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Savoirs et savoir- faire locaux face aux politiques agraires: diagnostic d'un système agraire dans un village Khamou ou du Nord Laos

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par Pierre- Yves Heurtier
Université Aix-Marseille 1 - Master 2 anthropologie sociale et culturelle 2006
  

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4.3. L'itinéraire technique148 :

4.3.1. Le choix des parcelles : Appréciation de leurs qualités :

Le sommet des reliefs est parfois cultivé selon la qualité des sols. Les villageois n'ont pas fait de références à la présence ou non d'esprits à ne pas déranger comme on peut le rencontrer chez d'autres groupes ethniques. Les essarts pluviaux n'étant pas payants, une fois les décisions connues du conseil des anciens à propos des zones du finage où il n'est pas possible de cultiver cette année, chaque chef de famille juge si il est convenable de cultiver une parcelle plutôt qu'une autre. Chacun se fie aux indices de la friche qui lui permettent de prendre la décision de la cultiver ou non.

Le jeune marié pense que son essart pluvial est de bonne qualité.

Il est fait d'un sol de couleur noir, de terre argileuse-sableuse. Cela lui paraît convenable pour planter du riz.

Son essart-jardin est selon lui de bonne qualité puisqu'il est composé d'une terre de couleur rouge faite d'argile et d'une végétation épineuse qui y pousse. Tout cela est compatible avec la plantation de sésame149 et de maïs.

Beaucoup de terres à Bouamphanh sont argileuses, rendant les villageois heureux d'avoir des parcelles fertiles, mais dangereuses pour les risques de leur friabilité régulière.

Selon le jeune marié il n'y aurait plus beaucoup de terrains fertiles disponibles pour de nouveaux arrivants. Toutes les bonnes terres sont désormais occupées du fait de la réduction des surfaces autorisées à être cultivées.

Le jeune marié souhaiterait que le village soit encore plus étendu qu'il ne l'est aujourd'hui. Les nouveaux arrivants n'ont désormais plus de rizières irriguées disponibles ni d'essarts à moins d'une heure des maisons, ce qui les obligent à dormir dans leurs cabanes pour chaque travail à y effectuer.

Le jeune marié ajoute ensuite que coule un ruisseau au pied de ses essarts, ce qui permet à ses champs d'être relativement plus humides que d'autres champs sans eaux à proximités.

Les meilleurs champs sont d'ailleurs toujours à proximité des cours d'eau, mais ils appartiennent aux habitants originaires de la localité et qui ont hérité de ces bons emplacements.

Ses essarts sont exposés à l'Est. Il pense aussi que cette exposition est bénéfique pour avoir une chaleur et une lumière matinale dans ses champs et des orages l'après-midi.

147 O. Ducourtieux, 2006.

148 « La suite logique et ordonnée d'opérations culturales appliquées à une espèce végétale cultivée permettant de faire la part vis à vis d'un rendement de ce qui provient des techniques et de ce qui résulte du milieu et de ses interactions avec les techniques ». Sébillotte 1990 : 166.

149 mac mangua en langue lao.

Les sols exposés à l'Ouest auraient le soleil plus asséchant l'après-midi accompagné d'orages en fin de journées qui lessivent les sols et créent l'érosion très fréquente dans la localité.

Une bonne terre est symboliquement ce qu'il nomme une «terre froide >>, un emplacement dans un vallon, à proximité de l'eau, ayant un soleil plus fort le matin que l'après midi pour ne pas assécher la terre et les cultures.

Monsieur Paeng se rappelle lorsqu'il était petit qu'il voyait ses parents travailler la terre, mais il n'est pas lui même un agriculteur expérimenté. Depuis son mariage il n'avait pas encore eu le temps d'exploiter ses parcelles comme il le voulait, mais depuis octobre 2005 il a acheté une rizière irriguée à un héritier de Bouamphanh et il l'exploite toute l'année.

Il pense que la terre de Bouamphanh est bonne à cultiver. Il est très content de ses parcelles qui sont selon lui très fertiles pour les cultures du riz et du maïs de saisons sèche et des pluies et qui sont près du village (5minutes). Il ne souhaite pas en changer car il ne les a que depuis 8 mois (octobre 2005) et n'a pas encore cultivé de riz irrigué dessus. Il souhaite donc essayer, voir si ses prévisions heureuses sont justifiées.

Selon Monsieur Paeng et d'autres villageois, le meilleur champ du village est une rizière. Elle se situe près du cours d'eau Houay sang. La composition de son sol est une terre de couleur noire ayant un mélange d'argile un peu jaunâtre. L'absence de pierres est favorable à la culture du riz et des arbres fruitiers.

Cependant sa réelle spécificité est que ce soit une rizière localisée à l'Ouest du territoire. Pour lui, «les meilleurs champs n'ont pas de pentes >> et sont donc des rizières irriguées.

Selon lui, un champ laisser sans culture plus d'un an est une friche.

Après plus de trois ans la friche peut être considérée comme une forêt. Cependant il existe différentes forêts définit selon leurs végétations : forêts de bambou, forêts d'arbustes, forêts de grands arbres. Sa conception d'une forêt rejoint toujours celle des autorités laotiennes qui considèrent qu'un friche devient une forêt à protégée après 4 ans de recrû forestier.

Dans les forêts de ses essarts, il existe environ 350 bambous et 500.000 arbres de plusieurs espèces différentes. Les plus gros arbres mesurent environ 8 cm de diamètre.

Monsieur Paeng est conscient que pour un essart, la bonne récolte dépend en grande partie de la présence des espèces de la friche et de leurs tailles. De «grands arbres >> ou «des bambous de plus de 3 mètres >> sont bénéfiques aux bons rendements. Les herbes sont par contre néfastes aux bonnes récoltes.

La fertilité du sol est perçue par la présence d'espèces caractéristiques comme des bananiers sauvages et des pousses de bambous de plus de 3 mètres, marques d'une humidité du sol importante et donc de probables récoltes satisfaisantes. C'est aussi le signe que les années de friche ne sont pas le facteur principal d'une bonne récolte selon eux. Si une végétation ayant besoin d'eau reprend, le terrain sera considéré comme fertile même après une seule année de jachère.

Il va même plus loin en reprenant les discours officiels qu'il faut un temps de jachère court de 3 ans car après cette limite couper les arbres reviendrait à assécher le terrain.

Selon lui, les racines des arbres sont profondément encrées dans le sol pour puiser et apporter l'humidité à la terre. Si on coupe les arbres on stoppe le circuit de l'eau et de la fertilité.

Il ajoute que si aujourd'hui les bonnes récoltes sont fonction de la qualité des sols et de leur végétation, «les techniques et les engrais » modernes sont des fonctions plus importantes des bonnes récoltes si les agriculteurs peuvent les obtenir.

Selon Monsieur Leng, le chef du village, une friche de 4 à 5 ans a retrouvé sa fertilité grâce à une végétation de bambous et d'épineux qui donnerait de bon rendements de maïs150.

La terre de son essart est de couleur rouge, de très bonne augure selon lui pour planter du maïs mais d'une mauvaise composition pour le riz pluvial.

Cet emplacement était une friche de 15 ans à la limite du territoire de Hongleuc, c'est à dire à 30 mn de leur foyer.

L'âge de la friche est vu par le diamètre des troncs. Une friche de 15 ans possède des troncs d'environ 15 cm de diamètre.

Monsieur Leng ne possède cette année qu'une rizière irriguée et un seul essart. Il décida tout de même de prévoir d'associer les semis de maïs, de légumes et de riz pluvial qui a pourtant besoin d'une terre noire, selon le chef.

Selon le chamane, Monsieur Mao, un sol rouge composé essentiellement de cailloux est parfait pour le maïs et le sésame qui n'ont pas besoin de sols aussi humides que le riz.

Les sols noirs composés de cailloux sont le signe d'une fertilité argileuse. Point trop friables, ils sont maintenus par les cailloux.

Il pense aussi que les meilleurs champs sont les rizières irriguées. D'abord parce qu'ils donnent plus de rendement mais aussi parce qu'ils sont plats et non en pente, sujets à l'érosion.

La présence d'épineux151 à défricher est mauvaise pour la parcelle.

Comme son voisin Monsieur Paeng, il pense que les parcelles se trouvant à l'Ouest du territoire sont très fertiles car on y défriche de grands arbres et une forêt arbustive plus dense car plus humide qu'ailleurs. A l'Est, les sols sont secs, il y fait chaud, la friche est herbacée, les terrains donnent de mauvaises récoltes. Trop exploités, l'humidité à presque totalement disparue de ces emplacements. La végétation arbustive a beaucoup de mal à s'y développer. C'est pourquoi on trouve beaucoup d'essarts-jardins de maïs à l'Est, avoisinant le territoire des Akha et des essarts de riz à l'Ouest.

Plusieurs indices permettent donc de juger de la fertilité d'une parcelle lorsqu'elle est encore une friche : la composition des terres (les sols de couleur rouge, signe de présence d'argileux semblent bénéfiques à la culture du maïs et du sésame tandis que les sols noirs sont favorables à la culture du riz pluvial. La présence de pierre est parfois perçue comme bénéfique pour le maintient des sols en culture de maïs), la topographie des parcelles (un terrain plat ou en pente légère sont préférés), les bons rendements passés de la parcelle, gage d'une fertilité de la parcelle, l'appréciation des végétaux de la friche (taille des éléments ligneux de la friche : le diamètre des troncs, la biomasse dense, la présence d'espèces indicatrices de phases postpionnières de la régénération de la parcelle : bambous et parfois épineux pour la culture de

150 « L'hypothèse que les effets de la friche soient proportionnels à sa durée semblent logique mais pas démontrée ». O. Ducourtieux 2006 :36. Mertz 2002 a examiné 330 études pour conclure que la relation directe entre le rendement et la durée de la friche n'est pas évidente et proportionnelle.

151 maï tiou en langue lao ou cratoxylon en latin.

maïs ; bananiers pour la culture de riz pluvial. Leurs présences symbolisent de l'humidité dans le sols ainsi fertilisés), l'exposition de la parcelle (à l'Ouest du territoire et avec une exposition des parcelles à L'Est), au voisinage des parcelles (une rivière, une forêt protégée...). L'âge de la friche, tant valorisée pour être un indice de la fertilité de la friche dans les travaux scientifique antérieurs, n'est pas aussi importante pour les paysans du village. L'état d'avancement de la régénération de la friche est plus important pour sélectionner une parcelle et elle ne dépend pas seulement de son âge contrairement aux conceptions gouvernementales laotiennes qui considèrent qu'une friche devient forêt après un certain nombre d'année (4 ans).

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