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Les festivals de musiques actuelles en milieu rural en France: simple fonction culturelle ou vecteur de développement?

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par Léa Vauxion
ICART - Institut des carrières artistiques - Licence european bachelor au titre de " médiatrice culturelle " 2012
  

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8/ Du point de vue des publics

Étudier le point de vue les publics peut paraitre illogique au premier abord étant donné que ce mémoire traite de la question de l'intérêt du développement des festivals de musiques actuelles. Notre réflexion étant basée sur l'hypothèse que les festivals sont bien plus qu'une simple fonction culturelle par leurs nombreux apports aux territoires. Alors pourquoi cet intérêt pour les publics ?

Tout d'abord ils sont aux centres des enjeux des festivals. Ils présentent autant de qualités que de faiblesses que nous allons étudier par la suite. Dans la logique d'une organisation il est impensable de ne pas se soucier des publics ciblés, il est ainsi obligatoire de devoir étudier les publics. Les motivations des festivaliers sont au coeur de l'impact que peuvent avoir les festivals sur les territoires. Sans eux les retombées économiques seraient moindres. De même, il convient de rappeler l'objectif de la démocratisation culturelle, qui s'adresse bien évidemment aux populations.

Par ailleurs il est intéressant de comprendre les relations entre les festivals et leurs publics. Dans notre cas nous pourrons mieux cerner les limites que comporte l'implantation d'un festival de musiques actuelles en milieu rural comme nous les avons mentionnées dans la partie 3.1. Enfin, l'intérêt du développement et l'avenir des festivals reposent sur leur fréquentation.

Par conséquent, étudier le point de vue des publics semble capital pour nourrir notre réflexion et ainsi continuer notre cheminement vers la réponse à l'intitulé de ce chapitre : les festivals de musiques actuelles : luxe ou véritable moteur de développement social et artistique ?

8.1 Public non-sensibilisé et public averti : étude sociologique des pratiques des publics

Dans un premier temps il convient de mieux cerner le terme « public ». On entend ici un rassemblement d'individus qui ont chacun leur histoire, leurs références et des apprentissages bien différents. C'est de là qu'est issue la difficulté d'un festival : s'adresser à des publics hétérogènes par la diversité de leur rapport à l'art. Les organisateurs doivent assumer des missions assez contradictoires. Ils doivent être

attentifs au tissu culturel local, tout en restant ouvert quant à leur image nationale voire internationale. Ils sont amenés à devoir penser à la fidélisation de leur public mais aussi à son renouvellement. Leur projet artistique doit être cohérent, rigoureux mais en même temps il doit promouvoir un esprit festif, convivial et bien sûr être divertissant.

Enfin il faut discerner la population du public. La notion de population dépasse celle de public qui lui renvoie à des pratiques culturelles acquises. Une population n'est qu'un public potentiel. Ce qui est important de comprendre car population ne signifie pas public acquis.


· Une meilleure connaissance des publics : profil socio-économique

<< L'essor, ces dernières années, des activités culturelles et de loisirs a poussé les responsables des festivals à accroître les actions de promotion en lançant, des études de publics. >>

<< La connaissance du profil socio-économique, du lieu de résidence et des motivations du public festivalier sont indispensables pour l'établissement de campagnes de promotion efficaces et de supports de communication pertinents. >>

D'après ces extraits issus de l'ouvrage Les Festivals en France, marchés, enjeux et alchimie de Luc Bénito, nous amène au constat de l'importance d'une meilleure connaissance des publics. Pour cela nous allons survoler le profil socio-économique des publics afin de mieux les cerner et comprendre les enjeux qu'ils représentent auprès des organisateurs de festivals.

L'âge

Pour les festivals de musiques actuelles, le public se divise en deux tranches. Le public de tranche d'âge « moyenne >>, comme par exemple le festival de Jazz in Marciac. 27 % de ses festivaliers se situent entre 36 et 45 ans. Les publics des festivals des musiques amplifiées sont en général encore plus jeunes, surtout s'il s'agit d'un festival à la programmation plutôt axée sur le rock. Ainsi la deuxième tranche de public est dite << basse >>, comme par exemple pour le festival des Eurockéennes de Belfort dont la catégorie 21-24 ans domine avec une part de 35% suivit des 18-20 ans avec près de 25 % de ses spectateurs.

Citons par ailleurs les festivals pluridisciplinaires qui nous intéresserons par la suite. La catégorie prédominante pour ce type d'évènement est de 25 à 40 ans soit près de 35%, suivi par les 18-24 ans avec quantà eux 25 % de l'âge moyen des publics.

On peut ici noter que plus la tarification est basse plus la tranche d'âge moyenne diminue. Les classes d'âges « supérieurs >> sont prédominantes dans les festivals de musique classique. Cette fréquentation s'explique par le fait qu'il s'agisse en général d'un public d'amateurs fidèles.

Outre les préférences des jeunes pour les styles de musiques actuelles, ils semblent en moyenne attirés par tous les thèmes, autres que le classique

Le niveau d'éducation

Sur ce point peu d'études s'y sont consacrées. En moyenne d'après les rares recensements, 24% des festivaliers sortent de l'enseignement secondaire, seulement 3,6% d'un enseignement primaire et 11% n'ont qu'une formation technique. *

D'après ces chiffres il semblerait que les festivals soient fréquentés par un public plutôt << instruit >>. Évidemment on peut émettre des doutes et des réserves par cette généralisation. Néanmoins l'écart entre les niveaux d'éducation est si important qu'il crédibilise cette observation.

Les pratiques culturelles des festivaliers

Enfin on peut mentionner dans cette brève analyse du profil socio-économique des publics la question des pratiques culturelles des festivaliers.

A Jazz in Marciac 48 % des festivaliers ont répondu avoir assisté à plusieurs festivals depuis un an. Parmi eux ressortait un évident << public jazz >> présent à 55% sur l'ensemble des spectateurs.

30% de ce << public jazz >> n'ont assisté qu'à un seul festival, le plus souvent celui de Marciac. Néanmoins, 22 % reconnaissent avoir assisté à plusieurs festivals de jazz. Les autres festivaliers témoignent avoir assisté à plusieurs manifestations, souvent assez diverses : théâtre, danse, marionnette, musique classique et rock.

* Constats de Luc Bénito dans son ouvrage Les festivals en France, marchés, enjeux et alchimie de 2001

On constate que le profil socio-économique du festivalier, que nous venons ici simplement de survoler, ne s'écarte que peu de celui d'un amateur d'art ou de spectacles. Le niveau d'étude apparaît souvent comme déterminent dans la consommation culturelle, bien plus encore que la catégorie sociale. Les arts et la culture sont bien réservés à une certaine << élite > sociale. Pour autant les festivaliers sont plutôt constitués d'initiés plutôt que d'individus de condition aisée.

Par ailleurs il est important de noter en conclusion que la structure du public varie énormément en fonction du thème de la manifestation.

· Comment expliquer l'accroissement de la demande de festivals ?

Suite à ce constat comment expliquer alors l'accroissement de la demande de festivals si ce n'est pas par l'élargissement des consommations culturelles ? On l'a vu précédemment, la demande de culture est en hausse depuis les années 1980. Dans les faits il ne s'agit pas d'une ouverture des publics à des disciplines artistiques << traditionnelles > comme la musique classique, le théâtre ou la danse. Mais à l'élargissement dans les années 1980 du champ de la culture et des disciplines nouvelles (hip-hop, arts de la rue, rock, bande dessinée, design et mode...) pratiquées par des publics différents.

· Public non averti et festivals

Mais il reste toujours la question du public dit << non averti > face à la << fièvre festivalière >. Les populations rurales peuvent y être assimilées étant donné qu'elles sont plus enclines à une moins forte sensibilisation à la culture par le manque de structures permanentes culturelles sur leur territoire. Et cela se confirme par l'objectif principal de la démocratisation de la culture, dont la priorité est l'accès à la culture pour tous. Ce qui signifie bien qu'aujourd'hui encore en France existe une forte concentration de public << non sensibilisé > à la culture. Nous l'avons vu au début de ce mémoire, les festivals contribuent à la décentralisation culturelle et ainsi à la démocratisation de la culture. Mais comment arrivent-ils à séduire ce public non averti ?

C'est là la mission et l'enjeu principaux des acteurs culturels et dans notre cas des organisateurs de festivals d'apporter des propositions artistiques de qualité à ces populations qui restent « isolées ».

Les publics non avertis peuvent penser que la culture n'est pas pour eux. Les festivals se doivent de dépasser cette réaction et de s'imposer comme leur « premier pas > vers la culture. Cela rentre dans la démocratisation de la culture qui explique la nécessité de susciter la rencontre entre l'art et le public. Les festivals proposent ainsi aux publics non avertis et aux populations « isolées > en amenant la culture sur leur territoire à faire la démarche de venir voir leur programmation et ainsi d'apprécier la culture. Cette première approche est souvent facilitée par le fait que les festivals poussent à la curiosité. De plus leurs esprits festif et convivial y contribuent fortement.

Mais n'apparaît-il pas ici un paradoxe ? Assimiler public non averti et populations rurales semblent étranges étant donné que nous avons démontré dans le premier chapitre que les ruraux avaient désormais les mêmes modes de vies que les urbains et que leurs différences s'étaient estompées par l'ouverture au monde des populations rurales avec les nouveaux outils de communication (télévision, Internet...). De même nous avons mentionné le fait que la mobilité s'était accrue, les espaces urbains et ruraux sont aujourd'hui reliés par un important réseau routier et ferroviaire. Les limites entre ces deux espaces sont de plus en plus minces, d'où l'apparition de communes rurales multipolarisées de plus en plus sous influence urbaine.

L'élitisme présent dans la culture se renforce lorsque les structures culturelles sont moins accessibles. En ville, les théâtres sont aux coeurs de l'activité urbaine. Pourtant leur fréquentation est moins élevée que le cinéma et leur public est souvent constitué d'abonnés comme nous l'avons expliqué dans la partie précédente.

Les habitants des campagnes prennent leur voiture pour aller faire leurs courses voire pour aller travailler dans les villes, alors pourquoi ne la prendraient-ils pas pour aller voir un spectacle en ville ?

Cela revient à notre argument sur la difficulté pour un public non averti de faire la démarche d'aller à la rencontre de la culture. La frontière entre les espaces urbains et ruraux est certes de plus en plus mince. Mais l'idée de toujours devoir aller au centreville pour accéder à des services « tue > la notion de village qu'il ne faut pas oublier.

Tout cela se traduit par le fait que l'on ne peut reprocher aux ruraux de ne pas se déplacer plus pour accéder aux offres culturelles des villes. C'est à la culture d'aller à la rencontre de ces populations et de respecter leurs valeurs et leurs façons de vivre.


· Les possibilités d'adaptation de projet artistique des festivals de musiques actuelles en milieu rural

<< Les festivals sont les fils adoptifs de la décentralisation. >> Cette expression d'Emmanuel Négrier citée auparavant nous amène à la conclusion de cette partie. Les festivals ont cette spécificité de pouvoir s'implanter pratiquement n'importe où.

Nous allons maintenant nous pencher plus attentivement sur les offres artistiques possibles pour les festivals de musiques actuelles. Nous verrons comme leur programmation peut s'adapter aux festivaliers lambda, aux touristes de passage et en particulier à la population locale.

Commençons par le sujet principal de cette partie, les populations rurales. Nous l'avons vu plusieurs fois durant ce mémoire, les musiques actuelles englobent un large éventail d'esthétiques musicales. Et c'est là l'un des atouts principal des festivals de promotion de ce domaine. Leur projet artistique peut s'adapter plus facilement en fonction du profil socio-économique des populations rurales ciblées en tant que publics potentielles. Ainsi une localité ayant une tranche d'âge moyenne en majorité pourrait se montrer plus intéressée par une programmation basée sur le jazz et ces genres dérivés, les musiques traditionnelles et du monde ou encore la chanson française.

Reprenons l'exemple cité dans la partie 7.1 qui illustrait notre deuxième argument, basé sur le fait que les festivals de musiques actuelles possèdent la faculté de s'adapter plus facilement aux populations rurales, en poussant notre réflexion un peu plus loin.

Le festival Musicalarue, dont son actuelle mission est basée sur une meilleure << adaptation >> du projet artistique aux landais, est en effet un cas exemplaire tout à fait pertinent. Suite à la professionnalisation de l'association et à la qualité du projet artistique qui attirait de plus en plus de monde, était engendrée une certaine << dépossession >> des populations face à leur festival. A la base Musicalarue était en effet une fête de village qui a par la suite bien tournée. Pour remédier à ce problème, Bastien Perez axe sa programmation en premier lieu vers la chanson française et seulement

après il s'ouvre aux musiques plus actuelles comme le rock ou l'électro. L'afflux de visiteurs d'une jeune génération permet dans ce cas-là de « revitaliser » le village de Luxey. Les familles sont reconnaissantes et fières de leur festival qui respecte leurs valeurs, par la valorisation d'un esprit festif et conviviale. Elles se retrouvent dans une programmation assez « traditionnelle », par ces artistes issus de la chanson française et des musiques à texte. Et le projet artistique contribue, par son ouverture sur les musiques plus actuelles, à satisfaire les attentes des jeunes locaux et surtout à animer le village chaque mois d'août, par le grand nombre de festivaliers extérieurs au territoire venus partager cette ambiance si particulière propre à Musicalarue.

Tout comme la chanson française, la musique jazz et ses genres dérivés peuvent très bien s'adapter et séduire les populations rurales. Nous l'avons vu au cours de ce mémoire, le milieu rural est sujet à un vieillissement de sa population et d'une forte influence de retraités venus profiter du calme de la campagne. Les festivals de musiques actuelles ont cette possibilité d'attirer un public d'une tranche d'âge moyenne, comme nous l'avons vu avec l'exemple du festival de Jazz in Marciac.

De plus, les festivals de musiques actuelles entrant dans l'offre totale de services touristiques d'un territoire proposent ainsi une animation supplémentaire aux touristes de passages. Nous l'avons vu dans le chapitre précédent, bien que les touristes peuvent s'assimiler à un public non averti, il n'y a plus besoin de démontrer que les festivals ont cette spécificité d'arriver à attirer et séduire des visiteurs non sensibilisés tels que des touristes qui n'étaient pas forcément venus dans la région pour assister au festival et qui peuvent être amener à venir visiter un territoire voire une commune auxquels ils n'auraient peut-être pas présentés d'intérêt sans la présence de cet évènement.

Enfin nous pouvons nous questionner sur le public déjà averti, c'est-à-dire les festivaliers adhérents. Quels sont leurs motivations ? Et qu'en est-il de la fréquentation des festivals de musiques actuelles en milieu rural en France ? C'est sur ce point que nous allons désormais nous pencher au cours de la deuxième partie.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand