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L'incrimination du délit d'initié en France. Atouts et faiblesses d'une répression

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par Pierre ROCAMORA
Faculté de droit et science politique, Université Paul Cézanne Aix-Marseille III - Master 2 prévention et répression de la délinquance économique et financière 2007
  

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Faculté d'Economie Appliquée & Faculté de Droit

Centre d'Etudes des Techniques Financières et d'Ingénierie - CETFI

Centre de Recherche en Matière Pénale Fernand Boulan

Groupe Européen de Recherche sur la Délinquance Financière et la Criminalité Organisée

L'INCRIMINATION DU DELIT D'INITIE EN FRANCE:

ATOUTS ET FAIBLESSES D'UNE REPRESSION

Master II professionnel Economie-Droit, spécialité :

« Prévention & répression de la délinquance financière

et de la criminalité organisée »

Pierre ROCAMORA

SOMMAIRE

Introduction..................................................................................4

I : Un dispositif législatif exhaustif .....................................................8

A : Eléments constitutifs du délit......................................................8

1. Elément matériel...................................................................8

2. Elément moral.....................................................................13

B : Personnes concernées............................................................14

1. Personnes physiques..............................................................14

2. Personnes morales................................................................16

II : L'euphémisation de la répression en matière de délits boursiers..............17

A : La dualité des poursuites...........................................................18

B : Enjeux situationnels................................................................21

Conclusion.................................................................................26

INTRODUCTION

« Is white Collar Crime a Crime? » le crime en col blanc est-il un crime comme les autres ? , s'interrogeait déjà, en 1945 le sociologue Edwin H. Sutherland dans un article publié par l'American Sociological Review1(*). Plus de cinquante ans plus tard, malgré l'accumulation répétée d'affaires exemplaires, cette délinquance économique et financière continue de bénéficier d'une image de moindre gravité, et ceux qui sont poursuivis pour de tels faits campent le plus souvent sur une position de déni. Un début d'explication nous est fourni par l'argumentation de certains spécialistes -juristes et acteurs du monde des affaires- qui consiste à dire que si la délinquance « ordinaire », celle qui porte atteinte aux personnes, aux biens et à l'autorité de l'Etat, constitue une menace réelle, la délinquance économique et financière n'est qu'artificielle. Elle ne reposerait sur aucune intention nuisible, ne révèlerait aucune dangerosité particulière et ne causerait pas de victimes identifiables. Toute action répressive à leur égard serait donc sans objet. Il en ressort ainsi une minimisation systématique de ces comportements, comme si cette forme de délinquance financière n'en était pas vraiment une.

La criminalité économique et financière désigne de manière générale toute forme de criminalité non violente qui a pour conséquence une perte financière2(*).

Cette forme particulière de criminalité couvre ainsi une large gamme d'activités illégales telles que l'abus de biens sociaux, la corruption, la fraude fiscale, le blanchiment, ou encore le délit d'initié. C'est cette dernière incrimination qui retiendra notre attention.

Un des principes directeurs en matière boursière est le principe d'égalité sur le marché entre les investisseurs. L'égalité des investisseurs est essentiellement une égalité d'information. Elle est rompue si certains d'entre eux savent ce que les autres ignorent. Afin que cette égalité soit respectée, et que les différents acteurs financiers accordent leur confiance aux entreprises du marché, le législateur a décidé d'établir des normes qui régissent l'ensemble des transactions boursières. Il existe ainsi en droit français un dispositif complet prévoyant et réprimant les comportements déviants sur les marchés.

C'est suite aux divers scandales politico financier survenus aux Etats-Unis vers la fin des années 1960, que le décideur public est intervenu afin de réglementer les différentes opérations effectuées sur le marché boursier. Intervention qui s'est traduite par la création d'un organe, un « gendarme de la bourse », la Commission des opérations de bourse3(*) (COB), chargée de veiller au bon fonctionnement du marché. Cet organe administratif ayant fait l'objet des critiques les plus acerbes, et ayant démontré son incapacité à exercer ses missions en conformité notamment avec l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme4(*) (CEDH), fut remplacé par l'Autorité des marchés financiers (AMF), en 20035(*). C'est dans ce cadre que la surveillance actuelle des transactions boursières s'effectue, surveillance complétée par des incriminations réprimant des comportements déviants. Au rang de ces incriminations, la plus connue des infractions est le délit d'initié.

La première incrimination connue sous le nom de « délit d'initié » est due à la loi du 22 décembre 1970 (art. 70-1) dont les dispositions ont été insérées dans l'article 10-1 de l'ordonnance du 28 septembre 1967. Elle sanctionnait l'utilisation illicite d'informations privilégiées par les personnes qui en disposent à titre professionnel. Cette infraction était destinée à punir ceux qui faussent le jeu du marché et l'égalité qui doit régner entre tous ceux qui désirent opérer en bourse. L'actuel règlement général de l'AMF définit le manquement d'initié à travers sont article L.622-1, lequel déclare que « Toute personne mentionnée à l'article 622-2 doit s'abstenir d'utiliser l'information privilégiée qu'elle détient en acquérant ou en cédant, (Arrêté du 30 décembre 2005) ou en tentant d'acquérir ou de céder, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, soit directement soit indirectement, les instruments financiers auxquels se rapporte cette information ou les instruments financiers auxquels ces instruments sont liés ».

 Ce dispositif est complété par l'article 621-1 du règlement général de l'AMF qui vient préciser ce que l'on doit entendre par la notion d'information privilégiée. Enfin, l'infraction pénale du délit d'initié est prévue par l'article 465-1 du Code monétaire et financier.

Ladite disposition énonce qu' « Est puni de deux ans d'emprisonnement et d'une amende de 1 500 000 euros dont le montant peut être porté au-delà de ce chiffre, jusqu'au décuple du montant du profit éventuellement réalisé, sans que l'amende puisse être inférieure à ce même profit, le fait, pour les dirigeants d'une société mentionnée à l'article L.225-109 du Code du commerce, et pour les personnes disposant, à l'occasion de l'exercice de leur profession ou de leurs fonctions, d'informations privilégiées sur les perspectives ou la situation d'un émetteur dont les titres sont négociés sur le marché réglementé ou sur les perspectives d'évolution d'un instrument financier admis sur un marché réglementé, de réaliser ou de permettre de réaliser, soit directement, soit par personne interposée, une ou plusieurs opérations avant que le public ait connaissance de ces informations ». Les alinéas 2 et 3 du même article énonce les autres personnes susceptibles de voir leur responsabilité engagée, avec une variation quant à la peine d'emprisonnement, qui ne peut excéder pour ces personnes, un an ferme.

Une des affaires qui a porté le délit d'initié à la connaissance du public est sans aucun doute l'affaire PECHINEY-TRIANGLE, dont les faits remontent à 19886(*). Malgré la sévérité des réquisitions du procureur de la république Jean-Claude MARIN, qui dénonçait alors « la voyoucratie de l'argent sale7(*) », les peines prononcées à l'encontre des prévenus furent relativement légères.

Avant cette ultime étape du procès, les organes poursuivant vont se heurter à différentes difficultés, notamment en matière de détection de l'infraction, mais également d'établissement de la preuve. Mais au-delà de ces barrières procédurales, se pose d'autres interrogations, dont une en particulier, à laquelle nous nous efforcerons de répondre.

Dans quelle mesure la réponse pénale donnée à l'infraction de délit d'initié, nonobstant un dispositif législatif satisfaisant, n'est pas assurée convenablement ?

Par conséquent, il conviendra dans un premier temps, d'étudier le dispositif législatif encadrant cette incrimination (I), dans le but d'en apprécier l'étendue et la portée. Ensuite, nous nous questionnerons sur les raisons qui entraînent un adoucissement de la répression en matière de délit d'initié (II), notamment en ce qui concerne la dualité des poursuites et les enjeux situationnels gravitant autour de l'infraction.

* 1 M. Pierre LASCOUMES, « Les privilèges de la délinquance économique et financière », Alternatives économiques n° 65 -Hors série- Le capitalisme-2005, p48.

* 2 Définition de la criminalité économique et financière proposée lors du onzième congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et la justice pénale des 18-25 avril 2005, Bangkok (Thaïlande).

www.11uncongress.org

* 3 La C.O.B a été instituée par l'ordonnance n°67-833 du 28 septembre 1967 sur le modèle de la sécurities exchange commission (SEC), née en 1933. Autorité de régulation des marchés financiers, crée pour encadrer de manière satisfaisante les rapports économiques, et donner des solutions pertinentes à des situations nouvelles auxquelles les administrations traditionnelles ne sont pas bien adaptées.

* 4 La jurisprudence de la CEDH a condamné à plusieurs reprises les procédures de sanctions émanant de la COB, car ne respectant pas les exigences du procès équitable, exigences aux rangs desquelles figurent le principe du respect des droits de la défense.

* 5 L'autorité des marchés financiers a été crée par la loi n°2003-706 dite de sécurité financière du 1er août 2003, et installée le 24 novembre de la même année. L'AMF résulte de la fusion de la Commission des opérations de bourse (COB), le Conseil des marchés financiers (CMF) et le Conseil de discipline de la gestion financière (CDGF).

* 6 Il s'agissait dans cette affaire du rachat de la firme américaine TRIANGLE par le géant français de l'aluminium PECHINEY. Plusieurs financiers et hommes politiques étaient suspectés d'avoir communiqué ou reçu des informations privilégiées sur cette opération. Les actions de TRIANGLE sont passées de 8 à 52 dollars à l'occasion du rachat. C'est suite à cette affaire que l'ancienne COB sera investie du pouvoir de sanction.

* 7 Bruno PEUCHAMIEL, L'humanité, 27 avril 1994.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand