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Environnement urbain et changements familiaux au Bénin. Cas des migrants Lokpa de Parakou

( Télécharger le fichier original )
par Moussa YACOUBOU
Université d'Abomey-Calavi (Bénin) - Diplôme d'études approfondies, option : gestion de l'environnement 2007
  

Disponible en mode multipage

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Année académique 2006-2007

Université d'Abomey-Calavi

Faculté des Lettres, Arts et Sciences Humaines (FLASH)

Ecole Doctorale Pluridisciplinaire (EDP)

 

Faculté des Sciences et Techniques (FAST)

Chaire UNESCO de Science, Technologie et Environnement (CUSTE)

Option : Gestion de l'Environnement

Spécialité: Environnement et Développement Durable

N° d'Enregistrement : -2007 /UAC /FLASH/ EDP

Mémoire de fin de Formation

Environnement urbain et Changements familiaux au Bénin : cas des migrants Lokpa de Parakou.

Soutenu publiquement par : Moussa YACOUBOU

Pour l'obtention du Diplôme d'Etudes Approfondies (DEA)

Sous la Direction de : Dr. Michel BOKO, professeur titulaire (DGAT, FLASH/UAC) et de : Dr Nassirou BAKO-ARIFARI, maître assistant (DSA ,FLASH/ UAC)

Devant le jury composé de

Président : Dr. Michel BOKO, professeur titulaire (DGAT, FLASH/ UAC)

Rapporteur : Dr Nassirou BAKO-ARIFARI, maître assistant (DSA, FLASH/ UAC)

Examinateur : Dr Albert TINGBE-AZALOU, maître assistant (DSA, FLASH/UAC)

2

ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS FAMILIAUX

SOMMAIRE .

1

REMERCIEMENTS

.2

 

LISTE DE SIGLES ET ACRONYMES

.3

 

RESUME

4

 

ABSTRACT

5

 

INTRODUCTION

6

 

CHAPITRE 1 : CADRES THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE.

8

1.1. Cadre théorique

.8

 

1.1.2 Problématique .

.10

1.1.3 Objectifs et hypothèses

11

1.1.4 Clarification conceptuelle

........13

1.1.5 Nature, sources, qualité et utilité des données

16

1.1.6 Revue de la littérature

. 16

 

CHAPITRE2 : PROCESSUS D'INSERTION DES MIGRANTS

39

2.1 Insertion et installation des migrants

39

2.2 Organisation sociale des Lokpa à Parakou

42

2.3 Recomposition des relations familiales .

46

2.4 Insertion socioprofessionnelle des migrants

. 50

CHAPITRE 3 : ELEMENTS DE CHANGEMENTS MATRIMONIAUX

ET DES RESEAUX SOCIAUX

53

3.1 Statut de la femme

.55

3.2 Nuptialité et mariage

55

3.3 Cadre de vie familial

. 59

3.4. Vie associative en milieu d'accueil

64

Analyse conclusive

. 68

 

Projet de thèse

73

Table des matières

78

Annexes

81

3

ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS FAMILIAUX

REMERCIEMENTS

Nous présentons nos sincères remerciements à :

Michel BOKO, professeur titulaire (DGAT /FLASH) pour avoir accepté de nous encadrer au cours des différentes phases de l'élaboration de ce mémoire ;

Erdmute ALBER, maître de conférences à la Faculté d'ethnosociologie à l'Université de Bayreuth (Allemagne), pour ses nombreuses contributions matérielles et intellectuelles depuis l'enquête jusqu'à la phase finale de rédaction du mémoire.

Nassirou BAKO-ARIFARI, maître assistant (DSA/FLASH), directeur délégué du LASDEL Parakou, pour nous avoir offert l'opportunité de faire véritablement nos premiers pas dans la recherche tout en poursuivant les études académiques.

Toute l'équipe du LASDEL Parakou qui nous a depuis les enquêtes de terrain aux séminaires doctoraux, témoigné sa solidarité.

Tous les enseignants de l'Ecole Doctorale Pluridisciplinaire de la FLASH

qui m'ont appris à reconnaître et à interpréter le `'fait environnemental».

Tous les camarades d'amphi de la 7 ème promotion de DEA option Gestion de l'Environnement qui m'ont encouragé par leurs divers conseils à rédiger ce mémoire.

Tous mes interlocuteurs qui ont bien voulu me faire confiance en mettant à ma disposition de diverses manières des informations nécessaires à la présente étude.

Tous les membres de l'Association des Ressortissants de l'Arrondissement de Komdè (Ouaké) à Parakou, pour leur franche et exemplaire collaboration tout au long de cette étude.

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ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS FAMILIAUX

LISTE DE SIGLES ET ACRONYMES

B.C.B : BANQUE COMMERCIALE DU BENIN

C.A.R.D.E.R : CENTRE D'ACTION REGIONALE POUR LE DEVELOPPEMENT

RURAL

E.C.R.I.S : ENQUETE COLLECTIVE RAPIDE D'IDENTIFICATION DES GROUPES STRATEGIQUES ET DES CONFLITS

E.N.I.I.A.B : ECOLE NATIONALE DES INFIRMIERS ET INFIRMIERES ADJOINTS

DU BENIN

I.R.D : I NSTITUT DE RECHERCHE EN DEVELOPPEMENT.

O.B.S.S : OFFICE BENINOIS DE SECURITE SOCIALE (AUJOURD'HUI DEVENU CNSS : CAISSE NATIONALE DE SECURITE SOCIALE)

S.E.R.H.A.U-SA : SOCIETE D'ETUDES REGIONALES D'HABITAT ET

D'AMENAGEMENT URBAIN.

S.O.D.A.K : SOCIETE DAHOMEENNE DE KENAF

R.G.P.H : RECENSEMENT GENERAL DE LA POPULATION ET DE L'HABITAT

S.B.E.E : SOCIETE BENINOISE D'ENERGIE ELECTRIQUE

T.P : TRAVAUX PUBLICS

EXPRESSIONS LOKPA

ATTENTO : initié ayant suivi toutes les phases d'initiation.

KUKPELEME :funérailles organisées en milieu lokpa suivant un rituel traditionnel, trois ou cinq ans après le décès.

Waa : dernière phase des rites initiatiques des adolescents en milieu lokpa

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ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS FAMILIAUX

Résumé

Les différentes villes du Bénin ont longtemps accueilli au cours des phases successives de leur développement, des groupes humains, venus pour de motifs variés. La ville de Parakou, ville commerciale, de transit et donc pourvoyeuse d'emplois, avec sa périphérie disposant de terres cultivables, a longtemps été la destination privilégiée des migrants venus de l'Atacora et de la Donga. La présente étude, initiée par l'université de Bayreuth en Allemagne, s'intéresse particulièrement aux changements familiaux intervenus dans les familles lokpa de Parakou. Il s'agira fondamentalement de décrire et d'analyser les différents changements qui ont affecté la famille immigrée lokpa en rapport avec l'environnement urbain. Pour ce faire, la méthode de recherche qualitative a été la démarche adoptée. Ainsi, il a été effectué aussi bien à Ouaké (milieu d'origine des immigrés lokpa) qu'à Parakou (milieu d'accueil) des enquêtes de repérage, des enquêtes collectives, individuelles et d'approfondissement, dans les maisons, les lieux de travail, etc.

L'institution familiale lokpa a subi diverses influences dues à l'environnement urbain, induisant ainsi des modifications structurelles. Les modèles familiaux se sont diversifiés depuis les années 60 à nos jours. Les familles étendues de plus en plus rares, semblent avoir fait place aux familles nucléaires simples et larges au sein desquelles se développent des stratégies collectives et individuelles de conquête d'un statut social valorisant. Les pratiques matrimoniales, depuis les relations entre époux jusqu'aux prestations matrimoniales ont également connu des modifications. L'âge des jeunes hommes contrairement à leurs aînés au premier mariage varie entre 25 et 35

ans et celui des jeunes filles entre 25 et 26 ans. L'insertion socioprofessionnelle

des jeunes immigrés se fait de plus en plus par les petits métiers urbains.

Mots clés : Environnement urbain, famille, migration urbaine.

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ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS FAMILIAUX

ABSTRACT

Different cities of Benin have been accommodating human groups during their successive stages of development for different reasons. The city of Parakou, as a city of trade and transit and then provider of jobs, with the cultivable lands of its region, attracts migrants from Atacora and Donga districts. This study initiated by the University of Bayreuth in Germany takes an interest in family changes in lopka immigrated groups of Parakou. The basic work here is to describe and analyse family changes in relationship with urbanization process. The methodology of research adopted is basically qualitative research. Then, we investigate Ouaké the push point and Parakou the pull point. Individual and collective investigations have been done towards houses, works areas and N.G.O.

Family institution in lokpa group has known modifications because of different effects of urbanisation process. Since the years 60, family patterns in lokpa group have been diversified. From larges families witch are more and more infrequent, simples and larges nuclear families are being building. Then they conquer social improved status.

Marriages patterns and relationships between husbands and wives have also changed. The age at the first marriage in young men group nowadays varies between 25 and 35 years. But in young girls groups between 25 and 26 years. All those changes are in tight relation with urbanization.

Key words: Urban environment, family, urban migration.

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ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS FAMILIAUX

INTRODUCTION

L'étude sur les changements familiaux chez les migrants Lokpa à Parakou, s'intègre dans un programme de recherche : Etude sur les changements familiaux en Afrique. Celle que nous menons s'effectue dans la région nord Bénin en binôme. Un étudiant investigue les différents changements familiaux qui s'opèrent dans les familles du fait du départ ou du retour des migrants à Ouaké et nous, dans les zones d'accueil, en l'occurrence Parakou. Il s'agit pour nous, d'investiguer l'influence de l'environnement urbain sur les familles d'immigrants.

Le présent travail incorpore les résultats de l'enquête pilote suivant la démarche ECRIS (Enquête collective de recherche et d'identification des conflits et des groupes stratégiques), aussi bien à Ouaké ( point de départ des migrants) qu'à Parakou (destination ). Cette procédure d'enquête nous a permis en une semaine, d'identifier les différents acteurs auxquels s'intéresse notre recherche et de formuler les pistes de recherche. L'objectif général de l'étude est de décrire et d'analyser les différents changements qui ont affecté la famille migrante Lokpa aussi bien du fait de la mobilité des acteurs que de la dynamique de l'environnement urbain. L'étude se déroule à Parakou, le plus grand centre urbain de la région nord Bénin. En effet, des résultats des monographies et travaux de recherches sociodémographiques, il ressort que Parakou a longtemps été une ville commerciale, de transit et pourvoyeuse d'emplois. La ville de Parakou dispose du plus grand nombre d'infrastructures socioéconomiques (entreprises, services publics, etc..) dans le septentrion. Sa périphérie offre des terres cultivables aussi bien pour les cultures vivrières que

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pour les cultures de rente (Thomas, 1983 ; INSAE, 2003). La ville de Parakou accueille aussi depuis les années 1960, les migrants venus de toutes les régions du Bénin. La présente étude s'intéresse particulièrement aux Lokpa établis ou en séjour temporaire à Parakou. Les enquêtes de terrain nous ont permis de les répertorier dans les quartiers Banikanni, Zongo et Ganon où ils sont majoritairement établis, puis à Guåma, Tourou et Tranza où ils sont installés en plus faible nombre.

Les informations recueillies au cours des enquêtes de terrain, nous ont permis de comprendre l'historique de l'installation de Lokpa à Parakou ainsi que leur organisation familiale et leurs pratiques matrimoniales. De plus, sur la base des données collectées, nous avons pu identifier les formes de sociabilité ainsi que les facteurs d'incitation à la migration et les modes d'insertion urbaine des migrants. Les stratégies individuelles et collectives dans la conquête d'un statut valorisant font partie également des domaines investigués.

Le présent mémoire comporte trois chapitres. Le premier chapitre traite des cadres théorique et méthodologique de l'étude. Le deuxième chapitre rend compte des motifs de migration, les relations intrafamiliales ainsi que les processus d'insertion urbaine. Le troisième chapitre présente quelques éléments de changement liés aux pratiques matrimoniales et à la vie associative.

ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS FAMILIAUX

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CHAPITRE 1 : CADRES THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE

1.1. Cadre théorique

1.1.1. Contexte de l'étude

La ville de Parakou accueille au cours des différentes étapes de son développement, des vagues de migrants en provenance de diverses régions et particulièrement la commune de Ouaké pour des motifs variés. Nous nous intéressons ici au processus d'installation des Lokpa depuis les années 1960 à nos jours, en relation avec les changements ayant affecté les familles migrantes.

En effet, la ville de Parakou comptait en 1961, 14 000 habitants avec un taux de croissance urbaine de 13,7% par an (Thomas 1983 :117). La population en ce temps était majoritairement composée de Batombu, de Dendi et de Yoruba. A ces groupes s'ajoutaient les minorités Fon, Peulh, Otamari et Adja. Dans les années 70 et 80, Parakou a connu un développement impressionnant des infrastructures urbaines et des services. Ce processus d'urbanisation de la ville a nécessité une main d'oeuvre venant de toutes les régions du Bénin. Dans cette logique d'amélioration du cadre de vie de la ville et de la région nord Bénin, le Lycée Mathieu Bouké a été construit en 1969, l'E.N.I.I.A.B en 1976, beaucoup d'autres services publics comme l'O.B.S.S, le C.A.R.D.E.R, la B.C.B, ont été installés dans cette période. En 1970, un chantier agricole de la Société Dahoméenne de Kénaf (SODAK) a été également ouvert et a entraîné une immigration de travailleurs agricoles. De plus, le déclenchement de la

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ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS FAMILIAUX

campagne pour la production agricole en 1976 par le Gouvernement Révolutionnaire a incité beaucoup de bras valides Lokpa à venir s'installer à Parakou.

Ainsi Thomas Omer (1983), relate ce fait en ces termes : « Depuis 1976, on assiste à une migration des paysans de l'Atacora vers la ville de Parakou et sa campagne. Ce mouvement livre sur le marché du travail des personnels de maison et des ouvriers» (Thomas 1983 :105). En 1979, Parakou et sa périphérie comptait 60541 habitants dont 1911 Yora (Lokpa et apparentés), ce qui correspond à 3,13% de la population de Parakou (RGPH 1, 1979). Alors que le taux de croissance urbaine de Parakou était de 8,33% par an le taux d'accroissement naturel était de 3,6% (RGPH 1, 1979). Aujourd'hui, Parakou compte 149 819 habitants dont 8869 Lokpa (RGPH 3, 2002). D'après les analyses des résultats du même recensement, l'accroissement des populations de Cotonou et de Parakou est en partie lié à l'importance de l'exode rural et des migrations en provenance des villes moyennes. Ce qui semble confirmer le constat de Thomas Omer : « même si la majorité (migrants paysans venus de l'Atacora) vit de l'agriculture et de la vente du bois de chauffe dans les fermes, ces migrants s'installent aussi dans de nouveaux quartiers créés par des autochtones du noyau urbain (Banikanni) » (Thomas 1983 :105).

Cette migration interne est de plusieurs types. Elle peut être saisonnière (campagne agricole), de courte durée (main d'oeuvre, migration de travail) ou définitive. Ainsi, la famille Lokpa subit des transformations aussi bien au cours de son établissement à Parakou, que pendant l'accueil de nouveaux membres en son sein. De plus, suite au départ de certains de ses membres pour l'emploi domestique ou pour les travaux occasionnels, la famille subit des transformations aussi bien structurelles qu'organisationnelles. Ce sont ces transformations, de même que les causes qui les provoquent que nous tenterons de comprendre et d'analyser sur la base des données produites sur le terrain et de la recherche documentaire. Nous avons ainsi orienté les recherches aussi

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ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS FAMILIAUX

bien vers les familles Lokpa anciennement établies que vers celles qui sont nouvellement installées.

1.1.2 Problématique

Les familles Lokpa établies à Parakou, autrefois accueillies par les autochtones Batombu et Yoruba, se sont reconstituées et restructurées au cours des différentes phases de leur insertion urbaine. Ce processus d'insertion, parti des anciens quartiers formant le noyau urbain de Parakou, s'est poursuivi au fil du temps dans les quartiers périphériques où les Lokpa sont majoritairement installés aujourd'hui. Autrefois confondues aux anciennes familles autochtones, les familles migrantes Lokpa se sont construites une identité à travers les nouveaux modes de vie résidentiels. Dans ces nouveaux espaces de vie, les relations familiales, les relations professionnelles et de voisinage, sont reconstruites pour aboutir à une structuration familiale type : la famille migrante Lokpa. Du statut d'ouvriers agricoles, beaucoup de migrants Lokpa sont devenus `'propriétaires» de leurs exploitations agricoles et exercent d'avantage leur rôle de chef de famille. Le chef de famille, ses conjointes, les enfants et les collatéraux, forment désormais une cellule familiale biologiquement, socialement et économiquement plus cohérente. La production et la reproduction au sein de cette unité peuvent désormais être caractérisées avec moins de difficultés parce que ne partageant plus directement les mêmes espaces de vie avec les familles autochtones. Avec le temps, au même titre que les quelques familles autochtones installées à la périphérie de la ville, les familles migrantes Lokpa établies se sont vues rattrapées par l'urbanisation.

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ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS FAMILIAUX

La ville de Parakou privilégiée par les migrants dans leur parcours migratoire est considérée comme un espace de services ouvriers et domestiques. L'existence d'un tel marché de l'emploi fait appel à une main-d'oeuvre bon marché à laquelle les familles migrantes lokpa satisfont avec des stratégies diversifiées. Le processus d'évolution de l'environnement urbain étant directement lié aux conditions économiques nouvelles, les formes d'insertion des immigrants au sein des familles autochtones, des métiers et des circuits religieux, contraste avec les barrières linguistiques, mentales, professionnelles et économiques. Il se crée ainsi des réseaux de proche en proche fondés sur les liens de solidarité et d'affinités diverses. Ainsi la configuration des liens unissant les migrants à d'autres groupes d'individus peut être révélateur de la trajectoire sociale, professionnelle, résidentielle des membres d'une famille migrante. Mais cela ne signifie pas que les migrants ne disposent pas de marge de manoeuvre liée à leur capacité d'intégration, à leur détermination dans la prise de décisions pour la mobilité professionnelle ou résidentielle.

La réorganisation de la vie des ménages implique des pratiques à investiguer. Les effets spécifiques du cadre socioéconomique urbain sur l'institution familiale en termes de réponses aux conditions de vie urbaine et de conduites novatrices sont donc à décrire et à analyser. L'on peut ainsi s'interroger sur les facteurs favorisant ou freinant l'insertion des migrants ainsi que les discours sur eux.

La famille dans la région nord Bénin, a très peu fait objet d'investigations scientifiques. Quand elle est étudiée, ce sont généralement ses aspects démographiques et économiques qui se trouvent au centre des investigations générales comme les Enquêtes Légères Auprès des Ménages Urbains (E.L.A.M). Plus particulièrement la famille en milieu immigré urbain en tant que spécificité sociale, demeure insuffisamment investiguée aussi bien par les démographes, les historiens que par les socio anthropologues.

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ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS FAMILIAUX

Egalement, la famille dans ses rapports avec le fait urbain dans le groupe des migrants Lokpa à Parakou n'a jusqu'ici fait l'objet d'études qualitatives approfondies. Alors que depuis des décennies, le milieu n'a cessé de s'urbaniser, les familles à leur tour ont évolué aussi bien dans leurs formes que dans la qualité des rapports internes au système familial en termes de stratégies familiales, matrimoniales et de mobilité. La question fondamentale que nous nous posons est : Dans quelle mesure l'environnement urbain et le parcours migratoire participent-ils aux changements familiaux ? Pour répondre à cette question, des hypothèses et des objectifs ont été formulés.

1.1.3. Objectifs et hypothèses de recherche

1.1.3.1 Objectif général

L'objectif général de la présente étude est de décrire et d'analyser la famille migrante Lokpa ainsi que les changements qui l'ont affectée dans l'espace urbain.

1.1.3.2 Objectifs spécifiques

Les objectifs spécifiques de l'étude sont :

1. Identifier toutes les formes de familles migrantes Lokpa ainsi que leurs fonctions.

2. Décrire et Analyser les effets de l'environnement urbain sur les familles migrantes.

3. Dégager les stratégies individuelles et collectives des migrants dans la conquête d'un statut social valorisant.

1.1.3.3 Hypothèses de recherche

1- Les conditions d'établissement ou de reconstitution des familles migrantes sont tributaires de l'ascension socioprofessionnelle de ses membres.

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ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS FAMILIAUX

2-L'environnement urbain en tant que creuset de diffusion de nouveaux systèmes de valeurs, conduit plus à une réduction des espaces de solidarité qu'à des déstructurations familiales.

3- L'emploi ouvrier ou domestique exercé par les jeunes migrants, relève de la stratégie éducative entretenue par les parents en milieu urbain ou d'origine.

1.1.4 Clarification conceptuelle

Les questions traitant de l'environnement urbain, de la famille et de la migration urbaine ont été diversement abordées par plusieurs auteurs sous divers angles.

Environnement urbain

De la réflexion collective des chercheurs spécialistes de l'environnement urbain de l'I.R.D (COURET : 2005), il ressort une construction théorique de la notion de l'environnement urbain. L'environnement urbain est d'abord abordé comme un construit social dont l'ensemble des acteurs qui agissent sur et dans la ville sont déterminants. L'environnement urbain ne se réduit pas à la nature en ville, il se caractérise par un système complexe d'éléments en rapport avec:

-les contraintes physiques du site à aménager ou à réaménager (aléas naturels, stabilité des sols, drainage, climat, ressources disponibles) ;

- les effets directs des densités élevées de population en un lieu (distributions des densités; gestion foncière, appropriation de l'espace; architecture, urbanisme, paysage urbain ; nuisances, infrastructures; ségrégation sociale et spatiale) ;

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ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS FAMILIAUX

- tout ce qui résulte de l'interférence entre contraintes du site et établissement humain (risques dits d'origine naturelle et technologique; problèmes sanitaires ; flux d'approvisionnement et d'évacuation ; croissance urbaine ; environnement de la ville, espace périurbain, rareté de l'espace et conflits sociaux associés) ;

- le rôle des représentations (des habitants, de l'opinion, des décideurs) dans la constitution d'un environnement urbain donné.

Cette construction théorique permet d'analyser l'évolution de différentes situations localisées en relation avec la transformation urbaine : situation d'une portion de ville ou d'un établissement urbain. Ainsi pour aborder l'environnement urbain quelques approches ont été dégagées :

-L'analyse de la mutation urbaine (au sens restrictif de l'évolution de l'occupation du sol), de la manière dont l'espace urbain est produit, de la nature de leurs usages, de l'accès au foncier et des interactions entre les fonctions inhérentes à la ville.

-L'approche du patrimoine urbain qui analyse les processus de valorisation et de conservation attachés à certains éléments de l'environnement urbain. -L'analyse des risques en milieu urbain(sanitaire, naturel, social) explore la question de la vulnérabilité des villes face aux risques d'origine naturelle en décryptant le fonctionnement des éléments majeurs du développement urbain, le sens et le poids des choix politiques.

En somme, ces différentes approches comme angles théoriques de lecture permettent de comprendre la notion de l'environnement urbain en tant que construction théorique.

La famille

La notion de famille correspond au moyen âge à l'ensemble des serviteurs vivant sous la domination d'un maître, puis la maison tout entière : maître d'une part, et femmes, enfants et serviteurs de l'autre. Selon le dictionnaire étymologique de la langue latine, le mot familia désigne le

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ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS FAMILIAUX

groupe de ceux qui étaient autrefois sous la domination du pater familias et par extension de sens, familia est devenu synonyme de gens.

En anthropologie, elle désigne un groupe de personnes liées par des liens de consanguinité, un certain nombre d'entre eux vivant dans un habitat commun (Grawitz, 2004). C'est la fraction minimale de tout groupe humain et la forme première de l'organisation sociale. La structure familiale peut revêtir plusieurs modèles : la famille indivise ou étendue, la famille nucléaire ou conjugale (père, mère et enfants), la famille monoparentale (enfants et père ou mère), etc. Mais pour les démographes ce sont les variables caractéristiques de la composition de la famille qui permettent de mieux cerner ses dimensions, c'est pourquoi elle est aussi désignée comme : ménage, groupe domestique ou encore unité économique. La famille est l'unité sociale de base, de production, de reproduction et de consommation dans toutes les sociétés. Pour Durkheim, la famille est une institution sociale. Ses caractéristiques, ses fonctions, son organisation et son évolution varient d'une société à une autre, d'une époque à une autre, d'un milieu à un autre suivant les changements globaux qui affectent la société dont elle fait partie.

Migration urbaine

Le notion de migration désigne l'ensemble des phénomènes durables, souvent massifs, qui s'effectuent sur des distances importantes aboutissant à un transfert de résidence et parfois à l'adoption d'un nouveau mode de vie (BAUD, 1997). La migration urbaine est le déplacement volontaire de groupes d'individus quittant leurs villages d'origine pour des zones urbaines. Cette forme de migration est dite interne dans la mesure où le déplacement est limité à l'intérieur d'un espace circonscrit comme un pays. La migration urbaine est sous-tendue par plusieurs causes dont les causes socio-économiques qui se

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ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS FAMILIAUX

traduisent par les facteurs d'attraction de la zone d'accueil ou de répulsion de la zone de départ. La présente étude s'inscrit dans la logique de cette approche dans la mesure où selon les motivations des migrants à Parakou, ce sont les raisons socio-économiques qui apparaissent de façon prégnante.

1.1.5 Nature, sources, qualité et utilité des données

Données

Source(s)

Qualité et utilité des données

Démographiques : répartition des populations, caractéristiques générales des ménages et évolution.

INSAE

quantitatives permettant l'analyse des dynamiques familiales

Socioculturelles : éducation des enfants, mariages, baptêmes, fêtes, statut social des membres de la famille

Terrain

Qualitatives permettant de mieux comprendre l'organisation sociale des migrants lokpa.

Socioprofessionnelles : types d'emploi par sexe, trajectoires professionnelles des migrants, mode de vie résidentiel, etc.

Terrain

Qualitatives et quantitatives permettant l'analyse du processus d'insertion professionnelle et résidentielle des migrants

1.1.6 Revue de la littérature

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ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS FAMILIAUX

L'étude sur l'environnement et les changements familiaux, renvoie aux théories du changement social aussi bien du point de vue sociologique que démographique.

Pour mieux rendre compte des effets de l'environnement urbain sur le système familial, nous proposons d'effectuer nos analyses autour de l'institution familiale dans ses rapports à la ville.

1.1.6.1 Thèse générale du changement social

Pour Guy Rocher (1968 :22), « Le changement social, est toute transformation observable dans le temps, qui affecte, d'une manière qui ne soit pas provisoire ou éphémère, la structure ou le fonctionnement de l'organisation sociale d'une collectivité donnée et modifie le cours de son histoire ». Le processus, pour lui, suppose les facteurs, les conditions et les agents de changement. L'installation par exemple d'une usine dans un milieu rural entraîne une transformation du marché du travail, produit une mobilité de la population, amène des changements dans les moeurs, dans la culture, dans l'organisation sociale de la communauté rurale. L'installation de cette usine est un facteur de changement pour le milieu qui accueille l'usine. En outre, Les conditions du changement sont des éléments de la situation qui favorisent ou défavorisent, activent ou ralentissent, encouragent ou retardent l'influence d'un facteur ou de plusieurs facteurs de changement (G. Rocher 1968 : 25). Les agents du changement quant à eux , sont les acteurs et les groupes dont l'action est animée par des buts, des intérêts, des valeurs, des idéologies qui ont un impact sur le devenir d'une société (G. Rocher 1968 : 26 ). De tout ce qui

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ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS FAMILIAUX

précède, l'auteur conclut, que pour mieux appréhender le changement social, le sociologue doit se poser six questions majeures :

1- Qu'est-ce qui change ?

2- Comment s'opère le changement ?

3- S'agit-il d'une évolution lente, progressive, ou de transformations brutales, de changements rapides ?

4- Comment analyser les facteurs et les conditions de changement ?

5- Quels sont les agents actifs qui amènent le changement ?

6- Le sociologue peut t-il prévoir le cours futur des évènements ? Cette élaboration du cadre théorique par Guy Rocher, permet, non

seulement d'appréhender les caractéristiques générales du
paradigme `'changement social», mais surtout de le circonscrire. Ainsi, d'autres acteurs ont utilisé le même paradigme pour investiguer d'autres champs de recherche, parmi lesquels l'environnement urbain et la famille.

1.1.6.2 L'approche démographique du changement social

Cette approche regroupe plusieurs tendances. Mais de façon générale, l'approche démographique du changement social s'oriente vers les éléments de changement comme l'industrialisation, l'urbanisation, l'éducation et la sécurisation. Elle s'appuie sur les variables comme la fécondité, la nuptialité, la mortalité, la mobilité, la croissance urbaine et la croissance démographique. Ainsi pour Philippe Antoine et Jeanne Nanitelamio (1988), le contexte urbain rassemble de nombreux facteurs conduisant à un changement social rapide. Pour ces auteurs, en ville, l'élargissement du cadre de vie et l'affaiblissement du contrôle du groupe, permettent l'émergence de l'individu et la possibilité pour lui d'inscrire certaines activités en dehors du cadre familial. Le mérite de cette approche est qu'elle place le contexte urbain et le cadre familial comme centre d'intérêt. C'est pourquoi dans la même logique,

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ces auteurs expliquent les nouveaux comportements qui ont cours en ville, par l'apparition de nouveaux besoins et des modes de consommation qui consacrent l'argent comme moyen de satisfaction de ces besoins. Ainsi la monétarisation des rapports humains induirait une redéfinition de certaines valeurs de base, telles que le mariage, le statut de la femme et le mode de vie résidentielle des conjoints.

Dans un autre registre complémentaire, Dominique Tabutin propose une relecture de la corrélation environnent urbain-changement, en s'interrogeant sur la place de l'urbanisation dans le changement. Pour répondre à cette interrogation, il s'appuie sur les travaux des précurseurs des théories démographiques du changement du 18e siècle comme : Graunt, Quételet, Dumont, Moheau ; pour relever la place accordée à la ville. L'environnement étant considéré comme élément ou facteur de changement des comportements ou des normes démographiques. Pour lui, les changements de fécondité par exemple dépendent des conditions et des facteurs de changements socio-économiques, dont notamment l'environnement urbain. Cette approche s'articulant autour du rôle de l'environnement urbain dans l'organisation sociale, suggère que ce rôle ne peut s'appréhender qu'en référence aux conditions socio-économiques dans lesquelles évoluent les groupes humains. Cette analyse permet de situer les changements dans le contexte globalisant et de comprendre que les changements qui s'opèrent aussi bien au niveau de la ville que ceux de l'institution familiale, sont en relation structurelle avec d'autres entités de l'organisation sociale. Dans une approche beaucoup plus orientée vers les considérations économiques, Jean-Marc Gastellu et Jean-Luc Dubois, dans : Economie : l'unité retrouvée, la théorie revisitée (M. Pilon, 1997), font une analyse contextualisée du rapport économie-famille. Selon eux, pour mieux rendre compte des changements qui affectent la famille urbaine, il faut investiguer les habitudes socio-économiques locales. Ainsi les caractéristiques démographiques du ménage (taille et composition), le niveau

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de vie (sources de revenus et dépenses du ménage) occupent une place importante dans cette approche. En outre, les conditions de vie des ménages (satisfaction des besoins essentiels et accès aux services de base comme l'éducation, la santé, le logement etc.) ainsi que les comportements (type et choix de comportements) constituent les autres aspects du changement.

1.1.6.3 Approche sociologique du changement social

Bien que la thèse générale sur le changement social, développée plus haut par Guy Rocher soit une production sociologique, il existe beaucoup d'autres approches plus spécifiques du changement social. Nous nous intéresserons à celles qui sont en rapport avec l'institution familiale et l'environnement urbain.

Dans la perspective d'explication du changement social par les facteurs externes, Antoine Philippe et alii (1995) choisissent d'étudier les dynamiques familiales en période de crise pour expliquer les stratégies individuelles et collectives dans les processus d'insertion urbaine. En effet, pour ces auteurs, les réseaux familiaux de voisinage et de vie associative constituent des formes de sociabilité qui répondent aux besoins d'insertion pour les familles urbaines. Cette perspective s'inscrit au centre de nos préoccupations dans la mesure où elle intègre la dimension urbaine dans l'analyse des réseaux familiaux. Dans ce sens, Balandier (1981 : 258) affirme que : « la ville, société médiocrement structurée, est aussi une société hétérogène : elle impose la coexistence d'éléments n'ayant pendant longtemps entretenu que des rapports très distants ou antagonistes, qu'il s'agisse de castes, de groupes ethniques ou de tribus ». Cette thèse de Balandier relatant le poids de la société urbaine sur les rapports internes des groupes sociaux rejoint celle du `'fonctionnaliste» Parsons.

En effet pour Parsons (in Pilon, 1997), le passage de la famille étendue traditionnelle à la famille nucléaire moderne découle des changements

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structurels, comme l'industrialisation et l'environnement urbain, qui distendent les réseaux familiaux fondés sur les systèmes de parenté traditionnels et segmentent la famille étendue en autant d'unités que de couples. En outre pour le même auteur, la famille nucléaire est la forme de famille la plus en accord avec les changements comme : la monétisation des rapports sociaux, l'autonomie des agents économiques, la mobilité sociale et spatiale des travailleurs. Si cette approche de Parsons des changements familiaux, a le mérite d'analyser les différents facteurs qui influencent l'institution familiale jusqu'à la déstructurer pour aboutir à un modèle familial, la famille nucléaire, elle souffre d'insuffisances en ce sens qu'elle prétend être systématisée. Or dans les sociétés non occidentales, particulièrement les sociétés africaines en voie de modernisation, d'urbanisation, nombre de familles étendues arrivent à résister à ces facteurs de changements.

C'est ce que Ocholla Ayayo in Adepoju (1999 : 84-108), relativise en reconnaissant que, même si l'environnement urbain a conduit à séparer les familles et à faire perdre réellement les structures de parenté dans beaucoup de pays africains, les liens de parenté dans les villes africaines de taille moyenne sont peut-être plus intenses et plus réguliers que ceux existant dans les villes plus grandes. Toutefois, il soutient que les fonctions de la famille étendue, telles qu'elles se présentent à travers les réseaux de parenté dans le développement des nouveaux modèles mi-ruraux/mi-urbains, restent à étudier. Cette dernière approche s'inscrit dans le cadre de l'analyse selon laquelle : plus une ville est grande, moins les structures familiales résistent au changement. N'y a-t-il pas donc d'autres modèles familiaux tels la famille nucléaire et la famille monoparentale ?

C'est pourquoi, au-delà de ces considérations globalisantes, Yao Koffi Martin (2002) s'intéresse aux transformations de la famille africaine et particulièrement aux éléments socioculturels et politico-économiques qui influencent l'organisation familiale. Selon ce chercheur, le processus de

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changement d'originalité familiale en Afrique est dû à une mutation, induite par les bouleversements socio-économiques globaux qui s'opèrent dans les sociétés africaines et dont sont sujettes les familles. Ces bouleversements provoquent des changements des rapports interpersonnels au sein de la famille, ainsi que la conception du monde et de l'être. Cette approche de la situation familiale met en relief les changements structurels de l'environnement social dont fait partie la famille. Elle insiste sur les facteurs extrafamiliaux qui influent sur la structure familiale.

Segalen Martine (1981), s'appuyant sur les notions sociologiques, a tenté de relire les effets de l'évolution globale de la société sur la dynamique interne de l'institution familiale. Pour cet auteur, l'institution familiale, à travers sa double puissance de résistance et d'adaptation aux changements sociaux et économiques, peut faire passer la société d'un stade de développement à un autre. Ainsi, étudier le changement social affectant la famille revient, selon le même auteur, à faire un croisement entre la durée du mariage, la taille du groupe domestique, l'âge du mari et les dimensions du niveau de revenu, la taille du réseau de parenté et d'amis. En outre pour elle, la famille est une institution sociale, terme polysémique qui désigne à la fois individus et relations et peut aussi désigner un ensemble restreint ou large de personnes apparentées (Segalen 1981 : 10). Orientant ses recherches vers la famille contemporaine et dans la même perspective sociologique, Michel Andrée (1986) propose une recherche sur la famille suivant un cadre conceptuel bien spécifique. Ainsi, elle relève trois aspects de la recherche familiale : le type de comportement étudié, l'espace social au sein duquel il se produit, enfin la dimension du temps social (Michel Andrée 1986 : 19). Cette approche de l'analyse du fait familial au-delà des limites de la précédente, a le mérite d'insister sur le mariage comme fait socio- démographique, en définissant les variables de l'interaction conjugale. Selon cet auteur, les variables les plus souvent considérées sont les variables démographiques (âge

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des conjoints, durée du mariage, nombre d'enfants, cycles familiaux etc.), les variables socioprofessionnelles (éducation, profession, salaire du mari et de la femme, statut résidentiel, classe sociale etc.) et enfin la variable de l'interaction considérée comme indépendante, pouvant générer d'autres aspects. En outre, cette considération de la dimension du temps social dans l'analyse nous permettra de mieux apprécier les cycles de vie des familles et de situer les étapes de l'évolution familiale dans l'environnement urbain.

Pour répondre à cette préoccupation, N. Kouamé et M. Koné (2005 :123-261) abordent la famille dans sa diversité et soutiennent que : « le système urbain entraîne ou provoque, l'éclosion de ce que l'on appelle les familles recomposées ayant une double fonction, d'une part, de se protéger par rapport à la précarité et d'autre part de se reconstituer par rapport à la famille villageoise d'origine ». Kouamé et Koné (2005 :149). De cette approche socio-anthropologique des changements familiaux, nous retenons une analyse de l'interaction entre la famille et le milieu urbain d'une part, et d'autre entre la famille urbaine et le milieu d'origine, généralement rural, en termes de flux de biens et services. Cette dernière approche concorde beaucoup plus avec nos ambitions en ce sens qu'elle est orientée, non seulement vers les relations intrafamiliales, mais aussi vers les rapports de la famille avec l'environnement urbain. Les investigations de terrain se sont poursuivies suivant une approche méthodologique que nous avons jugée adaptée au sujet de recherche.

1.2 Approche méthodologique

Les investigations sur l'environnement urbain et les changements familiaux en milieu immigré lokpa de Parakou s'appuient sur des données essentiellement qualitatives. L'enquête de terrain s'est déroulée suivant la procédure ECRIS (Enquête Collective de Recherche et d'Identification des conflits et des groupes Stratégiques).

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Cette procédure d'enquête s'est déroulée en six phases :

-une enquête individuelle de repérage ;

-une enquête collective ;

-un séminaire bilan de l'enquête collective ;

-une enquête individuelle sur le site retenu ;

-un séminaire final.

Ces six phases se résument en trois étapes :

1.2.1 Phase de préparation

? Recherche documentaire

La phase de recherche documentaire a duré environ deux ans correspondant à la période de l'étude. Nous avons non seulement consulté des documents provenant des bibliothèques privées, mais surtout des bibliothèques publiques et institutionnelles. Dans ce cadre, à la bibliothèque départementale du Borgou et à la bibliothèque municipale de Parakou, nous avons consulté des mémoires de maîtrise et de DEA et des thèses de doctorat sur la ville de Parakou et sa région.

A Cotonou, à la bibliothèque de l'Université d'Abomey-Calavi et au centre de documentation de la Faculté des Lettres Arts et Sciences Humaines (F.L.A.S.H) des documents aussi bien généraux que spécifiques ont été consultés. Il en est de même au Centre Culturel Français (CCF), au Centre de Documentation (CED) de l'Eglise Catholique Sacré-coeur de Cotonou, à l'Institut Catholique de l'Afrique sur la Famille et le Mariage (ICAF). C'est dans ces dernières institutions que nous avons eu la grande partie de la documentation sur les théories de la famille et l'environnement urbain. Les centres de documentation de l'UNICEF et de l'ex Ministère de l'Environnement l'Habitat et de l'Urbanisme nous ont également permis d'approfondir ou d'explorer d'autres aspects de notre sujet. Enfin, aussi bien à l'Ecole Doctorale pluridisciplinaire de la FLASH qu'au LASDEL la

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consultation de certains mémoires de DEA et thèses de doctorat a contribué à l'enrichissement de la qualité de notre documentation. Toute cette documentation a été complétée par celle obtenue sur Internet à travers le site WWW.bondy/ird et avec le moteur de recherche WWW.google.fr

? La phase de pré enquête

La phase de pré enquête est une phase au cours de laquelle, nous nous sommes imprégné des écrits concernant les Lokpa en général et ceux de Parakou en particulier. Au cours de cette étape des investigations qui se sont déroulées de Novembre à Décembre 2004, nous avons pu recueillir quelques données générales sur les Lokpa. Grâce à ce travail préliminaire nous sommes arrivé à localiser les familles lokpa établies et les jeunes gens en activité à Parakou. Cette phase de l'enquête, nous a également permis d'établir des contacts avec nos interlocuteurs et de distinguer les Lokpa du Bénin des Lama du Togo, locuteurs de la langue lokpa.

1. 2. 2 Enquête collective

L'enquête collective, s'est déroulée du 07 au 12 Mars 2005, aussi bien à Parakou qu'a Ouaké. Elle a démarré par un atelier au cours duquel les participants (enseignants-Chercheurs en socio-anthropologie, doctorants et étudiants dont nous aussi) ont réfléchi sur la problématique générale de la recherche : les changements familiaux au nord Bénin. Dans ce cadre, après une présentation du cadre théorique général dans lequel s'inscrit la problématique globale, les équipes de binômes de chercheurs ont été constituées pour la collecte des données. Une séance de synthèse est organisée en fin de journée. Ces différentes séances ont permis non seulement de faire le point des données

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recueillies, mais surtout de dégager de nouvelles pistes de recherche et de formuler les nouvelles hypothèses de recherche.

1.2. 3 Enquêtes individuelles

? Technique d'échantillonnage et interlocuteurs

La présente étude étant orientée vers la description, l'analyse et l'interprétation des comportements et des discours des acteurs, nous avons adopté la technique : `'boule de neige» qui consiste à contacter tous les interlocuteurs de proche en proche. Cette étape a consisté à identifier les différents acteurs impliqués dans la migration des Lokpa. Nous avons identifié comme probables interlocuteurs, les chefs de familles migrantes établies, les domestiques, les modèles de succès, etc. Nous nous sommes également entretenu avec entre autres, les chefs de familles migrantes, les parents de jeunes migrants, les domestiques et leurs patrons ou patronnes.

D'août 2006 à avril 2007, pendant six mois de façon intermittente, nous nous sommes entretenu avec 21 Chefs de ménages dont 08 Chefs de familles. Ces derniers sont pour la plupart des sexagénaires, venus à Parakou dans les années 60. Les entretiens avec ces migrants de première génération, établis à Parakou, nous ont permis de relever les différentes étapes de l'histoire de l'installation des Lokpa à Parakou. De même, des différents entretiens avec cette catégorie d'interlocuteurs, nous avons pu comprendre le processus d'insertion urbaine des migrants Lokpa ainsi que leurs rapports avec les familles autochtones. En outre, aussi bien avec les jeunes chefs de ménages qu'avec les chefs de famille, nous avons recueilli des informations relatives aux fonctions de la famille migrante Lokpa, au mariage et à la distribution des rôles au sein de la famille. 13 femmes Lokpa ont également fait partie de nos interlocuteurs. Auprès d'elles, nous avons recueilli des informations sur l'histoire d'installation des Lokpa à Parakou, le statut de la femme, l'économie familiale, le mariage et l'emploi. De plus nous nous sommes entretenu avec 11

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domestiques dont une femme mariée, une fiancée, une divorcée et une âgée de 15ans.Nos investigations au sein de cette catégorie d'interlocutrices, nous a permis de comprendre les motivations des différents acteurs impliqués dans ce type d'emploi. 05 anciennes domestiques devenues patronnes couturières, 04 anciennes domestiques en apprentissage de couture et 03 patronnes de domestiques nous ont aussi livré leurs perceptions sur l'emploi domestique. A partir de nos entretiens avec 15 jeunes migrants saisonniers ou définitifs, nous avons produit des données sur les trajectoires migratoires, les modes d'insertion socioprofessionnelle de ceux-ci. Les formes de sociabilité, les pratiques matrimoniales chez les Lokpa de Parakou sont également des domaines dans lesquels, les données ont été obtenues. Nous nous sommes également entretenu avec 02 voisins de Lokpa, avec 01 femme Baatonu mariée à un Lokpa et avec 02 responsables d'ONG de réinsertion des filles en difficulté. Au total nous avons effectué 86 entretiens individuels dont 36 entretiens d'approfondis-sement. En somme, 62 interlocuteurs ont accepté s'entretenir avec nous dans le cadre de cette étude. Ces différents entretiens et observations nous ont permis de produire des données sur les perceptions des non Lokpa de la vie des migrants Lokpa à Parakou.

? Techniques et outils de collecte de données

Pendant le séjour sur le terrain, les visites ont été effectuées dans les maisons de façon apparemment désintéressée. Cette étape de l'enquête nous a permis de suivre le quotidien des chefs de famille, de certaines épouses, des domestiques et des jeunes dans leur cadre de vie ou de travail. Nous avons également assisté à un mariage et aux funérailles d'un de nos interlocuteurs privilégiés. Au nombre des indicateurs de recherche retenus pour la collecte des données nous pouvons citer :

1- l'histoire d'installation des Lokpa à Parakou,

2- l'organisation familiale lokpa (types de familles, veuvage, lévirat, etc.)

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3- les rites d'initiation/de passage (en fonction des grands moments de socialisation : baptêmes, mariages, funérailles etc.)

4- le statut de la femme dans le milieu d'immigration

5- la distribution des responsabilités au sein de la famille

6- les relations intergénérationnelles

7- les modes de vie résidentiels

8- le marché du travail (emploi domestique et/ou emploi salarié)

9- les stratégies d'insertion et d'installation des immigrants 10-les formes de sociabilité

11-la division du travail

12-les pratiques matrimoniales.

Nous avons effectué aussi bien des entretiens individuels que des observations. En effet, n'étant pas nous-même locuteur lokpa, nous avons utilisé la langue dendi dans la plupart de nos entretiens avec les interlocuteurs. Le français et le baatonum ont été utilisés dans quelques cas et nous avons quelques fois eu recours à un interprète pour des interlocuteurs réservés ou ne parlant aucune des langues précédemment citées. De temps en temps, pour les interlocuteurs qui l'ont accepté et là où les conditions s'y prêtaient, nous avons utilisé un enregistreur pour recueillir les propos de nos interlocuteurs. Nous avons également utilisé un appareil photo pour la prise des photos.

? Séminaire final

Le séminaire final est la phase où les résultats de nos investigations ont été soumis à l'appréciation des chercheurs et enseignants, aussi bien seniors que juniors. Les différentes critiques du travail et des propositions faites nous ont permis de reformuler notre problématique de recherche et de faire des entretiens d'approfondissement et des observations complémentaires.

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Nous avons également présenté en décembre 2006 notre projet de recherche au séminaire doctoral du LASDEL Parakou. Au cours de ce séminaire, nous avons exposé notre projet de recherche qui a fait l'objet de critiques constructives de la part des chercheurs seniors et juniors du LASDEL en présence du professeur Thomas BIERSHENK de l'Université de Mayence en Allemagne.

1.2.4 Traitement et Analyse des données

Le traitement des données a été manuel et informatique. Après la collecte des données, les conversations enregistrées ainsi que les notes et commentaires personnels ont été transcrits et saisis. La correction de la saisie des discours et notes s'est faite suivant le principe de recours en permanence aux originaux des conversations et notes en rapport avec les fiches d'entretien élaborées à cet effet. Les fiches d'entretien présentent le responsable de l'enquête, le profil sociologique de l'enquêté, la date et le lieu de l'entretien, les prises de notes descriptives (surtout lors des observations), les tableaux, chiffres et listes (recensions) ainsi que les commentaires, pistes et hypothèses émanant des prises de notes et réflexions personnelles.

Le dépouillement après la saisie des données s'est effectué en plusieurs opérations. Nous avons procédé d'abord à la relecture des données, au marquage des parties les plus intéressantes, à l'inventaire et au classement des données. Cette dernière opération nous permet de retrouver facilement les parties intéressantes en cas de besoin.

De plus, pour avoir plus de visibilité dans le choix des données utilisables dans la rédaction du mémoire et pour un meilleur croisement des données, nous avons procédé au classement informatique à l'aide du logiciel Qsr.Nud.ist Les entretiens transcrits et saisis ont été organisés en fichiers. Une grille de codification a été conçue suivant les différentes articulations du mémoire, suivie de l'introduction des documents traités dans Nudist. Cette opération a

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permis alors avec le logiciel, d'effectuer une copie des documents introduits et de conserver les originaux. Une fois tous les fichiers introduits, à l'aide des différentes palettes du logiciel, nous avons procédé aux divers croisements. Par exemple les palettes :

-Intersect nous a permis de croiser un ou plusieurs codes et d'en sortir les segments de texte.

-Union nous a permis d'associer des codes et de trouver toutes les unités de textes qui leur correspondent.

-If-outside nous a permis de Chercher, dans le premier code sélectionné, les parties de texte d'où sont exclues celles qui correspondent au second code sélectionné.

-Matrix Prend tous les sous-codes du premier code sélectionné et tous les sous-codes du second code sélectionné pour effectuer une recherche précise comme une intersection, etc. Cette opération nous a permis dans un temps cours de croiser plusieurs sous-codes et d'en obtenir les segments de texte.

Après cette opération, les données recoupées ont été thématisées afin d'une mise en rapport des idées dégagées des données avec les hypothèses. Ainsi les données ont été catégorisées et structurées selon leurs propriétés et leurs dimensions. Puis suivant une logique inductive nous avons tenté de dégager ce que reflètent les propos tout en gardant à l'esprit notre question de recherche. Nous avons ainsi pu, de façon progressive intégrer les matériaux des entretiens subséquents aux catégories thématiques identifiées.

1.2.5 Difficultés et limites de l'étude

Les principales difficultés rencontrées au cours de cette étude sont d'ordre méthodologique du fait de la nature des variables investiguées. Pour une

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recherche qui se veut fondamentalement qualitative, comment concilier les exigences de l'école doctorale, autorité académique de l'étude et celles de l'université de Bayreuth commanditaire de l'étude ? Cette inquiétude traduisant notre propre censure s'est dissipée au fil du temps. Cette étude a ses limites en ce sens qu'elle manque de profondeur en ce qui concerne l'économie familiale, les statistiques actualisées sur la migration interne et la mobilité socioprofessionnelle des migrants Lokpa de Parakou. En outre, compte tenu de l'insuffisance de notre niveau de maîtrise de l'utilisation du logiciel Qsr.Nud.ist, nous n'avons pas pu exploiter le maximum de ses fonctions dans le traitement des données.

1.3 Présentation du cadre de l'étude

1.3.1 Données physiques

La ville de Parakou, située à 405 kilomètres de Cotonou, constitue un carrefour routier depuis plusieurs siècles ; elle est la ville la plus équipée en infrastructure de la région septentrionale du Bénin. La commune de Parakou, est limitée au nord par la commune de N'dali, à l'est, à l'Ouest et au Sud par la commune de Tchaourou. Ce statut de ville carrefour facilite le brassage interethnique des différents groupes socioculturels qui y convergent depuis longtemps.

1.3.1 Climat, sols et végétation

La région de Parakou appartient à la zone tropicale de type soudanien à saison contrastée : une saison sèche et une saison pluvieuse. La saison sèche dure de novembre à avril et la saison pluvieuse s'étale de mai à octobre avec une hauteur de pluie variant entre 960 et 1050 mm.

Les sols quant à eux sont des sols fragiles de par leurs structures. En ce qui concerne la végétation, elle est constituée de la forêt claire et la

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savane boisée. Tous ces facteurs constituent des conditions favorables aux activités agricoles. L'igname, le maïs, le haricot, le sorgho, l'arachide et le coton y sont cultivés. Les cultures pérennes comme l'anacardier et les manguiers complètent le couvert végétal naturel.

1.3.2 Données humaines

Parmi les causes qui expliquent le peuplement de la ville de Parakou, les migrations successives vers la ville au cours des différentes phases de son développement, demeurent très déterminantes. Outre les Baatombu, les Yorouba et les Wangara qui se seraient installés entre le XVe le XVIe siècle, Parakou a connu d'autres courants migratoires. Parmi les plus importants, il y a les migrants venus des communes voisines de Parakou comme Tchaourou, N'dali, Pèrèrè voire Nikki. Ces migrants sont en majorité des jeunes en quête de formation et/ou d'emploi. Il y a également des migrants venus de la région méridionale du Bénin depuis l'arrivée de la voie ferrée à Parakou en 1937. L'implantation de cette infrastructure et de nombreuses maisons de commerce justifient l'arrivée et l'installation de ceux-ci, autour de la gare.

Outre les courants migratoires précédemment énumérés, il y a également les migrants venus de l'Atacora en quête de terres cultivables et de l'emploi, en particulier les " travaux de manoeuvre ". A tous ces migrants de l'interland s'ajoutent ceux venus des pays voisins du Bénin ; les Nigériens, les Nigérians, les Burkinabé et les Togolais. Selon le RGPH3 Parakou compte 13,90% d'immigrants par rapport au taux national. Toutefois, il faut reconnaître que la nature des migrants internes a changé, non seulement à cause des activités agricoles qui sont de moins en moins rentables mais aussi à cause de l'implantation de nouvelles structures socio-économiques telles que l'Université et les entreprises commerciales. C'est cette diversité du peuplement de la ville de Parakou qui se traduit dans l'occupation du sol dans les quartiers. Ainsi, des groupes sociolinguistiques se trouvent majoritairement

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concentrés dans certains quartiers plutôt que dans d'autres. Les Lokpa par exemple sont majoritairement installés à Banikanni est et à Zongo. Selon les résultats du RGPH3, la population de Parakou s'élèverait à plus de 149.819 habitants dont 8869 Yoa-Lokpa (RGPH3, 2002). La taille moyenne des ménages à Parakou est de 07 personnes. S'il y a vingt ans le problème de logement se posait avec moins d'acuité, il oblige aujourd'hui certains habitants à vivre en ville avec une partie de leur famille et l'autre partie en périphérie. Le tableau suivant montre l'évolution de la population de Parakou.

Tableau n° 1 : Tendances démographiques de la ville de Parakou

Années

Population du Bénin

Population de Parakou

Population lokpa et apparentés

Rapport entre population de Parakou et la population totale du Bénin

1961

2.082.950 hbts

14.000 hbts

néant

0.67 %

1979

3.331.210 hbts

60.541 hbts

1911 hbts

1.80 %

1992

4.915.555 hbts

103.577 hbts

5.623 hbts

2,10 %

2002

6.769.914 hbts

149.819 hbts

8.869 hbts

2,21 %

Source : synthèse des données : RGPH1 (1979), RGPH2 (1992), RGPH3 (2002).

Comme dans la plupart des villes du Bénin, les populations à Parakou sont installées dans des habitats très souvent en relation avec leur niveau de revenus. Grâce à la déconcentration du centre urbain (anciens quartiers organisés autour du marché) et de l'installation de certains établissements publics, la ville a connu une extension progressive.

1.3.3 Urbanisation

La ville de Parakou couvre au total environ 6.000 ha dont 3.200 ha de surface d'habitation soit 53.3% de la superficie totale. Selon les travaux de

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SERHAU-SA (2000) la morphologie générale de la ville de Parakou est caractérisée par :

- Le noyau urbain constitué par les quartiers centraux et organisés autour du marché central (secteur commercial et d'équipements administratifs, culturels et de loisirs) ayant fait l'objet d'une opération de rénovation ;

- Les extensions sud et nord caractérisées par l'habitat populaire et les activités commerciales et artisanales ;

- Les extensions est abritant les équipements et infrastructures départementaux,

- La zone ouest et nord-ouest regroupant les grandes activités industrielles et de transport ferroviaire et aéroportuaire, ainsi que l'habitation de populations à l'extrême Ouest.

- La densité dans les anciens quartiers qui constituent le noyau urbain serait de 250 habitants à l'hectare contre une moyenne de 45 habitants à l'hectare SERHAU-SA (2000).

L'occupation de l'espace à Parakou est très hétérogène. Les principaux types d'habitation qu'on y rencontre sont :

- L'habitation ancienne : ce type d'habitation se trouve dans les quartiers anciens de la ville et caractérisée par des habitations denses avec des murs en banco et des toits recouverts de tôle rouillée. La densité dans ces zones dépasse généralement les 300 habitants /ha.

- L'habitation née de l'arrêt du chemin de fer : ce type d'habitation se trouve de part et d'autres des rails dans les quartiers Camp Adagbè et Alaga sans grande différence avec le premier type d'habitation.

- L'habitation de standing moyen, qui se situe non seulement dans le centre administratif mais aussi de façon dispersée à Ladji Farani, à Nima, à Amanwingnon et à Oké Dama.

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- L'habitation née de l'extension de lotissement dans les quartiers périphériques, avec un niveau relativement faible en équipements et infrastructures publics de base.

En tant que pôle régional et chef lieu de département, Parakou abrite l'essentiel des équipements. La ville dispose également des infrastructures d'électricité, d'eau, de téléphone, etc. pour son développement. A tous ces équipements on peut ajouter l'implantation d'une université et l'arrivée des banques et de nombreuses entreprises commerciales et des services qui se créent chaque année.

Comme principales infrastructures dans la ville de Parakou il y a :

- les infrastructures d'accueil : une gare ferroviaire (actuellement en

difficulté de fonctionnement), deux auto gares, l'aérodrome et des hôtels. - Les infrastructures de communication : le chemin de fer (Cotonou -

Parakou), les voies de télécommunication et les voies routières.

- Les Sociétés et Banques : SONAPRA (Société Nationale pour la Promotion Agricole), la SOBEBRA (Société Béninoise de Brasserie), le Complexe Textile du Bénin (COTEB), la Banque Centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO) et de nombreuses banques et institutions de microfinance.

- Les infrastructures sanitaires : le Centre Hospitalier et Universitaire Départemental, le centre communal de santé et de nombreuses cliniques privées.

- Les infrastructures éducatives : l'Université de Parakou, des Instituts privés d'enseignement supérieur spécialisé, des collèges et lycée publics et privés, des écoles d'enseignement de l'arabe et les écoles primaires.

- Les infrastructures culturelles et sportives : Une bibliothèque publique Départementale, un musé plein air, une radio publique, un cendre de production télévisuelle, de nombreuses radios privées commerciales et confessionnelles, un stade municipal,un Centre Culturel français etc.

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- Les infrastructures administratives : les services déconcentrés de l'état et des représentations sous régionales et internationales.

- Les infrastructures commerciales : les centres commerciaux, les compagnies de transports et de transit et les nombreuses boutiques de divers.

Tous ces facteurs font de la ville de Parakou, un pôle de concentration des principaux services vitaux dans la région nord du Bénin.

Conclusion

La première partie du mémoire, à travers le cadre théorique et méthodologique, présente le contexte et les approches théoriques qui ont permis de délimiter les contours de l'étude. Dans cette partie, le cadre géographique a été présenté afin de pouvoir justifier les facteurs d'attraction des migrants vers Parakou. À la lumière de toutes ces considérations nous décrirons et analyserons mieux les structures des familles migrantes ainsi que l'impact de l'environnement urbain sur elles.

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CARTE : situation de la commune de Parakou

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PRESENTATION DES RESULTATS

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Chapitre 2 : PROCESSUS D'INSERTION DES MIGRANTS

Le présent chapitre expose les motifs de migration, les modes de vie, les solidarités familiales et le processus d'insertion des groupes familiaux lokpa à Parakou. Les lieux de sociabilité et la vie religieuse des familles migrantes constituent également les centres d'intérêt du chapitre.

2.1 Installation et insertion des migrants

2.1.1 Motifs de migration des premiers groupes

Les motifs d'arriver des migrants Lokpa à Parakou sont divers et étroitement liés aux périodes de migration. Dans les années 60 et 70, les migrants Lokpa venaient à Parakou à la recherche de terres cultivables et pour servir de manoeuvres dans les chantiers de construction d'infrastructures publiques. Ces derniers généralement âgés de 20 à 25ans, viennent en ville sans les qualifications nécessaires pour prétendre à des emplois salariés. C'est d'ailleurs, ce que répond ce sexagénaire quand on lui demande les motifs de la migration de sa famille vers Parakou :

« Le travail, car moi je suis cultivateur. Quand quelqu'un à un champ à labourer, il peut vous appeler et vous vous entendez à deux ou à cinq. Vous vous rendez au champ faire le prix, après avoir fini de faire le prix, vous labourez. Quand vous finissez de labourer, il vous paie l'argent et c'est la même chose quand il s'agit du sarclage, du billonnage et du buttage. Même si ce ne sont pas des travaux champêtres, comme maintenant nous sommes en saison sèche, on peut nous solliciter pour faire les travaux de construction (aide maçon). Vous faites le prix et après le travail, il vous paie votre

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argent. C'est ce qui nous a amenés ». (AKARA Seïdou, 64 ans, cultivateur, venu à Parakou en 1962, Banikanni, 28.11.2005)

La migration s'inscrit également dans une stratégie de survie familiale pour certains migrants. Si dans leur grande majorité, les migrants de la première génération sont venus volontairement à Parakou, d'autres sont contraints à venir parce que fuyant les pratiques occultes maléfiques de leur village d'origine. Ils viennent soit pour protéger leur vie qui serait menacée ou pour protéger leur progéniture contre la sorcellerie locale. La ville est donc non seulement un lieu de travail, mais aussi un refuge pour les migrants. C'est ce qu'illustrent les propos suivants :

«J'étais à Badjoudè, puis je suis venu ici il y a 32

ans. Pourquoi je suis venu ici ? Parce que au village, je mangeais, je buvais, je faisais tout mais quand je faisais des enfants, ils mouraient. Depuis que je suis venu ici, aucun des enfants nés ici n'est mort. Ils sont au nombre de 21 :11garçons et 10 filles. Certains sont des chauffeurs, d'autres des élèves. Quand j'étais là-bas, j'ai perdu 6 enfants. Selon moi, je me dis que c'est Dieu la cause de la mort des enfants ». (A. I, 55ans, cultivateur, père de 21 enfants, Banikanni, 30.09.2005)

2.1.2 Motifs de la migration des jeunes gens et des femmes.

Les nouvelles générations d'arrivants sont d'avantage mues par des ambitions résolument orientées vers la recherche d'emploi non agricole même si ce type d'emploi s'impose comme un passage obligé pour les jeunes migrants.

Dans les années 80 et 90, les jeunes gens et les femmes migraient vers Parakou, " pour faire de jobs ". Les filles viennent avec la permission du père et sous l'incitation de la mère ou de la grande soeur. Elles sont à la recherche de revenus pour réaliser leur trousseau de mariage et pour apprendre un métier valorisant. Les femmes quant à elles, sont venues généralement avec un enfant

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au dos en vue d'accumuler des revenus leur permettant de renouveler les pagnes déjà usés ou pour se faire un capital pour le petit commerce. Aussi, parmi les filles, il y en a qui viennent à Parakou exercer l'emploi domestique parce que très tôt orphelines de mère, elles sont orientées par leurs tantes maternelles vers cette activité. Cette autonomisation des forces productrices familiales concerne également les jeunes gens qui dans leur grande majorité, viennent à Parakou pour apprendre un métier comme la maçonnerie, la menuiserie, la soudure, et la couture. Pour y parvenir, ils font le plus souvent un détour de 6 à 12 mois dans la région de N'dali-Bembèrèkè, à Tchaourou, à Kilibo et au Nigeria afin de réunir les frais de contrat d'apprentissage au métier de leur choix. Cet itinéraire professionnel répond aux aspirations des migrants qui, tout en cherchant un emploi, veulent élargir leur répertoire de localités visitées. Seul un petit groupe s'insérait directement, avec le statut de manoeuvre dans les services publics comme les TP, la SBEE, ou encore dans les dépôts de ciment. Ils sont généralement célibataires avant de venir à Parakou.

A partir des années 90, les jeunes filles qui viennent à Parakou pour `'faire des jobs» de vacance ou les travaux domestiques, le font juste pour avoir de l'argent et aller apprendre la couture, la coiffure ou le tricotage. Elles viennent souvent avec l'accord des parents biologiques avec qui elles entretiennent d'étroites relations d'entraide. Elles sont accueillies par les parents du village déjà établis et utilisent ces réseaux relationnels pour trouver rapidement du travail dans les restaurants locaux et dans des ménages.

2.1.3 Organisation de l'accueil

La fonction d'accueil que remplissent souvent les familles urbaines, maintient les solidarités familiales et diversifie les réseaux relationnels. Dans les années 60, 70 et 80, les migrants étaient accueillis par un frère du village qui se charge en moins d'une semaine de leur trouver un logement dans les familles autochtones. Chaque migrant en ce temps était adulte, 20 ans environ et marié à

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une ou deux femmes. Mais en venant, il se déplace avec la première qui a parfois un enfant au dos. Les migrants à leur arrivée sont généralement installés dans une chambre à deux pièces. Ils travaillent dans les champs des autochtones, en particulier leurs cohabitants pour mieux s'intégrer à la famille hôte. Au fil du temps, généralement en une saison agricole, ils obtiennent des terres sous forme de prêt ou de don ou même exploite sans contrat une forêt pour en faire un champ. Pendant la saison sèche, ils travaillent comme aide maçons sur les chantiers de construction pour remédier à la réduction des activités agricoles.

Si les premiers groupes servaient comme manoeuvres dans les champs de leurs hôtes autochtones, propriétaires de logements et de terres, les seconds sont accueillis par un parent Lokpa du village exerçant un métier souvent non agricole. Ceux-ci répondent souvent en termes de parenté sociale (parenté non fondée sur des relations de consanguinité ou d'alliance) et non en termes de parenté biologique. Ils viennent individuellement ou à deux et sont plus jeunes que les chefs de ménages qui les accueillent. Ainsi, les parents qui accueillent cette catégorie de migrants ont souvent un emploi stable ou occasionnel. Ceci s'explique à travers ces propos :

« Compte tenu des problèmes de vie sociale, j'ai laissé l'école malgré moi. C'est ainsi que je me suis dirigé vers Parakou en 83 malgré moi auprès de l'oncle de ma mère, un ingénieur des TP. Avant de venir à Parakou, je n'en entendais pas parler. C'est en 86 que j'ai commencé la soudure à Zongo. J'ai été guidé par l'oncle ». (B.A., 42ans, soudeur et zémidjan, EPP centre, 13.04.07)

Ce discours décrit l'une des nombreuses stratégies utilisées par les jeunes migrants pour s'intégrer dans la famille d'accueil et dans les secteurs d'activité urbains. Ceci prouve qu'il y a eu évolution dans les conditions d'accueil des migrants.

2.2 Organisation sociale des Lokpa à Parakou

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2.2 .1 Organisation familiale

Pour Balandier (1981), en même temps que la société urbaine détermine de manière immédiate des transformations importantes dans l'ordre des rapports de parenté ; elle suscite une réduction du champ de la parenté et tend à faire prévaloir l'existence autonome de la famille restreinte. L'organisation familiale des familles migrantes a évolué même si ce n'est pas exactement dans le sens du postulat de Balandier.

Les Lokpa à Parakou dans les années 60-70 vivaient dans les familles autochtones qui les ont accueillies. Ils partageaient le même cadre de vie, souvent les mêmes activités. Entre les années 70 et 80, la plupart des premiers migrants se sont construits une habitation autonome et vivent désormais dans une homogénéité familiale, du point de vue culturel. Ainsi, on distingue aussi bien des familles étendues que des familles nucléaires larges. Les familles étendues se dénombrent beaucoup plus dans le groupe des premières générations de migrants et sont composés de trois à quatre ménages. Les familles comprennent généralement les grands parents, les parents, les enfants et les collatéraux souvent en séjour temporaire.

Les familles nucléaires caractérisées par leur taille : 04 à 05 personnes, se comptent beaucoup plus dans le groupe des jeunes migrants, nouvellement établis. En ce qui concerne les familles étendues, la majorité des chefs de familles sont des sexagénaires, ayant en moyenne deux femmes, six à huit enfants et vivent dans des cases en banco coiffées de tôle. Ces familles sont non seulement composées de parents nés au village (Ouaké), et des enfants nés à Parakou, mais aussi des collatéraux venus du village et incorporés au système familial. Ce statut de chef de famille a d'autant plus son importance que même le jeune couple qui a quitté " la grande maison", reconnaît au chef de famille son statut et son autorité.

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2. 2.2 Vie religieuse

La religion participe au renforcement et à l'élargissement des réseaux de solidarité des migrants. Les Lokpa établis ou résidant à Parakou sont en grande majorité des musulmans. Les autres sont des chrétiens catholiques et chrétiens évangélistes. Parmi les chrétiens, nombre sont ceux qui ont des prénoms musulmans et ont l'habitude de dire : « Nous avons connu la parole de Dieu, quand nous étions à Bougou, à Sosso, à Béléfoungou etc. ». Par contre certaines familles sont chrétiennes depuis le village d'origine, mais une fois établies à Parakou, elles ont été influencées par l'Islam pratiqué par les voisins. C'est ce qu'illustrent les propos suivant :

« J'étais chrétien mais mes femmes et mes enfants n'aiment pas aller à l'église et ça m'étonne, je les ai réunis et ils m'ont conseillé de devenir musulman ; nous le sommes tous maintenant. » (A. I, 55ans, cultivateur, père de 21 enfants, Banikanni, 30.09.2005)

Dans le même temps, les musulmans accusent certains chefs religieux d'avoir diabolisé certains rituels de leur coutume, ce qui a contribué à la fragilisation de leurs pratiques culturelles dans le milieu d'accueil. Les fidèles de l'Eglise évangélique sont convaincus eux aussi que ces pratiques constituent `'une oeuvre de Satan».

2.2.3 Socialisation des enfants

Le processus d'inculcation des valeurs culturelles et morales propre au Lokpa s'effectue en grande partie suivant les principes religieux musulmans ou chrétiens. Selon les propos de nos interlocuteurs, les parents au village attribuaient le nom à l'enfant selon la solennité du jour de sa naissance ou les conditions de sa conception. On nomme également un enfant selon son sexe et son rang de naissance ; Les prénoms attribués aux enfants dans le système traditionnel sont Koundé, Koundarou, Sindjaloum, Bayaba, etc. Koundé est par exemple le prénom attribué à un garçon né le jour de koundé (jour du marché du pays lokpa selon le calendrier traditionnel). Si c'était une fille, on

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l'appellerait Koundarou. Ce jour est généralement le mardi. Un enfant sollicité par la maman auprès de la divinité Sindjaloum, s'appellera Sindjaloum, Madjitam, Tchila (jour férié ou de repos selon le calendrier traditionnel), kouneli, Tchantaga, Tchaou (enfant garçon, né au deuxième rang chez une même mère), Yolou, Bio (enfant garçon, né au troisième rang) Kpéké (fille née au troisième rang) sont autant de prénoms que les parents donnaient aux enfants. Les parents à Parakou n'attribuent aucun de ces prénoms à leurs enfants, prétextant l'emprise de la religion musulmane ou chrétienne et leur séjour en milieu urbain.

C'est pourquoi, rares sont les enfants Lokpa nés et éduqués à Parakou, ayant subi les 4 ou 5 étapes des rites d'initiation de l'homme Lokpa. L'enfant à 7 ou 8 ans devrait faire le rituel de kamu (rituel de chicote), effalo à 12 ans, effassosso à 15ans, ewassèlè et waa à la grande adolescence entre 18 et 20 ans. Certains parents disent :

« Je n'ai pas fait waa parce que nous suivons Dieu depuis le vivant de notre père et quand on suit Dieu, il ne faut pas faire le mélange avec `'satan». Même si on était au village et connaissant, la parole de Dieu on allait refuser. Advienne que pourra ». (KOKORO Fidel 49 ans, maçon, cultivateur, une femme, 7 enfants, Tourou, 16.10.2006)

En outre, les enfants, quel que soit leur sexe, sont inscrits à l'école dès l'âge de 6 ans. Cette attitude expliquerait la rareté des petites filles migrantes sur le marché de l'emploi. Parlant de l'emploi domestique des filles adolescentes, la femme d'un intermédiaire dans le placement des filles domestiques s'exprime en ces termes :

« Même si tu cherches aujourd'hui une bonne de 12 ans, tu n'en trouveras plus parce que chaque parent veut que son enfant aille à l'école. Même si tu voulais simplement l'adopter, son père ou sa mère va t'exiger d'inscrire son enfant à l'école. Ce n'est plus comme avant. » (M.O., 38 ans, femme d'un intermédiaire dans le placement d'enfant, Banikanni28.03.07)

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2.2.4 Organisation des funérailles

Les funérailles chez les migrants Lokpa à Parakou s'organisent suivant le rituel musulman ou chrétien. Pour beaucoup d'interlocuteurs aussi bien vieux que jeunes, les cérémonies traditionnelles funéraires (kukpèlem) ne peuvent pas s'organiser dans leur milieu de migration pour des raisons géographiques, financières et religieuses. A ce sujet, un homme affirme :

« Mon père est mort et enterré ici au cimetière. Comme mon père est catholique nous n'avons pas fait Kukpelem, nous ne lui ferons jamais Kukpelem. L'argent est aujourd'hui difficile, plus question de boeuf, même pour les personnes décédées on demande seulement la messe. Chez les chrétiens on achète un sac de maïs pour faire de l' akassa, la pâte et 2 sacs de riz pour recevoir les gens. Avec Kukpelem, il faut 100 000 à 200 000 f, c'est plus cher. Quand ma maman mourra au village j'achèterai un boeuf parce qu'elle est au village et je serai obligé de lui faire Kukpelem ». (Y. M., 34 ans, marié, père de deux filles, Ganon, 24.08.2005)

Les pratiques religieuses constituent donc pour les migrants un canal pour s'affranchir de certaines contraintes culturelles.

2.3 Recomposition des relations familiales

2.3.1 Relations intrafamiliales

L'organisation familiale est relativement diversifiée selon l'âge et le statut socioprofessionnel du noyau familial (les deux époux ou le mari et ses épouses). Les épouses sont généralement plus de deux si le mari est cultivateur et sont mariées depuis le village avant l'établissement de la famille à Parakou. Les chefs de famille, autrefois ouvriers sur les chantiers de construction ou fonctionnaires et hommes ayant eu à émigrer plusieurs fois avant de s'établir, ont rarement deux femmes. Au noyau familial (époux), s'ajoutent leurs enfants et les enfants du frère ou de la soeur des époux. En dehors de quelques rares

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familles dans lesquelles vivent le couple de sexagénaires et des petits enfants , les membres des familles étendues vivent dans des maisons relativement spacieuses de quatre à six chambres.

Les familles nucléaires sont constituées de jeunes couples détachés de la famille étendue, suite à l'ascension socioprofessionnelle du chef de ménage, âgé généralement de 25 à 35 ans. Ces jeunes chefs de ménage autrefois contraints de changer de résidence du fait de l'exiguïté des chambres qu'ils habitaient dans la famille étendue, se retrouvent rattrapés par la même situation, une fois établis.

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Photo n° 01 : Ancienne maison familiale Photo n° 02 : Maison d'un jeune

construite en 1962 modèle de succès de 30ans à

Banikanni Est

Les familles ne tardent pas à s'agrandir après l'acquisition d'une habitation par le jeune chef de ménage qui accueille tantôt des veuves du village, tantôt un jeune frère ou un cousin à la recherche d'un secteur d'apprentissage, transformant ainsi la famille nucléaire en une famille nucléaire large. La femme fait venir son jeune frère ou sa jeune soeur du village, pour apprendre un métier si c'est un garçon ou pour l'aider dans les travaux domestiques si c'est une fille.

Dans ce milieu de migration, quelles que soient la taille et la forme de la famille, elle a comme chef un homme qui exerce son autorité sur les autres membres de la famille. Les relations de respect de l'autorité et de savoir vivre, régissent les rapports intra familiaux.

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La scolarisation des enfants est à la charge du père, sauf dans de rares cas ou celui-ci est totalement démuni. La mère supporte les charges qu'elle juge essentielles (achat des cahiers et stylos et paiement de la contribution scolaire). Il en est de même des dépenses de santé des membres de la famille.

2.3.2 Relations intergénérationnelles

L'organisation familiale a connu d'importantes modifications suite au départ de certains hommes de la famille étendue. La constitution de nouveaux ménages autonomes confère des responsabilités en terme de décisions à prendre et de l'exercice de l'autorité. Les jeunes qui quittent la famille étendue sont ceux qui ont acquis une certaine réussite sociale leur permettant de se prendre en charge. Ainsi, leurs investissements sont désormais plus orientés vers leur cellule familiale que vers la grande famille. Les aînés qui n'ont pas réussi et qui continuent de vivre dans la famille étendue, se disent satisfaits du succès des cadets.

Le respect mutuel qui existait entre cadets et aînés continue d'être observé même si le membre qui a quitté la grande famille n'est plus aussi disponible à répondre aux nombreuses sollicitations de la famille étendue. Le jeune chef de ménage supporte de moins en moins la scolarité de ses neveux et nièces et limite son assistance financière aux cadeaux occasionnels aux personnes âgées de la famille qui l'avait abrité. Cet affaiblissement des solidarités intrafamiliales tient moins à l'individualisation des rapports sociaux qu'au souci de faire face aux exigences de la vie citadine. D'ailleurs, le nouveau chef de ménage répond à l'appel, à l'invitation des aînés de la grande famille quand les circonstances l'exigent. C'est ce fait que Abdoulaye Bara-Diop explique, en parlant de l'indépendance des nouveaux ménages, en ces termes : « si le chef de famille ne contrôle plus de ressources communes, avec la disposition du champ collectif, il n'a plus les moyens d'exercer une autorité effective sur les membres de la famille autres que ceux de son ménage (il en est

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de même en ce qui concerne sa femme). On lui reconnaît néanmoins une autorité morale faite d'expériences et de sagesse. L'indépendance économique du garçon se traduit par la manifestation de grande autonomie dans l'utilisation de revenus, aspiration à plus de loisirs, davantage de liberté dans le choix de l'épouse» (1985 :175).

Quand il y a un décès, un mariage ou un baptême dans la grande famille, la jeune famille s'implique au même titre que les autres membres. Les logiques antérieures du droit d'aînesse sur les cadets sont de plus en plus bouleversées particulièrement avec l'emploi domestique. L'oncle ou la tante ou encore le grand frère qui détourne la rémunération mensuelle de la fille domestique, ne représente plus grand-chose aux yeux de celle-ci. Certaines familles boudent parfois ce parent malhonnête. D'autres le convoquent auprès du chef de famille qui généralement réussit à régler le problème. Les solidarités lignagères en matière de pratique de confiage des enfants sont limitées et très orientées vers les parents biologiques plus proches. A ce propos, un interlocuteur affirme :

« Je vis avec ma femme et sa petite soeur. Je ne peux pas garder l'enfant de ma fille mariée ici parce que elle et son mari ne me respectent pas. » ». (KOKORO Fidel 49 ans, maçon, cultivateur, une femme, 7 enfants, Tourou, 16.10.2006)

2.3.3 Relations intragénérationnelles

Les relations intragénérationnelles dans le groupe d'âge des personnes âgées se traduisent par des visites régulières, généralement une fois par jour, les soirs vers 17h. Les vieux se retrouvent par groupes de trois ou quatre pour discuter aussi bien de l'actualité que des problèmes familiaux. Le vendredi consacré comme jour de repos pour les ménages agricoles, le nombre de visite s'accroît : une, le matin vers 10 h et une autre le soir vers 17 h. Les visites sont souvent limitées aux fréquentations de courtoisie. Ainsi, les groupes d'âge se retrouvent selon qu'ils sont grands parents, parents, et fils, de même génération.

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Les jeunes filles domestiques de la même génération se retrouvent également les dimanches ou les lundis chez un de leurs parents. Ces occasions sont souvent des moments d'échange d'informations sur les conditions de vie et de travail de chacune. Elles discutent également de leurs projets de vie et des possibilités d'emplois mieux rémunérés.

Les jeunes hommes quant à eux, se retrouvent souvent dans les lieux de réunions et dans certains lieux privés chez un artisan. A Banikanni par exemple, les jeunes lokpa se retrouvent chez certains tailleurs, mécaniciens de motos ou menuisiers. Ces lieux de regroupement sont également des repères vers lesquels sont orientés les nouveaux migrants à la recherche d'un parent. Ils s'informent également à ces endroits sur les opportunités d'emploi et sur l'actualité au village et dans leur lieu de résidence.

Quant aux femmes, elles se retrouvent également dans les lieux où elles exercent les activités génératrices de revenus : ateliers de couture, lieux de vente d'igname pilée, etc.

2.4 Insertion socioprofessionnelle des migrants

Le processus d'insertion des migrants est un processus dynamique traduisant la manière dont les migrants arrivent à répondre aux besoins de logement et d'emploi dans leur milieu d'accueil.

L'ancienne génération a réussi son établissement grâce aux activités agricoles et aux petits travaux sur les chantiers de construction de bâtiments publics. Les femmes exercent généralement les activités de transformation comme la fabrication du gari ou le petit commerce : vente d'igname pilée, de fromage de soja , de beignets, de brosse à dent végétale, d'arachide, des fruits saisonniers et du bois de chauffe.

A partir des années 90, les jeunes migrants viennent avec l'idée d'apprendre un métier, même si cet objectif est parfois retardé par les réalités

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citadines comme les problèmes de logement et la difficulté à trouver un emploi qualifié. Les métiers vers lesquels les jeunes s'orientent sont : la maçonnerie, la couture, la menuiserie, la mécanique auto et moto, la coiffure et la conduite de mototaxi (zémidjan). Un jeune décrit son parcours :

« Quand je suis né à Badjoudè, mon père m'a mis en apprentissage de menuiserie et j'ai refusé. Puis après à l'apprentissage de soudure et ça n'a pas marché. Maintenant j'ai 25 ans. C'est le travail de ferrailleur que j'ai appris et je vais prendre le diplôme cette année. Cette moto, n'est pas la moto de mon grand frère qui m'a amené ici. J'ai une grande soeur qui est mariée à Cotonou. C'est chez elle que je suis allé prendre de l'argent pour acheter cette moto, faire zémidjan avec, et avec cet argent j'irai prendre mon diplôme». (D. K., 25ans, ferrailleur, Zémidjan, célibataire, niveau CE1, Banikanni, 12.08.2006)

Dans le groupe des zémidjan, beaucoup sont des jeunes qui, après avoir appris un métier, exercent temporairement ce métier le temps de réunir la somme d'argent pouvant servir au payement du contrat d'apprentissage ou à leur installation. C'est le cas de cet interlocuteur :

« Je travaille et j'amène 1.500 F par jour au propriétaire. C'est là que je trouve ma part. Quand je travaille, je gagne parfois 2.000 F, 2.500 F, 3.000 F après avoir soustrait l'argent d'essence et celui du propriétaire. Actuellement je suis entrain de chercher 30.000 F pour faire ma libération. Si je trouve cela aujourd'hui, je retourne la moto et je vais prendre mon diplôme. Il y a du soleil, tu es dedans. Il n'y a pas de soleil, tu es dedans, parce que tu veux manger. C'est ce que nous faisons. Tu as appris un métier et tu n'as pas encore pris ton diplôme, si tu manques d'argent, tu iras voler ? C'est pourquoi nous avons vu que c'est mieux de faire du zémidjan. Même si le soleil te frappe, personne ne viendra t'attraper pour dire que tu as volé ». (IBRAHIM Awali, 30ans, coiffeur, zémidjan, célibataire, Ladji Farani, 03.04.2006)

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Photo 03 : Apprentis menuisiers Lokpa

apprenant chez un patron Lokpa. Photo 04 : Deux jeunes migrants

Lokpa conducteurs de taxi moto

Parmi les jeunes migrants saisonniers on dénombre également ceux venus des villages de Djougou, pour conduire les taxis motos pendant la saison sèche. Un autre groupe encore est constitué de migrants de retour du Nigeria qui ne sont revenus qu'après deux ans de séjour là-bas, avec une moto chacun. Ils s'auto emploient pour réunir la somme d'argent nécessaire pour l'apprentissage d'un métier de leur choix. C'est dans ce groupe socioprofessionnel qu'on dénombre un grand nombre de locataires généralement habitant des chambres à deux pièces.

Les nouveaux patrons en menuiserie, mécanique, couture et maçonnerie, une fois le diplôme obtenu, s'installent à Parakou. Leur installation devient une grande porte d'entrée en apprentissage pour de nouveaux jeunes Lokpa nouvellement venus ou nés dans le milieu d'accueil.

CONCLUSION

L'insertion des migrants s'opère dans le cadre des réseaux sociaux, de stratégies familiales résolument tournées vers l'ascension sociale. Les changements survenus dans l'accueil des migrants et l'organisation familiale

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expriment l'interaction à l'oeuvre entre structure familiale et conditions de vie urbaine.

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Chapitre 3 : ELEMENTS DE CHANGEMENTS MATRIMONIAUX ET DES RESEAUX SOCIAUX

Les pratiques matrimoniales ont connu de transformations induisant des comportements et des pratiques sociales spécifiques. L'émergence de nouveaux réseaux sociaux constitue également l'un des points d'articulation du chapitre.

3.1 Statut de la femme

« Dans la société traditionnelle africaine, la famille était la principale source de statut social des femmes. Même face à l'évolution des rôles tenus par les deux sexes, cela reste encore le cas pour une grande majorité de femmes africaines » (Adepoju 1999 : 22). Même si le constat fait par l'auteur est globalisant, il a le mérite d'être tout aussi vérifiable au niveau de certaines

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catégories sociales. La femme Lokpa à Parakou, dans les années 60 à 90, était non seulement responsable des tâches ménagères, mais aussi responsable de la commercialisation des vivriers provenant des champs de son époux. Sous l'autorisation de son époux, elle investissait une partie des revenus dans les dépenses alimentaires du ménage et dans le soutien aux enfants. Dans la famille traditionnelle, le statut économique d'un membre de la famille est déterminé par son sexe. La femme par exemple a le droit d'avoir un champ chez ses parents mais n'en fait pas parce que tout le monde conçoit que c'est chez son mari que la femme peut posséder un champ personnel sous l'autorisation de celui-ci.

A partir des années 2000 caractérisées par la crise cotonnière, les ménages agricoles, ont dû diversifier leurs sources de revenus. L'homme va au champ pour cultiver les produits vivriers et la femme s'occupe des activités génératrices de revenus telles que la transformation du manioc en gari, la fabrication du fromage de soja, la vente d'igname pilée, de beignets, etc. Le capital financier permettant d'exercer ces activités est généralement l'apport personnel de la femme. Dans les jeunes ménages où les chefs de ménage exercent une activité non agricole, les femmes exercent des activités génératrices de revenus avec le soutien financier de l'époux. C'est le mari qui constitue les fonds de démarrage à sa femme pour le petit commerce, ou contribue parfois aux frais de formation professionnelle de celle-ci dans les activités telles que la couture et la coiffure.

Dans les familles étendues où les chefs de famille sont de la tranche d'âge de 60 ans et plus, ce sont les femmes qui s'occupent des charges scolaires de leurs enfants. Même si cet inversement de rôle pèse sur leur économie, elles ne trouvent aucun inconvénient à prendre le relais de leurs époux affaiblis. C'est ce que témoignent ces propos d'une femme :

« Au départ, c'était lui qui s'en occupait, mais maintenant il a

abandonné. C'est moi qui m'occupe, aussi bien de mon fils, que de

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l'une des filles de mon petit frère qui va aussi à l'école. Il y a aussi une fille de ma petite soeur dont le papa paye la scolarité. Je paye uniquement pour mes deux enfants et ma nièce. Je ne boude pas pour autant mon mari car quand il en avait, il faisait. Maintenant qu'il n'en a plus, si moi j'en ai, je fais jusqu'à ce que je n'en puisse plus. De plus, ce n'est pas chez moi seule que c'est ainsi, c'est ainsi avec nous toutes et nous avons toutes des enfants. Ce que tu vas manger le matin, c'est toi qui sais, ce que tu vas manger le soir c'est toi qui sais. Quand le pétrole finit, c'est ton problème ». (A.N.L, 51 ans, ménagère, Banikanni28.03.2006)

Dans la famille, en cas d'absence du chef de famille, pour cause de maladie ou de voyage, c'est la première femme qui exerce provisoirement l'autorité sur l'organisation familiale. La fonction de première épouse est réservée à l'épouse dont les parents de l'époux ont demandé la main pour lui, avant qu'il n'épouse la femme de son choix.

La femme est associée aux prises de décisions surtout à l'occasion des mariages ou baptêmes dans la famille où elle est mariée. Les femmes selon la place qu'elles occupent dans le système familial, sont consultées, sollicitées et impliquées dans la résolution des problèmes familiaux. Toutefois, certaines jeunes épouses pensent que la femme en milieu Lokpa n'est pas respectée. Cette perception contrastée du statut de la femme selon les générations se traduit également dans les rapports matrimoniaux.

3.2 Nuptialité et mariage

3.2.1 Nuptialité

Le processus d'entrée en union en milieu immigré lokpa a évolué dans le temps. Les groupes de migrants qui venaient à Parakou dans les années 60-70et 80 étaient constitués en majorité de personnes mariées. L'homme était

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généralement de la vingtaine et son épouse un peu moins. A partir des années 90, cette tendance s'est inversée avec un passage tardif des jeunes en mariage et une recomposition des stratégies de mariage. Les jeunes migrants en direction de Parakou, viennent à l'âge de 25 à 30 ans, célibataires sans enfant.

Suivant les étapes de leur socialisation, ils passent par l'école, cadre formel d'instruction,et les activités agricoles intenses,après avoir échoué à l'école. L'expérience des activités agricoles intenses, en rapport avec la modestie des avantages obtenus de ces activités par les jeunes, incite ces derniers au départ pour aller chercher (måtå yala). Aller chercher fortune ailleurs, telle est la mission que s'assignent les jeunes en allant « faire de jobs » (travail agricole rémunéré) dans les régions de Djougou, de Bassila, de Savalou, de Savè, de Tchaourou, de N'dali ou de Bembèrèkè ; avant de venir à Parakou. Ce temps passé pour `' faire de jobs`' retarde l'âge d'entrée en union matrimoniale des jeunes à tel point qu'il y en a jusqu'à l'âge de 35 ans qui vivent sans compagne. Ceux-là disent :

« Je n'ai pas de femme car je n'ai pas trouvé à manger, je

peux chercher femme ? C'est Dieu qui sait comment et quand je vais me marier. Je cause avec toutes les filles. Mais elles ne sont pas mes

copines ».

Alors que l'âge au premier mariage des parents variait entre 20 et 25 ans, celui des jeunes hommes de la dernière génération varie entre 25 et 35 ans selon les interlocuteurs rencontrés. Ces derniers attendent d'abord de finir d'apprendre un métier et de s'installer avant de s'engager dans le mariage. De même, les filles après l'exercice de l'emploi domestique, apprennent un métier pendant en moyenne 3 ans avant de se marier à 25 ou 26 ans. Les jeunes migrants ayant grandi à Parakou, vivent la période de célibat relativement moins longtemps que leurs aînés compte tenu de la rapidité de leur insertion professionnelle. A ce propos un jeune migrant témoigne :

« J'ai une copine avec qui nous avons fait deux ans. C'est à

cause de mon diplôme que nous ne nous sommes pas encore mariés.

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Si j'obtiens mon diplôme et que j'ouvre mon atelier, nous allons nous
marier. Elle-même est en congé de libération pour la couture. Quand

elle aura pris son diplôme et que j'aurai pris le mien, nous pourrons

nous entendre ». (IBRAHIM Awali, 30ans, coiffeur, zémidjan,

célibataire, Ladji Farani, 03.04.2006)

Les jeunes filles, quant à elles, en même temps qu'elles économisent de l'argent pour apprendre un métier, elles achètent également les nécessaires du trousseau de mariage : les pagnes, les bols, les chaussures et les bijoux. Pour la grande majorité très peu sont instruites et demeurent célibataires jusqu à l'âge de 28 ans, pour de rares cas avec enfants. Cette augmentation de l'âge au premier mariage se constate le plus dans le groupe des anciennes domestiques. Celles qui ont migré vers Parakou exercent les travaux domestiques ou parfois contraintes par les parents biologiques à l'âge de 15 ans à exercer l'emploi domestique. Quant aux filles nées à Parakou, elles migrent souvent vers Cotonou après avoir échoué à l'école primaire. A l'âge adulte, celles-ci, après trois ou cinq ans de séjour, reviennent présenter leurs amis qui ne tardent plus à demander leur main.

Dans le choix des conjoints, contrairement à l'ancienne génération qui oriente généralement son choix vers la grande famille, la jeune génération fonde son choix relativement sur les critères d'appartenance ethnique et religieuse. L'exogamie est plus prononcée dans leur groupe que dans celui de leurs parents. Mais, si ce sont les parents qui font le choix ou qui orientent le choix de leurs fils, ce choix est toujours orienté vers l'endogamie. Le père peut proposer une fille de sa famille maternelle à son fils. La tante maternelle peut également proposer une fille à son neveu. Cette pratique renforcerait durablement les liens familiaux selon eux. Les jeunes migrants épousent en majorité des Lokpa, les Yom, les Baatombu, les Dendi, les Yorouba et les Bètamaribè.

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Les jeunes migrants vivent en union libre pendant 2 ou 4 ans. Certains conjoints font leur rencontre au village lors des séminaires ou au cours des funérailles au village, d'autres chez un ami à Parakou.

3.2.2 Mariage

Le mariage pour Balandier in M. Koné et N. Kouamé (2005 : 66-67) est : « un contrat social de durée indéterminée qui lie non seulement deux individus, mais deux groupes. Du côté de l'homme, le mariage assure la continuité de la lignée, l'aide apportée par le travail de la femme et de la possibilité de multiplier les dépendants. Du côté de la femme, le mariage socialise sa fécondité et sa puissance dans le travail. Il lui donne un statut légal en libérant son capital créateur. Le mariage lui-même est une institution avec ses règles et son mode de fonctionnement interne ».

Si, dans le passé, ce sont les parents du mari qui entreprennent les démarches à l'endroit de la famille de la fille pour négocier les préalables de l'union, aujourd'hui, c'est le jeune homme lui même qui fait d'abord le choix de son amie avant de la faire connaître à ses parents un ou deux ans plus tard. L'identification et le choix de la femme dès la naissance de la fille par le père de l'homme, ne constituent plus la démarche de la jeune génération dans le choix de l'épouse. Un chef de ménage constate le changement des démarches matrimoniales en ces termes :

« C'est maintenant que vous vous dites qu'on ne doit pas forcer quelqu'un pour lui donner de mari. Entre temps, c'est ton père qui doit aller voir le papa de la fille. C'est eux qui s'entendent d'abord avant qu'ils n'ordonnent d'aller demander sa main. Quand j'avais ma fiancée si c'est elle qui marche sur le même chemin que moi, en me voyant, elle change de chemin, et moi de même. Vous ne devez pas causer, ni échanger. C'est ton père qui te dit : `'j'ai demandé la main de telle fille pour toi `' et c'est fini ». (Abdoulaye Taïrou, 44 ans, cultivateur, Banikanni, 28.03.2006)

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La question des prestations matrimoniales (ensemble des biens et services que doit offrir le mari à la famille de sa femme avant le mariage) depuis une vingtaine d'années a été revue par les sages de Ouaké et leurs recommandations sont suivies ici à Parakou, aussi bien par les familles musulmanes que par celles catholiques. Les investissements humains qui continuent de se faire à Ouaké dans les champs des parents de la fille par le fiancé, ses parents et amis, sont ici remplacés par les cadeaux de savon, du sel et d'argent. Le jeune fiancé et ses parents n'envoient pas les produits de leurs récoltes aux parents, mais attendent la période de célébration de mariage pour remettre une somme variant entre 50 et 60.000 F aux beaux parents pour la constitution du trousseau de mariage. Mais de plus en plus, les migrantes nées ou ayant séjourné longtemps à Parakou souhaitent célébrer des mariages plus coûteux.

Pour les fidèles de l'Eglise des Assemblées de Dieu, le mariage se célèbre avec moins de 30.000 F, car, dans ce système, la dot et les différentes dépenses matrimoniales ne comptent pas, l'essentiel est que l'union soit bénie dans " la maison de Dieu ". Mais, cela n'empêche pas que l'homme dépense de l'argent pour son épouse pour l'obtention d'un diplôme professionnel, ou pour le petit commerce.

Dans les familles musulmanes, il existe également des stratégies de contournement qui consistent pour l'homme à cumuler baptême de l'enfant et mariage sans payer les 50 ou 60.000 F. Toutefois, il prend l'engagement de payer ladite somme aux beaux parents (pour sa femme) dès que les circonstances le permettraient. Ce sont donc les mariages préférentiels qui sont pratiqués de façon fréquente aujourd'hui dans la société Lokpa, contrairement aux mariages prescriptibles d'antan. Comme l'ont soutenu Mariatou Koné et N'Guessan Kouamé, « Dans une société africaine où la procréation est un facteur très important d'intégration sociale, le célibat, à partir d'un certain âge,

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n'est plus toléré. L'être humain complet ne se réalise que dans l'état du mariage » (2005 :71). Ainsi à partir de 25ans, une fille sans fiançailles ni mariage, subit déjà les critiques des parents et amis. Chez les hommes, les critiques commencent à partir de la trentaine. Actuellement, les dépenses matrimoniales en milieu lokpa sont modestes par rapport à la pratique courante des familles autochtones qui dépensent en moyenne 500.000 F. Un jeune marié présente le tableau suivant :

« Nous l'avons fait comme les musulmans le font. Je l'ai dotée avec 10.500 F et la cola de 4.500 F. Pour célébrer le mariage, on dépose 10.000 F pour les alfas. Pour les pagnes, nous avons acheté, quatre pagnes. Ce sont les parents qui ont acheté. Dans la religion musulmane, elle achète de son côté et vous de votre côté, vous achetez sept pagnes, plus deux paires de chaussures, trois tèkentè (voiles) et un bouta (une bouilloire). Le reste, colporte, bols, ce sont elles qui vont acheter. Mais si tu n'as pas acheté les pagnes, tu leur donneras l'argent pour acheter. Si tu as acheté un peu, elle complète à ce colis ce qu'elle a pu réaliser depuis qu'elle était jeune. Les 7 pagnes que j'ai achetés coûte environ 60.000F ». ( SARE Alidou 32 ans, ex coiffeur devenu zémidjan, niveau CM2, marié, père d'un enfant,Banikanni,04.04.2006)

En anthropologie, la dot requalifiée sous le terme de compensation matrimoniale, est définie comme : « l'ensemble des biens que donne la famille d'un homme à la famille de son épouse au moment (ou avant) le mariage. La fonction de cette institution est de sceller le contrat de mariage, de légitimer la future descendance, de dédommager le groupe de la femme pour la perte d'un de ses membres » (M. Koné et N. Kouamé 2005 :85). Aujourd'hui le payement de la dot qui se faisait sous forme d'investissement humain et de dons de produits agricoles est totalement monétarisée. Les biens entrant dans les prestations matrimoniales varient légèrement suivant la puissance économique de l'époux, comme l'illustrent les propos suivants :

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« Nous avons fait 2 ans de vie en union libre, c'est quand j'ai accouché que mon mari a demandé ma main. Il a amené une calebasse de colas plus 20. 000 F, et 2.015 F à ses grandes soeurs qui ont amené le colis à mon père qui l'a accepté. Pour le mariage, normalement il devait amener 100 000 F à mon père. Mais comme il avait le baptême à faire, il ne l'a pas encore fait. C'est maintenant qu'il se prépare. Il va acheter une valise, 4 Hollandais, 4 Côte d'Ivoire, 3 Ibo-mè, 5 Fancy, 18 voiles, 4 paires de chaussures, des bijoux que j'irai choisir moi-même, et 5 ou 10 foulards. L'homme n'est pas obligé d'acheter les bols ». (MOUSSA Alima, 30 ans, apprentie coiffeuse, mère d'un garçon de quatre semaines, Zongo, 12.04.2007)

Les pratiques matrimoniales ont subi de profonds bouleversements aussi bien dans la forme que dans le contenu. Depuis la décision de l'union, des apports matrimoniaux effectués jusqu'à la consommation du mariage, les différents acteurs engagés dans cette institution, ont adapté leurs stratégies aux réalités de leur temps.

3.3 Cadre de vie familial

3.3.1 Logement

Comme l'ont affirmé M. Koné et N. Kouamé, «le logement qui est l'une des premières contraintes auxquelles est soumis le citadin va conditionner la taille de la famille. En effet, quel que soit le degré d'hospitalité du frère, de la soeur, du cousin, de l'oncle ou du beau-parent, il ne peut, compte tenu de l'espace restreint (exiguïté du logement) dans lequel il vit, accueillir tous les candidats à l'hébergement » (2005 :13 ). Ce constat fait en Côte-d'Ivoire est aussi une réalité que vivent les familles Lokpa de Parakou dans la mesure où la plupart des jeunes qui y vivent louent des chambres exiguës à un coût variant

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entre 4.000 F et 10.000 F selon le nombre de pièces, le standing de l'habitation et du quartier.

Les migrants, à travers les activités agricoles et les travaux sur les chantiers de construction, établissent également des relations d'amitié, parfois de "parenté sociale"(parenté non fondé sur la consanguinité) avec les autochtones. Ce réseau de relations est utilisé pour acheter une parcelle de terrain, généralement à la périphérie de la ville. Si dans les années 60 et 70, une parcelle non lotie de 400 m2 pouvait s'acquérir à 5 ou 10.000F, dans les années 90, elle s'achète à 70.000F ou 120.000 F dans les années 2000. En quatre ou 6 mois l'acquéreur érige des cases rectangulaires de deux à trois pièces, en banco et coiffées de pailles ou de tôles. C'est ce cadre de vie, cette nouvelle habitation qui permet à la famille de s'organiser de façon autonome. Seuls les fonctionnaires et quelques rares opérateurs économiques ont réussi à se construire des maisons en matériaux définitifs : (ciment, portes métalliques, clôtures). L'eau courante et l'éclairage électrique existent également dans ses maisons.

Photo 05 : Maison d'un fonctionnaire Lokpa retraité 64

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Un ancien migrant témoigne sur ses stratégies d'acquisition de parcelles de terrain :

« J'ai un grand frère ici, c'est chez lui que je suis descendu, on est du même village. Il s'appelait Sindjaloum Adamou. J'ai fait 4 mois et je l'ai quitté pour acheter ma parcelle à 5.000 F. Quand je suis venu, j'ai vu cet endroit que j'ai acheté et 4 mois après j'ai fini de construire. C'est un intermédiaire qui m'a amené chez quelqu'un en ville à qui j'ai dit que je veux acheter la parcelle. Les parents et amis m'ont aidé à construire. J'ai construit des cases : 2 pièces pour moi-même et 2 pièces pour chacune de mes quatre femmes ». (A.I, 55ans, cultivateur, père de 21 enfants, Banikanni, 30.09.2005)

Les familles qui vivent dans des anciens quartiers périphériques n'ont souvent pas de puits pour l'approvisionnement en eau. On compte un puits souvent mal entretenu pour trois maisons. Ce sont des puits qui tarissent régulièrement pendant la saison sèche, en mars et avril.

3.3.2 Puits familial comme lien entre familles.

Le puits en milieu urbain peut être un facteur d'affaiblissement ou de renforcement des rapports sociaux, des solidarités traditionnelles. Dans les habitations des Lokpa établis depuis les années 70, On dénombre en moyenne 1 puits pour 4 à 5 maisons. Ces puits sont dans leur quasi-totalité, des puits artisanaux munis chacun de margelle en banco ou cimentée. Les abords de ces puits sont dénudés et l'eau est puisée au moyen de puisettes attachées à la corde.

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Parlant de l'importance de leur puits, une femme s'exprime en ces

termes :

« C'est ce puits qui nous sauve ici. Son eau est douce et n'a pas de sel et est très agréable à boire. C'est là que tous nos voisins viennent puiser de l'eau et quand ça tarit, les garçons le curent. Nous buvons, nous préparons, nous faisons la lessive avec cette eau. Tout le quartier apprécie son eau ». Première femme de Akara Seïdou, Banikanni, 05.04.2006)

Ce témoignage traduit non seulement l'utilité du puits pour la famille propriétaire, mais aussi pour les familles voisines. Par contre dans les nouvelles habitations des migrants, le puits appartient à une famille de taille réduite et généralement utilisé par elle seule. Cet avènement de la recomposition des solidarités interfamiliales traduit le caractère aléatoire de la capacité des nouvelles familles à accueillir de nouveaux membres.

3.4 Rapports des migrants avec le milieu d'origine

Contrairement à l'ancienne génération, les jeunes migrants partagent de moins en moins les bénéfices de la migration avec le village. La distribution des fonds se limite à des proches parents. Les migrants de la jeune génération se retrouvent de plus en plus dans l'incapacité de s'assurer une source de revenu permettant de contribuer au soutien de la famille, le plus souvent les parents âgés restés au village. Le migrant se sent obligé de remettre une part du revenu qu'il gagne dans les dépenses de frais de scolarité, du loyer ou d'achat d'instruments de travail ou de construction d'un atelier. Ainsi, un migrant à revenu instable ou faible peut tout simplement ne pas retourner visiter sa

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famille. Ce faisant, il évite ainsi d'avoir à refuser l'assistance possible de la famille, comme l'indique le témoignage suivant :

« Si mon engin est en panne, et il y a des problèmes au village, je dois laisser le problème du village pour m'occuper de l'engin parce que c'est de ça que je vis ici. Je sais qu'ils ont besoin de mon aide, mais je n'envoie rien. Ma femme et mon enfant ont dit qu'ils ont besoin de l'argent, je suis parti là-bas je leur ai donné 1000F et après je leur ai envoyé 3000F. Un jour, l'idée me vient de partir. Mais aller où ? On va rester d'abord. Peut-être qu'un jour ça va changer ». (SANDA Tadjou, 30 ans marié père d'un enfant, Zémidjan, Banikanni, 04.04.2006)

Les jeunes filles migrantes, pour mieux sécuriser leur économie issue des activités dans le milieu d'accueil, envoient de moins en moins leurs réalisations. Elles préfèrent les amener elles-mêmes lors des voyages de grands rassemblements comme les séminaires.

Cette expression de la dégradation des relations de confiance entre migrantes et parents restés au village dénote également d'une acquisition d'autonomie progressive dans la prise de décision chez les filles.

3.4. Vie associative en milieu d'accueil

3.4.1 Lieux de réunion

L'Association des ressortissants de Komdè est l'une des rares associations actives dans ce milieu de migration. Elle joue un rôle clé dans le maintien des liens privilégiés avec le milieu d'origine et renforce le contrôle social. Chaque premier dimanche du mois, hommes, femmes, jeunes et vieux se retrouvent pour parler de leurs conditions de vie à Parakou, ainsi que des problèmes de leurs villages. En témoignent ces propos :

« Au cours de nos réunions je l'ai toujours dit, il faut toujours souhaiter que ton fils te dépasse... Parce que les temps sont différents. Au temps où nous avons commencé l'association, il n'y avait pas plusieurs avantages, maintenant, il y en a. Si vous avez une

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association qui marche aujourd'hui, il y a plusieurs avantages. Il faut qu'on puisse les aider pour qu'ils puissent faire plus pour nous dans l'intérêt de nous tous. Pourquoi nous cherchons aujourd'hui que nos enfants connaissent le village, qu'ils soient habitués au village, l'enfant peut avoir un diplôme ici ou une chose ici, si il voit que ça ne marche pas ici, il va au village. » (Babio Bawa, retraité des T.P., Zongo, 27.04.2007)

La participation massive des ressortissants de l'arrondissement de Komdè à ces rencontres, traduit leur attachement à leur association ou du moins l'affirmation de son dynamisme. Cette réponse massive à l'appel de l'Association des ressortissants de l'arrondissement de Komdè témoigne également du degré de crédit que les migrants Lokpa accordent à cet espace de regroupement et d'échanges. Ce qui est à relever également, c'est la présence massive des femmes et des jeunes.

Photo 08 : Réunion des ressortissants de Komdè à Parakou

Les femmes, qui auraient pu prétexter leurs nombreuses préoccupations ménagères ou lucratives, se présentent sur les lieux de la rencontre, généralement par petits groupes de 3 ou 4. Ce qui laisse supposer un partage certain des informations, au sein de l'association. Cette circulation de l'information au sein du groupe, dans un milieu de migration, constitue l'un des atouts pour le maintien de la cohésion des ressortissants de l'arrondissement de

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Komdè. Dans la mesure où les membres de l'association peuvent être informés, ils peuvent prendre leur disposition à temps pour faire face à tel ou tel problème les concernant soit à Parakou soit au village. En outre, c'est également au lieu de rencontre, que circulent les informations les plus récentes provenant du village d'origine. On note également la présence massive des jeunes, en majorité des ouvriers (maçons, menuisiers, zémidjans, chauffeurs, tailleurs). On y dénombre quelques étudiants, des déscolarisés et des sans emploi. Cette occasion est aussi saisie par certains pour guetter des opportunités d'emploi.

La présence des personnes âgées à la rencontre, renvoie à la dynamique des rapports intergénérationnels entre migrants. C'est ce qu'illustrent les propos suivants du sexagénaire Babio Bawa, président du bureau sortant de l'association : « Nous voulons du sang neuf à l'association pour le redynamiser afin que tout le monde puisse connaître tous ceux qui parleront en notre nom». Cette affirmation des personnes âgées de la reconnaissance de leurs limites, relève également de la stratégie pédagogique des aînés à l'endroit de la jeune génération. D'ailleurs, l'une des manifestations de cette démocratie à la base est la discipline du groupe au cours des travaux. La parole est librement distribuée dans la discipline et chaque participant quels que soient son âge, son sexe, la catégorie professionnelle à laquelle il appartient, il est écouté avec intérêt.

3.4.2 Portée économique des réunions

La tenue des réunions permet aux organisateurs de collecter des «souscriptions volontaires» mais réclamées ou exigées auprès de chaque membre. Ces souscriptions varient de 200 f à 1.000 f. Les femmes cotisent entre 200 f à 500 f chacune, et les hommes entre 500 f et 1000 f chacun. Par exemple, au cours d'une Assemblée Générale, une somme de 31 500f a pu être collectée. Compte rendu en a été fait publiquement par le nouveau bureau à l'assistance.

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La vie associative en milieu rural lopka semble n'avoir pas intégré ou initié les opérations de tontines au sein des membres de l'association selon les entretiens informels. Ce lieu de rencontre des migrants Lokpa de Parakou est un espace d'échange de biens d'une part, un lieu de rendez-vous pour jeunes amants Lopka, Berba, Ditamari ou Dendi d'autre part. Les débats animés à la réunion se poursuivent dans la soirée au marché Madjatom.

Le marché, autrefois animé dans un espace non clôturé, se retrouve aujourd'hui de façon provisoire dans la cour du centre de santé de Banikanni en construction. Le site contient actuellement des bâtiments et est entièrement clôturé. A entendre certains animateurs du marché, les réflexions sont en cours pour le choix d'un autre site pour l'animation du marché.

Au marché Madjatom de Banikanni il se vend la boisson locale, bière des Lopka (Solum) par des jeunes dames. L'animation de ce marché est révélatrice de l'évitement de l'assimilation totale avec le milieu d'accueil.

Ce qui apparaît également de façon prégnante, c'est la présence de certains fonctionnaires de l'administration publique. Ils sont constitués de groupes d'amis Lopka et Bètamaribè qui justifient leur présence en ce lieu comme un simple divertissement. En outre, parmi les jeunes présents dans les lieux, on dénombre des ouvriers, en particulier des maçons ou manoeuvres des chantiers de BTP et surtout les Zémidjans. On constate également que des discussions se mènent par petits groupes de 4, 5 ou 6 personnes. Les langues les plus utilisées par les différents acteurs de ce marché sont le lokpa, le dendi et le français.

ANALYSE CONCLUSIVE

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Les processus migratoires s'enracinent dans des traditions de mobilité spatiale qui remonte parfois à quelques générations.

Pour identifier toutes les formes de familles migrantes lokpa ainsi que leurs fonctions, l'hypothèse de recherche formulée à cet effet est de vérifier si les conditions d'établissement des familles sont tributaires de l'ascension professionnelle de ses membres.

Dans le groupe des migrants lokpa, il existe plusieurs modèles familiaux : la famille étendue, la famille nucléaire simple, et la famille nucléaire large. Si la première forme se retrouve dans le groupe de migrants des années 70 et 80, les modèles de familles nucléaires se révèlent avec plus de prégnance dans le groupe des jeunes migrants venus vers les années 90. De ces familles, partent de jeunes gens en migration ou pour servir de main d'oeuvre locale. Ces familles migrantes établies, accueillent ou constituent des pôles de transit pour de nouveaux migrants à la recherche d'emploi à Parakou ou à Cotonou surtout pour les filles et jeunes dames. L'espace familial constitue ainsi non seulement un cadre de socialisation de ses membres mais surtout le point de départ et d'attraction de la mobilité.

La cellule familiale à travers également son implication dans la gestion de la rente migratoire, de l'insertion professionnelle de jeunes migrants ou migrants de retour, affirme désormais son autorité dans la trajectoire de socialisation de ces derniers. Cette même implication dans la vie des migrants ou `'migrants de retour», s'exprime dans les sollicitations matérielles et financières de ceux-ci pour la réalisation de leurs projets de mariage, point de départ d'une nouvelle vie familiale. Les modes d'installation des migrants sont également variables parce que cela permet à la famille d'accueil d'en retirer les bénéfices à travers la diversification des activités. L'accueil de ces nouveaux arrivants influe sur les modes de vie quotidiens des familles en termes de

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rapports entre membres et de redéfinition des responsabilités au sein de la famille. Toutefois, on peut noter que l'accueil de jeunes migrants actifs contribue dans une certaine mesure à une amélioration des ressources économiques car les dépenses de la famille sont réparties entre plusieurs personnes. En somme, nous pouvons affirmer que les conditions d'établis-sement des migrants sont étroitement liées à leurs réussites socioprofessionnelles.

Le deuxième objectif de la présente étude étant de décrire et d'analyser les effets de l'environnement urbain sur les familles migrantes, l'hypothèse suivante a été formulée :

L'environnement urbain en tant que creuset de diffusion de nouveaux systèmes de valeurs, conduit plus à une réduction des espaces de solidarité qu'à des déstructurations familiales.

Les modèles familiaux qui caractérisent l'organisation sociale lokpa de Parakou aujourd'hui, traduisent les différents changements qu'elle a subis dans ce nouveau contexte, le contexte urbain.

Les changements constatés au niveau de la famille concernent également les modalités de constitution des familles, la diminution de l'écart d'âge entre conjoints au premier mariage, ce qui pourrait annoncer de nouveaux rapports affectifs au sein du couple. Cette évolution de l'entrée en union est étroitement liée aux difficultés d'accès résidentiels et à la faiblesse des revenus accumulés par les jeunes migrants. La diminution de la préférence de l'endogamie est due en partie à la diversification des espaces sociaux (domicile, lieux de travail ou de réunion, marché, etc.) de rencontre des futurs conjoints.

La diminution de l'écart d'âge au mariage peut s'expliquer par l'absence de dispositif éducatif traditionnel dans le milieu d'accueil, ainsi que des réseaux sociaux propres à la culture Lokpa pour l'éducation des filles. L'accomplissement de certains rites de passage indiquant la maturité des jeunes filles a cessé d'être en ville, le facteur décisif de la maturité de la jeune fille,

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désormais apte à se marier. L'aptitude de la fille à aller au mariage tient plus à l'échéance de rassemblement de son trousseau de mariage, à l'achèvement de l'apprentissage de son métier, qu'à toute autre considération. Pour le garçon, l'entrée tardive au premier mariage s'explique par les difficultés liées au passage à l'âge adulte. Au nombre de celles-ci, la volonté des jeunes de s'installer dans un logement indépendant, l'autonomie financière et la stabilisation dans l'emploi.

L'environnement urbain a également contribué à la redéfinition des structures familiales conduisant à une montée d'un nouveau modèle familial : la famille nucléaire large.

En effet, les contrôles qui s'exercent sur les individus dans la conclusion des unions se sont affaiblis. Les parents continuent d'être consultés, mais leurs avis en matière d'union ou de descendance sont de moins en moins strictement respectés à cause de l'autonomie résidentielle et financière des jeunes. Les parents ne sont plus les initiateurs directs du processus de choix du conjoint. La maîtrise de la force de travail familial apparaît comme échappant au contrôle du chef de ménage. Toutefois il est à remarquer que le célibat définitif est quasi inexistant dans ce milieu d'accueil. Ainsi l'autonomie des jeunes couples vis-à-vis des anciens conduit à une redéfinition des responsabilités dans la prise en charge des descendants, des solidarités intralignagères vis-à-vis des enfants (pratique de confiage d'enfants) et des solidarités intergénérationnelles. De plus, la volonté manifeste des filles nées ou ayant grandi en milieu de migration, à se choisir leurs conjoints, traduit la tendance à l'autonomisation vis-à-vis du contrôle qu'exercent les parents dans la conclusion des unions.

Dans le même temps à travers les différents réseaux sociaux, les migrants entretiennent entre eux des relations de solidarité soutenue, ainsi qu'avec leur milieu d'origine. Ce constat nous permet de penser que les solidarités familiales ont connu moins de modifications que l'institution familiale elle-même.

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Toutefois, cette question mérite d'être étudiée plus profondément pour plus de validité.

Le troisième objectif de cette étude est de dégager les stratégies individuelles et collectives des migrants dans la conquête d'un statut social valorisant. Pour ce faire, nous avons supposé que l'emploi ouvrier ou domestique exercé par les jeunes migrants, relève de la stratégie éducative entretenue par les parents en milieu urbain ou d'origine.

La migration urbaine, permet à la famille de distribuer ses membres dans les différents réseaux du marché de l'emploi. Cette stratégie de contrôle social s'observe d'abord dans le processus d'éducation des enfants. Dans les familles migrantes anciennement établies, l'enfant était plus considéré comme un appui économique dès son adolescence. Il est une main d'oeuvre familiale, un soutien productif quel que soit son sexe. Alors que dans les familles de jeunes générations, l'enfant bien que sa venue soit souhaitée, est perçue comme une personne de plus à habiller, à soigner et surtout à scolariser. Si avec les anciennes générations, l'enfant est dès l'âge de 7ans intégré aux activités de production de la famille, la nouvelle génération, quel que soit le sexe de l'enfant à partir de 5 ans est inscrit à l'école. Ceci expliquerait la rareté des filles domestiques Lokpa âgées de moins de 15 ans à Parakou. Comme l'affirme Adepoju: « le maintien de la famille dépend en grande partie des efforts de production de ses membres. C'est pour cette raison que le mariage et la maternité ont une telle importance en Afrique, bien que l'instruction puisse contribuer à modifier les conventions » (Adepoju 1999 :66). Ainsi, l'intégration des enfants dans la main d'oeuvre familiale les rend capables à payer certains coûts de leur entretien jusqu'à l'âge adulte. Même si les enfants scolarisés accomplissent certaines de ces activités avant et après l'école, ils échappent tout de même à cette emprise totale des aînés. C'est dire donc que le système éducatif formel a repris plusieurs des rôles de socialisation que détenait la famille.

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ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS FAMILIAUX

En effet, l'insertion des familles dans l'économie urbaine en rapport avec la qualification ou non des jeunes gens contribue au développement de nouvelles stratégies de survie de ceux-ci. Faut-il venir à la recherche de fortune et retourner bredouille vers la famille d'origine ou supporter en silence les dures réalités de la ville ? Telle demeure la préoccupation de nombre de jeunes migrants.

Aussi la mobilité géographique des membres des familles établies à Parakou, participe non seulement d'une certaine quête d'ascension socio-économique par ceux-ci, mais également de la stratégie des aînés d'exercer leur contrôle sur eux. Cette attitude justifie également l'orientation des filles vers l'emploi domestique afin que celles-ci participent au coût leur entretien. Compte tenu de tous ces constats nous pouvons dire que notre dernier objectif spécifique est relativement atteint. Toutefois, peut-on attribuer la totalité de la recomposition des dynamiques familiales à l'influence de l'environnement urbain ?

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ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS FAMILIAUX

Proposition d'un Avant Projet de Thèse : Solidarités familiales et accès aux soins de santé en milieu urbain et périurbain au Bénin

La pauvreté, la précarité et la vulnérabilité caractérisent principalement l'ordre socio-économique global de certains milieux urbains et périurbains. L'accès à certains types de services publics pourrait mettre en évidence une multitude de logiques à cet effet.

En effet l'accès aux soins de santé dans les formations sanitaires peut être révélateur de l'émergence d'une condition sociale inédite faite de pauvreté matérielle, de dégradation morale et d'un affaiblissement progressif des liens sociaux face aux situations de maladie dans les villes et leurs périphéries. La situation d'un malade grave par exemple, induit dans sa famille ou dans son ménage, des comportements qui peuvent affecter la structure familiale. Le statut familial et économique du malade nécessite dans ce contexte une redistribution des responsabilités au sein de la famille surtout si celui-ci est un jeune adulte (à la fois parent et acteur économique). Certains membres de la famille doivent s'occuper de lui, voire le remplacer dans ses activités productives malgré les contraintes de la vie citadine. Les enfants du malade, à partir de cet instant, deviennent tributaires d'autres personnes sur les plans affectif et financier alors le système de confiage d'enfant fait appel à d'autres considérations complexes. Le budget familial connaîtra également une diminution.

Dans ce contexte, nous proposons étudier les stratégies utilisées par les familles pour faire face aux dépenses de santé ainsi que les liens de solidarité qu'elles impliquent

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REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

Ouvrages généraux

1-BALANDIER Georges, Sociologie de l'Afrique noire, Paris, PUF, 3ème édition 532 p.

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3-BAUD Pascal et al. Dictionnaire de géographie, Paris, Hatier, 1997, 509 p.

4-Cahiers de l'U.A.C.A.C n° 4, Citadins et ruraux en Afrique subsaharienne, Paris, Karthala, 1999, 440 p.

5-COUSSY Jean et al ; crise et population en Afrique, études du CEPED n°13, Paris, CEPED, O.R.S.T.O.M, 1996, 580 p.

6-FERREOL Gilles, Intégration et Exclusion dans la société française contemporaine, Presses Universitaires de Lille, 2ème édition, 1993, 454 p.

7-IGUE John O., Le territoire et l'Etat en Afrique, les dimensions spatiales du développement, Paris, Karthala, 1995,227p.

8-PETIT Véronique, Migrations et Société dogon, Paris, l'Harmattan, 1998, 331 p.

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10-ROCHER Guy, le changement social, Montréal, HMH, 1968, 318 p.

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Ouvrages spécifiques

11-ADEPOJU Aderanti, La famille africaine, politiques démographiques et développement, Paris, Karthala, 1999, 315 p.

12-ANTOINE ( PH .) , NANITELAMIO ( J .) , Nouveaux Statuts féminins et urbanisation en Afrique, communication au congrès sur le statut de la femme et l'évolution démographique dans le contexte du développement, Oslo, UIESP, Juin, 1988, 15p.

13-ANTOINE (PH.), L'urbanisation en Afrique et ses perspectives, Rome, FAO, 1997, 18P.

14-ANTOINE Philippe et al., Les familles dakaroises face à la crise, Paris, CEPED, 1995, 209 p.

15-ANTOINE Philippe et al., Urbanisation et dimension du ménage, le cas d'Abidjan, Cahiers O.R.S.T.O.M., sér.sci. Hum. , vol. XIX, n°3,1983, pp 295310.

16-BARA DIOP Abdoulaye, la famille wolof, Paris, Karthala, 1985257p.

17-CADORET Anne, Parenté plurielle, Anthropologie du placement familial, Paris, l'Harmattan, 1995, 230 p.

18-COURET D., Environnement urbain, bilan 2001-2004, UR029-IRD , 33p.

19-DUPONT Véronique et al. , Mobilités spatiales et urbanisation, Asie, Afrique, Amérique, cahiers, O.R.S.T.O.M., sér.sci. Hum. , vol.XXIX, n°2-3, 1993, 580p.

20-GIBBAL Jean-Marie, Stratégie matrimoniale et différenciation sociale en milieu urbain abidjanais (le choix de l'époux), Cahiers, O.R.S.T.O.M., sér.Sci. Hum. , vol. VIII, n°2,1971, pp188-1999.

21-GOUDINEAU YVES, Sens de la famille, sens de la communauté, cahiers O.R.S.T.O.M., sér.sci. Hum. , vol. XXV, n°3,1989, pp301-311.

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22-GRAFMEYER (Y.), Sociologie urbaine, Paris, Armand colin, 2005, PP 197.

22-KOUAME N'Guessan et KONE Mariatou, Socio-anthropologie de la famille en Afrique, évolution des modèles en Cote d'Ivoire, Abidjan, CERAP, 2005, 277p.

23-LOCOH Thérèse et MOWAGA-SOW (M.), Vers de nouveaux models familiaux en Afrique de l'Ouest, Tours, IUSSP, 2005, 28p.

24-MICHEL Andrée, Sociologie de la famille et du mariage, Paris, PUF, 3è édition, 1986, 263 p.

25-PILON Marc et al, Ménages et familles en Afrique, les études du CEPED n°15, Paris, CEPED-Karthala, 1997, 406p.

26-PILON Marc et al ; Familles du Sud, Paris, ORSTOM, 1997, 175 p.

27-RAPOPORT Benoît, Famille nucléaire et accueil de parents dans les ménages urbains au Gabon, in cahiers québécois de démographie, vol.31, n°1, printemps 2002, pp 151-182

28-RAULIN (A.), Anthropologie urbaine, Paris, Armand colin 2004, PP 45163

29-ROSTIA Fibbi et BLOZMAN Claudio, Familles immigrées et leur parenté âgée, in Forum Questions familiales-Soleure (Suisse) 11 Septembre 2002, 4p.

30-SCHWARTZ Alfred, Formes de mariages et stratégie sociale dans la société Guéré traditionnelle, cahiers, O.R.S.T.O.M., sér.Sci. Hum. , vol. VIII, n°2,1971, pp222-231.

31-SEGALEN Martine, Sociologie de la famille, Paris, 1981,283p.

32-SINGLY de (F.), Sociologie de la famille contemporaine, Paris, Armand colin, 2005, PP 50- 77

33-TABUTIN (D.), La ville et l'urbanisation dans les théories du changement démographique, Université Catholique de Louvain, Février 2000, 25P.

Thèses :

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34-BREGAND Denise, Anthropologie historique et politique du Borgou, Wangara et wasangari, Thèse de doctorat nouveau régime Volume I, Université Paris 8, 1997,385p.

35-THOMAS Omer, Parakou et sa région, essai de cartographie thématique sur l'occupation et l'organisation de l'espace dans le Borgou Sud, Thèse de 3è cycle, Université Paris7, 1983, 179p.

36-YAO Koffi Martin, la famille africaine en voie d'occidentalisation, thèse de doctorat Rome, 2002, 372 p.

Mémoires :

37-ABOUDOU Ramanou Y.M.A, Activités agricoles et gestion des ressources naturelles à la périphérie de Parakou, mémoire DEA en gestion de l'environnement , FLASH, EDP, UAC, octobre 2003, 62p.

38-BAGOUDOU Karimou et HOUEGBONOU Simplice, L'évolution démographique de Parakou de 1960 à 1990, Mémoire de maîtrise en géographie, UNB/FLASH ,1990-1991,127p.

39-TCHOKPON Justine, Croissance urbaine et problèmes fonciers dans la commune d'Abomey-Calavi, Mémoire de DEA en Gestion des ressources naturelles, Aménagement du Territoire et Politique environnementale, FLASH, EDP , UAC, 2006,88 p.

ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS FAMILIAUX

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Table des matières

Sommaire 1

Remerciement .2

Introduction .6

CHAPITRE 1 : CADRES THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE....8

1.1. Cadre théorique .8

1.1.1. Contexte de l'étude.......................................................................8

1.1.2 Problématique . .10

1.1.3 Objectifs et hypothèses 11

1.1.3.1 Objectif général........................................................... 12

1.1.2 Objectifs spécifiques............................................................ 12

1.1..3 Hypothèses.................................................................................12

1.1.4 Clarification conceptuelle ........13

1.1.5 Nature, sources, qualité et utilité des données 16

1.1.6 Revue de la littérature . 16

1.1.6.1 Thèse générale du changement social........................ ... ...17

1.1.6.2 Approche démographique du changement social 18

1.1.6.3 Approche sociologique du changement social 19

1.2 Approche méthodologique 23

1.2.1Phase de préparation................................................................ 23

1.2. 2Enquête collective.................................................. 25

82

ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS FAMILIAUX

1.2.3 Enquête individuelle.....................................................................25

1.2.4 Traitement et analyse des données............................... ......... 28
1.2.5 Difficultés et limites de l'étude.......................................................30

1.3 Présentation du cadre d'étude 30

Chapitre : 2 PROCESSUS D'INSERTION DES MIGRANTS 39

2.1 Insertion et installation des migrants 39

2.1.1Motifs de migration des premiers groupes 39

2.1.2 Motifs de migration des jeunes gens et des femmes............................40.

2.1.3 Organisation de l'accueil... ..................................................41

2.2.3 Socialisation des enfants .......................................................... 41

2.2 Organisation sociale des Lokpa à Parakou 42

2.2 .1 Organisation familiale 42

2. 2.2 Vie religieuse................................................ 43

2.2.3 Socialisation des enfants .............................. 44

2.3 Recomposition des relations familiales . 46

2.3.1 Relations intrafamiliales .................................... ...... ......46

2.3.2 Relations intergénérationnelles............................................ ......47

2.3.3 Relations intragénérationnelles........................ ........................49

2.4- Insertion socioprofessionnelle des migrants . 50
Chapitre3: Eléments de changements matrimoniaux et des réseaux

sociaux .

53

3.1 Statut de la femme

.55

3.2 Nuptialité et mariage

55

3.2.1 Nuptialité...................................................................................57

3.2.2 Mariage......................................................................................57

3.3 Cadre de vie familial . 59

83

ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS FAMILIAUX

3.3.1 Logement....................................................................................59

3.3.2 Puits familial comme lien entre famille..................... ...........62
3.3.3Rapports des migrants au milieu d'origine........................................63

3.4. Vie associative en milieu d'accueil 64

3.4.1 Lieux de réunion 64

3.4.2 Portée économique des rencontres 66

Analyse conclusive . 68

Projet de thèse 73

Références bibliographiques 74

Annexes 81

ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS FAMILIAUX

84

ANNEXES

85

ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS FAMILIAUX

Fiche d'entretien du LASDEL

Etude :

Responsable Enquêteur(s)

Enquête : ( ) ECRIS ( ) Individuelle

Groupe stratégique :

Identité de l'enquêté (e) : Fonction
: Particularités (âge, enfants, instruction, etc.) :

Date de l'entretien : Lieu de l'entretien :

Durée de l'entretien : (heures, minutes) ou de à

C a s s e t t e s

R é c a p i t u l a t i o n t r a n s c r i p t i o n s

fin

Début

D u r é e t o t a l e t r a n s c r i t e

Identification / code

Indices compteur

Faces

Durée

Entretien portant sur (sujets, mots clés) :

Remarques :

R é s u m é :

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GUIDE D'ENTRETIEN

² HISTOIRE D'INSTALLATION DES LOKPA A PARAKOU

· Sites d'accueil des migrants et les changements d'itinéraires

· Motivations et perceptions de la migration par les migrants

· Migration des jeunes gens

· Migration des jeunes filles

· Migration des enfants

II STRUCTURES SOCIALES LOKPA

· Structures familiales

· Organisation familiale : (types de famille, lévirat, ménage, matrilinéarité/patrilinéarité, etc.)

· perceptions et les valeurs sociales liées à la migration et leurs effets sur la configuration des familles

· Discours et les pratiques familiales en milieu lokpa

· Rites d'initiation/passage

· Vie associative, vie culturelle, ligne d'intégration dans le milieu d'accueil, relations avec la sphère politique, etc.)

III DIVISION DU TRAVAIL

IV STATUT DE LA FEMME

V MARIAGE

VI RELATIONS ENTRE MIGRANTS ET LEURS MILIEUX D'ORIGINE ET FAMILLES D'ORIGINE

· les demandes de part et d'autres

· le flux de biens matériels et symboliques

VII FORMES DE SOCIABILITE

· Formes de sociabilité dans les milieux d'accueil

· Familles de migrants :(formation, dynamique interne, relations avec les familles d'autochtones ou d'autres migrants de groupes ethniques

· Construction de nouvelles identités, les entrepreneurs de migration.

· conflit : ethnicité, frontière d'inclusion/exclusion.

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo