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L'expression de la Liberté dans « sous le jasmin la nuit » de Maà¯ssa Bey

( Télécharger le fichier original )
par Abdelkader Belkhiter
Université de Saà¯da Algérie - Magister 2009
  

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Une affirmation

A partir des années 85, les témoignages et les récits de vie deviennent plus intensifs. Ceci se remarque sur l'ensemble de la littérature algérienne d'expression française. On veut alors parler en toute liberté, plaider sa propre cause, sortir du silence. Aussi, l'une des caractéristiques de l'écriture féminine d'expression française au Maghreb est de raconter et se raconter tout en recourant à la mémoire qui remonte jusqu'à l'enfance, il s'agit de récits autobiographiques. Un thème précis et particulièrement douloureux, mais glorieux aussi, pour les romancières algériennes est celui de l'histoire immédiate : c'est-à-dire les souvenirs de la guerre l'indépendance à laquelle les femmes ont pris part. Ce thème de la guerre tient une part importante dans les romans algériens Maïssa Bey, comme d'autres, poursuit inlassablement sa quête identitaire et nous emmène, une fois de plus, à la découverte d'une Algérie omniprésente. Dès sa tendre enfance, elle était en quête de ses origines ; cette recherche de l'identité la plus profonde.

Dans un récit autobiographique « C'est quoi un arabe ? », Maïssa décrit tout ce qui peut constituer son être, son rapport au monde, ses relations avec les autres, sa singularité. C'est un récit autobiographique du moment qu'il parle d'un flash back durant la colonisation française. Une période qui a tant marquée son enfance : Elle évoque ses souvenirs et parle de son père ; un instituteur, qui a été torturé et tué par l'armée française : « Des militaires français accompagnés d'un homme ... Ils sont pénétrés chez eux au milieu de la nuit » P. 145

« ... puis ils sont partis, emmenant son père». P 145

Avec un mélange de fiction et de souvenirs personnels, Maïssa bey écrit ce récit avec le désir de revenir sur les chemins de son enfance et plus loin encore. Revisiter le passé pour éclairer ou tenter d'éclairer le présent : « Enfance. Je plonge mes mains dans l'informe.je cherche. Sable mouvants, tièdes. Je m'enfonce». P.135

Le personnage central est une jeune fille qui tente de reconstituer les fragments épars de sa personnalité. Elle perçoit dans l'ordonnance de son monde des incohérences : Que veut dire « arabe » ? Et pourquoi l'autre perçoit cet être comme

différent même si ce dernier parle et/ou peut parler la même langue ?

« Mais alors, les arabes peuvent aussi parler français ? Parler une langue. La faire sienne sans toutefois perdre de vue qu'elle ne nous appartient pas». P.138

Des questions et d'autres que la narratrice n'a guère trouver de réponses même chez les adultes qu'elle suppose connaitre tout : « ... seuls les adultes peuvent répondre aux questions. Néanmoins, je n'ai pas la réponse». P.135

Elle cherche la réponse dans les yeux de son grand père, et dans tout ce qui l'entoure mais vainement. A l'école, cette petite fille a appris beaucoup de choses, a découvert des mondes si vastes.

Inconsciemment, l'écrivaine ne veut évoquer ce souvenir, celui où des militaires ont conduit avec eux son père. Elle tente de se rappeler seulement des bons moments qui ont précédés ce drame. Elle songe à la liberté donnée par cet immense espace (son village).

« D'où vient, si intense, cette impression de liberté? Sans doute des espaces nus et déserts, au-delà des champs de blé à perte vue. L'écho des cris d'enfants répercutés loin, très loin. Epis arrachés, encore verts, gout des grains de blé encore tendres ». P.139

Mais vint le moment où toute protection, toute liberté disparaissent à jamais. L'écrivaine revient sur les traces de l'histoire. Il lui a fallu, certainement, faire des recherches pour ne pas trahir le réel, du moins sur le plan de la chronologie des faits historiques évoqués : « Janvier 1957, Enfin un point d'ancrage. Un repère sûr. Quoi de plus solide qu'une date pour étayer des souvenirs ? Certifiées conforme par les livres d'histoire» P.141

Suite à une grève générale décrétée par le FLN (Front de Libération National), son père fut arrêté et condamné parce qu'il combattait pour sa liberté, sa dignité. Il refuse d'être humilié : « Sous le même soleil des hommes se font la guerre. Lui et les siens se battent pour ne plus être humiliés. Pour avoir le droit d'être libre sur une terre qui leur appartient» P.143

Dans ce récit, Maïssa Bey ne donne pas seulement des précisions sur le temps de l'action, mais dénote aussi un autre aspect: celui du respect qui règne entre les membres de la famille. Cette cellule familiale, qui est souvent considérée comme l'espace fondamental et la pierre angulaire de toute société.

« Cela ne correspond pas à ce que je sais aujourd'hui des traditions en vigueur dans notre famille. Impossible. Les pères en ce temps-là ne pouvaient voir leur femme ou leurs enfants en présence de leur propre père. Par pudeur. Par respect » P.137

Cette nouvelle ne s'apparente pas immédiatement à une écriture autobiographique puisqu'elle est écrite à la troisième personne mais les glissements fréquents de la troisième « elle » témoin, à la première personne « je » acteur peuvent nourrir une réflexion sur la définition du genre. La focalisation interne est un choix d'écriture qui a du sens et construit du sens. La proximité du personnage de la femme et de l'auteur est renforcée par ce choix. Ce passage de l'un à l'autre est constitutif de l'écriture investie par la présence d'un discours réaliste où l'actualité n'est pas absente.

Quoique ce soit un récit autobiographique, Maïssa bey emploie la troisième personne « elle » qui, selon R Barthes :

De même, l'emploi du « il »romanesque engage deux éthiques opposées : puisque la troisième personne du roman représente une convention indiscutée, elle séduit les plus académiques et les moins tourmentés [...] De toute manière, elle est le signe d'un pacte intelligible entre la société et l'auteur, mais elle est aussi pour ce dernier le premier moyen de faire tenir le monde de la façon qu'il veut. Elle est donc plus qu'une expérience littéraire : un acte humain qui lie la création à l'Histoire ou à l'existence. 31(*)

Donc une manière de fasciner les lecteurs et les attirer. Aussi elle permet de se distancier et aller jusqu'au bout du récit. Des distances qui sont parfois, comme les a jugé Maïssa bey, nécessaires.

« J'ai fait appel au «elle», une distanciation était nécessaire. Ce qui est certain, c'est que le «elle» permet d'aller jusqu'au bout du récit, de prendre des distances parfois nécessaires. Peut-être que le «Je» narratif peut amener à un amalgame entre l'auteur et l'héroïne... » 32(*)

Dans la nouvelle « La petite fille de la cité sans nom » la légende s'articule dans la fiction. L'écrivaine, dans l'incipit de ce récit, annonce sont projet d'écriture:

« Elle aurait pu s'appeler Ariane33(*). Pourquoi Ariane ? A cause de son nom, et aussi des labyrinthes. De ceux qu'on doit parcourir dès l'enfance, pendant longtemps, jusqu'à ce qu'on trouve la lumière » P.149

C'est ainsi que le personnage principal se voit subir le même sort que « Ariane » : éclairer les jours de ceux qu'elle aime afin de leur permettre de retrouver le chemin, tout comme Ariane qui, séduite par Thésée, l'aide à s'échapper du labyrinthe en lui fournissant un fil qu'il dévide derrière lui afin de retrouver son chemin. Cette fille aux yeux aigue-marine cherche le bonheur et la liberté dans l'autre rive: « Tout ce qu'elle veut, c'est pouvoir un jour s'en aller à son tour» P.151

Rania, la petite fille muette, s'en rend compte et assume le poids de la misère commune à toute la famille, et à tous les habitants de cette cité oubliée.

« Elle a parfois plusieurs kilomètres à faire et doit frapper à plusieurs portes [...] elle sait qu'elle doit à tout prix rapporter de l'eau à la maison, sinon ils n'auront pas de quoi préparer à manger et laver leur linge ». p.152

Ces rêves se transforment en cauchemars d'un labyrinthe sans fin. Prisonnière dans ce dédale, elle s'efforce de trouver le fil d'Ariane qui le guiderait certainement vers la sortie et par conséquent vers sa liberté enchantée dans un ailleurs.

« Elle non plus ne sait pas pourquoi elle rêve souvent de labyrinthes. D'immenses galeries sombres et humides, inlassablement parcourues en allers et en retours inutiles. Toutes les nuits, elle court, s'égare dans inextricables dédales, parce que personne n'a tendu de fil pour elle pour l'aider à déboucher sur la lumière » pp. 151/152

Cette fillette, muette et invisible, qui après avoir tenté de s'exprimer un temps par la danse et l'écriture sur le sable, finit par disparaître dans la mer:

« Les mots dans les livres sont noirs et silencieux, ils sinuent comme des serpents et ne résonnent pas dans sa tête même quand elle en trace les contours sur la terre, [...] mais c'est peut-être à force de tracer des signes dans la poussière qu'elle a trouvé le chemin. Ou alors à force de regarder les étoiles disparues depuis longtemps. Personne dans la cité ne sait pourquoi, un matin, elle n'était plus là». P.153

Le récit reste ouvert, personne ne sait ce qui est arrivé à la petite fille. Le lecteur assiste à un brouillage du drame ce qui rend ce récit « énigmatique »34(*), il se constitue comme dérangement de la communication de l'information. Le lecteur est placé devant un événement, un comportement dont le sens lui échappe et dont les conséquences lui demeurent cachées. Selon Charles Grivel, cet acte d'écriture produit le désir de lire et retient le lecteur à la lecture :

« Le démenti suppose l'énigme, n'est opérant qu'en tant qu'énigme. L'innovation en effet, n'est intéressante que dans la mesure où elle est rendue mystérieuse: une information non probable n'est en soi ni intéressante, ni étonnante [...] Autrement dit, la rupture de l'ordre archétypal n'est efficace qu'à partir du moment où elle ouvre obscurément sur cet ordre même »35(*)

L'énigme suscite un questionnement chez le lecteur et contient la promesse d'une réponse aux hypothèses supposées par ce lecteur et qui pourront être vérifiées ou infirmées.

* 31 - Roland Barthes, Le degré zéro de l'écriture, suivi de nouveaux essais critiques, Le Seuil, 1953, Rééditions 1972, page 29.

* 32- http://zaweche.unblog.fr/2008/05/21/maissa-bey-un-auteur-a-lire-absolument-et-le-plus-vite-possible/

* 33 - Ariane est, dans la mythologie grecque, la fille du roi de Crète Minos (fils de Zeus et d'Europe) et de Pasiphaé. Soeur de Glaucos, Phèdre, c'est aussi la demi-soeur du Minotaure. Séduite par Thésée, elle aide celui-ci à s'échapper du Labyrinthe. Contre la promesse de l'épouser, elle lui fournit un fil qu'il dévide derrière lui afin de retrouver son chemin, seul moyen de triompher du labyrinthe qui n'a qu'une seule entrée.

* 34 - Tomachevski cité par Raphaël Baroni In VOX POETICA, Tension narrative, curiosité et suspense : les deux niveaux de la séquence narrative Le 6 janvier 2004. P.12

* 35 - Grivel, Charles (1973 :261-262). cité par Raphaël Baroni In VOX POETICA, Tension narrative, curiosité et suspense : les deux niveaux de la séquence narrative Le 6 janvier 2004. P.12

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