS Côte d'Ivoire a
duré six (6) mois renouvelés une fois (de Septembre 2007 a
Septembre 2008) soit au total un (1) an.
Instaurées en 1984, les Etudes Comptables
Supérieures assurent la formation de cadres a fort potentiel, maItrisant
les techniques de la gestion comptable et financière.
La formation en ECS dure trois (3) ans après deux (2)
années de classes préparatoires commerciales et un concours
très sélectif. Elle se déroule en deux phases
principales:
v' 1ère phase: deux (2) ans d'enseignement
théorique général en finance, comptabilité, droit
et audit;
v' 2ème phase: une troisième
année pratique consacrée au stage professionnel d'au moins 6 mois
;
Le diplOme des Etudes Comptables Supérieures est par
ailleurs reconnu par l'Etat français, par l'Institut National des
Techniques Economiques et Comptables (INTEC) et donne également droit
par équivalence a une dispense de douze (12) des seize (16)
unités de valeur du diplOme français d'expertise
comptable.2
L'obtention du diplOme du second cycle des ECS
nécessite la soutenance d'un mémoire de fin de cycle sur un
thème issu d'un stage professionnel en entreprise d'une durée
minimum de 6 mois.
C'est donc dans cette optique que nous avons été
reçu depuis le mois de Septembre 2007 pour un stage d'une durée
de six (6) mois renouvelés une fois par la suite soit jusqu'en Septembre
2008 au sein du département audit et conseil du cabinet MAZARS COte
d'Ivoire situé au Plateau, au 9ème étage de
l'immeuble le Longchamp.
Presentation de MAZARS Côte d'Ivoire
MAZARS COte d'Ivoire fait partie du Groupe MAZARS. Nous allons
donc donner un aperçu du Groupe MAZARS dans le monde avant de
présenter le bureau de MAZARS COte d'Ivoire.
o Le Groupe MAZARS dans le monde
Créée en 1940, MAZARS est une entreprise
internationale d'origine française spécialisée dans
l'audit, l'expertise comptable, la fiscalité et les services aux
entreprises.
2 Nous ne disposons pas des implications de
l'avènement du système francais de Licence Master Doctorat (LMD)
sur les équivalences des ECS au moment de la finalisation de nos travaux
(juin 2009). Aussi, les équivalences cidessus mentionnées sont
celles de l'ancien système en vigueur.
Autrefois connu sous le nom de MAZARS & Guérard,
issu de la fusion des cabinets Robert MAZARS et Guérard Viala en 1995,
le cabinet porte depuis 1999 le seul nom de MAZARS. De 33 salariés en
France en 1977, l'effectif global du cabinet est aujourd'hui supérieur a
7 500 professionnels dans le monde. Une particularité saillante de ce
groupe tient, en outre, a son origine francaise dans un marché de
l'audit largement dominé par les cabinets anglo-saxons tels Deloitte,
Ernst & Young, KPMG et PricewaterhouseCoopers. MAZARS occupe d'ailleurs en
Europe la cinquième place derrière ces derniers,
communément appelés les "Big Four".
Le siège social, établi a Paris (1 200
employés), a déménagé début octobre 2006 et
occupe maintenant 12 étages (du 4ème au
15ème) de la Tour Exaltis a la Défense.
Le Conseil de gérance du groupe MAZARS pour le mandat
2006-2009 se compose par ailleurs de la manière suivante:
· Président : Patrick de Cambourg /France (FR) ;
· Membre : Jos van Huut/Pays-Bas (NL) ;
· Membre : Philippe Castagnac /France (FR) ;
· Membre: David Evans /Grande-Bretagne (GB).
o MAZARS en Côte d'Ivoire Présentation et
activité
L'expérience de MAZARS en COte d'Ivoire a
débuté en 1970 et a été confortée par la
création d'une filiale a 100 % a Abidjan en 1976. MAZARS réalise
des missions d'audit, de commissariat aux comptes, de conseil et des
prestations d'expertise comptable et s'appuie sur une filiale, FIDU-CI, pour le
conseil juridique et fiscal. MAZARS COte d'Ivoire est le chef de file du
réseau francophone de l'Afrique subsaharienne qui intègre les
pays suivants: Bénin, Burkina Faso, Gabon, Mali, Niger, Togo. MAZARS est
par conséquent présent en COte d'Ivoire depuis de nombreuses
années et a fait de cette activité le pivot de son
développement en Afrique de l'Ouest et du Centre.
Equipe et moyens
Avec une vingtaine de professionnels, techniciens et
gestionnaires, MAZARS COte d'Ivoire est l'un des tout premiers cabinets
d'audit et d'expertise comptable de la COte d'Ivoire et de la
sous-région Ouest Africaine. Sa taille, son expérience, son
organisation
et ses ressources humaines, aussi bien locales
qu'internationales, lui permettent de mobiliser a tout moment les ressources
nécessaires, pluridisciplinaires et adaptées aux
différentes missions qui lui sont demandées par ses clients.
Le cabinet comprend en outre trois (3) départements
principaux, dont le poids relatif dans le chiffre d'affaires et la composition
se détaillent comme suit:
Métier % du CA
Audit et Commissariat aux comptes 70 %
Expertise comptable 20 %
Conseil 10 %
V' l'audit, le commissariat aux comptes et le conseil
en systèmes d'information qui regroupent une vingtaine de
collaborateurs techniques, dont trois associés, deux directeurs de
mission et un consultant en systèmes d'information.
La structure opérationnelle actuelle de ce
département est la suivante:
Fonction Nombre
Associés ECD ; CA 3
Directeurs de missions CA 2
Responsables de mission 6
Assistants 7
Stagiaires 6
Consultant en Systèmes d'Information 1
ECD = Expert Comptable Diplômé par l'Etat
francais CA = Comptable Agréé
V' l'expertise comptable, dirigée par un
associé expert comptable diplOmé assisté de deux
collaborateurs ;
V' le conseil juridique et fiscal, avec un
effectif de 4 collaborateurs spécialisés dont un directeur de
mission.
Cette structure est complétée par une dizaine de
personnes pour les fonctions d'appui (secrétariat, logistique, etc.).
INTRODUCTION
Le Siège de la Banque Centrale des Etats de l'Afrique
de l'Ouest (BCEAO) a Dakar, en République du Sénégal, a
abrité du vendredi 29 juin au mercredi 04 juillet 2007, la
réunion ordinaire du Conseil des Ministres, organe statutaire de l'Union
Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA).
Le point essentiel de cette rencontre a été le
dispositif de lutte contre le blanchiment des capitaux dans les Etats membres
de l'UEMOA. Au terme des discussions, le Conseil a constaté que le
fonctionnement des Cellules Nationales de Traitement de l'Information
Financière (CENTIF), chargées de superviser et contrOler la lutte
contre le blanchiment des capitaux au sein des Etats, n'est pas totalement
effectif. Les Ministres ont, par conséquent, appelé a un
renforcement de la supervision du secteur financier par ces autorités de
contrOle, au regard du niveau élevé des risques de blanchiment de
capitaux qu'encourent certaines institutions de l'espace économique
ouest africain.
Il appert donc que la lutte contre le blanchiment des capitaux
est un phénomène qui préoccupe au plus haut point l'une
des institutions économique et financière les plus influente
d'Afrique, en l'occurrence l'UEMOA. L'UEMOA n'est pourtant pas la seule
institution africaine que le blanchiment d'argent inquiète. De facon
générale, l'Afrique est concernée par ce
phénomène. Plusieurs instruments et autres dispositifs de lutte
contre le blanchiment de capitaux ont par conséquent été
élaborés, a l'instar de ce qui se fait au niveau international.
Toutefois, le constat est que le fonctionnement des autorités africaines
de contrOle est globalement non satisfaisant.
Au niveau international, cependant, cette lutte semble
très avancée avec notamment la création depuis 1989 et le
fonctionnement effectif du Financial Action Task Force on Money Laundering
(FATF) qui peut être traduit en francais par Groupe d'Action
Financière contre le blanchiment de capitaux (GAFI). En effet, mis en
place par le G-73, le GAFI a édité
pour la première fois en 1990 une série de 40 recommandations
pour la lutte contre le blanchiment d'argent dans les Etats membres de l'Union
Européenne, celles-ci ont d'ailleurs été
révisées en 1996 et 2003.
C'est dire d'une part a quel point ce problème est
d'actualité et préoccupe le monde entier, et, d'autre part,
combien l'Afrique paraIt peu avancée par rapport au reste du monde, en
particulier a l'Europe, pour ce qui est de la lutte contre le blanchiment
d'argent. D'ailleurs, on constate que jusqu'en 2007, le fonctionnement des
cellules de contrOles (CENTIF) n'est globalement pas encore effectif sous nos
cieux.
3 Le G7 désigne le Groupe des 7 pays les plus
industrialisés du monde a savoir la France, l'Angleterre, l'Allemagne,
l'Italie, la Russie, la Chine et les Etats-Unis.
Pour preuve, les organismes internationaux rapportent que,
durant la dernière décennie des années 1990, d'importantes
sommes ont été détournées par des chefs d'Etat
africains. Ces derniers, après avoir subtilisé des fonds publics,
les ont transférés sur plusieurs comptes bancaires situés
a l'étranger, notamment aux Etats Unis, en Grande Bretagne, en France,
au Luxembourg et plus particulièrement en Suisse.4
La facilité avec laquelle on peut dissimuler et
transporter des fonds au sein du système économique et financier
africain le rend particulièrement vulnérable. De plus, la
très forte activité de capitaux de certains établissements
financiers, les expose vraisemblablement a des détournements
illégaux par des criminels. La pratique en la matière
révèle d'ailleurs que les blanchisseurs de capitaux ont tendance
a faire transiter l' << argent sale >> par des circuits
légitimes pour les exploiter et en tirer profit a terme.
Dans le cadre de notre stage qui s'est déroulé
de Septembre 2007 a Septembre 2008, nous avons réalisé, au cours
d'une mission d'audit, une évaluation des procédures internes de
lutte contre le blanchiment d'argent d'un établissement financier
ivoirien que nous allons dénommer pour les besoins de notre
étude: KJ BANK.
Le blanchiment de capitaux est un phénomène
d'actualité. D'ailleurs, la mobilisation contre ce
phénomène se fait mondiale. Cependant, ce phénomène
reste globalement méconnu dans notre continent. De plus, les diligences
mises en oeuvre lors de nos contrOles a la KJ BANK ont corroboré les
menaces évidentes que le blanchiment d'argent fait peser sur les
économies et la stabilité des Etats africains. C`est fort de ce
constat que nous avons jugé intéressant et opportun d'en faire le
sujet de notre mémoire de fin de cycle des ECS.
Ainsi, nous avons choisi de libeller notre thème comme
suit:
La lutte contre le blanchiment d'argent dans le
système économique et financier en Afrique : analyse critique des
procédures existantes et propositions d'axes
d'amélioration.
Tel que libellé, notre thème révèle
par ailleurs les problématiques suivantes: + Qu'entend-t-on par
blanchiment de capitaux?
+ Quels peuvent être les impacts du blanchiment d'argent
sur le système économique et financier?
+ Comment est organisée la lutte mondiale contre ce
fléau et tout particulièrement celle du continent africain?
4 Selon l'Organisation Non Gouvernementale (ONG) francaise
Survie qui a menée une enquête sur les richesses
de certains chefs d'Etats africains. Ces enquêtes ont d'ailleurs conduits
a des plaintes contre ces derniers.
5 On désigne par « argent sale , les sommes d'argent
acquises de facon illicite.
+ Pourquoi doit-on améliorer les procédures de
lutte existantes en Afrique?
Telles sont les questions auxquelles nous tenterons de
répondre tout au long de notre analyse.
Le premier objectif de ce travail consistera par
conséquent a dégager d'une part les approches notionnelles du
concept de blanchiment de capitaux, de même que les différents
moyens de réalisation de l'infraction, tout en présentant d'autre
part les enjeux économiques de la lutte contre le blanchiment
d'argent.
Le second objectif est quant a lui essentiellement
monographique dans la mesure oü nous nous attèlerons a
présenter les principales démarches et implications des travaux
mis en cuvre par les institutions économiques africaines pour lutter
contre le blanchiment d'argent sur le continent, avant de proposer des actions
d'amélioration de la lutte en Afrique au regard des dispositifs mis en
cuvre dans le monde.
LE CONCEPT DE BLANCHIMENT DE CAPITAUX
PREMIÈRE PARTIE:
Chapitre 1 : Definition et origine du concept de
blanchiment de capitaux
Dans ce premier chapitre, nous allons donner une approche
notionnelle et parler des origines du blanchiment de capitaux.
I-I: Approche notionnelle
Le blanchiment de capitaux peut être défini de
plusieurs manières différentes. - Au sens étymologique
Etymologiquement, le blanchiment de capitaux consiste a
dissimuler la source des capitaux d'origine criminelle en les
réinjectant discrètement dans le circuit économique
légal.
- Au sens juridique
D'un point de vue juridique, le blanchiment de capitaux est
défini comme toute tentative visant a participer a une transaction
monétaire qui met en jeu des biens d'origine illicite. Pour obtenir une
condamnation, le ministère public doit donc démontrer que
l'accusé s'est livré a des transactions financières, ou
qu'il a transporté des fonds d'un pays a un autre, en rapport avec
<<une activité illicite précisée>>. La liste
de ces activités est extrêmement longue; elle inclut notamment les
pots-de-vin, la contrefacon de monnaie, le trafic des stupéfiants,
l'espionnage, l'extorsion, la fraude, le meurtre, les rapts, l'escroquerie et
certaines pratiques bancaires.
- Selon la Convention de Vienne
La plupart des pays adhèrent a la définition
adoptée par la Convention des Nations unies contre le trafic illicite de
stupéfiants et substances psychotropes en 1988 a Vienne (ou Convention
de Vienne) qui stipule que le blanchiment d'argent implique :
V' La conversion ou le transfert de biens dont celui qui s'y
livre sait qu'ils proviennent de l'une des infractions [de trafic de
stupéfiants...1 ou d'une participation a sa commission, dans le but de
dissimuler ou de déguiser l'origine illicite desdits biens ou d'aider
toute personne qui est impliquée dans la commission de l'une de ces
infractions a échapper aux conséquences juridiques de ses actes
;
V' La dissimulation ou le déguisement de la nature, de
l'origine, de l'emplacement, de la disposition, du mouvement ou de la
propriété réels de biens ou de droits y relatifs dont
l'auteur sait qu'ils proviennent de l'une des infractions [de trafic de
stupéfiants...1 ou d'une participation a l'une de ces infractions.
La Convention de Vienne ajoute par ailleurs que le blanchiment
de capitaux implique également :
V' L'acquisition, la détention ou l'utilisation de
biens, dont celui qui les acquiert, les détient ou les utilise sait, au
moment oü il les reçoit, qu'ils provenaient de l'une des
infractions ou de la participation à l'une de ces infractions. Selon ses
termes, la Convention de Vienne limite par ailleurs les infractions principales
(autrement dit, l'activité criminelle dont le produit illicite est
blanchi) aux infractions de trafic de stupéfiants.
En conséquence de ce qui précède, les
délits qui ne sont pas liés au trafic de stupéfiants,
comme la fraude fiscale, l'enlèvement et le vol, par exemple, ne sont
pas définis comme des infractions de blanchiment de capitaux selon la
Convention de Vienne.
Néanmoins, les années passant, la
communauté internationale a estimé que les infractions
principales de blanchiment de capitaux devaient être étendues
au-delà de la définition de la Convention de Vienne pour englober
d'autres infractions graves. Par exemple, la Convention des Nations unies
contre la criminalité transnationale organisée en 2000 à
Palerme demande à tous les pays participants de s'efforcer
d'élargir ces infractions de blanchiment d'argent afin de couvrir
<< l'éventail le plus large d'infractions principales >>.
Le Groupe d'action financière sur le blanchiment de
capitaux (GAFI), reconnu comme l'organisme international
d'établissement de normes en matière de lutte contre le
blanchiment de capitaux (LBC), définit quant à
lui assez brièvement le blanchiment de capitaux comme le fait de
<< retraiter ces produits d'origine criminelle pour en masquer
l'origine illégale >> afin de <<
légitimer >> ces gains mal acquis du crime.
Toutefois, dans ses quarante Recommandations sur la lutte contre le blanchiment
de capitaux (les 40 Recommandations), le GAFI intègre
spécifiquement la définition technique et juridique du
blanchiment de capitaux de la Convention de Vienne et recommande
d'étendre l'infraction du blanchiment des capitaux issus du trafic de
stupéfiants au blanchiment de capitaux se rapportant aux infractions
graves.
- Définition de la BCEAO
Plus proche de nous enfin, aux termes des dispositions des
articles 2 et 3 de la Loi uniforme relative à la lutte contre le
blanchiment de capitaux dans les Etats membres de l'UEMOA, le blanchiment de
capitaux est défini comme l'infraction constituée par un ou
plusieurs des agissements ci-après, commis intentionnellement, à
savoir :
V' la conversion, le transfert ou la manipulation de biens,
dont l'auteur sait qu'ils proviennent d'un crime ou d'un délit ou d'une
participation à ce crime ou délit, dans le but de dissimuler ou
de déguiser l'origine illicite desdits biens ou d'aider toute personne
impliquée dans la commission de ce crime ou délit à
échapper aux conséquences judiciaires de ses actes ;
V' la dissimulation, le déguisement de la nature, de
l'origine, de l'emplacement, de la disposition, du mouvement ou de la
propriété réels des biens ou de droits y relatifs dont
l'auteur sait qu'ils proviennent d'un crime ou d'un délit, tels que
définis par les législations nationales des Etats membres de
l'UEMOA ou d'une participation à ce crime ou délit ;
V' l'acquisition, la détention ou l'utilisation de
biens dont l'auteur sait, au moment de la réception desdits biens,
qu'ils proviennent d'un crime ou d'un délit ou d'une participation
à ce crime ou délit.
I-2: Origine du concept
A l'origine, l'expression << blanchiment d'argent
>> (money laundering en anglais) vient du fait que l'argent acquis
illégalement est appelé de l'argent "sale". Cet argent est
souvent issu de trafics d'armes, de drogue, d'êtres humains ou d'autres
activités mafieuses. Le blanchiment permet à cet argent de passer
pour propre, c'est-à-dire de prendre une apparence honnête.
Une autre origine peu vraisemblable est souvent
avancée: l'expression << blanchiment d'argent >> viendrait
du fait qu'Al Capone (célèbre chef d'une famille mafieuse) aurait
racheté en 1928, à Chicago, une chamne de blanchisseries: les
Sanitary Cleaning Shops. Cette façade légale lui permettait ainsi
de recycler les ressources tirées de ses nombreuses activités
illicites.
Notons aussi qu'historiquement la notion de blanchiment
d'argent est apparue dans les années 20 aux Etats-Unis, à
l'époque de la Prohibition6 . La
première technique utilisée fut de se servir de laveries
automatiques, commerce oü les paiements se font par nature en monnaie
fiduciaire, afin de mêler l'argent <<sale >>, provenant de la
vente illégale d'alcool, à de l'argent << propre >>,
issu des revenus réguliers de l'activité de blanchisserie.
Le phénomène a pris de l'ampleur dans les
années soixante-dix (70), avec la progression des ressources
procurées par les trafics de drogue aux grandes organisations
criminelles. La criminalité économique a fait son apparition
d'abord pour contourner les législations fiscales puis, avec le temps,
et surtout par l'avancée des techniques modernes, est devenue un domaine
oü le crime organisé est source de gains énormes. Les
principaux besoins de blanchiment sont directement liés aux
activités de la criminalité organisée dont le
développement est caractérisé par un double mouvement de
diversification et d'internationalisation.
Les voies, les moyens et les lieux utilisés pour
réaliser les opérations de blanchiment d'argent sont
très variés; cela étant, l'objectif recherché est
toujours le même:
6 Période entre 1919 et 1993 oü il était
interdit de consommer de l'alcool aux Etats-Unis d'Amérique
l'optimisation des conditions dans lesquelles les capitaux a
recycler pénètrent dans les circuits de l'économie
légale. En se développant de manière très
importante, depuis une vingtaine d'années le blanchiment de capitaux a
peu a peu délaissé les structures archaIques et nationales pour
adopter et utiliser des organisations flexibles, tournées vers
l'international (emploi de managers et conseillers spécialisés,
déploiement de stratégies d'accords, programmation de coCits,
profits et investissements par la recherche d'une rentabilité
économique, etc...).
Le blanchiment d'argent est un phénomène ancien
dans son concept mais dont les modalités de mise en cuvre sont
récentes et en constant mutation. Les modalités du blanchiment
d'argent sont a l'image du système financier moderne: évolutives,
sophistiqués et internationales.Aussi, bien que les définitions
données paraissent claires, la notion de blanchiment d'argent n'est pas
simple a saisir dans sa pratique.
En effet, ce phénomène met en jeu des techniques
financières et utilise des processus économiques souvent
complexes dont nous avons jugé nécessaire d'en préciser
les principaux axes.
Chapitre 2: Les principales techniques de blanchiment
d'argent
Si le premier chapitre nous a permis de comprendre ce que
renferme le << blanchiment de
capitaux >> et d'oü provient ce concept, il convient
de s'interroger sur la manière dont cette activité est
réalisée.
II-1: Les trois phases classiques de blanchiment de
capitaux
Concrètement, blanchir de l'argent revient a donner un
aspect légal a des valeurs patrimoniales d'origine délictueuse
par une succession d'opérations financières et ce, afin de les
soustraire aux recherches des organes de poursuites.
Traditionnellement, le blanchiment de capitaux comprend trois
stades: l'injection ou << prélavage >>, l'empilage ou
<< lavage >> et enfin l'intégration ou << recyclage
>>. (cf. annexe I).
V' Le premier stade, l'injection
/prelavage/placement/immersion, comprend tous les moyens par lesquels
les fonds provenant directement d'une activité criminelle sont
introduits pour la première fois, le plus souvent sous forme de grandes
quantités d'argent en espèces, dans le circuit financier. C'est a
ce stade que le blanchiment d'argent est le plus facilement décelable.
Cette première étape consiste en effet a introduire les fonds a
blanchir dans le système financier. Cela peut se faire en fractionnant
de fortes quantités d'espèces pour obtenir des sommes plus
petites et moins suspectes qui sont alors déposées directement
sur un compte bancaire, ou en se procurant divers instruments monétaires
(chèques, ordres de virement, etc....) qui sont ensuite collectés
et déposés sur des comptes en d'autres lieux.
1' Le deuxième stade, l'empilage
/lavage/dispersion, se définit comme une succession souvent
complexe de transactions financières, dont le but est d'effacer, le plus
rapidement possible, tout lien entre les capitaux "injectés" et leur
origine illicite. Outre la transformation rapide de ceux-ci en d'autres moyens
de paiement (chèques, chèques de voyage, lettres de
crédit, billets a ordre), les transferts nationaux et internationaux
constituent l'une des méthodes privilégiées. Cette
deuxième étape consiste en d'autres termes a procéder a
une série de conversions ou de déplacement de fonds pour les
éloigner de leur source. Les fonds peuvent ainsi être
transférés a travers l'achat ou la vente d'instruments de
placement (obligations, bons de Trésor etc....) entre autres. ;
1' Le troisième et dernier stade,
l'intégration /recyclage, inclut toutes les
méthodes permettant aux capitaux d'origine criminelle,
préalablement injectés et empilés, d'être investis
dans les circuits économiques et financiers légaux, sous la forme
de valeurs honnêtes et rémunératrices, comme notamment des
immeubles, des fonds de commerce, des objets de valeur ou encore des
participations dans des entreprises.
Deux observations générales peuvent être
faites par ailleurs en ce qui concerne les tendances actuelles du blanchiment
de capitaux. Premièrement, certaines techniques traditionnelles restent
les instruments préférés pour cacher de l'argent mal
gagné. Deuxièmement, outre les techniques classiques de
blanchiment, les experts ont prêté attention aux évolutions
intervenant dans le secteur financier qui font peser de lourdes menaces sur
l'efficacité de la lutte contre le blanchiment des capitaux.
Nos travaux se sont par ailleurs axés uniquement sur le
secteur bancaire dans la mesure oü celui-ci constitue la cible
privilégiée des << blanchisseurs de capitaux >>.
II-2: Les principales méthodes de blanchiment
d'argent: cas du secteur bancaire
Comme par le passé, les banques demeurent un
mécanisme important pour l'écoulement des revenus de la
criminalité. Les experts ont signalé plusieurs formes
d'activité qui tendent a indiquer l'existence d'opérations de
blanchiment d'argent dans le secteur bancaire.
- Les méthodes traditionnelles de blanchiment d'argent
dans le secteur bancaire
L'une de ces activités est l'utilisation de
comptes sous des faux noms, ou au nom de personnes ou d'intérêts
opérant pour d'autres bénéficiaires. Dans
cette dernière catégorie entrent différents
intermédiaires utilisés pour le blanchiment des capitaux,
notamment les membres des professions juridiques et les comptables. Elle
comprend aussi les sociétés écrans. Dans tous les cas, les
comptes sont utilisés pour faciliter le dépOt ou le transfert de
fonds illégaux. Souvent, on se trouve face a une superposition complexe
de
transactions faisant intervenir des comptes multiples au nom
de multiples personnes, entreprises ou sociétés écrans.
Les experts ont noté plusieurs caractéristiques prouvant
l'existence du blanchiment des capitaux par l'intermédiaire de tels
comptes. Par exemple, les opérations observées sur ces comptes
concernent souvent des montants plus importants que ceux auxquels on pourrait
s'attendre compte tenu de la nature prétendue de l'activité du
titulaire du compte en question. En outre, la documentation
présentée a l'appui des opérations, comme les contrats de
prêts, les garanties, des contrats de vente ou d'achat ou les lettres de
crédit, est souvent fausse ou entachée de vices juridiques. Si le
titulaire du compte est une entreprise, celle-ci a souvent été
constituée en société ou enregistrée auprès
de la chambre locale du commerce peu de temps auparavant. En outre, dans bon
nombre de cas, les parties a la transaction semblent être liées.
De fait, il se peut que ce soit une seule et même personne. Ces tendances
ont été particulièrement apparentes dans les comptes
ouverts et utilisés par des particuliers ou des entreprises ayant des
liens avec l'ex-Union soviétique et l'ex-bloc de l'Est7.
Une autre tendance identifiée par les experts en lutte
contre le blanchiment d'argent est l'utilisation de bureaux de
représentation des banques étrangères pour écouler
les revenus provenant d'activités criminelles. En
effet, les bureaux de représentation peuvent offrir un avantage
important pour les blanchisseurs de capitaux. Dans certains pays, mais pas dans
tous, ces bureaux peuvent accepter des dépOts puis transférer les
fonds sur leurs propres comptes auprès d'une banque locale, sans
divulguer l'identité des déposants et des
bénéficiaires.
Outre celles décrites ci-dessus, d'autres techniques
habituelles du blanchiment de capitaux continuent d'occuper une place
importante dans le secteur bancaire. Les transferts
électroniques restent un instrument essentiel a toutes les
étapes du processus de blanchiment. En effet, les transferts
électroniques permettent a la fois d'opérer des dépOts ou
des retraits entre deux ou plusieurs comptes. Les transactions (dépOts
ou retraits) sont très souvent fractionnées
(réalisées a des valeurs peu significatives), même lorsque
la déclaration des transactions importantes en espèces
8 n'est pas obligatoire. En outre, d'importants dépOts en
espèces sont encore effectués dans certains secteurs, en
particulier par des individus et des intérêts liés a
l'ex-Union soviétique et a l'ex-bloc de l'Est.
7 Il s'agit des régimes politiques qui étaient
en place dans l'ex-Union des Républiques Socialistes Soviétiques
(URSS) et les pays communistes de l'Est de l'Europe. En effet, avec la chute du
« bloc communiste,, en 1991, certains anciens dirigeants communistes ont
choisi de blanchir les revenus acquis illicitement aux moyens de divers
opérations financières.
8 Les établissements financiers et les banques ont
obligation de déclarer les opérations excédant un certain
seuil a leur banque centrale. Les blanchisseurs de capitaux ont donc tendance a
éviter de figurer sur ce genre de déclarations pour ne pas
éveiller les soupcons.
- Nouvelles menaces de blanchiment d'argent dans le secteur
bancaire
En plus des méthodes traditionnelles de blanchiment de
capitaux, examinées ci-dessus, l'émergence de nouvelles
techniques de paiement présente de nouveaux risques. En effet, le
secteur des services bancaires et des services financiers se développe
et teste un éventail de nouveaux produits, généralement
appelés "cyberpaiements", et destinés a
remplacer l'argent ou a offrir d'autres nouveaux moyens de réaliser des
transactions.
Un élément essentiel de la technologie des
cyberpaiements est l'utilisation des "cartes a puce".Il s'agit
de cartes de crédit contenant un microprocesseur sur lequel est
chargé un certain montant. Ces cartes peuvent par ailleurs être
lues par des distributeurs automatiques ou des terminaux qui déduisent
le montant de chaque transaction du total du crédit disponible. Lorsque
la carte est vide, elle peut être rechargée dans un automate
manuel, par téléphone, au moyen d'un portefeuille
électronique ou d'un ordinateur personnel, ou bien elle peut être
tout simplement jetée. Le terme "cyberpaiements" comprend aussi les
systèmes "bancaires électroniques" grace auxquels les actifs
disponibles sont détenus dans un ordinateur personnel et
transférés électroniquement par la voie d'Internet. Les
premiers produits de ce type étaient en général
d'application très limitée. Pour la plupart, ils fonctionnaient
dans un système clos. Les transactions devaient commencer et/ou finir
dans une institution financière. La durée de validité des
cartes, ou le montant qui pouvait y être chargé, était
aussi limitée. Les cartes de téléphone utilisées
dans un grand nombre de nations européennes sont un exemple de ces
premières applications de la technologie.
Plus récemment, toutefois, les concepteurs se sont
heurtés a moins de restrictions. Une somme plus importante, voire
illimitée, peut être chargée sur les nouveaux produits
qu'ils ont mis au point. Ceux-ci peuvent être utilisés dans tout
établissement de détail agréé. Certains permettront
même de stocker les actifs et de réaliser les transactions dans de
multiples monnaies. En outre, ce qui est plus surprenant, certains permettront
d'avoir accès aux actifs et de les transférer sans passer par une
institution financière. De toute évidence, cette technologie
offre d'immenses avantages, tant pour les pouvoirs publics que pour le secteur
privé. L'accès instantané aux services bancaires a partir
d'emplacements éloignés peut considérablement
améliorer l'efficience et réduire les dépenses
d'exploitation. Malheureusement, les avantages que les cyberpaiements
représentent pour l'activité commerciale légale sont aussi
ceux qui attirent les blanchisseurs de capitaux. La possibilité de
réaliser d'importantes transactions de facon anonyme, et
entièrement en dehors du système bancaire, pourrait permettre aux
blanchisseurs d'argent de se soustraire aux mesures de prévention que
les membres du GAFI ont tant oeuvré a mettre en place.
A l'heure actuelle, les experts ne disposent pas de
données montrant que les techniques des cyberpaiements sont
manipulées par des intérêts criminels. Pourtant, on
s'accorde généralement a reconnaItre que cette question doit
être traitée d'urgence. Compte tenu de la vitesse a laquelle
l'industrie des cyberpaiements se développe, et de la menace
très
importante que son utilisation abusive ferait peser sur les
mécanismes actuels de lutte contre le blanchiment des capitaux, les
organismes de contrOle et de répression de cette activité, et en
premier lieu le GAFI, ne doivent donc pas attendre que les blanchisseurs
d'argent aient déjà commencé d'exploiter les
possibilités offertes par les cyberpaiements pour agir.
La première partie nous a permis de donner un
aperçu de la notion de blanchiment de capitaux. Par ailleurs, nous en
avons présenté l'origine et les principales techniques. Il
ressort de notre approche préliminaire que le blanchiment d'argent est
un phénomène en constante mutation qui favorise la
délinquance financière et le terrorisme. Le premier objectif de
notre étude est en partie atteint. Il s'agit désormais, pour
nous, de présenter les enjeux économiques de la lutte contre le
blanchiment de capitaux.
LES ENJEUX ECONOMIQUES DU BLANCHIMENT DES
CAPITAUX
DEUXIEME PARTIE :
Chapitre 3: L'impact économique et financier du
blanchiment d'argent
Le blanchiment d'argent est un fléau de par ses
répercussions sur les économies et la société. Dans
ce chapitre, nous allons donc en présenter l'ampleur.
III-1: L'importance des flux
générés par l'argent blanchi
Par sa nature même, le blanchiment de capitaux est en
dehors du champ normal couvert par les statistiques économiques.
Néanmoins, comme pour d'autres aspects de l'activité
économique souterraine, on a pu avancer des estimations afin de donner
une idée de l'ampleur du problème. D'après le Fonds
monétaire international (FMI), le volume annuel des opérations de
blanchiment dans le monde représente en moyenne entre 2% et 5% du PIB
mondial9 ce qui correspond à une somme comprise entre 1 000
et 3 000 milliards de dollars US (les estimations du PIB mondial de 2008 se
chiffrent à 71 000 milliards de dollars US). Le trafic de
stupéfiants représenterait 34% de l'argent blanchi, la fraude
douanière 19% et les autres activités criminelles telles que la
corruption, le vol, le trafic d'êtres humains, le trafic d'organes,
etc... 46%. Quant au terrorisme il ne représenterait que 1%. Le
Programme des Nations Unies pour le contrOle international des drogues (PNUCID)
estime que le trafic illicite des drogues produit chaque année environ
400 milliards de dollars de vente au détail, soit près du double
du revenu de l'industrie pharmaceutique mondiale ou 10 fois environ le montant
total de l'aide publique au développement.
Si on considère le cas particulier du Mexique, on se
rend compte que les fonds blanchis, toujours selon les estimations, sont
évalués entre 10 et 30 milliards de dollars US (soit 60 à
180 milliards de francs CFA) chaque année. Retenons dans cet intervalle,
le chiffre de 15 milliards, ce montant représente déjà
l'équivalent de 10% des actifs des banques. Ces actifs étant
constitués pour moitié de prêts et pour moitié
d'investissements en obligations, l'argent "sale" représenterait en
réalité 20% des prêts du système bancaire mexicain.
Le cas thaIlandais est également édifiant. Tout d'abord, le pays
est situé au ccur du trafic d'héroIne en provenance du " triangle
d'or " d'oü sortiraient chaque année plus de 290 tonnes
d'héroIne, soit près de deux tiers de la production mondiale. Par
ailleurs, Bangkok est un centre financier régional majeur, mais la mise
en place d'un dispositif juridique pour lutter contre l'argent "sale" est
encore au stade d'étude par le Parlement. Si l'on en croit une
étude réalisée dès 1995 par un groupe de chercheurs
de l'université de Bangkok, la masse de capitaux
générés par les activités illicites
dépasserait, en volume, le budget de l'Etat. En effet, l'estimation des
revenus générés par le narcotrafic, la prostitution, le
trafic d'armes et la contrebande de travailleurs clandestins a
été établie entre 600 et 800 milliards de bahts (24
à 32 milliards de dollars US), tandis que le budget national pour la
même période de référence s'élevait, lui,
à 625
9 Source : Site officiel du FMI, taper :
http://www.imf.org/external/pubs/ft/fandd/fre/2006/03/pdf/books.pdf
milliards de bahts (25 milliards de dollars US). Tout cet argent
serait blanchi sur les marchés boursiers, dans l'immobilier et a travers
les banques de la place.
Au vu de cet aperçu de l'importance des flux financiers
blanchis en moyenne dans le monde, il serait donc intéressant de
s'intéresser aux impacts que de telles sommes d'argent "sale" peuvent
avoir sur un système financier, voire une économie tout
entière.
III-2: Les effets de distorsion et l'instabilité
économique
Sur le plan macro-économique, l'importance des flux en jeu
inquiète les experts qui commencent a en mesurer les effets
néfastes sur l'ensemble de l'économie mondiale.
La confiscation des revenus criminels nuit a la
répartition normale des richesses et donc a la croissance mondiale. Par
ailleurs, l'afflux d'argent "sale" peut, localement, déstabiliser un
marché, voire une économie. Il est indéniable que les
activités criminelles, difficiles a mesurer, faussent les statistiques
économiques disponibles et empêchent tout diagnostic
précoce d'une crise en germe. Une variation de la demande d'une monnaie
nationale, par exemple, a des effets sur le taux de change et les taux
d'intérêts; si l'origine en est un mouvement de capitaux dü
au blanchiment d'argent, il n'apparaItra pourtant pas dans les statistiques.
Enfin, l'argent "sale" présente un risque pour le fonctionnement
efficient des marchés dans la mesure oü les déplacements de
capitaux se font hors de toute logique économique: ceux qui veulent
blanchir de l'argent recherchent non pas le meilleur rendement, mais le
meilleur compromis entre sécurité du recyclage des fonds et
objectif de rentabilité de l'opération. Les plus pessimistes
soulignent le danger, encore théorique, de voir une coalition
d'intérêts criminels s'attacher a déstabiliser une
économie nationale, par exemple parce que les mesures mises en place par
le gouvernement du pays pour lutter contre les trafics illicites seront
jugées dérangeantes. En d'autres termes, les blanchisseurs
d'argent se préoccupent non pas d'obtenir un bon rendement de leurs
investissements, mais de protéger leurs gains. C'est pourquoi ils
<< investissent >> leurs fonds dans des activités qui ne
sont pas nécessairement rentables pour le pays dans lequel se trouvent
ces fonds. En outre, dans la mesure oü le blanchiment et la
délinquance financière privilégient des investissements de
faible qualité qui masquent leurs gains, au détriment
d'investissements judicieux, la croissance économique du pays risque
d'en souffrir.
Ainsi, dans certains pays, des secteurs entiers comme le
bâtiment et l'hOtellerie sont financés, non pas en réponse
a la demande, mais en fonction des intérêts a court terme des
blanchisseurs de capitaux. Quand ces secteurs cessent d'intéresser les
blanchisseurs de capitaux, ces derniers les abandonnent, causant ainsi leur
effondrement. Cette situation engendre des pertes énormes pour les
Etats, et compromet sérieusement les politiques de développement
économique, en particulier s'il s'agit de pays pauvres.
Concrètement, au cours des dernières années, plusieurs
crises financières majeures ont ébranlé l'économie
internationale: le Mexique en décembre 1994, puis la ThaIlande a
l'été 1997, avec des conséquences en
cascade sur toutes leurs sous-régions respectives d'abord, et sur
l'économie mondiale ensuite. Puis, dans le début des
années 90, le système bancaire japonais au bord de la faillite a
fait trembler les marchés financiers et imposé une remise en
question majeure de la sphère financière nippone. Il serait
certes abusif de prétendre que les crises mexicaine et asiatique ont
pour origine unique le blanchiment d'argent: on connaIt les causes
structurelles et conjoncturelles qui ont conduit a l'effondrement du
peso10 en 1994 et du baht 11en 1997. Néanmoins, on
ne peut ignorer non plus que ces deux pays jouent un rOle régional pivot
dans le narcotrafic et le blanchiment d'argent.
Toutefois, toutes les conséquences économiques de
ce phénomène ne sauraient exister sans un corollaire au plan
social.
III-3: L'augmentation des dépenses publiques et
l'effet 'corrosif ' sur la société
L'un des effets micro-économiques les plus graves du
blanchiment d'argent est ressenti dans le secteur privé. En effet, les
blanchisseurs d'argent utilisent souvent des sociétés de
façade qui mêlent le produit d'activités illicites a des
fonds légitimes pour masquer leurs gains mal acquis. Aux Etats-Unis, par
exemple, des études ont démontré que le secteur de la
criminalité organisée utilise les pizzerias pour dissimuler les
bénéfices provenant du trafic de l'héroIne.12
Ces sociétés de façade ont accès a d'importants
fonds illicites qui leur permettent de subventionner leurs produits et leurs
services a des niveaux nettement inférieurs aux prix du marché.
Dans certains cas, ces sociétés de façade sont en mesure
d'offrir des produits a un prix inférieur au prix de revient, ce qui
leur donne un avantage concurrentiel sur les entreprises légitimes qui
obtiennent leurs capitaux sur le marché financier.
Le blanchiment des capitaux entramne pour la
société des risques et des coCits importants. Il augmente les
dépenses publiques étant donné la nécessité
d'un accroissement des forces de l'ordre et des dépenses de santé
(par exemple pour la désintoxication des toxicomanes) afin de combattre
ses graves conséquences.
De plus, l'ampleur même du pouvoir économique que
le blanchiment d'argent confère aux personnes qui en sont adeptes a un
effet "corrosif" sur tous les éléments de la
société. Pour preuve, un proxénète qui utilise la
façade d'un <<night club>> supposé licite pour
exercer ses activités risquerait, si cette activité
prospère, d'étendre son trafic et a la longue de recruter encore
plus de jeunes filles pour faire fructifier ses
10 Il s'agit de la monnaie du Mexique, qui a été
dévaluée suite à la crise mexicaine de 1994.
11 Il s'agit de la monnaie thaIlandaise qui a perdu
considérablement de la valeur à cause de la crise de
liquidité interne qu'à connue la ThaIlande en 1997.
12 Source :
www.centif.ci/documentation/Comment
blanchir l'arqent sale 2, octobre 2006
affaires. Or de telles pratiques sont contraires à la
morale et à l'éthique, et véhiculent en plus un esprit
pervers et malsain dans la société. Il en est de même pour
un vendeur de drogue qui effectue son commerce par le biais d'un restaurant. En
plus de répandre ses substances toxiques auprès de sa
clientèle, en l'occurrence les jeunes de la société, il va
à l'encontre des valeurs morales fondamentales et est susceptible de
générer des coüts pour l'Etat au moment de
désintoxiquer tous ces toxicomanes et dealers. Dans les cas
extrêmes, il peut même entramner le renversement du pouvoir
légitime. Dans un contexte de plus en plus globalisé, le
blanchiment des capitaux pose à la communauté internationale un
problème à la fois complexe et croissant. Sa dimension
internationale exige incontestablement des normes et une coopération
internationale.
Il ressort donc de ce qui précède que, tant sur
les plans macro que micro-économique, la lutte contre le
phénomène de blanchiment d'argent entralne des
conséquences néfastes et doit vraisemblablement être d'un
enjeu mondial.
Chapitre 4: La lutte contre le blanchiment de capitaux:
un enjeu mondial
De nombreuses actions ont été menées par
différents organismes au plan international
pour lutter contre le phénomène du blanchiment
d'argent. Ce chapitre s'intéresse à quelques unes des actions
internationales les plus importantes dans cette lutte.
IV-!: Le Groupe d'Action Financière contre le
blanchiment d'argent (GAFI)
Il a été créé par le G-7
13 lors du sommet de l'Arche à Paris en 1989, en
réponse à des préoccupations croissantes au niveau
international concernant la lutte contre le blanchiment de capitaux. C'est un
groupe d'action rassemblant des représentants des Etats membres du G-7,
de la Commission Européenne et de sept autres pays. Il n'a pas de
structure définitive. Jusque là aucune organisation
internationale n'était mise en place afin de créer une
coopération pour lutter contre le blanchiment d'argent.
Le Groupe d'action financière (GAFI) est un organisme
intergouvernemental qui a pour objectif de concevoir et de promouvoir des
politiques de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du
terrorisme, aussi bien à l'échelon national qu'international. Ce
Groupe d'action est donc un organisme de décision qui s'efforce de
susciter la volonté politique nécessaire pour réformer, au
sein de chaque pays membre, les lois et réglementations dans les
domaines de sa compétence.
13 Il s'agit du groupe des 7 pays les plus industrialisés
du monde a savoir la France, l'Allemagne, l'Italie, l'Angleterre, la Chine, les
Etats Unis et la Russie.
Le GAFI surveille les progrès réalisés
par ses membres dans la mise en cuvre des mesures nécessaires, examine
les techniques et contre-mesures propres au blanchiment de capitaux et au
financement du terrorisme, et encourage l'adoption et la mise en cuvre des
mesures adéquates au niveau mondial. Ce Groupe d'action réexamine
sa mission tous les cinq ans. En 2004, les Ministres représentant les 34
pays membres du GAFI ont convenu de prolonger le mandat du Groupe d'action
financière jusqu'en 2012. Ce mandat, d'une durée de 8 ans,
démontre que les membres du GAFI restent unis dans leur engagement de
lutter contre le terrorisme et le crime international, et constitue un signe de
la confiance que les Etats membres accordent au GAFI et de reconnaissance de
l'importance de ce dernier dans cette lutte. Les 34 pays membres du GAFI sont
par ailleurs : l'Afrique du Sud , l'Allemagne, l'Argentine, l'Australie ,
l'Autriche , la Belgique, le Brésil , le Canada, la Chine, l'Arabie
Saoudite , le Qatar, le Danemark , l'Espagne , les Etats-Unis , la Russie , la
Finlande , la France , la Grèce , la Chine , l'Irlande , l'Islande ,
l'Italie , le Japon , le Luxembourg, le Mexique , la Norvège , la
Nouvelle-Zélande, le Portugal, les Pays-Bas, l'Angleterre , Singapour,
la Suède, la Suisse et la Turquie.
IV-2: Le role du Fonds Monétaire International
(FMI) dans la lutte contre le blanchiment de capitaux
Le FMI contribue aux efforts déployés au plan
international de plusieurs manières importantes, qui correspondent a ses
principaux domaines de compétence. En tant qu'institution de
portée quasi universelle, fondée sur la collaboration, le FMI est
une plate-forme naturelle pour le partage de l'information,
l'établissement de stratégies communes et la promotion de
politiques et de normes avisées, armes cruciales de la lutte contre le
blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
En outre, le FMI a acquis une vaste expérience, a la
faveur de ses travaux d'évaluation du secteur financier, de ses concours
d'assistance technique dans le secteur financier et de l'exercice de la
surveillance des systèmes économiques des pays membres. Cette
expérience est particulièrement utile pour évaluer dans
quelle mesure les autorités nationales respectent les normes de lutte
contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, de
même que pour élaborer des programmes visant a les aider a pallier
les lacunes recensées dans ce domaine.
Après le 11 septembre 200114, le FMI a
continué d'élargir et d'approfondir sa participation a la lutte
mondiale contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.
Ainsi, en mars 2004, son Conseil d'administration a décidé que
les évaluations des dispositifs de lutte contre le blanchiment de
capitaux et le financement du terrorisme (LBC/FT), et les travaux d'assistance
technique connexes, feraient désormais partie intégrante du
travail du FMI. Dans le même temps, le Conseil
14 Année de l'attentat terroriste perpétré
contre certaines institutions américaines (le Pentagone, le World Trade
Center, etc...)
d'administration du FMI a décidé d'élargir
la portée de ces activités pour couvrir la totalité du
champ des recommandations du GAFI.
A l'heure actuelle, les trois grands domaines d'activité
du FMI sont les suivants:
- Evaluations : toutes les évaluations
des forces et des faiblesses du secteur financier réalisées dans
le cadre du programme d'évaluation du secteur financier (PESF) ou du
programme des places financières offshores comprennent une
évaluation du mécanisme de LBC/FT de la juridiction
concernée. Ces évaluations, effectuées par le FMI, la
Banque mondiale, le GAFI ou les organismes régionaux de type
GAFI15, visent a mesurer le respect des <<40+9
recommandations>> du GAFI selon une méthodologie commune. Depuis
juin 2002, quatre vingt neuf (89) évaluations LBC/FT ont
été réalisées au plan mondial et les services du
FMI ont participé a trente huit (38) d'entre elles ;
- Assistance technique : de concert avec la
Banque mondiale, le FMI a fortement augmenté ses concours d'assistance
technique aux pays membres pour leur permettre de renforcer leurs cadres
juridiques, réglementaires et financiers dans le cadre des
activités de LBC/FT, ainsi que leurs cellules de renseignement
financier. Depuis janvier 2002, le FMI et la Banque mondiale ont mis en cuvre
plus de trois cent (300) projets d'assistance technique, dont près des
deux-tiers durant les dix-huit derniers mois. Dans la pratique, il peut s'agir
de séminaires de formations, de conférence, d'ateliers de
réflexion, etc... organisés au sein des pays membres sur des
thèmes ayant trait a la lutte contre le blanchiment de capitaux.
- Elaborations des politiques: le FMI et la
Banque mondiale recensent et analysent les mécanismes de LBC/FT mis en
place au plan international en vue de fournir des conseils et une assistance
technique aux pays membres dans ce domaine. Les deux institutions coordonnent
étroitement leurs efforts avec ceux du GAFI et des organismes
régionaux du même type. Elles accordent une attention
particulière aux envois de fonds en raison de l'importance
macroéconomique de ces opérations, notamment dans les pays
pauvres et en voie de développement. Le FMI a publié de nombreux
documents dans ces domaines : un guide sur les questions de LBC/FT, des manuels
sur les cellules de renseignement financier et les dispositions
législatives en matière de répression du financement du
terrorisme, des travaux sur le système hawala 16et les
systèmes d'envois de fonds en général, ainsi que des
documents de travail sur un grand nombre d'autres sujets, dont l'impact du
15 Plus généralement désigné sous
l'acronyme « ORTG , il s'agit d'organismes régionaux qui
opèrent en tant qu'observateur pour le GAFI dans diverses zones
géographiques du monde.
16 Le mot « hawala » signifie « confiance
» ou « échange » en Hindi (langue parlée en Inde).
Il s'agit d'un système de transfert de fonds (monnaie, etc...). Il
repose uniquement sur la confiance existant entre les agents du système.
Comme il ne dépend pas de l'application légale de contrats, ce
système fonctionne même en l'absence de cadre juridique et
légal commun. Les transactions qui y sont réalisées
échappent donc a la taxation, a la régulation de la monnaie et au
contrôle des échanges extérieurs par l'Etat. C'est dans
cette optique, d'ailleurs, que l' hawala » est souvent utilisé a
des fins de blanchiment d'argent.
terrorisme sur les marchés financiers et
l'intégration des mécanismes de LBC/FT dans les travaux de
portée générale consacrés à
l'intégrité et à la stabilité des
marchés.
IV-3 : Le Comité de Bale : les nouvelles
réglementations relatives aux établissements financiers
Comme nous l'avions déjà souligné
précédemment au niveau des généralités sur
le blanchiment d'argent, les banques et établissements financiers
jouent un rOle capital
dans l'ensemble de la finance, dans la mondialisation et dans
l'économie générale.
D'abord, parce qu'il s'agit d'organismes
spécialisés dans l'émission et le commerce de la monnaie.
Ensuite, parce que du fait même de leur essence, ces
établissements constituent des moteurs de l'économie et en
quelque sorte des régulateurs de l'activité économique. Ne
dit-on pas qu'un pays dont les flux financiers sont correctement
utilisés au sein des banques n'a généralement pas souci de
<< santé financière >> ?.Or, le blanchiment de
capitaux utilise des sommes importantes d'argent acquis illicitement et
transite en général par les établissements financiers, et
tout particulièrement par les banques. Dans ce contexte, les
établissements financiers, cibles privilégiées des
activités de blanchiment d'argent, sont vulnérables à ce
trafic dans la mesure oü le <<commerce de l'argent >>
constitue leur ccur de métier. En d'autres termes, la menace de
déstabilisation du système économique et financier est
plus importante quand les banques et établissements financiers ne sont
pas efficacement protégés contre le risque de délinquance
financière.Les nouvelles réglementations du Comité de Bale
relatives aux établissements financiers ont donc été
instituées pour répondre à ces préoccupations.
En effet, la nouvelle réforme engagée par le
Comité de Bale depuis juillet 1998 a pour objectif selon William
McDonough 17 c d'aligner les exigences réglementaires en
matière de niveau des fonds propres avec les risques sous-jacents, et de
fournir aux banques et leurs autorités de supervision plusieurs
alternatives pour l'évaluation de l'adéquation des fonds propres
>>.
La promotion des meilleures pratiques de gestion des risques,
garantes de la stabilité et de la sécurité du
système financier international, est au ccur de cette réforme.
Les nouveautés de la réforme Bale II sont structurantes pour
l'ensemble des banques en ce sens que:
- l'appréhension du risque de crédit sera
profondément modifiée, avec une incitation très forte pour
tous les établissements, de choisir la méthode des notations
internes.
17 Il s'agit du Président en exercice du comité de
Bale pendant l'établissement de l'accord. Plus tard, son nom sera
utilisé pour désigner l'un des ratios les plus prisé en
termes de gestion du risque crédit et d'appréciation de la
rentabilité financière.
Le calcul des fonds propres, dans cette méthode, est
basé sur des fonctions construites à partir de modèles de
gestion du risque de crédit existant ;
- L'exigence en fonds propres reposera également sur un ou
plusieurs indicateurs reflétant le degré de risque
opérationnel encouru par les banques ;
- L'introduction de la reforme conduira à une
surveillance prudentielle accrue et à une meilleure discipline du
marché.
Ces piliers contribueront à renforcer le contrOle
interne et le rOle du régulateur externe par une élévation
des exigences en matière de communication financière et de
transparence.
La mise en cuvre de la réforme Bale II dans les
établissements bancaires devrait avoir une forte incidence sur leurs
modèles de quantification des risques, leur organisation interne, leurs
métiers et leurs systèmes d'information. En pratique, cette
réforme impose de choisir et de mettre en place des modèles de
mesure de risques complexes avec des contraintes de délai fortes. C'est
ainsi qu'à titre illustratif, convaincus par la nécessité
de basculer à Bale II, les pays du Maghreb comme le Maroc et la Tunisie
ont pris les mesures essentielles pour l'implémentation des accords de
Bale II. Les résultats en sont tout aussi édifiants. Pour preuve,
la Banque Centrale de Tunisie (BCT) a renforcé ses dispositifs de
contrOle et audit interne grace à la circulaire de Bale II relative au
contrOle interne. Par ailleurs, si l'approche qui sera adoptée pour la
détermination du risque opérationnel dans un premier lieu est
l'approche d'indicateur de base, une approche avancée est prévue
à l'horizon 2012 .Il y a également un ensemble de
réflexions qui sont en cours pour s'adapter aux exigences de Bale II en
la matière comme, par exemple, la création au sein des banques de
structure dédiée au risque opérationnel, d'un
comité chargé de définir la cartographie des risques
opérationnels au titre des activités les plus partagées
par le secteur , la recherche de solution informatique pour la prise en charge
de ce risque, ou encore la mise en place, comme ce fut le cas au niveau de la
BCT, d'une base de données relative aux incidents sur le risque
opérationnel....
Au terme de notre deuxième partie, il ressort que le
blanchiment de capitaux est un fléau d'actualité aux impacts
néfastes tant pour l'économie que pour la société.
En d'autres termes, la lutte contre le blanchiment d'argent est
nécessaire pour la stabilité de l'économie mondiale. Cela
signifie donc que, d'un point de vue général, tous les pays
doivent se mobiliser pour faire face à ce phénomène
d'ampleur grandissante. C'est ainsi, d'ailleurs, qu'au niveau des pays
développés, plusieurs organismes et normes ont été
élaborés. Mais qu'en est-il de la lutte menée sur le
continent africain? La réponse à cette question est l'objet de la
troisième partie.
LA LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT DES CAPITAUX EN
AFRIQUE
TROISIEME PARTIE:
Chapitre 5: Les strategies de lutte contre le
blanchiment d'argent en Afrique
Notre étude a pour but de contribuer à
l'amélioration de la lutte contre le blanchiment
d'argent dans le système économique et financier de
l'Afrique. Aussi, nous estimons primordial de présenter d'une part la
nécessité d'une telle lutte, et d'autre part les
initiatives déjà réalisées en Afrique
dans ce domaine. V-1: La nécessité de la lutte en
Afrique
Selon le GAFI, en Afrique, << l'un des principaux
éléments susceptibles de favoriser le blanchiment réside
dans le très fort besoin en investissements extérieurs, ce qui
peut conduire à ne pas porter une attention suffisante à
l'origine des capitaux investis >. Dès lors, deux constats principaux
font qu'il est nécessaire de mener une lutte efficace contre le
blanchiment d'argent en Afrique .Il s'agit, d'une part, du volume des sommes
d'argent blanchies dans le continent. D'autre part, il s'agit des effets que de
telles transactions peuvent avoir sur la stabilité des économies
en voie de développement des pays africains.
V-1-1:Le volume des sommes d'argent blanchies en
Afrique
Dans un article paru dans la Tribune
18 en date du 03 Février 2009, deux chercheurs de
l'université canadienne de Massachusetts Amherst, Leonce Ndikumana et
James Boyce ont mené une étude qui évalue à
420 milliards de dollars le montant des capitaux qui ont
été sortis de l'Afrique entre 1970 et 2004 à destination
des paradis fiscaux (cf. annexe III pour la liste des paradis
fiscaux au 02 avril 2009). La même étude estime que compte tenu
des intérêts générés, plus de 600 milliards
de dollars dorment sur des comptes étrangers. Toujours selon la
Tribune, ce chiffre est supérieur à la dette du
continent africain qui s'élevait en 2004 à 398 milliards de
dollars. Le même article précise que pour les pays comme,
l'Angola, le Nigéria, la COte d'Ivoire, les sommes
détournées représenteraient plus de quatre fois leurs
dettes extérieures.
Selon Global Financial
Integrity19, l'ensemble des flux provenant illicitement des
pays en voie de développement englobe des revenus
générés par la corruption, les détournements de
fonds publics, les revenus des activités criminelles et surtout les
manipulations de prix concernant les importations et les exportations. Cette
dernière méthode serait devenue la plus prisée des
délinquants financiers pour sortir les capitaux
18 Il s'agit d'un quotidien francais d'actualité
économique. Les informations obtenues sont issues de son site officiel :
www.latribune.fr (taper
"blanchiment d'argent en Afrique" dans la barre de recherche).
19 Le Global Financial Integrity (GFI) est un programme
américain d'aide a la lutte contre la prolifération de l'argent
acquis illicitement dans les systèmes financiers. Ce programme est une
initiative du « Center of International Policy . Il a été
lancé Septembre 2006. Le GFI encourage les politiques nationales et
multilatérales a élaborer des accords visant a restreindre la
circulation transfrontalière de l'argent. Source:
www.gfip.org (taper « a propos de
GFI ).
des pays africains, en augmentant artificiellement les prix
des importations ou, au contraire, en bradant les prix des produits
exportés qui sont produits localement.
En guise d'exemple, selon le même article, un
universitaire du Pensylvania University a montré que le Ghana avait
importé des Etats Unis d'Amérique des pneus de voiture a 3.360
dollars pièces ( 1dollar US valait 10.000 Cidi a l'époque) et
exporté des diamants bruts a 35 dollars le carat alors que le prix
international était alors de 1.360 dollars ( soit - 38 fois le prix de
marché).Selon cette même étude ces différentes
opérations ont permis de sortir du Ghana près de 830 millions de
dollars sur la période 1996 - 2005 (soit 8300 milliards de Cidi).
L'article précise aussi que l'ensemble des pertes liées a la
surévaluation des importations des USA par les pays africains
avoisinerait 14, 6 milliards de dollars. De même, les pertes liées
a la sous-évaluation des exportations vers les USA seraient de l'ordre
de 16, 5 milliards de dollars. Pour finir, Global Financial Integrity
estime qu'entre 850 et 1000 milliards de dollars ont été
illégalement sortis des pays en voie de développement entre 2004
et 2006, dont 50 % seraient orientés vers l'Asie.
On percoit donc assez aisément l'importance des fonds
blanchis en Afrique. Mais, qu'en est-il de l'impact de ce type
d'opérations sur nos économies?
V-1-2: Les effets du blanchiment d'argent sur les economies
africaines
Les opérations de blanchiment, si elles se
développaient au sein des pays africains, risqueraient de mettre en
cause la stabilité des économies. En particulier, l'utilisation
des institutions financières pour le blanchiment d'activités
criminelles est de nature a compromettre gravement la solidité et la
stabilité du système financier.
En effet, lorsqu'une institution financière est
utilisée involontairement par des éléments criminels ou
des terroristes, cette dernière risque de compromettre sa
réputation. Si des membres de son personnel complotent avec des
éléments criminels pour blanchir des fonds ou financer des
terroristes, les dégats peuvent être bien plus
élevés. Ceux qui traitent avec une institution dont on
découvre qu'elle blanchit de l'argent peuvent aussi voir leur
réputation salie et lorsqu'une place financière est largement
percue comme étant vulnérable au blanchiment d'argent, d'autres
opérateurs se garderont d'y investir.
Le danger le plus sérieux apparaIt lorsque des
institutions financières importantes sont contrOlées par des
blanchisseurs d'argent, car dans ce cas l'intégrité et les
opérations de l'ensemble du système financier peuvent être
compromises.
Pour certains pays, l'impact économique et financier
pourrait être notable. Une fois l'intégrité d'une
institution ou d'une place financière remise en question, sa
viabilité a long terme est en jeu, avec des conséquences
économiques néfastes. Par ailleurs, si le système
financier n'est pas suffisamment intègre, les décisions
concernant l'affectation
des ressources sont faussées et l'investissement est
mal orienté, ce qui pèse sur la croissance économique.
Cela est d'autant plus vrai que, combattre le blanchiment des capitaux est
même devenu une des conditionnalités des organismes internationaux
(Institutions de Bretton Woods, FMI, etc....) pour les pays qui veulent obtenir
des prêts ou des financements.
En outre, a cOté du << caractère
économique >> des méfaits du blanchiment d'argent sur les
économies africaines, il est important de ne pas négliger l'
<<aspect sociopolitique >>. Car, le blanchiment d'argent constitue
un sérieux catalyseur de corruption étatique. Prenons le cas d'un
Etat dont l'administration publique est corrompue. Cela veut donc dire que les
agents de cette administration percoivent constamment des pots de vins dont
l'importance des montants est fonction des types de services rendus.
Une fois que les pots-de-vin ont été verses, au
moyen de mécanismes financiers ayant permis de sortir de l'argent des
comptes publics des entreprises, et d'en constituer le caractère
occulte, les destinataires ont besoin de réintroduire ces montants dans
les circuits financiers officiels. L'objectif de cette mancuvre est bien sfir
de pouvoir en bénéficier de facon << légitime
>> et surtout sans attirer les soupcons des enquêteurs. Dans cette
optique, si cet Etat est vulnérable aux pratiques de blanchiment
d'argent, il favorise l'activité illicite des capitaux issus de la
corruption. Il s'expose donc a la prolifération de la corruption au sein
de son pays. Or la corruption, plus encore qu'un "cancer" économique,
est un "cancer" politique. En effet, quand elle touche les plus hautes
sphères de l'Etat, la corruption décrédibilise
l'autorité publique de ceux qui sont en charge de la destinée
d'un pays et, brisant les relations de confiance entre les citoyens et leurs
institutions, sape les fondements même de la société. La
corruption ouvre alors la porte a l'instabilité politique, aux tensions
sociales, aux rivalités ethniques jusqu'aux guerres civiles. En Afrique,
la corruption politique est d'autant plus destructrice qu'elle frappe des pays
aux structures administratives peu aguerries, aux ressources limitées et
aux équilibres économiques fragiles. Il ressort donc de ce qui
précède que le blanchiment de capitaux, en plus de
déstabiliser les économies africaines, pourrait ternir leurs
réputations auprès des partenaires financiers internationaux. Ces
derniers se garderaient donc, dans ce cas, d'investir dans des pays
jugés << financièrement risqués >> ou <<
vulnérables >>. Toute chose qui, a la longue, ne favoriserait pas
les efforts de réduction de la pauvreté dans ces pays pauvres.
Les Etats africains ne sont pourtant pas restés
indifférents face au danger que le blanchiment d'argent fait peser
sur la stabilité des systèmes économiques et financiers
africains. Il conviendrait donc, dans ce cas, de
s'intéresser aux initiatives et structures mises en place pour lutter
contre le blanchiment de capitaux en Afrique.
V-2: Les structures et dispositifs mis en place
V-2-1: Les initiatives prises par les Etats africains
Outre les initiatives mondiales mentionnées ci-dessus,
de nombreuses conventions et initiatives de coopération ont
été adoptées par les Etats africains aux niveaux
continental et sous-régional20.
En effet, l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA
devenue pus tard Union Africaine) a adopté, en 1999, une convention sur
la prévention et la lutte contre le terrorisme plus connue sous le nom
de Convention d'Alger >>.
Par ailleurs, un plan d'action de la réunion
intergouvernementale de haut niveau de l'Union Africaine (UA) sur la
prévention et la lutte contre le terrorisme en Afrique a
été adopté en 2002. Il définit des domaines
précis d'action. Ceux-ci comprennent dix (10) mesures spécifiques
pour réprimer le financement du terrorisme. Il s'agit notamment:
- de l'élaboration d'une législation nationale pour
ériger en infraction pénale le blanchiment de capitaux et le
financement du terrorisme;
- de la mise en place au sein des Etats membres de Cellule de
Renseignement Financier (CRF), chargée de traiter les transactions
suspectes signalées ;
- de la formation du personnel pour combattre et prévenir
le blanchiment de capitaux ;
- et de la coopération avec les institutions
financières internationales.
L'UA a en outre adopté en 2004 un protocole a la c
Convention d'Alger >>. Ce dernier porte sur l'engagement des parties
a mettre en cuvre, sans restrictions, les dispositions de la Convention de
l'OUA sur le terrorisme et, entre autres, a identifier, détecter,
confisquer , geler ou saisir toute somme d'argent ou bien utilisés ou
destinés a être utilisés pour commettre un acte terroriste.
Il prévoit aussi l'établissement d'un mécanisme
d'affectation de ces fonds au dédommagement des victimes d'actes
terroristes ou de leurs familles.
Le Mécanisme Africain d'Evaluation par les Pairs
(MAEP), une initiative du Nouveau Partenariat pour le Développement de
l'Afrique (NEPAD), inclut un point focal sur l'évaluation des
mécanismes de contrOle de la corruption. La promotion de la mise en
cuvre de normes bancaires et financières est un objectif clé du
NEPAD. En 2002, son Comité de direction a proposé un plan
d'action mettant l'accent sur l'adoption et le
20 A titre illustratif, consulter annexe V,
instructions de la BCEA relatives a la lutte contre le blanchiment
d'argent dans les banques et établissements financiers (BEF)
renforcement des lois en matière de lute contre le
blanchiment d'argent et la promotion de la conformité aux normes
internationales en la matière.
L'UA a par ailleurs adopté une Convention sur la
corruption en 2003 qui n'a malheureusement pas encore été
ratifiée par suffisamment d'Etats membres pour pouvoir entrer en
vigueur. Cette Convention appelle a l'incrimination de l'utilisation ou de la
dissimilation du produit d'actes de corruption (article 4) et du blanchiment du
produit de la corruption (article 6). Elle établit aussi un cadre de
coopération régionale visant a l'amélioration de
l'entraide judiciaire, notamment sur le plan de l'extradition, des enquetes,
ainsi que de la confiscation, de la saisie et du rapatriement des produits de
la corruption.
Comme indiqué préalablement, un programme
d'action relatif aux questions de la criminalité et de la
sécurité qui portent atteinte au développement a
été adopté par les dirigeants africains de quarante sept
(47) Etats lors de la Table ronde pour l'Afrique, qui s'est tenue a Abuja au
Nigeria en septembre 2005. L'un des six groupes d'activités compris dans
le programme d'action pour la période 2006-2010 met l'accent sur le
crime organisé, le blanchiment de capitaux, la corruption, le trafic et
le terrorisme. En ce qui concerne la lutte contre le blanchiment d'argent et le
financement du terrorisme en particulier, le programme d'action identifie trois
priorités d'action et désigne notamment la Banque Africaine de
Développement (BAD) comme un partenaire clé possible de ces
activités.
Celles-ci comprennent:
0 l'élaboration de lois et de stratégies nationales
conformément aux normes internationales ;
) le renforcement des capacités institutionnelles, dont
la création de cellules de renseignement financier pour la mise en
cuvre des lois et stratégies nationales ;
? le soutien et l'aide a l'établissement d'organisations
sous-régionales efficaces et opérationnelles pour lutter contre
le blanchiment de capitaux.
Dans leur application, ces initiatives ont bien évidemment
conduit a la création de structures appropriées a travers les
Etats.
V-2-2: Les institutions africaines de lutte contre le
blanchiment d'argent
Il existe trois groupes régionaux de lutte contre le
blanchiment des capitaux, appelés communément Organisme
Régionaux de Type GAFI (ORTG), qui disposent du statut d'observateur
auprès du GAFI. Il s'agit notamment:
1. du Groupe d'action financière pour le Moyen-Orient et
l'Afrique du Nord contre
le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme
(GAFIMOAN) ;
2. du Groupe anti-blanchiment de l'Afrique orientale et australe
(GABAOA) ;
3. et du Groupe intergouvernemental d'action contre le
blanchiment d'argent en Afrique de l'Ouest (GIABA) ;
Un quatrième groupe est en cours de création
dans le cadre de la Communauté Economique et Monétaire d'Afrique
Centrale (CEMAC) et de l'Union Monétaire de l'Afrique Centrale (UMAC).
Il s'agit du Groupe d'action contre le blanchiment d'argent en Afrique centrale
(GABAC). Celui-ci n'a cependant pas encore reçu le
statut d'observateur auprès du GAFI.
Le développement et le renforcement de tels groupes
régionaux peuvent jouer un rOle essentiel dans la prévention du
blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme. Les ORTG ont non
seulement un rOle de plaidoyer mais aussi un rOle de mobilisation a jouer. Ils
peuvent aussi fournir les mécanismes permettant de surveiller
l'évolution de la lutte anti blanchiment d'argent et financement du
terrorisme et de faciliter les évaluations mutuelles.
S'il apparaIt clairement que les bases de la lutte contre la
délinquance financière ont été posées en
général dans la quasi-totalité des zones
géographiques de l'Afrique, qu'en estil a l'échelle
particulière d'un Etat?
V-3: L'état d'avancée de la lutte en
Côte d'Ivoire: cas illustratif des procédures anti-blanchiment
d'argent mises en place a la KJ BANK
V-3-1: La Cellule Nationale de Traitement de l'Information
Financière (CENTIF)
L'Etat de COte d'Ivoire, a l'instar des pays de la
sous-région, s'est investi dans la lutte contre toutes les formes de
blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme. C'est pourquoi, le
ministère de l'Economie et des Finances a procédé, en juin
2009, a l'installation officielle de la cellule de renseignements financiers,
dénommée CENTIF-CI.
La CENTIF-CI est la cellule de renseignements financiers (CRF)
de la COte d'Ivoire. Elle a été instituée par le
décret N° 2006-261 du 09 aoüt 2006 portant création,
organisation et fonctionnement de la CENTIF-CI. Cette Cellule est au ccur du
dispositif national de lutte contre le blanchiment de capitaux et le
financement du terrorisme. Placée sous la tutelle du Ministre de
l'Economie et des Finances, la CENTIF-CI est un service administratif
doté de l'autonomie financière, ainsi que d'un pouvoir de
décision autonome sur les matières relevant de ses
attributions.
Cette structure a pour mission, outre d'exploiter, traiter et
diffuser les informations financières, d'émettre des avis
d'orientation stratégique sur la politique de l'Etat en matière
de lutte contre le blanchiment de capitaux. Pour ce faire:
- Elle reçoit toutes les autres informations utiles a
l'accomplissement de ses missions, notamment, celles communiquées par
les autorités de contrOle ou de supervision, les assujettis et les
officiers de police judiciaire,
- Elle effectue ou fait réaliser des études sur
l'évolution des techniques spécifiques utilisées aux fins
de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme en COte d'ivoire
;
- Elle procède a l'évaluation des
déclarations recueillies et élabore des rapports
périodiques qui analysent l'évolution des techniques et des
activités de lutte antiblanchiment d'argent et financement du terrorisme
au plan national comme international;
- Elle émet des avis d'orientation stratégique
sur la politique de l'Etat en matière de lutte anti-blanchiment d'argent
et financement du terrorisme ;
- Elle participe aux exercices de typologie,
d'auto-évaluation ou d'évaluation mutuelle du pays dans le
domaine de lutte anti-blanchiment d'argent et financement du terrorisme ;
L'initiative de la mise en cuvre effective de la CENTIF-CI est
salutaire pour notre pays dont le processus de sortie de crise requiert,
incontestablement, la mise en place d'un dispositif de lutte contre la
criminalité financière. Cependant, il convient de s'interroger
sur l'état des lieux actuel de la lutte contre le blanchiment d'argent
au sein des principaux acteurs du marché économique et financier
ivoirien. C'est pourquoi nous nous sommes intéressés
également aux mesures mises en place par la KJ BANK pour lutter contre
le crime financier.
V-3-2: Cas pratique des mesures mises en place par un
établissement financier ivoirien pour lutter contre le blanchiment
d'argent: KJ BANK
La KJ BANK a élaboré une procédure
écrite qui vise a mettre en place des outils de contrOle propres a
prévenir les risques éventuels de blanchiment de capitaux,
auxquels pourrait être exposée la banque. Elle comprend sept (7)
points principaux:
0 ConnaItre son client ou encore << Know your
customer>>:
L'objectif est de mieux cerner l'activité du client et
surtout ses sources de revenus.
A cet effet, l'établissement de relations d'affaires de la
KJ BANK comporte les quatre éléments fondamentaux suivants:
- l'identification du client et, s'il y a lieu, la
détermination de l'ayant droit économique ;
- l'établissement et la signature des contrats
nécessaires a l'opération ; - l'ouverture d'un dossier contenant
les informations sur le client ;
- la classification des risques que présentent les
relations d'affaires et, le cas échéant, l'exécution des
clarifications nécessaires.
) Détection des transactions suspectes :
il s'agit d'apprécier au regard des activités
commerciales ou personnelles du client, si la transaction effectuée n'a
pas un caractère suspect ;
) Rapport quotidien : qui consiste en un
rapport journalier, en cas de transaction suspecte, dressé par le
responsable chargé de la lutte contre le blanchiment d'argent
après vérification;
O Relation avec les autorités de
régulation: cette procédure consiste a envoyer un
rapport a la Cellule Nationale de Traitement de l'Information Financière
(CENTIF) dès la survenance d'une opération qui pourrait provenir
du blanchiment de capitaux ;
O Formation du personnel: la procédure
prévoit élaborer des actions de formation, dans le cadre de la
lutte contre le blanchiment d'argent, a l'endroit de tout le personnel y
compris la direction générale;
O Révision des procédures:
selon cette disposition, la banque s'engage a réviser les
procédures existantes une fois par an selon les besoins de la banque
tout en privilégiant les instructions de la CENTIF, autorité de
régulation ;
O Archivage: il s'agit pour la KJ BANK de
tenir une archive des transactions jugées douteuses.
Toutefois, fondamentalement, la politique interne de lutte
contre le blanchiment d'argent de la KJ BANK est axée sur trois aspects
clés a savoir le processus de dépOts de la clientèle, la
surveillance des opérations suspectes et la formation interne des
membres du personnel de la banque. Ils se déclinent comme suit:
V-3-2-1: Processus de dépôts de la
clientele
Le contrOle des dépOts de la clientèle de la KJ
BANK est subordonné a la connaissance du client. Le principe est que
plus l'on dispose de base de données sur le client a l'ouverture de
son compte, mieux on peut apprécier le caractère raisonnable de
ses
opérations de dépOts par la suite. Le risque
étant, bien évidemment, la détection d'éventuels
fonds acquis frauduleusement que le client tenterait d'injecter dans le circuit
économique légal par le biais de la banque notamment.
Pour ce faire, la banque a élaboré le
KYC21. En pratique, le KYC est une
fiche signalétique d'informations sur le client personne physique ou
morale. Elle permet a la banque d'établir une relation
personnalisée avec sa clientèle afin de mieux cerner son
activité. Concrètement, elle se traduit par les informations
suivantes a fournir par les clients suivant qu'il s'agisse de personnes
physiques ou morales:
PERSONNES MORALES
|
|
PERSONNES PHYSIQUES
|
Raison sociale;
|
|
Nom et prénoms;
|
Type de société;
|
|
Adresse géographique;
|
Nom de la maison mère;
|
|
Profession et fonction;
|
Type d'activité;
|
|
Adresse professionnelle;
|
Adresse postale;
|
|
Pièce d'identité en cours de validité;
|
Numéro de registre de commerce et de crédit
mobilier;
|
|
Compte rendu d'entretien.
|
Adresse géographique;
|
|
|
Titulaire de compte dans d'autres banques, lesquelles?
|
|
|
Date de création de l'entreprise;
|
|
|
Numéro de compte contribuable;
|
|
|
Noms, prénoms, fonction, adresse
téléphonique
mandataires du compte;
|
des
|
|
Pièce d'identité en cours de validité;
|
|
|
Compte rendu d'entretien.
|
|
|
Source: nos travaux sous Audit Soft
Tableau n°1: Récapitulatif des
éléments principaux a fournir par type de client
A l'ouverture de compte, le chargé de clientèle
effectue un entretien avec le client. Il en découle un compte rendu
d'entretien joint au dossier individuel dudit client.
C'est par ailleurs pendant l'entretien que le client indiquera
la source économique des fonds a déposer, la
périodicité des versements ainsi que la nature des
opérations de retrait.
21 < Know Your Customer,, qui signifie en francais ConnaItre
Son Client,, est un ensemble d'informations a obtenir du client pour mieux
apprécier sa moralité, son activité, et ses sources
éventuelles de revenus. Il se présente généralement
sous forme de questionnaire.
THEME: La lutte contre le blanchiment d'argent dans le
système économique et financier en Afrique : analyse critique
des procédures existantes et propositions d'axes
d'améliorations. Page 31
A l'issu de cet entretien, les clients seront classés
en fonction des risques éventuels qu'ils présentent en terme de
possibilité d'accomplissement d'activités illicites de
façon volontaire ou involontaire. La méthode de classification
des risques de la KJ BANK s'articule, en outre, a partir du KYC
en deux catégories:
? Risque 1: il s'agit des comptes qui
présentent très peu de risques, en terme de conduite
d'activités proscrites ou servant de complice a des tiers pour mener des
activités illicites. Exemple: vente de produits pharmaceutiques,
etc....;
? Risque 2: il s'agit des comptes
clientèle dont le risque est estimé élevé en termes
de conduite d'activité prohibée ou d'utilisation par des tiers a
des fins d'activités de blanchiment de capitaux. Le risque sur les
clients de cette catégorie est déterminé suivant qu'il
s'agisse d'activités des agents de change, des casinos et des
sociétés commerciales d'import export jugées a risques.
Il convient aussi de signaler que la banque constitue une base
de données a l'aide des informations permanentes sur le client
(essentiellement celles du KYC) qui doivent être saisies dans le
système informatique. Les données intégrées dans le
logiciel doivent par ailleurs être validées par les chargés
de clientèle.
V-3-2-2: Surveillance des opérations
suspectes
Une transaction sera jugée douteuse ou suspecte si elle
n'est pas cohérente avec les activités commerciales ou
personnelles du client ou si elle ne correspond pas aux transactions d'un
profil connu. Toutefois, il est fixé un seuil a partir duquel un
contrOle exhaustif s'effectuera pour s'assurer du caractère légal
des fonds reçus (virement, dépOts espèce, transfert
reçu, etc....) qui est:
? Pour les personnes morales: la somme
cumulée de 20 000 000 FCFA au crédit du compte au cours
d'une journée ouvrable quelque soit le mode d'approvisionnement ;
? Pour les personnes physiques: le montant
cumulé de 5 000 000 FCFA au crédit du compte et par jour
quelque soit le mode d'approvisionnement.
Un état relevant toutes ces transactions sera mis, de
façon quotidienne, a la disposition de l'agent chargé de la lutte
contre le blanchiment de capitaux.
V-3-2-3 : Formation interne des membres du
personnel
La KJ BANK a prévu faire des actions de formation dans
le cadre de la lutte contre le blanchiment d'argent a l'endroit de tout le
personnel y compris celui de la direction générale. Ces actions
visent essentiellement deux objectifs:
1' Prévenir les risques éventuels de se servir
du personnel en terme de complicité pour enregistrer des
opérations illicites au crédit des comptes de la
clientèle, mais aussi sensibiliser les agents sur les sanctions qu'ils
encourent ;
1' Donner des indices généraux et particuliers des
transactions qui présentent des risquent particuliers de blanchiment.
La formation sera dispensée à toute nouvelle
recrue avant sa prise de fonction. En outre, il est prévu une formation
pour tout le personnel. L'évaluation des participants fera l'objet de
dossier tenu par le responsable chargé de la lutte contre le blanchiment
de capitaux. Au regard de ce qui précède, la KJ BANK semble avoir
conscience de l'importance de la lutte contre le blanchiment d'argent et s'est
engagée à mettre une politique en place en vue d'y faire face.
Cependant, dans la pratique, tous ces dispositifs mis en cuvre
pour lutter contre le blanchiment d'argent en Afrique sont-ils rigoureusement
appliqués? Par ailleurs, les organes et autres cellules de lutte
anti-blanchiment d'argent sont-elles opérationnelles?
Chapitre 6 : Evaluation et proposition d'un plan
d'actions pour l'amélioration des procédures de lutte contre le
blanchiment d'argent en Afrique
Dans ce chapitre, nous allons apporter notre contribution
à l'amélioration de la lutte contre le blanchiment d'argent en
Afrique. Pour ce faire, nous allons d'abord présenter les axes
d'amélioration des initiatives déjà prises dans ce sens
par les Etats africains, avant de proposer, ensuite, des voies de solution
pouvant permettre de redynamiser la lutte contre le trafic de l'argent "sale"
en Afrique.
VI-!: Analyse critique de la politique africaine de
lutte contre le blanchiment d'argent par rapport au niveau mondial du
fléau
L'un des constats fondamentaux en matière de lutte
contre le blanchiment d'argent en Afrique, c'est que les institutions et les
textes de lois existent dans la quasi-totalité des
Etats. Toutefois, la volonté, et surtout la mise en cuvre
effective des diligences édictées pour combattre
véritablement le fléau peinent à se concrétiser
dans les faits.
A ce niveau de notre étude, nous avons donc voulu mettre
en exergue les difficultés qui, pour nous, constitue un frein
à la mise en cuvre d'une lutte efficace contre le
blanchiment de capitaux. Nos remarques s'articulent par ailleurs
autour de quatre (4) axes principaux à savoir:
V' Le cadre d'amélioration de la lutte contre le
blanchiment d'argent
Les mécanismes de lutte contre le blanchiment d'argent au
niveau mondial sont en constante évolution. Cette situation est sans
surprise au regard de l'ingéniosité des
blanchisseurs d'argent qui s'adaptent aisément aux
évolutions technologiques pour les besoins de leurs méfaits.
La lutte devient dès lors de plus en plus complexe. Et, il
apparaIt, de ce fait, nécessaire de procéder a
des améliorations constantes en réponse aux menaces
évolutives du secteur financier.C'est pourquoi le GAFI a
créé, au niveau
international, un cadre de concertation et d'échanges
d'informations. Cette démarche
vise a mettre a jour les méthodes de lutte contre le
blanchiment d'argent de facon permanente. Pour ce faire, cet organisme
international s'est fait aidé du FMI et de la Banque Mondiale pour
sensibiliser les Etats et participer a l'orientation de leurs
politiques de lutte contre le blanchiment d'argent.
Toutefois, l'Afrique reste la région sur laquelle le
GAFI a le moins d'informations. En effet, les membres cette institution
internationale ne disposent pas de données qui permettraient de penser
que les pays africains abritent d'importants centres internationaux de
blanchiment des capitaux. Des déclarations de soupcons22 ont
certes été émises concernant des réseaux de
blanchiment d'argent en Afrique. C'est le cas des problèmes qui ont
été détectés en Afrique occidentale concernant les
opérations internationales de groupes nigérians, qui s'engagent
dans un large éventail d'activités criminelles, y compris
certains mécanismes de fraude très élaborés. Il a
été également établi que les pays d'Afrique du Nord
sont liés a des opérations de trafic de stupéfiants ayant
des ramifications en Europe occidentale, oü les produits de cette
activité circulent avant de revenir vers les pays producteurs. Certains
pays occidentaux ont enfin signalé d'importantes opérations de
blanchiment des capitaux de la drogue entre les communautés
d'émigrés africains dans les pays membres du GAFI. Mais ces
efforts restent bien insuffisants pour permettre aux institutions
internationales, telles que le GAFI, spécialisées dans la lutte
anti-blanchiment d'argent, d'agir de manière efficace dans l'orientation
des politiques préventives en Afrique.
On en arrive donc a la conclusion que le cadre
d'amélioration de la lutte contre le blanchiment de capitaux en Afrique
est lacunaire ou parfois même inexistant.
V' L'absence de formation spécialisée pour
les praticiens
Le concept de blanchiment d'argent est quasiment ignoré
de l'opinion publique africaine. A titre d'expérience personnelle,
nous avons entrepris un sondage sur un
22 Il s'agit de déclarations d'opérations
suspectes établies par toute personne physique ou morale qui, dans le
cadre de sa profession, réalise, contrôle ou conseille des
opérations entraInant des dépôts, des échanges, des
placements , des conversions ou tous autres mouvements de capitaux ou de tous
autres biens ( Cf. annexe IV pour modèle de
déclarations de soupcons en Côte d'Ivoire).
échantillon d'une vingtaine de polytechniciens de
l'INP-HB, pris au hasard, au sein des filières comptables et
financières. Le résultat de notre mini-enquête est que sur
vingt cinq (25) personnes interrogées, treize (13) avaient une vague
idée de la définition du blanchiment d'argent, huit (8) disaient
avoir entendu parler de ce phénomène sans trop savoir pourquoi on
devait le combattre, et quatre (4) ignoraient totalement de quoi il s'agissait.
Bien sftr, cet échantillon n'est pas représentatif du niveau
d'information de la nation ivoirienne, et partant de celle de l'Afrique toute
entière, quant a ce problème. Néanmoins, il nous
interpelle sur le fait qu'il existe une véritable <<
asymétrie d'information >> entre les praticiens23
africains et leurs homologues des pays étrangers.
La raison est que les cellules nationales de traitement de
l'information financière, lorsqu'elles existent au sein des Etats
africains, ne font pas ou font très peu de sensibilisation a l'endroit
des praticiens. Cela se ressent donc bien évidemment sur les
populations. Dans la mesure oü, si les praticiens ne sont pas suffisamment
formés sur les différentes évolutions du concept au plan
international, ils ne peuvent pas valablement s'occuper de la formation des
populations sur ce problème. A titre illustratif, l'un des rOles de la
Gendarmerie Royale du Canada (GRC) dans le cadre de l'initiative nationale de
lutte contre le blanchiment d'argent est de renseigner le public. A cet effet,
la GRC a élaboré un guide de prévention destiné aux
petites entreprises et aux bureaux de change du Canada. Cela a
été possible parce que les agents de la GRC ont eux-mêmes
préalablement été formés et sensibilisés aux
effets pervers du blanchiment de capitaux.
Ce genre de formation destinée a la vulgarisation du
concept n'est toutefois pas encore répandu en Afrique. Si on prend par
exemple l'Etat de COte d'Ivoire. Combien de fois avons-nous assisté a
des débats, fussent ils simplement a la radio, sur le concept de
blanchiment d'argent? Combien de journaux consacrent-il ne serait ce qu'une
page ou même leur éditorial pour parler de ce fléau?
Pourtant, au regard de ce tout ce qui a été dit dans les
précédents chapitres, le blanchiment d'argent, pour ce qui est de
l'Afrique, menace sérieusement les projets de développement et
peut avoir une incidence sur la stabilité sociopolitique des Etats. Cela
est en grande partie lié, selon nous, au fait que ces structures ne
disposent elles-mêmes pas de la plénitude des informations. En
effet, bon nombre de structures de lutte contre le blanchiment d'argent
existent au sein de nos Etats d'Afrique. Toutefois, elles ne participent que
très peu aux rencontres et autres séminaires de formation du GAFI
a leur endroit. Le résultat est d'ailleurs que le GAFI ne dispose pas
d'informations suffisantes sur la délinquance financière en
Afrique. La faute est liée a un système opaque oü les
institutions de lutte anti-blanchiment disposent de très de peu de
moyens. Elles sont limitées et ne peuvent donc pas mettre en cuvre
convenablement l'ensemble des diligences requises pour la bonne conduite de
leurs travaux. Cet état de fait est bien souvent attribué a la
situation économique des pays a
23 Les acteurs effectifs ou potentiels du marché
économique et financier
savoir Pays En voie de Développement (PED), Pays
à Revenus Moyens (PMR), Pays Pauvres Très Endettés (PPTE),
etc...
Pourtant si on considère les fonds que l'on
réussit à mobiliser en Afrique chaque année pour la lutte
contre certaines pandémies telles que le Sida, ne serait-il pas
possible, avec une réelle organisation, de parvenir à mobiliser
des ressources pour la formation de nos praticiens?
V' Faible volonté politique pour combattre le
blanchiment des capitaux, le financement du crime et la corruption en
général
Le précédent axe de réflexion sur les
défaillances du système africain de lutte contre le blanchiment
d'argent a ouvert la voie sur le point que nous abordons à
présent. En effet, le manque de moyens et de formation des cellules et
autres organismes en charge de la lutte contre le blanchiment d'argent
dénote parfois d'un manque de volonté politique pour combattre le
blanchiment de capitaux, le financement du crime et la corruption en
général.
Le constat est que les Etats africains constituent
jusqu'à ce jour des cibles privilégiées du blanchiment
d'argent du fait de leurs besoins constant en investissements
extérieurs; mais aussi en raison de la flexibilité de leur
législations juridiques et fiscales en matière de blanchiment
d'argent. D'ailleurs, la corruption endémique et le détournement
de deniers publics, ajoutés à la fraude et l'évasion
fiscale qui prévalent dans la plupart de nos Etats africains viennent
corroborer notre position. L'implication de telles actions se manifeste par un
désintérêt au plus haut niveau de décision
étatique pour les questions de blanchiment d'argent. La raison
principale de tels agissements tire son origine soit d'une
méconnaissance des impacts du blanchiment d'argent, soit dans la
recherche de profit:
· La méconnaissance des impacts du blanchiment
d'argent
Les impacts économiques internationaux du blanchiment
d'argent sont connus de par le monde. Cependant, les effets "corrosifs" sur les
Etats et les populations sont toujours méconnus ou tout simplement
négligés, en particulier au sein de nos pays africains.
· La recherche de profit
Il est avéré, que les détournements de
fonds sont monnaies courantes au sein de certains régimes des Etats
africains. En plus, le niveau de rémunération des employés
des administrations publiques et parfois même du privé, favorise
la corruption. Dans ce contexte, les pays africains pour lesquels la corruption
fait partie des <<habitudes>> populaires ont tendance à
mettre en place des institutions de façade censées lutter contre
le blanchiment d'argent alors qu'en réalité il n'en est rien. En
effet, les Etats africains qui disposent de lois contre le blanchiment d'argent
sont appréciés par les autorités de contrOles (GAFI, FMI,
BCEAO, etc...) car ils semblent à priori déterminés
à lutter contre
ce phénomène. Cette situation rend
également les bailleurs de fonds étrangers plus disposés
à investir dans de tels pays. Certains gouvernements africains ont par
conséquent tendance à élaborer des lois formelles qu'ils
n'appliquent pas effectivement. D'autres vont plus loin, en créant,
conformément aux textes de lois édictés, des structures
(CENTIF, etc...) auxquelles ils allouent des ressources tant humaines que
financières très insuffisantes pour mener à bien leur
mission. Dans ce genre de circonstance, ces pays n'ont élaboré
des lois contre le blanchiment d'argent que pour faire bonne impression
auprès des institutions internationales (Bretton Woods, etc...), mais
aussi pour rassurer les bailleurs de fonds étrangers en vue de
bénéficier, par ailleurs, des aides au développement et
autres investissements qui pourraient en découler par la suite en leur
faveur.
1' Les capacités institutionnelles
Le point qui précède permet aisément
d'introduire celui qui est développé à ce niveau. En
effet, la lutte contre le blanchiment de capitaux est plus que
nécessaire en Afrique. Chaque Etat doit donc faire preuve de vigilance
et surtout de rigueur face à ce fléau dont les acteurs sont des
adeptes de la corruption et autres malversations du même genre. De
nombreux pays africains ont donc créé des cellules nationales de
traitement de l'information financière (CENTIF) depuis quelques
années. Toutefois, les institutions mises sur pied si elles n'existent
pas seulement que de nom, ne disposent pas de tous les moyens dont elles ont
besoin pour mener à bien leurs missions respectives. Par exemple, le
Togo a initié un atelier de deux jours à Lomé, pour
réfléchir sur sa stratégie de lutte contre le blanchiment
d'argent, le 30 mars 2009. Bien sftr les autorités togolaises avait
pourtant créé il y a quelques années, l'Office central de
répression du trafic illicite des drogues et du blanchiment (OCRTIDB).
La réalisation, en 2009, de cet atelier de réflexion sur la
stratégie de lutte contre le blanchiment de capitaux au Togo, vient donc
corroborer le fait que les politiques antérieures de cet Etat
n'étaient que soit très superficielles, soit nécessitaient
un réel besoin de recadrage. Ce recadrage n'est malheureusement
intervenu qu'en 2009 alors que le fléau du blanchiment d'argent est
d'actualité depuis bien longtemps déjà. De plus, la mise
en place en janvier dernier, de la Cellule nationale de traitement des
informations financières (CENTIF) du Togo abonde dans le même sens
que notre précédent constat.
On se rend donc à l'évidence que les
capacités des institutions africaines de lutte contre le blanchiment
d'argent demeurent bien faibles.
VI-2 : Cas pratique de l'évaluation des
procédures de lutte contre le blanchiment d'argent dans un
établissement financier: la KJ BANK
Durant notre stage de fin d'étude au sein du cabinet
d'audit MAZARS COte d'Ivoire, nous avons réalisé une mission de
commissariat aux comptes, durant laquelle nous avons procédé a
l'examen des procédures de contrOle interne relatives a la lutte contre
le blanchiment d'argent dans une banque ivoirienne : la KJ BANK.
Cet examen a été effectué pour
évaluer la fiabilité du processus interne de lutte contre le
blanchiment de capitaux, dans le but de déterminer la nature,
l'étendue et le calendrier des travaux nécessaires a l'expression
de notre opinion sur les comptes annuels de la banque. Il ne met donc pas
nécessairement en évidence toutes les améliorations qu'une
étude spécifique et plus détaillée pourrait
éventuellement révéler.
Pour chaque fonction et cycle, nous avons
procédé, par entretien, a une prise de connaissance, puis une
évaluation des procédures, suivie de tests de validité et
de permanence dans l'application des procédures afin de faire ressortir
les points forts et les axes d'amélioration. Pour ce faire, nous avons
eu préalablement besoin de décliner un questionnaire (cf.
annexe II pour le modèle de questionnaire MAZARS de
revue des procedures). Ces travaux visaient a apprécier la
qualité des procédures de contrOle interne appliquées par
les services de la Banque. Les principales observations issues de nos travaux
sont présentées ci-après:
? La procedure de lutte contre le blanchiment de
capitaux devrait faire l'objet d'une validation hierarchique en vue de son
application effective
Constat
Une procédure de lutte contre le blanchiment des
capitaux a été élaborée par la Direction de l'Audit
et du ContrOle. A ce jour, elle n'a fait l'objet d'aucune validation et son
application effective n'est que partielle.
Implication
L'absence de la mise en cuvre effective d'une procédure
rigoureuse contre le blanchiment des capitaux n'est pas de nature a
prémunir la Banque des risques d'opérations frauduleuses ou
d'origine criminelle.
Recommandation
La procédure de lutte contre le blanchiment des capitaux
devrait être validée par les instances dirigeantes de la Banque en
vue d'une application complète et effective.
? Toutes les ouvertures de comptes devraient être
systématiquement validées a postériori par le
comité d'approbation prévu a cet effet
Constat
Toute ouverture de compte devrait donner lieu a la
constitution d'un dossier d'ouverture de comptes. Cependant, l'on note
l'absence de constitution de dossiers d'ouverture de compte de certains clients
ainsi que de certains agents de la KJ BANK.
Par ailleurs, certains dossiers d'ouverture de compte ne
comportent pas toutes les signatures des personnes habilitées a
autoriser l'ouverture d'un compte. Les résultats de nos contrOles
effectués sur une vingtaine de dossiers clients,
sélectionnés de facon aléatoire, se résument dans
le tableau ci-après:
N
|
CODE DOSSIER
|
EXISTENCE DU DOSSIER
|
APPROBATION KYC
|
FICHE SIGNALETIQUE KYC
|
SAISIE DES
DONNEES CLIENT
|
AUTRES DOCUMENTS
A FOURNIR
|
1
|
330 436
|
O
|
O
|
X
|
X
|
O
|
2
|
330 441
|
O
|
O
|
O
|
X
|
O
|
3
|
120 008
|
O
|
O
|
O
|
X
|
O
|
4
|
100 054
|
O
|
O
|
O
|
X
|
O
|
5
|
210 059
|
O
|
O
|
O
|
X
|
O
|
6
|
500 183
|
O
|
X
|
O
|
X
|
O
|
7
|
320 059
|
X
|
X
|
X
|
X
|
X
|
8
|
320 018
|
X
|
X
|
X
|
X
|
X
|
9
|
120 015
|
O
|
X
|
X
|
X
|
O
|
10
|
110 029
|
O
|
X
|
X
|
X
|
O
|
11
|
300 059
|
O
|
O
|
O
|
X
|
O
|
12
|
500 152
|
O
|
O
|
O
|
X
|
O
|
13
|
320 057
|
X
|
X
|
X
|
X
|
X
|
14
|
320 072
|
X
|
X
|
X
|
X
|
X
|
15
|
330 377
|
O
|
O
|
O
|
X
|
O
|
16
|
500 035
|
O
|
O
|
O
|
X
|
O
|
17
|
120 004
|
O
|
X
|
O
|
X
|
O
|
18
|
100 067
|
O
|
X
|
X
|
X
|
O
|
19
|
100 047
|
O
|
X
|
O
|
X
|
O
|
20
|
120 059
|
O
|
X
|
X
|
X
|
O
|
Légende: O=Oui, document observé; X=Non,
document non retrouvé; mention inexistante ou non conforme
Source: nos travaux sous Audit soft
Tableau n°2 : Test de permanence des mesures
sécuritaires mises en oeuvre a l'ouverture des comptes clients de la KI
BANK
Implication
Ces insuffisances pourraient induire les risques suivants:
- tentative de blanchiment de capitaux d'origine criminelle ;
- acceptation de clients non souhaités parce que ne
répondant pas aux objectifs de la banque ;
- ouverture de comptes fictifs utilisables a des fins
frauduleuses. Recommandation
Les ouvertures de comptes devraient systématiquement
donner lieu a la constitution d'un dossier d'ouverture de compte. De plus, les
signatures des personnes habilitées devraient être exhaustivement
réunies avant toute ouverture de compte. Enfin, des contrOles devraient
être mis en cuvre et matérialisés, par un supérieur
hiérarchique des agents chargés de l'ouverture des comptes, afin
de s'assurer du respect des procédures en vigueur.
? La cellule en charge de la sensibilisation du personnel
de la banque sur les dangers du blanchiment d'argent devrait être
opérationnelle
Constat
La procédure de lutte contre le blanchiment d'argent de
la KJ BANK prévoit la création et le fonctionnement d'une cellule
interne de lutte contre le blanchiment d'argent dont l'une des activités
majeures est la formation du personnel de la banque. Suite aux entretiens
réalisés lors de nos travaux, il ressort que la liste des
participants au séminaire de formation sur la lutte contre le
blanchiment d'argent n'a pas été retrouvée. De plus,
malgré le fait que le responsable de caisse ait confirmé <<
avoir été plus ou moins sensibilisé >> et que nous
ayons pu constater qu'un mail d'information a été envoyé a
tout le personnel, il s'avère que le chronogramme prévu pour la
formation n'est pas été appliqué. En outre, le
chargé de lutte contre le blanchiment d'argent a savoir le chef du
service contrOle interne, n'exerce pas pleinement ses fonctions.
Implication
Un manque de formation des praticiens en contact direct avec
les blanchisseurs de capitaux induit une non maItrise des risques
inhérents. En d'autres termes, les agents de
la banque ne sachant pas les minimas en matière de lutte
contre le blanchiment d'argent exposent sérieusement la banque a
l'entrée de l'argent "sale".
Recommandation
Il serait préférable pour la KJ BANK de mettre en
place un chronogramme précis et plus proche des contraintes
quotidiennes des services concernés par la formation afin que
celle-ci puisse être réalisée
effectivement. Par ailleurs, les organes dirigeants doivent également
bénéficier de formation sur les méfaits du blanchiment
d'argent sur leur
banque afin que leurs décisions de gestion en soient
inspirées.
VI-3 : Proposition de solutions pour
l'amélioration du dispositif de lutte contre le blanchiment d'argent en
Afrique
L'exemple de nos travaux réalisés a la KJ BANK
illustre parfaitement, a l'échelle micro économique,
l'écart qui existe réellement entre les décisions prises
dans le sens de la lutte contre le blanchiment d'argent et la pratique. A ce
niveau de notre étude, nous voulons donc faire des propositions de
solutions a une échelle plus large: celle du continent africain. De ce
fait, les axes d'amélioration que nous proposerons n'intègreront
pas l'aspect chiffré des solutions proposées. Car, en pratique,
les estimations du coüt de la mise en cuvre de ces recommandations seront
propres a chaque Etat suivant les ressources dont il dispose.
> La formation et la sensibilisation
Des programmes structurés de formation et d'assistance
technique sont indispensables a la mise en place d'institutions capables de
lutter de facon suivie contre le blanchiment des capitaux en Afrique. Les pays
africains peuvent ainsi accroItre leurs propres moyens de lutte au point de
devenir des partenaires efficaces dans la campagne anti blanchiment de la
communauté internationale. Aux Etats Unis, par exemple, il existe les
ILEA24. Les ILEA ont été organisées et sont
financées par l'Institut National de Lutte contre la
prolifération des narcotiques et l'application des lois aux USA (INL).
Ils ont pour mission de fournir des cours aux cadres moyens de la police de
divers pays. Cette formation comprend des stages sur les délits
financiers et le blanchiment. Des séminaires sur ces questions ont
également été organisés a l'intention des cadres
supérieurs de la police dans certaines ILEA. Cette formule a
donné de bons résultats en Asie, en Amérique centrale, en
Amérique du Sud, en Russie, et en Europe centrale. La première
ILEA pour l'Europe a été établie a Budapest et elle se
concentre principalement sur la formation des services de police et de justice
pénale de l'Europe centrale. Une
24 International Law Enforcement Academies en
francais Academies d'application des Lois Internationales
ILEA pour le Sud-Est asiatique a été
inaugurée en mars 1999 a Bangkok, et plus d'un millier de fonctionnaires
de 10 pays du Sud-Est asiatique ont assisté a ses cours. Une ILEA pour
l'Afrique australe a ouvert ses portes le 23 avril 2001 a Gaborone (Botswana).
L'exemple des ILEA est très évocateur des possibilités
dont disposent les Etats africains pour participer, voire même
élaborer, eux-mêmes, des plans de formation pertinents en
direction des différents acteurs de leurs secteurs financiers
respectifs. D'ailleurs, le Botswana, par son rapprochement a l'INL pour se
doter d'une ILEA depuis 2001, nous montre la voie a suivre.
A ce titre, nous pouvons proposer une méthode simple
permettant de détecter qu'une action pourrait relever du blanchiment
d'argent, même sans avoir préalablement reçu une formation
sur ce concept. Elle se résume en cinq (5) questions clés a
savoir:
1. Est-ce que je connais bien ce client?
2. Est-ce que je comprends parfaitement l'opération que
le client désire effectuer?
3. Suis-je réticent a faire cette opération?
4. L'opération est-elle justifiable compte tenu du profil
du client?
5. S'agit-il d'une méthode courante d'effectuer ce genre
d'opérations?
Selon nous, sensibiliser l'opinion générale
africaine, et surtout les praticiens (banquiers, courtiers en assurance,
employés de casinos, etc...), a répondre a ces cinq questions
essentielles avant d'entamer toutes transactions financières avec un
client serait un grand pas vers la vulgarisation totale du concept de
blanchiment d'argent sur le continent africain. Pour ce faire, les pays
pourraient utiliser leurs médias (radiodiffusion,
télévision, etc...) mais aussi la publicité (panneaux,
pancartes ou simples affiches selon les moyens) pour que chaque citoyen se
sente directement concerné par ce phénomène, qui, faut-il
le rappeler, est en constante évolution.
> La volonté institutionnelle et
politique
De plus en plus de << citoyens du monde >>
refusent la perspective de vivre sur une planète oü nombre
d'activités humaines seraient, directement ou indirectement, sous
l'influence d'organisations criminelles transnationales disposant de
capacités économiques et financières quasiment
illimitées. Certaines des plus hautes autorités spirituelles se
sont, d'ailleurs, inquiétées de la gravité de la menace.
Le Pape Jean Paul II s'est exprimé a diverses reprises sur ce
thème; ainsi, dans l'exhortation apostolique rendue publique lors de sa
visite au Mexique en janvier 1999, il a solennellement appelé les
Eglises du continent américain a se mobiliser contre les <<
recyclages d'argent >>. Chaque pays doit donc veiller a ce que ses
services de police et ses autorités de réglementation ainsi que
son appareil judiciaire communiquent entre eux, échangent les
renseignements les plus importants et coordonnent leurs activités.
Toutefois, il faudra encore attendre pour être slir que
l'expression de la volonté politique ne se résumera pas a la
présentation de << catalogues >> successifs de bonnes
intentions. Il apparaIt, en effet, que le contexte général soit
plutOt favorable au développement du recyclage de l'argent de provenance
plus ou moins douteuse, en particulier d'origine criminelle .Dans le même
temps, les efforts de lutte demeurent très dispersés, tant sur le
plan international que national. Car, même a l'échelle de
l'Europe, « Pourquoi voulez-vous que les dirigeants de cette Europe
politique mettent de la bonne volonté a supprimer ces réseaux
d'argent sale dont ils se sont servis pour asseoir leur pouvoir? [...J. Ils se
protègent; malheureusement, en se protégeant, ils
protègent beaucoup d'autres choses. Lorsque vous entravez la
coopération des juges en matière de corruption, vous l'entravez
en tous domaines; vous l'entravez sur les trafics de drogue, le
proxénétisme, la mafia [...J »25.
Compte tenu de tous ces éléments, la lutte
contre le blanchiment d'argent ne semble guère pouvoir se
dérouler dans des conditions satisfaisantes. Les enjeux politiques,
sociaux, économiques et financiers sont pourtant essentiels. Les
autorités politiques, nationales et internationales devraient, de ce
fait, tout mettre en cuvre pour prévenir l'apparition de
déséquilibres irrémédiables.
> Le soutien des institutions du secteur privé
et informel
S'il est vrai que la lutte contre le blanchiment de capitaux
doit être élaborée et conduite de facon rigoureuse par
chaque Etat, il n'en demeure pas moins que cette tâche ne relève
pas uniquement du seul service public.
En effet, les entreprises du secteur privé et informel
peuvent faire l'objet de tentatives de
blanchiment d'argent. Car, ces dernières font
généralement preuve d' <<ignorance volontaire
>>26. En guise d'exemple d'<<ignorance
volontaire>>, considérons un concessionnaire d'automobiles qui
fait affaire avec un client intéressé a acheter une
voiture d'une valeur de 10 millions de FCFA. Le client, qui
désire payer comptant, sort d'un sac de sport la somme exacte en
coupures de 10 000 FCFA et de 5 000 FCFA. Ce mode de paiement est fort
inhabituel. Il devrait donc éveiller immédiatement les
soupcons du vendeur. Et, dans pareil cas, ce dernier a le
devoir de demander des
explications. Toutefois, notre concessionnaire n'en fait rien,
par crainte de compromettre une vente rapide et de perdre une commission
alléchante. Or, les personnes qui ferment
les yeux sur les indicateurs clés du blanchiment
d'argent, risquent, par leur "ignorance volontaire", d'être
directement impliquées dans les trafics des blanchisseurs d'argent.
25 Propos cités dans D. Robert, La Justice ou le
chaos, Stock, 1996, p. 47.
26 Font preuve d'ignorance volontaire les personnes qui, pour
éviter de faire face a la réalité, négligent en
toute connaissance de cause de prendre les mesures qui s'imposent dans une
situation oü il y a matière a enquête.
Source : Le blanchiment d'argent-guide de prevention,
Gendarmerie Royale du Canada, 2006
Par conséquent, si l'acheteur du véhicule se trouve
être impliqué dans une affaire de blanchiment d'argent, le
concessionnaire peut être incriminé pour complicité.
Il est nécessaire d'obtenir des chefs d'entreprise du
secteur privé et informel,
principalement dans le secteur des services financiers
(institutions de micro finance, coopératives d'épargne et de
crédit, etc...), qu'ils soutiennent les initiatives des pouvoirs
publics contre le blanchiment d'argent et la délinquance
financière. Cela pourrait se faire par des ateliers de formation
à leur endroit. La COte d'Ivoire semble avoir commencé
à
exploiter cette piste. En effet, un atelier de sensibilisation
des entreprises et professions
financières sur l'importance de la lutte contre le
blanchiment d'argent et le financement du terrorisme s'est tenu à
Abidjan du 17 au 19 juin 2009. Il s'est agit de trois jours de travaux en
atelier dont le thème était `'Impact du secteur informel sur
la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme dans la
zone UEMOA». L'objectif de cet
atelier était donc clairement de convaincre les acteurs
non professionnels à s'impliquer davantage dans le processus de la
lutte contre le blanchiment d'argent et le financement
du terrorisme, qui sont deux fléaux qui menacent de nos
jours les systèmes économiques nationaux.
De telles initiatives sont à encourager et à
perpétuer. Ainsi, chaque Etat africain, à commencer par la
COte d'Ivoire, pourrait s'approprier ce genre d'atelier et les réaliser
au
moins une fois par an à l'endroit des différentes
entreprises du secteur privé et informel. Le but est qu'à
terme, ces entreprises, soient sensibilisées sur les dangers
qu'elles encourent relativement au blanchiment d'argent et sur les effets
qu'une négligence de ce
phénomène de leur part peut engendrer pour les
économies des pays oü elles résident.
De sorte que, les entreprises du secteur privé et
informel puissent repousser leurs instincts du <<profit à tout
prix>> pour faire bloc contre les éventuelles tentatives de
blanchiment d'argent auxquelles elles pourraient être
confrontées. > La cooperation internationale
Le constat est que, malheureusement, le continent africain
demeure l'une des zones pour lesquelles le GAFI dispose de moins d'informations
possible.
Peut-être parce que le GAFI a fait cuvre de pionnier en
la matière, on a constaté ces cinq dernières années
qu'un certain nombre d'organismes internationaux s'intéressent de plus
près au blanchiment de capitaux. Néanmoins, pour que la campagne
menée contre la menace de blanchiment de capitaux soit cohérente
et efficace, il faut coordonner les activités de tous ces organismes et
faire en sorte que chacun joue un rOle clairement défini. Car, il est
indéniable que les mesures anti-blanchiment contraignent souvent les
blanchisseurs de capitaux à se déplacer vers des secteurs de
l'économie mal armés pour
traiter ce problème. Dans ces cas, il faut que le
dispositif national soit suffisamment souple pour étendre les
contre-mesures à de nouveaux domaines de l'économie du pays. En
outre, il faut que les gouvernements nationaux travaillent avec d'autres
juridictions pour faire en sorte que les blanchisseurs ne puissent plus se
contenter de déplacer leurs activités vers des lieux oü l'on
tolère le blanchiment de capitaux. Les institutions africaines disposent
déjà d'un statut d'observateur du GAFI. C'est déjà
un bon début. Néanmoins, la coopération doit être
encore plus étroite.
Il appartient donc à chacune des structures mises en
place en Afrique de communiquer régulièrement avec le GAFI sur
les résultats de leurs enquêtes ou éventuellement sur les
difficultés qu'elles rencontrent dans la mise en cuvre de leurs
diligences. En d'autres termes, les pays devraient participer activement
à toutes les réunions internationales et régionales pour
accroItre leurs connaissances sur le blanchiment d'argent et leur
coopération dans ce domaine.
Notre troisième partie nous a permis de donner un
aperçu général du niveau de la lutte contre le blanchiment
d'argent en Afrique. C'est dans cette optique, par ailleurs, que nous nous
sommes intéressés au cas particulier d'une banque ivoirienne au
sein de laquelle nous avons eu à effectuer une mission de revue des
procédures internes de lutte contre le blanchiment de capitaux. A
l'issue de nos travaux, il ressort que l'Afrique peine à démarrer
véritablement une lutte efficace contre la délinquance
financière. Nous avons donc proposé quelques solutions
susceptibles d'aider à l'amélioration de la situation actuelle.
Elles se résument d'abord à une sensibilisation de l'opinion
générale africaine par l'intermédiaire notamment de
formations pour les praticiens, ensuite à la mobilisation des secteurs
publics et privés, et enfin à une collaboration étroite
entre les Etats pour la lutte contre le blanchiment d'argent.
CONCLUSION GENERALE
Au terme de notre étude, au cours de laquelle notre
expérience s'est fortement enrichie dans le domaine de la lutte contre
le blanchiment d'argent, il nous a été donné
l'opportunité de confronter nos acquis théoriques en audit
financier aux réalités économiques du monde de
l'entreprise.
Nos travaux réalisés au cours de la mission de
revue des procédures internes de lutte contre le blanchiment d'argent de
la KJ BANK, dans le cadre de notre stage de fin de cycle, ont par ailleurs
décelés des anomalies et autres axes d'amélioration qui
ont conduit a des recommandations. Nous avons donc pu cerner la notion de
blanchiment d'argent et les menaces qu'elle présentait pour
l'établissement financier audité. Cette mission nous a,
dès lors, interpellés sur les méfaits qu'un tel
phénomène pourrait avoir sur le système économique
et financier en Afrique.
C'est fort de cette expérience, que nous avons
étendu notre champ d'étude aux organismes et méthodes de
lutte contre le blanchiment de capitaux au plan international. L'idée
étant de nous intéresser au niveau actuel de la lutte au plan
mondial pour mieux cerner le travail restant a effectuer en Afrique.
C'est ce qui nous a amené a dresser, d'une part, une
approche notionnelle du concept de blanchiment d'argent et des principales
techniques utilisées par les blanchisseurs d'argent. D'autre part, nous
avons présenté la raison de la lutte contre le blanchiment
d'argent au plan international en nous axant particulièrement sur les
impacts économiques et sociaux de ce fléau. En définitive,
nous avons montré la nécessité de la lutte en Afrique
ainsi que les structures et dispositifs existants.
Notre démarche nous a conduits a l'évidence
qu'aujourd'hui, aucun pays ne peut affirmer être totalement a l'abri du
blanchiment de capitaux. Il faut donc sans cesse passer au crible, de
manière équitable et objective, les dispositifs nationaux de
lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Le crime
organisé a donc atteint une proportion telle qu'il devient plus que
nécessaire d'y faire face de facon rigoureuse.
Or, les institutions africaines de lutte contre le blanchiment
d'argent existent mais ne fonctionnent pas encore de facon optimale. A titre
illustratif, nos diligences mises en cuvre au sein de la KJ BANK ont permis
d'établir que des dispositifs et méthodes, inspirés des
standards internationaux, existaient. Toutefois, ces verrous de
sécurité contre le blanchiment d'argent n'étaient pas
appliqués de facon effective. De plus, le personnel de la banque n'avait
pas encore pu bénéficier du plan de formation prévu par la
cellule de lutte anti-blanchiment d'argent de la banque, qui elle-même
n'existait que de nom. Il s'en est donc suivi des faiblesses de divers ordres
identifiées au niveau du processus d'ouverture de compte. Ainsi, on
assistait a des ouvertures de compte pour
des clients dont l'origine des fonds était
méconnue des gestionnaires de comptes. Toute chose qui rend la banque
encore plus vulnérable au blanchiment d'argent, et dans une certaine
mesure, tout le système économique et financier. Nous sommes donc
arrivés a la conclusion selon laquelle la lutte contre le blanchiment de
capitaux ne pourra connaItre un véritable essor en Afrique que par la
mobilisation a tous les échelons et surtout une réelle
volonté de combattre ce phénomène.
A cet effet, nous proposons avant tout une sensibilisation de
l'opinion générale africaine. Cela, par l'organisation de
séminaires de formation et autres émissions ou colloques
médiatisés pour informer les africains de ce qu'est le
blanchiment d'argent, ainsi que des dangers que ce fléau fait planer sur
la stabilité de nos économies et même les mcurs de notre
société. Ensuite, les instances décisionnelles des Etats
africains devraient également s'impliquer encore plus dans la lutte
contre le blanchiment d'argent en prenant en considération les menaces
de la délinquance financière pour la crédibilité et
parfois même la survie de leurs régimes. A ce propos, d'ailleurs,
nous sommes convaincus que la situation économique des pays ne doit pas
constituer un frein aux moyens a allouer aux cellules en charge de la lutte
contre le blanchiment de capitaux. Cette position se base sur les fonds que la
lutte contre les pandémies, telles que le SIDA, réussit
régulièrement a obtenir, simplement par une bonne communication
auprès des bailleurs de fonds sur les implications de ce fléau
pour le continent africain. Dans cette optique, alors, il est certain qu'avec
une bonne politique de communication auprès des investisseurs et surtout
l'implication réelle et volontaire des Etats africains, la lutte contre
le blanchiment d'argent pourrait connaItre une avancée notable en
Afrique. Toutefois, cette mobilisation ne doit pas seulement être du
ressort des politiques et du secteur public mais les acteurs du secteur
privé doivent également se sentir concernés et s'impliquer
considérablement aux cOtés de leurs institutions
étatiques. En définitive, nous proposons une plus large
coopération internationale entre les Etats. Cela passe avant tout par le
rapprochement des différentes cellules et organismes existants au sein
de chaque continent autour du GAFI, l'institution mondiale. Car, le blanchiment
d'argent, de par son essence même est mondial. C'est a cette seule
condition que nous pourrons réagir de facon efficace, et surtout a
temps, aux différentes tentatives des délinquants financiers.
L'étude que nous avons réalisée constitue
notre modeste contribution a la lutte contre le blanchiment d'argent en
Afrique. Néanmoins, nous espérons que cette analyse contribuera a
la fois a l'éveil des consciences et a la sensibilisation des pays
africains sur l'ampleur de ce phénomène. Nous sommes d'ailleurs
disposés a prêter main forte aux éventuels ateliers de
réflexions que nos travaux pourraient inspirer en vue de la mise en
cuvre pratique de nos axes d'amélioration. Car, n'est-il pas
indéniable qu'une lutte efficace contre le blanchiment d'argent a
l'échelle du système économique et financier de la COte
d'Ivoire pourrait avoir un impact positif sur les efforts consentis en Afrique
et dans le monde?
BIBLIOGRAPHIE
OUVRAGES LITTERAIRES ET DIRECTIVES
Vincent Peillon et Arnaud Montebourg ; c
Délinquance financière et blanchiment des capitaux
>>, Mission d'information commune sur les obstacles au contrOle
et a la répression de la délinquance financière et du
blanchiment des capitaux en Europe, Assemblée nationale de la
République francaise, 10 octobre 2001 ;
Paul Bauer et Rhoda Ullmann, "La lutte contre le
blanchiment des capitaux, Perspectives économiques",
Département d'Etat des Etats-Unis, vol. 6, no 2, mai 2001;
Philippe Broyer, "Le blanchiment de l'argent. Nouveaux
enjeux internationaux", Etudes 2002/5, Tome 396, p. 611-621.
Banque Centrale de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO),
Instruction n°01/2007/RB du 2 JUILLET 2007 relative a la lutte contre
le blanchiment de capitaux au sein des organismes financiers, 10 pages,
juillet 2007 ;
Union Monétaire Ouest Africaine (UMOA),
Règlement n° 14/2002/CM/UEMOA relatif au gel des fonds et autres
ressources financières dans le cadre de la lutte contre le financement
du terrorisme dans les Etats membres de l'Union Economique et Monétaire
Ouest Africaine (UEMOA), Recueil des
textes légaux et réglementaires régissant
l'activité bancaire et financière dans l'UMOA, pages 398 a 399,
2003.
FORMATIONS ET DOCUMENTATION MAZARS
Manuel Electronique des Normes MAZARS (Documentation de
l'organisation MAZARS en ligne); Techniques et méthodologie d'audit
pour Assistants débutants (Formation MAZARS Paris, septembre
2008);
PERIODIQUES
Journal officiel de la République de Côte
d'Ivoire, parution n°52 du 29/12/2005;
Rapport du GAFI sur les typologies du blanchiment de
l'argent, parution n° 7 du 28/06/96;
LEXIQUE
La CENTIF: la Cellule Nationale de Traitement
des Informations Financières. Elle a pour mission d'analyser, de
traiter, d'exploiter et de diffuser les informations financières
transmises par les personnes physiques et morales sous la forme de
déclaration de soupcon. La CENTIF-CI est la cellule de renseignements
financiers (CRF) de la COte d'Ivoire. Placée sous la tutelle du
Ministère de l'Economie et des Finances, elle a été
instituée par le décret N° 2006-261 du 09 aoüt
2006 portant création, organisation et fonctionnement de la
CENTIF-CI.
L'argent sale: quand il est illégalement
acquit cet argent est souvent issu de trafic d'armes de drogue ou d'autres
activités mafieuses.
Le blanchiment de capitaux: c'est un
processus par lequel l'on dissimule la provenance des capitaux acquis de
manière illégale afin de les réinvestir dans les
activités parfaitement légales.
Le crime organisé: le crime
organisé est une structure assez stable (donc se distinguant d'une
bande) de plusieurs personnes respectant les ordres d'un chef ou d'un
comité de direction pour faire des profits illicites par des
méthodes et des domaines prohibés. Ils sont des ennemis de l'Etat
qui le plus souvent dispose d'une législation inversant le fardeau de la
preuve. Interpol coordonne cette répression au niveau international.
Le Crime financier: le crime commis dans le but
d'en retirer de l'argent.
Le Groupe d'action financière sur le
blanchiment de capitaux (GAFI): organisme intergouvernemental
créé au Sommet du G-7 en 1989 dont le but est d'élaborer
et de promouvoir des politiques nationales et internationales visant a lutter
contre le blanchiment de capitaux. Lors d'une assemblée
plénière spéciale tenue en octobre 2001, le mandat du GAFI
a été élargi pour englober la lutte contre le financement
des activités terroristes.
Les quarante (40) recommandations: ensemble
complet de contre-mesures couvrant le système de justice pénale
et l'application des lois, le système financier et sa
réglementation ainsi que la coopération internationale.
TABLE DES ANNEXES
ANNEXE I: Schema de synthèse du processus de
blanchiment d'argent
ANNEXE II: Questionnaire MAZARS de revue des procedures de lutte
contre le blanchiment d'argent dans les Banques et Etablissements Financiers
(BEF)
ANNEXE III: Liste indicative des paradis fiscaux
ANNEXE IV: Modèle de fiche de declaration de soupcons a
adresser a la CENTIF-CI
ANNEXE V: Instructions de la BCEAO relatives a la lutte contre le
blanchiment d'argent dans les BEF.
ANNEXE I:
Schema de synthèse du processus de blanchiment
d'argent
51
Transformation de monnaie fiduciaire douteuse
en monnaie fiduciaire plus propre
PRELAVAGE
Monnaie fiduciaire
Passeurs Recettes fictives Achat de jetons Recettes fictives
Passeurs
Intermédiaire Sociétés Casinos,
champs de Petites entreprises Places de
Complaisant hôtelières ou de courses
familiales débarquement dans
(Avocats, agents de spectacles les paradis
fiscaux change)
Dépôts Recettes fictives Gains fictifs
Recettes fictives Dépôts
Compte ouvert dans une banque complaisante
anonymes
LAVAGE
Transformation de monnaie fiduciaire en monnaie
scripturale
Monnaie Scripturale
Virements électroniques
Sociétés financières complaisantes
Société fictive dans un paradis fiscal
Compte ouvert dans une société respectable
Règlement d'une facture Prêt adossé
fictive
Utilisation de l'argent de facon profitable et
respectable
RECYCLAGE
Placements immobiliers
|
|
Achats de bon de Trésor
|
|
Placements financiers et industriels
|
|
|
|
|
Schéma synthétique du processus
général de blanchiment d'argent
52
THEME: La lutte contre le blanchiment d'argent dans le
système économique et financier en Afrique : analyse critique Des
procédures existantes et propositions d'axes d'améliorations.
ANNEXE II: Questionnaire MAZARS de revue des
procedures de lutte contre le blanchiment d'argent dans les BEF
53
A. Identification de la clientele
Textes
|
Rêglement
|
Dispositif mis en place par la banque pour le
respect de la rêgle
|
Points faibles
|
Recommandations
|
|
Article 7
|
|
|
|
|
Identité du client:
|
|
|
|
|
"avant d'ouvrir un compte ou d'établir toute relation
d'affaires, les
organismes financiers doivent s'assurer de l'identité
et de l'adresse de leurs clients "
|
|
|
|
|
Pour les Personnes physiques: carte d'identité
nationale avec photographie ou tout autre document original en tenant lieu. Il
est important d'en garder une copie.
|
|
|
|
|
Si c'est un commerçant : rajouter les pièces
attestant l'immatriculation au
|
|
|
|
|
RCCM.
|
|
|
|
Directive
|
|
|
|
|
N°07/2002/
|
|
|
|
|
CM/UEMO
|
Pour les Personnes morales: extrait
|
|
|
|
A
|
du RCCM attestant la forme
juridique, le siège social; document présentant
les pouvoirs des personnes agissant en son nom
|
|
|
|
|
Article 8
|
|
|
|
|
Client occasionnel :
|
|
|
|
|
Obligation de faire les mêmes
contrôles que pour les clients
permanents pour toute opération portant sur une somme
en espèce = ou
|
|
|
|
|
> a 5.000.000 FCFA
|
|
|
|
|
Il en est de même lorsque les
opérations effectuées sont
répétées et d'un montant individuel inférieur a ce
seuil
|
|
|
|
54
THEME: La lutte contre le blanchiment d'argent dans le
système économique et financier en Afrique : analyse critique des
procédures existantes et propositions d'axes d'améliorations.
A. Identification de la clientele
Textes
|
Règlement
|
Dispositif mis en place par la banque pour le
respect de la règle
|
Points faibles
|
Recommandations
|
Directive N°07/2002/C M/UEMOA
|
Article 9
|
|
|
|
Ayant droit économique
|
Au cas oI le client n'agit pas pour son propre compte, il faut
par tout moyen obtenir des informations sur l'identité de la personne
pour le compte de laquelle l'intermédiaire agit.
|
B. Identification des operations
inhabituelles
|
Article 10
|
|
|
|
|
Opérations a surveiller
|
|
|
|
|
Paiement en espèces ou par titre au porteur d'une
somme d'argent pour un montant unitaire ou total égal ou
supérieur a
|
|
|
|
Directive
|
|
|
|
|
|
50.000.000FCFA
|
|
|
|
N°07/2002/C
|
|
|
|
|
M/UEMOA
|
|
|
|
|
|
Toute opération portant sur une somme supérieure ou
égale a
|
|
|
|
|
10.000.000FCFA et réalisée dans des conditions
inhabituelles de complexité et/ou ne paraissant pas avoir de
justification économique ou d'objet licite
|
|
|
|
C. Conservation des pièces et documents par les
organismes financiers
|
Article 11
|
|
|
Conservation des documents justificatifs
|
Directive
|
|
|
|
N°07/20
|
Les documents sur l'identité des clients et les
|
|
|
02/CM/
|
justificatifs des opérations doivent être
|
|
|
UEMOA
|
conservés pendant 10 ans.
|
|
|
55
THEME: La lutte contre le blanchiment d'argent dans le
système économique et financier en Afrique : analyse critique des
procédures existantes et propositions d'axes d'améliorations.
D. Programmes internes de lutte contre le blanchiment de
capitaux
Textes
|
Rêglement
|
Dispositif mis en place par la
banque pour le respect de la rêgle
|
Points faibles
|
Recommandations
|
Directive N°07/2002/CM/ UEMOA
|
Article 13
|
|
|
|
L'établissement doit adopter des règles
écrites
internes définissant les procédures
destinées a mettre en oeuvre les dispositions de la loi.
Existence d'une procédure écrite de
prévention du
|
blanchiment des capitaux
|
Centralisation des informations sur les
clients
|
Détection et traitement des transactions
suspectes
|
Formation continue du personnel
|
Mise en place d'un dispositif de contrôle interne
de
|
l'application et de l'efficacité des mesures
adoptées
|
dans le cadre de la directive
|
|
E. Détection du blanchiment des
capitaux
|
Article 26
|
|
|
|
Déclaration des opérations
suspectes
|
Directive
|
|
|
|
|
N°07/200
|
Les opérations pour lesquelles une présomption ou
une
|
|
|
|
2/CM/UE
|
certitude de blanchiment est connue doivent être
déclarées a
|
|
|
|
MOA
|
la CENTIF (a défaut a la BCEAO et au Ministère
des
|
|
|
|
|
Finances).
|
|
|
|
|
Les déclarations doivent être confidentielles et
ne peuvent être communiquées au propriétaire des sommes ou
a l'auteur des opérations.
|
|
|
|
56
THEME: La lutte contre le blanchiment d'argent dans le
système économique et financier en Afrique : analyse critique des
procédures existantes et propositions d'axes d'améliorations.
ANNEXE III:
Liste indicative des paradis fiscaux
57
A l'issue du sommet du G20 qui s'est tenu à Londres le
02 Avril 2009, les dirigeants des 20 plus grandes économies de la
planète se sont engagés à prendre des sanctions contre les
paradis fiscaux qui ne sont pas en conformité avec les règles
mondiales en matière d'échanges d'informations fiscales. A cet
effet, l'Organisation de Coopération pour le Développement
Economique (OCDE) a établi, à la demande du G20, 3 listes de
paradis fiscaux selon le degré de conformité avec les standards
internationaux. Il s'agit de :
1. La liste blanche : il s'agit des Etats ou
territoires qui ont mis en cuvre des standards internationaux en signant au
moins 12 accords conformes à ces standards. Ce sont :
Argentine, Australie, Barbades, Canada, Chine(*), Chypre,
République tchèque, Danemark, Finlande, France, Allemagne,
Grèce, Guernesey, Hongrie, Islande, Irlande ile de mans Italie, Japon,
Jersey, Corée, Malte, ile Maurice, Mexique, Hollande, Nouvelle
Zélande, Norvège, Pologne Portugal, Russie, les Seychelles, la
Slovaquie, Afrique du sud, l'Espagne, la Suède, la Turquie, les Emirats
arabes unis, royaume uni, Etats-Unis, les iles Vierge
2. La liste grise : ce sont les Etats ou
territoires qui se sont engagés à respecter les standards
internationaux mais ont à ce jour signés moins de 12 accords. A
ce niveau on distingue :
- La liste grise foncee (paradis
fiscaux déjà identifiés en 2000 par l'OCDE) : Andorre,
Anguilla Antigua, Barabade, Aruba, Bahamas, Bahrein, Belize, les Bermudes, les
iles vierges anglaises, les iles Cayman, les iles Cook, la Dominique,
Gibraltar, Grenade, Liberia, le Liechtenstein, les Iles marshall, Monaco,
Montserrat, Nauru, les Antilles néérlandaises, Niue, Panama, St
Kitts and Nevis, Sainte Lucie, Saint Vincent et Grenadine, Samoa, San Marin,
les iles Turks and Caicos, Vanuatu, Costa Rica, Malaisie (Labuan), Philippines,
Uruguay;
- La liste grise claire (autres
centres financiers) : Autriche, Belgique, Brunei, Chili, Guatemala, Luxembourg,
Singapour, Suisse;
3. Liste noire (Etats ou territoires qui ne
se sont pas engagés à respecter les standards internationaux) :
le Costa Rica, la Malaisie (Labuan), Les Philippines et l'Uruguay ont
été retirés de la liste noire le mardi 07 Avril 2009 pour
avoir promis à l'OCDE qu'ils se conformeraient à ses
critères d'échange d'informations en matière fiscale. Ils
ont été aussitOt placés sur la liste grise foncée.
Il n'y a de ce fait plus aucun pays sur la liste noire de l'OCDE.
(*) Macao et Hong Kong territoires chinois, ont pris
l'engagement en 2009 de se conformer aux standards internationaux, en
conséquence ces deux territoires ne sont plus mentionnés dans la
liste grise.
58
THEME: La lutte contre le blanchiment d'argent dans le
système économique et financier en Afrique : analyse critique des
procédures existantes et propositions d'axes d'améliorations.
ANNEXE IV:
Modèle de fiche de declaration de
soupçons a adresser a la CENTIF-CI
59
60
61
THEME: La lutte contre le blanchiment d'argent dans le
système économique et financier en Afrique : analyse critique des
procédures existantes et propositions d'axes d'améliorations.
62
ANNEXE V: Instructions de la BCEAO relatives a
la lutte contre le blanchiment d'argent dans les BEF
63
64
65
66
67
68
69
70
71
72
73
|