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Volonté et liberté dans " Fondements de la métaphysiques des moeurs " de Kant

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par Juvet NGOULOU IPARI
Université Marien Ngouabi - MaàŪttrise en philosophie 2012
  

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2. Les différentes sortes de libertés : la liberté transcendantale et la liberté pratique ou morale

Tout au long de l'histoire de la philosophie notamment de la philosophie morale ou de la philosophie politique, les modernes tels Rousseau, Locke, Kant, Fichte, Hegel et bien d'autres encore, ont plus ou moins bien abordé les questions philosophiques de la liberté. La véritable liberté, au contraire, s'applique à une action qui a des motifs et des buts. Elle doit être intentionnelle, projetée et décidée. Nous devons pouvoir en rendre compte de manière intelligible, à soi-même comme à autrui. Il y a donc quelque chose qui détermine en quelque sorte nos actions, mais ce quelque chose n'est pas une cause, une pulsion, un désir, une force, notre milieu social etc. ; c'est plutôt une raison. La liberté n'est autre qu'une capacité de choix réfléchi, non nécessité par des penchants.

En sus, en se demandant comment un sujet raisonnable peut vivre sa liberté vis-à-vis de la société qui a ses lois, voire, vis-à-vis de ses éducateurs, ainsi que des personnes qui constituent son cercle de vie, Kant soulève des questions d'éthique possibles autour de l'autonomie; aussi bien pour être amené à d'autres réalités qui éprouvent la liberté. Voilà pourquoi Kant aborde sous cet angle une certaine démarche, lui permettant de démontrer les possibilités des libertés dont nous retiendrons entre autres, la liberté transcendantale et la liberté pratique ou morale. Déjà, dans la Critique de la raison pure, Kant distingue la liberté transcendantale de la liberté pratique.

S'agissant de la liberté transcendantale, cette liberté selon Kant, est une idée cosmologique pure. La liberté transcendantale fait appel à l'idée d'une spontanéité pure, absolue dont l'objet ne peut être donné dans aucune expérience. Puisque, selon lui, « ce fondement intelligible ne touche aucunement aux questions empiriques, mais concerne pour ainsi dire uniquement la pensée dans l'entendement pur ;(...)62(*) ». La liberté transcendantale n'est que logiquement possible, grâce à la distinction des choses en soi et des phénomènes.

Certes, quoiqu'elle soit théoriquement indéterminée, Kant en fait à la volonté humaine une application. Application pour laquelle elle retient les attributs de la chose en soi. De là dérive notamment la notion du caractère intelligible. Ainsi, en expliquant ensuite comment cette liberté est concevable, il reprend dans la Critique de la raison pure, tout en l'adaptant plus étroitement aux exigences de la morale, de la théorie de la liberté intemporelle et du caractère intelligible.la liberté transcendantale est incompréhensive, et c'est pourquoi elle est un postulat de la raison pratique. En effet, il admet la liberté, non plus comme principe de tout le système de la raison, mais comme postulat, et il semble entendre par là la foi dans la puissance qu'a la volonté humaine de produire la vertu et de préparer ainsi l'avènement du souverain bien.

Dans ce contexte, Kant considère la liberté transcendantale comme une existence supra-sensible, et énonce même la possibilité qu'elle ne fasse qu'avec ce qu'il appelle comme le dit Victor Delbos, comme « le substratum supra-sensible de la nature63(*)». C'est pourquoi, dans la Religion dans les limites de la simple raison, Kant paraît prêter au libre arbitre humain un caractère intelligible comme celui qu'avait la liberté transcendantale. D'où il « résulte l'adoption dans le libre arbitre de la maxime souveraine64(*) ». À cet effet, la disposition naturelle au bien est inséparable de la liberté. Par conséquent, l'homme dans cet état, devrait toujours se soumettre à la loi morale, qui s'impose à lui sous forme de défense, car il n'est pas un être pur, mais au contraire un être tenté par des inclinations.

Du point de vue du monde intelligible, l'homme est libre. Mais la liberté est un mystère. Elle est un mystère, parce que la connaissance de la liberté transcendantale est réservée à son créateur : Dieu, l'être suprême. On ne peut pas la prouver la liberté, on ne peut pas non plus la nier. Cette impossibilité de prouver la liberté transcendantale, détermine l'intérêt même que l'homme porte à la loi morale, en voulant atteindre les noumènes. Or, les noumènes sont inconnaissables pour l'être humain ; les noumènes relèvent de l'ordre du monde intelligible. Pour Kant, la liberté n'est pas un phénomène sensible, mais elle est un phénomène intelligible. Ce qui finalement à conduit Kant à l'idée de la division de deux mondes : le monde des phénomènes et le monde des noumènes. Cette idée éclaire en quelque sorte le fait pour l'homme de pouvoir être déterminé par les phénomènes et, cependant être libre en soi. Le caractère intelligible est la cause des actes de l'homme. Mais, reconnaître le caractère intelligible comme cause de la liberté de l'homme c'est dans une certaine mesure mettre en péril la liberté morale de l'homme. « On ne peut pas connaître la liberté on la pense et Kant voit en la liberté un fait 65(*)», écrit Eric Weil. Cela dit, étant donné que la liberté est indémontrable, elle est donc une idée de la raison dont la réalité objective est en soi douteuse. Expliquer cela serait la défigurer.

Ensuite, dans le deuxième axe, nous focalisons notre réflexion sur la liberté pratique ou morale. En effet, entendue comme telle, dans l'optique kantienne, la liberté pratique ou morale est la simple indépendance de notre volonté à l'égard des mobiles sensibles et peut être démontrée par l'expérience. Contrairement à la liberté transcendantale qui ne peut être donnée dans aucune expérience, Kant distingue la liberté transcendantale de la liberté pratique.

Dans les Fondements de la métaphysique des moeurs, Kant, part de l'idée même d'autonomie pour concilier ou pour identifier la liberté transcendantale et la liberté pratique. Il s'exprime en ces termes : « Supposé que la volonté d'une intelligence est libre, il en résulte alors nécessairement son autonomie, comme la condition formelle qui est la seule sous laquelle elle peut-être déterminée66(*)». Il est évident que la liberté morale préside à la fondation du caractère, c'est-à-dire, être libre ce n'est pas seulement se conformer à la loi du devoir, mais c'est aussi obéir à l'ordre du monde.

Contrairement à la liberté intelligible ou encore transcendantale qui se soustrait à la condition de la temporalité, la liberté pratique ou morale est, une élucidation de la raison éclairée pour le triomphe de l'humanité. En effet, la liberté morale, fondement du devoir, est la faculté qu'a tout être raisonnable d'agir indépendamment des lois de la nature. La nature humaine est donc faite de raison et de liberté. En ce sens, le concept de liberté prend le sens purement rationnel. C'est pourquoi dans la Critique de la raison pratique, Kant commence par développer systématiquement l'idée de liberté comme causalité pratique inconditionnée ; il l'explicite de la manière suivante : « si l'on percevait la possibilité de la liberté d'une cause efficiente, on percevait aussi, non simplement la possibilité, mais bien encore la nécessité de la loi morale comme loi pratique suprême des êtres raisonnables, à la volonté desquels on attribue la liberté de la causalité, parce que ces deux concepts sont si inséparablement liés qu'on pourrait également définir la liberté pratique par l'indépendance de la volonté à l'égard de toute loi autre que la loi morale67(*)».

La liberté pratique, puisque la question de la liberté transcendantale est réputée décidable chez Kant, dans la Critique de la raison pure est le pouvoir du ·Bien·. La liberté de ce fait serait le sens même de l'existence humaine, le Bien serait immanent à la liberté. Or, la liberté en tant qu'elle est liberté, n'échappe pas à la définition nominale, c'est-à-dire qu'elle serait la capacité d'actions pensées qui deviendrait le but suprême de l'homme. Dans cette mesure, la liberté, qu'elle soit pratique ou morale, implique l'usage de la pensée, plus précisément de la raison, afin de former des idées adéquates sur le monde.

Donc, dans le cas du philosophe allemand, la liberté n'offre qu'une unique possibilité, celle de devoir faire le bien. Certes, on a un choix premier, celui d'être libre. Mais, une fois qu'on a choisi d'être libre, une fois qu'on s'est acquitté de la tâche de devenir libre, il ne reste alors qu'une seule possibilité, celle de faire le bien. A cela, on peut répondre certainement que la liberté contraire à celle de faire le bien est celle de faire la mal.

Admettons que nous ayons toujours le choix entre être libre dans le bien ou devenir esclave du mal, on s'enfonce après dans une contradiction bien plus indénouable. Il se dégage clairement l'idée de liberté de toutes les contradictions liées à son interprétation en termes de spontanéité, et en termes d'absence de contrainte. Or chez Kant, nous devons être libres. Si cette loi morale qui nous impose le bien en échange de la liberté est universelle, elle ne supportera nulle singularité, nulle contingence et nous serons libres à cet effet de la suivre.la liberté morale ou pratique a un solide fondement souhaitable ; elle donne du prix à la simple progression vers plus de liberté, c'est-à-dire que l'idéal de liberté morale ou pratique pourrait exprimer un investissement positif de l'avenir. Il serait pleinement humain en ce qu'il impliquerait totalement la capacité de penser rationnellement.

C'est ainsi que, l'analyse de la liberté morale est à cet égard significative. Toute expérience morale est indissolublement expérience de la loi et expérience du choix. L'expérience morale qui impose l'idée de cette liberté n'est pas seulement celle de la bonne volonté, c'est aussi celle de l'impératif catégorique. Entre ces deux conceptions de la liberté, il n'y a pas selon Kant contradiction, mais réciprocité : sans l'existence de celle qui pose la loi, il ne serait pas possible de connaître la seconde.

La conception kantienne de la liberté morale n'est pas simple et elle ne va pas de soi. Elle est héritière et tributaire des grandes thèses de la Critique de la raison pur ; ce qui ne peut se comprendre que si l'on admet la distinction entre les phénomènes et les noumènes. Comme chez Platon, il y a aussi chez Kant le souci de sauver les apparences et de justifier l'expérience morale elle-même qui n'est que la face visible et connaissable d'un monde intelligible existant en soi et que nous participions en quelque manière. C'est pourquoi, s'il admet une liberté capable de dire non à sa propre loi, seule est définie positivement celle qui est législatrice universelle, raison pratique et autonomie, cette liberté qui doit constituer le fondement ultime de la moralité.

Et Kant renchérit : « tout être qui ne peut agir autrement que sous l'idée de la liberté est par cela même, au point de vue pratique, réellement libre, c'est-à-dire que toutes les lois inséparablement liées à la liberté valent pour lui exactement de la même façon que si sa volonté eût été aussi reconnue libre en elle-même et par des raisons valables au regard de la philosophie théorique68(*)». Il soutient encore « qu'à tout être raisonnable, qui a une volonté, nous devons attribuer nécessairement aussi l'idée de la liberté, et qu'il n'y a que sous cette idée qu'il puisse agir69(*)». Pour lui, la nature humaine est donc faite de raison et de liberté. Ainsi, l'homme conçu comme raison et comme liberté, devient par lui-même le vecteur de la loi morale.

Ce sont là quelques aspects d'une morale que Kant a voulu aussi rigoureusement construire que sa théorie de la connaissance, et qui répondent au souci de sauver les valeurs morales menacées par le dogmatisme maladroit autant que pour le scepticisme et le matérialisme du XVIIIe siècle. Ainsi, pour faire apparaître la liberté morale dans toute sa pureté, Kant procède à la manière d'un chimiste, c'est-à-dire il institue une expérience cruciale qui permet de dégager, de façon libre, toutes souillures, le corps pur de bonne volonté.

Cette résolution de toujours distinguer le corps pur de l'empirisme est dominée par son entreprise morale. Car la liberté n'est pas un être, mais, l'être même de l'homme. Et donc, la condition première de l'homme c'est la liberté ; elle est l'action. Comme l'a si bien dit Sartre : «L'homme est libre, l'homme est liberté70(*)».

Si l'homme est libre, la morale kantienne implique en tout être raisonnable la liberté et la recherche de cette liberté dite morale part toujours de l'ordre de la dimension intérieure de la conscience humaine. Donc, ce que nous avons de spécifiquement humain à cet effet, c'est la part d'humanité à rester libre. Car la catégorie fondamentale de la vie c'est la liberté. Et Rousseau  écrit: « En renonçant à sa liberté, l'homme renonce à sa qualité d'homme, et rien ne peut compenser la perte de sa liberté71(*)». Si l'homme pert sa liberté, il pert aussi sa dignité et s'aliène ; à ce moment il devient vil et méprisable. Toute valeur morale conduit l'homme à l'humanité, puisque l'humanité en l'homme exige une part de raison. En d'autres termes, c'est la loi prise en termes de devoir qui ne doit pas être subordonnée aux besoins empiriques ou aux mobiles pathologiques.

Le devoir à cette dignité chez Kant est que la morale conjugue la loi et la liberté. Et la conscience de l'obligation morale donne à l'homme l'assurance de la valeur infinie de son être. Contrairement à ses prédécesseurs, chez Kant c'est la présence de la loi morale qui est au coeur de l'homme qui lui manifeste son indépendance à l'égard de l'animalité et donne à son existence une détermination.

En outre, d'une part, l'affirmation de la liberté repose sur celle de la loi morale ; d'autre part, cette même liberté fonde la loi morale. La liberté morale avec la raison pratique, se conçoivent vraie que dans le monde intelligible dont l'idéal est contraignant pour un être qui fait partie de l'univers des phénomènes. Sans être connue comme telle, elle est possible, puisque l'homme se pense être à la fois libre et déterminé. Ce résultat apparemment assez mince, répond pourtant à l'intention de Kant. Dans les Fondements de la métaphysique des moeurs, il a voulu fonder à priori la morale hors de toute expérience, hors de l'expérience morale elle-même, puisque rien ne prouve qu'il eût jamais un acte accompli par bonne volonté. A ce titre, Jean Ferrari reprenant les idées de Kant, intervient et affirme : « La liberté est seulement la condition dernière de l'impératif catégorique, cela suffit à en faire la clé de voûte et le principe suprême de toute moralité72(*)».

Toutes ces diverses conceptions de la liberté : liberté transcendantale, pratique et morale, doivent être indistinctement unies dans un exposé ou un examen de la doctrine kantienne. Mais, si l'on veut tâcher d'en expliquer la diversité, ou même l'apparent désaccord, il faut tenir compte des différences des points de vue auxquels Kant a considéré la liberté, et de la hiérarchie qu'il établissait, implicitement ou explicitement entre les différentes significations de ce concept ; de l'évolution de sa pensée qui l'a conduite de plus en plus à exclure ou omettre l'idée de la liberté les éléments transcendants et inapplicables pour en retenir les éléments applicables et immanents sans préjudice, toutefois pour un système même de la raison pure.

Quand on lit par exemple, l'une des trois critiques, on ne peut s'empêcher de reconnaître que diverses parties n'en sont pas d'une même venue, et que l'effort de production nouvelle ou de démonstration rigoureuse ne s'étend pas également, tant s'en faut, à l'oeuvre entière. Kant s'est donc référé à des développements antérieurs de sa pensée, exprimés le plus souvent dans ses leçons. Quant à cette concordance interne des idées sur la liberté, elle n'a été souvent aperçue et établie par Kant qu'à la suite d'un long effort. Avant de construire son système, et pour le construire, Kant à commencer par éprouver isolément la plupart des concepts qui devaient y entrer pour en examiner le sens et les conditions de validité.

* 62Kant(E), Critique de la raison pure, Traduction et présentation par Alain Renaut, Paris, 3è édition corrigée, Flammarion, 2006, pp. 502-503.

* 63 Victor Delbos, « Sur la théorie kantienne de la liberté », Bulletin de la société française de philosophie, n°1, Janvier 1905, (Ve année), p.25. Séance du 27 Octobre 1904

* 64 Kant(E), Religion dans les limites de la simple raison, p. 31.

* 65 Weil (E), Problèmes kantiens, Paris, éd. Vrin, 1963, p. 18.

* 66 Kant (E), Op.cit., pp.147-148.

* 67 Kant (E), Critique de la raison pratique, p. 132.

* 68 Kant(E), Fondements de la métaphysique des moeurs, pp 139-140.

* 69 Kant (E), Ibid., p.130.

* 70 Sartre (J.P), l'Existentialisme est un humanisme p. 39.

* 71 Rousseau(J.J), Du contrat social, Livres I à IV, p. 161.

* 72 Ferrari(J), Kant ou l'invention de l'homme, p. 65.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard