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L'expression de la Liberté dans « sous le jasmin la nuit » de Maà¯ssa Bey

( Télécharger le fichier original )
par Abdelkader Belkhiter
Université de Saà¯da Algérie - Magister 2009
  

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Récit de femme

Par « Si, par une nuit d'été» la légende est bien investie. Entre rêve et réalité, L'écrivaine nous raconte l'histoire de sept jeunes filles qui procèdent dans l'intimité à un jeu de confidence appelé, en Algérie, « Boukalettes »10(*) . Ces jeunes filles, agitées par un fort désir de vivre en transgressant les règles imposées, trouvent une forme de liberté dans la lecture et dans les sensations de liberté procurées par la nuit, le ciel et la mer.

Cette nouvelle est écrite dans un langage proche de la poésie, à la manière d'un conte qui pourrait très bien faire partie du récit des Mille et Une Nuits. En prologue se trouve la citation de Mahmoud Darwich11(*) «Voici ma langue, collier d'étoiles aux cous de ceux que j'aime» qui est à interpréter dans le contexte du langage comme don qui n'appartient à personne. Selon l'auteur, toute parole ne peut être réellement restituée que par le libre choix du don de cette parole, et non par une réappropriation forcée.

Les sept jeunes filles se réveillent au milieu d'une nuit d'été pour consulter les étoiles. C'est la voix de Warda qui s'élève aussitôt, voix de poétesse et voix porteuse de

la solidarité, en interpelant sa soeur cadette, Selma:

Veux-tu, dis, veux-tu que nous allions plus loin que les rêves? Allons, avant l'ultime soupir de la nuit, allons ensemble rejoindre l'aube avant que les regards des hommes n'en dissipent la tendresse. P.62

Une à une, les soeurs se retrouvent à la terrasse de leur maison, face à la mer, et le jeu des présages commence. C'est Leïla, l'aînée et la responsable, qui commence le jeu en appelant « les esprits de la nuit » pour dévoiler ce qui est écrit pour la première soeur Aziza, la réservée.

«  O vous,

Esprits de la nuit

Dont les souffles raniment les braises

Qui rougeoient au coeur des ténèbres,

Saurez-vous d'un signe

Eclairer la voie

Et dévoiler ce qui est écrit pour elle ? » p.63

En lisant le signe d'un avion qui passe dans le ciel, Leila s'exclame: « Tu vas partir, oui, c'est ça, j'en suis sûre, un jour tu traverseras les océans, tu t'en iras dans un oiseau d'acier ».P.64

Pourtant, Warda, l'intelligente, ajoute:

Voici ce que dit le présage: celui qui viendra vers toi t'emmènera loin, très loin de nous. Tu vivras dans des pays où les hivers sont blancs et longs, très longs. Tu oublieras les étés et la lumière jaillie d'entre les jasmins. P.64

Après ce présage d'un « exil au goût d'amertume » qui met la petite Aziza en larmes, c'est Selma, la cadette, la soumise, la secrète, qui s'écrie tout de suite pour la consoler:

N'écoute pas ce qu'elle dit! ...comme tout poète elle a l'étrange et fascinante manie de se laisser emporter trop facilement par la magie des mots, de les laisser s'écouler d'elle sans jamais chercher à les retenir... P.64

C'est à Amina, la rebelle, d'affronter, à présent, le destin. Aussitôt que Leïla consulte les étoiles, une tempête s'élève; Amina l'affronte courageusement en se mettant à danser jusqu'à ce que la tempête se calme et ne laisse plus place «qu'au feu qui brûle en elle». Ensuite, vient le tour de Selma, qui, en voyant une étoile filante, fait le voeu de partir en disant: « je veux ... je veux moi aussi m'en aller, aller à la découverte d'autres mondes où je pourrais enfin laisser libre cours aux envies innombrables qui m'emplissent en vain de leur tumulte» P.66

Mais elle se reprend tout de suite pour dire: «Non, non, être aimée de tous. Simplement. C'est là mon voeu» P.67

Après Naima, la délicate, c'est à Warda d'affronter son destin, mais elle ne veut pas participer au jeu. Sa voix prend les résonnances de la voix de l'auteur, lorsqu'elle affirme devant ses soeurs:

Je passe mon tour. Moi qui n'attend personne et que personne attend, je sais où trouver les clés... il est d'autres signes, essentiels à ma vie, des signes qui m'ont ouvert, et continueront longtemps je l'espère, de m'ouvrir tous les chemins. C'est grâce à eux seuls que je suis vivante, que j'avance la tête haute et que je peux oublier ou combler les défaillances de la nature. Sais-tu que quand je lis, quand j'écris, quand je laisse venir à moi les mots, tout ce qui m'entoure disparaît? P.68.

C'est, enfin, le destin d'Assia, la soeur fière, qui est révélé à la fin; pour elle, ce n'est pas une surprise - c'est la relation amoureuse avec un garçon du lycée que se trace son futur certain.

En choisissant la forme littéraire caractéristique de la littérature arabe et qui est celle de la nouvelle, Maïssa Bey crée, une poétique qui prend ses racines littéraires dans la culture arabe et veut redonner la parole des femmes algériennes en utilisant un langage allégorique proche de la poésie et du conte de leur culture.

Ainsi, dans cette nouvelle « Si, par une nuit d'été », comme dans « nuit et silence», Maïssa Bey ne cesse de montrer le rôle de la fille ainée dans la famille algérienne, celui de seconder la mère souvent trop occupée :

« Avant même qu'elle ait fini de prononcer les derniers mots de l'incantation, un pleur d'enfant transperce le silence de la nuit. Toutes l'entendent très nettement. Sans surprise. Leïla n'est pas seulement la soeur aînée, elle est aussi celle qui a très vite et très souvent secondé, sinon remplacé, la mère trop occupée pour leur donner les soins dont elles avaient besoin pour grandir. Personne ne sait mieux qu'elle consoler, écouter... » P.69

On peut ajouter que les filles citées par notre écrivaine portent des prénoms de fleurs « Warda », des prénoms de printemps ou d'espace «Assia » pour transcender la souffrance et l'exclusion12(*)

L'écrivaine réussit à s'introduire avec délicatesse et force dans l'univers des femmes, le sien aussi. Un univers qui occupe toute son écriture et son espace d'expression et se traduit différemment, mais avec la même rage de dire, d'offrir une tribune aux femmes pour dire leur vécu, leur quotidien et de chanter leur espoir.

Encore une fois, dans « Sur une virgule » nous assistons à un aller-retour entre deux temps et un espace unique (la ville d'Alger). Ce jeu avec les instances spatio-temporelles est présent dans d'autres romans de l'auteur, notamment « Entendez vous dans les montagnes...»13(*), où passé et présent alternent. Nous aurons ainsi affaire à deux temporalités, d'où l'usage de temps grammaticaux du présent et du passé.

L'auteur qui met en opposition deux temporalités fait dire à ses personnages que les choses ont changé vu le changement des deux sociétés : Une société française dans laquelle la femme jouit pleinement de sa liberté, et une société algérienne bardées par des interdits et gérée par les lois et les traditions arabo-musulmanes qui empêchent et décrète comme illicite toute rencontre entre femme et homme loin d'une union légale.

La narratrice, une jeune mariée, éprouve le désir de s'identifier à «Marie » une jeune fille française vivait en Algérie avant l'indépendance: « Pour moi Marie à dix-huit ans. Mon âge. Et c'est à moi qu'elle ressemble» P.75

« Mais il arrive parfois que dans un geste gracieux, elle fasse voler autour d'elle une longue chevelure sombre et brillante, en tout points semblable à la mienne » P.74

En lisant les notes de Marie, la jeune fille cherche l'amour, la tendresse ainsi que sa liberté. Tout comme Marie, son quotidien est dur dans une Algérie marquée par les attentats, les enlèvements :

« Quand je sors pour faire des courses, il m'arrive de faire un détour, sans le dire à ma mère qui ne parle que des récents enlèvements de jeunes filles. Je me contente de franchir les grilles et de faire quelques pas dans l'allée central du jardin... le temps d'imaginer le bras d'un garçon autour de ma taille, son visage penché sur moi, une mèche rebelle retombant sur ses yeux et les mots qu'il pourrait me dire». P.78

Maïssa Bey retrace une période bien précise de notre histoire « La veille de l'indépendance» elle puise des dates mentionnées sur le cahier de Marie pour nous donner une brève idée sur ce qui se passait pendant les dernier jours de l'occupation française: Attentas, tortures, des bombes qui explosent jours et nuits. Face à tout cela, elle cherche le souffle d'amour: « Je donnerais ma vie entière pour que résonne en moi quelques instants seulement le même chant d'amour» P.85

Il est évident que la plupart des femmes ont appris dans la famille à tirer un apprentissage de chacune des difficultés et de chacun des problèmes, que leurs expériences personnelles ont été la meilleure école de formation. Maïssa Bey n'hésite pas à nous donner une idée sur la manière dont une fille peut user pour déjouer les obstacles de l'autorité matriarcale afin qu'elle jouisse de sa liberté. C'est dans leur nature comme l'a déjà monté dans « Improvisation » : « J'ai toujours joué de la comédie. Sans arrêt, comme toutes les femmes. Depuis toute petite.... bien obligée».P.50

* 10 - Boukalettes » est un jeu familial algérien qui consiste à faire des noeuds à un mouchoir ou un foulard puis on prononce une formule tout en dénouant ces noeuds afin qu'un rêve soit réalisé.

* 11 - Mahmoud Darwich, poète de la résistance, poète de l'exil, chef de file de la poésie arabe contemporaine. Il consacre des poèmes d'amour aux femmes « Le lit de l'étrangère ». Il porte une attention particulière à la condition des femmes palestiniennes.

* 12 - Warda veut dire rose et par extension, désigne toute fleur. Leila signifie « Nuit » et le prénom Assia un continent « Asie »

* 13 - Maïssa Bey. Entendez-vous dans les montagnes. Edi. L'aube. Paris. 2002.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand