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La problématique de la gestion post conflit au Niger. Analyse de la politique de réinsertion des ex-combattants Touaregs

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par Abdoul Karim SAIDOU
Université de Ouagadougou (Burkina Faso) - Diplôme d'études approfondies en droit public et science politique 2009
  

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B. Les mécanismes ad hoc ou interministériels

Aux côtés du HCRP ont été institués certains mécanismes interministériels dans la définition des politiques issues des Accords de Paix. Si le HCRP, nonobstant l'influence de l'institution militaire sur son fonctionnement apparaît comme une institution originale, les mécanismes interministériels incarnent avec plus de netteté l'emprise des institutions sur le pro cessus3. C'est ainsi qu'il fut créé auprès du Haut Commissaire à la Restauration de la Paix par arrêté n°34/PM du 20 mars 1997, une Commission Chargée des Intégrations et de la Réinsertion Socio-économique des Ex-combattants de la Résistance Armée.

1 L'arrestation de Mohamed Aghali, Agent des FNIS, Chauffeur et Garde du Corps de Mohamed Anacko, le 28 mai 2008 par la Gendarmerie Nationale n'est pour pas pour dissiper ces suspicions. L'intéressé est poursuivi pour contacts présumés avec le MNJ...

2 Voir HCRP, Forum de consolidation de la paix dans la région d'Agade , mars 2005 (document non paginé).

3 Nous ne retenons ici que les institutions liées à la politique de réinsertion des ex-combattants, d'autres institutions ont été crées, notamment en ce qui concerne la politique de décentralisation. Il s'agit de la Commission Spéciale sur le Redécoupage Administratif de la République du Niger installée le 3 janvier 1995 et un Haut Commissariat à la Réforme Administrative et à la Décentralisation (HCRA/D) créé le 15 août 1995 conformément à l'article 6 de l'Accord du 24 avril 1995.

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Cette Commission fut subdivisée en deux sous-commissions, la Sous-commission Intégration présidée par le Secrétaire Général du Ministère du Travail et la Sous-commission Réinsertion Socio-économique présidée par le Secrétaire Général du Ministère du Plan. Ensuite, il fut créé par décret n°9-54/PRN du 9 avril 1997 une Commission Chargée du Cantonnement des Ex-combattants de la Résistance Armée et du Comité de Vigilance de Tassara (CVT) présidée par le Ministre de la Défense Nationale.1 Les travaux de ces deux commissions étaient supervisés par un Comité interministériel de Pilotage présidé par le Premier Ministre créé par arrêté n°035/PM du 20 mars 1997.

Par décret n°97-220/PRM du 19 juin 1997, il fut également créé une Commission Nationale de Coordination et de Suivi des Opérations de Rapatriement des Nigériens déplacés en Algérie et au Burkina Faso du fait de la Rébellion2. Celle-ci, présidée par le Ministère de l'intérieur, a supervisé, conformément aux Accords de Paix, le retour des populations nigériennes déplacées sur la base de leur libre consentement. A cet égard, deux Accords tripartites Niger-Algérie-HCRP et Niger-Burkina Faso-HCR furent conclus.

L'analyse de ces différents mécanismes montre d'abord que la gestion post-conflit a été une véritable « opération commando » car elle a mobilisé presque tout ce qui existe comme institution dans l'administration nigérienne3. Pratiquement tous les ministères ont été impliqués, de même que les représentants de la Rébellion. De par leur configuration, ces différentes commissions étaient de nature ad hoc, donc appelées à disparaître une fois leur travail accompli. C'est ainsi que la fin du cantonnement des ex-combattants intervenu le 30 octobre 1997 mettait également fin à la mission de la Commission de Cantonnement car le désarmement des Fronts eut lieu avec la cérémonie de Tchintabaraden le 28 octobre 19974.

De même, les travaux de la Commission Chargée des Intégrations et de la Réinsertion Socio-économique prenaient fin une fois que les intégrations avaient débuté sous la 4e République. L'option de l'Etat de faire participer toutes les administrations dans la mise en oeuvre des Accords de Paix s'explique par deux facteurs. D'une part, un processus inclusif mettant face à face l'ensemble l'administration publique et les représentants de la Rébellion avait la vertu de donner une présomption de légitimité aux décisions arrêtées. Cette procédure démocratique mettait le pouvoir politique à l'abri d'éventuels critiques pouvant émaner, soit de l'administration, soit de la Rébellion elle-même ; surtout quand on sait que beaucoup de cadres nigériens étaient très peu enthousiasmés par les mesures de discrimination positive que la politique de réinsertion impliquait.

D'autre part, cette option était aussi inévitable d'un point de vue technique. En effet, les intégrations, réinsertion socio-économique nécessitaient la maîtrise d'une certaine expertise qui déborde les capacités du HCRP. A ce stade de mise en oeuvre des Accords, le rôle des experts

1 Journal Officiel de la République du Niger, n°09 du 1er mai 1997, p. 459.

2 Journal Officiel de la République du Niger, n°14 du 15 juillet 1997.

3 On peut par exemple retenir la composition de la Sous-commission Intégration :

Président : Secrétaire Général du Ministère du Travail et de l'Emploi

Membres : un (1) représentant pour chacune des institutions suivantes : Cabinet du Premier ministre, Ministère Chargé de l'Education Nationale, Ministère de la Santé Publique, Ministère des Mines, Ministère du Développement Industriel et des Mines, Ministère du Commerce, Ministère du Plan, Ministère de l'Hydraulique et de l'Environnement, Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche, deux (2) représentants du HCRP, deux (2) représentants du Ministère des Finances, trois (3) représentants du Ministère de l'Intérieur et enfin un (1) représentant pour chacune des trois coalitions rebelles (ORA, CRA, UFRA).

4 Mais il faut préciser que ce premier désarmement ne concernait que les Fronts de l'Azawak, le désarmement effectif n'interviendra que le 5 juin 2000.

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prenait toute son importance. Selon le modèle de John Kingdon, on dira qu'il s'agit là d'un «couplage serré» entre le courant des problèmes et le courant des solutions1. Ceci peut être illustré par les attributions des Sous-commissions Intégration et Réinsertion Socio-économique.

Au nombre des attributions de la première, on pouvait lire : « recenser les effectifs à intégrer, retenir suivant les critères qu'elle aura déterminés les éléments à affecter aux différents corps, évaluer l'incidence budgétaire des opérations d'intégration des effectifs retenus comprenant les équipements individuels, la formation et les salaires » etc. Pour la seconde Sous-commission, on peut retenir : « définir la stratégie, la politique, les critères de réinsertion et veiller à leur application, évaluer le processus de réinsertion, créer les bases de données sur la démobilisation et sur les opportunités existantes et potentielles dans les tones de réinsertion et plus particulièrement le Nord Niger» etc.

En juillet 1998, le HCRP procédait à une analyse à la fois juridique et financière des intégrations à incidence financière sur le Budget de l'Etat. Ces intégrations étaient planifiées en trois phases : une première étape de 1055 éléments déjà pris en compte dans le Budget et intégrés, une deuxième étape avec 771 éléments en attente d'intégration dont la disponibilité financière sur le Budget de l'Etat pour l'exercice 1998 était à confirmer par le Ministère des Finances et une troisième étape de 1081 éléments à intégrer avant fin 1998. Le coût global de toutes les intégrations pour une année était estimé à 3. 755.287. 000 F CFA2.

Du point de vue de la nature technique de ces questions, les mécanismes interministériels trouvaient donc leur justification. Mais à leur tour et par rétroaction, les mécanismes interministériels vont fortement modeler la politique de réinsertion des ex-combattants selon la logique et les valeurs propres aux institutions existantes. La discrimination positive crée des effets de dissonance cognitive pour les agents de l'État, imbus qu'ils étaient des valeurs bureaucratiques qu'ils ont fortement intériorisées. Pour l'administration, le processus de paix ne peut ignorer des principes élémentaires de recrutement à la Fonction Publique et dans les autres corps de l'Etat comme fournir un acte de nationalité, un casier judiciaire, un acte de naissance etc.3

Par contre, les ex-combattants trouvaient ces exigences excessives et contraires à l'esprit des Accords de paix. Les représentants de l'ex-Rébellion, à raison de trois personnes par Commission, n'eurent pas la tâche facile dans cette foule d'experts très peu enthousiasmés par l'idée de sacrifier les règles bureaucratiques sur l'autel du pragmatisme politique. Les compromis étaient difficiles entre ces deux pôles à logique divergente : les fonctionnaires qui incarnent la bureaucratie et les ex-combattants qui symbolisent la politique.

En encadrant le processus de mise en oeuvre de la politique de réinsertion, les procédures administratives inspirées par les institutions existantes ont permis de faire prévaloir un minimum

1 Vincent Lemieux, op cit. pp. 29-41.

2 HCRP, Estimation du coût du processus de paix, juillet 1998, pp. 4-5.

3 Dans le Procès-verbal de la Réunion du Comité de Pilotage du 3 septembre 1997, par exemple, les modalités d'intégration dans la Gendarmerie Nationale étaient fixées comme suit :

- être âgé de 20 à 30 ans

- être au minimum titulaire du CEPE ou du CFEPD

- être de nationalité nigérienne

- l'aptitude médicale est obligatoire, elle est constatée par un médecin militaire

- avoir un certificat de toise de un mètre soixante cinq (1,65)

- ne pas être en instance d'un procès civil

- être célibataire sans enfant et ne contracter mariage qu'après la formation ; à l'issue de laquelle il sera enclenché la procédure administrative appropriée.

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de rigueur technocratique dans le processus. C'est sans doute pour échapper à cette rigidité des institutions que les Chefs et Cadres ont préféré un traitement «politique » de leur réinsertion. Leur cas a été, en effet, laissé à la discrétion du Chef de l'Etat1.

De même, pour la réinsertion socio-économique, les experts de l'administration avaient leur propre logique. Celle-ci a conduit à commanditer sur le terrain des enquêtes afin de recenser les ex-combattants, évaluer leurs besoins et attentes, leurs niveaux d'instruction, etc. Toutes ces procédures propres aux institutions ont rendu le processus très lent. Ceci a, à maintes reprises, suscité des réactions hostiles de l'ex-Rébellion qui considérait de telles procédures comme des manoeuvres dilatoires.

En clair, en imprimant leur marque sur la définition des modalités pratiques de la politique de réinsertion, les institutions existantes démontrent éloquemment leur continuité historique. La logique institutionnelle prenait sa revanche sur la logique politique qui avait présidé à la conclusion des Accords de Paix. L'impact essentiel des modalités d'application des Accords a été d'introduire une dose de méritocratie dans cette politique de quota. De ce fait, elle a permis d'éviter des dysfonctionnements dans l'administration étatique.

C'est l'ensemble de ce processus, fait de jeux des acteurs et de logiques institutionnelles qui a donné toute son empreinte à la politique de réinsertion des ex-combattants touaregs.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote