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Peuples autochtones et droit au développement au Cameroun. Cas des pygmées Baka de l'est

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par Marielle KOLOKOSSO
Université catholique d'Afrique Centrale Yaoundé - Master en droits de l'homme et action humanitaire 2010
  

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UNIVERSITÉ CATHOLIQUE D'AFRIQUE CENTRALE

INSTITUT CATHOLIQUE DE YAOUNDE

FACULTE DE SCIENCES SOCIALES ET DE GESTION

Association pour la Promotion des Droits de l'Homme en Afrique Centrale

Master 2 Droits de l'homme et action humanitaire

---------------------------------------------------------------------

THEME :

PEUPLES AUTOCHTONES ET DROIT AU

DEVELOPPEMENT AU CAMEROUN : cas des pygmées baka de l'Est Cameroun

Année académique 2009-2010

Mémoire rédigé et soutenu publiquement en vue de l'obtention du Master droits de l'homme et action humanitaire

Par :

KOLOKOSSO O. Marielle

Licence en Sciences Sociales

Sous la direction de :

Pr. Bernard-Raymond GUIMDO DONGMO

Agrégé des Facultés de droit

Maître de conférences à l'Université de Yaoundé II-Soa

Maître de conférences à l'Université Catholique d'Afrique centrale

DEDICACE

A

notre grand-mère bien aimée,

Mme BOUAGNIMBEKE née BEHEMI Odile

REMERCIEMENTS

La réalisation de ce travail a connu le concours de plusieurs personnes qu'il convient de remercier à juste titre.

- Au Seigneur Dieu Tout Puissant qui nous a donné la vie, le mouvement et l'être et sans qui ce travail n'aurait pas vu le jour ;

- Au Pr. GUIMDO pour sa disponibilité, son sens critique et pour avoir accepté de diriger ce travail ;

- Au Pr BOUKONGOU, qui nous a offert l'opportunité de recevoir une formation en droits de l'homme à l'APDHAC et pour tous les moyens mis à notre disposition pour notre réussite ;

- A M. BIGOMBE LOGO Patrice dont les conseils ont été bénéfiques et déterminants pour la réalisation de cette étude ;

- A Mme AYE MONDO Hélène et M. OMGBA Magloire, pour leur disponibilité et leur accueil à Abong Mbang, à Missoumé et à Kwamb;

- A nos parents M. et Mme KOLOKOSSO A BEDIANG, pour leur amour, attention et dévotion à notre endroit, qui ne ménagent aucun effort pour notre épanouissement et notre réussite ;

- A toute notre famille, particulièrement à M. et Mme NDAYI MPINDA pour leur abondante assistance et à M. MEFOUTE BADIANG Alphonse, pour l'apport considérable fourni pour ce travail ;

- A nos amis les plus chers, pour les prières et les encouragements, en particulier à MBALLA AMBELA Pierre Claude et NGUEULEU Isidore ;

- A nos camarades pour l'ambiance maintenue tout au long de l'année et pour toutes les expériences partagées.

RESUME

Les peuples autochtones font partie de la tranche de la population mondiale la plus pauvre. De ce fait, la Communauté internationale toute entière lutte pour l'amélioration de leurs conditions de vie par le biais du développement. En effet, le droit au développement, droit de la troisième génération, est intimement lié à la lutte contre la pauvreté et apparait comme la solution pour améliorer les conditions de vie des peuples autochtones en général et des pygmées baka en particulier. Toutefois, les textes internationaux qui consacrent le droit au développement au profit des pygmées baka exigent que les acteurs du développement intègrent pleinement la dimension liée à leur dignité humaine dans la réalisation de leur développement, au même degré que celle ayant trait à l'accès au bien être.

Le Cameroun reconnait un droit au développement aux pygmées baka, en tant que citoyens camerounais. De ce fait, un certain nombre de prérogatives leur sont reconnues. Or, les pygmées baka de par leurs particularités nécessitent une protection spéciale, pour que le droit au développement soit pleinement réalisé à leur profit. Sans cette protection, sa mise en oeuvre devient difficile et partielle. En observant les pygmées baka de Missoumé, l'on constate que la primauté est accordée à l'accès au bien être, négligeant de ce fait la dimension liée à leur dignité humaine. Les conséquences immédiates sont l'acculturation qu'ils subissent et la dépendance qu'ils développent vis-à-vis des donateurs. La mise en oeuvre du droit au développement au profit des pygmées baka de l'Est s'avère donc limitée, et nécessite que des réformes soient au plus tôt adoptées pour que ce peuple puisse jouir du développement, dans le respect de ses spécificités.

Mots clés : Développement, Peuples autochtones, pygmées baka, droit au développement, acculturation, protection, Cameroun, spécificités culturelles, dignité humaine, lutte contre la pauvreté.

ABSTRACT

Indigenous peoples are one of the poorest groups of people in the world. Therefore, the entire international community is doing all in its power to improve on their living conditions through development. In effect, the right to development, a right for the Third Generation, is intimately linked to the fight against poverty and seems to be the answer to improving the living conditions of the indigenous people in general, and the Baka people in particular. However, the international instruments that ratify the right to development for the benefit of the Baka people requires that the development actors fully integrate the dimension of human dignity in achieving development for them to the same degree as that of access to their well being.

Cameroon recognizes the right to development for the Baka pygmies, as citizens of Cameroon. However, the Baka people due to their peculiarities require special protection for them to fully benefit from the right to development. Without this protection, the implementation of the right to development for their benefit will be difficult and incomplete. Observing the Baka of Missoumé, it was noticed that emphasis is put on access to their well being, and the dimension of human dignity is neglected. The immediate consequences are that they suffer from acculturation and they develop dependence vis-à-vis donors. The implementation of the right to development for the Baka pygmies of Eastern region is very demanding, and calls for reforms as early as possible so that people can enjoy this development, while respecting its specificity.

Key words: Development, Indigenous Peoples, Baka Pygmies, Right to development, acculturation, protection, Cameroon, cultural specificities, human dignity, fight against poverty.

SIGLES ET ABREVIATIONS

ASEDEF : Association pour la Scolarisation Des Enfants de la Forêt

C169 : Convention n°169 de l'OIT relative aux peuples indigènes et tribaux

CADDAP : Centre d'Action pour le Développement Durable des Autochtones Pygmées

CADHP : Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples

CERAC : Cercle des Amis du Cameroun

CPLE : Consentement Préalable, Libre et Eclairé

DDPA : Déclaration sur les Droits des Peuples Autochtones

DRSP : Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté

GIC : Groupement d'Intérêt Commun

JIPA : Journée Internationale des Peuples Autochtones

MBOSCUDA: Mbororo Social and Cultural Development Association

MINADER : Ministère de l'Agriculture et du Développement Rural

MINAS : Ministère des Affaires Sociales

MINEDUB : Ministère de l'Education de Base

ODM : Objectifs du Millénaire pour le Développement

OIT : Organisation Internationale du Travail

ONG : Organisation Non Gouvernementale

PNDP : Plan National de Développement Participatif

PPAV : Plan pour les Peuples Autochtones et Vulnérables

RFA : Redevances forestières annuelles

SOMMAIRE

INTRODUCTION GENERALE 9

PREMIERE PARTIE : LA RECONNAISSANCE EFFECTIVE DU DROIT AU DEVELOPPEMENT AU PROFIT DES PYGMEES BAKA DE L'EST 25

Chapitre I: La Consécration du droit au développement des peuples autochtones au plan international 26

Section 1: Le développement fondé sur les droits de l'homme et les peuples autochtones 26

Section 2: Les peuples autochtones bénéficiaires de droits 35

Chapitre II: La consécration du droit au développement au profit des peuples autochtones au niveau national 43

Section 1: L'inclusion du développement fondé sur les droits de l'homme dans la législation camerounaise. 43

Section 2 : La protection de l'«accès au bien-être » dans la législation camerounaise 50

CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE 56

SECONDE PARTIE : LA MISE EN OEUVRE PARTIELLE DU DROIT AU DEVELOPPEMENT PAR LES PYGMEES BAKA De l'EST 57

Chapitre I: La jouissance relative du droit au développement dans l'Est du Cameroun......... 59

Section 1: La primauté accordée à l'accès au bien être 59

Section 2: Les tendances timides de prise en compte de la dignité humaine des baka et impact des actions de développement 66

Chapitre II : 75

Section 1: Les difficultés d'ordre juridique et politique 75

Section 2: Les difficultés d'ordre sociologique et culturel 78

CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE 82

CONCLUSION GENERALE 83

BIBLIOGRAPHIE 87

ANNEXES 90

TABLE DES MATIERES 115

=

INTRODUCTION GENERALE

Les questions relatives aux populations autochtones sont au centre des débats sur la scène internationale. Cela s'illustre aisément par toute l'attention portée à leur endroit par la Communauté internationale. C'est ainsi que l'Assemblée Générale des Nations Unies a proclamé la période 2005-2014  Deuxième décennie des Nations Unies pour les populations autochtones.

Aussi, depuis quelques années, l'objectif est de développer les pays, et de faire bénéficier au peuple l'essentiel de ce développement. L'accès au développement constitue aujourd'hui une nécessité qui interpelle chaque pays. Ainsi, les Etats mobilisent pour y parvenir, tous les secteurs de la société : politique, économique, social, et même juridique. L'on observe de ce fait le déploiement des acteurs étatiques et des acteurs de la société civile à travers des politiques de développement menées au sein des Etats1(*). Dans le domaine juridique, le droit au développement est consacré par plusieurs textes. Il s'agit entre autres de la Charte des Nations Unies, la Déclaration Universelle des droits de l'homme, le Pacte International des Nations Unies relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Déclaration sur le droit au développement.

Faisant partie intégrante des Etats dans lesquels ils se trouvent, les peuples autochtones doivent eux aussi bénéficier du développement et participer à sa réalisation. Mais, de par leurs spécificités et leur identité à préserver, la problématique du développement des peuples autochtones est sujette à de réelles controverses. Ainsi, dans le souci de faire ressortir et d'étudier les enjeux et implications du développement pour cette catégorie de peuples, la contribution proposée, portant sur Peuples autochtones et droit au développement trouve toute sa pertinence.

I. CONTEXTE DE L'ETUDE

Il convient, dans le souci de cadrer le sujet, de se pencher d'une part sur le contexte politico-juridique (A), puis d'autre part sur le contexte socio-économique (B).

A- Contexte politico-juridique

Le droit au développement en Afrique est garanti par plusieurs textes, démontrant l'importance du développement dans le monde en général et sur la scène juridique africaine en particulier. La Charte Africaine des droits de l'homme et des Peuples fait partie de ces textes. En effet, en son article 22, alinéa 2, elle stipule : « les Etats ont le devoir, séparément ou en coopération, d'assurer l'exercice du droit au développement ». Le développement est assuré par les textes nationaux et internationaux à tous les peuples et à chaque citoyen appartenant à un Etat, sans acception de tribu, de langue, de race, de religion. Ainsi, même les populations autochtones appartenant à un Etat peuvent se prévaloir du droit au développement.

Comme le développement, les peuples autochtones font aussi l'objet d'une attention particulière de la part des Etats. Et à ce jour, il existe un instrument international qui traite exclusivement des droits des populations autochtones. Il s'agit de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones de 2007. La Déclaration complète et enrichit par ses principes d'autres instruments internationaux tels que la Convention (n°169) de l'OIT2(*) relative aux peuples indigènes et tribaux de 1989. Celle-ci porte sur de nombreuses questions, y compris les droits fonciers, l'accès aux ressources naturelles, la santé, l'éducation, la formation professionnelle, les conditions d'emploi et les contacts transfrontaliers.

Au Cameroun, le droit au développement et la protection des droits des populations autochtones sont garantis par le préambule de la Constitution de la République du Cameroun du 18 janvier 1996. Il dispose que l'Etat du Cameroun « affirme son droit au développement ainsi que sa volonté de consacrer tous ses efforts pour le réaliser ;

assure la protection des minorités et préserve les droits des populations autochtones conformément à la loi ; ». Ainsi, tous les citoyens camerounais et en particulier les peuples autochtones, voient leur protection et leur développement assurés. Mais, il est dommage de constater, avec J.D. BOUKONGOU, que « les constitutions africaines garantissent des promesses que les dieux installés au pouvoir ne sont pas souvent pressés de réaliser »3(*). C'est à croire qu'ils adhèrent à la ratification des textes pour attirer la sympathie des organismes internationaux et non par souci de venir en aide aux populations. Car, concernant la mise en oeuvre du droit constitutionnel au développement, la réalité est toute autre. Les rapports faisant état de la situation des peuples autochtones les présentent comme vulnérables, marginalisés et exploités par la population dominante et ne sont pas représentés aux instances de prise de décision (parlement, mairie...). En outre, les populations autochtones et particulièrement les Pygmées, n'ont pas accès à l'état civil. Or, sans pièces d'identification, sans actes civils de naissance, mariage ou décès, sans inscription sur aucune liste de recensement, ils sont en fait sans identité aux yeux de la loi. Pour cette raison, ils ne peuvent ni participer de manière active à la vie sociale ou politique, ni porter ester en justice pour des dommages subis, ni bénéficier d'accès aux soins médicaux ou à la scolarisation.

Malgré la protection qu'assurent les textes internationaux et nationaux, l'effectivité de cette protection reste encore douteuse. En effet, les peuples autochtones rencontrent de nombreux problèmes tant sur le plan social qu'économique.

B- Contexte socio-économique

Il est important de relever la diversité des termes utilisés par l'Etat camerounais pour désigner les peuples autochtones. Sa Constitution utilise le terme « autochtone ». Il en est de même du Plan national de développement participatif et du Plan pour les peuples autochtones et vulnérables conçu dans le cadre du projet pipeline. Le texte portant organisation du ministère des Affaires sociales fait quant à lui usage des termes « populations marginales ». Le même terme est repris dans le rapport périodique du Cameroun au Comité des Nations Unies sur les droits de l'enfant.

Cette appellation « populations marginales », entretient le « flou » qui existe autour de la détermination du statut d'autochtone. Car, plusieurs peuples ne cessent de se prévaloir le statut de populations marginales, et réclament ainsi la protection de l'Etat. Mais au Cameroun, la CADHP selon des critères bien définis, reconnait deux peuples comme autochtones. Il s'agit des Mbororos et des Pygmées.

Les Mbororos vivent dans l'Est, le Nord-Ouest, l'Adamaoua, le Sud-Ouest et le Centre. Ils sont environ 800 000 personnes et sont regroupés au sein de l'association MBOSCUDA.

Les populations pygmées sont réparties au Cameroun en trois grands groupes ethniques. Les bakas, les Bagyélis/Bakolas et les Bedzangs repartis dans les provinces du Sud, de l'Est, et du Centre. Ils comptent environ 50 000 personnes, soit 0,4% de l'ensemble de la population du pays.

Mais, qu'ils soient Mbororo ou Pygmées, la situation des peuples autochtones restent alarmante. En effet, la Commission africaine sur les peuples autochtones d'Afrique a fait le point sur la situation des droits humains des peuples autochtones en Afrique4(*). Il ressort de leurs travaux que, bien que la situation des droits humains en Afrique soit diverse, complexe et varie de pays en pays, elle montre également des similarités remarquables. En effet, les peuples autochtones d'Afrique revendiquent leur droit à la terre, à la santé, à l'éducation, souffrent de discrimination, et sont victimes du déni de justice, de la violation de leurs droits culturels. Cette présentation de la situation globale des droits des peuples et communautés autochtones en Afrique montre d'une part l'importance que revêt ce problème et d'autre part l'urgence de la protection des droits des populations autochtones. Toutefois, il faut noter le progrès de certains pays en ce qui concerne la reconnaissance des droits culturels, la reconnaissance constitutionnelle et des politiques de développement. Parmi ces pays, l'on peut citer l'Afrique du Sud, l'Algérie, le Maroc, le Mali, la République du Congo, le Burundi et le Cameroun.

Fort heureusement, l'Etat n'est pas le seul acteur motivé par le désir d'assurer le développement aux populations autochtones. Les Organisations non Gouvernementales et les Eglises jouent elles aussi un rôle important dans la promotion et la protection des minorités et des peuples autochtones. Plus proches des populations, elles participent fréquemment aux médiations et sont à même de sensibiliser l'opinion publique aussi bien internationale que nationale lorsque les droits des peuples autochtones sont négligés et violés5(*). Elles servent d'intermédiaires pour les groupes opprimés, et participent activement à leur croissance, épanouissement et développement.

La mise en contexte ainsi effectuée, il convient de circonscrire l'étude.

II. DELIMITATION DE L'ETUDE

Dans l'optique d'établir des bases et de circonscrire ce travail, il est important de procéder à une délimitation spatiale (A) temporelle (B) et matérielle (C).

A- Délimitation spatiale

L'espace choisi pour mener cette étude se situe dans la région de l'Est Cameroun, arrondissement d'Abong Mbang, communauté de Kwamb où l'on retrouve les pygmées Baka. Le choix s'est porté sur cette région parce que l'on y observe un déploiement de divers acteurs oeuvrant dans le souci de l'amélioration des conditions de vie des pygmées (Etat, société civile, Eglises, etc.). Cela va permettre d'observer les diversités d'approches de ces acteurs face au peuple Baka, et la diversité d'effets que ces approches auront sur eux.

B- Délimitation temporelle

Sur le plan temporel, l'année 1996 constituera le point de départ de l'étude car, c'est l'année de la révision de la Constitution, dans laquelle l'Etat camerounais se réaffirmait garant du droit au développement et préservant les droits des peuples autochtones. Pour ce faire, il mettait en place un certain nombre d'initiatives. Cette étude se situera donc entre les années 1996 et 2010, afin de recueillir le maximum d'informations.

C- Délimitation matérielle

Pour réaliser l'étude portant sur les peuples autochtones et le droit au développement au Cameroun, il est nécessaire de s'appesantir d'une part sur le Droit International des droits de l'homme, qui inclut les différents instruments cités plus haut, c'est-à-dire ceux garantissant le droit au développement et les droits des peuples autochtones. Il s'agit de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, la Déclaration des Nations Unies sur le droit au développement, la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, la Convention n°169 de l'Organisation Internationale du Travail sur les peuples indigènes et tribaux.

D'autre part, il convient de se référer aussi au droit interne, notamment le droit constitutionnel camerounais, le droit administratif, le droit de l'environnement, ainsi que les décrets d'application et lois s'y référant.

III. DEFINITION DES CONCEPTS

Dans l'optique de mieux cerner et comprendre le sujet, il est important de définir les expressions « Peuples autochtones » et « droit au développement ».

A- Peuples autochtones

Il n'existe pas de consensus global pour une définition universelle de la notion de peuples autochtones, et il est généralement admis aujourd'hui qu'il n'est pas nécessaire de disposer d'une définition universelle officielle pour reconnaître et protéger leurs droits.

La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones de 1992 ne donne pas de définition. La raison avancée par le Groupe de travail sur les populations autochtones est que des définitions strictes seront susceptibles d'empêcher des groupes reconnus comme tels dans les pays de jouir des droits reconnus dans ladite Déclaration. Toutefois, l'on retrouve une tentative de définition dans l'étude relative au Problème de la discrimination contre les populations autochtones6(*), réalisée par José Martinez Cobo. Celle-ci fait ressortir quatre critères d'identification : la continuité de l'occupation d'un territoire remontant avant la colonisation, l'auto identification, la non-dominance ou la vulnérabilité, la volonté de conserver leur territoire et de perpétuer leur identité ethnique à travers leurs institutions et leur culture. Mais, cette définition présente des inconvénients, notamment du fait qu'elle limite la reconnaissance de la qualité d'autochtones et subjectivise l'appréciation des caractéristiques culturelles, sociales et économiques7(*).

Par ailleurs, la Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples8(*) (CADHP), retient que les caractéristiques permettant d'identifier les populations autochtones d'Afrique sont : la marginalisation, la discrimination, la différence culturelle et l'auto identification. Ainsi, les peuples africains qui appliquent le terme autochtone se répartissent entre différents systèmes économiques, se différencient tous par leurs cultures, leurs institutions sociales et leurs systèmes religieux. De plus, leur culture et leur mode de vie diffèrent considérablement de ceux de la société dominante, leur culture est menacée, parfois même en risque d'extinction. La survie de leur mode spécifique d'existence dépend directement de l'accès et des droits liés à leur territoire traditionnel et aux ressources naturelles qui s'y trouvent. Ils souffrent de discrimination car ils sont considérés comme moins développés et moins avancés que d'autres groupes plus dominants de la société. Ils vivent souvent dans des régions difficiles d'accès, géographiquement isolées, et souffrent de différentes formes de marginalisation, à la fois politique et sociale. C'est sur cette base que les pygmées et les mbororos sont considérés comme autochtones au Cameroun.

L'on retiendra donc que les peuples autochtones sont des peuples qui se distinguent des autres peuples de la communauté nationale par leurs conditions sociales, culturelles et économiques, qui s'identifient comme tels et ont à coeur de préserver leurs différences culturelles.

B- Droit au développement

L'article premier de la Déclaration9(*) donne une définition satisfaisante du droit au développement et mérite de ce fait qu'on s'y arrête. Il fait ressortir les trois aspects principaux du droit au développement, à savoir le droit de participer et de contribuer à un développement dans lequel tous les droits de l'homme et toutes les libertés fondamentales puissent être pleinement réalisés, le droit de bénéficier de ce développement, et le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.

De plus, dans le préambule de cette déclaration, le sens du concept « développement » est lui-même précisé comme « un processus global, économique, social, culturel et politique, qui vise à améliorer le bien être de l'ensemble de la population et de tous les individus. »10(*) C'est dire que le processus du développement englobe tous les aspects. L'on ne saurait parler de développement après ou sans avoir amélioré un seul de ces aspects. Il s'agit d'éliminer ainsi le paradoxe suivant lequel malgré les formidables progrès de la science et des techniques et la vertigineuse augmentation de la productivité, et des biens disponibles, les conditions de vie d'une bonne partie de l'humanité sont chaque jour de plus en plus déplorables.

Dans cette étude, il convient de considérer le droit au développement sous deux aspects : d'une part, celui de la participation, la contribution d'un peuple au développement, et d'autre part celui du bénéfice qu'en tire ce peuple. Ainsi, le droit au développement est le droit qu'a chaque peuple de participer à la réalisation du développement dans l'Etat auquel il appartient, et de bénéficier de ce développement.

S'agissant des peuples autochtones, leur assurer le droit au développement revient donc à les laisser définir et décider de leurs propres priorités de développement. Cela signifie qu'ils ont le droit d'exercer un contrôle sur leur propre développement économique, social et culturel, d'être consulté et de participer, de voir réaliser des évaluations de l'impact des projets, de bénéficier des projets de développement, de posséder et utiliser leurs terres, territoires et ressources11(*).

Après avoir cerné les concepts clés, il est plus aisé de déceler et de présenter l'intérêt que revêt cette étude.

IV. INTERET DE L'ETUDE

L'étude de ce thème de recherche revêt un double intérêt : scientifique (A) et social (B).

A- L'intérêt scientifique

Ce travail permettra de contribuer à la dynamique des projets, enseignements et recherches axée vers l'amélioration des conditions de vie des peuples autochtones en général et des pygmées baka en particulier.

Dans un pays miné par la pauvreté, la problématique du développement s'est installée peu à peu au centre des débats et des recherches économiques, sociales, et même humaines. En effet, il existe de nombreuses controverses à propos du droit au développement, car l'on ne sait pas exactement ce qu'il renferme et comment l'appliquer aux peuples autochtones. La compréhension de cette notion s'avère pourtant nécessaire pour lutter efficacement contre la pauvreté. Ce travail permettra donc de clarifier dans quel cadre s'inscrit le développement des peuples autochtones. Par ailleurs, il permettra de faire ressortir les manquements et les insuffisances à intégrer dans les plans de développement de cette catégorie de personnes.

B- L'intérêt social

Le développement vise l'amélioration des conditions de vie et par là, l'épanouissement d'un peuple. Ainsi, sur le plan social, ce travail vise à son tour l'épanouissement des peuples autochtones et particulièrement des pygmées pour un meilleur développement à leur égard. A cet effet, il contribuera à les renseigner sur les droits dont ils sont titulaires en matière de développement, afin de jouir pleinement de leur citoyenneté.

De plus, il vise aussi à attirer l'attention des acteurs du développement des pygmées, sur l'importance de l'aménagement d'un cadre de protection adéquat et efficace, et sur l'attention particulière qui doit leur être portée. Ils doivent pour cela prendre conscience de la particularité des pygmées et des dangers que ces derniers courent face à un développement qui ne respecte pas leurs spécificités.

V. REVUE DE LITTERATURE

La question des peuples autochtones et de leur développement a fait couler beaucoup d'encre, mais dans le cadre de ce travail, il sera retenu quelques auteurs dont les écrits sont marquants et bénéfiques pour la compréhension de ce sujet.

Dans son ouvrage intitulé Pygmée Baka : le droit à la différence, au quatrième Chapitre, le Pr Sévérin Cécile ABEGA montre que l'Etat a le souci d'intégration des pygmées pour les rendre autonomes et responsables. Cela passe par les trois secteurs que sont l'agriculture, la santé et l'école. L'Etat ne perd pas de vue dans ces actions que les citoyens sont égaux en devoirs et en droits, mais peu de moyens sont dégagés. L'Etat reste donc pour le Baka une présence externe dans la mesure où il n'y reconnait pas sa place. Son rapport à cet organe est dramatique, parfois même violent. A la limite, l'Etat devient un organe parasitaire parce qu'il prend et ne semble pas donner, parce qu'il exige, s'impose, accapare sans retour perceptible12(*).

C'est dire que, malgré les actions que l'Etat entreprend dans le souci d'intégration et de développement des populations autochtones, il demeure toujours un étranger pour elles. Cela donne l'impression que les agents étatiques viennent imposer leur système de vie.

Cette analyse est d'une grande importance pour cette étude parce qu'elle permet de mettre en exergue une des raisons pour lesquelles les pygmées, malgré les actions entreprises pour promouvoir leur développement, se retrouvent toujours comptés parmi les plus pauvres et ne sortent pas de leur vie précaire. Pour pallier cette difficulté, le Pr. ABEGA propose l'instauration du dialogue pour résoudre ce problème. L'auteur ne s'est pas appesanti, mais il est perçu que même entre les pygmées et les autres acteurs du développement, il existe aussi des incompréhensions. Ce qui amène à penser que quelque soit l'acteur engagé dans le processus de développement, c'est au niveau de la mise en oeuvre des Programmes que se situe le problème. Cela présente des axes pour analyser le développement des baka de l'est et propose à cette étude des perspectives pour améliorer les pratiques de développement.

Cet auteur malgré son analyse, n'a pas fait ressortir l'aspect juridique, c'est-à-dire qu'il a présenté les faits sans interroger les textes à propos. Mais, il s'est contenté de l'aspect sociologique, lacune que cette étude se propose de combler.

Dans son article13(*), Gertrude KANA BELLA défend l'idée selon laquelle imposer un mode de vie à l'instar de l'agriculture aux pygmées Baka les contraint à abandonner leurs traditions, en ce qu'elles ont de valable et de précieux. Ainsi, il n'est pas mauvais de vouloir développer et intégrer les Baka, mais cela exige beaucoup de « tact, de respect pour ce peuple, et beaucoup de patience pour chercher avec eux, ce qu'ils pensent être bon pour eux ».

L'article de KANA BELLA promeut la préservation des droits spécifiques des peuples autochtones. Elle montre que les pygmées ne doivent pas subir leurs changements, mais doivent y participer en guidant les acteurs sur leurs choix. Car, comme le précise encore l'auteur, « on ne peut pas inconsidérément faire passer un peuple d'un style de vie à un autre sans risque de le détruire »14(*). Cela voudrait vraisemblablement dire que l'on ne peut pas imposer aux pygmées une vie moderne et citadine, sans courir le risque qu'ils soient complètement détruits.

Toutefois, l'auteur n'a pas poussé son analyse pour démontrer comment les actions entreprises contribuent à la destruction de la culture pygmée, quelles sont ces actions et quel est leur impact dans la vie culturelle des peuples pygmées. De plus, l'auteur prétend adresser son propos aux églises, à ceux qui se sont donné pour mission d'évangéliser les pygmées. Or, ce ne sont pas ces missionnaires qui imposent principalement aux pygmées l'agriculture ou autre mode de vie sédentaire. C'est donc pour cette raison qu'il aurait fallu impliquer les autres acteurs tels que l'Etat et les Organisations Non Gouvernementales, en faisant ressortir leurs responsabilités. Enfin, le titre de l'article parle de « Justice », mais il n'est pas fait mention une seule fois du lien entre la nécessité de respecter les particularités des Baka et la justice.

Cet article s'est contenté de survoler la question des spécificités sans la creuser, mais, il garde néanmoins une grande importance, car l'auteur a côtoyé les pygmées quotidiennement et apporte des conseils sur la manière de contribuer à leur intégration et leur développement. C'est ainsi qu'elle apprend qu'il est important de se munir de patience et de promouvoir le dialogue avec les autochtones dans le processus de leur intégration et de leur développement. Cela permettra de proposer des perspectives satisfaisantes aux acteurs du développement des pygmées baka.

Pour Patrice BIGOMBE LOGO15(*), les pygmées se modernisent petit à petit, tant sur les plans social et politique, que culturel et économique, et leur vie oscille aujourd'hui entre la tradition et la modernité. Cette adoption de nouveaux modes de vie qui cohabitent avec les modes de vie traditionnels a été favorisée par le processus de sédentarisation amorcé vers la fin du XIXe siècle, ainsi que par le développement des relations avec le monde extérieur. Ainsi pour l'Etat camerounais, l'accès au développement et à la modernisation passe obligatoirement par la sédentarisation des populations pygmées.

Toutefois, l'auteur affirme que « le trouble a gagné les sociétés pygmées plus que jamais obligées de s'ajuster aux exigences de la modernité »16(*). C'est dire que, cette modernité que l'on croit bénéfique pour les pygmées contribue fortement à les déstabiliser. La problématique de la préservation de l'identité ressort ici. Car, le développement propre aux peuples autochtones implique que l'on change leurs modes de vie, tout en préservant leur identité.

A ce problème, l'auteur propose une solution. En effet, il suggère aux pygmées de reprendre l'essentiel de leurs structures traditionnelles dans les formes modernes, afin de pouvoir conserver leur identité. Mais, s'ils choisissent en revanche de se sédentariser et de pratiquer l'agriculture en se coupant totalement de leur éco-culture, qu'ils le veuillent ou non, ils perdront leur identité culturelle. Car, comme le défend E. DOUNIAS et A. FROMENT dans une étude réalisée sur la sédentarisation des pygmées17(*), cette dernière engendre un certain nombre de conséquences néfastes pour ces populations habituées au nomadisme. Elle compromet leur état de santé en favorisant la propagation d'agents pathogènes et en les exposant à de nouvelles maladies, elle cause de nouveaux troubles sociaux tels que l'alcoolisme, le tabagisme, le stress, la dépression et le SIDA.

Cette étude présente les inconvénients de la sédentarisation et du développement des pygmées, mais ne donne pas des pistes de solutions pour réussir à assurer le développement des pygmées, tout en préservant leurs spécificités et en évitant de les sédentariser. Car la transformation des modes de vie des pygmées « demeure incontournable et peut être nécessaire pour la survie des pygmées »18(*). Il ne faudrait pas penser un temps soit peu à ne pas développer les pygmées mais, il faudrait plutôt trouver des stratégies pour y arriver sans les compromettre. Et cela passe au préalable par une analyse minutieuse de leurs droits.

Pour ne pas perdre leur identité, Michael SINGLETON défend qu'il convient de réserver aux pygmées le droit de décider de leur avenir. Il affirme à cet effet que « Ce que les pygmées vont devenir dépend à la fois de ce qu'ils seront en mesure de décider eux-mêmes et de ce que les systèmes d'autres acteurs sociaux leur permettront de déterminer (...) Il est peu probable, et même à la limite, peu souhaitable, qu'ils se maintiennent tels qu'ils sont devenus aujourd'hui. Même si on arrivait à préserver la forêt et à faire d'eux les gestionnaires attitrés de celle-ci, de quel droit pourrait-on les empêcher de s'approprier, par exemple, un outillage performant si tel est le désir manifeste de certains ? (...) On ne sauvegarde pas des peuples comme on préserve des monuments. On peut classer des bâtiments ; pas des cultures. »19(*)

Ainsi, les pygmées doivent donner leur point de vue sur ce qui constitue pour eux les priorités en matière de développement. C'est à eux de décider des aspects que doivent toucher les changements de leurs modes de vie. Par ailleurs, l'auteur met en exergue le rôle des acteurs sociaux. Ces derniers ont le devoir d'agir comme appui des pygmées dans la détermination de leurs changements. Il est bien à préciser qu'en aucun cas, les acteurs sociaux n'ont à décider à la place des pygmées. Ils doivent plutôt les aider dans leurs choix et les accompagner dans la mise en oeuvre de ceux-ci.

Cela suggère que dans le souci d'éviter les écarts et les abus, il convient de déterminer des principes auxquels devraient se conformer toutes les stratégies de développement mises en place par les acteurs sociaux au profit des peuples autochtones. Ces principes seront mis en exergue par l'analyse des instruments relatifs au droit au développement et aux droits des peuples autochtones, que cette étude se propose de mener.

Le Professeur Sévérin Cécile ABEGA20(*) précise que, en dehors des initiatives engagées au lendemain de l'indépendance à travers le projet d'appui à l'intégration socio-économique des Pygmées et celles plus récentes du programme national de développement participatif et du programme sectoriel forêts-environnement, des cadeaux offerts lors des fêtes nationales et de fin d'année et des visites conjoncturelles du CERAC21(*) et de Synergies Africaines22(*), aucun programme ni projet de développement n'a été initié par le Gouvernement en faveur des pygmées. Les déclarations d'intention sont nombreuses et généreuses, l'auto congratulation des responsables administratifs incessante et redondante, mais, l'on ne voit pas ces prises de position vertueuses prendre la forme de réalisations concrètes. C'est montrer à quel point la question de la protection des peuples autochtones est de plus en plus préoccupante au Cameroun. Car, ces faits établissent clairement qu'il n'existe aucune politique publique spécifique pour le développement des Pygmées au Cameroun. Plutôt, la protection passe par des actions ponctuelles.

Ces éclaircissements prodigués par S.C. ABEGA sont d'un apport considérable pour ce travail, car ceux-ci décrivent succinctement comment est organisée la protection des peuples autochtones au Cameroun et la place qui est réservée au développement. Ainsi, l'on peut supposer que c'est ce déficit de politique publique spécifique aux peuples pygmées qui cause une réelle entorse à la mise en oeuvre des programmes de développement au Cameroun. Car, celle-ci est effectuée de manière ponctuelle et à « l'aveuglette », sans véritables principes qui la sous tendent.

VI. PROBLEMATIQUE

De ce qui précède, l'on constate que le mode de développement retenu par les acteurs oeuvrant au profit du développement des peuples autochtones contribue détruire ces derniers, car il leur impose un nouveau mode de vie qui ne cadre pas avec leurs coutumes. Cet état de fait apparait comme étant une conséquence du vide juridique qui existe en matière de développement spécifique des pygmées au Cameroun. Ainsi, l'on est à même de se demander : peut-on parler au Cameroun d'un droit au développement des peuples autochtones notamment des pygmées baka de l'est Cameroun ?

VII. HYPOTHESE

Il existe bel et bien un droit au développement au Cameroun, conformément aux dispositions internationales existantes en la matière. Celui-ci est reconnu aux peuples autochtones, notamment aux pygmées baka de l'est en tant que citoyens de l'Etat camerounais. Mais c'est un droit qui est encore partiellement mis en oeuvre car il rencontre de nombreuses difficultés, puisque dans la pratique la primauté est accordée à l'accès au bien être, négligeant ainsi la dimension relative aux droits de l'homme.

VIII. DEMARCHE METHODOLOGIQUE

Elle consiste à identifier la méthode d'analyse (A) utilisée et à préciser les techniques de recherche choisies (B).

A- Les méthodes d'analyse

Dans le cadre de ce travail, la combinaison de deux méthodes d'analyses, est apparue nécessaire, pour mener à bien cette étude.

· La méthode juridique 

La méthode juridique vise à donner une meilleure interprétation des textes juridiques relatifs aux droits de l'homme. En effet, de par la dogmatique et la casuistique, elle permettra d'interpréter les textes. Ainsi, l'on pourra interroger les textes, afin de déceler ce que disent les textes, ce que veut dire ce que disent les textes et quelle est leur application dans la pratique. L'on sera donc capable d'évaluer si cette application est conforme aux dispositions prévues par les textes. Dans cette étude, il sera à cet effet nécessaire d'analyser les textes qui consacrent le droit au développement afin de déceler de quelle manière il convient de l'administrer aux populations autochtones.

· L'analyse stratégique

C'est une méthode élaborée par Michel Crozier. Ce dernier ne s'intéresse pas dans ce cadre, aux structures, mais au fonctionnement des organisations, ce qui l'amène à une démarche en partie fonctionnelle, et surtout à étudier la stratégie des acteurs au sein d'une organisation.

Il revient de considérer ici les actions pour le développement comme une organisation. Tenant compte de l'analyse stratégique, il est question dans ce travail de découvrir quelles sont les stratégies mises en oeuvre par les différents acteurs du développement des peuples autochtones, afin de déceler quelles sont les actions qui sont menées, de quelle façon elles le sont et les difficultés voire les manquements que contiennent leurs différents programmes de développement.

B- Techniques de recherche

Pour ce travail de recherche, il sera nécessaire comme pour tout travail de recherche, de pratiquer « l'observation », en effectuant une descente de terrain au sein des communautés baka. Mais, pour compléter cette observation, il est indispensable de passer des entretiens, avec d'une part les acteurs du développement et d'autre part, avec les populations, afin de déterminer quel est l'impact des programmes de développement sur elles. Pour ce faire, il sera utilisé des guides d'entretien et au besoin des questionnaires23(*). De plus, l'on devra effectuer une descente sur le terrain pour mener à bien cette étude.

IX. ARTICULATION ET JUSTIFICATION DU PLAN

Dans l'optique de répondre à la préoccupation qui est celle de savoir si l'on peut parler d'un droit au développement des peuples autochtones notamment des pygmées baka de l'est Cameroun, il serait judicieux d'une part de faire état de la reconnaissance du droit au développement au profit des pygmées baka de l'Est du Cameroun (Première partie), dans l'optique de présenter le cadre juridique dans lequel est consacré le droit au développement tant sur le plan international que national.

Ensuite, il convient de se pencher sur la mise en oeuvre du droit au développement chez les pygmées baka de l'Est (Seconde partie). Ceci dans le but d'établir un lien entre la reconnaissance et la mise en oeuvre partielle du droit au développement afin de déceler quelles sont les raisons de cette partialité et l'impact sur les baka. Cela permettra de présenter le cadre de jouissance des pygmées baka et de relever des insuffisances et les difficultés auxquelles se heurtent les acteurs du développement et d'envisager des solutions préalables à leur dépassement.

PREMIERE PARTIE :

LA RECONNAISSANCE EFFECTIVE DU DROIT AU DEVELOPPEMENT AU PROFIT DES PYGMEES BAKA DE L'EST

Considéré à la fois comme un droit collectif et individuel, le droit au développement est assimilé à la troisième génération des droits de l'homme et comme tel, assez récent, trouve sa place dans le droit international au-delà des réserves des uns et des autres. Il en est de même pour ce qui concerne les peuples autochtones, car le droit au développement à leur profit fait l'objet d'une consécration sur le plan international (Chapitre 1) d'une part et sur le plan national (Chapitre 2) d'autre part.

Chapitre I:

La Consécration du droit au développement des peuples autochtones au plan international

De nombreux textes internationaux contiennent des dispositions relatives au droit au développement concernant les peuples autochtones. Il sera question de s'appuyer dans cette partie sur les textes contenant des dispositions spécifiques et pertinentes sur les peuples autochtones auxquelles peuvent se prévaloir les pygmées baka. Il s'agit en effet de : la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones24(*) (voir annexe 1), la Convention n°169 de l'OIT25(*) (voir annexe 2) et la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples26(*). Ces textes normatifs définissent un ensemble de droits et de principes propres au développement autochtone. Ainsi, ces derniers cadrent d'une part avec l'approche du développement fondée sur les droits de l'homme (Section 1), et d'autre part, présentent les peuples autochtones comme bénéficiaires du développement et des droits y afférents (Section 2).

Section 1: Le développement fondé sur les droits de l'homme et les peuples autochtones

Depuis le Sommet mondial sur le développement social27(*), le Sommet du Millénaire28(*) et le Sommet mondial sur le développement durable29(*), il s'est formé un consensus mondial sur l'interdépendance entre le développement et les droits de l'homme. Le principe de base de cette approche est que la réalisation des droits de l'homme doit être l'objectif du développement et que, par conséquent, elle doit reposer sur une relation entre les détenteurs des droits et les détenteurs des obligations correspondantes30(*). Cela passe par l'implication des peuples autochtones à la réalisation de leur développement (I), et par la considération de ceux-ci comme administrateurs de leur développement (II).

I. L'Implication des peuples autochtones à la réalisation de leur développement

Elle se traduit par la participation des peuples autochtones aux phases des programmes de développement (A), et la quête de leur Consentement préalable, libre et éclairé (B).

A- La Participation des peuples autochtones aux phases des programmes de développement

La participation est un principe fondamental qui sous-tend le développement fondé sur les droits de l'homme. Elle revêt une importance particulière pour les peuples autochtones car ceux-ci sont le plus souvent exclus et marginalisés dans les processus de prise de décisions les concernant. Elle vise l'habilitation31(*), le développement des capacités32(*), l'efficacité33(*) et l'efficience34(*) des peuples autochtones en matière de développement.

La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones leur reconnait le droit à la participation en ces termes : « Les peuples autochtones ont le droit de définir et d'élaborer des priorités et des stratégies en vue d'exercer leur droit au développement. En particulier, ils ont le droit d'être activement associés à l'élaboration et à la définition des programmes de santé, de logement et d'autres programmes économiques et sociaux les concernant... »35(*) Cela signifie que lors de l'élaboration et la définition des programmes de développement, phases pendant lesquelles les bases sont fixées, car les objectifs, les axes stratégiques d'action ainsi que les mécanismes de financement des programmes, etc. sont déterminés, les peuples autochtones doivent obligatoirement être intégrés en définissant eux-mêmes leurs priorités et en élaborant les stratégies permettant de les réaliser. Ainsi, aucun programme de développement économique ou social ne doit être défini ou élaboré sans la contribution et l'opinion déterminante des peuples autochtones.

La Convention n°169 de l'OIT complète les dispositions de la DDPA, en étendant la participation des peuples autochtones à toutes les phases des programmes et projets de développement. Elle dispose en son article 7 alinéa 1, que : « [...] En outre, les dits peuples doivent participer à l'élaboration, à la mise en oeuvre et à l'évaluation des plans et programmes de développement national et régional susceptibles de les toucher directement ». Dès lors, il ne suffit plus de les intégrer au cours des phases de définition et d'élaboration des programmes, mais, il est impératif qu'ils soient impliqués lors de la mise en oeuvre et l'évaluation des programmes de développement. Bien plus, l'alinéa 2 place la participation comme « prioritaire dans les plans de développement économique d'ensemble des régions qu'ils habitent ». C'est montrer l'importance de la participation des peuples autochtones, qui est déterminante pour que les programmes de développement aient un impact positif sur ces populations.

En outre, la participation peut revêtir différentes formes, et être d'intensité variable selon la nature de l'action et les rôles et responsabilités des personnes et groupes impliqués. C'est ainsi qu'il existe une classification des niveaux de participation, qui permet d'évaluer le degré d'implication des populations aux phases des programmes de développement36(*). On distingue quatre niveaux d'intensité de participation, déterminés par la Commission européenne, qui ne s'excluent pas entre eux :

a. Le partage de l'information. C'est le niveau minimum de la «participation» qui se limite généralement à tenir les gens informés. Il s'agit d'un flux d'information à sens unique.

b. La consultation. La consultation implique que le flux d'informations soit à double sens. Il s'agit d'un dialogue, mais ce dialogue n'influence pas nécessairement sur la prise de décision.

c. La prise de décision. La participation atteint un niveau supérieur lorsque des individus ou des groupes (en particulier ceux qui sont généralement exclus) participent réellement à la prise de décision. Ils ont le pouvoir et la responsabilité de prendre les décisions.

d. La prise d'initiatives. Le plus haut niveau de participation est atteint lorsque les gens prennent eux-mêmes la décision de mener de nouvelles activités. Le fait d'agir ainsi traduit un degré important de confiance en soi, d'exercice du pouvoir et l'acquisition de capacité de gestion.

Les acteurs du développement ont donc l'obligation d'impliquer les peuples autochtones par leur participation à toutes les phases des programmes les concernant. La participation est un élément important du processus qui vise le consentement des populations autochtones. Car, avant d'entamer les premières étapes (définition et élaboration), il convient d'obtenir leur consentement préalable, libre et éclairé.

B- Le Consentement préalable, libre et éclairé

Le droit au consentement préalable, libre et éclairé des peuples autochtones revêt une grande importance, car il permet de garantir que les droits et intérêts des peuples autochtones soient pris en compte et respectés.

Le principe du CPLE prescrit que lorsqu'un projet de développement prévu par un Etat, l'un de ses agents ou par un acteur privé est susceptible d'avoir des impacts sur les territoires, les ressources naturelles ou génétiques ou sur les connaissances traditionnelles d'un peuple autochtone, cet Etat ou cet acteur privé doit obtenir le consentement préalable, libre et éclairé de ce peuple avant de réaliser le projet.

La DDPA consacre ce principe en stipulant que : «  Les Etats se concertent et coopèrent de bonne foi avec les peuples autochtones intéressés - par l'intermédiaire de leurs propres institutions représentatives - avant d'adopter et d'appliquer des mesures législatives ou administratives susceptibles de les concerner, afin d'obtenir leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause »37(*). C'est dire que, avant d'entreprendre toute initiative les concernant, il faudrait s'assurer que l'on ait obtenu au préalable leur consentement, qui a été donné de manière libre et éclairée. L'application de ce principe aux programmes et projets de développement destinés aux communautés et aux peuples autochtones est une condition préalable essentielle pour le respect de leur droit à disposer d'eux-mêmes.

L'importance du CLPE est réaffirmée à l'article 6 de la C169 en termes de consultation des peuples autochtones lorsqu'on envisage des mesures susceptibles de les toucher directement. En effet, la consultation y est présentée comme le moyen efficace d'obtenir le consentement des peuples concernés. Mais au-delà de l'impératif de l'obtention du consentement en question, la C169 indique le cadre dans lequel la consultation doit se dérouler. Ainsi, au §2 de l'alinéa 1 du même article, elle prévoit, qu'il est nécessaire dans le cadre de la consultation, de « mettre en place les moyens par lesquels lesdits peuples peuvent, à égalité au moins avec les autres secteurs de la population, participer librement et à tous les niveaux à la prise de décisions dans les institutions électives et les organismes administratifs et autres qui sont responsables des politiques et des programmes qui les concernent ; » Les peuples autochtones doivent à la lumière de cet article, être à égalité avec les autres citoyens en ce qui concerne la prise de décision. Leur avis doit être déterminant pour les projets à mettre en place.

Ce principe d'égalité rejoint des principes que doivent respecter les acteurs recherchant le consentement des peuples autochtones. Ces principes sont énoncés dans un rapport des Nations Unies38(*), qui les reprend tel que l'a défini l'Instance permanente sur les questions autochtones. Ainsi, le principe du consentement préalable donné librement et en connaissance de cause suppose les points suivants :

a) Il ne doit y avoir ni coercition, ni intimidation, ni manipulation ;

b) Le consentement doit être obtenu suffisamment longtemps avant toute autorisation ou début d'activité et les délais nécessaires aux processus autochtones de consultation et de recherche d'un consentement doivent être respectés ;

c) Il faut fournir des informations qui couvrent (au moins) les aspects ci-après : la nature, l'ampleur, l'évolution, la réversibilité et la portée de tout projet ou activité proposé ; la (les) raison(s) ou objectif(s) du projet ou de l'activité ; leur durée ; la localisation des zones concernées ; une évaluation préliminaire des incidences économiques, sociales, culturelles et environnementales probables, y compris les risques potentiels et le partage juste et équitable des avantages, compte tenu du principe de précaution, entre autres ;

d) Les populations autochtones doivent signaler quelles sont les institutions représentatives autorisées à donner le consentement au nom des populations ou communautés concernées, en veillant à une représentation équilibrée entre les deux sexes et en tenant compte des vues des enfants et des jeunes, le cas échéant ;

e) Les informations doivent être précises et présentées de manière accessible et compréhensible, notamment dans une langue que les populations autochtones comprennent pleinement ;

f) La consultation doit se faire de bonne foi. Les parties doivent établir un dialogue leur permettant de parvenir à des solutions adaptées dans un climat de respect mutuel et de bonne foi, sur la base d'une participation pleine et équitable. La consultation exige du temps et un système efficace de communication entre les parties intéressées.

Le principe du CLPE est donc capital pour la réalisation des programmes et politiques de développement, car sans le consentement des peuples autochtones, les programmes de développement ne peuvent débuter. La participation des peuples autochtones et le CLPE constituent des droits fondamentaux en matière d'implication des peuples autochtones dans la réalisation de leur développement. Et par ricochet, ce sont des droits qui font partie intégrante de l'approche du développement fondée sur les droits de l'homme, aux côtés de la considération des peuples autochtones comme administrateurs de leur développement.

II. Les peuples autochtones administrateurs de leur développement

Eriger les peuples autochtones en administrateurs de leur développement revient à leur reconnaitre d'une part, le droit d'exercer un contrôle sur leur propre développement économique, social et culturel (A) et d'autre part les droits à l'autonomie et à l'autodétermination (B).

A- Le Contrôle des peuples autochtones sur leur propre développement économique, social et culturel

Le droit qu'ont les peuples autochtones au contrôle sur leur développement est codifié dans les principaux textes internationaux, et considéré comme important pour la réalisation du droit au développement de ces peuples.

La C169 prévoit à ce sujet que : « Les peuples intéressés doivent avoir le droit de décider de leurs propres priorités en ce qui concerne le processus du développement, dans la mesure où celui-ci a une incidence sur leur vie, leurs croyances, leurs institutions et leur bien-être spirituel et les terres qu'ils occupent ou utilisent d'une autre manière, et d'exercer autant que possible un contrôle sur leur développement économique, social et culturel propre.» Cela signifie que, les peuples autochtones doivent d'une part décider de leurs priorités de développement au travers des consultations pour l'obtention de leur consentement, et de leur participation aux phases d'élaboration et de définition des programmes. Mais, ils ont d'autre part le droit d'exercer un contrôle sur ce développement. Exercer un contrôle signifie qu'ils ont le droit de surveiller attentivement le bon fonctionnement ou le bon état du processus de réalisation de leur développement.

La DDPA complète cette disposition, en apportant à l'article 23 la précision sur le moyen d'assurer ce contrôle. A cet effet, il est reconnu aux peuples autochtones en ce qui concerne les programmes de développement, le droit autant que possible « de les administrer par l'intermédiaire de leurs propres institutions ». Administrer les programmes de développement renvoie à les gérer, ou à assurer leur direction. Mais, chose importante qu'il convient de retenir, c'est que, que ce soit l'administration ou le contrôle à exercer sur les programmes les concernant, les peuples autochtones ne peuvent le faire que par l'intermédiaire des institutions et des initiatives qui leurs sont propres.

Toutefois, l'expression « exercer autant que possible » qui revient dans les différents textes introduit une restriction potentielle non négligeable à l'exercice de ce droit. Néanmoins, Il revient aux gouvernements de prendre les mesures nécessaires pour donner aux peuples autochtones les moyens de développer des institutions et des initiatives permettant de contrôler et d'administrer les programmes de développement. C'est dire en outre que les peuples autochtones à aucun moment ne doivent avoir l'impression de subir le développement, mais, ils doivent tout au long des processus de mise en oeuvre des programmes, donner leur point de vue et orienter au fur et à mesure les programmes en fonction de leurs priorités au préalable définies. Cela permet de les placer au centre de leur développement, et assure que les effets des programmes mis sur pied seront positifs.

Par ailleurs, pour ce qui concerne le droit à établir des institutions politiques, économiques, sociales et culturelles distinctes, l'article 5 de la DDPA prévoit que « les peuples autochtones ont le droit de maintenir et de renforcer leurs institutions politiques, juridiques, économiques, sociales et culturelles distinctes, tout en conservant le droit, si tel est leur choix, de participer pleinement à la vie politique, économique, sociale et culturelle de l'Etat ». Mais, comme le précise l'article 8(2) de la C169, les peuples autochtones n'y ont droit que lorsque leurs coutumes et institutions « ne sont pas incompatibles avec les droits fondamentaux définis par le système juridique national et avec les droits de l'homme reconnus au niveau international ». C'est montrer à suffisance l'importance du contrôle du développement au moyen des institutions, mais dans le strict respect des réglementations établies par l'Etat.

Le respect du droit au contrôle sur leur développement économique, social et culturel va étroitement de pair avec leur droit à l'autodétermination, dans le souci de les considérer comme administrateurs de leur développement.

B- Le droit à l'autodétermination et à l'autonomie

Selon Hélène PERRIN39(*), l' « autodétermination » comprend le préfixe grec autos qui signifie soi-même et le verbe determinare qui renvoie dans un premier temps au fait de tracer des limites, puis par extension à celui de fixer, de décider. De ce fait, la notion d'autodétermination s'apparenterait à « un droit des peuples à disposer eux-mêmes des normes qui vont les régir »40(*). C'est d'ailleurs sous cette forme que l'expression d'autodétermination est apparue dans le contexte international, comme le droit des peuples à disposer d'eux même.

De nos jours, cette expression n'est plus reprise, dans les textes internationaux pour laisser place à l'autodétermination. C'est ainsi que la DDPA le consacre en son article 3 : «les peuples autochtones ont le droit à l'autodétermination. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel ». A cette disposition, la Charte africaine des Droits de l'Homme et des Peuples (CADHP) ajoute des éléments qualificatifs du droit à l'autodétermination sur lesquels il convient de s'arrêter. En son article 20 elle stipule que « Tout peuple a droit à l'existence. Tout peuple a un droit imprescriptible et inaliénable à l'autodétermination. Il détermine librement son statut politique et assure son développement économique et social selon la voie qu'il a librement choisie. » Par ces dispositions, la CADHP réaffirme de manière forte le droit à l'autodétermination qui est reconnu à tous peuples, donc aux peuples autochtones, de manière infini, ne pouvant être remis en cause ou ne pouvant être abandonné.

La C169 ne traite pas spécifiquement du droit à l'autodétermination, mais concernant le développement et l'autodétermination, celle-ci se conçoit avant tout dans la possibilité que les peuples autochtones ont de choisir le cadre le plus favorable à leur développement, dans l'attribution à ces peuples de compétences propres41(*).

La DDPA va néanmoins plus loin, en énonçant des prérogatives qui doivent impérativement se rattacher à l'autodétermination. Ainsi, il est prévu à l'article 4 « les peuples autochtones, dans l'exercice de leur droit à l'autodétermination, ont le droit d'être autonomes et de s'administrer eux-mêmes pour tout ce qui touche à leurs affaires intérieures et locales, ainsi que de disposer des moyens de financer leurs activités autonomes. » Cette clause introduit principalement le droit à l'autonomie qui désigne la faculté de se doter de ses propres normes et par extension, la capacité de se gouverner soi-même42(*). Toutefois, il convient de mentionner que l'autodétermination ne se conçoit que dans le respect des limites fixées à cette autonomie.

En effet, les Etats le plus souvent sont réticents face à ces dispositions, car elles sont mal interprétées et comprises comme accordant un droit unilatéral à l'autodétermination et une possible sécession à une patrie spécifique de la population nationale, menaçant ainsi l'unité politique et l'intégrité territoriale de n'importe quel pays. Mais en réponse à cette crainte, la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples43(*) recommande que les articles 3 et 4 de la DDPA soient interprétés en tenant compte de l'article 4644(*) de la même Déclaration qui garantit l'inviolabilité de l'intégrité des Etats nations. De même, dans sa jurisprudence y relative, la Commission, saisie de communications et de plaintes revendiquant la jouissance de ce droit à l'intérieur des Etats parties à la CADHP a constamment souligné que ces peuples pouvaient exercer leur droit à l'autodétermination selon toutes formes et variantes compatibles avec l'intégrité territoriale des Etats parties45(*). L'autodétermination et l'autonomie des peuples doivent donc s'exercer à l'intérieur des frontières nationales inviolables d'un Etat, en tenant dûment compte de la souveraineté de l'Etat-nation.

Enfin, il convient de mentionner que le droit à l'autodétermination et à l'autonomie est un droit englobant dans ses applications, car relativement aux peuples autochtones, il est compris comme contenant une série de prérogatives relatives à la pleine participation à la vie nationale, au respect du principe de CPLE, le droit à une autogestion locale, le droit à une reconnaissance en vue de la consultation pour l'élaboration des lois et programmes qui les concernent, à une valorisation de leurs structures et modes de vie traditionnels ainsi que la liberté de préserver et promouvoir leur culture.

Il est aisé de constater que l'approche du développement fondée sur les droits de l'homme adoptée par les Nations Unies place les peuples autochtones au centre de leur développement. Ils sont considérés de prime abord comme les sujets du droit au développement. De ce fait, ils doivent non seulement être impliqués dans les programmes de développement, mais aussi, gérer et administrer ces programmes. Mais le droit international place également les peuples autochtones comme objet du droit au développement, c'est-à-dire, comme bénéficiaires des prérogatives qui en découlent.

Section 2: Les peuples autochtones bénéficiaires de droits

Les peuples autochtones doivent bénéficier du développement et des droits y rattachés, à la suite de leur participation à la réalisation de celui-ci. Les textes internationaux mettent largement l'accent sur le bénéfice qui doit leur revenir. Ils présentent à cet effet le développement ayant pour objectif l'amélioration des conditions de vie des peuples autochtones (I), et les préalables du droit au développement sans lesquels ils ne pourraient obtenir les retombées positives escomptées (II).

I . Le développement visant l'amélioration des conditions de vie des peuples autochtones

Cet impératif de l'accès au bien être s'observe à travers d'une part la lutte pour la réduction de la pauvreté (A) et le souci d'égalité et de respect de leur identité et de leurs spécificités d'autre part (B).

A- La lutte pour la réduction de la pauvreté

Les rapports présentant la situation des peuples autochtones dans le monde et en Afrique en particulier, font état des conditions précaires dans lesquelles ils vivent. La Banque mondiale estime qu'ils représentent environ 5% de la population mondiale, mais 15% des personnes vivant dans la pauvreté46(*). Ils ont atteint un seuil de pauvreté extrême suscitant par là la préoccupation de la Communauté internationale. La réduction de la pauvreté devient dès lors l'objectif ultime de la plupart des stratégies de développement nationales et internationales, notamment celles financées par les donateurs et prêteurs bilatéraux et multilatéraux. Or, l'amélioration des conditions de vie souhaitée par la Communauté internationale ne trouve réponse satisfaisante qu'à travers les programmes de développement mis sur pied. Mais, comme mentionné plus haut, le développement englobe plusieurs aspects. C'est fort de ce constat que les textes internationaux prônant l'amélioration des conditions de vie précisent à chaque fois les plans dans lesquels doivent s'effectuer le développement. C'est le cas de la CADHP, qui en son article 22 dispose que : « Tous les peuples ont droit à leur développement économique, social et culturel... ». Dans le cadre de l'exercice du droit au développement visant l'accès au bien être, aucun aspect ne doit être écarté. Le développement doit être réalisé à la fois sur les plans économique, social et culturel.

De manière plus spécifique, l'article 21(1) de la DDPA prévoit que les peuples autochtones ont droit à « l'amélioration de leur situation économique et sociale, notamment dans les domaines de l'éducation, de l'emploi, de la formation, et de la reconversion professionnelles, du logement, de l'assainissement, de la santé et de la sécurité sociale. » Cet article est important, car il donne des axes pouvant servir à orienter les programmes de développement. Ces axes constituent l'essentiel des besoins des peuples autochtones en ce qui concerne leur développement, dans le cadre de la participation à la lutte contre la pauvreté. Pourtant, la DDPA ne se limite pas là, et va un peu plus loin à l'alinéa 2, en invitant les Etats à prendre des mesures « efficaces » et au besoin « spéciales », pour assurer « une amélioration continue de la situation économique et sociale des peuples autochtones. » C'est dire que l'amélioration qui doit impérativement s'opérer ne doit pas être ponctuelle, mais doit se faire sur une période indéfinie et de manière constante et ininterrompue. De plus, la DDPA recommande dans le cadre de l'amélioration, d'accorder une attention particulière aux différents groupes de personnes vulnérables, à savoir : les anciens, les femmes, les jeunes, les enfants et les personnes handicapées autochtones47(*).

L'amélioration des conditions de vie des peuples autochtones revêt une telle importance, qu'elle est qualifiée aux côtés de leur participation et leur coopération, de « prioritaire dans les plans de développement économique d'ensemble des régions qu'ils habitent »48(*). De plus, elle est associée dans cet article à l'amélioration de travail des peuples intéressés et de leur niveau de santé et d'éducation, les faisant percevoir une fois de plus comme étant des aspects phares du développement. La C169 recommande enfin dans ce même article que, les projets particuliers de développement des régions des peuples autochtones soient également conçus de manière à promouvoir une telle amélioration.

Tout ce qui précède démontre la place primordiale qui est réservée à l'amélioration des conditions de vie dans la mise en oeuvre du droit au développement. Toutefois, cette nécessaire amélioration ne saurait être effective que si les peuples autochtones entrent en possession des bénéfices découlant des programmes de développement de manière égale, et dans le respect de leur identité et de leurs spécificités.

B- L'égalité et le respect de l' identité et des spécificités des peuples autochtones

La particularité du développement des peuples autochtones est qu'il doit se faire dans le respect de leur identité et de leurs spécificités, et du fait des nombreuses discriminations dont ils sont l'objet, dans l'égalité la plus totale.

Le principe d'égalité est consacré par l'article 19 de la CADHP qui stipule que : « Tous les peuples sont égaux ; ils jouissent de la même dignité et ont les mêmes droits. Rien ne peut justifier la domination d'un peuple sur un autre. » Ainsi, même s'il arrive que les peuples autochtones bénéficient conjointement des retombées des programmes de développement avec les peuples bantous, le partage entre les différents peuples doit se faire de manière équitable, et comme le précise les articles 2 et 21 de la DDPA, « sans discrimination d'aucune sorte » 49(*).

Cette égalité est affirmée de nouveau dans la C169 en son article 2(2)(1) qui demande aux Etats de mettre en place une action qui vise entre autres à « assurer que les membres desdits peuples bénéficient, sur un pied d'égalité, des droits et possibilités que la législation nationale accorde aux autres membres de la population; » C'est dire que à tous les niveaux de réalisation du développement, les peuples autochtones doivent jouir des mêmes prérogatives qui ont été reconnues aux autres. Mais pour ce qui concerne le développement le principe d'égalité dans le bénéfice est complémentaire avec le respect de l'identité et des spécificités.

La CADHP reprend cela dans son article 22 (1), qui dispose que « Tous les peuples ont droit à leur développement économique, social et culturel, dans le respect strict de leur liberté et de leur identité, et à la jouissance égale du patrimoine commun de l'humanité » Ainsi, dans le cadre du développement, les peuples ont le droit de réclamer que ce dernier soit réalisé dans le respect de leur identité et de leurs spécificités. Il en va de même pour les peuples autochtones, qui, bien plus que les autres, ont le réel besoin de préserver leurs spécificités et ce qui constitue leur identité. Et cela n'est possible que s'il leur est laissé le soin de décider des priorités de leur développement. Cela permettrait que l'amélioration des conditions de vie escomptée soit en adéquation avec leurs spécificités et leur identité qui constituent leur culture. C'est sans doute dans le souci de protection de cette culture que la DDPA prévoit à l'article 8(1) que : « les autochtones, peuples et individus, ont le droit de ne pas subir d'assimilation forcée ou de destruction de leur culture. » Cette disposition montre que la culture des peuples autochtones est des plus importante dans la lutte pour leur accès au bien être. De ce fait, elle doit être préservée et doit servir de base pour la réalisation du développement.

Les dispositions précitées rejoignent étroitement le troisième objectif du programme d'action de la Deuxième Décennie internationale des peuples autochtones. Celui-ci consiste à « Redéfinir les politiques de développement afin qu'elles soient fondées sur le principe d'équité et culturellement acceptables, en respectant notamment la diversité culturelle et linguistique des peuples autochtones ». Cet objectif démontre une fois de plus l'importance de l'égalité et du respect des spécificités des peuples autochtones. Mais l'on y comprend aussi que c'est au cours des phases de définition des programmes que l'orientation de ceux-ci se fait dans le respect des spécificités et du principe d'égalité. Les programmes qui ne prennent pas en considération ces critères et ces droits, doivent être redéfinis.

Les bénéfices que les peuples autochtones doivent tirer des programmes et projets de développement doivent immanquablement contribuer à l'amélioration de leurs conditions de vie sur les plans économique, social et culturel. Toutefois, pour que le but d'amélioration soit atteint, il faudrait que les retombées des programmes soient partagées de manière égale et équitable entre les peuples autochtones et les autres peuples impliqués dans ces programmes. Bien plus, les programmes de développement doivent être réalisés dans le strict respect de leur identité et de leurs spécificités. Pourtant, les textes internationaux ne s'y arrêtent pas. Ils énoncent en plus, des préalables au droit au développement dans le souci de faire bénéficier efficacement aux peuples autochtones des retombées des actions de développement.

II. Les préalables du droit au développement

Dans le but de faire bénéficier aux peuples autochtones de l'essentiel du développement, il convient de prime abord de réaliser des études d'évaluation de l'impact des projets (A), puis de garantir aux peuples autochtones le droit sur leurs terres, territoires et ressources (B).

A- La réalisation des études d'impact des projets

Le principe veut, qu'avant la mise en oeuvre de toute activité de développement, des études doivent être menées pour évaluer l'incidence sociale, spirituelle, culturelle et environnementale que celle-ci pourrait avoir. Ceci, dans le but d'éviter l'impact négatif des projets sur les peuples autochtones, qui pourraient se retrouver détruits au lieu de voir leurs conditions de vie s'améliorer.

La C169 est très explicite à ce sujet, en précisant à l'article 7(3) que : « Les gouvernements doivent faire en sorte que, s'il y a lieu, des études soient effectuées en coopération avec les peuples intéressés, afin d'évaluer l'incidence sociale, spirituelle, culturelle et sur l'environnement que les activités de développement prévues pourraient avoir sur eux. Les résultats de ces études doivent être considérés comme un critère fondamental pour la mise en oeuvre de ces activités. » Selon cet article, il revient aux gouvernements la tâche de faire en sorte que les études d'impact soient réalisées, dans le but de prévenir des incidences négatives découlant des projets sur les principaux plans qui caractérisent la vie des peuples autochtones. Une chose importante à retenir dans cet article, c'est que la mise en oeuvre des projets doit être conditionnée par les résultats des études d'impact. Celles-ci doivent être présentées aux peuples concernés lors des premières phases de consultation, dans un souci de transparence et d'obtention d'un consentement éclairé. Néanmoins, l'expression « s'il y a lieu » apporte une restriction à l'étendue de l'obligation de réaliser les études d'impact. En effet, des études doivent être menées pour tous les projets qui concernent de près ou de loin les peuples autochtones. Or cette expression laisse libre cours à des interprétations de mauvaise foi de la part des acteurs du développement des peuples autochtones.

La DDPA ne traite pas des études d'impact de manière spécifiques, mais protège des droits spécifiques pouvant s'y rapporter. A l'article 11 par exemple, elle protège les traditions culturelles et les coutumes. A l'article 25, leurs liens spirituels particuliers avec les terres et territoires. Et à l'article 29, elle garantit aux peuples autochtones le droit à la protection de leur environnement. En protégeant ces différents aspects de la vie des peuples autochtones, la DDPA invite les gouvernements à tout mettre en oeuvre dans l'optique de rendre effective cette protection. Or, celle-ci ne peut être garantie que par la réalisation des études d'impact des projets sur la vie des peuples autochtones. Ce n'est que par elle que tous les droits précités peuvent efficacement être protégés et donc garantis aux peuples autochtones.

Par ailleurs, la septième Conférence des Parties à la Convention sur la diversité biologique a adopté le document intitulé Akwé : Kon lignes directrices facultatives pour la conduite d'études sur les impacts culturels, environnementaux et sociaux des projets d'aménagement ou des aménagements susceptibles d'avoir un impact sur des sites sacrés et sur des terres ou des eaux occupées ou utilisées traditionnellement par des communautés autochtones et locales50(*). Ces lignes directrices sont d'un grand apport pour la Communauté internationale, parce qu'elles offrent un cadre dans lequel les Etats et les autres acteurs du développement peuvent se référer pour mener et organiser les études d'impacts. De plus, les études sur ces impacts contribueront à prévenir les conséquences éventuellement négatives des projets de développement sur les modes de subsistance des communautés autochtones et locales concernées.

C'est donc dans ce cadre que la réalisation des études d'impact est une condition au bénéfice positif des retombées des projets de développement, et surtout un préalable du droit au développement, avec le droit sur leurs terres, territoires et ressources naturelles.

B- La reconnaissance du droit sur les terres, territoires et ressources des peuples autochtones

Les terres et territoires ont une dimension matérielle, culturelle et spirituelle pour les peuples autochtones. Ils sont nécessaires à leur survie et à leur viabilité économique et sont intrinsèquement liés à leur identité et à leur existence. Quant aux ressources naturelles, elles sont des composantes essentielles et intégrales de leurs terres et territoires. Les peuples autochtones sont les gardiens de ce milieu naturel et contribuent de façon décisive, par leurs traditions, à son maintien pour les générations futures.

La DDPA aux articles 10, 20, 25, 26 et 32, reconnait aux peuples autochtones le droit sur leurs terres, territoires et ressources. Ces articles protègent les peuples autochtones de l'expulsion de leurs terres, et leur garantissent le droit de conserver leurs terres et territoires en établissant des stratégies pour leur mise en valeur. Cependant, l'article 26 contient des dispositions pertinentes concernant les terres, territoires et ressources. Il stipule que : « 1. Les peuples autochtones ont le droit aux terres, territoires et ressources qu'ils possèdent et occupent traditionnellement ou qu'ils ont utilisé ou acquis.

2. Les peuples autochtones ont le droit de posséder, d'utiliser, de mettre en valeur et de contrôler les terres, territoires et ressources qu'ils possèdent parce qu'ils leur appartiennent ou qu'ils les occupent ou les utilisent traditionnellement, ainsi que ceux qu'ils ont acquis.

3. Les Etats accordent reconnaissance et protection juridiques à ces terres, territoires et ressources. Cette reconnaissance se fait en respectant dûment les coutumes, traditions et régimes fonciers des peuples autochtones concernés. »

Ces prérogatives impliquent que les peuples autochtones doivent avoir le droit d'utiliser leurs terres selon leurs traditions, toutes les dispositions étant prises pour qu'ils décident des activités ayant lieu sur leurs terres et en particulier pour que les répercussions négatives sur l'environnement et les lieux sacrés et culturels soient évitées. Aussi, les terres et territoires des peuples autochtones devraient être reconnus sur le plan juridique, démarqués et préservés des pressions extérieures. Mais, pour que cela soit effectif, les Etats doivent reconnaitre les systèmes de gestion traditionnels des peuples autochtones, car c'est grâce à eux que ces derniers peuvent exercer efficacement les droits sur leurs terres, territoires et ressources.

Le droit reconnu aux peuples autochtones sur les terres et territoires qu'ils occupent ainsi que sur l'utilisation des ressources revêt un caractère particulier. A tel point que la C169 lui réserve toute une partie entière. Il s'agit de la Partie II, intitulée « TERRES ». Elle regroupe les articles 13-19 de la C169. Les dispositions contenues dans ces articles rejoignent celles énoncées par la DDPA. Toutefois, la C169 ajoute que lorsque des terres sont expropriées aux fins du développement national, la reconnaissance d'une restitution ou des réparations s'imposent. De plus, les peuples autochtones ont le droit de disposer des ressources naturelles qui se trouvent sur leurs terres. Or, dans certains pays, les droits aux ressources du sous-sol et ressources naturelles appartiennent selon la loi à l'Etat. Cependant, ces droits trouvent leur expression dans des accords juridiques qui définissent les modalités d'exploitation des ressources et garantissent la protection du patrimoine autochtone, le partage des bénéfices et une compensation adéquate. Dans ce cas, les peuples autochtones ont le droit de pouvoir donner librement, au préalable et en connaissance de cause leur consentement à tout projet d'exploitation et d'exploration. En outre, la C169 prévoit que au-delà des codifications juridiques, la loi nationale doit prévoir des sanctions pour des contrevenants aux dispositions.

De ce qui précède, l'on constate que la Communauté internationale est réellement préoccupée par le droit au développement au profit des peuples autochtones. Cela s'illustre par la profusion de dispositions relatives au développement et aux droits y afférents. Ainsi, sur le plan international, l'on peut aisément affirmer que le droit au développement est pleinement reconnu aux pygmées baka en tant que peuples autochtones. Les dispositions internationales placent par ailleurs les Etats comme détenteurs des obligations contenues dans les textes. De ce fait, ceux-ci sont tenus de mettre en place tous les moyens nécessaires pour rendre effectives les dispositions internationales. Or, cela passe au préalable et de manière incontournable par la reconnaissance du droit au développement au profit des peuples autochtones sur le plan interne.

Chapitre II:

La consécration du droit au développement au profit des peuples autochtones au niveau national

Au Cameroun, il n'existe aucune loi spécifique consacrant les droits des peuples autochtones, de la même façon qu'il n'existe aucune loi ou décret d'application consacrant de manière spécifique le droit au développement aux populations autochtones. Toutefois, de manière éparse, l'on retrouve dans les législations nationales camerounaises, des prérogatives garantissant ou assurant aux pygmées baka, en tant que personnes autochtones les droits et principes connexes au droit au développement. Ces droits et principes intègrent les dispositions contenues dans les textes internationaux. Ainsi, il est possible par cette opération d'assemblage des dispositions, d'affirmer qu'il existe une consécration du droit au développement au profit des peuples autochtones. Dans cette optique, il convient de présenter dans un premier temps l'inclusion du développement fondé sur les droits de l'homme dans la législation camerounaise (Section 1). Puis, dans un second temps la protection de la dimension « accès au bien être » du droit au développement dans la législation camerounaise (Section 2).

Section 1: L'inclusion du développement fondé sur les droits de l'homme dans la législation camerounaise

Cette section traite des dispositions relatives au droit au développement et aux droits y afférents, en rapport avec l'approche du développement fondée sur les droits de l'homme instituée par les normes internationales. Pour ce faire, il est nécessaire de présenter d'une part l'accès à la citoyenneté dans le respect des spécificités (I), et d'autre part les droits liés à l'implication des peuples autochtones dans la réalisation du développement (II).

I . L'accès à la citoyenneté dans le respect des spécificités

Les prérogatives reconnues dans les textes normatifs camerounais le sont pour les citoyens camerounais. Dans ce contexte, il est nécessaire d'être reconnu comme tel pour pouvoir en jouir. Ainsi, une des conditions sine qua non de la réalisation du droit au développement, et une des premières étapes du développement des peuples autochtones est leur reconnaissance et leur identification (A), mais celles-ci doivent se faire dans le respect total de leurs spécificités et de leur identité (B).

A- La reconnaissance et l'identification des peuples autochtones

Le préambule de la Constitution du 18 janvier 1996 consacre la préservation des droits des « populations autochtones »51(*)conformément à la loi. Or, cette mention contribue à entretenir une certaine ambiguïté au plan interne du fait des divergences d'interprétations existantes autour de cette notion. Par ailleurs, la loi forestière de 1994 utilise à la fois les notions de « populations autochtones », « communautés villageoises », de « communautés », sans que celles-ci ne fassent spécifiquement allusion aux peuples autochtones tel que consacrés dans les différents instruments juridiques internationaux de protection des droits de ces groupes.

Une reconnaissance effective des droits des peuples autochtones implique pourtant, l'affirmation de leurs droits au plan textuel, ce qui passe nécessairement par la définition de critères permettant de les identifier. Les communautés qui s'auto identifient comme étant autochtones bénéficient cependant du même statut que les diverses communautés locales qui vivent sur l'ensemble du territoire camerounais. Si ce concept laisse clairement percevoir l'existence de groupes sociaux distincts, aucun texte législatif ou réglementaire ne vient en préciser le contenu au plan interne. Bien plus, les revendications identitaires des peuples autochtones trouvent des difficultés d'insertion dans le dispositif judiciaire et administratif camerounais. Ceci est marqué par le fait que les pouvoirs publics camerounais récusent à dessein l'appellation de « peuples autochtones ». Les Pygmées et Mbororo52(*) sont classés dans la catégorie des couches défavorisées et sont désignés par le vocable de « populations marginales » terme vague et englobant53(*) dont la portée juridique et revendicative est faible.

En dépit du cadre juridique limité relativement à la reconnaissance et à l'identification des peuples autochtones au Cameroun, l'on pourrait néanmoins affirmer qu'il existe une reconnaissance implicite du statut d'autochtones aux populations pygmées. Cela est marqué par le fait qu'il soit mis sur pied des politiques54(*), programmes55(*), stratégies et projets56(*) qui contribuent à sortir ces groupes sociaux de l'état de marginalisation dans lequel ils vivent. Cela découle de la forte influence des Institutions internationales.

Ainsi, l'organigramme du Ministère des Affaires Sociales, Institution en charge de l'insertion sociale des peuples autochtones57(*) au Cameroun présente clairement les prérogatives aussi bien vis-à-vis de ces groupes que des autres franges sociales. Il s'agit notamment de l'élaboration et de la mise en oeuvre de la politique de prévention et d'assistance sociale, de la promotion de l'individu et de la famille, du respect des droits de la femme, de la promotion des droits de l'enfant. Comme stratégie et plan d'action, le Ministère des Affaires Sociales a initié de mettre sur pied une politique d'insertion sociale des populations marginales qui revêt à la fois une dimension socio économique58(*) et juridique qui vise l'élaboration de textes portant sur la question foncière, le droit de tirer profit des ressources naturelles, le droit à l'éducation, à la santé, la lutte contre les comportements assimilateurs, la protection sociale orientée vers les groupes vulnérables. A travers lui, le Gouvernement camerounais entend contribuer à l'instauration d'une justice sociale conformément à l'esprit du préambule de la Constitution à travers l'application du principe d'égalité de tous devant la loi.

Pour ce faire, les pygmées baka doivent comme tous les autres citoyens camerounais, avoir accès à la citoyenneté. La reconnaissance de la citoyenneté aux peuples autochtones notamment pygmées procèdent ici non seulement de l'appui à l'obtention des pièces d'état-civil, avec l'établissement des actes de naissance et des cartes nationales d'identité, mais aussi de la création des chefferies de communauté ou de 3e degré et de la sécurisation des droits fonciers des Pygmées.

De la sorte, on note au Cameroun, des tentatives de reconnaissance des peuples autochtones à travers diverses stratégies et programmes, mais du fait de leurs particularités, il est nécessaire que cette reconnaissance et identification se fasse dans le respect de leurs spécificités.

B- Le respect des spécificités et de l'identité des peuples autochtones

Les peuples autochtones se distinguent du groupe dominant par leurs spécificités et leur identité. Or, ces dernières sont matérialisées et exprimées à travers leurs cultures et leurs langues, les deux étant indivisibles. En effet, l'une des caractéristiques des communautés autochtones est l'existence d'une culture distincte de celles des groupes dominants. Au Cameroun, la richesse de la culture des communautés autochtones est reconnue. Mais au-delà de la présentation parmi les attractions touristiques du pays, on n'a pas l'impression que des mesures particulières soient prises pour en assurer la protection formelle. Dans un cadre général, l'Etat assure la liberté de conscience et de religion, et ce droit constitutionnel s'étend aux communautés autochtones. On peut toutefois déplorer que le droit n'impose pas de manière spécifique une prise en compte de la culture et des langues autochtones dans la vie publique.

Or, aucun développement ne peut être envisageable en dehors du respect de leurs spécificités, quelques soient les moyens qui sont mis en jeu. Pourtant, à ce jour, aucune politique nationale, aucune loi en vigueur au Cameroun ne prend en compte les spécificités socioculturelles, économiques ou linguistiques des peuples autochtones. Toutefois, des efforts de reconnaissance de la culture des peuples autochtones sont observés. C'est le cas de l'organigramme du MINAS attribuant les fonctions du Service de la Promotion des droits et de l'encadrement des populations marginales qui fait cas de la charge qu'a ce service de participer à « la promotion de la culture des populations marginales, en liaison avec les administrations concernées ». C'est montrer que la culture est intégrée dans les préoccupations nationales. Mais, de cette absence de réelle protection des droits culturels des peuples autochtones, l'on ne peut que déduire que l'Etat camerounais n'a pas encore perçu de façon profonde l'importance et l'enjeu de la culture pour les autochtones.

Ainsi, en ce qui concerne l'accès à la citoyenneté des peuples autochtones dans le respect de leurs spécificités, cela constitue une étape fondamentale à la réalisation du développement. Mais, l'Etat camerounais ne protège pas totalement ces droits, qui pourtant sont fondamentaux autant que ceux qui sont liés à l'implication des autochtones dans la réalisation du développement.

II. Les droits liés à l'implication des peuples autochtones dans la réalisation de leur développement

Ces droits ont trait d'une part à la participation et la consultation (A), et d'autre part à l'autodétermination et l'autogestion (B).

A- La Participation et la consultation

La Constitution camerounaise consacre le droit de participer et d'être consulté en ces termes : « chacun doit participer, en proportion de ses capacités, aux charges publiques ». La participation y est présentée comme un devoir pour chaque citoyen, mais en fonction de ses capacités. Allant plus loin, la loi de 1996 portant loi-cadre relative à la gestion de l'environnement consacre un « chapitre entier » à la participation des populations, posant ainsi les bases de ce principe. L'article 72 dispose : « la participation des populations à la gestion de l'environnement doit être encouragée notamment à travers : le libre accès à l'information environnementale, sous réserve des impératifs de la défense nationale et de la sécurité de l'Etat ; des mécanismes consultatifs permettant de recueillir l'opinion et l'apport des populations ; la représentation des populations au sein des organes consultatifs en matière d'environnement ; la production de l'information environnementale ; la sensibilisation, la formation, la recherche, l'éducation environnementale ». Certes, cet article en citant les domaines dans lesquels doit s'effectuer la participation, ne mentionne pas le développement. Mais, ce qui en ressort est la reconnaissance du droit des populations à participer et à être consultés. Cet article renseigne en outre sur les objectifs que vise la consultation.

Par ailleurs, avant ce chapitre, la loi-cadre énonce le principe de participation dans son contenu. Ce principe suppose donc que tout citoyen soit préalablement informé sur les implications que toutes activités auraient sur l'environnement y compris celles relatives aux substances et activités dangereuses. Ce principe implique également que chaque citoyen veille à la sauvegarde et à la protection de l'environnement et que les décisions concernant l'environnement soient prises après concertation avec les secteurs d'activités ou groupes concernés ou après un débat public lorsqu'elles ont une portée générale.

Toutefois, l'information partagée avec les populations devrait être apportée d'une manière qui soit compatible avec leur culture, pour leur permettre de comprendre effectivement ce dont il est question. Cependant, les textes législatifs et réglementaires nationaux ne rendent pas toujours la tâche facile à ces communautés, en prescrivant des modes de communication qui ne correspondent pas aux leurs. C'est le cas de l'information par voie d'affichage, consacrée dans le décret n° 95/591 fixant les modalités d'application du régime des forêts59(*). L'affichage est ainsi consacré comme le mode privilégié d'information des communautés lors des procédures de classement des concessions et des aires protégées. Cette disposition ne rend pas service aux populations qui sont pour la plupart sous-alphabétisées ou qui ne s'expriment pas en la langue utilisée pour diffuser l'information.

En outre, la participation reconnue de manière spécifique aux peuples autochtones n'est au Cameroun qu'une exigence des agences de financement telles que la Banque mondiale ou des Organisations internationales. La participation n'y bénéficie pas d'un encadrement juridique spécifique aux peuples autochtones. Or, ce faible degré de protection accordé par l'Etat au droit à la participation ouvre les portes à toutes sortes de violations des droits des peuples autochtones. De plus, cela remet fortement en question le réel désir de réaliser le développement au profit des autochtones, étant donné que la participation en constitue un pilier important, car elle permet l'accomplissement des droits à l'autodétermination et à l'autogestion.

B- Le droit à l'autodétermination et à l'autogestion

Le Cameroun, comme beaucoup d'autre Etats, a des réticences en ce qui concerne l'autodétermination des peuples autochtones. Néanmoins, les communautés autochtones disposent de possibilités d'organiser la gestion de leurs institutions, de manière autonome. Cela découle de la garantie de la liberté d'association au peuple Camerounais par la Constitution. Cette liberté d'association proclamée par le préambule de la Constitution est régie par les dispositions de la loi n° 90/53 du 19 décembre 1990 portant liberté d'association. Selon cette loi, la liberté d'association est « la faculté de créer une association, d'y adhérer ou de ne pas y adhérer. Elle est reconnue à toute personne physique ou morale sur l'ensemble du territoire national » 60(*). L'association est définie ici comme la convention par laquelle des personnes mettent en commun leurs connaissances ou leurs activités dans un but autre que de partager les bénéfices. Ainsi, de par ces prérogatives, les pygmées ont le droit de se constituer en associations dans le but d'administrer eux-mêmes leur développement, d'assurer un contrôle continu et permanent sur lui, et de déterminer des priorités y relatives tels que prévues par les normes internationales.

En outre, en dehors des formes d'institutions dont la création est prévue par la loi, telles que les associations, coopératives et GIC, les communautés autochtones disposent de la possibilité de conduire leurs activités associatives et de contrôler leurs institutions lorsqu'elles ne sont pas en contradiction avec les lois nationales ou l'ordre public. Ainsi, toutes institutions traditionnelles restent sous le contrôle des autochtones. Bien plus, la réforme forestière survenue en 1994 a apporté de réels changements en ce qui concerne la gestion participative et décentralisée des forêts. Ainsi, les populations autochtones se sont vues offrir l'opportunité de valoriser l'exploitation de leurs ressources forestières et fauniques au sein d'une forme de foresterie communautaire, foresterie communale et de zones d'intérêt cynégétique à gestion communautaire. Ils peuvent donc obtenir et gérer de manière libre et autonome des forêts communautaires, par la loi forestière du 20 janvier 1994. Une forêt communautaire est une portion de forêt du domaine national, libre de tout titre d'exploitation forestière, et ayant une superficie maximale de 5000 hectares, sur laquelle l'Etat concède une convention de gestion à une communauté villageoise.

Enfin, il faut remarquer un intérêt croissant des communautés autochtones dans la création de chefferies traditionnelles, sur un territoire donné. Les chefferies sont régies par le décret N° 77/245 du 15 juillet 1977 portant organisation des chefferies traditionnelles, et fait des chefs des auxiliaires de l'administration. Les modalités d'organisation et de gestion des chefferies sont régies par le droit traditionnel des communautés considérées. Ces chefferies, offrent un cadre légalement reconnu à l'autogestion, permettant aux peuples autochtones d'assurer le contrôle, et de s'administrer eux-mêmes à l'aide de leurs propres institutions.

De ce qui précède, il est à retenir que, certes des droits relatifs à l'approche du développement fondée sur les droits de l'homme sont reconnus et consacrés dans la législation camerounaise, mais, ceux pour la plupart ne sont pas reconnus spécifiquement aux peuples autochtones. De plus, aucun lien n'est fait avec le droit au développement. C'est donc par extension que les peuples autochtones peuvent se prévaloir de ces droits. Et même en ce qui concerne le développement, ils ne sont pas considérés au Cameroun comme des sujets à part entière du droit au développement, ou comme des interlocuteurs égaux dans la réalisation de celui-ci. Or, pour réaliser le droit au développement, il faudrait que soient protégés non seulement les droits instaurant les peuples autochtones comme des sujets du développement, mais aussi ceux garantissant leur accès au bien être.

Section 2 : La protection de l'«accès au bien-être » dans la législation camerounaise

Les textes internationaux placent avec d'autres droits, l'accès au bien être comme prioritaire dans la réalisation du développement pour les peuples autochtones. Le développement doit donc viser entre autre l'amélioration des conditions de vie des populations autochtones sans discrimination ni inégalité (I). Aussi, pour bénéficier de ce développement, il existe des préalables qu'il convient de respecter (II).

I. L'amélioration des conditions de vie sans discrimination

L'amélioration des conditions de vie des peuples autochtones passe par leur garantie des droits socio-économiques, qui contribue à la lutte contre la pauvreté (B). Mais, il est impossible qu'ils jouissent de ces droits sans que les droits à l'égalité entre tous et à la non-discrimination ne leur soient aussi garantis (A).

A- L'égalité et la non-discrimination

Le préambule de la Constitution du Cameroun consacre le principe d'égalité en affirmant que : « Tous les hommes sont égaux en droits et en devoirs. » Ainsi, quelque soit la race, le sexe, la religion de tout un chacun, tous les citoyens camerounais ont les mêmes devoirs et ont les mêmes droits. De la même façon que, lorsqu'il est temps de tirer bénéfice des programmes de développement, les peuples autochtones doivent recevoir une part égale à celle des autres peuples. Mais pour que cela soit réalisable, il convient de protéger les droits des pygmées de manière spécifique.

Au Cameroun, il existe des textes qui ont tendance à considérer les peuples autochtones au même titre que les autres communautés locales ce qui constitue une menace pour la pérennité de ces groupes et par ricochet à leur participation à la vie publique. Les droits des peuples autochtones devraient être codifiés de manière spécifique et particulière, mais pas généralisés avec ceux des autres citoyens. Pourtant, aucun texte de loi en vigueur ne fait explicitement cas de leur mise à l'écart en matière des droits de l'homme. Il est important de relever aussi que ces derniers sont noyés dans la généralité mais aussi dans l'oubli par les politiques d'intégration mises en oeuvre au niveau national.

Cela a pour conséquence immédiate que les discriminations qui émargeront seront de deux ordres : d'une part celles perpétrées par le groupe dominant et d'autre part celle émanant de l'Etat. En effet, cette absence de protection laisse libre cours à toutes formes d'exploitation possible de la part du groupe dominant. Mais, jusque là, les actions de lutte contre les discriminations demeurent isolées et ponctuelles61(*).

A l'échelle nationale, l'absence de reconnaissance officielle du statut d' « autochtone » aux pygmées constitue la principale source de discrimination de ces groupes sociaux par l'Etat camerounais. A ce jour, on note une adhésion sélective du Cameroun aux instruments juridiques internationaux de protection des droits des peuples autochtones62(*). En dépit des conventions ratifiées, aucune mesure n'a été prise en vue d'abroger, modifier, ou annuler des dispositions juridiques discriminatoires à l'égard des peuples autochtones. Il en est de même des mesures spéciales visant à leurs garantir l'accès dans des conditions d'égalité à l'exercice de leurs droits fondamentaux.

Toutefois, il convient de noter positivement l'institutionnalisation d'une Direction de la Solidarité Nationale du MINAS, subdivisée en Sous direction de Lutte contre l'Exclusion Sociale et en Sous direction de la Promotion de la Solidarité Nationale, qui constitue une avancée majeure dans le cadre de la protection des peuples autochtones au Cameroun.

Dans ce contexte il est nécessaire de s'interroger sur la situation de la protection des droits socio-économiques au Cameroun.

B- Les droits socio-économiques et la lutte contre la pauvreté

Tels qu'énoncés par la CADHP en son article 22, les droits économiques et sociaux contribuant à l'amélioration des conditions de vies des populations sont : le droit au logement, le droit au travail, le droit à la santé et le droit à l'éducation. Mais, comme observé plus haut, l'environnement socio économique discriminatoire dans lequel vivent les peuples autochtones du Cameroun ne favorise malheureusement pas la réalisation de ces droits.

La Constitution du 18 janvier 1996 prévoit que « Tout homme a le droit et le devoir de travailler ». En outre, la loi n°92/007 du 14 Août 1992 portant Code du Travail précise en son article 2 que « le droit au travail est reconnu à chaque citoyen comme droit fondamental... ». Et, le travail forcé ou obligatoire est sanctionné par le Code Pénal d'un emprisonnement de cinq ans et par une amende de 10 000 FCFA à 500 000 FCFA ou de l'une de ces peines seulement. Toutes ces dispositions consacrent le droit au travail sur le plan interne, même si cela n'est pas spécifique aux peuples autochtones. Cependant, l'on note l'absence de cadre assurant la mise en oeuvre de ces dispositions en milieu rural, plus particulièrement au sein des sociétés forestières qui emploient à la fois les Bantous et les Pygmées.

Sur le plan de la santé, la loi n°96/03 du 04 janvier 1996 portant loi cadre dans le domaine de la santé consacre la gestion décentralisée des ressources humaines, financières, et matérielles affectées au système de santé. De cette loi, il ressort que le système de santé est basé au Cameroun sur le paiement à l'avance des consultations et des médicaments.

Ces droits socio-économiques lorsqu'ils sont mis en oeuvre ont pour but de contribuer à la lutte contre la pauvreté à travers l'insertion des peuples autochtones dans le secteur social et dans le circuit économique. Tel est le cas du Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté (DRSP) élaboré pour concourir aux Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) auxquels a souscrit le Cameroun. Cette stratégie à l'avantage d'être revue au fur et mesure de sa mise en oeuvre pour plus d'efficacité. Le premier DRSP a été finalisé en 2003 et modifié en 2007 dans le but d'avoir : « une nouvelle version du DRSP qui mettrait prioritairement l'accent sur la croissance et l'emploi »63(*)

Des actions sont également entreprises dans le cadre de partenariats entre l'Etat et les organismes de coopération à travers la mise en oeuvre de projets de développement, c'est le cas du Projet d'Appui au Développement Economique et social des Baka (PADES Baka) mis en oeuvre dans le cadre d'un partenariat entre le Gouvernement camerounais et la coopération technique belge afin d'améliorer l'accès à la santé à travers la construction de cases de santé , la fourniture de médicaments essentiels, l'éducation sanitaire, l'amélioration du niveau d'instruction des Baka des localités de Djoum, Mintom et Oveng... C'est également le cas du projet Pro 169 du Bureau International du Travail (BIT) qui vise à améliorer les politiques existantes en vue de garantir un travail décent aux membres de communautés autochtones à travers la publication d'études sur la législation nationale, l'élaboration de stratégies visant la préservation des droits coutumiers des peuples autochtones ainsi que des activités contribuant à la reconnaissance de leurs droits fondamentaux.

C'est montrer à quel point la protection juridique est limitée en matière de non-discrimination et de garantie des droits socio-économiques. De ce fait, la lutte contre la pauvreté pour l'amélioration des conditions de vie s'avère difficile. Or, les peuples autochtones doivent obligatoirement tirer bénéfice de la réalisation des programmes, chose n'étant possible qu'en respectant des préliminaires indispensables.

II. La prise en compte des préalables du droit au développement

Les préliminaires indispensables à la réalisation du développement se résument en la reconnaissance des droits fonciers et sur les ressources naturelles (A) et en la réalisation des études d'impact environnemental (B).

A- Les droits fonciers et sur les ressources naturelles

Les droits reconnus aux peuples autochtones relativement à leurs terres le sont à travers la démarche d'immatriculation. Depuis la réunification de l'Etat, l'immatriculation est devenue le mode exclusif d'accès à la propriété foncière. Pourtant, les conditions d'accès à l'immatriculation sont extrêmement difficiles à remplir pour les populations autochtones. En effet, elles ne peuvent obtenir l'immatriculation de leurs terres que si elles les ont mises en valeur. L'article 11 alinéa 3 du Décret n° 2005/481 du 16 décembre 2005 portant modification et complément de certaines dispositions du décret n° 75/165 du 27 avril 1976 fixant les conditions d'obtention du titre foncier, frappe en effet d'irrecevabilité les demandes d'immatriculation portant sur les terres libres de toute occupation ou de toutes exploitations. La mise en valeur se réalise soit par l'occupation, soit par l'exploitation. Or, dans le cas spécifique des pygmées, elle leur enlève tout droit à l'immatriculation et par conséquent tout droit à la propriété des terres parce que leur mode d'habitation essentiellement nomade et leur mode de vie, fait de chasse et de cueillette les empêche d'occuper ou d'exploiter une terre. Cela contribue à détruire leur culture.

Toutefois, même pour les peuples autochtones qui sont sédentarisés, la procédure d'immatriculation est très pénible à suivre. La procédure d'immatriculation des terres au Cameroun est prévue par le décret n° 76/165 du 27 avril 1976 fixant les conditions d'obtention du titre foncier, modifié par celui n° 2005/481 du 16 décembre 2005. D'après ces deux textes, toute collectivité locale ou autochtone ou membre de celle-ci qui veut transformer son ancienne propriété coutumière en propriété ou plus exactement qui veut récupérer sa terre confisquée par l'Etat grâce aux ordonnances de 1972, doit constituer un dossier comprenant : Une demande en quatre exemplaires dont l'original est timbrée, indiquant ses noms et prénoms, filiation, son domicile, sa profession, son régime matrimonial, sa nationalité, le nom sous lequel l'immeuble doit être immatriculé ; la description de l'immeuble (situation, superficie, nature de l'occupation ou de l'exploitation, estimation de sa valeur, indication des charges qui le grèvent) ; La demande signée ne doit viser qu'un seul immeuble composé d'une seule parcelle. Si une route ou une rivière traverse le terrain, celui-ci fait l'objet d'autant de demandes qu'il y a des parcelles distinctes.

On le constate, la procédure est écrite, longue, coûteuse, et exige beaucoup d'informations techniques et ne peut être facilement suivie par les populations autochtones. Ainsi, ni le procédé ni les droits accordés par ce texte de loi, ne répondent de façon appropriée aux besoins de ces peuples. De même, et alors que la loi écrite catégorise les terres nationales en domaine public et domaine non public, quelques formes coutumières d'usage et de possession sont tolérées. L'accent, cependant, est mis sur l'occupation visible des terres et l'utilisation productive de celles proposées pour l'immatriculation.

S'agissant des ressources naturelles, elles constituent l'essentiel nécessaire à la survie des peuples autochtones. Au Cameroun, il existe des mécanismes de sylviculture de la communauté qui leur permettent d'avoir, même de façon limitée, l'accès à certaines ressources. La politique forestière de 1993 prévoit une plus grande implication des communautés locales dans la gestion des forêts. La loi forestière de 1994 et ses textes d'application organisent les modalités de leur association aussi bien à la gestion des espaces (forêts communautaires et territoires communautaires de chasse notamment) que des ressources financières issues de l'exploitation industrielle du bois (redevances forestières). L'exemple le plus frappant de gestion des ressources naturelles est celui de la forêt communautaire. Car, selon la loi forestière du 20 janvier 1994, Les produits forestiers de toute nature résultant de l'exploitation de la forêt communautaire appartiennent entièrement à la communauté (loi, art 37(3) et 67(2). L'exploitation peut se faire soit en régie, soit dans le cadre d'un contrat de sous-traitance (loi, art. 54).

Ainsi, les dispositions légales sur la communauté forestière au Cameroun témoignent du fait que la législation ne tient souvent pas compte de la situation spécifique des peuples autochtones et de l'attitude discriminatoire envers leurs modes de vie. Elles rendent, par conséquent, difficile sinon impossible toute retombée positive de telles dispositions sur ces communautés.

B- L'étude d'impact environnemental

La Constitution du Cameroun prend position en faveur des questions environnementales dans son Préambule : « Toute personne a droit à un environnement sain. La protection de l'environnement est un devoir pour tous. L'Etat veille à la défense et la promotion de l'environnement. » A la suite de telles dispositions, l'étude d'impact environnemental a été intégrée dans la législation et les normes réglementaires de l'Etat.

Le seul texte législatif spécifique aux études d'impact environnemental est la loi n° 96/12 du 05 août 1996 relative à la gestion de l'environnement et est de ce fait la législation de base en matière des études d'impact environnemental au Cameroun. A l'exception de la loi n° 94/01 portant régime de la forêt, faune et pêche qui est antérieure à la loi ci-dessus citée, les autres lois, s'appuyant sur cette loi dite Loi-cadre, en font référence et lui sont postérieures. La loi-cadre réserve un Chapitre entier aux études d'impact environnemental64(*) et institue les études d'impact pour «tout projet d'aménagement, d'ouvrage, d'équipement ou d'installation qui risque, en raison de sa dimension, de sa nature ou des incidences des activités qui y sont exercées sur le milieu naturel, de porter atteinte à l'environnement». Elle est complétée par une série de lois65(*) et règlements66(*) relatifs à l'étude d'impact environnemental.

Mais, malgré l'existence de tous ces textes, aucun ne consacre d'études d'impact pour l'environnement des peuples autochtones, afin d'évaluer l'incidence des programmes et projets de développement sur leurs cultures, mode de vie, religion, économie, etc. Les textes se concentrent en majorité sur la protection de l'environnement, mais pas forcément en rapport avec les populations autochtones. De ce fait, cette lacune juridique ouvre la voie à de nombreuses violations des droits des peuples autochtones.

Que ce soient les droits fonciers, les droits sur les ressources naturelles ou les études d'impact environnemental, ils sont consacrés par les législations camerounaises, mais pas de manière spécifique pour les peuples autochtones.

CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE

La Communauté internationale est extrêmement préoccupée par le respect des droits des peuples autochtones. Cela se manifeste par les nombreuses dispositions édictées pour assurer leur protection et garantir leur développement de manière spécifique. Ainsi, sur la scène internationale, la reconnaissance du droit au développement au profit des pygmées baka en tant que peuple autochtone est assurée. Certes, les instruments les plus pertinents en la matière tels que la DDPA et la C169 sont dans le premier cas non contraignants et dans le second, pas encore ratifié par le Cameroun. Mais, la CADHP elle aussi consacre le droit au développement et a valeur contraignante, même si elle ne traite pas spécifiquement des peuples autochtones.

L'on constate toutefois qu'en dépit du cadre juridique international dans lequel le développement est reconnu de façon spécifique aux pygmées baka en tant que peuples autochtones, le Cameroun demeure à la traîne en ce qui concerne la reconnaissance non seulement du droit au développement, mais aussi des droits y afférents. En effet, comme le prévoient les textes internationaux, assurer le développement aux peuples autochtones implique que l'Etat camerounais doit leur garantir un certain nombre de prérogatives dans le respect de la dignité humaine et dans le souci de leur permettre d'accéder au bien être. Au Cameroun, aucune différence n'est opérée entre le groupe dominant et eux, car dans l'élaboration et l'énoncé de ces lois, leurs spécificités ne sont pas prises en compte.

Certes, un effort a été fait par l'Etat en affectant au Service de l'Encadrement des Populations marginales du MINAS la charge de s'occuper des peuples autochtones. Mais, sans la protection juridique adéquate, l'on ne peut que s'interroger sur les moyens qu'utilisera ce service pour atteindre ses objectifs. La reconnaissance implicite d'un droit au développement s'observe par ailleurs à travers la prise en compte de la problématique des peuples autochtones dans l'élaboration des programmes, politiques et projets de développement, par les différents acteurs tels que la société civile, et les autres acteurs privés (Eglises, etc.). Dans ce contexte juridique, il convient de se pencher sur l'état d'application du droit au développement chez les pygmées baka de l'Est qui donne lieu à une mise en oeuvre partielle de ce droit.

SECONDE PARTIE :

LA MISE EN OEUVRE PARTIELLE DU DROIT AU DEVELOPPEMENT PAR LES PYGMEES BAKA De l'EST

Reconnus sur les scènes internationale et nationale comme « peuples autochtones » et « populations marginales », les pygmées Baka de la région de l'est doivent eux aussi jouir du droit au développement et bénéficier des actions qui sont menées dans leurs régions. Mais, la question importante qui se pose dans le cadre de leur développement est celle de savoir si c'est à leur société de s'adapter au développement ou au développement d'apporter à leur société ce dont elle peut avoir besoin. Cette question fait l'objet de nombreux débats et discussions auprès des acteurs de développement observés dans les sites d'études.

Les pygmées sont dispersés dans différentes zones de la province de l'Est Cameroun, notamment dans les départements du Haut-Nyong et de la Kadey. Cette étude s'est limitée à la région du Haut-Nyong, située à 4° de latitude Nord et 13° de longitude Est. L'intérêt s'est porté sur la région d'Abong Mbang, située à 224 km à l'est de Yaoundé. Plus précisément, les villages Missoumé et Kwamb ont fait l'objet de cette étude, situés à 15 et 18kms au sud d'Abong Mbang. Les Maka constituent le groupe bantou voisin de ces campements.

Pour la collecte des données qui seront présentées dans ce travail, il a été nécessaire de procéder d'une part à la recherche documentaire. D'autre part, des entretiens se sont avérés indispensables pour compléter et actualiser les données issues des lectures. A cet effet, il a paru judicieux de rencontrer le chef de village de Missoumé, un représentant des jeunes, l'enseignant de l'école de Missoumé, un responsable du MINAS et les responsables des ONGs oeuvrant activement pour le développement des pygmées baka dans cette localité.

C'est fort des données recueillies et de l'observation pratiquée qu'il est apparu que les pygmées baka jouissent de manière relative du droit au développement dans la région de l'est du Cameroun (Chapitre I). Or, cela découle du fait que cette mise en oeuvre est limitée et sujette à de nombreuses difficultés (Chapitre II).

Chapitre I:

La jouissance relative du droit au développement par les pygmées baka de l'est du Cameroun

Les acteurs du développement ont pour objectif de permettre aux pygmées baka de bénéficier des programmes et projets de développement qui sont mis en oeuvre dans leurs régions d'habitations, leur permettant ainsi de jouir du droit au développement. Mais, cette jouissance demeure relative, du fait d'une part de la primauté accordée à l'accès au bien être (Section 1) et d'autre part, de l'impact des actions et des tendances timides de prise en compte de la dignité humaine des baka (Section 2).

Section 1: La primauté accordée à l'accès au bien être

Le développement vise l'amélioration des conditions de vie des populations cibles. Toutefois, les acteurs du développement au Cameroun et dans la localité de Kwamb mettent un accent prononcé et particulier sur l'accès au bien être des pygmées baka. Cela se fait par la mise en oeuvre des droits socio-économiques. Ainsi, l'on observe des changements sur le plan social (I) et une amélioration du cadre économique (II).

I. Les transformations sur le plan social

Les changements que connaît le vécu social des pygmées baka de Kwamb s'observent dans un premier temps, à travers l'éducation et la citoyenneté (A), et dans un second temps par l'accès aux soins de santé et à l'eau potable (B).

A- L'éducation et la citoyenneté

A travers l'action des ONG et des missionnaires, les pygmées baka de la région de Kwamb ont connu des améliorations visibles dans les domaines de l'éducation et de la citoyenneté.

En ce qui concerne l'éducation, les pygmées baka du village de Missoumé bénéficient de l'implantation en plein campement d'une école d'éducation de base, à cycle incomplet (voir annexe n°4). Les classes vont de la SIL67(*) au CE168(*). C'est une initiative de l'association des missionnaires catholiques ASEDEF69(*), répondant aux besoins des parents pygmées face aux traumatismes que subissaient leurs enfants en fréquentant les écoles bantous. En effet, en fréquentant ces écoles bantous, les enfants baka subissaient des cas de viols, toutes sortes de discriminations, des injures et moqueries et étaient constamment battues par les enfants bantous. Ils revenaient donc traumatisés de ces écoles. C'est pour cette raison que les missionnaires, ont implanté cette école au sein du village de Missoumé réservée aux élèves baka. Ceux-ci ont contribué à sa construction en fournissant du sable, des briques de terre et leur force de travail.

Cette école est composée de deux salles de classe accueillant trois niveaux scolaires70(*). 52 élèves y sont inscrits pour le courant de cette année scolaire, tel que réparti dans le tableau suivant :

 
 
 

SIL

CP

CE1

 
 
 

Garçons

filles

garçons

filles

garçons

filles

 
 
 

10

16

05

07

09

05

TOTAL /52

26

12

14

Ce tableau montre que les filles ne sont pas laissées de côté dans le domaine de l'éducation. Elles y sont actives et plus présentes que les garçons. Le programme des cours respecte scrupuleusement celui défini par le MINEDUB et est identique à celui des bantous. Les cours se déroulent en français, mais la langue baka est souvent utilisée en dernier recours par l'enseignant lorsqu'un élève a des difficultés de compréhension. Par ailleurs, les missionnaires usent de cette influence pour promouvoir et inculquer aux enfants baka la religion chrétienne catholique. C'est ainsi que les chants qui sont enseignés dans cette école sont des chants religieux. Il y est introduit des leçons de catéchèse dans les programmes d'enseignement et les journées de classe débutent par la récitation des prières. Le maître d'école, titulaire d'un BEPC71(*), s'occupe simultanément des trois classes durant la journée allant de 7h30 à 14h30. Tout le matériel pédagogique (cahiers-livres-ardoises-craies-crayons) est fourni par l'ASEDEF, contre la somme de 5000FCFA par enfant, exigée à chaque parent comme frais d'inscription. Cela constitue une dépense lourde pour ces populations très pauvres. Certains enfants du village de Missoumé désireux d'achever leur cycle primaire se rendent à Kwamb situé à moins d'une trentaine de minutes de marche à pied.

À propos de la citoyenneté, les ONG actives dans l'arrondissement d'Abong Mbang à savoir le CADDAP et PLAN Cameroun, ont oeuvré pour que les baka du village de Missoumé et d'autres villages obtiennent des cartes nationales d'identité et des pièces d'état civil. De plus, elles ont organisé des campagnes de sensibilisation pour renseigner les baka sur l'importance de l'accès à la citoyenneté et sur les moyens d'obtention des cartes nationales d'identité et des pièces d'état civil. Ainsi, les Baka de Missoumé sont depuis le début de l'année 2000 suffisamment informés de la qualité des pièces exigées de chaque camerounais par le gouvernement et de la façon de les obtenir. La majorité des baka sont, grâce aux actions des ONG précitées, recensés comme citoyens Camerounais à part entière et sont détenteurs d'actes de naissance, et de pièces d'identité. Mais, ils rencontrent souvent de l'opposition de la part des autorités municipales qui refusent même de signer des actes de naissance quand ils s'y rendent sans être accompagnés par un représentant de CADDAP ou de PLAN Cameroun. Les pièces d'identité qu'ils obtiennent leur permettent de prendre part aux diverses consultations électorales en tant qu'électeurs, mais jamais comme candidats.

Sur les plans de l'éducation et de l'accès à la citoyenneté, de réels changements ont donc été opérés dans le village de Missoumé, en vue de permettre aux baka d'améliorer leur condition de vie. Ils ne sauraient pourtant en bénéficier sans jouir d'une bonne santé.

B- L'accès aux soins de santé et à l'eau potable

Dans le domaine de la santé, le village de Missoumé dispose d'un centre se santé situé à 3 Kilomètres dans le village de Kwamb. C'est en fait le centre de santé de la léproserie, mais il est ouvert à tout le monde. Cette léproserie créée en 1934, est l'oeuvre des missionnaires catholiques. Elle dispose des services d'un infirmier diplômé d'Etat et de deux aides soignants. L'infirmier a mis sur pied des relais médicaux. Ce sont des personnes (baka) qui sont formées par lui, capables d'intervenir directement auprès des malades en cas d'urgence, sans besoin de gagner le centre de santé. Ils ont pour cela à leur disposition, le matériel permettant de prodiguer les soins de première nécessité. Ce n'est que lorsqu'une maladie est grave que le malade est transporté au centre de santé, ou en urgence à Abong Mbang.

Malgré la proximité du centre de santé, les pygmées baka ne s'y rendent qu'en cas d'extrême urgence, c'est-à-dire lorsque leurs médicaments ne font plus effets. Cela s'explique sans doute par le fait que le centre de santé n'a pas intégré les dynamiques sociales et culturelles des baka. Ils ne refusent pas le type de médecine qui leur est proposé, mais celui-ci semble se développer dans la négation et la compétition avec les connaissances médicales de ce groupe qui connaît si bien les vertus des plantes. Un baka malade peut passer des jours entiers souffrant dans sa case, en refusant catégoriquement de se rendre au centre de santé. De la même façon, sous l'influence de leur culture, les femmes baka préfèrent accoucher chez elles au lieu d'aller dévoiler leur nudité à un homme qui n'est pas leur mari. Même celles qui sont émancipées et qui ont reçu une éducation scolaire gardent ce principe. Pourtant, des efforts sont faits pour que même les médicaments qui sont vendus le soient à un prix bas et accessible à tous. Le comprimé de paracétamol coûte par exemple 5FCFA au lieu de 25FCFA dans les villes. Mais, pour répondre aux préoccupations des baka en matière de santé, le CADDAP les a encouragés à créer des mutuelles de santé. Ainsi, l'argent qu'ils tirent de leurs activités génératrices de revenus sert à alimenter une caisse dont les sommes sont reversées au centre de santé. Cela permet aux baka de bénéficier d'une prise en charge lorsqu'il veut se rendre au centre de santé pour obtenir des soins.

En matière d'accès à l'eau potable, les baka de Missoumé disposent depuis 1997, d'un puits avec une pompe hydraulique au coeur même du campement (voir annexe n°4). Cela s'est avéré indispensable, au regard de toutes les maladies dont souffraient les baka telles que la diarrhée. Le CADDAP a dès lors procédé à une campagne de sensibilisation pour renseigner et convaincre les baka sur la nécessité de consommer et d'utiliser de l'eau potable. Cette expérience a été concluante, car selon le témoignage des baka, les sources qu'ils utilisaient avant pour se procurer de l'eau ont été abandonnées.

En matière d'accès à l'eau potable, les baka de Missoumé disposent depuis 1997, d'un puits avec une pompe hydraulique au coeur même du campement (voir annexe n°4). Cela s'est avéré indispensable, au regard de toutes les maladies dont souffraient les baka telles que la diarrhée. Le CADDAP a dès lors procédé à une campagne de sensibilisation pour renseigner et convaincre les baka sur la nécessité de consommer et d'utiliser de l'eau potable. Cette expérience s'est avérée concluante, car selon le témoignage des baka, les sources qu'ils utilisaient avant pour se procurer de l'eau ont été abandonnées.

Par ailleurs, le CADDAP procède régulièrement avec l'appui du personnel sanitaire à des campagnes de sensibilisation sur l'hygiène et la salubrité au sein du village. A cet effet, des latrines améliorées ont été construites (voir annexe n°4). D'autres campagnes portant sur la collaboration des guérisseurs traditionnels avec les infirmiers, la nécessité pour les femmes enceintes de se faire suivre régulièrement au centre durant leur grossesse, les méfaits de la malnutrition sont menées, afin d'inciter les baka à changer de mentalité et à adopter des comportements différents.

Sur le plan social, les pygmées baka de Missoumé voient leur mode de vie changer. Ainsi, pour s'adapter à ces changements, ils sont tenus de modifier aussi leurs pratiques économiques.

II. L'amélioration du cadre économique des pygmées baka

Devenus sédentaires, les baka ont compris qu'ils doivent comme tous les autres citoyens camerounais, gagner leur pain en travaillant. De ce fait, ils tirent leurs revenus d'une part des emplois et travaux qu'ils effectuent (A) et d'autre part des activités génératrices de revenus (B) qu'ils mènent.

A- Le travail et l'accès à l'emploi chez les baka

Des entretiens avec les communautés baka, il ressort que celles-ci connaissent de sérieuses difficultés à trouver des emplois stables, dignes et rentables dans la société. En effet, il existe une telle discrimination à l'égard des pygmées, à tel point que ceux même qui ont réussi à « percer » et à obtenir de bons emplois dissimulent leur identité de pygmée baka à la société. Leurs frères restés au village ne peuvent donc pas bénéficier de leur aide. C'est le cas d'un baka qui est adjudant chef dans l'armée camerounaise, et de deux étudiants de l'Université Catholique d'Afrique centrale, qui s'attèlent à ne pas révéler leur identité aux autres membres de la société sous peine de se voir exclus et marginalisés.

Les pygmées en général sont considérés par la société comme des « sous-hommes », des indigènes qui sont dépourvus de toute civilité et qui ne méritent pas d'accéder à un quelconque statut dans la société. C'est ainsi que dans l'arrondissement d'Abong Mbang où l'on retrouve de nombreux pygmées baka, et aussi ceux qui ont été scolarisés, il n'en existe pas un seul qui soit employé à la mairie, ni dans aucune autre institution. Même les travaux les plus simples leur sont refusés tels que le ménage ou le gardiennage. L'Etat, qui se déclare protecteur et promoteur des droits des peuples autochtones donc des pygmées baka ne les emploie pas.

Bien plus, lorsque les baka produisent leurs efforts pour gagner honnêtement leur vie, leurs efforts sont anéantis par les bantous. C'est le cas de la Directrice de l'ONG CADDAP qui, pour vivre et gagner sa vie, a ouvert un « snack-bar » au centre ville d'Abong Mbang. Mais, depuis l'ouverture de ce centre de détente et de gastronomie, elle a été l'objet de plusieurs cambriolages et de plusieurs menaces de la part des bantous voisins. Ils lui demandent ouvertement de fermer son établissement et la narguent en lui intimant l'ordre d'avoir recours à la sorcellerie pour qu'ils arrêtent. Elle est donc obligée de renouveler à chaque fois son stock de marchandises. Les baka sont de ce fait persécutés par les bantous et reçoivent le plus souvent des injures ouvertement. Les bantous perçoivent le terme et la condition «pygmée » comme des injures potentielles.

Cet état de fait pousse les baka à se laisser employer par les bantous, qui leur offrent des emplois en tant que ménagères, gardiens, ou ouvriers dans les plantations. Mais, de par leur naïveté, les baka se font la plupart de temps exploiter par les employeurs. Ces derniers les trompent facilement avec des sachets d'alcool et ne les paient pas au rendement du travail effectué. En outre, c'est au cours des exploitations forestières que les baka sont employés en tant que guides ou en tant que main d'oeuvre pour les jeunes qui doivent transporter le bois de la forêt jusqu'au lieu de transport. Leur salaire n'est toutefois pas consistant, considérant le poids des pièces, car s'élève à 1200 F/pièce. Mais, les exploitants forestiers avant d'entamer la mise en oeuvre de leurs projets, remettent des cadeaux aux baka qui sont le plus souvent constitués de nourriture et d'alcool. A Missoumé en particulier, ils ont offert un téléviseur, connecté à une antenne parabolique, leur permettant d'être plus ouverts au monde extérieur. Mais, depuis cinq ans, ce téléviseur est en panne sans qu'il trouve des personnes désireuses de la réparer. De plus, ils promettent en retour de leur reverser leur part prévu de la RFA, promesse pas souvent tenue.

C'est conscients de cette réalité qu'ils ont axé leur économie sur les activités génératrices de revenus.

B- Les activités génératrices de revenus

Les activités pratiquées par la population Baka de la zone d'étude sont dominées par la chasse pratiquée par 94,1% des personnes, la cueillette 91,6%, la pêche 89,7%, l'agriculture 89,2%, le petit élevage 42,9% et l'artisanat 3,4%72(*). Toutefois l'activité principale qui permet de gagner de l'argent est l'agriculture.

Avec l'appui du CADDAP et des experts du MINADER, les baka ont reçu des des formations en techniques agricoles, leur permettant de se livrer de leur propre initiative à l'agriculture. De plus, des GIC ont été créés, comprenant un comité de gestion constitué des membres de la communauté baka. Dans le village de Missoumé, le GIC AFEME est très actif. Les baka disposent d'un champ communautaire qu'ils exploitent en y cultivant des produits tels que le maïs, la banane-plantain, et l'arachide. Mais, la présence du champ communautaire ne dispense pas les membres du GIC d'avoir leurs propres plantations. C'est d'ailleurs une des conditions d'adhésion au GIC. Leur pratique de l'agriculture est satisfaisante, mais ils ont de sérieux problèmes pour écouler les produits. Ils sont obligés pour la plupart de se rendre à Abong Mbang à moto dans l'espoir d'écouler la marchandise.

Aux côtés de l'exploitation agricole, ils pratiquent aussi l'élevage et particulièrement l'élevage des poulets. Le CADDAP reste étranger dans la gestion des activités du GIC, mais celui-ci est tenu de rendre tout de même compte au cours de rencontres appelés « réunion de mise à niveau ». C'est au cours de ces réunions que les conseils sont donnés par les experts pour améliorer la rentabilité et la gestion du GIC au sein du village. Lors du dernier bilan, le GIC contenait dans ses caisses déjà plus d'un million de francs CFA. Cet argent est conservé dans la caisse communautaire et sert non seulement à alimenter l'achat du nouveau stock de production (poussins, engrais, graines), mais aussi à alimenter la mutuelle de santé et la boutique communautaire. Cette dernière a été construite par une ONG dans le but de fournir aux baka de Missoumé des produits de première nécessité, leur évitant ainsi la pénible tâche de se rendre en ville pour se ravitailler.

Pour ce qui est de la cueillette et du ramassage, c'est une activité féminine qui permet de ravitailler les bakas en ignames sauvages, mangues sauvages (fruits et amandes), champignons, feuilles d'emballage de bâtons de manioc, poteaux et nattes de raphia pour construire, et en chenilles, escargots, et bois de chauffe. Les hommes pratiquent la cueillette de miel. Les produits sont saisonniers et la non maîtrise de la production soumet les baka à la «grâce de la nature». En cas d'abondance, ils éprouvent beaucoup de difficultés de conservation et de transformation des produits de la cueillette et du ramassage qui constituent un complément dans l'occupation des Baka. La domestication de certaines cultures et l'apiculture constituent des opportunités certaines pour les Baka.

Concernant la chasse, elle est une activité liée à l'existence de la forêt et réservée surtout aux hommes. Les produits de la chasse permettent les échanges contre les vivres, l'alcool, une partie est vendue contre espèces. Mais, du fait des restrictions réglementaires et de l'adoption d'autres systèmes de production, cette activité connait des freins et n'est plus pratiquée comme le faisaient les ancêtres baka.

Le domaine économique des baka tel qu'on le constate, a connu des changements importants. Ils se sont tournés vers de nouvelles stratégies de production et d'acquisition de revenus. Il en est de même sur le plan social, où les baka ont adopté de nouveaux modes de vie au nom de l'amélioration des conditions de vie et de la lutte contre la pauvreté. Il convient de relever que ces changements émanent de l'action des ONG et des missionnaires. L'Etat camerounais n'a mis en place aucune politique permettant le développement des pygmées baka de l'Est Cameroun. Il se contente de poser des actions ponctuelles telles que la remise de dons et de matériel agricole aux pygmées baka lors du 9 août 2009 à l'occasion de la JIPAII73(*).

Mais le droit au développement ne se limitant pas à ce domaine, il est nécessaire de se pencher sur la prise en compte de la dignité humaine des baka et sur l'impact des actions d'amélioration de leurs conditions de vie.

Section 2: Les tendances timides de prise en compte de la dignité humaine des baka et l'impact des actions de développement

Il est question de traiter des tendances timides de prise en compte de la dignité humaine des baka et d'évaluer l'impact des actions de développement sur leurs spécificités, leur identité et tout ce qui constitue leur particularité. Pour ce faire, il convient de prime abord de présenter les efforts limités de considération des baka comme sujets du droit au développement (I). Ensuite, il sera judicieux de relever les conséquences des actions de développement sur les pygmées baka (II).

I. La prise en compte limitée des baka comme sujets du droit au développement

Le droit au développement présente les pygmées baka comme non seulement des bénéficiaires du développement, mais aussi comme des sujets de leur développement. A ce titre, ils doivent être impliqués dans la réalisation de leur développement (A) et ont droit au respect de prérogatives indispensables à cette réalisation (B).

A- L'implication des pygmées baka à la réalisation de leur développement

Pour être impliqués à la réalisation de leur développement, les baka doivent avoir le contrôle sur leur développement économique, social, culturel et participer pleinement aux phases des projets de développement. S'agissant du contrôle sur leur développement, il ne peut que se faire à l'aide de leurs propres institutions qu'ils auront au préalable instaurées. Cela renvoie au problème relatif aux chefferies, car les chefs baka, à l'instar de celui de Missoumé, ne sont pas reconnus comme tels par l'Administration camerounaise. Les raisons avancées par les responsables du MINAS rencontrés tournent autour des conditions de non-remplissage des critères prévus par l'Etat, tels que la démographie, les infrastructures, l'éloignement par rapport au centre urbain. Or, Missoumé compte 350 habitants, ne dispose pas d'infrastructures importantes et est situé à 8 km du district de Mandouma. La communauté de Missoumé est donc rattachée à celle de Mandouma. Pourtant, les habitants de Mandouma sont des bantous, et ne sauraient défendre efficacement et équitablement les droits des baka.

C'est donc sous la pression des ONG actives dans la région que le « campement74(*) » de Missoumé a été reconnu comme étant un village. Malgré cet effort, une chefferie de 3eme degré75(*) n'a toujours pas été installée. C'est-à-dire que le chef de Missoumé n'est toujours pas reconnu comme tel par l'Administration camerounaise, sans doute en raison de la suspension depuis 2001, de la loi sur la création des chefferies au Cameroun. Pourtant, il est indispensable que le chef du village soit reconnu pour qu'il puisse représenter son village et puisse être impliqué dans les affaires qui concernent les baka, mais aussi l'arrondissement tout entier. C'est par cette implication que les baka pourraient contrôler leur développement.

S'agissant de la participation aux phases de développement, les entretiens menés au cours de cette étude poussent à affirmer qu'elle est relative. En effet, les acteurs du développement le plus souvent demandent le consentement des baka en le monnayant (c'est le cas des exploitants forestiers). Un effort est néanmoins fourni, en ce qui concerne le recensement des besoins prioritaires des baka avant de poser des actes. Mais, le plus souvent, ces campagnes de recensement des besoins se transforment en campagne de sensibilisation sur la nécessité de demander tel ou tel matériel, et de l'utiliser. Ainsi, les besoins qui sont parfois présentés émanent au fond des acteurs de développement. Les baka se contentent de répéter ce qu'on leur a enseigné, parce qu'ils se disent que c'est nécessaire pour eux. Dans la mise en oeuvre des projets, ils sont impliqués, mais le plus souvent leur action se limite à la main d'oeuvre. Le processus de décision leur est encore inconnu.

Dans ce contexte, il convient de saluer l'initiative du CADDAP, qui représente à la fois un modèle de participation et de contrôle sur le développement des baka de l'Est. En effet, la Directrice du CADDAP est une baka, mais n'agit qu'en tant que Secrétaire exécutif de l'Assemblée Générale du CADDAP. Le président de l'Assemblée Générale est lui aussi un baka, et il y en a d'autres dans le bureau de l'Assemblée Générale. Ainsi, lorsqu'un financement est accordé par les bailleurs de fonds au CADDAP, l'Assemblée Générale se réunit afin de décider de son utilisation. Les membres de l'Assemblée Générale ont alors le devoir de se rendre dans leurs villages respectifs afin de recueillir les doléances et les besoins des communautés à travers des réunions et des cadres de concertation. Ils sont ainsi le relais entre le CADDAP et les populations baka. De ce fait, les programmes sont définis, élaborés, mis en oeuvre et évalués avec l'implication des baka, car en fonction de leurs compétences, ils sont employés et rémunérés, dans le strict respect de leur personne par les bantous travaillant à leurs côtés. Dans cette ONG, l'on constate que les baka ont atteint le niveau de participation relatif à la prise de décision, et même à la prise d'initiatives. De ce fait, les actions entreprises ont plus de chances de porter du fruit, à condition que soient respectés en amont les préalables du droit au développement.

B- Le non-respect des préalables du droit au développement

Dans le but de réaliser un développement fructueux au profit des pygmées baka, il faudrait réunir les conditions leur permettant de devenir autonomes et de s'autogérer. De plus, la réalisation des études d'impact des projets doit être effective.

Avec les champs communautaires et la création des GICs, les pygmées baka sont sur la bonne voie pour accéder à l'autonomie et s'autogérer sans plus dépendre autant des organismes de développement. Mais l'une des étapes fondamentales par laquelle les baka doivent passer pour atteindre cette autonomie est l'accès aux terres et aux ressources naturelles. Comme démontré plus haut, les ressources naturelles et les terres des baka constituent des piliers dans leur vie, et le centre de leur économie, d'où l'importance de considérer la relation au sol de l'agriculteur baka. Mais, malgré le privilège apparent que présentent les textes, les pygmées peuvent difficilement obtenir une forêt communautaire pour les raisons suivantes76(*) : Une des conditions préalables pour l'acquisition d'une forêt en communauté est la désignation d'un établissement juridique représentatif de la communauté. En outre, la demande d'une forêt en communauté est complexe et requiert un certain nombre d'impératifs techniques, incluant une carte des lieux et un plan de gestion. Les communautés autochtones n'ont souvent pas un niveau d'éducation suffisant pour pouvoir remplir ces conditions ; La forêt en communauté ne peut être acquise que si la communauté qui en fait la demande jouit de droits coutumiers préexistants sur la terre. Généralement, les communautés autochtones, vivant le long des routes, n'ont aucun droit coutumier à la terre parce que ce sont les communautés bantoues qui s'en emparent. Dans la réserve permanente de la forêt, où les autochtones sont susceptibles de revendiquer des droits coutumiers, la loi n'autorise pas de forêts en communauté. Ainsi, les populations autochtones sont exclues, de façon quasi systématique, des bénéfices de tels droits ; La taille maximale autorisée d'une forêt en communauté est de 5000 hectares. Elle est insuffisante pour les communautés autochtones qui emploient souvent de plus grandes surfaces pour leurs activités de subsistance dans un mode de vie nomade ou semi-nomade.

De plus, les baka connaissent des problèmes fonciers du fait qu'ils revendiquent l'ancienneté sur les terres qu'ils occupent en même temps que les bantous. Les baka du village de Missoumé se sont sédentarisés dans le village Kwab depuis plus de 40 ans. Ils seraient venus de Yokadouma grâce à l'intervention d'un prêtre blanc et se seraient installés dans la forêt de « Siee » à une trentaine de kilomètres de Kwamb, avant de s'établir définitivement à Kwamb. Néanmoins, les pygmées baka sont considérés comme des étrangers sur le sol qu'ils habitent. Ils sont présentés comme les derniers venus, des intrus qui se sont installés sur un sol qui ne leur appartenait pas. De plus, les éléments qu'ils considèrent généralement comme marqueurs du territoire n'ont jamais été pris en compte, ni par les peuples agraires, ni par l'Etat et ses services. La sédentarisation des pygmées les pousse à s'installer sur les mêmes espaces que les agriculteurs, ou sur des espaces convoités par ceux-ci, ou encore considérés comme réserves foncières pouvant permettre une extension de leurs activités. Or, les bantous constituent des unités sociales plus denses, mieux organisées et alphabétisées. Ils ont un bon rapport avec l'Administration, d'où l'expulsion des pygmées des terres qu'ils occupent. Or, le meilleur moyen pour leur permettre de se réaliser et d'être autonomes c'est de leur garantir le droit sur leurs terres et l'accès aux ressources naturelles.

Par ailleurs, les pygmées baka souffrent énormément du manque de réalisation des études d'impact environnemental. Les textes existent, mais dans la pratique, la réalité est tout autre. La plupart des projets qui sont mis en oeuvre et qui ont le souci de respecter les lois et règlements réalisent des études pour mesurer l'impact sur l'environnement. Or, concernant les pygmées, il est impératif de mesurer les impacts sur leurs culture, religion, mode de vie, et sur tout ce qui constitue leur particularité. A ce jour, le CADDAP enregistre de nombreuses plaintes provenant des populations pygmées, qui font état de destruction de leurs richesses par les exploitants forestiers ou miniers. Et même pour les projets les concernant directement, les études d'impact sur leurs modes de vie ne sont pas souvent réalisées. Mais, le problème dont souffrent réellement les pygmées baka et en particulier ceux de Missoumé est qu'ils sont vulnérables et regardent souvent des exploitants forestiers qui mènent leurs activités de manière illégale. Ils le leur permettent habituellement car ces derniers leur donnent de la nourriture et leur promettent de l'argent. Mais, il y a eu des cas où il a fallu l'intervention des autorités pour que leurs droits soient respectés. Des élites du pays s'y sont rendues afin de couper le bois de manière illégale et sans autorisation. Par leurs activités, ils détruisaient les plantations des baka, et nuisaient à leur environnement social, économique et culturel. Il a fallu que le CADDAP saisisse les autorités haut placées pour que ces élites soient priées de se retirer. Les baka sont pourtant chaque jour exposés à ce type de dangers.

Les baka sont, de ce qui précède, difficilement considérés comme des acteurs à la réalisation de leur développement. Le plus souvent des efforts sont faits dans le sens d'une consultation au préalable, mais ils se limitent à cela, sans que les baka puissent véritablement se sentir impliqués dans la réalisation de leur développement. De même, les droits préalables qui doivent leur être reconnus et appliqués tardent à l'être, les plongeant ainsi dans une vulnérabilité totale et entraînant un certain nombre de conséquences.

II. Les conséquences des actions de développement sur les pygmées baka

Telles que menées au Cameroun, les actions de développement ont plusieurs conséquences sur les pygmées baka, mais il convient d'en relever deux plus importantes permettant de percevoir l'impact de ces actions. Il s'agit de la dépendance vis-à-vis des donateurs (A) et l'acculturation (B).

A- La dépendance vis à vis des donateurs

Les pygmées baka de Missoumé et de l'Est Cameroun en général, bénéficient de financements importants émanant des bailleurs de fonds divers, nationaux et internationaux tels que les ONG, les organismes d'appui au développement et des Eglises, les catholiques notamment. Cela permet la mise en oeuvre de nombreux projets dont ils sont les bénéficiaires directs, dans le but d'améliorer leurs conditions de vie. Mais, en ce qui concerne cette aide, le revers de la médaille est que les baka deviennent dépendants de ces apports financiers ou en nature. Malgré les efforts qui sont faits pour les rendre plus autonomes, les baka eux-mêmes se rabaissent et se sous-estiment. Cette attitude paternaliste de la part des donateurs est une manière de leur nier la capacité de prendre en main leur propre destin. Ils n'ont à aucun moment intégré qu'il leur revient de se prendre en charge pour obtenir ce qu'ils désirent. Les donateurs se substituent le plus souvent à eux dans la recherche d'une satisfaction aux besoins. Ainsi, ils ont été habitués à tendre la main et à recevoir, sans que soient fournis d'efforts particuliers. C'est pour cette raison que l'on observe une réelle paresse au sein des villages baka. Ils désirent obtenir de l'argent facilement, sans efforts considérables tant sur leur force physique que sur la durée. Les baka négligent par exemple des palmeraies qui s'étendent sur des hectares importants, car ils estiment qu'elles sont pénibles à entretenir et ne rapportent pas de l'argent de manière immédiate.

En dehors de la paresse causée par la dépendance, l'on observe que de par toute cette aide reçue, l'on arrive à les maintenir dans une nouvelle forme de pauvreté, en voulant lutter contre la pauvreté. En effet, certains projets s'étendent sur une longue période et sont durables, à l'instar de la création d'un centre de santé, d'une école. Or, une pompe tombe en panne, le bâti en béton des margelles d'un puits se détériore, les outils agricoles s'abiment, et les populations n'ont pas souvent les compétences et les moyens de pouvoir réparer ces dommages. Cela les pousse à retourner à la situation de départ, qui les poussait par exemple à consommer de l'eau non potable. L'abandon de l'habitat de forêt les contraint à vivre dans une insalubrité permanente, ce qui amène à penser que les interventions qui sont faites aggravent leur situation de pauvreté, en la remplaçant par une autre encore plus néfaste.

Cette pauvreté nouvelle qui s'impose aux baka est causée par le fait que les acteurs du développement se contentent de plaquer sur eux les modèles de développement qu'ils ont observés ailleurs et qui le plus souvent, sont propres à améliorer les conditions de vie du groupe majoritaire. Pourtant, les baka ne peuvent pas se développer de la même façon que les bantous. Les programmes qui ont été définis et présentés ci haut n'apparaissent pas être des solutions plausibles aux attentes des baka du fait de l'inadaptation des méthodes utilisées. C'est pour cette raison que, malgré les nombreuses initiatives et l'importance des moyens qui ont été déployés, les acteurs du développement ne semblent pas atteindre leurs objectifs d'amélioration des conditions de vie et de lutte contre la pauvreté. Les baka demeurent malgré les nombreuses années durant lesquels les actions sont menées, plus que jamais vulnérables, car, ils assistent sans le vouloir à leur acculturation progressive.

B- L'acculturation progressive des pygmées baka

L'observation et les entretiens menées dans le village de Missoumé ont permis de percevoir l'impact des actions de développement sur la culture des baka. En effet, l'on assiste à un abandon progressif et bientôt total, de tout ce qui constituait la spécificité des baka. Dans plusieurs domaines, ils ont délaissé leurs pratiques pour adopter celles du groupe dominant. C'est ainsi que, concernant par exemple leur religion, les baka de Missoumé sont soient catholiques, soient membres de l'Assemblée chrétienne. Ils ont délaissé leurs religions pour épouser celle des « bienfaiteurs ». De plus, les baka s'expriment en majorité en français. Même lorsqu'ils se parlent entre eux, leur langue est diluée par l'utilisation récurrente du français. En parcourant le village, l'on peut écouter des femmes chanter en accomplissant leurs travaux journaliers, mais ce qui frappe c'est que les chants exécutés sont en français et sont des chants de louange à Dieu populaires. De plus, les baka vivent à la fois dans des huttes et des maisons en briques. Lorsqu'on leur demande ce qu'ils veulent, ils affirment qu'ils désirent habiter dans des maisons en tôles et en ciment, comme les bantous. En outre, le chef du village interrogé a affirmé qu'ils ne connaissent plus monter aux arbres les plus hauts, comme le faisaient leurs ancêtres. Les dents des générations récentes ne sont plus limées, car ils ne consomment plus de la viande de brousse comme auparavant.

Ces exemples démontrent que les nombreuses interventions visant le développement des baka ont conduit à des situations d'acculturation. Il existe plusieurs formes d'acculturation, mais pour cette étude, il sera nécessaire de s'intéresser à deux que présente Roger BASTIDE77(*). Cet auteur distingue ainsi l'acculturation forcée de l'acculturation planifiée.

En ce qui concerne l'acculturation forcée, les cultures jugées inférieures à la civilisation occidentale sont pressées d'abandonner leurs institutions, leurs idoles et l'ensemble de leurs « mauvaises habitudes » afin de se donner les moyens de partager le bonheur de l'occident. C'est une forme d'acculturation forcée parce qu'elle se réalise au bénéfice d'un seul groupe. Les collectivités touchées par ce processus voient les traits qui fondent leur identité menacés de disparition. Les individus qui les composent sont réduits à la condition de serf, taillables et corvéables à merci, après avoir été dépossédés de leurs biens. Mais, les collectivités qui affrontent cette situation possèdent un potentiel de résistance qu'il convient de ne pas négliger. Ces résistances témoignent de la vigueur des liens sociaux, et s'exprime clairement par la mêlée des traits indigènes à des éléments importés.

Quant à l'acculturation planifiée, elle intervient lorsque le processus de décolonisation est lancé. La colonisation engendre des hommes libres, mais dont l'identité culturelle est incertaine. Cherchant à se trouver et à se construire lui-même, l'homme décolonisé continue pourtant à se définir et à se conduire par rapport à une situation dont les effets n'ont pas totalement disparus. L'acculturation planifiée résulte souvent de la demande d'un groupe qui souhaite voir son mode de vie évoluer. Il s'agit en quelque sorte d'une déculturation voulue par une nation ou une société, et non imposée de l'extérieur.

De par cette analyse de Roger Bastide, l'on constate que les baka émettent eux-mêmes des demandes pour modifier leurs modes de vie et ils accueillent à bras ouverts tout organisme ou personne désireuse de les y aider. Mais l'acculturation que l'on croit planifiée ne s'avère être que forcée, car les besoins qui sont présentés par les baka proviennent au fond de la volonté des acteurs du développement, qui leur démontre au préalable que c'est ce qui est bien pour eux. Or, une des preuves que ces actions les minent est qu'ils ne s'y retrouvent pas. C'est pour cela qu'ils se livrent par exemple à de nombreuses perversions, telles que l'ivrognerie.

En définitive, l'on a pu constater tout au long de ce chapitre que les acteurs du développement des pygmées baka de l'Est Cameroun accordent une importance particulière à l'amélioration des conditions de vie des baka. Mais, ce faisant ils négligent d'y intégrer les baka dans la réalisation de leur développement du fait de leur marginalisation. Cela provoque des conséquences néfastes sur la vie entière des baka et sur ce qui constitue leur identité. L'on a pu constater que d'une part les pygmées baka de Missoumé étaient sujets à la dépendance vis-à-vis des donateurs, et d'autre part, étaient victimes d'une acculturation forcée qu'ils n'ont pas réellement choisi de vivre. Dans ce contexte, et au regard des textes internationaux et nationaux relatifs au développement des baka, il convient de présenter une esquisse de solution pour le fonctionnement du droit au développement chez les pygmées, dans le but d'obtenir son perfectionnement.

Chapitre II :

La limitation de la mise en oeuvre du droit au développement chez les pygmées baka de l'Est

La mise en oeuvre du droit au développement au Cameroun nécessite obligatoirement que soient repensés les stratégies et les modes d'actions visant le développement des baka de l'Est. Il est question dans ce chapitre de relever les difficultés majeures qui rendent difficile la mise en oeuvre du droit au développement au Cameroun dans l'optique de proposer des solutions en vue d'atteindre son perfectionnement. Pour ce faire, il convient de présenter dans un premier temps les difficultés d'ordre juridique et politique (Section 1), puis dans un second temps les difficultés d'ordre sociologique et culturelles (Section 2).

Section 1: Les difficultés d'ordre juridique et politique

Les obstacles qui ont trait au cadre juridique et politique sont relatifs à la faiblesse du cadre juridique camerounais (I) et à la faible capacité politique des pygmées baka (II).

I. Les obstacles liés à la faiblesse du cadre juridique camerounais

La faiblesse du cadre juridique s'exprime à travers l'absence de loi et de politique nationale spécifique aux peuples autochtones (A), et les difficultés d'accès à la justice que connaissent les baka (B).

A- L'Absence de loi et de politique nationale de développement spécifique aux peuples autochtones

Le Cameroun s'illustre par le déficit de loi portant mise en application de la disposition constitutionnelle sur la protection des « peuples autochtones ». En effet, les droits des peuples autochtones ne sont pas protégés par les textes, et cela donne libre cours à toutes formes de violations à leur endroit, sans risque de se voir réprimandé. Cela constitue aussi la cause principale des écarts observés, commis par les acteurs de développement, du fait qu'il n'existe pas un cadre qui organise et coordonne les activités de ces derniers. Les analyses qui précèdent ont démontré que, les acteurs du développement mettent en oeuvre leurs actions en fonction de leur propre conception du développement, et ces actions ne sont pas souvent fructueuses du fait qu'un certain nombre de droits et de prérogatives ne sont pas reconnus spécifiquement aux peuples autochtones.

Il est nécessaire pourtant, que ces derniers soient protégés de façon spécifique, car ils ont en commun une identité différente de celles du groupe dominant, et de ce fait, celle-ci doit être protégée et promue. Les droits qui sont reconnus à l'ensemble de la population ne s'appliquent pas de la même façon aux peuples autochtones dont les pygmées baka.  

Ainsi, en dehors de la loi sur les peuples autochtones qui fait défaut au Cameroun, l'on pourrait mentionner aussi le déficit de politique de développement propre aux peuples autochtones. En effet, il est clair que le développement des baka ne peut se faire de la même façon que celui des autres citoyens camerounais. De ce fait, cette absence de politique cause une lacune sérieuse à la mise en oeuvre du droit au développement des baka de l'Est, qui subissent de sérieuses violations, mais ne peuvent obtenir réparation, du fait de l'accès difficile à la justice.

B- Les difficultés d'accès à la justice que connaissent les baka

Il existe une profusion de textes législatifs et réglementaires qui garantissent aux citoyens camerounais l'accès à la justice. Mais en dépit de toutes ces dispositions prises par le législateur, l'accès à la justice des baka demeure considérablement pénible voire impossible. En effet, le déclenchement d'un procès implique nécessairement que des fonds soient déboursés par chaque partie, ce mécanisme contribue tout simplement à réduire les coûts de procédure78(*) et nécessite que le justiciable dispose de fonds, ce qui n'est pas le cas de la communauté baka de Missoumé qui vit dans un réel état de précarité.

De plus, le déficit d'accès à l'information ainsi que la localisation des juridictions qui se trouvent généralement dans les chefs-lieux de départements, assez loin des villages baka, constituent des facteurs limitant l'exercice de ce droit par les individus membres de cette communauté. Ensuite, l'exigence de la qualité pour agir pourrait être difficile à remplir pour les baka, au cas où ils voudraient ester en justice pour certains de leurs principaux sujets de préoccupation. Il s'agit par exemple des questions foncières et d'accès aux ressources naturelles. L'Etat est considéré, par le droit national, comme le propriétaire des terres et des forêts79(*). Les communautés ne peuvent donc pas ester en justice contre les auteurs de l'exploitation forestière illégale, même s'il est établi qu'elle leur est préjudiciable. Enfin, de sérieuses lacunes subsistent quant à la reconnaissance des spécificités de ces groupes dans le système judiciaire camerounais. C'est le cas de l'absence des assesseurs80(*) de coutumes et des interprètes s'exprimant en langue Baka auprès des tribunaux coutumiers de l'Est, ce qui oblige ces derniers dans bien des cas à s'exprimer dans la langue de leurs voisins bantous qu'ils ne maitrisent pourtant pas.

Ces lacunes juridiques observées proviennent entre autres de la faible capacité des pygmées baka à accéder aux instances de prises de décisions c'est-à-dire à la sphère politique.

II. Les obstacles liés à la faiblesse de la capacité politique des pygmées baka

Sur le plan politique, la faiblesse est marquée par la qualité du leadership des communautés baka (A) et l'absence de représentation des élites pygmées dans les institutions politiques locales et nationales (B).

A- La qualité du leadership des communautés pygmées

Les chefs des pygmées baka peuvent représenter eux aussi des obstacles à la mise en oeuvre du droit au développement des baka au Cameroun. En effet, le chef qui, le plus souvent est désigné est celui qui a reçu ne serait ce qu'un minimum d'éducation scolaire. Or, le programme éducatif mis en place par l'Etat camerounais est propre à modifier les mentalités des baka. Ainsi, ceux-ci ne perçoivent plus le développement comme un moyen de promouvoir leur identité et leur culture, mais l'opportunité d'acquérir les mêmes biens que les autres et au même titre qu'eux. Dans ce contexte, il est difficile de réaliser le développement propre aux peuples autochtones.

De même, les associations créées par les jeunes visent la plupart du temps l'amélioration des conditions de vie des populations, sans qu'il ne soit fait cas avec insistance de la promotion de leurs valeurs culturelles. Ils ont tendance de par leur comportement à reproduire le mode de vie des bantous, ce qui n'est pas propice à la mise en oeuvre du développement des baka.

C'est ainsi que le chef et les élites baka constituent en eux-mêmes une contrainte au développement, dans la mesure où ils se fondent dans la volonté des bantous et acceptent sans restriction les propositions de ces derniers. Par conséquent, il serait difficile que l'implication du chef ou celle des élites soit significative dans les institutions politiques locales et nationales.

B- L'absence de représentation des élites pygmées dans les institutions politiques locales et nationales

Les entretiens et enquêtes opérés dans l'arrondissement d'Abong Mbang ont permis de constater que les élites baka n'étaient pas conviées aux instances de prise de décision au niveau local. De même, sur le plan national, ils ne sont généralement pas consultés lors de l'élaboration des politiques ou des projets les concernant de près ou de loin. De ce fait, leurs spécificités, leur identité et leur doléances ne sont pas intégrées dans ces politiques, ou le sont mais pas de manière appropriée.

Certes, au cours de la JIPA2, le MINAS avait convié des représentants des baka aux réunions préparatoires en vue de présenter les besoins de leur communauté, dans l'optique de leur faire des dons. Mais, au cours de ces réunions l'occasion n'était pas donnée aux représentants baka de remettre en question les décisions prises pour exploiter les financements reçus. Ils auraient pu dire qu'ils ne préfèrent pas des dons en nature mais plutôt en espèces ou faire des propositions, mais il leur était assigné une tâche précise et unique. En dehors de ces initiatives, l'Etat camerounais au niveau local ou national n'intègre pas les baka dans les processus de prise de décision, dans les domaines les concernant de près ou de loin.

Au-delà des difficultés liées aux cadres juridique et politique, il convient de relever les obstacles relatifs aux domaines sociologique et culturel.

Section 2: Les difficultés d'ordre sociologique et culturel

Il convient dans cette section, de relever d'une part les limites portées par les acteurs du développement (I), avant de noter celles émanant des populations locales (II).

I. Les limites portées par les acteurs du développement

Les limites portées par les acteurs du développement concernent le manque de moyens financiers et matériels pour réaliser le développement des baka (A) et la conception du développement par ces acteurs (B).

A- Le manque de moyens financiers et matériels pour réaliser le développement des baka

La limite liée au manque de moyens financiers et matériels se retrouve dans la majorité des cas auprès des ONG locales oeuvrant pour le développement des baka, telles que le CADDAP. En effet, cette ONG doit couvrir toute la région de l'Est Cameroun, et dispose pour le faire, de moyens extrêmement limités. Certes, elle reçoit la contribution de bailleurs de fonds, mais cela n'est pas suffisant.

L'Etat affirme accorder des subventions aux ONG, au CADDAP en particulier. Mais, la somme annoncée est souvent réduite de moitié, voire plus. Ainsi, lorsqu'on annonce à la directrice du CADDAP que cette ONG bénéficie d'un financement de 300 000 FCFA par exemple, quand elle se rend dans les locaux du Ministère pour percevoir la somme promise, elle se voit remettre 75 000FCFA. De cette façon, les financements que procure l'Etat n'ont pas une incidence considérable sur l'avancée des projets de développement. Pourtant, le Chef de la Section des groupes marginaux et de l'organisation de l'action communautaire d'appui aux initiatives locales de solidarité du Centre social du MINAS d'Abong Mbang a révélé lors de l'entretien passé avec lui, que l'Etat du Cameroun a prévu un budget de près de 900 millions de FCFA au profit des populations autochtones du Cameroun.

En outre, dans le cadre du financement, il convient de relever la pratique selon laquelle des ONG élaborent des projets, mais pas dans le but de venir en aide aux baka, plutôt dans celui de se faire de l'argent. Pour cela, toutes les techniques sont utilisées pour tromper la vigilance des bailleurs de fonds, telles que la production de fausses pièces justificatives des dépenses, la construction des infrastructures en matériau de mauvaise qualité, etc. Tout cela part de la mentalité des acteurs du développement des baka. Même si ces derniers obtiennent des financements, ceux-ci seront utilisés en fonction de la conception qu'ils ont du droit au développement au profit des baka.

B- La conception du développement par les acteurs de développement

Les acteurs du développement n'ont pas souvent la même conception du développement. Le débat en cours est celui de savoir si le développement nécessite qu'on s'y adapte ou consiste à apporter à une société ce dont elle a besoin. Les acteurs ne sont pas unanimes sur la question, mais à l'Est Cameroun, l'on observe que les stratégies de développement sont sensiblement semblables. Et cela constitue un frein à la réalisation du développement des baka dans la mesure où les acteurs du développement ont pour souci majeur d'uniformiser le développement de tous les citoyens camerounais. Ils pensent à sortir les baka de leur situation de « sous-humanité » pour leur permettre au même titre que les autres, d'accéder au développement. Or, de nombreuses études auxquelles s'ajoute la présente, ont démontré à suffisance que le développement tel qu'il est perçu pour le groupe dominant, doit être considéré différemment en ce qui concerne les peuples autochtones.

Les acteurs qui affirment même être conscients de l'enjeu qui existe autour du développement des peuples autochtones, n'adoptent pas une stratégie strictement différente des autres. Bien plus, tous les acteurs sont caractérisés par une impatience prononcée à l'endroit des baka. Cela s'illustre par le fait que les projets de développement élaborés le sont de manière périodique. Leur durée est déterminée à l'avance, ce qui pousse les acteurs à souvent accélérer le processus de réalisation pour atteindre les objectifs fixés à la date prévue. Cela démontre qu'à ce moment là il ne s'agit plus de la recherche de l'intérêt des peuples autochtones, mais plutôt de celui des acteurs en question. D'où l'importance de leur conception du développement des baka.

Il convient néanmoins de relever les limites provenant des populations locales elles mêmes.

II. Les limites émanant des populations locales

Les populations locales mentionnées ici concernent à la fois les bantu et les pygmées baka. Ainsi, les limites émanant d'elles sont relatives à la domination étouffante des bantous (A) et au conflit de génération qui existe au sein de la communauté baka (B).

A- La domination étouffante des bantous

Malgré l'éloignement des pygmées baka des bantous Maka, ces derniers exercent sur eux une domination néfaste à la mise en oeuvre du droit au développement des baka. En effet, les bantous se considèrent comme supérieurs aux baka, qui apparaissent comme marqués par le dénuement à cause de leur faible attachement aux valeurs matérielles : huttes en matériaux précaires, petits champs, habillement négligé, culture matérielle simple. La différence culturelle qu'ils présentent est interprétée en termes d'incapacité morale et psychologique, et conduit à ce que les bantous les considèrent comme infantiles. Ceci étant, et ajouté à la naïveté des pygmées, les bantous n'hésitent pas à les exploiter de la pire des façons qu'ils soient. Ils les traitent comme des esclaves, les méprisent, les violentent et abusent d'eux.

Or, lorsqu'on sait que les baka sont rattachés aux bantous ne serait ce que sur le plan administratif, l'on comprend l'urgence qu'il y a de légitimer les institutions baka, en vue de leur assurer le droit au développement. Les relations entre pygmées et bantous ne sont pas sociales, elles sont conflictuelles et illustrent bien la situation du dominant et du dominé. C'est ainsi que la domination étouffante des bantous constitue un frein à la mise en oeuvre du droit au développement au Cameroun, même s'il existe aussi des limites émanant des baka eux-mêmes.

B- Les conflits de génération entre les membres de la communauté pygmée

La limite majeure qu'il convient de mentionner ici, est celle du conflit de génération qui existe entre les membres de la communauté baka. En effet, les personnes âgées, qui ont reçu l'héritage provenant de leurs ancêtres, sont choquées lorsqu'elles observent le mode de vie des populations pygmées de nos jours. Elles disent être déshéritées d'un important patrimoine culturel que leur ont laissé les ancêtres.

Parallèlement, la génération de ceux qui sont nés dans la sédentarisation n'ont pas connu les pratiques qui faisaient la particularité et l'identité même des populations baka. De ce fait, ils conçoivent le développement comme la nécessité de jouir des mêmes droits et d'obtenir les mêmes biens que les bantous.

Cela rend difficile la mise en oeuvre du droit au développement en ce qui concerne la consultation des peuples. Etant donné que les personnes âgées sont minoritaires, lorsqu'il sera question de donner leur avis sur les projets de développement à mettre en cours, les baka seront indécis face à la réponse à donner et l'ascendant numérique des « jeunes » leur permettra de l'emporter sur l'opinion des personnes plus âgées, qui pourtant s'avère être bénéfique pour une réalisation du droit au développement conforme aux principes et normes définis par la Communauté internationale.

CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE

Dans la région de l'Est du Cameroun, et particulièrement dans l'arrondissement d'Abong Mbang, au village de Missoumé, le droit au développement est partiellement mis en oeuvre. Cela s'illustre par le fait que les pygmées baka en jouissent de manière relative. Cette relativité est perceptible à travers la primauté qui est accordée à la dimension liée à l'accès au bien être du droit au développement. De ce fait, l'on observe une certaine négligence quant à la prise en compte des pygmées baka comme acteurs de leur propre développement. Il existe néanmoins des tendances d'implication de ces personnes, mais elles demeurent timides. Or, la légère prise en compte des pygmées comme des sujets de leur développement provoque sur ces derniers des conséquences liées d'une part à la dépendance des baka vis-à-vis des donateurs, occasionnant en eux la paresse et le maintien dans la pauvreté ; et d'autre part à l'acculturation forcée dont sont victimes les baka, lesquels abandonnent leurs cultures et modes de vie anciens pour adopter radicalement de nouveaux.

La situation dans laquelle se trouve les baka émane du fait que la mise en oeuvre du droit au développement s'avère être limitée à cause des difficultés qu'elle rencontre. Celles-ci sont liées tant au cadre juridique et politique qu'au domaine social et culturel. De ce fait, des aspects tels que l'absence de loi ou de politique propres au développement, la conception erronée du développement des baka par les acteurs du développement, le manque de moyens financiers et matériels, le difficile accès à la justice, constituent des difficultés réelles à la mise en oeuvre du droit au développement au Cameroun. Ces difficultés majeures ont été recensées dans le but d'identifier les causes de blocages générales de la réalisation dudit droit, afin de proposer des solutions permettant de les surmonter et par là de perfectionner sa mise en oeuvre.

CONCLUSION GENERALE

L'étude portant sur les peuples autochtones et le droit au développement au Cameroun : cas des pygmées baka de l'Est, a trouvé écho à la préoccupation de la Communauté internationale, qui a le souci d'assurer le droit au développement aux peuples autochtones, mais dans le respect strict de leurs spécificités et identité. Ainsi, dans le but de déterminer s'il est possible de parler d'un droit au développement des peuples autochtones notamment des pygmées baka de l'Est au Cameroun, il a été question de présenter la reconnaissance effective du droit au développement au profit des pygmées baka. En effet, le droit au développement leur est reconnu tant sur le plan international que national. Toutefois, la mise en oeuvre du droit au développement demeure partielle et obstruée d'embûches. Car, le développement doit viser la réalisation des droits de l'homme et pas en premier l'amélioration des conditions de vie. Pourtant, dans les villages ayant fait l'objet de notre étude, l'accès au bien être demeure la priorité des acteurs du développement, négligeant la dimension relative aux droits de l'homme qui exige que les pygmées baka soient impliqués dans la réalisation de leur développement. Les conséquences immédiates de cette négligence sont la dépendance des baka vis-à-vis de leurs bienfaiteurs et une acculturation progressive qui ne cesse de prendre de l'ampleur. Toutefois, la mise en oeuvre du droit au développement demeure limitée du fait des difficultés tant juridiques et politiques, que sociales et culturelles.

Ainsi, l'hypothèse posée au préalable selon laquelle il existe bel et bien un droit au développement au Cameroun, conformément aux dispositions internationales existantes en la matière, celui-ci étant reconnu aux peuples autochtones, notamment aux pygmées baka de l'est en tant que citoyens de l'Etat camerounais, malgré sa mise en oeuvre partielle du fait de nombreuses difficultés qu'il rencontre, puisque dans la pratique la primauté est accordée à l'accès au bien être, négligeant ainsi la dimension relative aux droits de l'homme, se trouve être pleinement vérifiée et confirmée. En effet, le droit au développement existe au Cameroun et est reconnu aux peuples autochtones en tant que citoyens de l'Etat. Mais, sa mise en oeuvre demeure partielle parce qu'il n'est pas consacré de manière spécifique aux peuples autochtones, notamment aux pygmées baka.

Par conséquent, dans le souci de contribuer au perfectionnement de la mise en oeuvre du droit au développement chez les pygmées baka de l'est, il convient d'émettre un certain nombre de recommandations à l'endroit de l'Etat et à l'attention des autres acteurs du développement qui doivent eux aussi exercer une pression sur l'Etat pour que la situation soit changée. Ainsi, il convient de:

- Adopter une loi portant mise en application de la disposition constitutionnelle sur la protection des peuples autochtones;

- Finaliser et publier la politique nationale sur les populations marginales entamée il y a plusieurs années et y inclure des dispositions relatives à leur développement;

- Prendre des mesures spécifiques concrètes pour combattre la discrimination contre les peuples autochtones au Cameroun ;

- Promouvoir et ratifier la Convention n°169 relative aux peuples indigènes et tribaux ;

- Faire de la consultation et de la participation effective des peuples autochtones une condition indispensable à tout projet ou programme de développement susceptible de les affecter ;

- Prendre des mesures visant à encadrer et à promouvoir l'industrie traditionnelle, l'artisanat et les techniques et connaissances médicinales et vétérinaires des communautés qui s'identifient comme autochtones au Cameroun ;

- Mettre en place au sein de l'inspection nationale du travail une section spéciale pour s'occuper de la question de l'emploi des personnes autochtones ;

- Conduire une réflexion sur la question foncière et la gestion des ressources naturelles, afin de s'assurer que les droits fonciers des autochtones et leurs modes de vie sont protégés, dans le cadre d'une réforme du droit qui ne bouleversera pas de manière fondamentale le droit foncier national ;

- Soutenir les initiatives culturellement appropriées dans les secteurs de l'éducation et de la santé en milieux autochtones : notamment aux modes de vie des peuples autochtones par la création d'écoles et de centres de santé mobiles ;

- Créer un quota de représentation des peuples autochtones dans les instances de décision nationales et locales, ainsi que de prendre des mesures incitatives visant à résoudre le problème de la sous représentation voire de la représentation quasi nulle des peuples autochtones dans les institutions publiques ;

- Intégrer dans les efforts nationaux de réduction de la pauvreté les perceptions et les stratégies des autochtones et adopter à leur égard une approche basée sur la reconnaissance de leurs droits collectifs en tant que peuples avec leurs spécificités culturelles, et  identifier et intégrer leurs savoirs traditionnels dans les stratégies de réduction de la pauvreté81(*) ;

- Renforcer les capacités organisationnelles des peuples autochtones et appuyer ceux-ci dans la formulation de leurs préoccupations et de leurs intérêts, pour qu'ils puissent participer de manière égale dans les processus qui les affectent ;

- Reconnaître l'organisation traditionnelle des peuples autochtones et nomades dans le processus de création des chefferies des communautés;

- Imposer, dans le cadre des études d'impact, un volet social avec des dispositions précises relatives aux communautés autochtones : les opérateurs devront avoir l'obligation d'analyser l'impact spécifique de leurs opérations sur les communautés autochtones et de fournir un plan d'atténuation ;

- Assurer la réalité de la gratuité de l'école pour les autochtones et adapter les programmes scolaires des établissements fréquentés par des autochtones pour qu'ils bénéficient d'enseignements plus pratiques, et des cours donnés en langues autochtones

Toutes ces recommandations pourraient permettre que s'améliore la mise en oeuvre du droit au développement au Cameroun. Le développement des pygmées baka nécessite des investigations plus poussées car il constitue un domaine vaste, dans lequel il convient d'étudier le comportement de chaque village baka pour se faire une idée précise de l'impact des actions de développement et des solutions à envisager pour leur permettre de bénéficier du développement.

BIBLIOGRAPHIE

OUVRAGES

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DOCUMENTS

A- Textes officiels

1. Textes officiels internes:

· Préambule de la loi n°96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la constitution camerounaise du 02 janvier 1972.

· Loi n° 96/12 du 5 aout 1996. portant loi-cadre relative a la gestion de. l'environnement

· Loi N° 94/01 du 20 janvier 1994 portant régime des forêts, de la faune et de la pêche

2. Textes officiels internationaux et régionaux :

· Charte Africaine des droits de l'homme et des Peuples (1981)

· Déclaration Universelle des droits de l'homme (1948),

· Pacte international des Nations Unies relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (1966),

· Déclaration sur le droit au développement (1986)

· Déclaration sur les droits des peuples autochtones (1992)

· Convention n°169 sur les peuples indigènes et tribaux.

B- Rapports, communications et avis

· PNUD, 2000, Rapport sur le développement humain au Cameroun 2000, société civile et développement, Yaoundé, PNUD.

· CADHP, « Peuples Autochtones d'Afrique : le peuple oublié », Banjul, Gambie, 2006, 15p.

· Nations Unies, « étude du problème de la discrimination à l'encontre des populations autochtones », Genève, 1986, 1400p.

· Groupe de travail du GNUD (Groupe des Nations Unies pour le Développement) sur les questions autochtones, Lignes Directrices du GNUD sur les questions autochtones, Genève, février 2008, 44p.

· Nations Unies, « Etude du problème de la discrimination à l'encontre des populations autochtones », Genève, 1986, 1400p.

· OIT, Les droits des peuples autochtones dans la pratique : un guide sur la Convention n°169 de l'OIT, Première édition, Genève :OIT, 2009, 200p.

· OIT/CADHP, Aperçu du rapport du projet de recherche par l'Organisation Internationale du Travail et la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples relatif à la protection constitutionnelle et législative des droits des peuples autochtones dans 24 pays africains , Organisation Internationale du Travail. - Genève, 2009, 173p.

· Rodolfo STAVENHAGEN, Promotion et protection de tous les droits de l'homme, civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, y compris le droit au développement :Rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme et des libertés fondamentales des peuples autochtones, Nations Unies, 15 novembre 2007

· Communication n°75/92(1995) - Congrès du Peuple katangais c./Zaïre, 8ème Rapport annuel d'activités de la Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples.

· Travail de la commission africaine sur les peuples autochtones d'Afrique par Commission Africaine des Droits de l'Homme et des peuples (CADHP) et IWGIA, « Peuples autochtones d'Afrique : Les Peuples oubliés ? », 2006

C- Autres documents :

· Bulletin, les peuples indigènes et tribaux, Genève, OIT, 2008, 36p.

· Fiche d'information n°09, les droits des peuples autochtones, Genève, Nations Unies 1997, 46p.

· Fiche d'information n°18, Droit des minorités, Genève, Nations-Unies 1992, 21p.

· Fiche 02, sommet mondial sur le développement durable, « lutte contre la pauvreté et justice sociale », Rédaction du dossier d'information pour Johannesburg, 2002

· FONDAF (Foyer notre dame de la forêt), « Les pygmées un peuple en danger : aspect juridique », Fondaf-Bipindi, 2006

-« Les groupes Pygmées au Cameroun Baka, Bakola, Bagyeli et Medzam », Fondaf-Bipindi, 2006.

· Commission européenne, Lignes directrices : gestion du cycle de projet, Bruxelles, Belgique, 2004, 150p.

· CTSE-DRSP, Révision du Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté, Termes De Référence, 2007

ANNEXES

ANNEXE n°1

Déclaration des Nations Unies
sur les droits des peuples autochtones

Résolution adoptée par l'Assemblée générale, 13 septembre 2007

L'Assemblée générale,

Guidée par les buts et principes énoncés dans la Charte des Nations Unies et convaincue que les États se conformeront aux obligations que leur impose la Charte,

Affirmant que les peuples autochtones sont égaux à tous les autres peuples, tout en reconnaissant le droit de tous les peuples d'être différents, de s'estimer différents et d'être respectés en tant que tels,

Affirmant également que tous les peuples contribuent à la diversité et à la richesse des civilisations et des cultures, qui constituent le patrimoine commun de l'humanité,

Affirmant en outre que toutes les doctrines, politiques et pratiques qui invoquent ou prônent la supériorité de peuples ou d'individus en se fondant sur des différences d'ordre national, racial, religieux, ethnique ou culturel sont racistes, scientifiquement fausses, juridiquement sans valeur, moralement condamnables et socialement injustes,

Réaffirmant que les peuples autochtones, dans l'exercice de leurs droits, ne doivent faire l'objet d'aucune forme de discrimination,

Préoccupée par le fait que les peuples autochtones ont subi des injustices historiques à cause, entre autres, de la colonisation et de la dépossession de leurs terres, territoires et ressources, ce qui les a empêchés d'exercer, notamment, leur droit au développement conformément à leurs propres besoins et intérêts,

Consciente de la nécessité urgente de respecter et de promouvoir les droits intrinsèques des peuples autochtones, qui découlent de leurs structures politiques, économiques et sociales et de leur culture, de leurs traditions spirituelles, de leur histoire et de leur philosophie, en particulier leurs droits à leurs terres, territoires et ressources,

Consciente également de la nécessité urgente de respecter et de promouvoir les droits des peuples autochtones affirmés dans les traités, accords et autres arrangements constructifs conclus avec les États,

Se félicitant du fait que les peuples autochtones s'organisent pour améliorer leur situation sur les plans politique, économique, social et culturel et mettre fin à toutes les formes de discrimination et d'oppression partout où elles se produisent,

Convaincue que le contrôle, par les peuples autochtones, des événements qui les concernent, eux et leurs terres, territoires et ressources, leur permettra de perpétuer et de renforcer leurs institutions, leur culture et leurs traditions et de promouvoir leur développement selon leurs aspirations et leurs besoins,

Considérant que le respect des savoirs, des cultures et des pratiques traditionnelles autochtones contribue à une mise en valeur durable et équitable de l'environnement et à sa bonne gestion,

Soulignant la contribution de la démilitarisation des terres et territoires des peuples autochtones à la paix, au progrès économique et social et au développement, à la compréhension et aux relations amicales entre les nations et les peuples du monde,

Considérant en particulier le droit des familles et des communautés autochtones de conserver la responsabilité partagée de l'éducation, de la formation, de l'instruction et du bien-être de leurs enfants, conformément aux droits de l'enfant,

Estimant que les droits affirmés dans les traités, accords et autres arrangements constructifs entre les États et les peuples autochtones sont, dans certaines situations, des sujets de préoccupation, d'intérêt et de responsabilité à l'échelle internationale et présentent un caractère international,

Estimant également que les traités, accords et autres arrangements constructifs, ainsi que les relations qu'ils représentent, sont la base d'un partenariat renforcé entre les peuples autochtones et les États,

Constatant que la Charte des Nations Unies, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ainsi que la Déclaration et le Programme d'action de Vienne, affirment l'importance fondamentale du droit de tous les peuples de disposer d'eux-mêmes, droit en vertu duquel ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel,

Consciente qu'aucune disposition de la présente Déclaration ne pourra être invoquée pour dénier à un peuple quel qu'il soit son droit à l'autodétermination, exercé conformément au droit international,

Convaincue que la reconnaissance des droits des peuples autochtones dans la présente Déclaration encouragera des relations harmonieuses et de coopération entre les États et les peuples autochtones, fondées sur les principes de justice, de démocratie, de respect des droits de l'homme, de non-discrimination et de bonne foi,

Encourageant les États à respecter et à mettre en oeuvre effectivement toutes leurs obligations applicables aux peuples autochtones en vertu des instruments internationaux, en particulier ceux relatifs aux droits de l'homme, en consultation et en coopération avec les peuples concernés,

Soulignant que l'Organisation des Nations Unies a un rôle important et continu à jouer dans la promotion et la protection des droits des peuples autochtones,

Convaincue que la présente Déclaration est une nouvelle étape importante sur la voie de la reconnaissance, de la promotion et de la protection des droits et libertés des peuples autochtones et dans le développement des activités pertinentes du système des Nations Unies dans ce domaine,

Considérant et réaffirmant que les autochtones sont admis à bénéficier sans aucune discrimination de tous les droits de l'homme reconnus en droit international, et que les peuples autochtones ont des droits collectifs qui sont indispensables à leur existence, à leur bien-être et à leur développement intégral en tant que peuples,

Considérant que la situation des peuples autochtones n'est pas la même selon les régions et les pays, et qu'il faut tenir compte de l'importance des particularités nationales ou régionales, ainsi que de la variété des contextes historiques et culturels,

Proclame solennellement la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, dont le texte figure ci-après, qui constitue un idéal à atteindre dans un esprit de partenariat et de respect mutuel :

Article premier

Les peuples autochtones ont le droit, à titre collectif ou individuel, de jouir pleinement de l'ensemble des droits de l'homme et des libertés fondamentales reconnus par la Charte des Nations Unies, la Déclaration universelle des droits de l'homme et le droit international relatif aux droits de l'homme.

Article 2

Les autochtones, peuples et individus, sont libres et égaux à tous les autres et ont le droit de ne faire l'objet, dans l'exercice de leurs droits, d'aucune forme de discrimination fondée, en particulier, sur leur origine ou leur identité autochtones.

Article 3

Les peuples autochtones ont le droit à l'autodétermination. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel.

Article 4

Les peuples autochtones, dans l'exercice de leur droit à l'autodétermination, ont le droit d'être autonomes et de s'administrer eux-mêmes pour tout ce qui touche à leurs affaires intérieures et locales, ainsi que de disposer des moyens de financer leurs activités autonomes.

Article 5

Les peuples autochtones ont le droit de maintenir et de renforcer leurs institutions politiques, juridiques, économiques, sociales et culturelles distinctes, tout en conservant le droit, si tel est leur choix, de participer pleinement à la vie politique, économique, sociale et culturelle de l'État.

Article 6

Tout autochtone a droit à une nationalité.

Article 7

1. Les autochtones ont droit à la vie, à l'intégrité physique et mentale, à la liberté et à la sécurité de la personne.

2. Les peuples autochtones ont le droit, à titre collectif, de vivre dans la liberté, la paix et la sécurité en tant que peuples distincts et ne font l'objet d'aucun acte de génocide ou autre acte de violence, y compris le transfert forcé d'enfants autochtones d'un groupe à un autre.

Article 8

1. Les autochtones, peuples et individus, ont le droit de ne pas subir d'assimilation forcée ou de destruction de leur culture.

2. Les États mettent en place des mécanismes de prévention et de réparation efficaces visant :
a) Tout acte ayant pour but ou pour effet de priver les autochtones de leur intégrité en tant que peuples distincts, ou de leurs valeurs culturelles ou leur identité ethnique ;
b) Tout acte ayant pour but ou pour effet de les déposséder de leurs terres, territoires ou ressources ;
c) Toute forme de transfert forcé de population ayant pour but ou pour effet de violer ou d'éroder l'un quelconque de leurs droits ;
d) Toute forme d'assimilation ou d'intégration forcée ;
e) Toute forme de propagande dirigée contre eux dans le but d'encourager la discrimination raciale ou ethnique ou d'y inciter.

Article 9

Les autochtones, peuples et individus, ont le droit d'appartenir à une communauté ou à une nation autochtone, conformément aux traditions et coutumes de la communauté ou de la nation considérée. Aucune discrimination quelle qu'elle soit ne saurait résulter de l'exercice de ce droit.

Article 10

Les peuples autochtones ne peuvent être enlevés de force à leurs terres ou territoires. Aucune réinstallation ne peut avoir lieu sans le consentement préalable
- donné librement et en connaissance de cause - des peuples autochtones concernés et un accord sur une indemnisation juste et équitable et, lorsque cela est possible, la faculté de retour.

Article 11

1. Les peuples autochtones ont le droit d'observer et de revivifier leurs traditions culturelles et leurs coutumes. Ils ont notamment le droit de conserver, de protéger et de développer les manifestations passées, présentes et futures de leur culture, telles que les sites archéologiques et historiques, l'artisanat, les dessins et modèles, les rites, les techniques, les arts visuels et du spectacle et la littérature.

2. Les États doivent accorder réparation par le biais de mécanismes efficaces - qui peuvent comprendre la restitution - mis au point en concertation avec les peuples autochtones, en ce qui concerne les biens culturels, intellectuels, religieux et spirituels qui leur ont été pris sans leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, ou en violation de leurs lois, traditions et coutumes.

Article 12

1. Les peuples autochtones ont le droit de manifester, de pratiquer, de promouvoir et d'enseigner leurs traditions, coutumes et rites religieux et spirituels ; le droit d'entretenir et de protéger leurs sites religieux et culturels et d'y avoir accès en privé ; le droit d'utiliser leurs objets rituels et d'en disposer ; et le droit au rapatriement de leurs restes humains.
2. Les États veillent à permettre l'accès aux objets de culte et aux restes humains en leur possession et/ou leur rapatriement, par le biais de mécanismes justes, transparents et efficaces mis au point en concertation avec les peuples autochtones concernés.

Article 13

1. Les peuples autochtones ont le droit de revivifier, d'utiliser, de développer et de transmettre aux générations futures leur histoire, leur langue, leurs traditions orales, leur philosophie, leur système d'écriture et leur littérature, ainsi que de choisir et de conserver leurs propres noms pour les communautés, les lieux et les personnes.

2. Les États prennent des mesures efficaces pour protéger ce droit et faire en sorte que les peuples autochtones puissent comprendre et être compris dans les procédures politiques, juridiques et administratives, en fournissant, si nécessaire, des services d'interprétation ou d'autres moyens appropriés.

Article 14

1. Les peuples autochtones ont le droit d'établir et de contrôler leurs propres systèmes et établissements scolaires où l'enseignement est dispensé dans leur propre langue, d'une manière adaptée à leurs méthodes culturelles d'enseignement et d'apprentissage.
2. Les autochtones, en particulier les enfants, ont le droit d'accéder à tous les niveaux et à toutes les formes d'enseignement public, sans discrimination aucune.
3. Les États, en concertation avec les peuples autochtones, prennent des mesures efficaces pour que les autochtones, en particulier les enfants, vivant à l'extérieur de leur communauté, puissent accéder, lorsque cela est possible, à un enseignement dispensé selon leur propre culture et dans leur propre langue.

Article 15

1. Les peuples autochtones ont droit à ce que l'enseignement et les moyens d'information reflètent fidèlement la dignité et la diversité de leurs cultures, de leurs traditions, de leur histoire et de leurs aspirations.

2. Les États prennent des mesures efficaces, en consultation et en coopération avec les peuples autochtones concernés, pour combattre les préjugés et éliminer la discrimination et pour promouvoir la tolérance, la compréhension et de bonnes relations entre les peuples autochtones et toutes les autres composantes de la société.

Article 16

1. Les peuples autochtones ont le droit d'établir leurs propres médias dans leur propre langue et d'accéder à toutes les formes de médias non autochtones sans discrimination aucune.
2. Les États prennent des mesures efficaces pour faire en sorte que les médias publics reflètent dûment la diversité culturelle autochtone. Les États, sans préjudice de l'obligation d'assurer pleinement la liberté d'expression, encouragent les médias privés à refléter de manière adéquate la diversité culturelle autochtone.

Article 17

1. Les autochtones, individus et peuples, ont le droit de jouir pleinement de tous les droits établis par le droit du travail international et national applicable.
2. Les États doivent, en consultation et en coopération avec les peuples autochtones, prendre des mesures visant spécifiquement à protéger les enfants autochtones contre l'exploitation économique et contre tout travail susceptible d'être dangereux ou d'entraver leur éducation ou de nuire à leur santé ou à leur développement physique, mental, spirituel, moral ou social, en tenant compte de leur vulnérabilité particulière et de l'importance de l'éducation pour leur autonomisation.
3. Les autochtones ont le droit de n'être soumis à aucune condition de travail discriminatoire, notamment en matière d'emploi ou de rémunération.

Article 18

Les peuples autochtones ont le droit de participer à la prise de décisions sur des questions qui peuvent concerner leurs droits, par l'intermédiaire de représentants qu'ils ont eux-mêmes choisis conformément à leurs propres procédures, ainsi que le droit de conserver et de développer leurs propres institutions décisionnelles.

Article 19

Les États se concertent et coopèrent de bonne foi avec les peuples autochtones intéressés - par l'intermédiaire de leurs propres institutions représentatives - avant d'adopter et d'appliquer des mesures législatives ou administratives susceptibles de concerner les peuples autochtones, afin d'obtenir leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause.

Article 20

1. Les peuples autochtones ont le droit de conserver et de développer leurs systèmes ou institutions politiques, économiques et sociaux, de disposer en toute sécurité de leurs propres moyens de subsistance et de développement et de se livrer librement à toutes leurs activités économiques, traditionnelles et autres.
2. Les peuples autochtones privés de leurs moyens de subsistance et de développement ont droit à une indemnisation juste et équitable.

Article 21

1. Les peuples autochtones ont droit, sans discrimination d'aucune sorte, à l'amélioration de leur situation économique et sociale, notamment dans les domaines de l'éducation, de l'emploi, de la formation et de la reconversion professionnelles, du logement, de l'assainissement, de la santé et de la sécurité sociale.

2. Les États prennent des mesures efficaces et, selon qu'il conviendra, des mesures spéciales pour assurer une amélioration continue de la situation économique et sociale des peuples autochtones. Une attention particulière est accordée aux droits et aux besoins particuliers des anciens, des femmes, des jeunes, des enfants et des personnes handicapées autochtones.

Article 22

1. Une attention particulière est accordée aux droits et aux besoins spéciaux des anciens, des femmes, des jeunes, des enfants et des personnes handicapées autochtones dans l'application de la présente Déclaration.
2. Les États prennent des mesures, en concertation avec les peuples autochtones, pour veiller à ce que les femmes et les enfants autochtones soient pleinement protégés contre toutes les formes de violence et de discrimination et bénéficient des garanties voulues.

Article 23

Les peuples autochtones ont le droit de définir et d'élaborer des priorités et des stratégies en vue d'exercer leur droit au développement. En particulier, ils ont le droit d'être activement associés à l'élaboration et à la définition des programmes de santé, de logement et d'autres programmes économiques et sociaux les concernant, et, autant que possible, de les administrer par l'intermédiaire de leurs propres institutions.

Article 24

1. Les peuples autochtones ont droit à leur pharmacopée traditionnelle et ils ont le droit de conserver leurs pratiques médicales, notamment de préserver leurs plantes médicinales, animaux et minéraux d'intérêt vital. Les autochtones ont aussi le droit d'avoir accès, sans aucune discrimination, à tous les services sociaux et de santé.
2. Les autochtones ont le droit, en toute égalité, de jouir du meilleur état possible de santé physique et mentale. Les États prennent les mesures nécessaires en vue d'assurer progressivement la pleine réalisation de ce droit.

Article 25

Les peuples autochtones ont le droit de conserver et de renforcer leurs liens spirituels particuliers avec les terres, territoires, eaux et zones maritimes côtières et autres ressources qu'ils possèdent ou occupent et utilisent traditionnellement, et d'assumer leurs responsabilités en la matière à l'égard des générations futures.

Article 26

1. Les peuples autochtones ont le droit aux terres, territoires et ressources qu'ils possèdent et occupent traditionnellement ou qu'ils ont utilisés ou acquis.
2. Les peuples autochtones ont le droit de posséder, d'utiliser, de mettre en valeur et de contrôler les terres, territoires et ressources qu'ils possèdent parce qu'ils leur appartiennent ou qu'ils les occupent ou les utilisent traditionnellement, ainsi que ceux qu'ils ont acquis.
3. Les États accordent reconnaissance et protection juridiques à ces terres, territoires et ressources. Cette reconnaissance se fait en respectant dûment les coutumes, traditions et régimes fonciers des peuples autochtones concernés.

Article 27

Les États mettront en place et appliqueront, en concertation avec les peuples autochtones concernés, un processus équitable, indépendant, impartial, ouvert et transparent prenant dûment en compte les lois, traditions, coutumes et régimes fonciers des peuples autochtones, afin de reconnaître les droits des peuples autochtones en ce qui concerne leurs terres, territoires et ressources, y compris ceux qu'ils possèdent, occupent ou utilisent traditionnellement, et de statuer sur ces droits. Les peuples autochtones auront le droit de participer à ce processus.

Article 28

1. Les peuples autochtones ont droit à réparation, par le biais, notamment, de la restitution ou, lorsque cela n'est pas possible, d'une indemnisation juste, correcte et équitable pour les terres, territoires et ressources qu'ils possédaient traditionnellement ou occupaient ou utilisaient et qui ont été confisqués, pris, occupés, exploités ou dégradés sans leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause.
2. Sauf si les peuples concernés en décident librement d'une autre façon, l'indemnisation se fait sous forme de terres, de territoires et de ressources équivalents par leur qualité, leur étendue et leur régime juridique, ou d'une indemnité pécuniaire ou de toute autre réparation appropriée.

Article 29

1. Les peuples autochtones ont droit à la préservation et à la protection de leur environnement et de la capacité de production de leurs terres ou territoires et ressources. À ces fins, les États établissent et mettent en oeuvre des programmes d'assistance à l'intention des peuples autochtones, sans discrimination d'aucune sorte.
2. Les États prennent des mesures efficaces pour veiller à ce qu'aucune matière dangereuse ne soit stockée ou déchargée sur les terres ou territoires des peuples autochtones sans leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause.
3. Les États prennent aussi, selon que de besoin, des mesures efficaces pour veiller à ce que des programmes de surveillance, de prévention et de soins de santé destinés aux peuples autochtones affectés par ces matières, et conçus et exécutés par eux, soient dûment mis en oeuvre.

Article 30

1. Il ne peut y avoir d'activités militaires sur les terres ou territoires des peuples autochtones, à moins que ces activités ne soient justifiées par des raisons d'intérêt public ou qu'elles n'aient été librement décidées en accord avec les peuples autochtones concernés, ou demandées par ces derniers.

2. Les États engagent des consultations effectives avec les peuples autochtones concernés, par le biais de procédures appropriées et, en particulier, par l'intermédiaire de leurs institutions représentatives, avant d'utiliser leurs terres et territoires pour des activités militaires.

Article 31

1. Les peuples autochtones ont le droit de préserver, de contrôler, de protéger et de développer leur patrimoine culturel, leur savoir traditionnel et leurs expressions culturelles traditionnelles ainsi que les manifestations de leurs sciences, techniques et culture, y compris leurs ressources humaines et génétiques, leurs semences, leur pharmacopée, leur connaissance des propriétés de la faune et de la flore, leurs traditions orales, leur littérature, leur esthétique, leurs sports et leurs jeux traditionnels et leurs arts visuels et du spectacle. Ils ont également le droit de préserver, de contrôler, de protéger et de développer leur propriété intellectuelle collective de ce patrimoine culturel, de ce savoir traditionnel et de ces expressions culturelles traditionnelles.
2. En concertation avec les peuples autochtones, les États prennent des mesures efficaces pour reconnaître ces droits et en protéger l'exercice.

Article 32

1. Les peuples autochtones ont le droit de définir et d'établir des priorités et des stratégies pour la mise en valeur et l'utilisation de leurs terres ou territoires et autres ressources.
2. Les États consultent les peuples autochtones concernés et coopèrent avec eux de bonne foi par l'intermédiaire de leurs propres institutions représentatives, en vue d'obtenir leur consentement, donné librement et en connaissance de cause, avant l'approbation de tout projet ayant des incidences sur leurs terres ou territoires et autres ressources, notamment en ce qui concerne la mise en valeur, l'utilisation ou l'exploitation des ressources minérales, hydriques ou autres.
3. Les États mettent en place des mécanismes efficaces visant à assurer une réparation juste et équitable pour toute activité de cette nature, et des mesures adéquates sont prises pour en atténuer les effets néfastes sur les plans environnemental, économique, social, culturel ou spirituel.

Article 33

1. Les peuples autochtones ont le droit de décider de leur propre identité ou appartenance conformément à leurs coutumes et traditions, sans préjudice du droit des autochtones d'obtenir, à titre individuel, la citoyenneté de l'État dans lequel ils vivent.
2. Les peuples autochtones ont le droit de déterminer les structures de leurs institutions et d'en choisir les membres selon leurs propres procédures.

Article 34

Les peuples autochtones ont le droit de promouvoir, de développer et de conserver leurs structures institutionnelles et leurs coutumes, spiritualité, traditions, procédures ou pratiques particulières et, lorsqu'ils existent, leurs systèmes ou coutumes juridiques, en conformité avec les normes internationales relatives aux droits de l'homme.

Article 35

Les peuples autochtones ont le droit de déterminer les responsabilités des individus envers leur communauté.

Article 36

1. Les peuples autochtones, en particulier ceux qui vivent de part et d'autre de frontières internationales, ont le droit d'entretenir et de développer, à travers ces frontières, des contacts, des relations et des liens de coopération avec leurs propres membres ainsi qu'avec les autres peuples, notamment des activités ayant des buts spirituels, culturels, politiques, économiques et sociaux.
2. Les États prennent, en consultation et en coopération avec les peuples autochtones, des mesures efficaces pour faciliter l'exercice de ce droit et en assurer l'application.

Article 37

1. Les peuples autochtones ont droit à ce que les traités, accords et autres arrangements constructifs conclus avec des États ou leurs successeurs soient reconnus et effectivement appliqués, et à ce que les États honorent et respectent lesdits traités, accords et autres arrangements constructifs.
2. Aucune disposition de la présente Déclaration ne peut être interprétée de manière à diminuer ou à nier les droits des peuples autochtones énoncés dans des traités, accords et autres arrangements constructifs.

Article 38

Les États prennent, en consultation et en coopération avec les peuples autochtones, les mesures appropriées, y compris législatives, pour atteindre les buts de la présente Déclaration.

Article 39

Les peuples autochtones ont le droit d'avoir accès à une assistance financière et technique, de la part des États et dans le cadre de la coopération internationale, pour jouir des droits énoncés dans la présente Déclaration.

Article 40

Les peuples autochtones ont le droit d'avoir accès à des procédures justes et équitables pour le règlement des conflits et des différends avec les États ou d'autres parties et à une décision rapide en la matière, ainsi qu'à des voies de recours efficaces pour toute violation de leurs droits individuels et collectifs. Toute décision en la matière prendra dûment en considération les coutumes, traditions, règles et systèmes juridiques des peuples autochtones concernés et les normes internationales relatives aux droits de l'homme.

Article 41

Les organes et les institutions spécialisées du système des Nations Unies et d'autres organisations intergouvernementales contribuent à la pleine mise en oeuvre des dispositions de la présente Déclaration par la mobilisation, notamment, de la coopération financière et de l'assistance technique. Les moyens d'assurer la participation des peuples autochtones à l'examen des questions les concernant doivent être mis en place.

Article 42

L'Organisation des Nations Unies, ses organes, en particulier l'Instance permanente sur les questions autochtones, les institutions spécialisées, notamment au niveau des pays, et les États favorisent le respect et la pleine application des dispositions de la présente Déclaration et veillent à en assurer l'efficacité.

Article 43

Les droits reconnus dans la présente Déclaration constituent les normes minimales nécessaires à la survie, à la dignité et au bien-être des peuples autochtones du monde.

Article 44

Tous les droits et libertés reconnus dans la présente Déclaration sont garantis de la même façon à tous les autochtones, hommes et femmes.

Article 45

Aucune disposition de la présente Déclaration ne peut être interprétée comme entraînant la diminution ou l'extinction de droits que les peuples autochtones ont déjà ou sont susceptibles d'acquérir à l'avenir.

Article 46

1. Aucune disposition de la présente Déclaration ne peut être interprétée comme impliquant pour un État, un peuple, un groupement ou un individu un droit quelconque de se livrer à une activité ou d'accomplir un acte contraire à la Charte des Nations Unies, ni considérée comme autorisant ou encourageant aucun acte ayant pour effet de détruire ou d'amoindrir, totalement ou partiellement, l'intégrité territoriale ou l'unité politique d'un État souverain et indépendant.
2. Dans l'exercice des droits énoncés dans la présente Déclaration, les droits de l'homme et les libertés fondamentales de tous sont respectés. L'exercice des droits énoncés dans la présente Déclaration est soumis uniquement aux restrictions prévues par la loi et conformes aux obligations internationales relatives aux droits de l'homme. Toute restriction de cette nature sera non discriminatoire et strictement nécessaire à seule fin d'assurer la reconnaissance et le respect des droits et libertés d'autrui et de satisfaire aux justes exigences qui s'imposent dans une société démocratique.
3. Les dispositions énoncées dans la présente Déclaration seront interprétées conformément aux principes de justice, de démocratie, de respect des droits de l'homme, d'égalité, de non-discrimination, de bonne gouvernance et de bonne foi.

ANNEXE n°2

C169 Convention relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989

La Conférence générale de l'Organisation internationale du Travail,

Convoquée à Genève par le Conseil d'administration du Bureau international du Travail, et s'y étant réunie le 7 juin 1989, en sa 76e session;

Notant les normes internationales énoncées dans la convention et la recommandation relatives aux populations aborigènes et tribales, 1957;

Rappelant les termes de la Déclaration universelle des droits de l'homme, du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et des nombreux instruments internationaux concernant la prévention de la discrimination;

Considérant que, étant donné l'évolution du droit international depuis 1957 et l'évolution qui est intervenue dans la situation des peuples indigènes et tribaux dans toutes les régions du monde, il y a lieu d'adopter de nouvelles normes internationales sur la question en vue de supprimer l'orientation des normes antérieures, qui visaient à l'assimilation;

Prenant acte de l'aspiration des peuples en question à avoir le contrôle de leurs institutions, de leurs modes de vie et de leur développement économique propres et à conserver et développer leur identité, leur langue et leur religion dans le cadre des Etats où ils vivent;

Notant que, dans de nombreuses parties du monde, ces peuples ne peuvent jouir des droits fondamentaux de l'homme au même degré que le reste de la population des Etats où ils vivent et que leurs lois, valeurs, coutumes et perspectives ont souvent subi une érosion;

Appelant l'attention sur la contribution particulière des peuples indigènes et tribaux à la diversité culturelle et à l'harmonie sociale et écologique de l'humanité ainsi qu'à la coopération et à la compréhension internationales;

Notant que les dispositions ci-après ont été établies avec la collaboration des Nations Unies, de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture et de l'Organisation mondiale de la santé ainsi que de l'Institut indigéniste interaméricain, aux niveaux appropriés et pour leurs domaines respectifs, et que l'on se propose de poursuivre cette coopération en vue de promouvoir et d'assurer leur application;

Après avoir décidé d'adopter diverses propositions concernant la révision partielle de la convention (no. 107) relative aux populations aborigènes et tribales, 1957, question qui constitue le quatrième point à l'ordre du jour de la session;

Après avoir décidé que ces propositions prendraient la forme d'une convention internationale révisant la convention relative aux populations aborigènes et tribales, 1957,

adopte, ce vingt-septième jour de juin mil neuf cent quatre-vingt-neuf, la convention ci-après, qui sera dénommée Convention relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989.

PARTIE I. POLITIQUE GÉNÉRALE

Article 1

1. La présente convention s'applique:

a) aux peuples tribaux dans les pays indépendants qui se distinguent des autres secteurs de la communauté nationale par leurs conditions sociales, culturelles et économiques et qui sont régis totalement ou partiellement par des coutumes ou des traditions qui leur sont propres ou par une législation spéciale;

b) aux peuples dans les pays indépendants qui sont considérés comme indigènes du fait qu'ils descendent des populations qui habitaient le pays, ou une région géographique à laquelle appartient le pays, à l'époque de la conquête ou de la colonisation ou de l'établissement des frontières actuelles de l'Etat, et qui, quel que soit leur statut juridique, conservent leurs institutions sociales, économiques, culturelles et politiques propres ou certaines d'entre elles.

2. Le sentiment d'appartenance indigène ou tribale doit être considéré comme un critère fondamental pour déterminer les groupes auxquels s'appliquent les dispositions de la présente convention.

3. L'emploi du terme peuples dans la présente convention ne peut en aucune manière être interprété comme ayant des implications de quelque nature que ce soit quant aux droits qui peuvent s'attacher à ce terme en vertu du droit international.

Article 2

1. Il incombe aux gouvernements, avec la participation des peuples intéressés, de développer une action coordonnée et systématique en vue de protéger les droits de ces peuples et de garantir le respect de leur intégrité.

2. Cette action doit comprendre des mesures visant à:

a) assurer que les membres desdits peuples bénéficient, sur un pied d'égalité, des droits et possibilités que la législation nationale accorde aux autres membres de la population;

b) promouvoir la pleine réalisation des droits sociaux, économiques et culturels de ces peuples, dans le respect de leur identité sociale et culturelle, de leurs coutumes et traditions et de leurs institutions;

c) aider les membres desdits peuples à éliminer les écarts socio-économiques qui peuvent exister entre des membres indigènes et d'autres membres de la communauté nationale, d'une manière compatible avec leurs aspirations et leur mode de vie.

Article 3

1. Les peuples indigènes et tribaux doivent jouir pleinement des droits de l'homme et des libertés fondamentales, sans entrave ni discrimination. Les dispositions de cette convention doivent être appliquées sans discrimination aux femmes et aux hommes de ces peuples.

2. Aucune forme de force ou de coercition ne doit être utilisée en violation des droits de l'homme et des libertés fondamentales des peuples intéressés, y compris des droits prévus par la présente convention.

Article 4

1. Des mesures spéciales doivent être adoptées, en tant que de besoin, en vue de sauvegarder les personnes, les institutions, les biens, le travail, la culture et l'environnement des peuples intéressés.

2. Ces mesures spéciales ne doivent pas être contraires aux désirs librement exprimés des peuples intéressés.

3. Lesdites mesures ne doivent porter aucune atteinte à la jouissance, sans discrimination, de la généralité des droits qui s'attachent à la qualité de citoyen.

Article 5

En appliquant les dispositions de la présente convention, il faudra:

a) reconnaître et protéger les valeurs et les pratiques sociales, culturelles, religieuses et spirituelles de ces peuples et prendre dûment en considération la nature des problèmes qui se posent à eux, en tant que groupes comme en tant qu'individus;

b) respecter l'intégrité des valeurs, des pratiques et des institutions desdits peuples;

c) adopter, avec la participation et la coopération des peuples affectés, des mesures tendant à aplanir les difficultés que ceux-ci éprouvent à faire face à de nouvelles conditions de vie et de travail.

Article 6

1. En appliquant les dispositions de la présente convention, les gouvernements doivent:

a) consulter les peuples intéressés, par des procédures appropriées, et en particulier à travers leurs institutions représentatives, chaque fois que l'on envisage des mesures législatives ou administratives susceptibles de les toucher directement;

b) mettre en place les moyens par lesquels lesdits peuples peuvent, à égalité au moins avec les autres secteurs de la population, participer librement et à tous les niveaux à la prise de décisions dans les institutions électives et les organismes administratifs et autres qui sont responsables des politiques et des programmes qui les concernent;

c) mettre en place les moyens permettant de développer pleinement les institutions et initiatives propres à ces peuples et, s'il y a lieu, leur fournir les ressources nécessaires à cette fin.

2. Les consultations effectuées en application de la présente convention doivent être menées de bonne foi et sous une forme appropriée aux circonstances, en vue de parvenir à un accord ou d'obtenir un consentement au sujet des mesures envisagées.

Article 7

1. Les peuples intéressés doivent avoir le droit de décider de leurs propres priorités en ce qui concerne le processus du développement, dans la mesure où celui-ci a une incidence sur leur vie, leurs croyances, leurs institutions et leur bien-être spirituel et les terres qu'ils occupent ou utilisent d'une autre manière, et d'exercer autant que possible un contrôle sur leur développement économique, social et culturel propre. En outre, lesdits peuples doivent participer à l'élaboration, à la mise en oeuvre et à l'évaluation des plans et programmes de développement national et régional susceptibles de les toucher directement.

2. L'amélioration des conditions de vie et de travail des peuples intéressés et de leur niveau de santé et d'éducation, avec leur participation et leur coopération, doit être prioritaire dans les plans de développement économique d'ensemble des régions qu'ils habitent. Les projets particuliers de développement de ces régions doivent également être conçus de manière à promouvoir une telle amélioration.

3. Les gouvernements doivent faire en sorte que, s'il y a lieu, des études soient effectuées en coopération avec les peuples intéressés, afin d'évaluer l'incidence sociale, spirituelle, culturelle et sur l'environnement que les activités de développement prévues pourraient avoir sur eux. Les résultats de ces études doivent être considérés comme un critère fondamental pour la mise en oeuvre de ces activités.

4. Les gouvernements doivent prendre des mesures, en coopération avec les peuples intéressés, pour protéger et préserver l'environnement dans les territoires qu'ils habitent.

Article 8

1. En appliquant la législation nationale aux peuples intéressés, il doit être dûment tenu compte de leurs coutumes ou de leur droit coutumier.

2. Les peuples intéressés doivent avoir le droit de conserver leurs coutumes et institutions dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec les droits fondamentaux définis par le système juridique national et avec les droits de l'homme reconnus au niveau international. Des procédures doivent être établies, en tant que de besoin, pour résoudre les conflits éventuellement soulevés par l'application de ce principe.

3. L'application des paragraphes 1 et 2 du présent article ne doit pas empêcher les membres desdits peuples d'exercer les droits reconnus à tous les citoyens et d'assumer les obligations correspondantes.

Article 9

1. Dans la mesure où cela est compatible avec le système juridique national et avec les droits de l'homme reconnus au niveau international, les méthodes auxquelles les peuples intéressés ont recours à titre coutumier pour réprimer les délits commis par leurs membres doivent être respectées.

2. Les autorités et les tribunaux appelés à statuer en matière pénale doivent tenir compte des coutumes de ces peuples dans ce domaine.

Article 10

1. Lorsque des sanctions pénales prévues par la législation générale sont infligées à des membres des peuples intéressés, il doit être tenu compte de leurs caractéristiques économiques, sociales et culturelles.

2. La préférence doit être donnée à des formes de sanction autres que l'emprisonnement.

Article 11

La prestation obligatoire de services personnels, rétribués ou non, imposée sous quelque forme que ce soit aux membres des peuples intéressés, doit être interdite sous peine de sanctions légales, sauf dans les cas prévus par la loi pour tous les citoyens.

Article 12

Les peuples intéressés doivent bénéficier d'une protection contre la violation de leurs droits et pouvoir engager une procédure légale, individuellement ou par l'intermédiaire de leurs organes représentatifs, pour assurer le respect effectif de ces droits. Des mesures doivent être prises pour faire en sorte que, dans toute procédure légale, les membres de ces peuples puissent comprendre et se faire comprendre, au besoin grâce à un interprète ou par d'autres moyens efficaces.

PARTIE II. TERRES

Article 13

1. En appliquant les dispositions de cette partie de la convention, les gouvernements doivent respecter l'importance spéciale que revêt pour la culture et les valeurs spirituelles des peuples intéressés la relation qu'ils entretiennent avec les terres ou territoires, ou avec les deux, selon le cas, qu'ils occupent ou utilisent d'une autre manière, et en particulier des aspects collectifs de cette relation.

2. L'utilisation du terme terres dans les articles 15 et 16 comprend le concept de territoires, qui recouvre la totalité de l'environnement des régions que les peuples intéressés occupent ou qu'ils utilisent d'une autre manière.

Article 14

1. Les droits de propriété et de possession sur les terres qu'ils occupent traditionnellement doivent être reconnus aux peuples intéressés. En outre, des mesures doivent être prises dans les cas appropriés pour sauvegarder le droit des peuples intéressés d'utiliser les terres non exclusivement occupées par eux, mais auxquelles ils ont traditionnellement accès pour leurs activités traditionnelles et de subsistance. Une attention particulière doit être portée à cet égard à la situation des peuples nomades et des agriculteurs itinérants.

2. Les gouvernements doivent en tant que de besoin prendre des mesures pour identifier les terres que les peuples intéressés occupent traditionnellement et pour garantir la protection effective de leurs droits de propriété et de possession.

3. Des procédures adéquates doivent être instituées dans le cadre du système juridique national en vue de trancher les revendications relatives à des terres émanant des peuples intéressés.

Article 15

1. Les droits des peuples intéressés sur les ressources naturelles dont sont dotées leurs terres doivent être spécialement sauvegardés. Ces droits comprennent celui, pour ces peuples, de participer à l'utilisation, à la gestion et à la conservation de ces ressources.

2. Dans les cas où l'Etat conserve la propriété des minéraux ou des ressources du sous-sol ou des droits à d'autres ressources dont sont dotées les terres, les gouvernements doivent établir ou maintenir des procédures pour consulter les peuples intéressés dans le but de déterminer si et dans quelle mesure les intérêts de ces peuples sont menacés avant d'entreprendre ou d'autoriser tout programme de prospection ou d'exploitation des ressources dont sont dotées leurs terres. Les peuples intéressés doivent, chaque fois que c'est possible, participer aux avantages découlant de ces activités et doivent recevoir une indemnisation équitable pour tout dommage qu'ils pourraient subir en raison de telles activités.

Article 16

1. Sous réserve des paragraphes suivants du présent article, les peuples intéressés ne doivent pas être déplacés des terres qu'ils occupent.

2. Lorsque le déplacement et la réinstallation desdits peuples sont jugés nécessaires à titre exceptionnel, ils ne doivent avoir lieu qu'avec leur consentement, donné librement et en toute connaissance de cause. Lorsque ce consentement ne peut être obtenu, ils ne doivent avoir lieu qu'à l'issue de procédures appropriées établies par la législation nationale et comprenant, s'il y a lieu, des enquêtes publiques où les peuples intéressés aient la possibilité d'être représentés de façon efficace.

3. Chaque fois que possible, ces peuples doivent avoir le droit de retourner sur leurs terres traditionnelles, dès que les raisons qui ont motivé leur déplacement et leur réinstallation cessent d'exister.

4. Dans le cas où un tel retour n'est pas possible, ainsi que déterminé par un accord ou, en l'absence d'un tel accord, au moyen de procédures appropriées, ces peuples doivent recevoir, dans toute la mesure possible, des terres de qualité et de statut juridique au moins égaux à ceux des terres qu'ils occupaient antérieurement et leur permettant de subvenir à leurs besoins du moment et d'assurer leur développement futur. Lorsque les peuples intéressés expriment une préférence pour une indemnisation en espèces ou en nature, ils doivent être ainsi indemnisés, sous réserve des garanties appropriées.

5. Les personnes ainsi déplacées et réinstallées doivent être entièrement indemnisées de toute perte ou de tout dommage subi par elles de ce fait.

Article 17

1. Les modes de transmission des droits sur la terre entre leurs membres établis par les peuples intéressés doivent être respectés.

2. Les peuples intéressés doivent être consultés lorsque l'on examine leur capacité d'aliéner leurs terres ou de transmettre d'une autre manière leurs droits sur ces terres en dehors de leur communauté.

3. Les personnes qui n'appartiennent pas à ces peuples doivent être empêchées de se prévaloir des coutumes desdits peuples ou de l'ignorance de leurs membres à l'égard de la loi en vue d'obtenir la propriété, la possession ou la jouissance de terres leur appartenant.

Article 18

La loi doit prévoir des sanctions adéquates pour toute entrée non autorisée sur les terres des peuples intéressés, ou toute utilisation non autorisée de ces terres, et les gouvernements doivent prendre des mesures pour empêcher ces infractions.

Article 19

Les programmes agraires nationaux doivent garantir aux peuples intéressés des conditions équivalentes à celles dont bénéficient les autres secteurs de la population en ce qui concerne:

a) l'octroi de terres supplémentaires quand les terres dont lesdits peuples disposent sont insuffisantes pour leur assurer les éléments d'une existence normale, ou pour faire face à leur éventuel accroissement numérique;

b) l'octroi des moyens nécessaires à la mise en valeur des terres que ces peuples possèdent déjà.

PARTIE III. RECRUTEMENT ET CONDITIONS D'EMPLOI

Article 20

1. Les gouvernements doivent, dans le cadre de la législation nationale et en coopération avec les peuples intéressés, prendre des mesures spéciales pour assurer aux travailleurs appartenant à ces peuples une protection efficace en ce qui concerne le recrutement et les conditions d'emploi, dans la mesure où ils ne sont pas efficacement protégés par la législation applicable aux travailleurs en général.

2. Les gouvernements doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir pour éviter toute discrimination entre les travailleurs appartenant aux peuples intéressés et les autres travailleurs, notamment en ce qui concerne:

a) l'accès à l'emploi, y compris aux emplois qualifiés, ainsi que les mesures de promotion et d'avancement;

b) la rémunération égale pour un travail de valeur égale;

c) l'assistance médicale et sociale, la sécurité et la santé au travail, toutes les prestations de sécurité sociale et tous autres avantages découlant de l'emploi, ainsi que le logement;

d) le droit d'association, le droit de se livrer librement à toutes activités syndicales non contraires à la loi et le droit de conclure des conventions collectives avec des employeurs ou avec des organisations d'employeurs.

3. Les mesures prises doivent notamment viser à ce que:

a) les travailleurs appartenant aux peuples intéressés, y compris les travailleurs saisonniers, occasionnels et migrants employés dans l'agriculture ou dans d'autres activités, de même que ceux employés par des pourvoyeurs de main-d'oeuvre, jouissent de la protection accordée par la législation et la pratique nationales aux autres travailleurs de ces catégories dans les mêmes secteurs, et qu'ils soient pleinement informés de leurs droits en vertu de la législation du travail et des moyens de recours auxquels ils peuvent avoir accès;

b) les travailleurs appartenant à ces peuples ne soient pas soumis à des conditions de travail qui mettent en danger leur santé, en particulier en raison d'une exposition à des pesticides ou à d'autres substances toxiques;

c) les travailleurs appartenant à ces peuples ne soient pas soumis à des systèmes de recrutement coercitifs, y compris la servitude pour dette sous toutes ses formes;

d) les travailleurs appartenant à ces peuples jouissent de l'égalité de chances et de traitement entre hommes et femmes dans l'emploi et d'une protection contre le harcèlement sexuel.

4. Une attention particulière doit être portée à la création de services adéquats d'inspection du travail dans les régions où des travailleurs appartenant aux peuples intéressés exercent des activités salariées, de façon à assurer le respect des dispositions de la présente partie de la convention.

PARTIE IV. FORMATION PROFESSIONNELLE, ARTISANAT ET INDUSTRIES RURALES

Article 21

Les membres des peuples intéressés doivent pouvoir bénéficier de moyens de formation professionnelle au moins égaux à ceux accordés aux autres citoyens.

Article 22

1. Des mesures doivent être prises pour promouvoir la participation volontaire des membres des peuples intéressés aux programmes de formation professionnelle d'application générale.

2. Lorsque les programmes de formation professionnelle d'application générale existants ne répondent pas aux besoins propres des peuples intéressés, les gouvernements doivent, avec la participation de ceux-ci, faire en sorte que des programmes et des moyens spéciaux de formation soient mis à leur disposition.

3. Les programmes spéciaux de formation doivent se fonder sur le milieu économique, la situation sociale et culturelle et les besoins concrets des peuples intéressés. Toute étude en ce domaine doit être réalisée en coopération avec ces peuples, qui doivent être consultés au sujet de l'organisation et du fonctionnement de ces programmes. Lorsque c'est possible, ces peuples doivent assumer progressivement la responsabilité de l'organisation et du fonctionnement de ces programmes spéciaux de formation, s'ils en décident ainsi.

Article 23

1. L'artisanat, les industries rurales et communautaires, les activités relevant de l'économie de subsistance et les activités traditionnelles des peuples intéressés, telles que la chasse, la pêche, la chasse à la trappe et la cueillette, doivent être reconnus en tant que facteurs importants du maintien de leur culture ainsi que de leur autosuffisance et de leur développement économiques. Les gouvernements doivent, avec la participation de ces peuples, et, s'il y a lieu, faire en sorte que ces activités soient renforcées et promues.

2. A la demande des peuples intéressés, il doit leur être fourni, lorsque c'est possible, une aide technique et financière appropriée qui tienne compte des techniques traditionnelles et des caractéristiques culturelles de ces peuples ainsi que de l'importance d'un développement durable et équitable.

PARTIE V. SÉCURITÉ SOCIALE ET SANTÉ

Article 24

Les régimes de sécurité sociale doivent être progressivement étendus aux peuples intéressés et être appliqués sans discrimination à leur encontre.

Article 25

1. Les gouvernements doivent faire en sorte que des services de santé adéquats soient mis à la disposition des peuples intéressés ou doivent leur donner les moyens leur permettant d'organiser et de dispenser de tels services sous leur responsabilité et leur contrôle propres, de manière à ce qu'ils puissent jouir du plus haut niveau possible de santé physique et mentale.

2. Les services de santé doivent être autant que possible organisés au niveau communautaire. Ces services doivent être planifiés et administrés en coopération avec les peuples intéressés et tenir compte de leurs conditions économiques, géographiques, sociales et culturelles, ainsi que de leurs méthodes de soins préventifs, pratiques de guérison et remèdes traditionnels.

3. Le système de soins de santé doit accorder la préférence à la formation et à l'emploi de personnel de santé des communautés locales et se concentrer sur les soins de santé primaires, tout en restant en rapport étroit avec les autres niveaux de services de santé.

4. La prestation de tels services de santé doit être coordonnée avec les autres mesures sociales, économiques et culturelles prises dans le pays.

PARTIE VI. EDUCATION ET MOYENS DE COMMUNICATION

Article 26

Des mesures doivent être prises pour assurer aux membres des peuples intéressés la possibilité d'acquérir une éducation à tous les niveaux au moins sur un pied d'égalité avec le reste de la communauté nationale.

Article 27

1. Les programmes et les services d'éducation pour les peuples intéressés doivent être développés et mis en oeuvre en coopération avec ceux-ci pour répondre à leurs besoins particuliers et doivent couvrir leur histoire, leurs connaissances et leurs techniques, leurs systèmes de valeurs et leurs autres aspirations sociales, économiques et culturelles.

2. L'autorité compétente doit faire en sorte que la formation des membres des peuples intéressés et leur participation à la formulation et à l'exécution des programmes d'éducation soient assurées afin que la responsabilité de la conduite desdits programmes puisse être progressivement transférée à ces peuples s'il y a lieu.

3. De plus, les gouvernements doivent reconnaître le droit de ces peuples de créer leurs propres institutions et moyens d'éducation, à condition que ces institutions répondent aux normes minimales établies par l'autorité compétente en consultation avec ces peuples. Des ressources appropriées doivent leur être fournies à cette fin.

Article 28

1. Lorsque cela est réalisable, un enseignement doit être donné aux enfants des peuples intéressés pour leur apprendre à lire et à écrire dans leur propre langue indigène ou dans la langue qui est le plus communément utilisée par le groupe auquel ils appartiennent. Lorsque cela n'est pas réalisable, les autorités compétentes doivent entreprendre des consultations avec ces peuples en vue de l'adoption de mesures permettant d'atteindre cet objectif.

2. Des mesures adéquates doivent être prises pour assurer que ces peuples aient la possibilité d'atteindre la maîtrise de la langue nationale ou de l'une des langues officielles du pays.

3. Des dispositions doivent être prises pour sauvegarder les langues indigènes des peuples intéressés et en promouvoir le développement et la pratique.

Article 29

L'éducation doit viser à donner aux enfants des peuples intéressés des connaissances générales et des aptitudes qui les aident à participer pleinement et sur un pied d'égalité à la vie de leur propre communauté ainsi qu'à celle de la communauté nationale.

Article 30

1. Les gouvernements doivent prendre des mesures adaptées aux traditions et aux cultures des peuples intéressés, en vue de leur faire connaître leurs droits et obligations, notamment en ce qui concerne le travail, les possibilités économiques, les questions d'éducation et de santé, les services sociaux et les droits résultant de la présente convention.

2. A cette fin, on aura recours, si nécessaire, à des traductions écrites et à l'utilisation des moyens de communication de masse dans les langues desdits peuples.

Article 31

Des mesures de caractère éducatif doivent être prises dans tous les secteurs de la communauté nationale, et particulièrement dans ceux qui sont le plus directement en contact avec les peuples intéressés, afin d'éliminer les préjugés qu'ils pourraient nourrir à l'égard de ces peuples. A cette fin, des efforts doivent être faits pour assurer que les livres d'histoire et autres matériels pédagogiques fournissent une description équitable, exacte et documentée des sociétés et cultures des peuples intéressés.

PARTIE VII. CONTACTS ET COOPÉRATION À TRAVERS LES FRONTIÈRES

Article 32

Les gouvernements doivent prendre les mesures appropriées, y compris au moyen d'accords internationaux, pour faciliter les contacts et la coopération entre les peuples indigènes et tribaux à travers les frontières, y compris dans les domaines économique, social, culturel, spirituel et de l'environnement.

PARTIE VIII. ADMINISTRATION

Article 33

1. L'autorité gouvernementale responsable des questions faisant l'objet de la présente convention doit s'assurer que des institutions ou autres mécanismes appropriés existent pour administrer les programmes affectant les peuples intéressés et qu'ils disposent des moyens nécessaires à l'accomplissement de leurs fonctions.

2. Ces programmes doivent inclure:

a) la planification, la coordination, la mise en oeuvre et l'évaluation, en coopération avec les peuples intéressés, des mesures prévues par la présente convention;

b) la soumission aux autorités compétentes de propositions de mesures législatives et autres et le contrôle de l'application de ces mesures, en coopération avec les peuples intéressés.

PARTIE IX. DISPOSITIONS GÉNÉRALES

Article 34

La nature et la portée des mesures à prendre pour donner effet à la présente convention doivent être déterminées avec souplesse, compte tenu des conditions particulières à chaque pays.

Article 35

L'application des dispositions de la présente convention ne doit pas porter atteinte aux droits et aux avantages garantis aux peuples intéressés en vertu d'autres conventions et recommandations, d'instruments internationaux, de traités, ou de lois, sentences, coutumes ou accords nationaux.

PARTIE X. DISPOSITIONS FINALES

Article 36

La présente convention révise la convention relative aux populations aborigènes et tribales, 1957.

Article 37

Les ratifications formelles de la présente convention seront communiquées au Directeur général du Bureau international du Travail et par lui enregistrées.

Article 38

1. La présente convention ne liera que les Membres de l'Organisation internationale du Travail dont la ratification aura été enregistrée par le Directeur général.

2. Elle entrera en vigueur douze mois après que les ratifications de deux Membres auront été enregistrées par le Directeur général.

3. Par la suite, cette convention entrera en vigueur pour chaque Membre douze mois après la date où sa ratification aura été enregistrée.

Article 39

1. Tout Membre ayant ratifié la présente convention peut la dénoncer à l'expiration d'une période de dix années après la date de la mise en vigueur initiale de la convention, par un acte communiqué au Directeur général du Bureau international du Travail et par lui enregistré. La dénonciation ne prendra effet qu'une année après avoir été enregistrée.

2. Tout Membre ayant ratifié la présente convention qui, dans le délai d'une année après l'expiration de la période de dix années mentionnée au paragraphe précédent, ne fera pas usage de la faculté de dénonciation prévue par le présent article sera lié pour une nouvelle période de dix années et, par la suite, pourra dénoncer la présente convention à l'expiration de chaque période de dix années dans les conditions prévues au présent article.

Article 40

1. Le Directeur général du Bureau international du Travail notifiera à tous les Membres de l'Organisation internationale du Travail l'enregistrement de toutes les ratifications et dénonciations qui lui seront communiquées par les Membres de l'Organisation.

2. En notifiant aux Membres de l'Organisation l'enregistrement de la deuxième ratification qui lui aura été communiquée, le Directeur général appellera l'attention des Membres de l'Organisation sur la date à laquelle la présente convention entrera en vigueur.

Article 41

Le Directeur général du Bureau international du Travail communiquera au Secrétaire général des Nations Unies, aux fins d'enregistrement, conformément à l'article 102 de la Charte des Nations Unies, des renseignements complets au sujet de toutes ratifications et de tous actes de dénonciation qu'il aura enregistrés conformément aux articles précédents.

Article 42

Chaque fois qu'il le jugera nécessaire, le Conseil d'administration du Bureau international du Travail présentera à la Conférence générale un rapport sur l'application de la présente convention et examinera s'il y a lieu d'inscrire à l'ordre du jour de la Conférence la question de sa révision totale ou partielle.

Article 43

1. Au cas où la Conférence adopterait une nouvelle convention portant révision totale ou partielle de la présente convention, et à moins que la nouvelle convention ne dispose autrement:

a) la ratification par un Membre de la nouvelle convention portant révision entraînerait de plein droit, nonobstant l'article 39 ci-dessus, dénonciation immédiate de la présente convention, sous réserve que la nouvelle convention portant révision soit entrée en vigueur;

b) à partir de la date de l'entrée en vigueur de la nouvelle convention portant révision, la présente convention cesserait d'être ouverte à la ratification des Membres.

2. La présente convention demeurerait en tout cas en vigueur dans sa forme et teneur pour les Membres qui l'auraient ratifiée et qui ne ratifieraient pas la convention portant révision.

Article 44

Les versions française et anglaise du texte de la présente convention font également foi.

ANNEXE n°3

GUIDE D'ENTRETIEN SEMI-DIRECTIF RESERVE AUX ACTEURS DES PROGRAMMES DE DEVELOPPEMENT

- Noms, prénoms, fonction

- Mode de collaboration avec les peuples autochtones dans le cadre de l'exercice de la fonction

- Actions menées par l'ONG/ Etat pour développement des pygmées baka

- Objectifs visés par Institution et par les actions

- Connaissances sur le droit au développement au profit des pygmées baka

- Textes normatifs sous tendant ces actions/ partenariat avec l'Etat

- Implication des pygmées baka dans la réalisation de leur développement

o Moyens de contrôle sur leur développement

o Participation aux phases (niveau de participation ?)

- Préalables du droit au développement

o Etudes d'impact des projets

o Autogestion

- Impact des actions sur les baka (résultats des programmes)

- Perception des pygmées face aux programmes de développement

- Difficultés rencontrées (de tout ordre)

- Solutions préconisées et perspectives envisagées ?

ANNEXE n°4

PHOTOS DU CAMPEMENT DE MISSOUME

Photo 1 : les enfants de l'école de Missoumé Photo 2 : école de Missoumé

Photo 3 : pompe à eau Photo 4 : habitation typique des baka

Photo 5 &6 : latrines modernes construites au profit des bakas du campement de Missoumé

TABLE DES MATIERES

* 1 Lire Rapport du PNUD sur la pauvreté, 2000

* 2 Organisation Internationale du Travail

* 3 J.D. BOUKONGOU, « L'indépendance de la justice comme facteur du développement économique et social », in Bulletin de l'APDHAC N°31, octobre 2008, p 10

* 4 Travail de la commission africaine sur les peuples autochtones d'Afrique par Commission Africaine des Droits de l'Homme et des peuples (CADHP) et IWGIA, « Peuples autochtones d'Afrique : Les Peuples oubliés ? », 2006

* 5 Fiche d'information n°18, Droit des minorités, Genève, Nations-Unies 1992, p9

* 6 Nations Unies, « Etude du problème de la discrimination à l'encontre des populations autochtones », Genève, 1986, 1400p.

* 7 J. MOUANGUE KOBILA, La protection des minorités et des peuples autochtones au Cameroun, 1ère édition, Paris, Dianoïa, 2009, p. 50.

* 8 Travail de la commission africaine sur les peuples autochtones d'Afrique, op. cit, p.31

* 9 Déclaration sur le droit au développement, adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies dans sa résolution 41/128 du 4 décembre 1986

* 10 Paragraphe 2 du préambule de la Déclaration sur le droit au développement, adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies dans sa résolution 41/128 du 4 décembre 1986

* 11 OIT, Les droits des peuples autochtones dans la pratique : un guide sur la Convention n°169 de l'OIT, Première édition, Genève :OIT, 2009, p118

* 12 S. C. ABEGA, Pygmées baka : le droit à la différence, Yaoundé : Ed. INADES Formation Cameroun, 1988, p.72

* 13 G. KANA BELLA, « justice pour le peuple BAKA du Cameroun », in Telema, n°82, avril-juin 1995, pp 79-83 

* 14 Idem, p 80

* 15 P. BIGOMBE LOGO, « Cameroun : pygmées, Etat et développement. L'incontournable ajustement à la modernité », in L'Afrique politique, 1998, pp. 225-270.

* 16 Idem, p. 267.

* 17 E. DOUNIAS, A. FROMENT, « Lorsque les chasseurs-cueilleurs deviennent sédentaires : les conséquences pour le régime alimentaire et la santé », in Unasylva 224, vol. 57, 2006, pp.26-33.

* 18 P. BIGOMBE LOGO, « Cameroun : pygmées, Etat et développement. L'incontournable ajustement à la modernité », in L'Afrique politique, op.cit, p.268.

* 19 M. SINGLETON, « Identité culturelle », in Vivant Univers, pp. 35-36

* 20 S.C. ABEGA, « Marginaux ou marginalisés ? le cas des Pygmées Baka » in La marginalisation des pygmées d'Afrique centrale, AFREDIT, 30 septembre 2006, 275p.

* 21 Le CERAC est le Cercle des amis du Cameroun. C'est une association qui regroupe les épouses des membres du Gouvernement, des Ambassadeurs et des personnalités de la République. Elle est présidée par Mme Chantal BIYA. Elle a assisté les populations Baka dans l'établissement des cartes nationales d'identité à la veille de l'élection présidentielle du 11 octobre 2004.

* 22 L'association Synergies Africaines contre les souffrances et les maladies oeuvre pour le développement des populations vulnérables. Elle offre régulièrement des dons aux populations Baka de la province de l'Est.

* 23 Voir annexe n°3 (Guide d'entretien semi directif réservé aux acteurs des programmes de développement)

* 24 Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies le 13 septembre 2007 à New York

* 25 Convention n°169 relative aux peuples indigènes et tribaux, adoptée par l'Organisation internationale du travail, 1989

* 26 Charte africaine des Droits de l'Homme et des Peuples, adoptée le 27 juin 1981 à Nairobi, Kenya, lors de la 18e Conférence de l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA)

* 27 Sommet Mondial pour le développement social, tenu à Copenhague en 1995

* 28 Sommet du Millénaire, tenu à New York du 6-8 Septembre 2000

* 29 Sommet mondial sur le développement durable, tenu à Johannesburg du 1-4 Septembre 2002

* 30 Rodolfo STAVENHAGEN, Promotion et protection de tous les droits de l'homme, civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, y compris le droit au développement :Rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme et des libertés fondamentales des peuples autochtones, Nations Unies, 15 novembre 2007

* 31 C'est le fait de les aider à prendre des mesures qui vont leur permettre de contrôler davantage leur avenir

* 32 Les gens apprennent davantage en faisant les choses par eux-mêmes. Si on les aide à planifier et gérer leurs propres affaires il y a plus de chance que les résultats répondent mieux à leurs besoins. Le développement des capacités est donc un objectif important des approches participatives. C'est une condition préalable à la durabilité des initiatives de développement.

* 33 La participation contribue à l'efficacité du projet. S'il existe une véritable participation aux activités et à la prise de décision, il y aura plus d'engagement et plus de chances d'atteindre les objectifs.

* 34 Si des mesures plus opportunes peuvent être prises grâce à une approche participative, cela contribuera à améliorer l'efficience des opérations

* 35 Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies le 13 septembre 2007

* 36 Commission européenne, Lignes directrices : gestion du cycle de projet, Bruxelles, Belgique, 2004, p. 119

* 37 Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, op cit, article 19

* 38 Rodolfo STAVENHAGEN, op cit, par. 23

* 39 H. PERRIN, « Les peuples autochtones, à l'origine d'un renouveau du principe d'autodétermination ?», in la nouvelle question indigène : Peuples autochtones et ordre mondial, Paris, l'Harmattan, 2005, p.261

* 40 Ibid, p.262

* 41 Voir l'article 7 qui énonce à ce sujet : « 1. Les peuples intéressés doivent avoir le droit de décider de leurs propres priorités en ce qui concerne le processus du développement [...]et d'exercer autant que possible un contrôle sur leur développement économique, social et culturel propre. »

* 42 H. PERRIN, op cit, p.267

* 43 Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples, Avis juridique de la Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, 41ème session ordinaire, Accra-Ghana, mai 2007,par.17

* 44 L'Article 46 de la DDPA dispose qu' «aucune disposition de la présente Déclaration ne peut être interprétée comme impliquant pour un Etat, un peuple, un groupement ou un individu, un droit quelconque de se livrer à une activité ou d'accomplir un acte contraire à la Charte des Nations Unies. » 

* 45 Voir Communication n°75/92(1995) - Congrès du Peuple katangais c./Zaïre, 8ème Rapport annuel d'activités de la Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples.

* 46 Banque mondiale, Application de la directive opérationnelle 4.20 sur les peuples autochtones 2003.

* 47 DDPA, op cit, art. 21(2)

* 48 C169, op cit, art. 7(2)

* 49 L'article 2 de la DDPA dispose que : « les peuples autochtones, peuples et individus, sont libres et égaux à tous les autres et ont le droit de ne faire l'objet, dans l'exercice de leurs droits, d'aucune forme de discrimination fondée, en particulier, sur leur origine ou leur identité autochtones. »

* 50 Les lignes directrices Akwe :Kon peuvent être consultées à l'adresse suivante : http://www.cbd.int/doc/publications/akwe-brochure-fr.pdf

* 51 « L'Etat assure la protection des minorités et préserve les droits des populations autochtones conformément à la loi ». il est important de préciser ici que le terme populations autochtones dénote d'une perception démographique et restreint le champ d'application de cette notion dans la mesure où le sens ici visé renvoie au natif par opposition à l'allochtone.

* 52 Groupes réunissent les caractéristiques de peuples autochtones conformément aux normes et standards internationaux de protection des droits de l'homme tels que : Convention 169 de l'OIT, Rapport du groupe de travail d'experts de la Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples sur les populations et communautés autochtones.

* 53 Ce terme désigne à la fois les autochtones et les non autochtones considérés comme marginaux en distinguant les communautés nouvellement marginales à savoir les habitants des îles formées par les criques frontalières, les Koma des monts Atlantitika, les réfugiés tchadiens et rwandais, les populations déplacées de Bakassi et du Nord Ouest Cameroun de celles considérées comme traditionnellement marginales regroupant les Mbororo, les Pygmées, les montagnards agriculteurs.

* 54 Politique nationale de la population à travers la promotion de l'autosuffisance et de la sécurité alimentaire, la promotion de l'éducation pour tous notamment celle de la fille

* 55 Programme National de Développement Participatif, Programme Sectoriel Forêt Environnement

* 56 Les projets impliquant les peuples autochtones sont généralement financés par l'Etat (c'est le cas du Projet socio économique des Baka/Bakola mené dans les provinces de l'Est et du Sud Cameroun ou en partenariat avec des Institutions ou Organisations Internationales à l'instar de la Coopération technique belge dans le cadre du Projet PADES Baka.

* 57 Cette prérogative est assurée par la Direction à la Solidarité Nationale.

* 58 Elle met un accent sur les difficultés quotidiennes que rencontrent les peuples autochtones à savoir : la déforestation, les effets néfastes de certaines pratiques pastorales, l'utilisation des infrastructures sociales, les formations sur le fonctionnement des infrastructures socio économiques dans les domaines variés.

* 59Article 18(3), qui prévoit que l'acte de classement d'une forêt fait l'objet d'un avis au public dans les préfectures, sous préfectures, mairies et services de l'Administration en charge des forêts dans les régions concernées ou par toutes autres voies utiles.

* 60 Article 1er de cette loi

* 61 C'est le cas du projet de politique sur les populations marginales qui tarde à être finalisé, ce qui laisse ces groupes en proie à de nombreux maux

* 62 Le Cameroun n'a toujours pas ratifié la convention 169 de L'OIT, spécifiquement consacrée aux peuples autochtones

* 63 CTSE-DRSP, Révision du Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté, Termes De Référence, 2007

* 64 Chapitre II du Titre 3, intitulé « Des études d'impact environnemental » , articles 17-20

* 65 Loi n° 94/01 du 20 janvier 1994 portant régime des forêts, de la faune et de la pêche ; Loi n° 98/005 du 04 avril 1998 portant régime de l'eau ; Loi n° 98/15 du 14 juillet 1998 régissant les établissements classés dangereux insalubre ou incommodes ; Loi n° 99/013 du 22 décembre 1999 portant code pétrolier ; Loi n° 001 du 16 avril 2001 portant code minier ; Loi n° 2002/013 du 30 décembre 2002 portant code gazier, etc.

* 66 Décret n° 95/531/PM du 23 août 1995 fixant les modalités d'application du régime des forêts ; Décret n° 95/466/PM du 2 juillet 1995 fixant les modalités du régime de la faune et de la flore ; Décret n° 2005/496 du 31 décembre 2005 modifiant et complétant certaines dispositions du décret n° 2005/117 du 14 avril 2005 portant organisation du Ministère de l'Environnement et de la Protection de la Nature ; Décret n° 2005/117 du 14 avril 2005 portant organisation du Ministère de l'Environnement et de la Protection de la Nature ; Décret n° 2005/0577/PM du 23 février 2005 fixant les modalités de réalisation des études d'impact environnemental ; Décret n° 2005/099 du 6 avril 2005 portant organisation du ministère des Forêts et de la Faune ; etc.

* 67 Section d'initiation au langage, première classe de l'école primaire

* 68 Cours élémentaire première année. L'ouverture de la deuxième année (CE2) est prévue pour 2011

* 69 Association pour la scolarisation des enfants de la forêt

* 70 Les élèves du CP (Cours préparatoire) et du CE1 prennent des cours dans la même salle de classe

* 71 Brevet d'études du premier cycle, obtenu après quatre années d'enseignement secondaire général

* 72 Données tirées du Rapport sur le Développement intégré des minorités Socio démographique Pygmées et Bororos au Cameroun : le cas des Baka de l'Est, du Ministère de la recherche scientifique et de l'Innovation, 2009, inédit,

* 73 Deuxième édition de la Journée Internationale des Peuples autochtones

* 74 Terme considéré comme péjoratif par les baka, car ils estiment qu'en les appelant ainsi, ils subissent une autre forme de discrimination.

* 75 Les chefferies de 3ème degré correspondent aux villages ou quartiers en milieu rural et aux quartiers en milieu urbain. Les chefferies de 1er degré sont créées par arrêté du Premier Ministre, celles de 2ème degré par arrêté du Ministre de l'Administration territoriale et de la Décentralisation et celles de 3ème degré par arrêté préfectoral.

* 76 OIT/CADHP, Aperçu du rapport du projet de recherche par l'Organisation Internationale du Travail et la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples relatif à la protection constitutionnelle et législative des droits des peuples autochtones dans 24 pays africains , Organisation Internationale du Travail. - Genève, 2009, p. 119

* 77 R. BASTIDE, Anthropologie appliquée, Paris, Payot, 1971

* 78 Roger Sockeng, Les Institutions Judiciaires au Cameroun, Collection « Lebord », Troisième Edition, Mise à jour année 2000.

* 79 Article 12 (1) loi de 1994 portant régime des forêts, de la faune et de la pêche

* 80 Notable siégeant auprès du Président du Tribunal durant une audience et doté de connaissances sur les us et coutume de l'une ou l'autre partie au cours d'un procès.

* 81 Voir les recommandations du séminaire sur le Multiculturalisme en Afrique : comment réaliser une intégration pacifique et constructive dans des situations intéressant les minorités et les peuples autochtones, tenu à Arusha en Tanzanie du 13 au 15 mai 2000.






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