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La presse écrite au Cameroun à  l'ère des revendications d'indépendance:approche historique

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par Alain ASSOMO
Université de Yaoundé II Cameroun - Master II recherche en sciences de l'information et de la communication 2010
  

Disponible en mode multipage

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AVERTISSEMENT

L'Université de Yaoundé II n'entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans ce mémoire. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur.

DÉDICACE

À mon épouse Assomo Agathe

REMERCIEMENTS

Ce travail n'aurait certainement pas eu sa forme actuelle si des personnes que je tiens à remercier ici n'avaient pas apporté leur concours à sa réalisation.

D'abord le professeur Marc Joseph Omgba Etoundi, directeur de cette recherche, pour ses conseils, sa rigueur et sa disponibilité.

Je tiens également à remercier le Directeur de l'ESSTIC, le professeur Laurent Charles Boyomo Assala, par ailleurs coordonnateur de l'Unité de Formation Doctorale de la même institution universitaire.

Mes remerciements vont aussi à tous les enseignants de l'Unité de Formation Doctorale de l'ESSTIC qui nous ont moulés dans nos premiers pas à la recherche scientifique notamment les professeurs Simo David, Mbonji Edjenguèlè et Tchindji Pierre-Paul.

Je remercie par ailleurs tous ceux qui m'ont permis d'avoir accès à des multiples informations notamment le personnel des Archives Nationales de Yaoundé.

Je ne saurais terminer ce volet sans signifier toute ma reconnaissance à mes camarades de promotion : Djanga Jean-Claude, Esse Corine, Awung Franklin, Tatah Alice, Monty Jacques Albert,Ongono Fabien et Ngom Priso Jules.

RÉSUMÉ

La présente recherche a pour titre la presse écrite au Cameroun à l'ère des revendications de l'indépendance : approche historique. Entre 1946 et 1957, plusieurs organes de presse ont été fondés dans le pays dans un contexte de revendications de l'indépendance du pays. Seulement, de manière générale les faits d'actualité liés aux revendications d'indépendance formulées par les nationalistes ont été ignorés par les grands journaux de la place. La problématique de ce travail amène donc à s'interroger sur les raisons du silence manifesté par des organes de presse sur les sujets liés aux réclamations de souveraineté. La présente recherche est envisagée dans une perspective de l'école historiographique des Annales qui prône une « histoire problème » par la recherche des causes des phénomènes étudiés. Pour mener à bien notre étude basée sur la problématique ci-dessus présentée, nous avons donc formulé la question principale suivante : pourquoi les journaux camerounais ne publiaient - ils pas les informations liées aux revendications d'indépendance formulées par les nationalistes ? Cette interrogation a été soutenue par quatre questions secondaires et au terme de cette recherche, la validation de nos hypothèses secondaires nous a indiqué les différentes causes de la non-publication par les organes de presse des faits liés aux revendications d'indépendance. Il s'agit: du soutien des journaux publics à une administration soucieuse de maintenir sa présence au Cameroun, du soutien des organes de presse fondés par les hommes politiques français vivant au Cameroun à leurs promoteurs anti-indépendantistes, des pressions de l'administration coloniale sur les supports d'information fondés par les nationalistes et du souci des hommes d'affaires de satisfaire et de conserver leur clientèle d'origine française. Ce qui revient donc à indiquer que si les organes de presse ne publiaient pas les nouvelles liées aux revendications de souveraineté formulées par les nationalistes c'est en raison du soutien de certains à des acteurs anti-indépendantistes et des contraintes auxquelles étaient soumis les autres. Le présent travail comporte trois parties. La première partie est constituée de généralités dans lesquelles nous présentons le contexte sociopolitique du Cameroun entre 1946 et 1957 ainsi que le cadre juridique qui régissait les activités de la presse pendant cette période. Quant à la deuxième partie, elle est consacrée à la présentation des informations recueillies auprès de nos sources tant primaires que secondaires. Pour ce qui est de la troisième partie, elle est centrée sur les analyses thématiques, la confrontation des sources et l'interprétation. Elle nous amène de ce fait à découvrir les différentes causes de la non-publication par les journaux des sujets concernant les revendications d'indépendance formulées par les nationalistes.

ABSTRACT

The present research is entitled: Cameroonians news papers during the period of independence's claim: an historical approach. Between 1946 and 1957, many newspapers have been created in our country. During this period, the process of decolonization was stamped by many claims of independence made by nationalists. Those requests were not mentioned in the great news papers of this period. The problematic of this work gives us the possibility to think about the reasons why the news papers of this period were silent on topics concerning the requests of autonomy made by nationalists. The present work will be done in the perspective of the Histiographic School of Annals which claims a «problematic history» based on the research of the causes of the phenomenon studied. Our study is based on the problematic presented above, which is the foundation of the following questions: why those the news papers were not publishing information concerning the requests of independence made by nationalists? This question was sustained by four other questions. At the end of this work, the validation of the secondary hypothesis has given us the reasons why the news papers were not publishing information concerning the requests of independence made by nationalists. These reasons are: The support of the news papers created by French politicians living in Cameroon given to their promoters who were against independence, the pressure of the colonial administration over the mean of information created by nationalists and the willing of business men to conserve the readers of their news papers who were against independence. We can say that news papers were not publishing information concerning the requests of freedom made by nationalists because of the support they were giving to actors who were against independence and because of the oppressions some news papers were receiving. The present work has been divided into three parts. The first part exposes generalities; in this part, we present the sociopolitical situation of Cameroon between 1946 and 1957. We also expose the law who were ruling the activities of news papers during this period. The second part is the exposition of information received through our primary and secondary sources. The third part is concerned by the thematic analysis, the confrontation and interpretation of sources. In this part, we can discover the different causes of the non- publication of topics concerning requests of independence made by nationalists in those news papers.

SOMMAIRE

Introduction

 

PREMIÈRE PARTIE: LE CONTEXTE SOCIOPOLITIQUE ET LE CADRE

JURIDIQUE DE LA PRESSE ÉCRITE

 

Chapitre premier : Le contexte sociopolitique camerounais après la Seconde

Guerre mondiale

Chapitre deux: Le cadre juridique de la presse écrite

 

DEUXIÈME PARTIE: L'INFORMATION POLITIQUE DANS LES JOURNAUX PUBLIÉS PAR LES FRANÇAIS ET LE FONCTIONNEMENT DES ORGANES DE PRESSE ÉDITÉS PAR LES NATIONALISTES

 

Chapitre trois: l'information politique dans les journaux publiés par les Français vivant au Cameroun

Chapitre quatre : Le fonctionnement des journaux fondés par les nationalistes à l'ère de la décolonisation

 

TROISIÈME PARTIE : LES CAUSES DE LA NON-PUBLICATION PAR LES JOURNAUX DES FAITS D'ACTUALITÉ LIÉS AUX REVENDICATIONS D'INDÉPENDANCE

Chapitre cinq : Le soutien des journaux à des acteurs anti- indépendantiste

Chapitre six : Les contraintes subies par les journaux

Conclusion

LISTE DES ILLUSTRATIONS

A-Tableaux

Tableau Page

Tableau 1 : corpus d'analyse des thèmes du journal Radio-presse....................................45

Tableau 2 : Fréquence des thèmes développés dans le journal Radio-presse.......................47

Tableau 3 : Corpus d'analyse des thèmes du journal Le Cameroun de demain....................50

Tableau 4 : Fréquence des thèmes développés dans le journal Le Cameroun de demain.......51

Tableau 5 : Corpus d'analyse des thèmes du journal L'Eveil du Cameroun........................54

Tableau 6 : Fréquence des thèmes développés dans le journal L'Eveil du Cameroun...........55

Tableau 7 : Les événements anticolonialistes couverts par le journal La voix du

Cameroun .........................................................................................62

B-Carte

  Page

Carte 1 : Le Cameroun français......................................................................27

LISTE DES ABRÉVIATIONS, ACRONYMES ET SIGLES

A-Liste des abréviations

Dr. : Docteur

M. : Monsieur

MM. : Messieurs

B-Liste des acronymes

ANY : Archives Nationales de Yaoundé

ARCAM: Assemblée Représentative du Cameroun

ASCOCAM :Association des Colons du Cameroun

ESSTIC : École Supérieure des Sciences et Techniques de l'Information et de la Communication

ATCAM : Assemblée Territoriale du Cameroun

FALSH : Faculté des Arts, Lettres et Sciences Humaines

ONU : Organisation des Nations Unies

SIC : Sciences de l'Information et de la Communication

C-Liste des sigles

AEF : Afrique Équatoriale Française

BDC : Bloc Démocratique Camerounais

ENS : École Normale Supérieure

MRP :Mouvement Républicain Populaire

RPF : Rassemblement du Peuple Français

UPC : Union des Populations du Cameroun

INTRODUCTION

Ce travail est une recherche menée dans le cadre des études au cycle de Master II en Sciences de l'Information et de la Communication. Sa partie introductive est constituée de plusieurs éléments que nous avons voulu mettre en évidence pour sa bonne compréhension.

I- Contexte de la recherche

Dans le cadre de cette recherche nous avons choisi comme sujet : la presse écrite au Cameroun à l'ère des revendications d'indépendance : approche historique.

Ce travail s'inscrit dans le champ des Sciences de l'Information et de la Communication (SIC) et plus précisément dans le domaine de l'histoire des médias en général et dans le sous-domaine de l'histoire de la presse écrite en particulier. Le Cameroun est un pays qui a connu au cours de son histoire une triple domination européenne. C'est d'abord l'Allemagne qui en a fait un protectorat entre 1884 et 1916, puis il est devenu un territoire international sous-mandat de la SDN administré conjointement par la France et la Grande -Bretagne entre 1919 et 1945. À la suite de cette période le pays a bénéficié du statut de territoire international placé sous la tutelle de l'ONU avec la mise en vigueur le 24 octobre 1945 de la charte des Nations unies, suivie le 13 décembre 1946 des accords de tutelle signés entre l'ONU et la France d'une part, puis entre l'ONU et la Grande-Bretagne d'autre part. À partir de cette période, le Cameroun est administré par la France pour sa partie orientale et par la Grande-Bretagne pour sa partie occidentale. Pour ce qui est de la presse écrite, elle est introduite depuis la période coloniale allemande, plus précisément depuis 1903 avec le lancement du journal Evangelisches Monatsblatt. Plusieurs organes de presse informent ainsi les camerounais dans un contexte où la radio introduite en 1941en pleine Seconde Guerre mondiale en est encore à sa phase expérimentale. C'est donc la presse écrite qui, véritablement constitue le principal média, d'où la nécessité de l'étudier au moment où précisément après la Seconde Guerre mondiale, le processus de décolonisation est engagé dans le pays avec au quotidien des revendications d'indépendance orchestrées par des partis politiques nationalistes dont la plupart des dirigeants ont été moulés par le mouvement syndical ;d'où le sujet: la presse écrite au Cameroun à l'ère des revendications d'indépendance :approche historique qui a été choisi dans le cadre de ce travail de recherche.

II- Justification du choix du sujet

Il nous a semblé opportun d'interroger l'histoire afin d'analyser les choix de la presse écrite pendant la période de décolonisation du pays, plus précisément pendant celle allant de 1946 à 1957.

Plusieurs raisons nous ont amené à jeter notre dévolu sur ce sujet :

· Une première raison est scientifique. En effet, du 16 au 19 mars 2009 le Pape Benoît XVI a effectué une visite au Cameroun. Cet événement a occupé les grandes « Une » de tous les cinq quotidiens du pays que sont : Cameroon Tribune, Le Messager, Le jour, Mutations et La Nouvelle Expression. Ce qui, à l'occasion, a contribué à la mobilisation des camerounais autour de ladite visite. Ce fait a attiré notre attention et il nous a semblé nécessaire de mener une recherche historique pour voir si la presse écrite se mobilisait de la même manière pendant la période de décolonisation pour rendre compte des grands événements sociopolitiques en général et plus singulièrement ceux liés aux revendications de l'indépendance du Cameroun.

· La deuxième raison est personnelle. Notre parcours académique nous a amené à suivre des études à la fois en Histoire à l'Université de Yaoundé I et en Sciences de l'Information et de Communication à l'ESSTIC. Celles-ci ont été complétées par des pratiques journalistiques et publicitaires sur le terrain ; ce qui nous a amené à nous familiariser avec les médias. De même les enseignements d'histoire que nous avons souvent dispensés nous ont amené à choisir un sujet qui allie à la fois histoire et environnement médiatique. Nous avons donc voulu traiter d'un sujet qui contribue à renforcer l'aspect pluridisciplinaire qui caractérise les Sciences de l'Information et de la Communication.

III- Problème de recherche

Selon François Heinderyckx (2002 :37), les médias ont entre autres fonctions : l'information, la mise en relation des composantes de la société dans leurs réactions face à l'environnement, la transmission de l'héritage social, le divertissement, l'appartenance sociale, la psychothérapie et la mobilisation du point de vue commercial et de l'opinion publique.

La première fonction qui est l'information consiste donc pour les supports médias à couvrir les faits majeurs qui se déroulent dans la société et surtout à traiter toutes les informations dans l'objectivité. Il s'agit donc entre autre dans leur travail de collecte de couvrir les grands événements. Au Cameroun, pays sous-tutelle, dont l'administration a été confiée à la France pour la partie orientale qui nous intéresse dans cette recherche et à la Grande-Bretagne pour la partie occidentale, la presse écrite est le média qui a connu plus de succès. En effet, entre 1946, année au cours de laquelle le pays a officiellement acquis le statut de territoire international sous-tutelle et 1957, moment au cours duquel le Cameroun a eu son autonomie interne, la radio introduite dans le pays en 1941 était encore à sa phase d'expérimentation alors que la télévision n'existait même pas. Au cours de la période que nous venons d'évoquer , les principaux organes de presse écrite d'information générale en fonction de leur tirage moyen étaient : Informations Radio-presse (3500 exemplaires), Journal des Villages du Nyong et Sanaga (1000 exemplaires) Le Cameroun libre (1500 exemplaires), L'Éveil du Cameroun (3000 exemplaires), La Presse du Cameroun ( 3000 exemplaires), Le Cameroun de demain (1000 exemplaires), Kamerun mon pays (1000 exemplaires), Vie camerounaise (1500 exemplaires), La voix du Cameroun (3000 exemplaires) et Nku le tam-tam (1000 exemplaires). Ces journaux, pendant leurs moments d'existence ont effectivement rempli leur fonction d'information de la population en couvrant et en faisant les comptes rendus des événements politiques suivants : les élections à l'Assemblée Territoriale du Cameroun organisées en mars 1952, la tournée africaine du Général Charles de Gaulle en 1953, l'arrivée au Cameroun du nouveau Haut- commissaire M. Roland Pré en remplacement de M. Soucadeaux en décembre 1954, la désignation le 17 avril 1956 de M. Pierre Mesmer comme nouveau Haut-commissaire du Cameroun en remplacement de M. Roland Pré, la promulgation le 23 juin 1956 de la loi-cadre de M. Gaston Defferre et les élections à l'Assemblée Législative du Cameroun qui se sont déroulées le 23 décembre 1956 . Ces différents événements politiques ont donc été relayés par les principaux journaux que nous avons déjà évoqués, ce qui est normal puisqu'il s'agissait de faits importants que la presse en tant que relais d'opinion se devait de couvrir pour une meilleure information de la population.

Or, au cours de la même période c'est-à-dire entre 1946 et 1957, à l'exception de Kamerun mon pays et de La voix du Cameroun qui relayaient quelques fois les informations concernant les revendications indépendantistes, tous les autres grands organes de presse ont souvent observé un silence dans la publication des faits liés au désir des camerounais d'accéder à leur indépendance. Parmi ces faits, on peut citer : la première conférence publique de l'Union des Populations du Cameroun (UPC) le 22 juin 1948, la tenue à Dschang du 10 au 13 avril 1950 du premier congrès de l'UPC, la conférence publique organisée par ce parti le 12 juillet 1951 pour dénoncer les fraudes constatées par elle lors des élections de juin 1951 et réclamer l'indépendance du Cameroun, la première intervention du Secrétaire général de l'UPC M. Ruben Um Nyobé le 17 décembre 1952 à la 7ème session de l'Assemblée générale des Nations unies pour  exiger selon Ferdinand Chinji-Kouleu (2006 :91), «  la fixation d'un délai à l'expiration de la Tutelle afin que le Cameroun soit indépendant », la tournée nationale du 14 au 30 janvier 1953 de M. Um Nyobé visant à faire un compte rendu de sa mission à l'ONU, la deuxième intervention du Secrétaire général de l'UPC à la 8ème session de l'Assemblée générale de l'ONU le 9 décembre 1953 pour réclamer encore une fois l'indépendance et la réunification du Cameroun, la troisième prise de parole du Secrétaire général de l'UPC devant la 9ème session de l'Assemblée générale de l'ONU et la tenue du premier congrès du Mouvement d'Union Nationale le 9 juin 1956 qui présente ses principales revendications à savoir : le rejet de la loi-cadre, la dissolution de l'Assemblée Territoriale du Cameroun, l'organisation de nouvelles élections sur la base du suffrage universel et l'indépendance du Cameroun dans un délai court (Idem, P.128).

Tous ces événements de grande portée liés aux revendications de l'indépendance du Cameroun n'ont donc pas bénéficié d'une couverture médiatique de la part des principaux organes de presse écrite du pays. Pourtant à ce moment là, le contexte sociopolitique aurait normalement amené les grands journaux camerounais à assurer une couverture des revendications indépendantistes. Ce silence observé par les journaux locaux est susceptible de conduire à plusieurs interrogations car l'une des fonctions de la presse étant d'informer le public sur les événements majeurs, il faut bien comprendre ce qui a amené la plupart des grands organes de presse, qui pourtant relayaient comme nous l'avons déjà précisé certaines informations, à observer un silence sur le cas précis des faits d'actualité concernant les revendications d'indépendance formulées par des camerounais.

La non-publication des faits d'actualité liés aux revendications d'indépendance par les journaux au Cameroun français entre 1946 et 1957 constitue donc notre problème de recherche.

IV- Problématique

La problématique est selon Raymond Quivy et Luc Van Campenhoudt (1995 : 85) « L'approche ou la perspective théorique qu'on décide d'adopter pour traiter le problème posé par la question de départ ! ». Elle nous oriente de ce fait sur la manière d'interroger les phénomènes que nous étudions dans le cadre de notre recherche. Ainsi, nous dirons que de manière générale notre recherche tente dans une approche historique d'étudier les raisons déterminantes de la non-publication des nouvelles liées aux revendications de souveraineté au Cameroun entre 1946 et 1957. Il s'agit dans cette recherche de sortir d'une histoire récit ou événementielle pour poser le problème de la non-couverture par les journaux camerounais des événements liés aux revendications indépendantistes. Cette posture nous commande d'adopter l'approche théorique de l'école historiographique des Annales qui indique de sortir de l'histoire récit pour se pencher vers une « histoire problème » et surtout le modèle prôné par un de ses tenants, Marc Bloch qui recommande la recherche de causes pour expliquer les phénomènes ou les faits historiques et de s'ouvrir aux autres sciences pour trouver des réponses aux questions posées. C'est pour cela que ce travail amène à poser le problème des raisons de la non-couverture des événements liés aux revendications indépendantistes par les organes de presse écrite pendant la période de décolonisation.

De ce qui précède, on peut dès lors formuler nos questions de recherche.

Questions de recherche

Si nous convenons avec Marie-Fabienne Fortin (1996 :51) qu' « une question de recherche est une interrogation explicite relative à un domaine que l'on désire explorer en vue d'obtenir de nouvelles informations », nous pouvons donc formuler notre question principale de la manière suivante :

Pourquoi les journaux camerounais ne publiaient-ils pas les informations liées aux revendications d'indépendance formulées par les nationalistes ?

Une réflexion préalable semble indiquer que les raisons de la non-publication par les journaux des sujets liés aux réclamations de l'autonomie complète du Cameroun sont propres à chaque catégorie d'organe de presse. Une catégorisation à établir en fonction de l'origine de leurs moyens de production. Ce qui peut donc servir de guide à la formulation des questions secondaires qui soutiennent cette interrogation principale.

Questions secondaires

Les questions secondaires de ce travail sont formulées ainsi qu'il suit:

1- La non-publication par les organes de presse des sujets liés aux réclamations de souveraineté est-elle causée entre autre par le soutien que les journaux publics apportaient à une administration coloniale soucieuse de maintenir sa présence au Cameroun ?

2- Une autre cause de la non-publication par les journaux des sujets concernant les revendications d'autonomie est-elle le soutien que les organes de presse qui appartenaient aux hommes politiques français vivant au Cameroun apportaient à leurs promoteurs anti-indépendantistes ?

3- Les pressions exercées par l'administration coloniale sur des journaux constituent-elles également l'une des raisons déterminantes du silence observé par ceux-ci sur des faits liés aux réclamations indépendantistes ?

4- Le souci des hommes d'affaires de satisfaire et de conserver leur clientèle d'origine française peut-il également être une cause de la non-publication par les journaux des faits d'actualité concernant les réclamations de souveraineté formulées par les nationalistes?

Une réflexion menée sur ces questions nous permet dès lors de formuler les hypothèses suivantes :

Hypothèses de recherche

L'hypothèse selon Madeleine Grawitz (1990 :9) est  « une proposition de réponse à la question posée ». Ainsi nous allons formuler nos hypothèses de la manière suivante:

Hypothèse principale

Si les organes de presse ne publiaient pas les informations liées aux revendications d'indépendance c'est non seulement parce que certains soutenaient leurs propriétaires qui étaient anti-indépendantistes mais aussi en raison des contraintes auxquelles d'autres faisaient face.

Hypothèses secondaires

1- La non-publication par les organes de presse des sujets liés aux réclamations de souveraineté est causée entre autre par le soutien que les journaux publics apportaient à une administration coloniale soucieuse de maintenir sa présence au Cameroun.

2- Une autre cause de la non-publication par les journaux des sujets concernant les revendications d'autonomie est le soutien que les organes de presse qui appartenaient aux hommes politiques français vivant au Cameroun apportaient à leurs promoteurs anti-indépendantistes.

3- Les pressions exercées par l'administration coloniale sur des journaux constituent également l'une des raisons déterminantes du silence observé par ceux-ci sur des faits liés aux réclamations indépendantistes.

4- Le souci des hommes d'affaires de satisfaire et de conserver leur clientèle d'origine française est également une cause de la non-publication par les journaux des faits d'actualité concernant les réclamations de souveraineté formulées par les nationalistes.

V-Objectifs de la recherche

Ce travail vise plusieurs objectifs constitués d'un objectif principal et de quatre objectifs secondaires.

Objectif principal

Le présent travail s'emploie à montrer que si les organes de presse accordaient peu d'intérêt aux sujets liés aux revendications de souveraineté c'est non seulement parce que certains soutenaient leurs propriétaires qui étaient anti-indépendantistes mais aussi en raison des contraintes auxquelles d'autres faisaient face.

Objectifs secondaires

· Cette recherche vise notamment à montrer que la non-publication par les organes de presse des sujets liés aux réclamations de souveraineté est causée entre autre par le soutien que les journaux publics apportaient à une administration coloniale soucieuse de maintenir sa présence au Cameroun.

· Ce travail a également pour objectif de démontrer qu'une autre cause de la non-publication par les journaux des sujets concernant les revendications d'autonomie est le soutien que les organes de presse qui appartenaient aux hommes politiques français vivant au Cameroun apportaient à leurs promoteurs anti-indépendantistes.

· De même, cette recherche entend montrer que les pressions exercées par l'administration coloniale sur des journaux constituent également l'une des raisons déterminantes du silence observé par ceux-ci sur des faits liés aux réclamations indépendantistes.

· La présente recherche vise aussi à démontrer que le souci des hommes d'affaires de satisfaire et de conserver leur clientèle d'origine française est également une cause de la non-publication par les journaux des faits d'actualité concernant les réclamations de souveraineté formulées par les nationalistes.

VI- Méthodologie

Mbonji Edjenguèlè (2005 :11) définit la méthode comme « la manière d'aborder l'objet d'étude, le chemin parcouru, la voie à suivre par l'esprit humain pour décrire ou élaborer un discours cohérent, atteindre la vérité de l'objet à analyser. ».

Pour ce faire, la présentation de la méthodologie de ce travail consistera à évoquer tour à tour les techniques de collecte, d'analyse et d'interprétation des données puis le positionnement théorique dans lequel est encré ce travail.

VI-1 Techniques et outils de collecte des données et techniques d'analyse et d'interprétation des données

Il importe ici de présenter tour à tour les techniques et les outils de collecte des données puis les techniques d'analyse et enfin l'axe d'interprétation desdites données recueillis auprès des sources diverses.

VI-1-1 Technique de collecte des données

Pour ce travail, nous avons procédé à la recherche des sources diverses. Ce qui répond à toute exigence de recherche en histoire. Cette heuristique nous a amené à consulter principalement des sources écrites notamment celles qui ont un lien avec l'objet de ce travail. Il s'agit des exemplaires de journaux, des documents officiels et des travaux de recherche.

- Les exemplaires de journaux de la période coloniale : ce sont des documents originaux c'est-à-dire ceux qui n'ont pas connu d'interprétation. L'objectif premier de leurs promoteurs n'était pas d'en faire des écrits pour l'histoire de la presse écrite au Cameroun. Nous avons donc mobilisé ces documents qui n'ont encore subi aucune modification et qui sont conservés en l'état depuis leur publication. Ces journaux ont été trouvés aux Archives Nationales et à la Bibliothèque Nationale à Yaoundé. De même, nous avons eu recours à des historiens qui nous ont fourni des exemplaires de journaux qu'ils possèdent dans leurs bibliothèques personnelles. C'est le cas du Dr. Joseph Atangana, promoteur de la « Bibliothèque Internationale Charles Atangana » à Yaoundé et de M. Noutsa Noumbo Arangson, historien.

- Les documents officiels : des recherches ont été menées sur les décrets, les lois, les arrêtés et d'autres textes en rapport avec l'objet d'étude. Les Archives Nationales de Yaoundé ont ainsi permis la collecte de cette catégorie de sources.

- Les travaux de recherche : il s'agit de publications et de travaux universitaires notamment des ouvrages, des thèses, des mémoires et des articles. Ce sont des documents interprétés sur la base de sources diverses. Pour les trouver, nous nous sommes rendus dans des centres de documentation. C'est le cas des bibliothèques de l'Université de Yaoundé I notamment la bibliothèque centrale, celle de la FALSH et celle du département d'histoire. Nos recherches nous ont également conduits dans les bibliothèques de l'ENS de Yaoundé, de l'ESSTIC et de la Fondation Paul Ango Ela.

VI-1-2- Les outils de collecte des données

Nous avons utilisé des fiches de lecture pour recueillir les informations issues des différentes sources. Celles-ci nous ont permis de prendre les notes des documents consultés afin de les exploiter pour avoir des résultats fiables.

VI-1-3-Techniques d'analyse et d'interprétation

L'interprétation sera précédée de l'analyse des sources recueillies et de leur traitement selon les méthodes.

V-1-3-1- Techniques d'analyse et de traitement des sources

Pour une meilleure exploitation des informations recueillies auprès des différentes sources et afin d'aboutir à des résultats fiables, nous utilisons deux méthodes. Il s'agit de l'analyse des thèmes développés dans les journaux et de la confrontation des sources d'information. Le choix de ces deux procédures se justifie par le fait que les différentes causes de la non-publication par les journaux des nouvelles liées aux revendications d'indépendance semblent varier selon les catégories d'organes de presse.

- L'analyse des thèmes développés dans les journaux. Il s'agit des organes de presse publics, de ceux qui étaient édités par les hommes politiques français vivant au Cameroun et des publications fondées par les hommes d'affaires. Il faut préciser qu'il s'agit ici d'une analyse thématique de type catégorielle qui consiste à relever , à calculer et à quantifier les fréquences des thèmes évoqués ou émergeants et à les regrouper en éléments significatifs. Ceci amènera donc à côté d'une analyse qualitative c'est-à-dire des thèmes, à faire appel à une analyse quantitative pour voir les plus fréquents qui se dégagent dans ces journaux. Il faut signaler que seuls les thèmes dégagés dans les articles liés à la politique sont analysés, ceci en raison de la problématique de ce travail. Six organes de presse feront donc l'objet d'une analyse des thèmes qu'ils développés par eux. Ce choix se justifie par le fait que ces publications étaient les plus importantes et par conséquent les plus représentatives dans leurs catégories respectives. Ainsi, les périodiques Informations Radio-presse et Journal des villages du Nyong et Sanaga étaient les plus importants parmi les organes de presse publics, d'où le dévolu jeté sur eux pour servir d'illustration pour cette catégorie de publications. Le choix de ces journaux se justifie par leur longévité (16 années pour Informations Radio-presse et 5ans pour Journal des villages du Nyong et Sanaga) ; de même leurs tirages moyens contribuent au renforcement de l'intérêt accordé à ces périodiques (3500 exemplaires pour Informations Radio-presse et 1000 exemplaires pour Journal des villages du Nyong et Sanaga). L'analyse des thèmes développés dans ces organes de presse permettra de voir quels sont ceux qui étaient les plus prépondérants.

Pour ce qui est des journaux fondés au Cameroun par les hommes politiques français, Le Cameroun de demain fondé par le Dr. Louis-Paul Aujoulat et Le Cameroun libre, fondé par M. Koulouma ont été convoqués pour servir d'illustration. Ce choix se justifie par leur longévité (6 années sans interruption pour Le Cameroun de demain et 18 années d'existence pour Le Cameroun libre). De même, leurs tirages moyens militent en faveur du choix porté sur ces publications (1000 exemplaires pour Le Cameroun de demain et 1500 exemplaires pour Le Cameroun libre). C'est à travers l'analyse des thèmes développés dans leurs colonnes qu'il sera découvert ceux qui sont les plus fréquents. Ce qui amènera donc à côté des données qualitatives liées aux thèmes, à s'intéresser aux aspects quantitatifs notamment les fréquences d'apparition de ceux-ci.

Quant aux organes de presse fondés par les hommes d'affaires, l'analyse des thèmes qu'ils développaient amène dans ce travail à étudier les journaux L'Éveil du Cameroun et La Presse du Cameroun qui sont considérés comme les plus importants de cette catégorie de publications. Ce choix se justifie à cause de leur longévité (33 années sans interruption pour L'Éveil du Cameroun et 19 années pour La presse du Cameroun).De même, ces deux supports d'information avaient des tirages moyens assez importants (3000 exemplaires pour chaque publication). Il sera par conséquent question d'analyser les thèmes développés dans les colonnes de ces organes et leur fréquence d'apparition. Ceci pour savoir si par leur contenu ils cherchaient à satisfaire une clientèle d'origine française.

- La confrontation des sources d'information : C'est une procédure de traitement des sources reconnue par les historiens de l'École des Annales qui, à côté de la diversité des sources qu'ils prônent dans l'écriture de l'histoire suggèrent comme méthode de les confronter pour découvrir le fait historique. Marc Bloch (1997 :95), théoricien de cette École postule d'ailleurs que :

« le vocabulaire des documents n'est, à sa façon, rien d'autre qu'un témoignage. Précieux, sans doute, entre tous ; mais, comme tous les témoignages, imparfait ; donc, sujet à critique. Chaque terme important, chaque tour de style caractéristique devient un véritable élément de connaissance, mais seulement une fois confronté avec son entourage et avec les autres dévoile le fait historique. ».

La confrontation des sources d'information consultées consiste à voir pour un même fait historique si plusieurs sources confirment son déroulement aux mêmes dates ou lieux.

Ainsi, il est également question dans cette recherche de montrer que si les organes de presse ne publiaient pas les sujets d'actualité liés aux revendications de souveraineté, c'est aussi parce qu'ils subissaient des pressions de l'administration coloniale. Pour illustrer cette thématique, nous entendons confronter les sources qui nous ont fourni des informations sur l'attitude de l'administration coloniale suite aux dénonciations contenues dans les journaux édités par les nationalistes. Pour cela, nous allons confronter les différentes sources qui nous ont renseignées sur l'attitude de l'administration suite aux dénonciations contenues dans les publications éditées par les nationalistes notamment dans les journaux La voix du Cameroun et Kamerun mon pays. Ce choix se justifie par la longévité du premier (lancé en 1949, La voix du Cameroun continuait à être publiée au terme du cadre temporel de notre recherche) alors que Kamerun mon pays était l'unique quotidien édité par les nationalistes et donc susceptible de ce fait de s'intéresser régulièrement à l'actualité politique. De même, les tirages moyens de ces deux publications (3000 exemplaires pour La voix du Cameroun et 1000 exemplaires pour Kamerun mon pays) font d'eux des journaux importants dans cette catégorie. La confrontation des sources d'information nous amènera dans ce travail à voir si ces publications subissaient des pressions de la part des autorités coloniales.

VI-1-3-2 - Interprétation des données

C'est Marc Bloch (Idem, P.89) qui indique à suffisance que l'interprétation des faits historiques intervient juste après leur analyse. Il postule que «le travail de recomposition ne saurait venir qu'après l'analyse. Disons mieux : il n'est que le prolongement de l'analyse, comme sa raison d'être. » . Mbonji Edjenguèlè (2005 :67 ) pense dans le même ordre d'idées que « L'analyse précède l'interprétation et est le dénominateur commun de ceux qui pratiquent la même science, tandis que l'interprétation les différencie. ». Tout ce qui précède amène à adopter la posture d'historien de l'École des Annales pour interpréter les faits analysés ou traités selon les cas. Les historiens de l'École des Annales posent qu'en histoire il serait subjectif de parler de vérité mais plutôt d'intention de vérité car le fait ou le document ne font pas l'histoire. C'est le chercheur qui, au vu des faits qu'il a à sa connaissance les interprètent pour expliquer le pourquoi de tel phénomène.

L'axe d'interprétation des analyses et de la confrontation des sources faites sera le lien causal des faits historiques. C'est une procédure reconnue par les théoriciens de l'École des Annales et qui a été énoncée par Marc Bloch (1997 :108) pour expliquer le « pourquoi » de certains faits historiques constatés. Nous allons donc dans ce travail prendre notre posture de chercheur en histoire des médias encré dans la vision scientifique de l'école historiographique des Annales pour interpréter les faits historiques issus de l'analyse et de la confrontation des sources afin de comprendre pourquoi les revendications d'indépendance formulées par les nationalistes n'étaient pas publiés par les grands journaux camerounais entre 1946 et 1957. Mais, il ne serait pas judicieux d'expliquer cela par une seule raison déterminante mais par plusieurs causes. En effet, Marc Bloch (1997 :110) indique que :

« Prenons- y garde, d'ailleurs : la superstition de la cause unique, en histoire, n'est trop souvent que la forme insidieuse de la recherche du responsable : partant, du jugement de valeur. " A qui la faute, ou le mérite ? " dit le juge. Le savant se contente de demander « pourquoi » ? Et il accepte que la réponse ne soit pas simple. ».

Cette exigence scientifique d'expliquer le fait historique par plusieurs causes nous recommande donc dans ce travail de montrer que plusieurs raisons déterminantes sont à l'origine de la non- publication des événements liés aux revendications d'indépendance au Cameroun. C'est pour cela qu'à la suite des différentes analyses, il est question de procéder à une interprétation pour découvrir pourquoi les journaux ignoraient les sujets d'actualité liés aux revendications de souveraineté formulées par les nationalistes.

VI-1- 4 -Forme d'écriture utilisée dans la rédaction finale de ce travail

La rédaction d'un travail historique peut se faire sous la forme chronologique notamment dans le cas des récits événementiels. Cette forme d'écriture est prônée entre autre par l'École méthodique ou positiviste.

Cependant, le présent travail étant inséré dans l'école historiographique des Annales qui exige du chercheur qu'il pose un problème, on prône la vérification d'hypothèses préalablement formulées au moyen d'interprétation de faits. C'est la raison pour laquelle la rédaction de ce travail est faite sous la forme thématique afin de vérifier lesdites hypothèses. La forme chronologique ne pouvant être utilisée qu'à l'intérieur desdits thèmes selon les cas, il reste que ce travail est rédigé sous la forme thématique.

VI-2- Positionnement théorique

Le positionnement théorique ou cadre théorique est un construit scientifique du chercheur. Celui de la présente recherche est fortement encré sur une théorie empruntée à l'histoire. Il s'agit de l'École des Annales. Ce courant théorique nous permet de faire un travail historique dépouillé de récit événementiel en posant un problème de recherche ; celui de la non-couverture des événements liés aux revendications d'indépendance par les organes de presse écrite publiés. Phénomène dont il convient de trouver les raisons déterminantes.

VI-2-1- Présentation de l'École des Annales

L'École des Annales est un courant historiographique qui a vu le jour en France grâce aux travaux de Lucien Febvre et de Marc Bloch. Elle succède au Positivisme ou École Méthodique qualifiée d' «  histoire événementielle »  dont les figures de proue sont Seignobos et Langlois. L'École Méthodique accorde une place centrale au document dans le travail d'historien, il y a aussi une recherche de l'objectivité et de la vérité, ce qui oblige l'historien à privilégier les faits. En outre elle prône un récit chronologique des événements. Le déclin de ce courant de pensée va avoir lieu au 20ème siècle.

C'est dans ce contexte que Lucien Febvre va fonder avec Marc Bloch une nouvelle revue, les Annales d'histoire économique et sociale. C'est autour de celle-ci que va se développer l'École des Annales. Ce courant historiographique préconise une histoire complète qui ne se contente pas de récit mais qui pose des problèmes. L'histoire devient avec l'École des Annales une « histoire-problème » qui questionne le passé et remet parfois en cause ses propres postulats afin de ne pas être en reste sur les autres sciences et sur l'histoire du monde. Cette discipline devient également avec les théoriciens des Annales, une science d'interprétation. Il s'agit de la sortir de sa stagnation, d'élargir les alliances possibles avec les autres sciences et de développer la curiosité de l'historien. Lucien Febvre (1952 :204), l'un des fondateurs de cette École dira dans son ouvrage  Combat pour l'histoire  que « Entre l'action et la pensée il n'est pas de cloison, il n'est pas de barrière. Il faut que l'histoire cesse de vous apparaître comme une nécropole endormie où passent seules des ombres dépouillées de substance ». Les tenants de l'École des Annales n'admettent pas l'histoire comme l'enregistrement d'une suite d'événements. Ils réfutent une histoire centrée sur les biographies, les faits diplomatiques, les récits des batailles... L'École des Annales est alors essentiellement un courant d'idées et de méthodes, avec le souci d'abattre « les cloisons » ou les frontières entre les géographes, les économistes, les statisticiens, les sociologues, les juristes et les historiens. Elle admet qu'il ne faut pas hésiter de faire appel à toutes les sciences voisines et à leurs méthodes qui peuvent permettre d'élargir le regard du chercheur en histoire afin de trouver des réponses aux questions posées. C'est pour cela que dans le cadre de cette recherche nous faisons appel à d'autres disciplines scientifiques comme les statistiques et à des méthodes comme l'analyse des thèmes.

VI-2-2- Le modèle adopté et son application dans cette recherche

C'est le modèle théorique de l'École des Annales que prône Marc Bloch qui sera appliqué dans le cadre de cette recherche.

Marc Bloch, historien français, né à Lyon et co-fondateur avec Lucien Febvre de l'École des Annales a exposé sa pensée théorique dans son ouvrage  Apologie pour l'histoire ou métier d'historien publié en 1952 et réédité en 1997. Marc Bloch rejoint Lucien Febvre par ses analyses et sa volonté d'ouvrir le champ de l'histoire aux autres disciplines scientifiques. À l'instar de ses collègues de l'É cole des Annales, il préconise la pluridisciplinarité et le travail collectif chez les historiens. Pour Marc Bloch (1997 :14), « Chaque science, prise isolément, ne figure jamais qu'un fragment de l'universel mouvement vers la connaissance » de même il pense que « Le bon historien, lui, ressemble à l'ogre de la légende. Là où il flaire la chair humaine, il sait que là est son gibier » (Idem, P.18).

Marc Bloch pense en effet que l'historien cherche à comprendre les raisons déterminantes qui ont entraîné le déroulement de faits historiques au lieu de les narrer simplement. Il a ainsi théorisé le lien causal des phénomènes historiques en prônant la recherche de plusieurs causes pour un même fait. C'est la recherche des causes des phénomènes historiques telles qu'énoncée par ce penseur qui nous sert d'encrage théorique dans ce travail. C'est ainsi que nous cherchons à comprendre les raisons qui ont amené les organes de presse à ne pas publier les faits d'actualité liés aux revendications d'indépendance formulées par les nationalistes. Une recherche historique pour Marc Bloch (Idem, P.108) doit avant tout s'atteler à travers les sources disponibles à établir la causalité des événements. Il dit pour cela que :

« En vain, le positivisme a prétendu éliminer de la science l'idée de cause. Bon gré mal gré, tout physicien, tout biologiste pense par " pourquoi " et " parce que". A cette commune loi de l'esprit, les historiens ne sauraient échapper. Les uns, comme Michelet, enchaînent dans un grand " mouvement vital", plutôt qu'ils n'expliquent en forme logique, d'autres étalent leur appareil d'inductions et d'hypothèses ; partout le lien génétique est présent. Mais, de ce que l'établissement de rapports de cause à effet constitue ainsi un besoin instinctif de notre entendement, il ne s'ensuit pas que leur recherche puisse être abandonnée à l'instinct. Si la métaphysique de la causalité est ici hors de notre horizon, l'emploi de la relation causale, comme outil de la connaissance historique, exige incontestablement une prise de conscience critique ».

Marc Bloch, suggère pour comprendre les raisons déterminantes des faits historiques de ne pas hésiter de se poser la question «  pourquoi ». Il indique par ailleurs que la réponse à cette question ne doit pas amener le scientifique à mener sa recherche autour d'une seule cause du phénomène historique mais par celle de plusieurs raisons déterminantes. Pour Marc Bloch (Idem,P.110) :

 « ...préjugé du sens commun, postulat de logicien ou tic de magistrat instructeur, le monisme de la cause ne serait pour l'explication historique qu'un embarras. Elle cherche des trains d'ondes causales et ne s'effraie pas, puisque la vie les montre ainsi, de les trouver multiples. ».

C'est pour cela que dans ce travail nous menons une recherche sur l'histoire des médias et celle-ci ne se contente pas de relater les faits mais de poser des questions précisément celles des raisons de la non-publication par les organes de presse camerounais des sujets d'actualité liés aux revendications indépendantistes. Nous appliquons donc le modèle historiographique de l'École des Annales prôné par Marc Bloch en nous posant la question principale de savoir pourquoi les grands journaux camerounais de la période coloniale ne publiaient pas dans leurs colonnes les nouvelles concernant les revendications d'indépendance formulées par les nationalistes. Bien entendu, la réponse à cette question principale qui est soutenue par plusieurs questions secondaires tentant de déterminer une variété de causes constitue l'ossature de ce travail comme le recommande scientifiquement Marc Bloch.

VII-Intérêt du travail

Le présent travail présente un double intérêt. Il s'agit d'un intérêt scientifique et d'un intérêt pratique.

VII-1- Intérêt scientifique

Ce travail permet de montrer le caractère pluridisciplinaire qui caractérise les Sciences de l'Information et de la Communication. En effet non seulement il s'agit d'un travail d'histoire avec les méthodes reconnues à cette science comme la confrontation des sources, mais aussi d'une recherche axée sur la presse écrite avec l'analyse des thèmes développés par des organes de presse; ce qui permet d'associer à la fois l'histoire et les études sur les structures médiatiques.

De même, il démontre que l'histoire des médias n'est pas seulement un récit d'évènements passés dans lesquels on relate les transformations qu'ont connues les entreprises médiatiques, mais aussi qu'avec des théories historiographiques comme l'École des Annales, on peut questionner le passé et poser des problèmes pour étudier les raisons du silence observé par les structures médiatiques dans la publication des sujets d'actualité notamment ceux liés aux revendications d'indépendance.

VII-2- Intérêt pratique

Ce travail permet en outre de résoudre le problème de la documentation sur l'histoire des médias au Cameroun. En effet, la recherche dans ce domaine reste encore quantitativement limitée. Ce travail vient donc apporter une contribution certes modeste à la connaissance du passé de la presse écrite au Cameroun à un moment important de l'histoire de ce pays. Il s'agit de procurer une documentation à des futurs chercheurs en histoire des médias dans la suite des travaux déjà réalisés dans le même domaine par d'autres scientifiques.

VIII-Délimitation de la recherche

Il importe de préciser les cadres dans lequel ce travail sera inséré. Cette nécessité de délimiter notre recherche obéit à toute exigence d'un travail scientifique, plus précisément en histoire où les facteurs temps et d'espace sont d'une grande importance. 

VIII -1- Délimitation spatiale du travail

Dans ce travail de recherche nous nous intéressons à la partie orientale du Cameroun colonial. Celle-ci est la région administrée par la France avec pour capitale Yaoundé. Ce choix se justifie d'abord par le fait que les sources écrites qui sont disponibles dans l'écriture de l'histoire de cette partie le sont en français, une langue que nous maîtrisons mieux. De même, il nous a été plus facile de nous procurer des journaux ayant paru dans cette partie du Cameroun.

VIII-2- Délimitation temporelle de la recherche

La présente recherche s'inscrit dans un cadre temporel qui va de 1946 à 1957.

1946 étant la période au cours de laquelle le Cameroun a acquis officiellement son statut de pays sous-tutelle de l'ONU avec pour pays administrateurs la France pour la partie orientale qui nous intéresse et la Grande -Bretagne pour la partie occidentale. Ce statut a été confirmé par l'accord de tutelle signé le 13 décembre 1946 entre ces deux pays et l'ONU. C'est ce statut en général et cet accord de tutelle en particulier que les indépendantistes camerounais vont dénoncer tout au long de leur lutte.

Quant à l'année 1957, elle est celle au cours de laquelle le Cameroun a acquis son autonomie interne à la suite du décret du 16 avril 1957 qui a permis la mise en place des nouvelles institutions prévues par la loi votée au cours de la session de l'ATCAM tenue du 28 janvier au 22 février de la même année (Mveng Engelbert,1985 :247).

VIII- 3- Délimitation liée à la typologie des journaux et aux

articles de presse étudiés

Cette recherche s'intéresse particulièrement aux organes de presse d'information générale car c'est eux qui traitaient des sujets d'actualité d'ordre politique et étaient susceptibles de publier les nouvelles concernant les revendications d'indépendance. Il faut bien souligner qu'entre 1946 et 1957 le Cameroun comptaient des organes de presse de typologie variées notamment les journaux d'information générale, des organes de presse confessionnels, des publications d'entreprises et des journaux spécialisés. D'où l'importance qui réside dans la délimitation de cette recherche aux organes d'information générale.

Pour ce qui est des articles de presse étudiés, il convient d'indiquer que ce sont ceux qui traitaient des sujets d'actualité liés au domaine politique que nous allons retenir afin d'en dégager les thèmes qui y apparaissaient.

IX- Revue de la littérature

Notre travail se situe dans le même domaine d'étude que des travaux effectués antérieurement par d'autres chercheurs. Il s'agit d'ouvrages publiés, de thèses et de mémoires chacun selon sa propre orientation. Il est donc important de voir ici ce que ces scientifiques ont écrit sur la problématique de la couverture des événements liés aux revendications d'indépendance formulées par les nationalistes camerounais.

· Tudesq, André-Jean et Nédélec Serges, Journaux et radios en Afrique aux XIXe et XXe siècles, Saint-Étienne, Impressions Dumas, 1998.

L'histoire des médias en Afrique a intéressé André-Jacques Tudesq et Serges Nédélec. Ils ont publié en 1998 un ouvrage intitulé Journaux et Radio en Afrique aux XIXème et XXème siècles. Ces auteurs font un récit chronologique de l'évolution des deux médias en Afrique de 1773, année de la naissance de la première gazette Annonces, affiches et avis divers pour les colonies des îles de France et de Bourbon dans l'île Bourbon jusqu'à la fin du 20ème siècle. Ils vont constater qu'en Afrique l'introduction de la radio est intervenue un siècle après celle de la presse écrite. André-Jean Tudesq et Serges Nédélec (1998 : 90) vont en outre indiquer que l'introduction de la radio dans certains pays notamment ceux placés sous administration française se justifie par le désir de ce gouvernement de « chercher de nouveaux moyens de diffusion dans la France d'outre-mer pour développer les relations avec la métropole, construire l'Union française et combattre les idées nationalistes. ». On voit donc avec eux que la question de la couverture médiatique se pose déjà et ils pensent que les organes de presse et les radios ont été introduits en Afrique pour servir les intérêts des métropoles et combattre les idées développées par les nationalistes. Pour ce qui est du Cameroun, ils précisent que : « Au Cameroun, après 1945, le pluralisme politique favorisa une presse diversifiée : des journaux d'avant-guerre continuaient à paraître, comme L'Éveil du Cameroun qui devient hebdomadaire en 1952, Le Cameroun libre, organe des gaullistes ... » (Idem, P.78). Cet ouvrage évoque donc le soutien des journaux à certaines causes notamment la présence européenne en Afrique et les idées de certains mouvements politiques notamment les gaullistes pour ce qui est du cas du journal Le Cameroun libre. Notre travail quant à lui cherche non pas à évoquer spécifiquement les soutiens des organes de presse pour des causes mais s'intéresse plus spécifiquement aux différentes raisons de la non-couverture des faits liés aux revendications d'indépendance par les organes de presse.

· Omgba Etoundi, Marc Joseph, La presse camerounaise dans tous ses états : esquisse de présentation de la presse écrite camerounaise des origines à nos jours avec un gros plan sur la presse écrite de langue française pour la période allant de 1992 à 1997 (2000). Pour ce travail d'Habilitation à Diriger les Recherches(HDR), l'universitaire pose au départ la problématique qui consiste à voir le rôle joué par la presse dans l'évolution générale des sociétés. La délimitation temporelle qu'il fait de son travail va de 1903 à 1997. Dans sa définition opérationnelle, le chercheur distingue les catégories des différents journaux recensés notamment la presse écrite de service public, la presse d'entreprise, la presse privée d'information générale et politique et la presse spécialisée. Il procède par la suite à une présentation sommaire des différents organes de presse qui ont animé le paysage médiatique au Cameroun de 1903 à 1992. Enfin, il fait un gros plan et présente les différentes structures de presse écrite dans le pays entre 1992 et 1997 en insistant sur les lignes éditoriales, les périodicités et les présentations physiques de ces périodiques. Marc Joseph Omgba Etoundi (Idem, P.79) présentant des organes de presse de la période coloniale dit du journal Le Cameroun de demain qu'il « a été fondé à des fins électoralistes à en croire ses adversaires. Son promoteur qui tient à jouer un rôle politique dans le territoire, entend disposer ainsi d'un organe d'information et d'expression au service de son ambition ».

Ici également le chercheur évoque le soutien des journaux à des hommes politiques. C'est le cas de la publication Le Cameroun de demain fondée par le Dr. Aujoulat qui venait en appui à ses activités politiques.

Notre travail quant à lui est délimité dans la période allant de 1946 à 1957. De même il entend non pas évoquer simplement les orientations éditoriales des organes de presse, mais étudier les raisons de la non-publication par les journaux des sujets liés aux revendications d'indépendance.

· Sah, Israël Leonard, Contribution à l'histoire de la presse écrite de langue française au Cameroun, des origines à l'autonomie (1975) ;

Cette thèse de Doctorat présente de manière générale les différents organes de presse du Cameroun depuis l'arrivée des français en 1916 jusqu'à l'autonomie du Cameroun français en 1957. Il classe les journaux de cette période en plusieurs catégories. Il s'agit notamment des journaux publics, des journaux d'information générale et politique et des organes de presse spécialisés parmi lesquels les journaux confessionnels, corporatifs et les publications sportives. Pour lui, les origines de la presse de langue française au Cameroun sont à trouver dans la fondation le 1er novembre 1916 du journal officiel du Cameroun qui s'appelait alors Journal officiel des territoires occupés de l'ancien Cameroun. L'âge d'or de cette presse intervient pendant la décolonisation. Voici d'ailleurs comment Israël Léonard Sah (Idem, P.104) explique l'origine de cette pluralité d'organes de presse : 

« C'est ainsi qu'une certaine idée de la liberté mettra en marche le processus de la décolonisation qui ne cessera de se développer. La naissance au cours des années 1949-1950 d'un sentiment national camerounais qui ira en s'amplifiant procède du même état d'esprit. Etat d'esprit favorable à la multiplication des journaux et d'organes d'expression proprement indigènes ».

Parlant des orientations éditoriales de ces journaux, il montre également que certaines publications défendaient la cause coloniale tandis que d'autres animés par un sentiment national soutenaient les mouvements nationalistes.

Notre recherche quant à elle est axée sur la période qui va de 1946 à 1957. De même, le travail que nous menons cherche les raisons déterminantes du peu d'intérêt affiché par les grands journaux aux événements liés aux revendications d'indépendance.

Au terme de cette revue de la littérature. Nous avons relevé que les différents documents qui ont déjà abordé le problème de la couverture médiatique pendant la période coloniale se sont plus appesantis sur le fait que ces journaux servaient chacun une cause précise. Notre travail qui a la particularité de s'intéresser à la période allant de 1946 à 1957 entend lui, se démarquer des recherches antérieures en ce sens qu'il pose le problème des raisons de la non-publication par les grands organes de presse des revendications d'indépendance formulées par les nationalistes. Ceci dans une perspective de l'école historiographique des Annales.

X- Définition des mots-clés

Nous avons mobilisé plusieurs concepts dans le cadre de ce travail, leur définition s'avère nécessaire pour une meilleure compréhension de leur utilisation dans cette recherche.

X-1-Presse écrite 

Du latin pressus, pressé, comprimé, serré, enfoncé désigne d'une manière générale, l'ensemble des moyens de diffusion de l'information écrite : quotidiens, hebdomadaires et autres publications périodiques ainsi que les journaux professionnels contribuant à la diffusion de l'information écrite. Tirant son origine de l'usage d'une presse d'imprimerie, l'expression "presse écrite" sert à distinguer la presse par rapport aux autres médias : radio, télévision, internet...

Dans ce travail le concept de presse écrite renvoie à l'ensemble de journaux publiés c'est-à-dire à l'ensemble des supports d'information écrite.

X-2-Nationalisme 

Du latin natio, naissance, extraction, dérivant de natus, né ; le nationalisme est un concept qui renvoie à plusieurs sens : un sens de « libérateur » et un sens de « dominateur ».

Dans son sens de «  libérateur », le nationalisme est une doctrine et une action politique qui visent à l' indépendance d'une nation lorsqu'elle est placée sous une domination étrangère. Le nationalisme peut aussi chercher à défendre une culture opprimée ou niée par un occupant ou dissoute au sein d'un ensemble plus vaste.

Le nationalisme s'appuie alors sur l'unité historique, culturelle, linguistique de la population. Il est fondé sur le principe d' auto-détermination des peuples c'est-à-dire leur droit à disposer d'eux-mêmes avec pour conséquence la souveraineté populaire et l'indépendance de l'État sur un territoire national.

Dans son sens de « dominateur », au sein d'un État-nation existant, le nationalisme est une idéologie politique qui donne la primauté à la nation par rapport à toute autre considération dans les relations internationales. Ce nationalisme peut trouver son origine dans des peurs provoquées par des dangers extérieurs ou par un ennemi intérieur ( xénophobie, antisémitisme...). Il conduit alors à un certain isolement et au retour vers le système de valeurs sur lequel est fondée la nation.

Alain Aimé Rajaonarison (2009 :32) définit le nationalisme comme « la réaction d'un individu ou d'un groupe de personnes à une situation, qui est souvent excitée par l'orgueil blessé, le sentiment d'infériorité, la défaite.».

Tenant compte de tout ce qui précède, nous formulons la définition suivante du nationalisme pour ce travail: c'est un sentiment d'amour pour une nation exprimé par un groupe de personnes dont le territoire est dominé par une puissance étrangère et qui souhaite l'indépendance de celui-ci. Cela amène ainsi plusieurs actions de revendications de souveraineté formulées par ces personnes qui sont donc qualifiées de nationalistes et qui idéologiquement s'opposent aux occupants.

X-3-Indépendance 

Le concept d'indépendance renvoie à plusieurs sens. On peut le définir comme l'état de quelqu'un qui n'est tributaire de personne sur le plan matériel, moral et intellectuel.

Ce concept peut encore être vu comme la situation d'une collectivité dotée sur le territoire où elle vit d'organes non subordonnés à ceux d'une autre collectivité. On dira donc pour ce cas que l'indépendance politique s'exprime juridiquement par la souveraineté étatique interne et internationale. Le concept « indépendance » a donc dans ce cas pour synonymes: liberté, émancipation...

Blouin, Maurice et ali (1995 :39) quant à eux définissent l'indépendance comme la capacité d'être autonome au plan des idées, des sentiments, de la motricité et des habitudes de vie.

Cette définition est proche de celle que nous adoptons dans le cadre de cette recherche où l'indépendance est vue comme la condition d'un État, d'un pouvoir qui ne relève pas d'un autre, qui est souverain à tous points de vue et qui s'administre librement.

XI-Plan du travail

La structure de ce travail comprend trois grandes lignes représentant ses trois parties. La première intitulée présentation du Cameroun et du cadre juridique de la presse écrite est constituée de généralités dans lesquelles nous présentons le territoire et le cadre juridique qui régissait les activités de la presse écrite entre 1946 et 1957. Quant à la deuxième partie, elle est intitulée : le contenu des journaux édités par les Français et les informations fournies par les sources sur l'attitude des autorités à l'endroit des publications des nationalistes. Cette articulation est consacrée à la présentation des données recueillies sur le terrain. Ce qui amène donc à présenter les thèmes contenus dans les différents journaux étudiés et à présenter les informations fournies par les sources sur l'attitude des autorités coloniales suite aux dénonciations contenues dans les journaux fondés par les nationalistes. Pour ce qui est de la troisième partie, elle porte le titre suivant : les causes de la non-publication par les journaux des faits d'actualité liés aux revendications indépendantistes. Cette articulation est centrée sur les analyses thématiques, la confrontation des sources et sur l'interprétation qui nous amène de ce fait à découvrir les différentes raisons déterminantes de la non-publication par les journaux des sujets concernant les réclamations de souveraineté formulées par les nationalistes.

PREMIÈRE PARTIE :

PRÉSENTATION DU CAMEROUN ET DU CADRE JURIDIQUE DE LA PRESSE ÉCRITE

En 1945, au moment où la Seconde Guerre mondiale s'achève, le Cameroun jusque là pays sous-mandat de la SDN va changer de statut. Il va devenir un territoire international sous-tutelle de l'Organisation des Nations Unies. Dès lors, avec le vent des revendications que connaissent des pays jusque là dominés par les puissances occidentales, des Camerounais vont réclamer l'indépendance du pays. Cette première partie s'attèle donc à mobiliser des généralités importantes pour ce travail notamment la présentation du Cameroun après la Seconde Guerre mondiale (chapitre I) et le cadre juridique qui régissait les activités de la presse écrite pendant la même période (chapitre II).

CHAPITRE PREMIER :

PRÉSENTATION DU CAMEROUN APRES LA SECONDE GUERRE MONDIALE

C'est le 2 septembre 1945 que la Seconde Guerre mondiale s'achève officiellement avec la capitulation du Japon. Plusieurs camerounais ont participé aux opérations militaires en tant qu'acteurs en combattant aux côtés des alliés. La fin de ce deuxième grand conflit planétaire va entraîner plusieurs conséquences dont la création de l'Organisation des Nations Unies. De même, plusieurs Camerounais vont entamer des revendications pour réclamer l'indépendance du pays. Ce chapitre entend procéder à la présentation du Cameroun entre 1946 et 1957. Pour cela, il sera question tour à tour de présenter géographiquement et administrativement le Territoire (section I), d'indiquer son statut (section II) et de montrer les différentes tribunes d'expression des Camerounais pendant cette période (section III).

Section I - Présentation géographique et administrative du Cameroun

français

Lorsqu'on parle du Cameroun français, il s'agit de la partie de ce territoire qui était administrée par la France pendant la période coloniale, il est question plus précisément du Cameroun oriental. Cette section vise donc à présenter le pays ; ce qui amène à montrer son aspect géographique (paragraphe I) et son découpage administratif (paragraphe II).

I-1-La géographie du Cameroun français

Selon Richard Joseph (2000 :27), le Cameroun français avait une superficie totale de 431 206 Km2. La France administrait ainsi la plus vaste partie puisque le Cameroun anglais était doté d'une superficie de 76 125 Km2. Quant à la population du pays, elle était estimée en 1954 comme l'indique Richard Joseph (Ibidem) à 3 127 321 habitants dont 3 115 052 Africains et 12 269 Européens. Parmi ces derniers, on dénombrait un total de 11 500 citoyens français.

CARTE 1 : LE CAMEROUN FRANÇAIS

I-2-L'administration du Cameroun

La France a pratiqué au Cameroun le système d'administration direct et a placé à la tête du pays un Haut-commissaire de la République. Entre 1946 et 1957, les personnalités suivantes ont occupé ce poste : MM. Delavignette, Hofher, Soucadeaux, Roland Pré et Pierre Mesmer. Quant à son découpage administratif, le Cameroun était divisé en régions dirigées chacune par un Chef de région. Les différentes régions étaient : Haut-Nyong, Wouri, Nyong et Sanaga, Ntem, Mbam, Mungo, Noun, Bamiléké, Lom et Kadéi, Sanaga-Maritime, Kribi, Bénoué, Adamaoua et Maroua soit 14 au total.

Au terme de cette section nous avons donc pu présenter le Cameroun français, un territoire vaste de 431 206 Km2 et divisé en 14 régions administratives à la tête desquelles étaient placés des fonctionnaires français.

Section II - Le statut du Cameroun après la Seconde Guerre mondiale

La présentation du statut du Cameroun après la Seconde Guerre mondiale constitue pour ainsi dire le principal axe de cette section. Plusieurs textes juridiques déterminent ce nouveau statut du Cameroun après le mandat. Ces textes sont : la Charte de l'Organisation des Nation Unies (paragraphe I), l'Accord de tutelle signé entre la France et l'ONU le 13 décembre 1946 et la constitution de l'Union française promulguée en 1946 (paragraphe II).

II-1-La définition du statut du Cameroun dans la Charte des Nations unies

Le 26 juin 1945, alors que les pays alliés ont déjà réussi à vaincre l'Allemagne et l'Italie et que le Japon poursuit encore la guerre, les représentants de cinquante pays adoptent à l'unanimité la Charte des Nations unies à San Francisco aux États-Unis d'Amérique. Elle va entrer en vigueur le 24 octobre 1945 (Engelbert Mveng, 1985 :173). La nouvelle organisation comprend six organes d'administration qui sont : l'Assemblée générale, le Conseil de sécurité, la Cour internationale de justice, le Conseil économique et social et le Conseil de tutelle qui est chargé des anciens territoires sous-mandat. Le rôle de ce dernier est de veiller au déroulement normal du processus de décolonisation de ces territoires. Ces pays qui jouissent tous d'un statut de territoire international sont : La Nouvelle -Guinée, le Samoa, la somalie, le Ruanda-Urundi, le Cameroun, le Togo, et la zone stratégique qui couvre les îles Marshall, les Mariannes et les Carolines.

Le nouveau statut du Cameroun est donc régi par la Charte des Nations unies. Dans son article 75, celle-ci dispose que :

« L'Organisation des Nations Unies établira, sous son autorité, un régime international de tutelle pour l'administration et la surveillance des territoires qui pourront être placés sous ce régime en vertu d'accords particuliers ultérieurs. Ces territoires sont désignés ci-après par l'expression  "Territoires Sous- Tutelle "».

On voit que l'Organisation des Nations Unies avait déterminé un statut que l'on pourrait qualifier de particulier et qui allait concerner certains territoires dont le Cameroun. Le régime de tutelle, tel que définit par les dispositions de l'article 76 de la Charte des Nations unies a entre autres pour buts : de favoriser le progrès politique, économique et social des populations des territoires sous tutelle ainsi que le développement de leur instruction; de favoriser également leur évolution progressive vers la capacité à s'administrer elles-mêmes ou vers l'indépendance, et d'assurer l'égalité de traitement dans le domaine social, économique et commercial à tous les membres de l'organisation et à leurs ressortissants.

Ainsi définis, les buts du régime de tutelle montrent à suffisance que l'ONU entend promouvoir l'émancipation politique, économique et sociale des populations des territoires placés sous sa tutelle. L'article 77 de la charte précise la nature des territoires qui sont susceptibles d'être placés sous le régime international de tutelle. Il s'agit : des anciens territoires sous- mandat, des territoires pouvant être détachés d'États ennemis à la suite de la Seconde Guerre mondiale et des territoires volontairement placés sous ce régime par les États responsables de leur administration.

Ainsi, avec son statut de pays sous -mandat pendant la période d'existence de la SDN, le Cameroun, si on s'en tient à cette disposition, est donc appelé dès la création de l'ONU à devenir un Territoire sous-tutelle dans le cadre de ce nouveau régime international défini par la Charte des Nations unies. Ce qui revient donc à dire que les conditions de jouissance des libertés des citoyens de ces territoires allaient être déterminées par les puissances tutrices. Le Cameroun n'était donc pas une colonie française mais un territoire international placé sous administration de la France. Mais comme le souligne Engelbert Mveng (1985 :175) « Cela revenait à dire que le Cameroun suivrait la doctrine de Brazzaville sous le contrôle de l'ONU.».

Seulement, la Charte des Nations unies même si elle déterminait explicitement que le Cameroun en tant qu'ancien Territoire sous- mandat devenait une tutelle, elle précisait dans son article 79 que :

« Les termes du régime de tutelle, pour chacun des territoires à placer sous ce régime, de même que les modifications et amendements qui peuvent y être apportés, feront l'objet d'un accord entre les Etats directement intéressés, y compris la puissance mandataire dans le cas de Territoires sous-mandat d'un membre des Nations unies, et seront approuvés conformément aux articles 83 et 85 ».

Le statut du Cameroun tel que précisé par la Charte de l'ONU allait donc être complété dans sa définition par l'Accord de tutelle que la France va signer avec les Nations unies et qui sera entériné par l'Assemblée générale de cette organisation le 13 décembre 1946.

II-2- La définition du statut du Cameroun dans la constitution française et l'Accord de tutelle

- La constitution française du 27 octobre 1946 substitue l'Union française à l'Empire colonial. L'article 60 crée la catégorie juridique de « Territoires Associés » qui correspond à celle des Territoires-sous tutelle. Le Comité juridique de l'Union française et le Conseil d'État admettent que « le Cameroun en tant que Territoire sous -tutelle est un Territoire Associé » (« Avis du 13 avril 1948 » in Revue de l'Union française, 1948 :247). Ainsi, sous réserve de la Charte des Nations unies et de l'Accord de tutelle, la constitution de 1946 fût considérée comme applicable au Cameroun. Le pouvoir législatif continue d'appartenir au parlement français. Le Cameroun est désormais représenté au parlement français avec 3 députés jusqu'en 1951 et 2 sénateurs. Les représentants camerounais sont élus au suffrage restreint et au double collège. Dans les matières réservées, le Cameroun est soumis au régime des décrets édictés par le Président de la République française après avis de l'Assemblée de l'Union française où le Cameroun est représenté par 5 personnalités.

Aux termes de la constitution du 27 octobre 1946, « le Cameroun fait partie de l'Union française en qualité de Territoire associé à la République » (Rapport annuel du gouvernement français à l'Assemblée générale des Nations unies sur l'administration du Cameroun placé sous la tutelle de la France, 1955 :20).

- Quant à l'Accord de tutelle, conformément aux dispositions de la Charte des Nations unies, la France en tant que puissance chargée de l'administration du Cameroun allaient donc signer un accord avec cette organisation pour déterminer les modalités pratiques de l'administration du pays en vue de le conduire à son indépendance. La Charte des Nations unies définit juridiquement les conditions de signature des accords de tutelle. Elle dispose ainsi en son article 81 que :

« L'Accord de tutelle comprend, dans chaque cas, les conditions dans lesquelles le territoire Sous-Tutelle sera administré et désigne l'autorité qui en assurera l'administration. Cette autorité, désignée ci-après par l'expression "Autorité chargée de l'administration", peut être constituée par un ou plusieurs Etats ou par l'organisation elle-même.».

Ainsi, conformément à cet article, la France va proposer à l'Assemblée générale de l'ONU réunie en sa deuxième session ordinaire un projet d'accord le 13 décembre 1946. Le projet est approuvé sous la référence « Accord de Tutelle pour le Cameroun sous mandat français, soumis par le Gouvernement de la France, document A/155 Rev.2 ». L'Accord de tutelle sur le Cameroun, élaboré en 15 articles tenant compte du principe de l'égalité du droit des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes, est approuvé par l'Assemblée générale de l'ONU, puis publié au Journal Officiel de la République française du 29 janvier 1948 .

Aux termes de ce nouveau statut organique, qui n'est pas un simple prolongement du système de mandat, mais dont le champ d'action est plus vaste et les pouvoirs plus étendus, la France s'engage systématiquement à :

· instaurer une véritable politique de développement socioéconomique et culturel ;

· assurer la participation effective des populations à la vie administrative et politique par la mise en place d'organes représentatifs et démocratiques ;

· encourager le respect des droits de l'Homme et des libertés fondamentales comme celles d'opinion, de circulation, d'association et de presse ;

· procéder, le moment venu, aux consultations appropriées, en vue de permettre aux populations de se prononcer librement sur leur régime politique.

L'Accord de tutelle selon les dispositions de son article 2 « confie l'administration du territoire au gouvernement français ». Celui-ci a pleins pouvoirs de législation, d'administration et de juridiction et doit sous réserve des dispositions de la charte « administrer le territoire selon la législation française, comme partie intégrante du territoire français » (Idem, P. 20).

En outre l'article 88 de la Charte des Nations unies dispose que le Conseil de tutelle  établit un questionnaire portant sur les progrès des habitants de chaque territoire dans les domaines politique, économique et social et dans celui de l'instruction. L'autorité chargée de l'administration de chaque territoire relevant de la compétence de l'Assemblée générale de l'ONU adresse à celle-ci un rapport annuel fondé sur le questionnaire précité. Pendant la période coloniale ce questionnaire est régulièrement envoyé aux autorités françaises qui y répondent annuellement pendant la durée de la tutelle sous la forme d'un document écrit et illustré intitulé « Rapport annuel du Gouvernement français à l'Assemblée Générale des Nations Unies sur l'administration du Cameroun». Ce rapport est envoyé à l'ONU dès 1947.

Au terme de cette section, nous avons donc pu voir que le Cameroun est un territoire international placé sous le régime de tutelle dont l'administration a été confiée à la France pour sa partie orientale. Les textes qui régissent ce statut du Cameroun sont : La charte des Nations Unies, la constitution française du 27 octobre 1946 et l'Accord de tutelle signé entre la France et l'ONU.

Ce nouveau statut du Cameroun va accorder des libertés aux ressortissants de ce pays, ce qui va les amener à formuler des revendications d'indépendance dans un espace public déterminé.

Section III - Les tribunes d'expression des camerounais à l'ère de la décolonisation

Cette section consiste essentiellement à présenter les canaux par lesquels les camerounais pouvaient s'exprimer entre 1946 et 1957. Les tribunes qui permettaient aux Camerounais de s'exprimer comme le mentionne Engelbert Mveng (1985 :183-203) sont : les organisations syndicales et politiques (paragraphe I) et la presse écrite (paragraphe II).

III-1-Les organisations syndicales et politiques

- Le syndicalisme camerounais comme d'ailleurs dans la plupart des pays placés sous la domination française est né à l'issu de la Conférence de Brazzaville. Le décret du 7 août 1944 signé du Général de Gaulle, chef de la France libre, reconnaît la constitution des syndicats professionnels en Afrique noire et à Madagascar. C'est ainsi que plusieurs français arrivent au Cameroun pour former les camerounais à l'action syndicale. Parmi eux, Messieurs Jacquot et Gaston Donnat pour le secteur de l'enseignement, Soulier et Lalaurie pour le secteur du chemin de fer. Dans la foulée on enregistre la constitution de plusieurs syndicats dont l'Union des Syndicats Confédérés du Cameroun qui a comme secrétaire MM. Ruben Um Nyobé et Charles Assale, la Confédération Camerounaise des Syndicats des Croyants, la Force Ouvrière...Ces syndicats vont permettre au Camerounais de s'initier aux actions de revendications.

- Pour ce qui est des partis politiques, leur essor sera fondé sur les syndicats et les associations dans les milieux urbains. Leur rôle est surtout de lancer des idées et de créer une opinion qui pèsera même sur les populations rurales. Parmi les partis politiques les plus importants de cette période , on peut citer : L'Union des Populations du Cameroun, section camerounaise du Rassemblement Démocratique Africain créée le 10 avril 1948, qui selon Engelbert Mveng (Idem, P. 196) « est certainement le parti qui, le plus , a fait parler de lui au Cameroun et dans le monde », l'Évolution Sociale Camerounaise fondée en 1949 par M. Pierre Dimalia, le Bloc Démocratique Camerounais formé par M. Louis-Paul Aujoulat en juin 1951, l'Union Sociale Camerounaise, mise sur pied en janvier 1953 par M. Okala...Certains de ces partis politiques se montrent opposés à toute forme de colonisation tandis que d'autres seront plus favorables à la présence française dans le pays.

III-2- La presse écrite 

Elle constituait un moyen d'information et même de formation très important de l'opinion publique auprès de la population scolarisée. Plusieurs journaux ont vu le jour à cette période et sont venus s'ajouter à ceux existant déjà avant la Seconde Guerre mondiale. L'administration coloniale, les leaders des partis politiques et même des hommes d'affaires n'hésitent pas à fonder des journaux pour quelques raisons que ce soit.

Cette section indique donc que les principaux canaux d'expression des Camerounais pendant la décolonisation sont : les syndicats, les partis politiques et la presse écrite.

En définitive, ce chapitre nous a permis de voir qu'après la Seconde Guerre mondiale, le Cameroun a acquis le statut de territoire international sous-tutelle de l'ONU donc l'administration a été confiée pour la partie qui nous intéresse dans ce travail à la France suite aux accords de tutelle validés le 13 décembre 1946. Dès lors, le Cameroun qui est devenu un « Territoire Associé » de l'Union française est administré suivant les lois en vigueur en France.Ce qui a donné lieu à de nombreuses revendications indépendantistes. Les Camerounais pendant cette période avaient plusieurs canaux d'expression pour se faire entendre. Il s'agit des syndicats, des partis politiques et des journaux.

CHAPITRE DEUX :

LE CADRE JURIDIQUE DE LA PRESSE ÉCRITE

Avant 1946, plusieurs organes de presse animaient déjà le paysage médiatique au Cameroun. Parmi eux : Informations Radio-Presse, le journal officiel du Cameroun français, La Gazette du Cameroun, Le bulletin de la chambre de commerce de Douala, L'Éveil du Cameroun, Le Cameroun agricole, forestier et minier, Le Cameroun libre... La période de décolonisation qui débute après la Seconde Guerre mondiale connaît la production de plusieurs journaux d'opinion à la faveur d'un nouveau cadre juridique. Ce chapitre a donc pour axe principal la présentation du cadre juridique qui régissait la presse écrite. Pour cela, il sera question de présenter la structure de la loi française sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881 et ses modifications (section I), les caractères essentiels de ladite loi (section II) et son application au Cameroun (section III).

Section I - La loi française du 29 juillet 1881 et ses modifications

La proposition de la loi du 29 juillet 1881 fût discutée et adoptée le 21 juillet 1881 par la Chambre des Députés de la République française. C'est sa promulgation qui intervient le 29 juillet de la même année. Elle succède à la loi du 29 décembre 1875 jusque là appliquée. C'est cette loi qui va régir les activités de la presse écrite au Cameroun après la Seconde Guerre mondiale, d'où la nécessité de procéder à sa présentation.

I-1-La structure de la loi du 29 juillet 1881

Cette loi comporte 70 articles répartis dans cinq chapitres.

Le chapitre premier est consacré à l'imprimerie et à la librairie. Dans son article premier on peut ainsi lire que « L'imprimerie et la librairie sont libres. ». Ce chapitre comporte 4 articles.

Quant au chapitre deux, il est consacré à la presse périodique et comporte 9 chapitres. L'article 5 indique l'esprit de cette loi qui se veut une loi de liberté car il dispose que : « Tout journal ou écrit périodique peut être publié, sans autorisation préalable et sans dépôt de cautionnement, après la déclaration prescrite par l'article 7 ». L'article 7 de la loi
dispose quant à lui que :

« Avant la publication de tout journal ou écrit périodique, il sera fait au parquet du procureur de la République, une déclaration contenant : le titre du journal ou écrit périodique et son mode de publication ; le nom et la demeure du gérant ; l'indication de l'imprimerie où il doit être imprimé. Toute mutation dans les conditions ci-dessus énumérées sera déclarée dans les cinq jours qui suivront. »

Il est donc clair, si on s'en tient à ces deux articles que le régime d'autorisation a cédé la place à celui de déclaration. Ce qui revient à dire que cette loi qui sera appliquée au Cameroun plus tard va garantir une liberté dans les activités de presse notamment pour ce qui est du lancement d'un organe d'information; surtout que les formalités de déclaration sont assez simples comme le dispose l'article 8 de la même loi « Les déclarations seront faites par écrit, sur papier timbré, et signées des gérants. Il sera donné récépissé ».

Le chapitre trois de cette loi quant à lui est relatif à l'affichage, au colportage et à la vente des journaux sur la voie publique.

Pour ce qui est du chapitre quatre, il concerne les crimes et délits commis par les journalistes ou par tout autre moyen de publication. Il comprend 18 articles et est relatif respectivement à la provocation, aux délits contre la chose publique, contre les personnes, les chefs d'État et agents diplomatiques étrangers et aux publications interdites.

Quant au chapitre cinq, il est lié aux poursuites et à la répression. Il comprend 23 articles concernant respectivement les personnes responsables de crimes et délits commis par voie de presse. Il concerne enfin les peines complémentaires, les récidives, les circonstances atténuantes et les prescriptions.

La loi est conclue par des dispositions transitoires.

C'est donc cette loi votée sous la Troisième République française qui est appliquée au Cameroun entre 1946 et 1957. Elle présente plusieurs innovations et est présentée comme « une loi des libertés ».

I-2- La modification du 13 septembre 1945

Dans un contexte marqué à la fois par la Seconde Guerre mondiale et par le début du processus de décolonisation rythmé par des revendications indépendantistes, la France va prendre une ordonnance le 13 septembre 1945 dans le but de modifier certaines dispositions de la loi du 29 juillet 1881.

En effet, le 13 septembre 1945, le Général Charles de Gaulle, chef de la France libre, prend l'ordonnance No45-2090 (Journal Officiel de la République Française, édition du 14 septembre 1945 :18). Celle-ci vient modifier 13 articles de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Elle concerne essentiellement la poursuite des délits et contraventions de police commis par voie de presse ou par tout autre moyen de publication. Elle laisse en outre apparaître plusieurs modifications dans la loi de 1881. Ainsi :

· Dans tous les cas de poursuites correctionnelles ou de simple police, le désistement du plaignant ou de la partie poursuivante arrêtera la poursuite commencée (article 49).

· Après le réquisitoire, le juge d'instruction pourra, mais seulement en cas d'omission du dépôt prescrit par les articles 3 et 10, ordonner la saisie de quatre exemplaires de l'écrit, du journal ou du dessin incriminé (article 51).

· En cas de condamnation prononcée en application des articles 23, 24 (alinéas 1er et 2), 25 et 27, la suspension du journal ou du périodique pourra être prononcée par la même décision de justice pour une durée qui n'excédera pas trois mois (article 62).

Les dispositions de cette ordonnance seront appliquées au Cameroun suite au décret du 27 septembre 1946.

Section II-Les caractères essentiels de la loi du 29 juillet 1881

La loi du 29 juillet 1881, comme le soulignent Claude Béranger et ali (1972 :8) présente deux caractères essentiels : elle est à la fois une loi de codification et une loi de libération.

II-1-Une loi de codification 

L'article 68 de la loi dispose que : 

« Sont abrogés les édits, lois, décrets, ordonnances, arrêtés, règlements, déclarations généralement quelconques, relatifs à l'imprimerie, à la librairie, à la presse périodique ou non périodique, au colportage, à l'affichage, à la vente sur la presse et les autres moyens de publication sans que puissent revivre les dispositions abrogées par les lois antérieures. »

En matière de droit de la publication, la codification réalisée par cette loi entraîne une division en deux catégories des infractions pouvant être commises par voie de presse : il s'agit notamment :

· Des délits de presse proprement dits définis par la présente loi et réprimés dans les conditions qu'elle fixe. Ainsi par exemple dans son article 27, cette loi dispose que :

« La publication ou reproduction de nouvelles fausses, de pièces fabriquées, falsifiées ou mensongèrement attribuées à des tiers, sera punie d'un mois à un an d'emprisonnement et d'une amende de cinquante francs à mille francs, ou de l'une de ces deux peines seulement, lorsque la publication ou reproduction aura troublé la paix publique et qu'elle aura été faite de mauvaise foi ».

On remarque donc qu'ici, la loi précise l'infraction et elle fixe les conditions dans lesquelles celle-ci est réprimée.

· Des infractions de droit commun définies par le code pénal ou des lois pénales spéciales et réprimées dans les conditions du droit commun. Pour ces cas, la loi renvoie aux applications des dispositions pénales certaines infractions commises par voie de presse. C'est le cas de l'article 43 de cette loi qui dispose que :

« Lorsque les gérants ou les éditeurs seront en cause, les auteurs seront poursuivis comme complices. Pourront l'être, au même titre et dans tous les cas, les personnes auxquelles l'article 60 du Code pénal pourrait s'appliquer. Ledit article ne pourra s'appliquer aux imprimeurs pour faits d'impression, sauf dans le cas et les conditions prévus par l'article 6 de la loi du 7 juin 1848 sur les attroupements. »

II-2-Une loi de libération

On peut dire de la loi du 29 juillet 1881 qu'elle est une loi de libération en ce sens qu'elle présente des caractères nouveaux et particuliers qui viennent lever « les épées » qui, jusque là pesaient sur les promoteurs des organes de presse dont le plus lourd était sans doute l'autorisation préalable. La loi du 29 juillet 1881 vient donc affranchir le responsable de publication. Cet affranchissement se traduit concrètement par plusieurs mesures tant sur le plan des règles et du contrôle de police administrative que sur celui des responsabilités judiciaires notamment la suppression de la mesure d'autorisation préalable pour le lancement d'un organe de presse sur le marché et du dépôt de cautionnement au bénéfice de la déclaration préalable désormais en vigueur. C'est cette mesure de déclaration qui va permettre l'émergence au Cameroun d'une presse d'opinion pendant le processus de décolonisation du pays.

Section III - L'application de la loi du 29 juillet 1881 au Cameroun

C'est donc la loi du 29 juillet 1881 modifiée par l'ordonnance No45-2090 qui va régir la presse écrite dans les Territoires français d'outre-mer. Selon l'Accord de tutelle signé le 13 décembre 1946 entre l'ONU et la France, il est admis par les deux parties que le territoire sous-tutelle est administré selon les lois et règlements en vigueur dans la métropole (article 2). Ainsi les activités de la presse écrite étant régies en France par les dispositions de la loi du 29 juillet 1881, la présente section entend par conséquent indiquer comment ladite loi a été appliquée au Cameroun pendant la période de décolonisation. Pour cela, il sera question de déterminer des textes d'application de cette loi dans le pays (paragraphe I) et de montrer des sanctions qui ont été énoncées par l'administration à l'encontre de certains journaux (paragraphe II).

III-1- Les textes d'application de la loi du 29 juillet 1881 au Cameroun

Plusieurs textes réglementaires édictent les modalités d'application au Cameroun de la loi française du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

III-1-1-Le décret rendant applicable l'ordonnance du 13 septembre 1945

modifiant certaines dispositions de la loi du 29 juillet 1881

En date du 27 septembre 1946, le Président de la République française signe un décret rendant applicable dans les colonies et « les Territoires Associés » les dispositions de l'ordonnance du 13 septembre 1945 modifiant la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Il n'est plus question de revenir ici sur les caractères essentiels dudit texte législatif mais il convient tout de même de préciser que c'est une loi qui simplifie les procédures de création des organes de presse car elle institue la déclaration et c'est ce qui explique donc l'émergence d'une presse d'opinion au Cameroun après la Seconde Guerre mondiale.

III-1-2- L'arrêté No3521 du 13 octobre 1948 sur le dépôt légal

Entre 1946 et 1957, l'administration coloniale a réglementé le dépôt légal des publications paraissant au Cameroun à travers l'arrêté du 13 octobre 1948. Ce texte rend applicable dans le pays les dispositions du décret N° 46-1644 du 17 juillet 1946 fixant les conditions du dépôt légal dans les territoires relevant du Ministère de la France d'outre-mer dont le Cameroun fait partie. Ainsi dans son article premier, il est précisé que la régie du dépôt légal instituée par le décret du 17 juillet 1946 fonctionnera au Service de presse et d'information du Haut-commissariat de la République. Les articles deux, trois et quatre sont plus précis quant au fonctionnement de ce dépôt légal. Ils indiquent la répartition des exemplaires qui sont déposés par les promoteurs d'organes de presse.

III-2- Les sanctions administratives prises pour mieux contrôler les activités de la presse

L'administration coloniale française applique donc au Cameroun les dispositions de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Mais dans un contexte marqué par des revendications nationalistes visant l'indépendance du pays, des mesures administratives sont prises par les autorités coloniales pour contrôler les activités de la presse. Ils sont publiés par l'administration coloniale dans les différents rapports qu'elle envoie à l'ONU en réponse aux questions que cette institution pose et qui sont relatives aux mesures prises pour garantir la liberté de la presse dans le pays. Ainsi, les mesures et sanctions ci-après ont été énoncées par les autorités:

· L'achat des publications non déposées aux frais des contrevenants : l'imprimeur et l'éditeur d'un journal sont, chacun en ce qui le concerne, astreints à la formalité dite du « dépôt légal ». Ils doivent donc déposer des exemplaires de leurs publications auprès de l'administration. 

« Au cas où ils ne se conformeraient pas à cette formalité très simple, et après un délai d'un mois à dater d'une mise en demeure par lettre recommandée, restée infructueuse, l'administration a le droit de faire procéder à l'achat dans le commerce des oeuvres non déposées, et ce aux propres frais des contrevenants, sans préjudice des amendes qui peuvent les frapper. » («  Rapport annuel du gouvernement français à l'Assemblée Générale des Nations Unies sur l'administration du Cameroun », 1947 :93).

· Les interdictions temporaires ou définitives d'organes de presse : si la production

et la distribution des journaux sont libres, l'administration coloniale se réserve toutefois le droit de prendre des mesures dites restrictives à l'encontre de certains organes de presse. Indiquant que ces publications  « ne peuvent faire l'objet de mesures restrictives que dans la mesure où elles risquent de provoquer des troubles graves de l'ordre public. » («  Rapport annuel du gouvernement français à l'Assemblée Générale des Nations Unies sur l'administration du Cameroun »,1955 :161). Les interdictions temporaires ou définitives de journaux peuvent donc être prononcées par les autorités coloniales et d'ailleurs celles-ci pour justifier ces actes auprès des missionnaires de l'ONU indiquent en 1955 que :

« L'autorité administrative a pris ces mesures pour éviter qu'une propagande, basée sur des théories anarchistes ou sur des informations tendancieuses ou mensongères, ne crée des troubles graves dans un pays en pleine évolution sociale où le sens critique est encore insuffisamment développé dans les masses. Enfin les journaux publiés par l'UPC et ses filiales ; La voix du Cameroun, Etoile, Vérité et Lumière ont cessé de paraître depuis juin 1955. ». («  Rapport annuel du gouvernement français à l'Assemblée Générale des Nations Unies sur l'administration du Cameroun »,1955 :161).

L'administration coloniale applique donc la loi française du 29 juillet 1881 au Cameroun en tenant compte des spécificités de ce pays qui est un territoire dit d'outre-mer. Et surtout dans un contexte où le pays est dominé par des revendications d'indépendance, elle tient par ces mesures à mieux contrôler les activités de la presse écrite.

Cette section a donc permis de montrer que plusieurs textes réglementaires ont rendu applicable au Cameroun la loi française du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Cette loi va donc régir les activités de la presse écrite dans le pays tout au long de la période de décolonisation. De même, l'administration coloniale va énoncer plusieurs sanctions dans le but de mieux contrôler les activités de la presse écrite dans ce pays.

Parvenu au terme de ce chapitre qui était centré sur la présentation du cadre juridique de la presse écrite au Cameroun on peut donc constater que c'est la loi française du 29 juillet 1881 qui va régir les activités de ce secteur d'activités. Son application dans ce pays fera l'objet de plusieurs textes réglementaires signés par les autorités françaises. Il s'agit entre autres du décret du 27 septembre 1946 et de l'arrêté No3521 du 13 octobre 1948 sur le dépôt légal. Mais, les autorités coloniales n'hésitent pas à énoncer plusieurs mesures disciplinaires dans le but de mieux contrôler les activités de la presse écrite au Cameroun.

Ce cadre juridique comme on peut le constater institue un régime de la presse dit de déclaration. Ce qui va entraîner l'émergence au Cameroun d'une pluralité d'organes de presse d'opinion.

Cette première partie entièrement centrée sur les généralités notamment la présentation du Cameroun et celle du cadre juridique de la presse écrite nous a permis de voir qu'entre 1946 et 1957, le Cameroun a bénéficié d'un statut de territoire international sous-tutelle administré par la France pour la partie orientale qui nous intéresse dans cette recherche et la Grande-Bretagne pour la partie occidentale. Les syndicats, les partis politiques et la presse écrite étaient les tribunes qui permettaient aux Camerounais de s'exprimer et c'est à travers elles que les revendications d'auto-détermination seront menées par les partisans de l'indépendance du pays. Quant au cadre juridique de la presse écrite, c'est la loi française du 29 juillet 1881 qui régit cette activité après la Seconde Guerre mondiale. Le régime de déclaration qui est institué permet la création de plusieurs organes de presse d'opinion et on peut constater que les autorités coloniales vont énoncer plusieurs mesures administratives dans le but de mieux contrôler les activités de la presse écrite dans le pays.

Après ces généralités, la partie qui va suivre s'attèle à présenter les informations recueillis auprès de nos sources notamment les contenus des informations politiques des journaux publiés par les Français vivants au Cameroun et l'attitude des autorités coloniales suite aux dénonciations contenues dans les organes de presse édités par les nationalistes.

DEUXIÈME PARTIE :

LE CONTENU DES ORGANES ÉDITÉS PAR LES

FRANÇAIS ET LES INFORMATIONS FOURNIES PAR

LES SOURCES SUR L'ATTITUDE DES AUTORITÉS À L'ENDROIT DES JOURNAUX DES NATIONALISTES

Le processus de décolonisation a été marqué au Cameroun non seulement par la création de partis politiques mais par une pluralité d'organes de presse. La presse écrite qui fonctionnait sous un régime de déclaration allait alors connaître l'émergence de plusieurs titres d'une typologie variée. La présente partie est consacrée à la présentation des informations brutes recueillies. Ainsi, elle entend présenter tout d'abord le contenu des journaux édités par des Français vivant au Cameroun. Il s'agit pour cela de présenter les thèmes développés par les organes de presse édités par les Français installées au Cameroun (chapitre trois). Et en second lieu, il sera question de présenter les informations recueillies auprès de sources diverses sur l'attitude des autorités coloniales après les dénonciations publiées dans les organes de presse fondés par les nationalistes dans un environnement marqué par des réclamations d'indépendance (chapitre quatre).

CHAPITRE TROIS:

PRÉSENTATION DU CONTENU DES JOURNAUX PUBLIÉS PAR LES FRANÇAIS VIVANT AU CAMEROUN

Plusieurs journaux ont été fondés au Cameroun pendant la période coloniale française. Cette production éditoriale va davantage s'accélérer avec le déclenchement du processus de décolonisation marqué par des élections dans le territoire et les revendications d'accession à l'indépendance formulées par les nationalistes. De même, l'introduction de la ronéo va booster l'édition, à peu de frais, des journaux dans ce pays. Ce chapitre entend présenter le contenu des journaux publiés par les Français qui vivaient au Cameroun. Il s'agit de ressortir les thèmes développés par les articles à caractère politique qui ont été publiés par lesdits organes de presse. Qu'il s'agisse de l'administration coloniale française, des hommes politiques français installés au Cameroun ou des hommes d'affaires français menant leurs activités dans ce pays, ces différentes forces ont fondé des publications dans le territoire. Dans ce chapitre, il est question de présenter tour à tour les thèmes développés dans les organes de presse publics (section I) , dans les journaux fondés par les hommes politiques français vivant au Cameroun (section II) et enfin dans les publications appartenant aux hommes d'affaires installés dans le pays (section III).

Section I - L'information politique dans les organes de presse publics 

Cette section envisage de présenter le contenu des journaux publics par la présentation des thèmes liés à l'actualité politique qui ont été développés par eux. Entre 1946 et 1957, l'administration coloniale a favorisé la production de plusieurs organes de presse. Parmi eux : Informations Radio-presse, Vie Camerounaise, Journal des villages des Nyong et Sanaga, Les nouvelles du Mungo, Le bamiléké, L'avenir de l'Adamaoua, Études et documents camerounais, Bulletin de renseignements politique, économique et social. ..De toutes ces publications, Informations Radio-presse et Journal des villages du Nyong et Sanaga semblent être les plus importants. D'où le choix porté sur ces deux périodiques pour servir d'illustration afin de découvrir les thèmes développés par les journaux publics. Pour y parvenir, il sera question tour à tour d'identifier ces publications (paragraphe I) et de faire ressortir les thèmes développés par eux dans les différents articles concernant l'actualité politique (paragraphe II).

I-1- Identification des périodiques publics étudiés

Informations Radio-Presse qui a pour sous-titre « Bulletin d'information du Cameroun » est un journal fondé le 1eroctobre 1939 (Informations Radio Presse, No001 du 1er octobre 1939) c'est-à-dire un mois exactement après le début en Europe le 1er septembre de la Seconde Guerre mondiale. Le siège de cet organe de presse est à Yaoundé. À son lancement, la publication est un quotidien mais elle cesse de paraître temporairement en 1944. Informations Radio-Presse est relancé le 3 décembre 1946 (Idem, No001 nouvelle série du mercredi 3 décembre 1946). Dès lors, ce support adopte une périodicité trihebdomadaire et paraît le dimanche, le mercredi et le vendredi. Informations Radio-Presse cesse de paraître définitivement en 1955. Il a 2 pages illustrées et est imprimé sur un grand format de dimension 575 X 410 mm. Son tirage moyen est de 3500 exemplaires et il est édité dans l'Imprimerie du Gouvernement, une entreprise appartenant comme lui à l'administration coloniale française. Informations Radio-Presse est imprimé en bichromie c'est -à-dire en deux couleurs qui sont le noir et le blanc. Il convient de préciser que ce journal coûtait 2 francs le numéro de sa création jusqu'au 30 avril 1950, puis 5 francs du 1ermai 1950 jusqu'à la fin de sa parution en 1955 (Idem, No 524du 30 avril 1950 :1).

Les principales rubriques du journal sont :

· « Lu dans la presse parisienne » : c'est la revue de la presse parisienne. Plusieurs journaux publiés en France sont ainsi revisités pour les lecteurs du journal Informations Radio-Presse notamment : Le Figaro, l'Aurore, Combat et bien d'autres ;

· « Lu dans la presse étrangère » : il s'agit de la revue de la presse américaine, britannique, portugaise, hollandaise et canadienne ;

· « La politique internationale » : on évoque ici des sujets d'actualité des pays autres que la France ;

· « Sport » : cette rubrique présente les nouvelles du sport au Cameroun et en France, de même que celles des compétitions internationales ;

· « Programme cinéma » : Le journal présente ici le programme des films à diffuser dans les salles de cinéma de Douala et de Yaoundé ;

· « De Douala à Maroua, la vie locale » : cette rubrique présente les nouvelles des différentes régions du Cameroun. Ce sont des correspondances venant de plusieurs villes du Cameroun ;

· « Programmes radio» : Il s'agit de présenter les programme des chaînes de radio qui étaient écoutées au Cameroun et dans l'ensemble des pays de l'Afrique Équatoriale française (AEF) notamment Radio-Douala et Radio-Brazzaville.

· « Annonces » : ce sont des messages à caractère commercial.

À côté des rubriques permanentes du journal, on notait également en page 1, des articles d'opinion concernant l'actualité au Cameroun et en France. Il n'y a pas de rubrique identifiée pour ces articles d'opinion.

Quant au support Journal des villages du Nyong et Sanaga, il a pour sous titre « Bulletin mensuel d'information et de liaison des communes, des sociétés Africaines de Prévoyance et des Villages ». Le journal est fondé en juin 1953 (Journal des villages du Nyong et Sanaga, No 001 du 05 juin 1953 :1).Cette publication que Marc Joseph Omgba Etoundi (2000 :77) présente comme « l'une des plus grandes réalisations et de réussite en matière de journaux durant cette période... » est éditée par les services de la région du Nyong -et -Sanaga. Il est imprimé sur un grand format de dimension 575 X 410 mm. Journal des villages du Nyong et Sanaga devient plus tard Journal des villages .Ce changement de dénomination se justifie sans doute parce que selon Marc Joseph Omgba Etoundi (Idem, P.85) « l'ambition de ses promoteurs est de l'étendre dans tous les villages. ». Il coûte 20 francs et son siège est à Yaoundé. En outre, il est bimensuel car paraissant le 5 et le 20 de chaque mois. Il continue de paraître même à la fin du cadre temporel de cette recherche c'est-à-dire en 1957. La spécificité de ce journal par rapport à Informations Radio-presse c'est qu'il est rédigé non pas par les français mais par les indigènes qui travaillent dans des services publics. Son Directeur-gérant est M. Jean Christol, un fonctionnaire colonial. Même si son titre indique une publication locale, cette publication s'intéresse également à l'actualité nationale et internationale. Voici d'ailleurs ses principales rubriques:

· « Connaissance du Cameroun et des Camerounais » : il s'agit ici de donner des nouvelles de l'actualité nationale. Ce sont pour la plupart des nouvelles à caractère sociopolitique ;

· « 15 jours » : c'est une présentation sous forme de brèves de l'actualité internationale ;

· « Annonces » : cette rubrique est consacrée aux communiqués ;

· « Sport » : il est question ici des nouvelles sportives du Cameroun et de l'étranger

À côté de ces rubriques, on note plusieurs articles qui reviennent sur les faits de société s'étant déroulés dans la région du Nyong-et -Sanaga.

Il importe après cette identification des journaux publics, de présenter leur contenu notamment les thèmes qu'ils développaient dans leurs articles se rapportant à l'actualité politique.

I-2- Les thèmes développés par les journaux publics et leur fréquence d'apparition

La présentation des thèmes développés dans les journaux publics à savoir Informations Radio-presse et Journal des villages du Nyong et Sanaga amène successivement à présenter le corpus d'analyse, les unités d'analyse, de même que les thèmes développés dans ces journaux et leur fréquence d'apparition.

I-2-1- Le corpus d'analyse

Etant vu comme l'ensemble exhaustif des documents sur lesquels se réalise l'analyse, notre corpus est par conséquent constitué des articles à caractère politique qui ont été publiés dans les périodiques publics Informations Radio-presse et Journal des villages du Nyong et Sanaga pendant le cadre temporel délimité pour cette recherche.

Informations Radio-presse a été édité 1317 fois entre 1946 et 1955. Ces numéros ont été étudiés afin de dégager les articles qui traitaient des sujets liés à l'actualité politique. Au total 1084 articles se rapportant à l'actualité politique ont donc été publiés dans les colonnes de ce journal. Tandis que Journal des villages du Nyong et Sanaga est paru 108 fois et a publié 235 articles traitant de l'actualité politique. C'est donc un total de 1319 articles de ces deux publications qui constituent notre corpus d'analyse des thèmes développés par les journaux publics au Cameroun à l'ère des revendications d'indépendance. D'où cette représentation :

Tableau 1 : corpus d'analyse des thèmes contenus dans les journaux publics

Nom de la publication

Nombre de parutions étudiées

Nombre d'articles constituant le corpus d'analyse

Informations Radio-presse

1317

1084

Journal des villages du Nyong et Sanaga

108

235

Total

1425

1319

I-2-2-L'unité d'analyse

L'analyse des thèmes développés dans les journaux publics sera appréhendée suivant la fréquence d'apparition des thèmes dans les articles. L'unité d'analyse sera donc ici l'article de presse. Il sera par conséquent question de relever la fréquence d'apparition des thèmes se rapportant à l'actualité politique dans les différents articles publiés dans ces journaux.

I-2-3- Présentation et quantification des thèmes développés par les journaux publics

Les thèmes développés dans les articles des supports Informations Radio-presse et Journal des villages du Nyong et Sanaga constituent notre catégorie d'analyse. Ainsi, en scrutant les 1319 articles de ces publications, on se rend compte que plusieurs thèmes semblent avoir retenus l'attention des rédacteurs de ces périodiques. Ces thèmes sont :Les activités de l'administration centrale coloniale, les réalisations de la France au Cameroun ;la politique intérieure de la France,  les textes signés par les autorités françaises pour l'ensemble des territoires de l'Union Française , les activités des conseillers de l'ARCAM , les activités des conseillers de l'ATCAM , les sessions de l'ARCAM , les sessions de l'ATCAM, Les sessions de l'ALCAM , Les activités des députés Camerounais à l'Assemblée nationale française , les visites des émissaires de l'ONU au Cameroun , les élections organisées au Cameroun par les autorités coloniales françaises et les activités menées par les chefs de régions.

La fréquence d'apparition de ces thèmes ressort dans le tableau ci-après.

Tableau 2 : Fréquence d'apparition des thèmes développés par les journaux publics

Thème évoqué

Nombre d'articles consacrés dans Informations Radio-presse

Nombre d'ar-

ticles contenus

dans Journal

des villages du

Nyong et Sa-

naga

Total

%

(par rap-

Port à l'en-

semble des

des articles)

Les activités de l'administration centrale coloniale

320

71

391

29,6%

Les réalisations de la France au Cameroun

279

54

333

25,2%

La politique intérieure de la France

256

22

278

21,07%

les textes signés par les autorités françaises pour tous les territoires de l'Union française

42

12

54

4,09%

les activités des conseillers de l'ARCAM 

28

0

28

2,1%

les activités des conseillers de l'ATCAM 

53

11

64

4,8%

les sessions de l'ARCAM

12

0

12

0,9%

Les sessions de l'ATCAM

9

8

17

1,2%

Les sessions de l'ALCAM

0

2

2

0,1%

Les activités des députés Camerounais à l'Assemblée nationale française

43

12

55

4,1%

Les diverses élections organisées au Cameroun par les autorités coloniales

31

17

48

3,6%

Les activités menées par le

chef de la région du Nyong-et-Sanaga

0

22

22

1,6%

Les visites des émissaires de l'ONU au Cameroun

11

4

15

1,1%

Total

1084

235

1319

100%

Comme on peut le remarquer, le thème des revendications d'indépendance ne figurait pas parmi les sujets souvent traités et publiés par les journaux publics. Les différents thèmes étaient plutôt portés de manière générale vers les actions qui étaient menées par les autorités coloniales notamment les visites des autorités françaises au Cameroun, les changements à la tête du Haut-commissariat de la République, les audiences du Haut-commissaire de la République, les visites des autorités coloniales à l'intérieur du Cameroun, la participation des autorités coloniales françaises à des réunions à l'étranger, les textes signés par les autorités coloniales, les comptes rendus des missions des autorités françaises à l'ONU pour faire des rapports sur l'administration du Cameroun  et vers la politique intérieure de la France. Ce contenu thématique montre à suffisance que les nouvelles liées aux réclamations d'indépendance formulées par les nationalistes étaient ignorées par les journaux publics.

En définitive, cette section consacrée à la présentation thématique des articles liés à l'actualité politique par les journaux publics nous a amené à choisir comme cas d'illustration les organes Informations Radio-presse et Journal des villages du Nyong et Sanaga, deux publications publiques fondées en octobre 1939 pour la première et en juin 1953 pour la seconde. Ces journaux présentent donc un contenu qui ignore les sujets concernant les réclamations d'indépendance formulées par les nationalistes. Ils s'intéressent en priorité aux activités des autorités coloniales, aux réalisations de la France au Cameroun et à la politique intérieure de la France. Cette présentation des thèmes développés par les organes de presse publics et leur fréquence d'apparition constitue en fait la première étape de l'analyse des thèmes développés par cette catégorie d'organes de presse qui sera poursuivie et interprétée dans la troisième partie de ce travail.

Il importe à présent de poursuivre cette mise en évidence du contenu des organes de presse édités par les Français au Cameroun par la présentation des thèmes d'actualité politique qui intéressaient les journaux publiés par les hommes politiques français qui vivaient au Cameroun.

Section II - L'information politique dans les organes de presse

fondés au Cameroun par des hommes politiques français

Des hommes politiques français qui vivaient au Cameroun ont fondé plusieurs organes de presse pendant la période de décolonisation. Ces acteurs de la scène politique se sont ainsi lancés dans des projets éditoriaux à la faveur du processus de décolonisation au cours duquel des élections multipartites ont été organisées dans le pays. Cette section entend présenter le contenu des journaux édités au Cameroun par des hommes politiques français par la présentation des thèmes liés à l'actualité politique qui ont été développés dans leurs colonnes. Parmi les publications fondées par des hommes politiques d'origine française vivant au Cameroun, on peut citer : Méridien de France et d'Afrique, Le Cameroun de demain (fondés toutes les deux par le Dr. Louis-Paul Aujoulat) et Le Cameroun libre (fondé par les Français libres du Cameroun en 1940 et géré par M. Coulouma). Parmi ces périodiques les plus représentatifs semblent être Le Cameroun de demain et Le Cameroun libre. D'où le choix porté sur ces organes de presse pour servir d'illustration aux journaux publiés par les hommes politiques français vivant au Cameroun. La présentation des thèmes contenus dans ces journaux amènera pour cela à identifier ces publications (paragraphe I) et à faire ressortir les thèmes développés par eux dans les différents articles concernant l'actualité politique (paragraphe II).

II-1- Identification des journaux fondés au Cameroun par des hommes politiques

français

Le journal Le Cameroun de demain est fondé en 1951 par le Dr. Louis-Paul Aujoulat (Le Cameroun de demain, No001 juin 1951). Il est la deuxième publication de cet homme politique après Méridiens de France et d'Afrique fondé en 1946 et qui a cessé de paraître en 1947. Le Dr. Louis-Paul Aujoulat lance donc son organe de presse la même année qu'il fonde son parti politique le Bloc Démocratique Camerounais (BDC). Le siège de ce journal est à Yaoundé. Il est publié en français et est édité sur quatre pages, mais dès le mois d'avril 1955, il ne paraît plus que sur deux pages. Il a pour Directeur-gérant M. André Fouda qui est par ailleurs membre du BDC (Il sera plus tard le premier Maire de la ville de Yaoundé). Cette publication a un tirage moyen est de 1000 exemplaires. Le Cameroun de demain est un mensuel qui est imprimé en bichromie et plus précisément en noir et blanc. Il est édité sur un format berlinois de dimension 470x320 mm. Ce journal disparaît des kiosques en 1956 c'est-à-dire l'année même où son promoteur est battu par M. André-Marie Mbida aux élections des députés à l'Assemblée nationale française. Pour ce qui est de ses rubriques, il faut dire qu'elles varient beaucoup et ne sont pas permanentes. Néanmoins on peut en retenir quelques unes notamment : 

· « le Cameroun ce mois » qui relate les faits d'actualité politique et sociale s'étant déroulés dans le territoire entre deux parutions du journal ; 

· « La chronique » qui est un regard jeté sur la situation sociopolitique du pays par un journaliste ; 

· « A l'étranger » qui est une rubrique reprenant les brèves concernant les pays européens et américains à l'exception de la France ;

· « Annonces » qui est une rubrique d'annonces à caractère commercial.

À côté de cela, on note également plusieurs articles qui  ne rentrent pas dans une rubrique précise.

Quant au journal Le Cameroun libre, il voit le jour en 1940 (« Rapport annuel du gouvernement français à l'Assemblée Générale des Nations Unies sur l'administration du Cameroun »,1947 :92). Son sous-titre est « Organe des Français libres du Cameroun ». C'est un bimensuel qui parait le 1er et le 15 de chaque mois et qui est édité en noir et blanc sur 8 pages et parfois, en fonction de la densité de l'actualité, il a 10 pages c'est-à-dire qu'en plus du nombre habituel on y ajoute une feuille de deux pages sous forme d'encartage. Il est imprimé sur un format de dimension 470x320 mm et a pour Directeur-gérant M. Coulouma Henri qui est par ailleurs propriétaire de l'Imprimerie Coulouma qui porte son nom. Ce dernier est membre du Rassemblement du Peuple Français (RPF) et de l'Association des Colons du Cameroun (ASCOCAM). Le siège de ce journal est à Yaoundé. Le journal Le Cameroun libre cesse de paraitre en janvier 1958. Ses principales rubriques sont :

· « Au jour le jour » : qui revient sur les principaux faits d'actualité de la quinzaine qui se sont développés au Cameroun ou en France ;

· « Nos on dit » : ce sont des articles d'opinion rédigés sous une forme humoristique ;

· « Internationale » : cette rubrique développe des articles liés à l'actualité hors de la France ;

· « chronique juridique » : c'est un regard jeté sur des sujets liés au droit ;

· « Annonce » : ce sont des communiqués le plus souvent à caractère commercial ;

On note également plusieurs articles sur des thèmes et des domaines variés qui ne rentrent pas dans une rubrique précise.

II-2 - Les thèmes développés dans les journaux édités au Cameroun par les

hommes politiques français et leur fréquence d'apparition

Pour présenter les thèmes développés par les journaux édités par les hommes politiques vivant au Cameroun, nous allons tour à tour indiquer le corpus d'analyse, les unités d'analyse et enfin dégager lesdits thèmes.

II-2-1-Le corpus d'analyse

Entre juin 1951, mois de son lancement et janvier 1956, période de cessation de ses activités, le journal Le Cameroun de demain a été imprimé 55 fois. C'est donc les 55 numéros de ce périodique que nous avons étudiés pour voir les principaux thèmes qui intéressaient ses rédacteurs. Pour ce qui est donc des sujets à caractère politique nous avons recensé 241 articles qui ont été publiés par ce journal. Quant au périodique Le Cameroun libre, il a été publié 288 fois entre 1946 et 1957. Dans ces numéros qui ont été étudiés, 315 articles liés à l'actualité politique ont été recensés. Notre corpus d'analyse est donc constitué de 556 articles. D'où la représentation suivante :

Tableau 3 : Corpus d'analyse des thèmes contenus dans les publications édités au

Cameroun par des hommes politiques français

Nom de la publication

Nombre de parutions

étudiées

Nombre d'articles consti-

tuant le corpus d'analyse

Le Cameroun de demain

55

241

Le Cameroun libre

288

315

Total

343

556

II-2-2-L'unité d'analyse

L'unité d'analyse c'est l'article de presse. Il sera par conséquent question de relever la fréquence d'apparition des thèmes se rapportant à l'actualité politique dans les différents articles contenus dans ces organes de presse.

II-2-3- Présentation et quantification des thèmes développés dans les journaux

édités au Cameroun par les hommes politiques français

En étudiant les 556 articles qui constituent ce corpus d'analyse, les thèmes suivants ressortent: Les activités et les idées politiques prônées par leurs promoteurs respectifs, les activités de l'administration coloniale, les réalisations de la France au Cameroun, la politique intérieure de la France, les critiques à l'endroit des nationalistes et les diverses consultations électorales organisées dans le pays. La fréquence d'apparition de ces thèmes ressort dans le tableau ci-après.

Tableau 4 : Fréquence d'apparition des thèmes développés dans les journaux édités au

Cameroun par les hommes politiques français

Thème évoqué

Nombre d'arti-

cles contenus

dans Le Came-

roun de demain

Nombre d'articles contenus dans Le Cameroun libre

Total

%

(Par rapport

A l'ensemble

Des articles)

Les activités et les idées politiques prônées par leurs

Promoteurs respectifs

129

162

291

52,3%

Les activités de l'adminis-

tration coloniale

24

41

65

11,6%

Les réalisations de la France au Cameroun 

44

33

77

13,8%

La politique intérieure de la France 

12

52

64

11,5%

Les critiques à l'endroit des nationalistes 

4

12

16

2,8%

Les diverses élections organisées au Cameroun

28

15

43

7,7%

Total

241

315

556

100%

Ce tableau ressort ainsi les différents thèmes développés par les organes de presse qui étaient édités au Cameroun par les hommes politiques d'origine française. On va ainsi noter que pour ces publications, le thème lié aux activités et aux idées politiques prônées par leurs Promoteurs respectifs occupe 52,3% du nombre total des articles. Elles ne s'intéressent pas aux événements concernant les revendications d'indépendance formulées par les camerounais. Lorsque ces journaux évoquent la question du nationalisme, c'est juste pour apporter des critiques aux idées défendues par ces Camerounais qui aspirent à l'autonomie complète et immédiate de leur pays et pour indiquer que celles -ci sont contraires au développement de ce territoire.

En somme, cette section qui consistait à présenter le contenu des journaux fondés par des hommes politiques français qui vivaient au Cameroun nous a amené à prendre comme cas d'étude les publications Le Cameroun de demain lancé en 1951 par le Dr. Louis-Paul Aujoulat et Le Cameroun libre dirigé par M. Coulouma. Ces organes de presse présentent plutôt un contenu ne s'intéressant prioritairement qu'aux activités et aux idées politiques prônées par leurs promoteurs respectifs. Ils ignorent les sujets liés aux revendications d'indépendance formulées par les Camerounais et lorsqu' il leur arrive de consacrer quelques articles sur les nationalistes c'était pour décrier leur attitude et critiquer leurs actions. Cette présentation thématique constitue en fait la première étape de l'analyse des thèmes développés par cette catégorie d'organes de presse qui sera poursuivie et interprétée dans la troisième partie de ce travail.

Il importe à présent de poursuivre cette présentation du contenu des organes de presse édités par les Français au Cameroun par l'évocation des thèmes d'actualité politique qui intéressaient les journaux publiés par les hommes d'affaires.

Section III - L'information politique dans les journaux fondés par

les hommes d'affaires 

Cette section entend présenter les thèmes développés par les organes de presse édités au Cameroun par les hommes d'affaires. Plusieurs opérateurs économiques se sont également lancés dans la production des organes de presse d'information générale au Cameroun. Cette activité était commerciale pour eux car ils cherchaient à tirer des profits sur les ventes de leurs journaux. Parmi ces journaux édités par les hommes d'affaires on peut citer : L'Éveil du Cameroun de M. Charles Lalanne, La presse du Cameroun, éditée par le groupe de Breteuil, Ici, publié par la Compagnie Africaine de Diffusion(CAD) et dirigé par Mme Marschall. De ces différentes publications, les plus importantes semblent être L'Éveil du Cameroun et La presse du Cameroun. C'est la raison pour laquelle ces deux journaux ont été choisis pour servir d'illustration aux publications fondées au par des hommes d'affaires installés au Cameroun. Cette section entend donc présenter le contenu thématique de ces deux publications. Pour ce faire, il sera tour à tour question d'identifier ces journaux (paragraphe I) et de ressortir les thèmes qu'ils développent dans leur contenu (paragraphe II).

III-1- Identification des journaux publiés au Cameroun par les hommes d'affaires

Plusieurs sources indiquent que le journal L'Éveil du Cameroun a été fondé à Douala en 1927. D'abord le journal lui-même dans sa première parution indique qu'il est à son premier numéro (L'Éveil du Cameroun No 001 du 18 juillet 1927 :1). Marc Joseph Omgba Etoundi (1982 :15) quant à lui précise que « L'Éveil du Cameroun fût conçu en 1927 à Yaoundé. ». Son sous-titre est « Economie coloniale, informations, publicité, Annonces légale ». Cette publication est trihebdomadaire de son lancement en 1927 jusqu'en 1952, année au cours de laquelle elle adopte une périodicité bihebdomadaire. Son siège est à Douala à la Rue du Roi George. Ce journal est imprimé par l' « Imprimerie Commerciale du Cameroun », une entreprise dont le propriétaire est également M. Charles Lalanne, fondateur de L'Éveil du Cameroun. Il est édité sur 4 pages et tiré à 3000 exemplaires .Il coûte 2 francs 50 et est vendu à l'intérieur du Cameroun, dans les colonies françaises et en France. Son fondateur, M. Charles Lalanne était instituteur et homme d'affaires. Le journal cesse de paraître en mars 1955. En effet, dans son numéro 1460 du jeudi 31 mars 1955 en page 1 il est annoncé la fin de parution de cette publication qui est remplacée par un quotidien, La presse du Cameroun. Jean René Comte, l'auteur de cet article précise que « L'Éveil du Cameroun devient quotidien sous le titre de La presse du Cameroun ». Cet organe de presse n'a pas de rubriques permanentes. La seule qui est « Au fil du stylo » et qui est animée par Bil Boquet est en fait une rubrique des faits divers c'est-à-dire des petites histoires sans grand intérêt pour le lecteur qui désire s'informer. Les articles d'opinion sont donc présentés sans faire partie d'une rubrique préalablement identifiée.

Quant au journal La presse du Cameroun, il est fondé le 1er avril 1955 après le rachat de L'Éveil du Cameroun par ses propriétaires (Marc Joseph Omgba Etoundi ,1982 :8). C'est un quotidien qui est imprimé en noir et blanc. La presse du Cameroun est éditée par la Société Camerounaise de Presse et d'Édition dont le principal actionnaire est le groupe de Breteuil qui confie la direction du journal à M. Georges Larche (André-Jean Tudesq et Serges Nédélec, 1998 :84). Cet organe de presse est édité sur un grand format de dimension 575 X 410 mm. Son siège est à Douala à la Place du gouvernement. Il garde la même pagination que L'Éveil du Cameroun (4 pages). Il faut noter qu'au niveau de la numérotation des éditions de ce journal il s'inscrit dans la continuité de L'Éveil du Cameroun. Ainsi au lieu que la première édition de cette publication soit numérotée 001, elle est plutôt numéro 1461 pour respecter une continuité par rapport à la dernière sortie de L'Éveil du Cameroun (No 1460). Cette publication coûte 10 francs. La presse du Cameroun cesse de paraître le 29 juin 1974(Marc Joseph Omgba Etoundi ,1982 :103). Les principales rubriques de ce quotidien sont :

· « Douala » : Il s'agit de faits d'actualités s'étant produits dans cette ville ;

· « Yaoundé » : Ce sont des faits d'actualité s'étant déroulés dans la capitale ;

· « Programmes radio » : ici, il est question des programmes de Radio Douala et de Radio Yaoundé ;

· « Petites annonces » : il s'agit soit des offres d'emploi, soit des annonces à caractère commercial ;

· « Publicité : ce sont des insertions publicitaires ;

· « La page de France-Soir » : cette rubrique occupe toute la quatrième page de La presse du Cameroun. Comme son nom l'indique, il s'agit d'un condensé d'articles

développés dans le journal français France-Soir.

À côté de cela, le journal développe plusieurs articles qui ne rentrent pas dans une rubrique précise.

III-2- Les thèmes développés dans les journaux édités par les hommes d'affaires et leur

fréquence d'apparition

La présentation des thèmes développés dans les journaux édités au Cameroun par les hommes d'affaires consistera tour à tour à indiquer le corpus d'analyse, l'unité d'analyse et les thèmes développés par ces organes de presse de même que leur fréquence d'apparition.

III-2-1-Le corpus d'analyse

Entre le 1er janvier 1946, date du début du cadre temporel de notre recherche et le 31 mars 1955, date de la cessation des activités de l'Éveil du Cameroun, le journal a été publié 562 fois. Ce qui correspond à 562 numéros qui ont été étudiés pour voir les thèmes que cet organe de presse développe. Nous avons ainsi dégagé 476 articles liés à l'actualité politique. Quant au quotidien La presse du Cameroun, entre le 1er avril 1955 et le 31 décembre 1957, il a été édité 909 fois et 817 articles se sont intéressés aux faits politiques .Ce sont donc ces 817 articles qui seront étudiés pour voir le contenu de cet organe de presse. Le corpus d'analyse est par conséquent constitué de 1293 articles ; d'où la représentation suivante :

Tableau 5 : Corpus d'analyse des thèmes contenus dans les journaux fondés par les

hommes d'affaires

Nom de la publication

Nombre de parutions étudiées

Nombre d'articles constituant le corpus d'analyse

L'Éveil du Cameroun

562

476

La presse du Cameroun

909

817

Total

1471

1293

III-2-2-L'unité d'analyse

L'unité d'analyse c'est l'article de presse. Il sera par conséquent question de relever la fréquence d'apparition des thèmes se rapportant à l'actualité politique dans les différents articles publiés dans ces organes de presse.

III-2-3- Présentation et quantification des thèmes développés dans les journaux

édités au Cameroun par les hommes d'affaires

Les différents articles constituant le corpus d'analyse ont abordé les thèmes suivants: la politique intérieure de la France, les activités des autorités coloniales, les réalisations de la France au Cameroun ,les diverses élections organisées au Cameroun, les visites des émissaires de l'ONU au Cameroun, le plaidoyer de certains conseillers de l'ATCAM pour l'amnistie des « responsables » des événements de mai 1955, les activités des conseillers de l'ARCAM ,de l'ATCAM et de l'ALCAM, les activités des membres de l'ASCOCAM, les activités du RPF, du MRP et du BDC.

Il importe ainsi de présenter la fréquence d'apparition de ces thèmes dans les différents articles parus dans les journaux fondés au Cameroun par les hommes d'affaires dans le tableau ci-après.

Tableau 6 : Fréquence d'apparition des thèmes développés dans les journaux

édités par les hommes d'affaires

Thèmes

Nombre d'arti-

cles contenus

dans L'Éveil du

Cameroun

Nombre d'arti-

cle contenus

dans La presse

du Cameroun

Total

%

(Par rap-

Port à

L'ensemble des articles

la politique intérieure de la France

162

287

449

34,7%

les activités des autorités coloniales

97

221

318

24,5%

les réalisations de la France au Cameroun

31

88

119

9,2%

les diverses élections organisées au Cameroun

21

36

57

4,4%

Les visites des émissaires de l'ONU au Cameroun

11

9

20

1,5%

le plaidoyer de certains conseillers de l'ATCAM pour l'amnistie des « responsables » des événements de mai 1955

0

11

11

0,8%

les sessions de l'ARCAM, de l'ATCAM et de l'ALCAM

24

18

42

3,2%

les activités des membres de l'ASCOCAM

16

43

59

4,5%

les activités du RPF, du MRP et du BDC au Cameroun

48

56

104

8,04%

Les visites des autorités françaises au Cameroun

66

32

98

7,5%

Les activités du gouvernement de M. André-Marie Mbida

0

16

16

1,2%

Total

476

817

1293

100%

Ce tableau ressort les différents thèmes développés par les organes de presse qui étaient édités au Cameroun par les hommes d'affaires. On va ainsi noter que pour ces publications, le seul thème lié à la politique intérieure en France occupe 34,7% du nombre total des articles et celui qui est consacré aux activités des autorités coloniales qui vient en second lieu dispose de 24,5% de l'ensemble des articles publiés par journaux. Ces publications ne s'intéressent pas aux événements concernant les revendications d'indépendance formulées par les camerounais. Lorsque ces journaux évoquent la question du nationalisme, c'est pour faire allusion au plaidoyer de certains conseillers de l'ATCAM demandant une amnistie des « responsables » des événements de mai 1955 à Douala et qui ont abouti à la dissolution de l'UPC.

En conclusion, cette section qui consistait à présenter le contenu des journaux fondés par des hommes d'affaires installés au Cameroun nous a amené à prendre comme cas d'étude les publications L'Éveil du Cameroun fondée en 1927 par M. Charles Lalanne et La presse du Cameroun éditée dès 1955 par le groupe de Breteuil. Ces organes de presse présentent plutôt un contenu ne s'intéressant prioritairement qu'à la politique intérieure de la France et aux activités de l'administration coloniale au Cameroun. Ils ignorent les sujets liés aux revendications d'indépendance formulées par les Camerounais et lorsqu' il leur arrive de consacrer quelques articles sur les nationalistes c'est juste pour indiquer que les conseillers de l'ATCAM demandaient clémence auprès des autorités coloniales pour une amnistie des « responsables » des événements insurrectionnels de mai 1955 et qui ont abouti à la dissolution de l'UPC. Cette présentation thématique qui vient d'être faite constitue en fait la première étape de l'analyse des thèmes développés par cette catégorie d'organes de presse qui sera poursuivie et interprétée dans la troisième partie de ce travail.

En définitive, ce chapitre entièrement consacré à la présentation des thèmes qui intéressaient les organes de presse édités au Cameroun par les Français entre 1946 et 1957 nous a amené à étudier tour à tour les journaux publics, les périodiques fondés par les hommes politiques français vivant au Cameroun et enfin les publications éditées par les hommes d'affaires. Le premier constat d'ensemble est que ces publications ignorent les sujets d'actualité liés aux revendications d'indépendance. Pour ce qui est des organes de presse publics leur intérêt est porté sur des sujets concernant les activités des autorités coloniales et les réalisations de la France au Cameroun. Les journaux fondés par des hommes politiques français quant à eux privilégient dans leur traitement de l'information les activités menées par leurs fondateurs. Tandis que les publications éditées par les hommes d'affaires jettent leur dévolu sur la politique intérieure de la France et les activités des autorités coloniales au Cameroun.

Si les journaux publiés par les Français au Cameroun ignoraient les sujets liés aux revendications d'indépendance formulés par les camerounais, ce qui ne pouvait pas leur causer des conflits avec l'administration coloniale, les organes de presse édités par les nationalistes dans le but de porter leurs idées auprès de l'opinion semblent avoir eu des rapports difficiles avec les autorités coloniales françaises. Ce qui nous amène au quatrième chapitre qui présente l'attitude des autorités coloniales suite aux dénonciations contenues dans les journaux édités par les nationalistes dans un environnement marqué par les réclamations d'autodétermination.

CHAPITRE QUATRE :

LA DESCRIPTION PAR DES SOURCES DE L'ATTITUDE DES AUTORITÉS À L'ENDROIT DES JOURNAUX ÉDITÉS PAR LES NATIONALISTES

À la faveur de l'application au Cameroun de la loi française du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et avec le déclenchement du processus de décolonisation, des nationalistes vont fonder des organes de presse. Le but de ces journaux d'opinion est bien évidemment de les accompagner dans leur lutte pour l'obtention de la souveraineté du pays. Ce chapitre entend présenter les informations fournies par les sources consultées au sujet de l'attitude des autorités coloniales après les dénonciations publiées dans les journaux fondés par les nationalistes. Parmi les organes de presse appartenant aux nationalistes entre 1946 et 1957 et dans lesquelles sont publiées des dénonciations de la présence coloniale , on peut citer : La voix du Cameroun (fondée par l'UPC), L'étoile (fondée par l'UPC), les cahiers upécistes (fondé par l'UPC), Kamerun mon pays (Fondée par M. Ndjeng Jean), Le flambeau (fondé par M. King John), Le kwifo (fondé par le « Kumzse), La vérité (fondée par la Jeunesse Démocratique du Cameroun), Lumière (fondé par l'UPC)... De ces différentes publications, les plus importantes semblent être La voix du Cameroun et Kamerun mon pays. Il s'agit donc de montrer l'attitude de l'administration coloniale après les écrits contenus dans les journaux La voix du Cameroun et Kamerun mon pays. Pour ce faire, il sera d'abord question de présenter l'intérêt porté aux réclamations indépendantistes par les publications des nationalistes (section I), ensuite présenter les informations fournies par les sources consultées sur l'attitude des autorités coloniales après la publication dans les colonnes de La voix du Cameroun (section II) et de Kamerun mon pays (section III) de certains articles dénonçant la présence française au Cameroun.

Section I- L'intérêt porté aux réclamations indépendantistes par les publications des nationalistes 

Cette section entend montrer que les journaux édités par les nationalistes s'intéressaient aux sujets d'actualité liés aux réclamations de souveraineté et accompagnaient les indépendantistes dans cette quête de l'autonomie complète du Cameroun. Pour y parvenir il sera d'abord question de présenter les périodiques qui nous servent d'illustration (paragraphe I) et ensuite d'indiquer les principaux événements concernant les revendications de souveraineté qui ont été couverts et relayés par lesdits journaux (paragraphe II).

I-1 : Identification des journaux publiés par les nationalistes

Il s'agit dans ce paragraphe de procéder à la présentation des deux organes de presse qui nous servent d'illustration parmi les journaux édités par les indépendantistes. C'est en septembre 1949 que l'Union des Populations du Cameroun fonde à Douala le journal La voix du Cameroun (La voix du Cameroun No001, septembre 1949 :1). Cet organe de presse est un mensuel et il a pour sous-titre jusqu'en décembre 1955 « Organe de l'Union des Populations du Cameroun, section camerounaise du Rassemblement Démocratique Africain ». Dès janvier 1956, avec l'adoption de son nouveau design et suite à l'interdiction de l'UPC, le sous-titre de La voix du Cameroun devient « Organe central de l'Union des Populations du Cameroun ». Le journal est mensuel et coûte 15 francs à l'intérieur du Cameroun et 20 francs à l'extérieur du pays. Son siège est à New-Bell à Douala. Le tirage moyen de cette publication est de 3000 exemplaires. Il est édité en noir et blanc. Ce support d'information est imprimé sur quatre pages sur un format de dimension 410x290 mm de sa fondation jusqu'en 1955 et est tiré sur offset. Mais dès 1956, il est ronéotypé et son format a désormais une dimension de 290 x210 mm. Le journal continue de paraître sous maquis malgré l'interdiction du parti en 1955. Plusieurs responsables de l'UPC ont occupé le poste de Directeur-gérant de La voix du Cameroun. Il s'agit respectivement de MM. Ernest Ouandié de 1949 à 1952, Abel Kingué de 1952 à 1955 et Joseph Innocent Kamsu dès janvier 1956. Dans son contenu le journal présente plusieurs rubriques notamment :

· « Editorial » : Ici la position du journal est donnée sur un sujet d'actualité ;

· « Nouvelles » : Il s'agit de nouvelles du pays, le plus souvent l'action des indépendantistes sur le terrain et les agissements des autorités coloniales ;

· « Page humoristique » : Celle-ci traite des sujets d'actualité sous forme d'humour et est animée par un rédacteur qui a pour pseudonyme « The observer ».

D'autres articles ne rentrant pas dans des rubriques précises sont également publiés dans les colonnes de ce périodique.

Quant au journal Kamerun mon pays, il est fondé en janvier 1956 à Douala (Kamerun mon pays, édition No001 du 4 janvier 1956). Il a pour sous-titre « Organe progressiste d'informations ». À son lancement il est trihebdomadaire, paraissant le mardi, le jeudi et le samedi. Mais en octobre 1956, il change de périodicité et devient quotidien dans sa nouvelle version. Le journal est ronéotypé et est édité sur un format de dimension 290 x210mm. Il a un tirage moyen de 1000 exemplaires et a 4 pages même si la densité de l'actualité amène parfois ses promoteurs à le produire sur 6 ou même 8 pages. Le journal Kamerun mon pays a pour Directeur - gérant M. Ndjeng Jean jusqu'en octobre 1956 et à partir de cette période, ce dernier est remplacé par M. Zambo Jean - Paul. Le Rédacteur- en-chef de cette publication est M. Jean Marie Manga. Son siège est à Akwa à Douala et il coûte 10 francs. Outre l'éditorial généralement signé du Rédacteur-en-chef, les rubriques de ce journal sont :

· « Evénement » qui publie le fait marquant du moment ;

· « Dernière heure » qui est rédigé sous forme de brèves. Ce sont des nouvelles de l'actualité qui ne font pas l'objet de commentaires ;

· « Tribune » : Cette rubrique est rédigée par les lecteurs et donne l'occasion à l'un deux de s'exprimer sur un sujet d'actualité ;

· « Il semble » : Cette rubrique est destinée à faire des commentaires sur les agissements des autorités coloniales à l'endroit des nationalistes ;

· « Communiqués » :C'est une rubrique consacrée aux annonces diverses.

Des articles ne rentrant pas dans une rubrique précise du journal sont également publiés dans le journal.

I-2-La publication par les journaux édités par les nationalistes des sujets liés aux

réclamations de l'indépendance

Pendant la période de décolonisation, les nationalistes camerounais vont réclamer la souveraineté du pays à travers plusieurs événements qu'ils vont organiser. Ce paragraphe présente ainsi l'intérêt porté par les journaux fondés par les nationalistes aux manifestations majeures de revendication de l'autonomie du Cameroun. Leur importance tient notamment du fait qu'ils ont été repris plus tard par des historiens ayant écrit sur cette période, de leur caractère populaire et des sujets qu'ils ont abordé et qui constituaient des thèmes assez importants dans le contexte sociopolitique de cette période. Parmi les principaux événements indépendantistes de la période allant de 1949 à 1957 et qui en raison de leur importance étaient susceptibles d'être relayés dans les colonnes des périodiques édités par les nationalistes on a :

· Le premier Congrès ordinaire de l'UPC

Il se tient à Dschang du 10 au 13 avril 1950. Pendant les travaux, les participants réaffirment leur souhait de voir le Cameroun indépendant. À la fin de ce congrès, des responsables de l'UPC dont MM. Um Nyobé, Ngom Jacques, Ntehep Jean et Kingué Abel se rendent chez le juge de paix pour y déposer une motion de protestation de la présence française au Cameroun (Victor Julius Ngoh, 1990 :123).

· La conférence publique de l'UPC du 12 juillet 1951

Après les élections à l'Assemblée nationale française de juin 1951, M. Um Nyobé, organise une conférence publique dans la salle des fêtes d'Akwa pour dénoncer ce qu'il qualifie de tripatouillage électorale orchestré par l'administration coloniale. À l'issu de ce scrutin, l'UPC a obtenu 3081 voix 280.302 suffrages exprimés (Idem, P.125). Au cours de cette conférence plusieurs dirigeants de l'UPC dont MM. Djoumessi Mathias et Um Nyobé Ruben respectivement Président et Secrétaire général du parti prennent la parole pour condamner la fraude massive enregistrée pendant les élections et pour réitérer la nécessité pour le pays d'accéder à son indépendance.

· La Première intervention de M. Um Nyobé à l'ONU

Le 17 décembre 1952, le Secrétaire général de l'UPC, M. Um Nyobe Ruben s'exprime devant les membres de la 4ème Commission de l'Assemblée générale de l'ONU. Il sollicite la fixation d'un délai pour l'expiration de la tutelle afin que le Cameroun soit indépendant (Um Nyobé Ruben, « programme politique », 1953). L'événement est assez important dans le contexte sociopolitique de l'époque car c'est la première fois que l'ONU accorde aux Camerounais l'opportunité de s'exprimer sur la présence française dans le pays.

· La tournée de compte rendu du Secrétaire général de l'UPC

Après son intervention à l'ONU, M. Um Nyobé effectue une tournée de compte rendu qui le conduit dans plusieurs villes du Cameroun en janvier 1953. Il entend donner aux populations à travers les réunions publiques qu'il organise les grandes lignes de son intervention aux Nations unies. Comme le dit Victor Julius Ngoh (1990 :123), Il se rendit ainsi dans les villes de Ngaoundéré, Tignère, Sa'a, Okola, Esse, Kribi et Nkongsamba.

· La deuxième intervention du Secrétaire général de l'UPC devant l'Assemblée générale de l'ONU

Le 5 décembre 1953, M. Ruben Um Nyobé se rend une fois de plus au siège de l'ONU à New-York où il prend la parole devant les participants à la 8ème session de l'Assemblée générale. Cette fois, il fait un état des lieux de l'administration du Cameroun par la France et conclut que seule une indépendance est nécessaire pour le pays (Ferdinand Chinji-Kouleu, 2006 :94).

· Le premier congrès du Mouvement d'Union Nationale

Le 9 juin 1956, à Dibombari, des nationalistes réunis autour du Mouvement d'Union Nationale tiennent leur premier congrès. Ils réclament l'amnistie des Camerounais arrêtés à Douala en mai 1955 et ceux qui ont été amenés à entrer dans le maquis, l'indépendance et la réunification du Cameroun. L'événement tient son importance en ce sens que c'est la première fois depuis la dissolution prononcée de l'UPC le 13 juillet 1955 que des Camerounais tiennent une rencontre d'un tel niveau pour réclamer l'indépendance et la réunification du pays (Idem, P.128).

· La prise de parole de l'UPC dissoute à l'ONU en 1956

Malgré l'interdiction de l'UPC par l'administration coloniale le 13 juillet 1955 et après la visite de la mission d'évaluation de l'ONU au Cameroun (Victor Julius Ngoh ,1990 :130), l'UPC est de nouveau admise en 1956 à l'ONU pour revendiquer l'indépendance du Cameroun. Le journal Kamerun mon pays (No 0019 des Samedi 10 et dimanche 11 novembre 1956 :8) qui relaie cette information indique que :

« La commission de l'Assemblée des Nations unies a examiné les problèmes des pays sous tutelle et, en ce qui concerne le Kamerun, après de longs débats, a admis la présence de l'UPC à New-York. M. Bargues, représentant de la France s'est opposé et a déclaré que ce mouvement a été dissout ».

Entre 1949 et 1957, les journaux fondés par les nationalistes ont accompagné leurs propriétaires dans leur lutte pour l'indépendance du Cameroun. Pour cela, ces organes de presse vont relayer comme faits d'actualité plusieurs événements organisés par les nationalistes pour réclamer l'autonomie complète du pays. Parmi les événements que nous venons de présenter voici ceux qui ont été effectivement publiés dans les colonnes de ces journaux.

Tableau 7 : Les principaux événements anticoloniaux relayés par les journaux

Fondés par les nationalistes

Manifestation liée à la réclamation de l'indépendance

Date

Couverture de ladite manifestation par La voix du Cameroun

Couverture de ladite manifestation par Kamerun mon pays

Le premier Congrès ordinaire de l'UPC

10-13avril 1950

X

Pas encore fondé

La conférence publique de l'UPC

12 juillet 1951

Non

Pas encore fondé

La Première intervention de M. Um Nyobé à l'ONU

17décembre 1952

X

Pas encore fondé

La tournée de compte rendu du Secrétaire général de l'UPC

Janvier 1953

X

Pas encore fondé

La deuxième intervention du Secrétaire général de l'UPC à l'ONU

5décembre 1953

X

Pas encore fondé

Le premier congrès du Mouvement d'Union Nationale

9 juin 1956

X

X

La prise de parole de l'UPC dissoute à l'ONU en 1956

novembre 1956

X

X

Légende : X= événement effectivement relayé par le journal

À la lecture de ce tableau, on se rend compte que les journaux publiés par les nationalistes ont affiché un réel intérêt à couvrir et à publier les principaux faits d'actualité liés aux revendications d'indépendance. Toutefois, si on comprend que le journal Kamerun mon pays, fondé en 1956 n'a pas pu publier les faits qui se sont déroulés avant son lancement, on peut néanmoins constater que La voix du Cameroun, organe de l'Union des Populations du Cameroun, n'a pas relayé tous les événements malgré l'intérêt qu'il portait à la lutte pour l'indépendance du Cameroun. En effet, la conférence publique organisée par ce parti le 12 juillet 1951 n'a pas fait l'objet d'un article dans les colonnes de ce journal.

Cette section a donc permis de présenter les principaux organes de presse édités par les nationalistes et qui servent d'illustration dans ce travail. D'où l'intérêt porté par eux aux événements concernant les réclamations d'indépendance. Seulement, on se serait attendu à ce que ces organes de presse relaient toutes ces manifestations. Il n'en a pas été le cas ; en effet l'information liée à la conférence publique organisée le 12 juillet 1951 à Douala par l'UPC pour protester contre les résultats des élections à l'Assemblée nationale française et réclamer le départ de la France n'a pas été publiée dans les colonnes de cette publication. Il s'agit donc par la suite de comprendre pourquoi même les journaux fondés par les nationalistes ne publiaient pas tous les sujets liés aux grandes manifestations de réclamation de l'indépendance organisés pourtant par leurs propriétaires.

La section qui va suivre est une présentation des informations recueillies auprès de sources diverses sur l'attitude des autorités coloniales après la publication dans les colonnes de La voix du Cameroun d'un article portant sur les résolutions du premier congrès de l'UPC.

Section II- La description par les sources de l'attitude des autorités après

la publication par La voix du Cameroun des résolutions du

premier congrès de l'UPC

Cette section entend présenter les informations recueillies auprès des sources consultées sur l'attitude des autorités coloniales après la publication par le journal La voix du Cameroun d'un article consacré aux résolutions du premier congrès de l'UPC qui s'est tenu du 10 au 13 avril 1950 à Dschang. Pour y parvenir nous allons présenter ledit article (paragraphe I), puis indiquer les informations données par les sources consultées au sujet de l'attitude des autorités après la publication de cet article de presse (paragraphe II).

II-1- La publication par La voix du Cameroun de l'article portant sur les

résolutions du premier congrès de l'UPC

Du 10 au 13 avril 1950 est organisé à Dschang, le premier congrès de l'UPC. À la fin des travaux, le journal La voix du Cameroun qui relaie régulièrement les nouvelles concernant les revendications d'indépendance formulées par les nationalistes publie en pages une et deux, un article qui fait un compte rendu de ces assises. Parmi les résolutions de cette rencontre que relaie La voix du Cameroun du mois d'avril 1950, il y a : l'union autour de la lutte anticoloniale  et  les doléances portées par les Camerounais devant le Conseil de tutelle de l'ONU. De même, à la fin de ce congrès, MM. Um Nyobé, Kingué Abel, Ngom Jacques et Ntehep Jean, tous des dirigeants de l'UPC sont arrêtés et mis en prison. Ce qui fera dire à La voix du Cameroun dans le même article que « la colonisation c'est le vol, c'est le pillage, c'est le meurtre ».

Après la publication de cet article dans les colonnes du journal La voix du Cameroun, plusieurs sources consultées ont fait état d'une réaction des autorités coloniales françaises à l'encontre de cet organe de presse.

II-2- La description par les sources de la réaction des autorités coloniales après la

publication de l'article portant sur les résolutions du premier congrès de l'UPC

Plusieurs sources consultées indiquent une réaction des autorités coloniales après la publication de l'article faisant le compte rendu du congrès de l'UPC et qui a par la même occasion fait état de l'arrestation de plusieurs dirigeants de ce parti.

· Pour André-Jean Tudesq et Serges Nédélec (1998 : 78) présentant le journal La voix du Cameroun :

« Imprimée d'abord en France, cette feuille de combat se présentait comme une " manifestation du développement naturel de notre lutte émancipatrice ", déclarant en avril 1950 que " La colonisation, c'est le vol, c'est le pillage, c'est le meurtre ". La voix du Cameroun subit des pressions de la part des administrateurs coloniaux et fût interdite entre mai 1950 et janvier 1952 ».

· Ferdinand Chindji-Kouleu (2006 :85), quant à lui écrit ce qui suit: « Interdiction de La voix du Cameroun pour avoir déclaré " La colonisation, c'est le vol, c'est le pillage, c'est le meurtre. Entre mai 1950 et janvier 1952, le journal ne parut plus ».

· Marc Joseph Omgba Etoundi (2000 :79), présentant La voix du Cameroun pense que « D'après ses promoteurs, La voix du Cameroun doit apporter le salut de la démocratie et la liberté et partant se trouver un oppresseur, le journal a l'obligation de crier l'indignation du peuple. Il souffre durement de cette lutte.».

· Ruben Um Nyobé (1989 :72), précise pour sa part que « L'Union des Populations du Cameroun a déjà tenu son premier congrès à Dschang du 10 au 13 avril 1950. L'UPC dirige un journal intitulé La voix du Cameroun qui paraît une fois par mois. Sa parution a été interrompue ces derniers temps. ». 

Plusieurs de ces sources font donc état d'une réaction de l'administration coloniale après la publication dans les colonnes de l'organe de presse La voix du Cameroun d'un article faisant le compte rendu du premier congrès de l'UPC et indiquant l'arrestation des dirigeants de ce parti.

Donc, cette section consacrée à la présentation des informations recueillies auprès des sources consultées au sujet de l'attitude de l'administration coloniale après la publication par le journal La voix du Cameroun d'un article consacré aux résolutions du premier congrès de l'UPC nous a permis de voir que plusieurs sources font état d'une réaction des autorités française après la publication dudit article. La confrontation de ces sources amènera à établir le fait à retenir sur cette attitude des autorités coloniales à l'endroit du journal La voix du Cameroun.

Section III- La description par les sources de l'attitude des autorités

après la publication par Kamerun mon pays d'un article portant

sur l'interdiction d'une réunion publique des nationalistes

Cette section entend présenter les informations recueillies auprès des sources consultées sur l'attitude de l'administration après la publication par le journal Kamerun mon pays d'un article faisant état de l'interdiction par les autorités coloniales d'une réunion publique des nationalistes. Pour y parvenir nous allons évoquer ledit article (paragraphe I), puis indiquer les informations données par les sources consultées au sujet de l'attitude des autorités après la publication de cet article (paragraphe II).

III-1- La publication par Kamerun mon pays d'un article portant sur

l'interdiction d'une réunion publique des nationalistes

Dans un article publié le 27 novembre 1956, le quotidien Kamerun mon pays (parution No33) publie un article dans lequel il dénonce l'interdiction par l'administration coloniale d'une réunion publique organisée par des nationalistes réunis au sein du Mouvement d'Union Nationale, un regroupement de plusieurs partis fondé après la dissolution de l'UPC. La réunion était prévue à Douala le 27 novembre 1956 mais suite à son interdiction, les organisateurs ont été contraints à son annulation. C'est cette information que Kamerun mon pays tente donc de relayer dans ses colonnes. Seulement, dès la mise en vente du numéro 33 de ce journal qui contient ladite information, plusieurs sources évoquent une réaction des autorités coloniales à son encontre.

III-2- La description par les sources de la réaction des autorités coloniales après

la publication par Kamerun mon pays de l'article portant sur l'interdiction

d'une réunion publique des nationalistes

Plusieurs sources indiquent une réaction de l'administration coloniale après la publication par le journal Kamerun mon pays d'un article indiquant l'interdiction par les autorités d'un regroupement public des nationalistes à Douala.

· D'abord la correspondance No 1.126/CF/RWI du 27 novembre 1956 (ANY, Correspondance No 1.126/CF/RWI du 27 novembre 1956) signée du chef de la Région du Wouri. Dans ce document adressé au Commissaire de police du 2e arrondissement de New-Bell, le chef de Région lui ordonne de saisir le journal Kamerun mon pays No33. Il motive cette décision par les propos suivants : « le numéro en question contient des diffamations, publications de fausses nouvelles pouvant troubler l'ordre public ». Le motif est donc trouvé : diffamations et publications de fausses nouvelles. Si on s'en tient à cette source, le journal a été saisi et le motif a été trouvé. C'est une source qui indique par la même occasion les raisons avancées par l'administration coloniale pour confisquer le numéro 33 de cette publication.

· Ensuite Simon Thadée Beyaga (in « Un drame à Kamerun mon pays », Kamerun mon pays No35 du jeudi 29 novembre 1956 : 3) ; Dans cet article, le rédacteur raconte les circonstances de la saisie de la parution No33 de ce journal. Voici ce qu'il dit à ce propos : 

« Le 27 novembre à 9h30 M. le commissaire de police du 2e arrondissement de New-Bell, accompagné de 2 secrétaires de police MM. Nsoka Zachée et Dibonga Mathieu, et trois agents de police, arriva à la direction de Kamerun mon pays. Il pénétra brusquement dans la maison et après avoir défendu aux clients et au personnel du journal de ne pas sortir, M. le commissaire procéda à une perquisition policière arbitraire et illégale. Il ramassa tous les journaux et documents qu'il trouva dans la maison. A une question du personnel qui lui demandait s'il s'agissait d'une saisie du journal ou d'un numéro, le commissaire répondit : il s'agit de la saisie du numéro du journal d'aujourd'hui. Nous fûmes, Missongo Raymond et moi transportés au commissariat de police de New-Bell où l'on procéda à l'examen des journaux et documents. Monsieur le commissaire de New-Bell confisqua le numéro du journal du 27 novembre 1956 et nous restitua les autres documents. Je ne savais exactement de quoi il s'agissait et c'est à ce moment qu'il me fût révélé que la saisie du journal a été ordonnée par M. le Chef de la Région du Wouri ». 

Il est à noter qu'il s'agit là d'une source primaire car le témoignage est fait par quelqu'un qui a vécu cet événement.

Ainsi, cette section a permis de présenter les différentes sources ayant indiqué une réaction des autorités coloniales après la publication par le journal Kamerun mon pays d'un article relatif à l'interdiction par l'administration d'une réunion publique à Douala. Cette présentation n'était que l'amorce d'une procédure scientifique qui nous conduira à une confrontation desdites sources.

En définitive, ce chapitre était centré sur la présentation des informations fournies par des sources d'information sur l'attitude des autorités coloniales après la publication dans les colonnes des journaux fondés par les nationalistes de certains articles dénonçant la colonisation. Ainsi, il s'est agit tout d'abord de présenter les principaux journaux édités par les nationalistes à savoir La voix du Cameroun fondée en 1949 et Kamerun mon pays lancé en 1956. Aussi, il a été vu que plusieurs sources ont indiqué des réactions des autorités coloniales notamment après la publication par La voix du Cameroun d'un article relayant les résolutions du premier congrès de l'UPC et après la publication dans les colonnes de Kamerun mon pays d'un article indiquant l'interdiction par l'administration coloniale d'une réunion organisée par les nationalistes. Certaines ont mentionné des suspensions de journaux, d'autres des saisies. Ce chapitre n'ayant été que l'amorce d'une procédure scientifique , ces faits historiques restent à être confirmés dans la troisième partie de ce travail .Celle-ci consistera entre autre à confronter lesdites sources, conformément à une méthode reconnue en histoire, et à procéder à leur interprétation afin de voir en quoi ces réactions des autorités vis-à-vis des journaux fondés par les indépendantistes ont pu constituer une raison de la non-publication par ces organes de presse des sujets d'actualité liés aux grandes manifestations de réclamation de l'autonomie complète du Cameroun.

Cette partie entièrement centrée sur la présentation des informations recueillies sur le terrain nous a amené à nous intéresser au contenu des organes de presse publiés par les Français vivant au Cameroun et à la description par diverses sources de l'attitude des autorités coloniales après la publication d'articles publiés dans des journaux fondés par les nationalistes et qui dénonçaient la présence française au Cameroun. Ainsi, le premier constat est que les publications des Français ne s'intéressaient pas aux sujets liés aux revendications d'indépendance. Les organes de presse publics s'intéressaient en priorité aux activités du Haut-commissariat de la République, aux réalisations de la France au Cameroun et à la politique intérieure de la France. Quant aux journaux fondés par les hommes politiques français vivant au Cameroun ils traitaient surtout les sujets d'actualité liés aux activités politiques de leurs fondateurs et à celle du Haut-commissariat de la République alors que les publications fondées par les hommes d'affaires préféraient les faits concernant la politique intérieure de la France , les activités des autorités coloniales et celles des ressortissants français vivant au Cameroun .Des analyses qui seront approfondies dans la troisième partie de ce travail. Les journaux fondés par les nationalistes ont pour leur part relayé plusieurs informations liées aux manifestations anticoloniales. Seulement, certaines rencontres organisées par ces nationalistes n'ont pas bénéficié de la couverture médiatique de leurs propres organes de presse. Les sources que nous avons consultées nous ont indiqué des réactions de l'administration coloniale après la publication d'article dénonçant la gestion du Cameroun par la France. Plusieurs d'entre elles ont même évoqué des pressions des autorités coloniales sur ces journaux. Des faits qui restent à être prouvés dans la confrontation des sources qui sera menée dans la suite de ce travail.

La partie qui va suivre nous amènera par conséquent à procéder à l'analyse et à l'interprétation de ces différentes informations, ce qui nous permettra de voir les causes de la non-publication par les journaux des sujets d'actualité liés aux revendications d'indépendance formulées par les nationalistes.

TROISIÈME PARTIE :

LES CAUSES DE LA NON-PUBLICATION PAR LES JOURNAUX DES FAITS D'ACTUALITÉ LIÉS AUX REVENDICATIONS D'INDÉPENDANCE

La précédente partie nous a amené à la présentation des données recueillies auprès des organes de presse et des sources consultées. Les journaux nous ont permis de présenter les thèmes qui intéressaient les périodiques publiés par les Français qui vivaient au Cameroun. Nous avons pu constater que le thème des revendications indépendantistes était de manière générale ignorée par ces publications. Quant aux autres sources notamment les ouvrages ,les travaux de recherche et même des journaux, elles ont fourni des informations concernant l'attitude des autorités coloniales après les dénonciations contenues dans les organes de presse édités par les nationalistes alors même que nous avions déjà vu que certains d`entre eux n'ont pas pu publier tous les grands sujets concernant les manifestations de réclamation d'autodétermination. La présente partie consacrée aux analyses, confrontations de sources et aux interprétations nous amènera à découvrir les raisons déterminantes de cette non-publication par les organes de presse des sujets d'actualité liés aux revendications d'indépendance. Il s'agit pour cela d'évoquer tour à tour le soutien des journaux à leurs propriétaires opposés à l'indépendance du Cameroun (chapitre cinq) et les contraintes liées aux pressions de l'administration coloniale et au souci de certains propriétaires d'organes de presse de satisfaire leur clientèle d'origine française (chapitre six).

CHAPITRE CINQ :

LE SOUTIEN DES JOURNAUX À LEURS PROPRIÉTAIRES ANTI-INDÉPENDANTISTES

La précédente partie nous a indiqué que les thèmes concernant les réclamations d'indépendance étaient ignorés par les journaux publics et les organes de presse édités par les hommes politiques français qui vivaient au Cameroun. Ce chapitre entend procéder aux analyses et interprétations des thèmes contenus dans les journaux publics (section I) et dans les journaux fondés au Cameroun par les hommes politiques français (section II).

Section I: Le soutien des journaux publics à une administration opposée aux revendications d'indépendance 

Dans cette section, il est question d'analyser et de procéder à l'interprétation du contenu des journaux publics. Ce qui amène donc à analyser les thèmes développés par cette catégorie d'organes de presse (paragraphe I). L'interprétation qui va suivre permettra de voir la raison explicative de la non-publication par ces périodiques des faits d'actualité concernant les réclamations d'indépendance (paragraphe II).

I-1-Le soutien des journaux publics aux actions de l'administration coloniale

Les thèmes qui se dégagent du contenu des journaux publics qui a été précédemment présenté laissent entrevoir une forte orientation du journal vers la publication des actions menées par l'administration coloniale. Au total 794 articles sur 1319 soit 60,19% du nombre total d'articles de presse publiés par ces journaux ont été réservés aux seules actions menées par les autorités coloniales françaises. Ces articles sont répartis dans les thèmes suivants : les activités de l'administration centrale coloniale (391articles), les réalisations de la France au Cameroun (333articles), les élections organisées dans le pays par les autorités coloniales (48 articles) et les activités menées par les chefs de régions (22 articles). Ce qui montre bien que les journaux publics s'intéressaient plus aux sujets d'actualité qui concernaient directement leur propriétaire, c'est-à-dire l'administration coloniale française. Ils faisaient connaître ses activités auprès d'un lectorat hétérogène afin de montrer que cette administration était active au Cameroun. D'ailleurs, on a pu voir qu'au total 333 articles ont été consacrés aux réalisations de la France dans le territoire. On peut ainsi dire que les organes de presse publics pendant leur existence soutenaient les actions menées par l'administration. Ils accompagnaient les autorités dans leurs actions de colonisation du Cameroun. Malgré le changement de l'environnement sociopolitique marqué par la création de partis politiques et des réclamations d'indépendance, ces journaux sont restés des organes de soutien aux actions de l'administration coloniale. Les autres articles, 525 au total, même s'ils ne sont pas directement liés aux activités de l'administration coloniale n'en sont pas très éloignés. Ils sont répartis dans des thèmes aussi variés que la politique intérieure de la France, les textes signés par le Gouvernement français pour l'ensemble des Territoires de l'Union française, les activités des conseillers de l'ARCAM, les activités des conseillers de l'ATCAM, les sessions de l'ARCAM, les sessions de l'ATCAM, les activités des députés camerounais à l'Assemblée nationale française. Cette analyse des thèmes développés dans les colonnes des journaux publics indiquent qu'il n'y a pas eu d'article consacré aux sujets concernant les revendications d'indépendance formulées par les nationalistes. On va donc comprendre à travers ce contenu des organes de presse publics que ceux-ci soutenaient l'administration coloniale. Ce soutien est perceptible à travers la prépondérance des articles liés aux activités de l'administration par rapport aux autres faits d'actualité.

Le fait que ces publications soient des organes de presse public qui soutenaient les actions de leur propriétaire, l'administration coloniale, peut donc constituer une amorce qui va amener à comprendre pourquoi cette catégorie de supports d'information ne publiait pas les faits d'actualité concernant les réclamations de souveraineté formulées par les nationalistes.

I-2 -Les journaux publics : des publications servant de soutien à une administration

anti-indépendantiste

Les journaux publics étaient soumis à l'administration coloniale par un lien institutionnel qui faisait d'eux des publications intégrées soit au Haut-commissariat de la République (cas d'Informations Radio-presse) soit à ses services déconcentrés (cas de Journal des villages du Nyong et Sanaga). Dans tous les cas de figure, ces organes de presse étaient produits avec des financements publics. Or, précisément cette administration avait pour mission de sauvegarder les intérêts de la France au Cameroun. Les autorités coloniales, propriétaires des journaux publics, devaient maintenir la présence française dans le pays jusqu'à l'indépendance qui d'ailleurs ne figurait pas véritablement parmi les priorités de la France dans sa gestion des Territoires d'Outre-mer. Comment dès lors penser que ces journaux qui étaient intégrés dans les services centraux ou extérieurs de l'administration coloniale, et qui les soutenaient dans leur contenu , pouvaient relayer les nouvelles concernant les revendications d'indépendance que formulaient les nationalistes ; alors que lesdites revendications étaient opposées aux missions de sauvegarde des intérêts de la France qu'assurait le Haut-commissariat de la République et ses démembrements. Ces publications, par leur statut de journaux publics avaient pour mission de servir d'organe d'expression des autorités coloniales au Cameroun. D'ailleurs Israël Léonard Sah (1975 : 278) présentant le journal Informations Radio-presse pense que : « Il diffuse aussi objectivement et aussi fidèlement que possible les grandes nouvelles de France, du Cameroun et du Monde ». De ce fait, cet organe de presse ne pouvait pas assurer la médiatisation des événements organisés par les nationalistes qui eux, réclamaient l'indépendance immédiate du Territoire alors que précisément son propriétaire n'avait pas encore prévu une date pour l'accession du Cameroun à sa souveraineté. Les revendications d'indépendance ne pouvaient donc pas faire l'objet d'une publication dans les colonnes des journaux, car il appartenait à l'administration coloniale française qui n'épousait pas les idées d'indépendance immédiate et de réunification que formulaient les nationalistes camerounais.

Les principales réclamations de l'indépendance du Cameroun ont été formulées par l'Union des Populations du Cameroun. M. Ruben Um Nyobé, Secrétaire général de ce parti politique s'est rendu le 17 décembre 1952, le 5 décembre 1953 et même en décembre 1954 aux Nations unies pour réclamer l'indépendance du Cameroun. À chaque fois les autorités coloniales françaises étaient opposées à ces prises de parole du Secrétaire général de l'UPC qui cherchaient à réaffirmer le désir des nationalistes d'accéder à leur souveraineté. Ferdinand Chinji-Kouleu (2006 :92) écrit pour cela que : « Ajoutons qu'à partir de 1952, Ruben Um Nyobé se présentera chaque année devant les Nations unies comme pétitionnaire, défenseur de la cause du Cameroun. A chacun de ses voyages, le Gouvernement français dépêchera des contradicteurs Camerounais et Français... ». Victor Julius Ngoh (1990 :127) quant à lui mentionne que « l'appel d'Um Nyobé pour la fin de la présence française au Cameroun provoqua une vive indignation de la part des Français. Le représentant de la France à l'ONU, Pignon, se plaignit de la réception chaleureuse que l'ONU réserva à Um Nyobé. ». Ces deux sources indiquent donc une opposition des autorités françaises aux réclamations d'indépendance formulées par les nationalistes. Or précisément, ce sont ces autorités qui étaient propriétaires des journaux publics.

On peut donc dire que le soutien de ces organes de presse publics à une administration coloniale donc le caractère anti-indépendantiste vient d'être démontré est une cause de la non-publication par les journaux des sujets d'actualité liés aux réclamations de souveraineté formulées par les nationalistes. Ce qui indique donc que l'une des causes du silence des journaux sur les informations concernant les revendications d'indépendance est le soutien que les journaux publics manifestaient à une administration anti-indépendantiste.

Parvenu au terme de cette section, il a été vu dans l'analyse des thèmes développés par les journaux publics que ceux-ci dans leur contenu soutenaient les actions menées au Cameroun par leur propriétaire, l'administration coloniale. Ce soutien est perceptible à travers la prépondérance des articles liés aux activités de l'administration par rapport aux autres faits d'actualité. L'opposition de cette administration aux revendications nationalistes peut par conséquent expliquer pourquoi les journaux publics qui les soutenaient observaient un silence sur les réclamations de souveraineté. Ce qui montre que l'une des causes de la non-publication par les journaux camerounais des nouvelles liées aux réclamations d'auto-détermination est le soutien des journaux publics à une administration coloniale anti-indépendantiste.

Ce qui amène dans la section II de ce chapitre à poursuivre les analyses avec celles

des journaux édités au Cameroun par les hommes politiques français.

Section II- le soutien des journaux fondés au Cameroun par des hommes

politiques français à leurs promoteurs anti-indépendantistes

Cette section poursuit l'analyse des thèmes développés dans les journaux édités au Cameroun par les hommes politiques français qui a été entamée dans la deuxième partie de ce travail. Ce qui amène donc à analyser les thèmes développés par cette catégorie d'organes de presse (paragraphe I). L'interprétation qui va suivre permettra de voir la raison explicative de la non-publication par ces périodiques des faits d'actualité concernant les réclamations d'indépendance (paragraphe II).

II-1 -Les journaux fondés par les hommes politiques français: des publications

éditées pour faire connaître les activités et les idées de leurs promoteurs

L'analyse des thèmes développés par les organes de presse fondés au Cameroun par les hommes politiques français amène à constater que les activités et les idées prônées par leurs différents promoteurs sont au coeur des préoccupations de ces publications. En effet, sur 556 articles publiés, ces périodiques ont consacré au total 291articles pour les seuls articles dont le but était de faire connaître les activités et les idées prônées par leurs fondateurs. Pour le Dr. Louis-Paul Aujoulat, fondateur du journal Le Cameroun de demain, ses activités et les idées prônées par lui occupent à elles seules 129 articles sur 241 articles de presse publiés par son périodique soit 53,5%. Il s'agit de : ses visites officielles au Cameroun lorsqu'il était ministre en France, ses rencontres avec des hommes politiques français, la tenue des sessions de l'ATCAM  sous sa présidence, ses déclarations lors des campagnes électorales, Les comptes rendus des réunions de son parti le BDC, le déroulement des campagnes électorales menées par son parti et la tenue des sessions de l'Assemblée nationale française  lorsqu'il était député. Quant à M. Coulouma, promoteur du périodique Le Cameroun libre, ses activités et les idées prônées par lui occupent à elles seules 162 articles sur 315 soit 51,4%. Il s'agit : des réunions du parti dont il était membre(le RPF), des campagnes électorales menées par le RPF, des visites des responsables métropolitains du RPF au Cameroun, du travail des élus locaux membres de ce parti, des réunions de l'ASCOCAM (dont il était l'un des fondateurs) et des opinions émises par l'ASCOCAM sur la situation sociopolitique du Cameroun.

Ces articles liés directement aux activités et idées prônées par les hommes politiques français qui éditaient des périodiques au Cameroun occupent ainsi 291 articles sur 556 soit 52,3% du nombre total d'articles consacrés à l'actualité politique dans l'ensemble de cette catégorie de publications. Ceci semble donc indicateur de ce que ces organes de presse avaient pour rôle d'accompagner les actions et les idées défendues par leurs fondateurs. Les autres articles qui concernent aussi bien les activités des autorités coloniales que les différentes consultations électorales organisées au Cameroun ne sont pas eux-mêmes éloignés des préoccupations de ces promoteurs puisqu'ils montrent le « dynamisme » de l'administration française et indiquent leur volonté de promouvoir le pluralisme des idées dans le pays et par là la nécessité pour le Cameroun de rester sous la domination de ce pays.

Les articles qui portent critique aux idées d'indépendance immédiate et de réunification défendues par les nationalistes (16au total soit 2,8%) cherchent à montrer aux lecteurs de ces journaux le danger que représentent les idées et les actions de ceux-ci pour l'avenir du Cameroun. Ces journaux se montrent donc ainsi antinationalistes à l'instar de leurs promoteurs respectifs d'ailleurs Le Cameroun libre (1ère quinzaine du mois de juin 1954 :1)  publiera un article au titre assez indicateur : « Le Cameroun sans la France est un mort-né ».

Le contenu de ces publications fondées par les hommes politiques français au Cameroun indique qu'à l'ère des revendications d'indépendance, ces périodiques ont été destinés à véhiculer les idées et à faire connaître les actions menées par leurs promoteurs dans un contexte marqué par des élections pluralistes et les positionnements divers au Cameroun. D'ailleurs, sur un plan purement temporel, Le Cameroun de demain et le BDC, parti politique du Dr. Aujoulat ont tous été fondés la même année c'est-à-dire en 1951 par cette personnalité et ont tous les deux disparu en 1956 c'est-à-dire après sa défaite aux élections des députés à l'Assemblée nationale française intervenue le 02 janvier 1956 ;tandis que Le Cameroun libre fondé en 1940 va cesser de paraître en janvier 1958 c'est-à-dire quelques mois après l'obtention par le Cameroun de son autonomie interne survenue en 1957.

L'analyse des thèmes développés par les journaux publiés au Cameroun par les hommes politiques français laisse donc entrevoir que ces organes de presse étaient fondés pour la promotion des idées et des activités de leurs éditeurs. Ils soutenaient leurs promoteurs et ce soutien se traduit par la prépondérance des articles liés aux activités politiques et aux idées de leurs promoteurs par rapport aux autres sujets d'actualité.

Le paragraphe qui va suivre est une interprétation de cette analyse. Il va par conséquent permettre de comprendre en quoi le soutien manifeste de ces publications aux idées et actions de leurs promoteurs peut constituer une raison déterminante de la non-publication par les organes de presse des nouvelles d'actualité liées aux revendications d'indépendance.

II-2-les journaux édités au Cameroun par des hommes politiques français : des

publications servant de soutien aux activités de leurs promoteurs anti-indépendantistes

Ce paragraphe est destiné à montrer que le fait que les hommes politiques français soient anti-indépendantistes explique la raison pour laquelle leurs organes de presse qui étaient destinés à promouvoir leurs idéologies ne publiaient pas les sujets liés aux manifestations de réclamation de l'indépendance du Cameroun.

Des nombreux Européens qui se sont lancés dans la scène politique au Cameroun entre 1946 et 1957, le Dr. Louis-Paul Aujoulat, fondateur du journal Le Cameroun de demain semble être celui qui a occupé le plus grand nombre de postes et dont le parcours politique a marqué par sa constance de nombreux historiens. Le site web de l'Assemblée nationale française ( www.assembléenationale.fr) qui présente sa biographie indique qu'il est né le 28 août 1910 en Algérie. En 1946, il fonde un premier journal, Méridiens de France et d'Afrique dans le but d'accompagner sa carrière politique. En juin 1951, le Dr. Aujoulat fonde un parti politique, le Bloc Démocratique Camerounais avec pour principaux responsables MM. André-Marie Mbida, Ahmadou Ahidjo, André Fouda Omgba, Philémon Sakouma et Benoît Bindzi. En 1952, après les élections des conseillers de l'ATCAM organisées au mois de mars, le Dr. Aujoulat devient le premier président de l'institution. Entre 1948 et 1955, il occupe également plusieurs postes ministériels dans les différents gouvernements qui se succèdent en France. Pour ce qui est de ses idées politiques, elles étaient opposées aux revendications d'indépendance formulées par les nationalistes.

En effet, le Dr. Louis-Paul Aujoulat et les autres membres du BDC se sont fixés pour objectifs : « La poursuite de l'évolution sociale des indigènes du Cameroun français et aussi la protection et la promotion de leurs intérêts » (Victor Julius Ngoh, 1990 :121). Ce qui n'épousait pas du tout le programme des nationalistes notamment ceux de l'UPC qui revendiquaient l'indépendance immédiate et la réunification des deux parties du Cameroun. D'ailleurs, le 24 octobre 1952, MM. Charles Okala et Louis-Paul Aujoulat envoient une correspondance à l'ONU pour s'opposer à la prise de parole de l'UPC prévue en décembre de la même année devant la 7ème session de l'Assemblée générale de l'Organisation internationale (Ferdinand Chinji-Kouleu, 2006 :91). Daniel Abwa (1993:29) pour montrer l'opposition idéologique qui existait entre les indépendantistes de l'UPC et le Dr. Aujoulat indique, évoquant la création du BDC, que : « Le Dr. Aujoulat était alors à la recherche d'hommes ambitieux qui pouvaient valablement s'opposer aux cadres formés par l'UPC... ».

Il se dégage donc de ces différentes sources une opposition idéologique entre l'UPC, principal parti réclamant une indépendance immédiate du Cameroun et le Dr. Louis-Paul Aujoulat, fondateur du journal Le Cameroun de demain qui soutenait ses activités et ses idées politiques. Dès lors, on peut comprendre pourquoi le journal Le Cameroun de Demain qu'il a fondé ne publiait pas les nouvelles liées aux revendications d'indépendance. En effet, les idées politiques du Dr. Aujoulat, promoteur du journal Le Cameroun de demain qui le soutenait dans sa carrière politique, s'opposaient à la vision des nationalistes pour plusieurs raisons. D'abord Le Dr Louis-Paul Aujoulat prônait une « évolution sociale » des indigènes, alors que les nationalistes exigeaient une indépendance immédiate et la réunification du Cameroun. Aussi, Le Dr. Louis-Paul Aujoulat se présentait aux élections sous des partis comme le MRP et plus tard le BDC alors que les nationalistes présentaient leurs candidats au sein des partis comme l'UPC.

Quant à M. Coulouma Henri, promoteur du journal Le Cameroun libre, il était membre de la section camerounaise du RPF, un parti politique dont les militants étaient pour la plupart des  partisans de la résistance française. Ceux-ci se faisaient appeler « Les Français libres du Cameroun » d'où le sous-titre « organe des Français libres du Cameroun » que portait le journal Le Cameroun libre. Selon Robert Bourgi (1980 :50), le RPF était un parti politique fondé par le général Charles de Gaulle avec des membres comme Jacques Foccart. Au Cameroun ce parti se montre fondamentalement opposé aux nationalistes. D'ailleurs en juin 1951, lors des élections législatives, Henri Coulouma, l'éditeur du journal Le Cameroun libre qui est membre du RPF, soutient Georges Molinatti son camarade de parti pour affronter l'UPC lors de ce scrutin. On note donc ainsi une opposition politique entre le RPF, parti dont le promoteur du périodique Le Cameroun libre est membre et l'UPC, principal parti nationaliste qui réclame l'indépendance du Cameroun. L'opposition idéologique entre M. Coulouma et les nationalistes est également visible sur le fait que, face au déclenchement du processus de décolonisation, le Directeur-gérant du journal Le Cameroun libre lance dans sa publication un appel en faveur de la création d'un regroupement anti-indépendantiste composé de colons vivant au Cameroun. En effet à la « une » de cet organe de presse (Le Cameroun libre, No262 du 1er avril 1945 :1) on pouvait lire l'appel suivant: « colons du Cameroun, unissez-vous ». Par la suite, Henri Coulouma et plusieurs colons se regroupent à Yaoundé pour fonder l'Association des Colons du Cameroun (ASCOCAM) dont le but est  selon Paulin Adjaï Oloukpona-Yinnon (1985 :82) « d'affirmer leur privilège face aux mesures qui risquaient de les remettre en question ». Le bureau de l'ASCOCAM est dirigé par Georges Molinatti, assisté de colons comme Coulouma qui devient membre du bureau (Ibidem). L'ASCOCAM a manifesté ouvertement son opposition à toute idée d'indépendance de ce territoire dès le début du processus de décolonisation. Joseph Befe Ateba (« Contribution de la presse dans la décolonisation au Cameroun sous-tutelle » in www.lejourquotidien.com,édition du mardi 20 avril 2010) fait également ressortir l'opposition des responsables du journal Le Cameroun libre à toute idée d'indépendance, indiquant que: 

«  Le Cameroun libre, animé par des Français libres du Cameroun et dont les articles ridiculisaient et infantilisaient les prétentions des revendications nationalistes. Ces Français libres trouvaient absurde l'option de l'indépendance et fondaient en général leur argumentaire sur l'immaturité des acteurs politiques camerounais et la précocité d'une telle issue. ».

Ainsi, l'opposition affichée par ces hommes politiques français aux revendications de l'indépendance du Cameroun explique pourquoi leurs journaux qui les soutenaient en privilégiant les sujets liés à leurs activités politiques et à leurs idéologies ne relayaient pas les sujets liés aux manifestations de réclamation de la souveraineté de ce pays. Les journaux édités par les hommes politiques français ayant pris l'option de soutenir leurs promoteurs, en privilégiant la publication de leurs activités et des idées qu'ils prônaient, ne pouvaient donc plus publier les faits concernant les revendications d'indépendance qui s'opposaient avec les idées anti-indépendantistes de leurs promoteurs respectifs.

C'est donc parce que les hommes politique français qui éditaient les journaux au Cameroun étaient opposés aux revendications d'auto-détermination que leurs organes de presse, qui servaient par ailleurs de relaie de leurs activités et idéologies politiques ne publiaient pas les sujets liés aux réclamations d'accession à l'indépendance.

Donc, une autre raison déterminante du silence observé par les organes de presse sur les sujets liés aux revendications d'indépendance c'est le soutien des journaux édités au Cameroun par les hommes politiques français à leurs promoteurs anti-indépendantistes.

Rendu au terme de cette section, il a été démontré après analyse des thèmes développés par les organes de presse édités au Cameroun par les hommes politiques français que ces publications soutenaient leurs promoteurs. Un soutien qui se traduit par la prépondérance dans le contenu de ces organes de presse des articles concernant les idées politiques et les actions menées par ces éditeurs de presse par rapport à d'autres sujets aux thèmes différents. Or l'opposition affichée par ces éditeurs aux manifestations concernant les réclamations d'indépendance indique donc que si ces journaux observaient un silence sur les sujets liés aux revendications de la souveraineté du Cameroun c'est en raison du soutien qu'ils manifestaient à leurs propriétaires qui étaient anti-indépendantistes. Ce qui montre donc qu'une autre cause de la non-publication des sujets liés aux réclamations d'auto-détermination est le soutien que les journaux qui étaient édités au Cameroun par les hommes politiques français apportaient à leurs promoteurs anti-indépendantistes.

En somme, ce chapitre consistait à analyser les thèmes contenus dans les journaux édités au Cameroun aussi bien par l'administration coloniale que par les hommes politiques français. Il a été découvert que ces publications soutenaient leurs propriétaires ; un soutien qui s'est traduit par la prépondérance des articles liés aux activités et aux idées de ces promoteurs d'organes de presse au détriment d'autres types de sujets. L'opposition idéologique de ces éditeurs aux revendications d'autonomie complète a donc amené tour à tour à voir que les journaux publics ne publiaient pas les sujets liés aux réclamations de souveraineté parce qu'ils soutenaient une administration anti-indépendantiste ; alors que les organes de presse qui étaient édités au Cameroun par des hommes politiques français observaient un silence sur les faits d'actualité concernant les manifestations des nationalistes à cause du soutien qu'ils apportaient à leurs promoteurs anti-indépendantistes. Ce chapitre a donc amené à voir que si les journaux ne publiaient pas les sujets concernant les revendications d'indépendance formulées par les nationalistes c'est entre autre parce que certains d'entre eux soutenaient leurs propriétaires qui étaient anti-indépendantistes notamment l'administration coloniale et les hommes politiques français.

Toutefois, il n'y a pas que le soutien de certains journaux à leurs propriétaires anti-indépendantistes qui explique pourquoi les organes de presse ignoraient les faits d'actualité liés aux revendications de souveraineté.

CHAPITRE SIX : LES CONTRAINTES SUBIES PAR LES JOURNAUX

Ce chapitre cherche à trouver les autres raisons déterminantes qui ont amené la presse camerounaise à observer un silence autour des sujets liés aux diverses manifestations organisées par les nationalistes pour réclamer l'autonomie complète du Cameroun. Il s'agira pour cela de procéder à la confrontation de sources ayant fourni des informations sur l'attitude des autorités coloniales après les dénonciations publiés dans les journaux des nationalistes (section I) et aussi de procéder à l'analyse des thèmes développés dans les organes de presse qui appartenaient aux hommes d'affaires (section II). À chaque fois l'interprétation qui sera faite nous permettra de découvrir d'autres causes de la non-publication par les organes de presse des nouvelles liées aux réclamations de souveraineté.

Section I- Les pressions de l'administration coloniale sur les journaux fondés par les nationalistes

Dans un environnement sociopolitique marqué par des revendications d'indépendance, on se serait attendu à ce que les organes de presse fondés par les nationalistes relaient toutes les informations liées aux grandes manifestations de réclamation de la souveraineté nationale que leurs propriétaires organisaient. Seulement, nous avons déjà vu dans le chapitre quatre, que les journaux édités par les nationalistes malgré leur intérêt pour les sujets concernant les revendications d'indépendance, n'ont pas relayé toutes les informations liées à toutes les grandes manifestations organisées par les nationalistes. C'est le cas du journal La voix du Cameroun qui n'a pas fait un compte rendu de la conférence publique tenue par l'UPC à Douala le 12 juillet 1951. Cette section entend confronter les sources consultées qui nous ont fourni des informations sur l'attitude des autorités coloniales à l'endroit des journaux fondés par les nationalistes (paragraphe I), puis procéder à une interprétation des faits historiques issues desdites confrontations de sources (paragraphe II).

I-1- La confrontation des sources ayant indiqué les pressions de l'administration

sur les journaux fondés par les nationalistes

Il s'agit dans ce paragraphe de confronter les différentes sources ayant fourni des informations sur l'attitude des autorités coloniale à l'endroit des journaux fondés par les nationalistes après les dénonciations contenues dans leurs colonnes au sujet de la présence française au Cameroun.

I-1-1-La Confrontation des sources ayant mentionné l'interdiction temporaire du

journal La voix du Cameroun

La précédente partie a présenté plusieurs sources qui évoquent l'interdiction temporaire en 1950 du journal La voix du Cameroun par les autorités coloniales après la publication dans ses colonnes d'un article relayant les résolutions du premier congrès de l'UPC. Il s'agit d'André-Jean Tudesq et Serge Nédélec (1998 :78), Ferdinand Chinji-Kouleu (2006 :85), Marc Joseph Omgba Etoundi (2000:79) et Ruben Um Nyobé (1989 :72). En confrontant ces différentes sources, certains faits semblent constants et concordants:

- Le journal La voix du Cameroun était édité par l'UPC ;

-Il servait d'organe d'information à ce parti politique nationaliste ;

- Ce journal a subi des pressions de l'administration coloniale pour ses écrits contre la colonisation.

- La voix du Cameroun, selon André-Jean Tudesq et Serges Nédélec  et selon Chinji-Kouleu a été interdit temporairement par l'administration coloniale entre mai 1950 et janvier 1952 à la suite de la publication d'un article intitulé « La colonisation c'est le vol, c'est le pillage, c'est le meurtre ». Même si Marc Joseph Omgba Etoundi et Ruben Um Nyobé ne précisent pas la nature de ces pressions, on voit bien que Ruben Um Nyobé évoque l'interruption du journal à la suite du premier congrès de l'UPC qui s'est déroulé à Dschang. Et précisément André-Jean Tudesq et Serges Nédelec , de même que Ferdinand Chinji-Kouleu indiquent que le journal a été interdit à la suite d'un article publié en avril 1950 dans lequel il relayait l'information concernant les résolutions du premier congrès de l'UPC tenue à Dschang.

Ces différentes sources concordent donc sur le fait que le journal La voix du Cameroun a souffert du fait de son appartenance à l'UPC et du fait de ses écrits qui n'étaient pas appréciés par l'administration coloniale française. Le journal ,on peut le dire si on s'en tient à cette confrontation de sources, a été interdit entre mai 1950 et janvier 1952, soit 21 mois de suspension d'activité qu'a connu cet organe de presse. Cette interdiction temporaire l'a contraint à ne pas paraître, privant ainsi les Camerounais d'une publication qui était le seul support d'informations édité par les nationalistes entre 1949 et 1954, année pendant laquelle sera fondé un autre journal de l'UPC qui portera le titre L'étoile. Cette interruption allait donc certainement empêcher à La voix du Cameroun de couvrir et de publier tous les sujets d'actualité concernant les réclamations de souveraineté formulées par les nationalistes au cours de cette période de suspension qu'a connu le journal.

I-1-2-La confrontation des sources sur la saisie d'un numéro du journal Kamerun mon

pays

En amorçant dans la précédente partie la procédure scientifique relative au traitement des informations concernant l'attitude des autorités coloniales après la publication par le journal Kamerun mon pays d'un article concernant l'interdiction par l'administration d'une réunion publique des nationalistes, nous avons fait appel à deux principales sources d'information. Il s'agit de la correspondance No 1.126/CF/RWI du 27 novembre 1956 et de Simon Thadée Beyaga (in « un drame à Kamerun mon pays », Kamerun mon pays No35 du jeudi 29 novembre 1956 : 3). La confrontation de ces deux sources nous amène aux résultats suivants :

- Le journal a subi des pressions venant de l'administration coloniale

- Le No33 du journal Kamerun mon pays a effectivement été saisi

- Cette saisie a été ordonnée par le chef de la Région du Wouri.

Ces résultats confirment donc que l'administration coloniale française n'hésitait pas au Cameroun à procéder à la saisie de certains numéros des journaux qui publiaient les revendications nationalistes. En agissant ainsi, les autorités coloniales tentaient de faire pression sur les responsables de ce jeune journal qui, en 1956, était le seul quotidien qui relayait régulièrement les revendications des nationalistes. John Mukam Mbaku (2005 :92) va dans le même sens estimant que Kamerun mon Pays était un journal très populaire et beaucoup lu. Seulement, poursuit-il, il était constamment saisi par l'administration coloniale.

Ce paragraphe centré sur la confrontation des sources qui ont évoqué l'attitude de l'administration coloniale après les dénonciations contenues dans les journaux édités par les nationalistes nous permet ainsi de voir que ces organes de presse ont subi de fortes pressions de l'administration coloniale avec entre autre l'interdiction temporaire comme ce fût le cas pour La voix du Cameroun entre mai 1950 et janvier 1952 et la saisie , qui est une forme de censure, comme ce fût le cas pour le numéro 33 de Kamerun mon pays.

II-2- L'impact des pressions subies par les journaux fondés par les nationalistes

sur la publication des informations liées aux revendications d'indépendance

Il vient donc d'être démontré dans le précédent paragraphe que les journaux fondés par les nationalistes ont subi des pressions exercés sur eux par les autorités coloniales. Il s'agit entre autre de l'interdiction temporaire et de la saisie. Ce paragraphe entend donc montrer en quoi ces pressions de l'administration ont pu entraîner la non-publication par ces organes de presse des nouvelles liées aux revendications d'indépendance formulées par les nationalistes.

L'interdiction d'un journal entraine son inactivité et donc son incapacité à pouvoir relayer des informations. C'est une contrainte imposée à un organe de presse. Le journal La voix du Cameroun a donc été temporairement interdit entre mai 1950 et janvier 1952 suite à ses écrits anticolonialistes dans sa parution d'avril 1950. Ce périodique ne réapparaît dans les kiosques qu'en janvier 1952. L'édition d'avril 1950 ayant été la dernière avant son interdiction, il y a donc une période d'inactivité de 21 mois et l'édition numéro six du journal ne paraît qu'en janvier 1952 c'est-à-dire seulement 2 mois avant les élections pour l'ATCAM organisées en mars 1952. Entre temps, les revendications des nationalistes ne paraissent plus dans les journaux car La voix du Cameroun est à cette période là le seul organe de presse qui s'efforce encore de publier les nouvelles liées aux revendications indépendantistes entre 1949 année de disparition du journal Le flambeau, premier organe d'information favorable aux revendications des nationalistes et 1954, année de lancement du second organe de presse de l'UPC, L'étoile. Cette suspension de La voix du Cameroun entre mai 1950 et janvier 1952 va donc empêcher la publication par ce support d'informations des nouvelles concernant les revendications d'indépendance formulées par les nationalistes. Ainsi, après les élections à l'Assemblée nationale française de juin 1951, les nationalistes camerounais décident d'organiser une conférence publique le 12 juillet 1951 dans la salle des fêtes d'Akwa à Douala pour dénoncer ce qu'ils qualifient de tripatouillage électorale orchestré par l'administration coloniale. Pendant ce scrutin, l'UPC qui obtient 3081 voix sur 280.302 suffrages exprimés (Victor Julius Ngoh, 1990 :125) perd les élections face au BDC et au RPF. Au cours de cette conférence publique, plusieurs dirigeants de l'UPC dont MM. Djoumessi Mathias et Um Nyobé Ruben respectivement Président et Secrétaire général du parti prennent la parole pour condamner les fraudes massives enregistrées selon eux pendant les élections. Les orateurs réaffirment les idéaux du parti à savoir : l'indépendance immédiate et la réunification du Cameroun (Idem, P.124). L'événement tient toute son importance car c'est la deuxième fois après le congrès de Dschang que les nationalistes camerounais réclament publiquement l'indépendance du pays. Seulement, malgré l'importance de cette information qui aurait dû normalement être relayé dans les colonnes de La voix du Cameroun, unique organe d'information de l'UPC à ce moment là, cette actualité ne sera pas publiée par ce journal à cause de son interdiction par l'administration coloniale. La parution de La voix du Cameroun ayant été interrompue entre mai 1950 et janvier 1952 suite à son interdiction, le journal sera donc contraint de ne pas publier toutes les informations liées aux revendications d'indépendance pendant ladite période. La suspension de ce journal entre mai 1950 et janvier 1952 a donc eu pour impact direct son inactivité forcée et donc la non-publication par cet organe de presse de toutes les informations concernant les faits qui se sont déroulés pendant la période de cessation de ses activités. L'interdiction de ce support d'information par l'administration coloniale entre mai 1950 et janvier 1952 est donc la raison déterminante du silence observé par cet organe de presse autour des nouvelles liées aux réclamations d'indépendance pendant cette période.

La saisie d'un journal quant à elle peut s'opérer de deux manières. Il peut s'agir de la saisie de la publication. Dans ce cas lors de ladite opération, l'autorité chargée de le faire confisque tous les numéros de cette publication qui sont sur le marché. De même, il peut s'agir de la saisie d'un numéro de la publication. Dans ce cas précis, l'autorité procède à la confiscation des seuls exemplaires du numéro concerné. Bien entendu, la saisie est une forme de censure. Et lorsqu'un numéro d'une publication est saisi et que les exemplaires sont confisqués, on peut avoir deux conséquences directes. La première est que les lecteurs du journal sont privés de toutes les informations contenues dans le numéro en question. Et la deuxième conséquence est que la confiscation des exemplaires entraine un manque à gagner du producteur du journal qui peut ainsi se retrouver sans ressources pour continuer à éditer sa publication. Ainsi, comme il a été démontré dans le précédent paragraphe, le journal Kamerun mon pays a connu des saisies de numéros. C'est le cas du numéro 33 de cette publication qui a été saisi sur ordre du chef de la région du Wouri le 27 novembre 1956. Cette saisie a entrainé une conséquence majeure : le journal n'a pas pu porter à la connaissance de ses lecteurs l'information sur l'interdiction par l'administration de la tenue d'une réunion publique du Mouvement d'Union Nationale à Douala le 27 novembre 1956. Kamerun mon pays a ainsi été contraint de priver ses lecteurs de ladite information. Cette contrainte a donc empêché à Kamerun mon pays de donner l'information sur l'interdiction de la réunion des nationalistes par l'administration.

Ce paragraphe a donc amené à voir que l'interdiction temporaire de La voix du Cameroun entre mai 1950 et janvier 1951 a entrainé la non-publication par cet organe de presse de l'ensemble des informations liées aux revendications d'indépendance pendant ladite période notamment la conférence publique de l'UPC du 12 juillet 1951. De même, la saisie du numéro 33 de Kamerun mon pays a causé la privation aux lecteurs de l'information concernant l'interdiction par l'administration d'une réunion publique des nationalistes. Ce qui indique donc que les pressions de l'administration coloniale sur les journaux édités par les nationalistes constitue également une cause de la non-publication par les organes de presse des faits d'actualité liés aux revendications d'indépendance.

Cette section a donc permis de voir que les journaux édités par les nationalistes ont subi des pressions de l'administration coloniale. Celles-ci étant entre autres l'interdiction temporaire des organes de presse, comme ce fût le cas de La voix du Cameroun entre mai 1950 et janvier 1952, et la saisie, une forme de censure qui fût appliquée notamment au numéro 33 du journal Kamerun mon pays le 27 novembre 1956. Ces différentes pressions de l'administration sur les journaux fondés par les nationalistes ont donc eu pour effet direct la non-publication de certaines informations liées aux revendications d'indépendance .Ce fût notamment le cas de celle relative à la tenue le 12 juillet 1951 d'une réunion publique organisée par les nationalistes à Douala, alors que La voix du Cameroun était suspendue. Ce fût également le cas de l'information concernant l'interdiction d'une réunion publique des nationalistes par les autorités coloniales qui n'a pas été portée à l'attention des lecteurs de Kamerun mon pays à cause de la saisie du numéro33 cet organe de presse qui voulait pourtant la relayer. Ces pressions des autorités coloniales sur les organes de presse édités par les nationalistes constituent donc une des causes de la non-publication des sujets d'actualité liés aux revendications d'indépendance par les journaux camerounais pendant la période de décolonisation du pays.

Toutefois ces pressions exercées par l'administration sur les journaux ne semblent pas être la seule contrainte qui a entrainé le silence observé par les organes de presse sur des sujets concernant les revendications d'indépendance formulées par les nationalistes.

Section II- Le souci des hommes d'affaires de satisfaire et de

conserver leur clientèle

Pendant la période coloniale, des hommes d'affaires ont investi dans le secteur de la presse dans le but d'informer les populations qui vivaient dans le pays et de faire des profits. Ces promoteurs de journaux n'appartenaient pas officiellement à l'un des partis politiques qui occupaient l'espace public camerounais. C'est pour cela qu'il semble intéressant également de voir pourquoi même ces journaux qu'on aurait pu qualifier d'indépendant en raison de l'origine de leurs capitaux ne publiaient pas les nouvelles liées aux revendications d'indépendance. Cette section entend procéder tour à tour à l'analyse des thèmes développés par les journaux qui étaient édités par les hommes d'affaires (paragraphe I) puis à l'interprétation de ladite analyse sous l'angle historique (paragraphe II).

II-1-Les journaux édités par les hommes d'affaires : des publications au contenu

cherchant à satisfaire une clientèle d'origine française

En étudiant les thèmes développés par les journaux édités au Cameroun par les hommes d'affaires, on se rend compte que ces publications accordent leur priorité aux articles qui sont liés aussi bien à la politique intérieure de la France qu'aux activités de l'administration coloniale. En effet, ces organes de presse accordent 34,7% de leurs articles aux faits d'actualité liés à la politique intérieure de la France c'est-à-dire ceux qui se déroulent sur le sol français, soit un ensemble de 449 articles sur 1293publiés. D'ailleurs la 4ème page du journal La presse du Cameroun est réservée exclusivement aux articles développés par le journal français France-Soir qui traitent des faits d'actualité s'étant déroulés en France. Pour ce qui est des faits d'actualité s'étant déroulés au Cameroun, les activités de l'administration coloniale occupent 24,5% de l'ensemble des articles publiés soit 318 sur 1293 articles de presse. Ce qui amène à dire que les sujets liés à la politique française et aux activités de l'administration coloniale occupent à eux seuls 59,2% de l'ensemble des articles de presse publiés par les organes de presse appartenant aux hommes d'affaires soit 767 articles sur 1293. Or, que ce soit l'actualité politique de la France ou même les activités de l'administration coloniale, ces deux thèmes intéressent au premier chef les Français vivant au Cameroun.

Cette prépondérance des articles concernant la politique intérieure de la France et les activités de l'administration coloniale laisse croire que les publications éditées par les hommes d'affaires sont destinées non pas à un lectorat hétérogène c'est-à-dire constitué de l'ensemble des habitants du Cameroun, mais plutôt aux Français qui vivent dans le pays en général et plus particulièrement aux Cameroun. En effet, ces organes d'information, si on s'en tient à leur contenu, consacrent leurs articles aux sujets qui intéressent prioritairement les Français. Il s'agit des articles de presse liés à la politique française et ceux concernant les activités des autorités coloniales. Parmi les sujets liés aux activités des autorités coloniales on a : les différentes tournées qu'elles ont effectuées à l'intérieur du pays, les textes administratifs signés par elles, les visites des autorités françaises au Cameroun, les missions des autorités françaises à l'ONU pour un compte rendu de l'administration du Cameroun par la métropole, la nomination de nouvelles autorités coloniales au Cameroun et les visites des dirigeants de l'AEF au Cameroun. Les journaux fondés par les hommes d'affaires ne publiaient pas les faits d'actualité liés aux revendications d'indépendance ; seul le plaidoyer des conseillers de l'ATCAM concernant l'amnistie des nationalistes qui avaient été condamnés après les événements sanglants de mai 1955 (qui ont abouti à la dissolution de l'UPC) sont évoqués dans ces publications. Ce plaidoyer occupe 0,8% de l'ensemble des articles.

La prédominance des faits liés à l'actualité politique française et aux activités des autorités coloniales laissent donc ressortir que ces journaux cherchent à satisfaire une clientèle d'origine française. Ce contenu indique que les clients des journaux édités par les hommes d'affaires étaient des ressortissants français vivant au Cameroun. Les Camerounais n'étaient donc pas concernés par ces publications et comme l'indique Marc Joseph Omgba Etoundi (1982 :9) parlant du lancement du journal La presse du Cameroun: « le nouveau quotidien venait prendre la relève d'un périodique paraissant deux fois par semaine, L'Éveil du Cameroun. Comme son nom ne l'indique pas, celui-ci fût lancé et animé par les colons pour la défense de leurs intérêts. ». Ces organes de presse édités par les hommes d'affaires étaient donc au service de leur lectorat, composé essentiellement d'Européens en général et de Français en particulier. Les thèmes développés dans les colonnes de ces publications indiquent à suffisance leur souci de ne satisfaire qu'un lectorat constitué de colons vivant dans le territoire camerounais et pour Israël Léonard Sah (1974 :113), présentant L'Éveil du Cameroun: « il leur servait en outre de bulletin de liaison à travers le territoire. Les populations camerounaises ne se sentaient donc en rien concernées par cette publication au service des colons. ».

L'analyse des thèmes qui se dégagent de ces journaux publiés au Cameroun par les hommes d'affaires à l'ère des revendications indépendantiste indique donc que ces organes de presse étaient destinés aux Français vivant au Cameroun. Ceux-ci étaient les principaux clients de ces publications et le contenu indique une prédominance des thèmes liés à la politique française et aux activités de l'administration coloniale parce que les promoteurs de ces supports d'information voulaient satisfaire leurs clients qui étaient les Français vivant au Cameroun.

II-2- Le souci des promoteurs de satisfaire et de conserver une clientèle anti- indépendantiste

Ce paragraphe est une interprétation de l'analyse des thèmes des journaux édités par les hommes d'affaires. Ladite analyse indique que les journaux publiés par les hommes d'affaires étaient dans leur contenu portés à satisfaire leur lectorat constitué de ressortissants d'origine française. Or précisément, ces hommes d'affaires cherchaient prioritairement à vendre leurs journaux. L'adage « le client est roi » laissant indiquer que la satisfaction du client est le maître-mot du producteur ou du vendeur va donc s'appliquer pour ces organes de presse dont les promoteurs vont s'atteler à ne publier que les nouvelles qui intéressent leurs clients c'est-à-dire les Français qui vivaient au Cameroun. Ce qui laisse donc indiquer que si ces clients étaient anti-indépendantistes, cela contraignaient les hommes d'affaires à ne pas publier dans leurs organes de presse les nouvelles liées aux réclamations de souveraineté du Cameroun.

Le journal L'Éveil du Cameroun a été fondé en 1927 c'est-à-dire que son existence date de la période d'avant la Seconde Guerre mondiale. Ce qui revient à dire qu'il existe au Cameroun avant les revendications d'indépendance qui, elles commencent à prendre une grande ampleur avec la création le 10 avril 1948 de l'UPC. De sa création en 1927 jusqu'à sa mise en vente le 31 mars 1955, L'Éveil du Cameroun n'a donc pas changé sa ligne éditoriale malgré un contexte sociopolitique marqué par la décolonisation et rythmé par des revendications d'indépendance formulées par les nationalistes. Le journal est donc resté fidèle à son contenu éditorial c'est-à-dire un journal destiné uniquement à une clientèle composé d'Européens ou au mieux de ressortissants d'origine française vivant au Cameroun. Ce qui explique que ses thèmes soient plus portés soit vers l'actualité française soit vers les activités des autorités coloniales.

Entre 1946 et 1955, année de la mise en vente du journal, le Cameroun a été secoué par une vague de manifestations de réclamation de l'indépendance. Tous ces événements de portée majeure pour les nationalistes ont été ignorés par L'Éveil du Cameroun. Cette publication, par souci de fidélisation et de conservation de son lectorat constitué de ressortissants d'origine française n'a donc pas voulu s'attaquer aux intérêts de ceux-ci ni blesser leur sensibilité anti-indépendantiste. C'est ainsi que le 17 décembre 1952, le même jour que M. Um Nyobé est intervenu devant la 7ème session de l'Assemblée générale de l'ONU pour réclamer l'indépendance du Cameroun, les autorités coloniales françaises ont dépêché deux hommes politiques pour aller contredire les propos du Secrétaire général de l'UPC. Il s'agit respectivement de MM. Okala Charles, Président du Parti Socialiste Camerounais et Alexandre Douala Manga Bell, député à l'Assemblée nationale française (Ferdinand Chinji-Kouleu, 2006 :91). Seulement, dans son traitement de l'information, L'Éveil du Cameroun a ignoré l'intervention du Secrétaire général de l'UPC et publié seulement le fait concernant les prises de parole des deux envoyés de la France (L'Éveil du Cameroun No 1278 du 19 décembre 1952 :1). Ce fait est suffisamment révélateur de ce que cet organe de presse n'entendait pas publier des nouvelles qui n'étaient pas du goût de sa clientèle constituée de colons français vivant au Cameroun. Le journal préférait conserver ses clients qui auraient pu s'offusquer de le voir s'intéresser aux activités des nationalistes dont ils étaient idéologiquement opposés.

Pour ce qui est de La presse du Cameroun, cette publication est éditée par le groupe de Breteuil qui appartient à M. Charles de Breteuil, un homme d'affaires français qui possède une importante chaîne de journaux en Afrique .Selon André-Jean Tudesq et Serges Nédélec (1998 :84) :

« Le Comte Charles de Breteuil en tournée au Sénégal pour la prospection minière dans les années 1930, s'étonna de l'absence de quotidiens à Dakar. En 1933 il lança l'hebdomadaire Paris-Dakar qui devient en 1935 le 1er quotidien d'Afrique noire francophone. La chaîne se développa : Paris-Tara (1936) à Madagascar, Abidjan -Matin (1954) en Côte d'Ivoire, Paris-Congo (1938) au Congo et La presse du Cameroun (1955) au Cameroun). ».

Le promoteur de La presse du Cameroun était donc un homme d'affaires dont la préoccupation était de vendre son journal. Le souci de satisfaire et de conserver sa clientèle apparaît donc comme ayant été son principal souci. Or cette clientèle était composée de colons français vivant au Cameroun. Ce qui est normal puisque la vocation d'un homme d'affaires est de maximiser ses ventes et de faire des profits.

Que ce soit M. Charles Lalanne, fondateur de L'Éveil du Cameroun ou M. Charles de Breteuil éditeur de La presse du Cameroun, ces hommes d'affaires avaient pour principaux clients de leurs publications, des colons français qu'ils tenaient à satisfaire et à conserver. Cette satisfaction consistait donc pour ces opérateurs économiques à publier dans leurs journaux les nouvelles qui intéressaient cette clientèle et qui ne blessaient pas leur sensibilité. Pendant la période des revendications de souveraineté, les colons français, principaux clients de ces publications se sont montrés opposés à l'indépendance du Cameroun. En 1945, ils ont d'ailleurs fondé une association, l'ASCOCAM, pour s'opposer à toute possibilité d'ouverture en vue d'une émancipation des Camerounais. Pour Daniel Abwa (« Les questions d'indépendance et de réunification » in www.ambafrance-cm.org) évoquant les revendications de l'indépendance et de la réunification du Cameroun:

« Elles furent posées par l'UPC, Union des Populations du Cameroun, premier parti indigène nationaliste créé le 10 avril 1948. Une telle évolution ne plut pas à tout le monde. Les colons français furent les premiers à manifester leur mécontentement par rapport aux conclusions de Brazzaville. Le 15 avril 1945 à Yaoundé, ils créèrent l'Association des Colons du Cameroun, ASCOCAM. Cette association organisa à Douala le 5 septembre 1945 les États Généraux de la colonisation française dont la principale conclusion était de s'opposer à l'application des résolutions de Brazzaville... ».

Les clients de ces journaux fondés par les hommes d'affaires étaient donc anti-indépendantistes. Or précisément ces promoteurs d'organes de presse voulaient satisfaire et conserver cette clientèle. Ce qui va donc les contraindre à ne pas publier les faits d'actualité liés aux réclamations de souveraineté formulées par les nationalistes. Pendant la période de décolonisation, Les hommes d'affaires voulaient donc conserver leurs clients  c'est-à-dire un lectorat constitué des Français qui vivaient au Cameroun et qui d'ailleurs possédaient un pouvoir d'achat important par rapport aux nationalistes. D'où leur silence sur les sujets concernant les manifestations de réclamation de l'indépendance. Les opérateurs économiques entendaient faire prospérer leurs affaires cela passait par la fidélisation voire la conservation des acheteurs de leurs journaux qui étaient des Français, par ailleurs anti-indépendantistes.

On peut ainsi dire que le la satisfaction et la conservation d'une clientèle constituée de Français opposés aux réclamations de souveraineté est une contrainte d'ordre économique imposée à ces propriétaire de journaux. Ce qui montre donc pourquoi les nouvelles liées aux réclamations d'autodétermination des Camerounais n'étaient pas relayées par les journaux qui appartenaient aux hommes d'affaires. La raison, en effet est qu'ils voulaient conserver leur clientèle qui était par ailleurs idéologiquement opposée aux nationalistes qui revendiquaient l'indépendance du pays.

Donc, une autre raison déterminante de la non-publication par les organes de presse des faits d'actualité liés aux réclamations de souveraineté est le souci des hommes d'affaires de satisfaire et de conserver leur clientèle d'origine française.

En conclusion, cette section a permis d'analyser les thèmes développés par les journaux dont les promoteurs étaient des hommes d'affaires. Il a ainsi été montré que ces organes de presse étaient destinés de par leur contenu à une clientèle constituée de colons ; ceci est perceptible à travers la prépondérance dans leurs colonnes des thèmes liés à l'actualité politique de la française et aux activités des autorités coloniales. Des thèmes qui n'intéressaient que les Français vivant au Cameroun. L'interprétation qui s'en est suivi indique que si ces publications ignoraient les faits d'actualité liés aux revendications d'indépendance, c'est parce que leurs promoteurs étaient soumis à une contrainte économique, celle de chercher à satisfaire et à conserver une clientèle anti-indépendantiste. Donc, une autre cause de la non-publication par les organes de presse des faits liés aux revendications d'autonomie complète du Cameroun est le souci des hommes d'affaires de satisfaire et de conserver leur clientèle.

En somme, ce chapitre a amené à procéder à la confrontation des sources ayant fourni des informations sur l'attitude des autorités coloniales après les dénonciations contenues dans les journaux édités par les nationalistes et à analyser les organes de presse publiés par les hommes d'affaires. Nous avons pu, après confrontation de sources découvrir que les journaux fondés par les nationalistes ont connu de fortes pressions de l'administration coloniale suite à leurs écrits pour dénoncer la présence française dans le pays. Ces pressions sont perceptibles à travers l'interdiction temporaire de La voix du Cameroun par l'administration coloniale entre mai 1950 et janvier 1952 et par la saisie du numéro 33 du journal Kamerun mon pays. Ces pressions ont empêché à ces journaux de publier les nouvelles de l'actualité liées aux revendications indépendantistes. Ce qui nous a indiqué que les pressions des autorités coloniales sur les organes de presse édités par les nationalistes constituent l'une des raisons de la non-publication par les organes de presse des faits liés aux réclamations de l'indépendance. Aussi, dans l'analyse des thèmes développés dans les colonnes des publications éditées par les hommes d'affaires installés au Cameroun, il a été vu que ces opérateurs économiques dans le contenu de leurs support cherchaient à satisfaire une clientèle constituée de colons Français vivant au Cameroun .Ce souci de satisfaire ladite clientèle est perceptible à travers la prépondérance des thèmes liés à la politique française et aux activités des autorités coloniales. L'opposition affichée par cette clientèle aux revendications de l'indépendance a donc indiqué que le souci des hommes d'affaires de satisfaire et de conserver une clientèle anti-indépendantiste pour leurs journaux constituait une contrainte économique subie par cette catégorie de publications. Les pressions de l'administration sur les journaux fondés par les nationalistes et le souci des hommes d'affaires de satisfaire et de conserver une clientèle anti-indépendantiste sont donc autant de contraintes subies par les journaux pendant la période de décolonisation. Ces deux types de contraintes montrent ainsi que parmi les raisons déterminantes du silence des organes de presse sur les faits liés aux revendications indépendantistes il y a les pressions de l'administration coloniale sur les publications fondées par les nationalistes et le souci des hommes d'affaire qui éditaient les journaux de satisfaire et de conserver leur clientèle.

En définitive, cette troisième partie centrée sur les analyses et les interprétations des informations présentées dans la deuxième partie devait donc amener à découvrir les causes du silence observé par les journaux sur les faits d'actualité liés aux revendications d'indépendance. Après analyses, confrontations de sources et interprétations, nous avons pu découvrir que, de manière générale, si les organes de presse ne publiaient pas les faits concernant les réclamations d'indépendance c'est à cause de leur soutien aux actions de leurs propriétaires qui étaient anti-indépendantistes notamment l'administration coloniale et les hommes politiques français vivant au Cameroun et aussi en raison de multiples contraintes. Ces contraintes sont liées aux pressions de l'administration coloniale sur les journaux publiés par les nationalistes et au souci des hommes d'affaires qui éditaient les journaux de satisfaire et de conserver leur clientèle anti-indépendantiste.

CONCLUSION

Au terme de cette recherche intitulée la presse écrite au Cameroun à l'ère des revendications d'indépendance : approche historique, la non-publication par les organes de presse des sujets d'actualité liés aux réclamations de souveraineté formulées par les nationalistes a constitué notre problème de recherche. Pour cela, nous avons formulé une problématique cherchant à trouver les raisons déterminantes du silence observé par les journaux sur les sujets liés aux revendications de l'autonomie complète du Cameroun. Une problématique encrée théoriquement sur l'école historiographique des Annales qui recommande au chercheur de poser une question et de trouver des réponses par la recherche de plusieurs causes selon le modèle proposé par Marc Bloch que nous avons adopté dans ce travail.

La question principale de cette recherche est celle de savoir pourquoi les organes de presse écrite ne publiaient pas les sujets d'actualité liés aux revendications de souveraineté formulées par les nationalistes. À cette interrogation fondamentale, plusieurs questions secondaires sont posées; la première formulée ainsi qu'il suit : la non-publication par les organes de presse des sujets liés aux réclamations de souveraineté était-elle causée entre autre par le soutien que les journaux publics apportaient à une administration coloniale soucieuse de maintenir sa présence au Cameroun ? Pour cela, l'hypothèse suivante a été énoncée : la non-publication par les organes de presse des sujets liés aux réclamations de souveraineté était causée entre autre par le soutien que les journaux publics apportaient à une administration coloniale soucieuse de maintenir sa présence au Cameroun. Pour la valider, nous avons pris comme cas d'étude les journaux publics les plus importants de la période coloniale à savoir Informations Radio-presse et Le journal des villages du Nyong et Sanaga. Il a été montré après analyse des thèmes contenus dans ces périodiques que 794 articles publiés par ces journaux sur 1319 étaient consacrés aux seules activités de l'administration coloniale soit 60,19% du nombre total des articles de presse de ces publications. Le contenu de ces organes de presse nous a ainsi indiqué qu'ils servaient de soutien aux actions de l'administration coloniale dont ils étaient les principaux organes d'information. Ce soutien étant perceptible à travers la prépondérance des sujets liés aux activités menées au Cameroun par les autorités françaises. Or, précisément l'administration coloniale a affiché une opposition à toute forme de revendication de l'autonomie complète du Pays. Cette position anti-indépendantiste de l'administration coloniale a été visible notamment en décembre 1952 et en décembre 1953 lorsqu'elle a envoyé des émissaires contredire M. Um Nyobé, Secrétaire général de l'UPC lors de sa prise de parole à l'ONU où il réclamait l'indépendance du Cameroun. Ce qui nous a donc amené à dire que l'une des causes du silence observé par les journaux sur les faits concernant les réclamations d'indépendance est le soutien que les organes de presse publics apportaient à une administration coloniale soucieuse de maintenir sa présence au Cameroun. Ce qui valide la première hypothèse secondaire formulée dans ce travail.

Quant à la deuxième question secondaire, elle est formulée de la manière suivante: une autre cause de la non-publication par les journaux des sujets concernant les revendications d'autonomie est-elle le soutien que les organes de presse qui appartenaient aux hommes politiques français vivant au Cameroun apportaient à leurs promoteurs anti-indépendantistes? L'hypothèse énoncée pour cette interrogation est présentée comme suit: une autre cause de la non-publication par les journaux des sujets concernant les revendications d'autonomie est le soutien que les organes de presse qui appartenaient aux hommes politiques français vivant au Cameroun apportaient à leurs promoteurs anti-indépendantistes. Ainsi, pour la valider nous avons procédé à l'analyse des thèmes contenus dans les journaux édités au Cameroun par les hommes politiques français dont les plus représentatifs étaient Le Cameroun demain, organe de presse fondé par le Dr. Louis-Paul Aujoulat, homme politique français vivant au Cameroun et Le Cameroun libre, organe des Français libres du Cameroun dont le promoteur était M. Henri Coulouma. À cet effet, il a été montré au cours de ladite analyse des thèmes que ces supports d'information servaient de soutien aux idées et actions politiques de leurs fondateurs car 52,3% de l'ensemble des articles publiés par eux étaient consacrés aux activités politiques et aux idées défendues par leurs promoteurs. L'opposition de ces derniers aux revendications d'indépendance a été visible sur plusieurs points : le 24 octobre 1952, le Dr. Louis-Paul Aujoulat, fondateur de Le Cameroun de demain et Président de l'ATCAM et M. Charles Okala, Président de l'USC, ont envoyé une correspondance au siège des Nations unies pour s'opposer à l'intervention de l'UPC à l'Assemblée générale de l'ONU prévue en décembre de la même année. De Même, M. Henri Coulouma, promoteur de Le Cameroun libre était l'un des fondateurs en 1945de l'ASCOCAM, une association de colons dont le but était de s'opposer à toute forme de mesures prises visant à l'indépendance du Cameroun. Il était par ailleurs l'un des chefs de file du RPF au Cameroun, un parti opposé aux idées de souveraineté défendues par les nationalistes. Ce qui indique donc une opposition donc une opposition de ces hommes politiques, qui étaient en même temps éditeurs de journaux, à toute forme de revendications indépendantistes. Ce qui précède dénote donc qu'une autre raison déterminante de la non-publication des sujets concernant les réclamations de souveraineté formulées par les nationalistes tient du soutien que les journaux qui appartenaient aux hommes politiques français apportaient à leurs promoteurs anti-indépendantistes. La deuxième hypothèse secondaire de cette recherche se trouve donc également validée.

Pour ce qui est de la troisième question secondaire de ce travail, elle est formulée ainsi : les pressions exercées par l'administration coloniale sur des journaux constituent-elles également l'une des raisons déterminantes du silence observé par ceux-ci sur des informations liées aux réclamations indépendantistes ? L'hypothèse relative à cette question est présentée de la manière suivante: les pressions exercées par l'administration coloniale sur des journaux constituent également l'une des raisons déterminantes du silence observé par ceux-ci sur des informations liées aux réclamations indépendantistes. Pour la valider, nous avons fait appel à plusieurs sources écrites ayant fourni des informations sur l'attitude de l'administration coloniale après des dénonciations contenues dans les organes de presse fondés par les nationalistes notamment dans les journaux La voix du Cameroun et Kamerun mon pays. La confrontation de ces sources a indiqué que les journaux édités par les nationalistes ont subi de fortes pressions de l'administration coloniale. Ces pressions qui constituent des contraintes d'ordre administratif sont perceptibles à travers les interdictions temporaires de ces journaux par les autorités coloniales, comme ce fût le cas pour La voix du Cameroun entre mai 1950 et janvier 1952, et à travers les saisies comme celle du numéro 33 de Kamerun mon pays le 27 novembre 1956 à Douala qui a été orchestrée sur ordre du chef de la région du Wouri. Ces pressions ont entraîné la non-publication par ces journaux des sujets d'actualité liés aux réclamations de souveraineté. Ainsi, pendant la période d'interdiction temporaire de La voix du Cameroun, les nationalistes ont organisé des manifestations pour réclamer l'indépendance du Cameroun, c'est le cas de la conférence publique tenue à Douala le 12 juillet 1951. Le journal La voix du Cameroun étant à cette date là le seul organe de presse publié par les nationalistes, n'a pas pu relayer cette information à cause de sa suspension par l'administration coloniale. De même, lorsque le numéro 33 de Kamerun mon pays a été saisi, les informations contenues dans ce journal n'ont pas été portées à l'attention de ses lecteurs. Ce qui indique donc qu'une autre cause de la non-publication des nouvelles liées aux revendications d'indépendance par les journaux tient des pressions que ceux qui étaient édités par les nationalistes subissaient de la part des autorités coloniales. D'où la validation de la troisième hypothèse secondaire de cette recherche.

Quant à la quatrième question secondaire, elle est posée comme suit : le souci des hommes d'affaires de satisfaire et de conserver leur clientèle d'origine française peut-il également être une cause de la non-publication par les journaux des faits d'actualité concernant les réclamations de souveraineté formulées par les nationalistes? À cette interrogation, l'hypothèse ci-après a été formulée : le souci des hommes d'affaires de satisfaire et de conserver leur clientèle d'origine française constitue également une cause de la non-publication par les journaux des faits d'actualité concernant les réclamations de souveraineté formulées par les nationalistes. Ainsi, il ressort de l'analyse des thèmes contenus dans les journaux L'Éveil du Cameroun et La presse du Cameroun, les publications les plus importantes fondées par des hommes d'affaires, que 59,2% de l'ensemble des articles de presse (soit 449 sur 1293) étaient consacrés à la politique intérieure de la France et aux activités de l'administration coloniale. Des thèmes qui n'intéressaient pas au premier chef les nationalistes mais plutôt les ressortissants français qui vivaient au Cameroun. Cette analyse a donc fait dire que ces journaux qui ignoraient les faits liés aux réclamations de souveraineté étaient destinés aux Français vivant au Cameroun. La prépondérance des articles de presse concernant les sujets liés à la politique intérieure de la France et aux activités de l'administration coloniale sur les autres faits d'actualité a donc dénoté un souci de ces hommes d'affaires de satisfaire leur clientèle constituée de ressortissants français car c'est eux qui étaient manifestement intéressés par ces thèmes. La tendance anti-indépendantiste affichée par les Français qui vivaient au Cameroun a donc laissé interpréter que les journaux édités par les hommes d'affaires ne publiaient pas les nouvelles liées aux revendications d'indépendance à cause du souci de leurs propriétaires de satisfaire et de conserver leur clientèle française. Ce souci constituant d'ailleurs une contrainte d'ordre économique pour ces hommes qui ne voulaient pas perdre une clientèle opposée aux manifestations de réclamation de l'auto-détermination du Cameroun. Ainsi le 17 décembre 1952 lorsque M. Um Nyobé, Secrétaire général de l'UPC a pris la parole devant les membres de la 7ème session de l'Assemblée générale de l'ONU pour réclamer l'indépendance du Cameroun, il a été contredit par deux émissaires de l'administration française à savoir MM. Okala Charles et Alexandre Ndumbé Douala Manga Bell. Seule l'information concernant la prise de parole des deux envoyés des autorités françaises a été publiée dans les colonnes de L'Éveil du Cameroun ; celle de M. Um Nyobé ayant été ignorée par cette publication. Ce qui a donc fait dire qu'il en a ainsi été à cause du souci du propriétaire de ce journal de satisfaire et de conserver son lectorat voire sa clientèle constitué de ressortissants français qu'il ne voulait pas perdre en publiant des nouvelles concernant les réclamations d'indépendance qui du reste s'opposaient au désir des colons français de rester au Cameroun. Ainsi, si les journaux qui étaient édités par des hommes d'affaires ignoraient les sujets liés aux revendications d'indépendance, c'est à cause d'une contrainte d'ordre économique qui est le souci de leurs propriétaires de satisfaire et de conserver leur clientèle d'origine française (qui du reste était hostile aux idées d'autonomie complète du Cameroun). Donc, le souci des hommes d'affaires de satisfaire et de conserver leur clientèle d'origine française constitue également une cause de la non-publication par les journaux des faits d'actualité concernant les réclamations de souveraineté formulées par les nationalistes. La quatrième hypothèse secondaire de ce travail est donc de ce fait également validée. Ce qui précède indique donc que les procédures scientifiques employées laissent voir que les différentes causes de la non-publication par les organes de presse des nouvelles liées aux revendications d'indépendance sont différentes selon les catégories de journaux.

L'hypothèse principale de cette recherche est formulée de la manière suivante : si les organes de presse ne publiaient pas les informations liées aux revendications d'indépendance c'est non seulement parce que certains soutenaient leurs propriétaires qui étaient anti-indépendantistes mais aussi en raison des contraintes auxquelles d'autres faisaient face. De ce fait, la validation de nos hypothèses secondaires nous a indiqué les différentes causes de la non-publication par les journaux des faits liés aux revendications d'indépendance. Il s'agit : du soutien des journaux publics à une administration soucieuse de maintenir sa présence au Cameroun, du soutien des organes de presse fondés par les hommes politiques français vivant au Cameroun à leurs promoteurs anti-indépendantistes, des pressions de l'administration coloniale sur les supports d'information fondés par les nationalistes et du souci des hommes d'affaires de satisfaire et de conserver leur clientèle d'origine française. En regroupant ces quatre causes on a le soutien de certains journaux à leurs propriétaires anti-indépendantistes et les contraintes auxquelles les autres faisaient face; ces contraintes sont liées aux pressions de l'administration coloniales sur les journaux fondés par les nationalistes et au souci des hommes d'affaires de satisfaire et de conserver leur clientèle d'origine française. Ce qui revient donc à indiquer que si les organes de presse ne publiaient pas les nouvelles liées aux revendications de souveraineté formulées par les nationalistes c'est non seulement parce que certains soutenaient leurs propriétaires qui étaient anti-indépendantistes mais aussi en raison des contraintes auxquelles d'autres faisaient face. De ce fait, notre hypothèse principale se trouve ainsi validée.

Cette recherche pourrait présenter certaines limites:

L'une d'elles tient du fait qu'elle n'a fait appel qu'aux sources écrites ; en effet, même si celles-ci présentent l'avantage d'être faciles à critiquer et à exploiter, il n'en demeure pas moins que l'histoire peut également s'écrire avec d'autres types de sources notamment les images, les témoignages oraux...;

L'autre étant la structure thématique qui a été adoptée alors que d'autres chercheurs auraient certainement proposé une autre manière de présenter ce travail.

La présente recherche laisse toutefois entrevoir d'autres perspectives sur lesquelles des chercheurs en histoire des médias à l'ère des revendications indépendantistes pourraient se pencher. Il s'agit entre autres du rôle de la presse écrite pendant cette période et de l'application du cadre juridique de la presse écrite au Cameroun pendant cette période. De même, les sources de financement de la presse écrite à l'ère des réclamations d'indépendance pourraient constituer une piste pour des chercheurs.

BIBLIOGRAPHIE

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II- Ouvrages spécifiques

Albert, Pierre, 2003 Histoire de la presse, 10ème édition, Paris, PUF, 127 pages

Bayemi, Jean-Paul, 1989 L'effort camerounais ou la tentation d'une presse libre,

Paris, Editions l'Harmattan, 170 pages

Bellanger Claude et al. , 1972 Histoire générale de la presse française, tome 3, Paris, Presses

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Bellanger Claude et al. , 1975 Histoire générale de la presse française, tome 4, Paris, Presses

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Heinderyckx, François, 2002 Une introduction aux fondements théoriques de l'étude des

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XXe siècles, Saint-Étienne, Impressions Dumas, 198 pages

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Wongo Ahanda, Antoine, 2005 La communication au Cameroun: bibliographie annotée et commentée de 40 ans de recherche, Paris, Editions L'Harmattan, 371 pages

III-Articles scientifiques

Boyomo Assala, Laurent Charles, Février 1995 « Mass média et multipartisme en Afrique

Francophone. Le cas du Cameroun », in Fréquence Sud,

N° 13, Yaoundé, ESSTIC

IV-Thèses et mémoires

Bema Minang, Marcellin, 1992 Le messager et la couverture des événements politiques au

Cameroun (16août 1990-15 août 1991) ML, ESSTI, Université de

Yaoundé, 92 pages

Biang, Richard, 1986 Sortir de la léthargie : un impératif pour le journal L'unité, ML,

ESSTI, Université de Yaoundé, 93pages

Chedjou, Bernard, 1988 Au coeur de Le messager : monographie d'un bimensuel de la presse

privée camerounaise, ML, ESSTI, Université de Yaoundé, 122 pages

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d'Economie et de Sciences sociales de Paris, Paris II-Panthéon,

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Esquisse de présentation de la presse écrite camerounaise

des origines à nos jours avec un gros plan sur la presse

écrite de langue française pour la période de 1982 à 1997

(Volume I), Etude menée en vue de l'obtention de l'Habilitation

à Diriger les travaux de Recherche en SIC, Université de droit,

d'Economie et de sciences sociales de Paris, Paris II- Panthéon,511 pages

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au Cameroun des origines à l'autonomie, Thèse de Doctorat de

troisième cycle, Université de Paris II, 683 pages

V-Chartes, lois, ordonnances, décrets, arrêtés et accords

- Charte des Nations Unies adoptée le 26 juin 1945

- Loi n°1881-07-29 du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse

- Ordonnance N°45-2090 du 13 septembre 1945 relative à la modification de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse

- Décret n° 46-1644 du 17 juillet 1946 fixant les conditions du dépôt légal dans les territoires relevant du Ministère de la France d'outre-mer

- Décret du 27 septembre 1946 rendant applicable au Cameroun les dispositions de l'ordonnance du 13 septembre 1945 modifiant la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

- Constitution française du 27 octobre 1946

- Arrêté No3092 portant création d'une caisse d'avance au service Radio-Presse

Accord de tutelle pour le territoire du Cameroun sous administration française, 13

décembre 1946

VI-Rapports et articles

«  Rapport annuel du gouvernement français à l'Assemblée Générale des Nations Unies sur l'administration du Cameroun », années 1946,1947 1948 1949, 1950, 1951, 1952, 1953, 1954, 1955, 1956 et 1957

«  Avis du 13 avril 1948 » in Revue de l'Union française ,1948 No2, P.247

Daniel Abwa, « Les questions d'indépendance et de réunification » in www.ambafrance-cm.org

VII-Journaux

L'Éveil du Cameroun, du No001 au No1460

Informations Radio- Presse, du No 001 au No841

Le Cameroun libre du No001 au No288

Kamerun, mon pays du No001 au No 254

La voix du Cameroun, du No001 au No33

N'kou (le tam-tam), du No5 au No85

Le flambeau, du No001 au No38

Lumière, du No07 au No40

Le Cameroun de demain, du No01 au No55

Méridiens de France et d'Afrique, du No001 au No24

La presse du Cameroun, du No001 au No316

VIII-Archives

1-Archives Nationales de Yaoundé

Um Nyobé Ruben, programme politique 1953,3AC, 1853, ANY

1AC6377, rapport sur les partis politiques au Cameroun

3AC 1852, Anti-upécisme 1953, l'affaire UPC/Gateau

3AC 1867, journaux politiques création 1956

2AC 9800, Mbida (A. Marie) politique 1956

2AC8588 missions dévolues par l'accord de tutelle 1953

ANY, Correspondance No 1.126/CF/RWI du 27 novembre 1956

2-Archives diverses

Correspondance No1125/PS du 16 septembre 1958 sur le dépôt légal de la presse.

IX-Wébographie

www.assembléenationale.fr (consulté le 12 septembre 2009 de 13h23minutes à 16 h 20 minutes et le 12 décembre 2009 de 12h15 minutes à 14h 23 minutes)

www.un.org (consulté le 21 novembre 2009 de 10h 40 minutes à 13heures 16 minutes et le 22 novembre de 8heures 50 minutes à 11heures 15 minutes)

www.bonaberi.com (consulté le 18 novembre 2009 de 14 h 36 minutes à 15heures 10 minutes)

www.upc-kamerun.com (consulté le 15 janvier 2010 de 16h 40 minutes à 19h04 minutes)

www.sjec-cameroun.org (consulté le 18 janvier 2010 de 12 heures 30 minutes à 14 heures 10 minutes)

www.quotidienlejour.com (consulté le 26 mai 2010 de 16heures 30 minutes à 17heures 40 minutes)

ANNEXES

Annexe 1 : Journaux

Annexe 2 : Décrets et arrêtés

TABLE DES MATIÈRES

Page

Avertissement ......................................................................................

i

Dédicace ............................................................................................

ii

Remerciements....................................................................................

iii

Résumé..............................................................................................

iv

Abstract..............................................................................................

v

Sommaire............................................................................................

vi

Liste des illustrations..............................................................................

vii

Liste des abréviations, acronymes et sigles..................................................

viii

Introduction.........................................................................................

1

I-Contexte de la recherche........................................................................

2

II-Justification du choix du sujet...............................................................

3

III-Problème de recherche........................................................................

3

IV- Problématique.................................................................................

5

V- Objectifs de la recherche.......................................................................

8

VI- Méthodologie .................................................................................

9

VI-1 Techniques et outils de collecte des données et techniques d'analyse et

d'interprétation des données...........................................................

9

VI-2- Positionnement théorique..............................................................

14

VII-Intérêt du travail..............................................................................

17

VII-1 Intérêt scientifique.....................................................................

17

VII-2 Intérêt pratique...........................................................................

17

VIII-Délimitation de la recherche...............................................................

18

VIII -1 Délimitation spatiale du travail......................................................

18

VIII-2 Délimitation temporelle de la recherche..........................................

18

VIII- 3 Délimitation liée à la typologie des organes de presse et aux articles

étudiés ..................................................................................

19

IX- Revue de la littérature......................................................................

19

X- Définition des mots-clés.....................................................................

22

XI-Plan du travail..................................................................................

24

 
 

PREMIÈRE PARTIE: PRÉSENTATION DU CAMEROUN ET DU CADRE

JURIDIQUE DE LA PRESSE ÉCRITE .....................

25

Chapitre premier : présentation du Cameroun après la Seconde Guerre

mondiale..................................................................

27

Section I - Présentation géographique et administrative du Cameroun

français..................................................................................

27

I-1-La géographie du Cameroun français.....................................................

27

I-2-L'administration du Cameroun...........................................................

29

Section II - Le statut du Cameroun après la Seconde Guerre mondiale ..................

29

II-1-La définition du statut du Cameroun dans la Charte des Nations unies..............

29

II-2- La définition du statut du Cameroun dans la constitution française et l'Accord de tutelle ............................................................................................

31

Section III - Les tribunes d'expression des camerounais à l'ère de la décolonisation...

33

III-1-Les organisations syndicales et politiques...............................................

33

III-2- La presse écrite .............................................................................

34

Chapitre deux: Le cadre juridique de la presse écrite....................................

36

Section I - La loi française du 29 juillet 1881 et ses modifications.........................

36

I-1-La structure de la loi du 29 juillet 1881...................................................

36

I-2: La modification du 13 septembre 1945 ..................................................

37

Section II-Les caractères essentiels de la loi du 29 juillet 1881............................

38

II-1-Une loi de codification .....................................................................

38

II-2-Une loi de libération.........................................................................

39

Section III- L'application de la loi du 29 juillet 1881 au Cameroun.....................

40

III-1- Les textes d'application de la loi du 29 juillet 1881 au Cameroun..... ...........

40

III-2-Les sanctions administratives prises pour mieux contrôler les activités de la

presse écrite....................................................................................

41

 
 

DEUXIÈME PARTIE : LE CONTENU DES ORGANES ÉDITÉS PAR LES FRANÇAIS ET LES INFORMATIONS FOURNIES PAR LES SOURCES SUR L'ATTITUDE DES AUTORITÉS À L'ENDROIT DES JOURNAUX DES NATIONALISTES.......

44

Chapitre trois: Présentation du contenu des journaux publiés par les français vivant au Cameroun........................................................

46

Section I - L'information politique dans les organes de presse publics......................

46

I- 1- Identification des périodiques publics étudiés ..............................................

47

I-2-Les thèmes développés par les journaux publics et leur fréquence d'apparition...

49

Section II - L'information politique dans les organes de presse fondés au Cameroun

par des hommes politiques français............................................

52

II-1-Identification des journaux fondés au Cameroun par des hommes politiques

français........................................................................................

53

II-2- Les thèmes développés dans les journaux édités au Cameroun par les hommes

politiques français et leur fréquence d'apparition......................................

55

Section III - L'information politique dans les journaux fondés par des hommes

d'affaires .............................................................................

57

III-1-Identification des journaux publiés au Cameroun par les hommes

d'affaires.............................................................................................

58

III-2: Les thèmes développés dans les journaux édités par les hommes d'affaires et leur

fréquence d'apparition...................................................................

59

Chapitre quatre : La description par des sources de l'attitude des autorités à l'endroit des journaux édités par les nationalistes ...............

64

Section I- L'intérêt porté aux réclamations indépendantistes par les publications des

nationalistes...........................................................................

64

I-1- Identification des journaux publiés par les nationalistes.............................

65

I-2 -La publication par les journaux édités par les nationalistes des sujets liés aux

réclamations de l'indépendance.........................................................

66

Section II-La description par les sources de l'attitude des autorités après la publication

par la voix du Cameroun des résolutions du premier congrès de l'UPC......

70

II-I-La publication par La voix du Cameroun de l'article portant sur les résolutions du

premier congrès de l'UPC....................................................................

70

II-2-La description par les sources de la réaction des autorités coloniales après la

publication de l'article portant sur les résolutions du premier congrès de l'UPC.....

71

Section III- La description par les sources de l'attitude des autorités après la

publication par Kamerun mon pays d'un article portant sur l'interdiction

d'une réunion publique des nationalistes.......................................

72

III-1-La publication par Kamerun mon pays d'un article portant sur l'interdiction

d'une réunion publique des nationalistes................................................

72

III-2-La description par les sources de la réaction des autorités coloniales après la

publication par Kamerun mon pays de l'article portant sur l'interdiction d'une

réunion publique des nationalistes.........................................................

73

 
 

TROISIÈME PARTIE : LES CAUSES DE LA NON-PUBLICATION PAR LES JOURNAUX DES FAITS D'ACTUALITÉ LIÉS AUX REVENDICATIONS D'INDÉPENDANCE .............................

77

Chapitre cinq : Le soutien des journaux à leurs propriétaires

anti-indépendantistes.......................................................

79

Section I- Le soutien des journaux publics à une administration opposée

aux revendications d'indépendance ............................................

79

I-1-Le soutien des journaux publics aux actions de l'administration coloniale ........

79

I-2 -Les journaux publics : des publications servant de soutien à une administration

anti-indépendantiste.........................................................................

80

Section II- le soutien des journaux fondés au Cameroun par des hommes politiques

français à leurs promoteurs anti-indépendantistes...............................

82

II-1 - Les journaux fondés par les hommes politiques français : des publications

éditées pour faire connaître les activités et les idées de leurs promoteurs...........

83

II-2-Les journaux édités au Cameroun par les hommes politiques français : des

publications servant de soutien aux activités de leurs promoteurs

anti-indépendantistes......................................................................

84

Chapitre six : Les contraintes subies par les journaux..................................

89

Section I- Les pressions de l'administration coloniale sur les journaux fondés par les

nationalistes.............................................................................

89

I-1-La confrontation des sources ayant indiqué les pressions de l'administration sur les

journaux fondés par les nationalistes .....................................................

90

II-2- L'impact des pressions subies par les journaux fondés par les nationalistes sur la

publication des informations liées aux revendications d'indépendance..............

92

Section II- Le souci des hommes d'affaires de satisfaire et de conserver leur

clientèle.................................................................................

95

II-1-Les journaux édités par les hommes d'affaires : des publications au contenu

cherchant à satisfaire une clientèle d'origine française................................

95

II-2- Le souci des promoteurs de satisfaire et de conserver une clientèle

anti-indépendantiste......................................................................

97

Conclusion........................................................................................

103

Bibliographie.....................................................................................

110

Annexes............................................................................................

117

Annexe 1- Journaux................................................................................

118

Annexe 2- Lois, décrets et arrêtés...............................................................

119

Table des matières...............................................................................

120






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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille