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"le droit de réunion et de manifestation publique" en RDC

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par Trésor Lungungu Kdimba
Université de Kinshasa RDC - Diplôme d'études supérieures spécialisées ( DESS ) 2012
  

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INTRODUCTION

L'exercice de la liberté de manifestation est au coeur de la vie politique des Etats. Il est au centre même du combat politique dans les Etats modernes en ce que manifester est l'arme politique la plus efficace du moment où le recours à la force n'est plus un mode normal d'expression mais bien une violation du droit.

En effet, la liberté de manifestation est reconnue par les instruments juridiques internationaux et les constitutions des Etats comme un des droits fondamentaux de l'homme.1(*) En RDC, elle est proclamée par la constitution2(*) du 18 février 2006 en son article 26 et représente la forme démocratique et moderne du combat politique. Elle est à la portée des partisans du pouvoir qui chantent leurs victoires et soutiennent l'action de la majorité ; elle sert en même temps la cause des opposants qui protestent contre les orientations politiques prises par le gouvernement.

La liberté de manifestation est aussi un moyen d'expression des acteurs sociaux autres que les partis politiques ; de fait, les groupes de pression telles les organisations non gouvernementales, les syndicats, et les églises ne peuvent faire valoir leurs opinions qu'en organisant des manifestations.

C'est pourquoi, cette liberté est l'une des plus visibles, des plus évoquées et même des plus disputées.

Cependant, malgré ses consécrations par des instruments juridiques nationaux et internationaux, l'exercice de cette liberté est soumis à une forte surveillance et cela, dans la plupart des régimes totalitaires. Au cours des manifestations publiques, se commettent des graves violations des droits de l'homme tels des massacres, des arrestations arbitraires, des enlèvements, des tortures, des traitements inhumains et dégradants ainsi que des humiliations de tout genre.

En même temps, l'exercice de la liberté de manifestation est l'occasion et le moyen de jouir des autres droits ; c'est le cas du droit à la grève, de la liberté d'opinion et d'expression, de l'affirmation des droits des minorités, du droit à participer à la gestion des affaires de l'Etat, du droit à la libre expression de l'opposition, du droit à la démocratie etc. Les revendications relatives à la jouissance de ces droits ne peuvent être portées à la place publique et aux autorités qu'au moyen de l'organisation des manifestations.

A ce sujet, le Bureau Conjoint des Nations Unies aux Droits de l'Homme (BCNUDH) a constaté qu'en RDC, malgré les garanties constitutionnelles, ceux qui cherchent à exprimer leurs opinions et à faire valoir leurs libertés fondamentales de réunion et d'association ont souvent fait l'objet d'abus par des agents de l'Etat et ont subi des atteintes à leur droit à l'intégrité physique.3(*)

Mais la liberté de manifestation ou de rassemblement est l'une de plus controversées en ce que son exercice touche directement à l'ordre public et à la sécurité. Les pouvoirs publics doivent intervenir pour encadrer les manifestants et assurer la protection des droits et libertés des autres particuliers comme le droit à la propriété privée, la sauvegarde de l'intégrité physique, le droit à la paix et à la sécurité publique. C'est parce qu'un rassemblement non encadré, organisée sur la place publique, peut dégénérer en un mouvement de destruction des biens privés, de commission des actes de vandalisme, que le besoin du maintien de l'ordre s'impose4(*). Cela se traduit par des restrictions instituées par la loi dans l'exercice de ce droit de l'homme. Dans de nombreux pays, les autorités se réservent le droit d'interdire certaines réunions, notamment en prévision de trouble à l'ordre public ou d'atteinte aux personnes et aux biens, ce qui est susceptible d'être interprété comme une forme de censure. Si cela est vrai pour plusieurs pays même les plus libéraux, il y a lieu de se demander jusqu'où cette faculté d'interdire peut-elle être menée ? Quelle est la limite à ne pas franchir dans l'exercice de ce pouvoir d'interdire ? Car, si dans les systèmes démocratiques ce pouvoir n'est pas détourné à des fins de répression des opposants, les systèmes totalitaires en profitent pour réduire au silence leurs adversaires.

La liberté de manifestation exige donc un aménagement qui tienne à la fois compte du besoin de laisser les gens s'exprimer et de la nécessité de sauvegarder la sécurité publique. Très souvent, cette conciliation n'est pas facile à faire. La limite à ne pas franchir par les pouvoirs publics et les manifestants ressemble à une frontière toujours contestée. Tantôt les réunions ou manifestations débordent en des scènes violentes et des émeutes qui s'accompagnent des pillages et des atteintes à des intégrités physiques ainsi qu'à des destructions méchantes ; tantôt et très souvent, elles finissent par des interdictions de manifester ou encore par des répressions sanglantes et meurtrières.

L'étude de l'exercice de la liberté de manifestation en RDC doit avant tout chercher à savoir pourquoi les réunions publiques en RDC tournent-elles souvent à des scènes des pillages et à des accrochages sanglants et meurtriers ? Ceux qui sont au pouvoir allèguent que les manifestants et leurs organisateurs se livrent à la subversion et ne respectent pas la loi relative à des manifestations publiques. Cela justifierait, selon eux, les interdictions de marche et les répressions des réunions.

Par ailleurs, du coté de ceux qui appellent à manifester, il est soutenu qu'il s'agit du refus d'organiser des réunions et manifestations publiques, surtout lorsque celles-ci ont pour objet de dénoncer les mauvaises pratiques du pouvoir dans le domaine social, politique et des droits de l'homme. Les actions violentes des manifestants seraient à leur avis, des réactions à des refus arbitraires et illégaux de manifester5(*).

Dans cette controverse, nous évitons de nous verser dans les considérations partisanes et restons préoccupés par le souci de connaitre l'état de la législation sur les manifestations publiques en RDC. Il est donc question de répondre à la question de savoir ce que dit la loi sur les manifestations publiques en RDC.

Lorsque nous réfléchissons sur l'exercice de cette liberté tel que prévu dans la loi, nous n'oublions pas d'examiner comment dans la pratique est-elle mise en oeuvre ? Nous dégageons par conséquent la norme juridique telle qu'elle résulte de la pratique et telle qu'elle est appliquée en vue de dire si la loi sur les manifestations publiques est le seul fondement des actions des autorités qui décident des interdictions et de la répression de ces réunions publiques ou de dire s'il existe à côté de la norme de droit et de l'ordre public, d'autres forces et d'autres raisons justifiant leurs décisions d'interdiction et de répression.

Ayant compris pourquoi en est-il ainsi, il convient aussi de réfléchir sur comment dans l'avenir, la RDC peut éviter ces carnages qui se commettent au cours de l'exercice de ce droit de l'homme. Participer à une manifestation publique en RDC, même déclarée comme le prescrit la loi, exige que l'on brave la peur qui hante les esprits. Cela relève de la bravoure et de l'héroïsme. Le sentiment de peur qui anime la population chaque fois qu'est annoncée une manifestation publique ne permet pas de voir émerger en RDC un Etat véritablement démocratique. Après avoir donné les raisons des violations de cette liberté, il faut indiquer comment faut-il organiser cette liberté pour que son exercice ne soit plus dans l'avenir, l'occasion des violations des droits de l'homme. Faut-il réviser la loi puisque celle-ci porterait une conception de la liberté trop éloignée de ce que la population entend exercer dans le cadre des manifestations publiques ? Faut-il au contraire durcir les normes puisque trop des libertés tuent la liberté même ?

L'étude de la liberté de manifestation est alors au coeur des droits fondamentaux de l'homme puisqu'elle permet de savoir comment concilier les deux exigences qui s'opposent très souvent à savoir, son exercice et le maintien de l'ordre public. En toile de fonds, il est question de savoir comment protéger les droits fondamentaux au cours des manifestations publiques.

C'est pourquoi, dans le cadre de ce travail, nous avons voulu avant tout présenter le contenu ou mieux la consistance de la liberté de manifestation en vue de cerner cette notion et d'indiquer ses implications. Car, très proche des autres droits de l'homme, le droit à la liberté de manifestation doit être distingué des prérogatives de même nature comme le droit à la liberté d'association. A ce sujet, Alex Comninos écrit : « Les libertés d'association et de réunion pacifique ont une signification similaire et sont souvent utilisées de façon interchangeable. »6(*) Pour le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits à la liberté de réunion pacifique et d'association, Maina Kiai, dans son récent rapport au Conseil sur les droits humains : « S'il ne fait aucun doute que le droit de réunion pacifique et la liberté d'association sont étroitement liés, interdépendants et se renforcent mutuellement, ils constituent deux droits distincts. De fait, ils sont le plus souvent régis par deux types distincts de législation et, (...) leur exercice se heurte à des difficultés différentes. C'est pourquoi il convient de les examiner séparément »7(*).

Précisant son contenu en la distinguant des autres droits connexes ou voisins, cette étude a aussi eu pour objet de préciser l'origine de ce droit de l'homme en s'appliquant à démontrer en quoi est-ce qu'elle est un droit fondamental, depuis quand et comment a-t-elle obtenu ce statut et comment est-elle organisée et réglementée en RDC.

Au sujet de la réglementation, il est question de préciser pourquoi en RDC, les règles censées encadrer l'exercice de la liberté de manifestation sont différemment interprétées par les acteurs politiques et sociaux : ceux qui répriment les manifestations et ceux qui tiennent à manifester les invoquent pour soutenir leurs thèses. D'aucun pensait qu'avec la consécration dans la constitution du 18 février 2006 du principe de l'information en remplacement du régime de l'autorisation préalable, les interdictions abusives des manifestations cesseraient et les répressions sanglantes des manifestations n'auraient plus lieu. Mais la réalité est tout autre : d'une part, les processus électoraux de 2006 et 2011 ont été émaillé des interdictions de manifestation décriées par l'opposition et les églises8(*). Celles qui étaient autorisées, étaient tout simplement réprimées et certains des manifestants étaient arrêtés. D'autre part, certaines manifestations ont dégénérées en scène des pillages et des destructions des biens des particuliers.

Il est clair que pour être complète, notre étude devrait aussi porter sur la manière dont cette liberté est exercée en RDC en évoquant les arguments de ceux qui dénoncent les répressions violentes et en relayant aussi les thèses de ceux qui soutiennent maintenir l'ordre public en interdisant les manifestations et en les réprimant.

A la fin de notre étude, nous devrions répondre à plusieurs questions qui structurent la problématique posée ci-avant ; mais nous avons bien voulu les résumer à trois à savoir :

- Qu'est-ce que la liberté de manifestation et comment a-t-elle évolué au cours de l'histoire dans le monde et en RDC en particulier ?

- Considérant les intérêts qu'il met en jeu, à savoir le maintien de l'ordre public et l'exercice des droits qui lui sont liés, comment se fait la conciliation de ces impératifs et quelle est la situation retenue dans la législation congolaise ?

- Enfin, quelle reforme faut-il apporter pour améliorer la protection et l'exercice de cette liberté intimement liée à la démocratie ?

La RDC a connu des moments difficiles en rapport avec l'exercice de cette liberté.

En effet, de la marche des jeunes chrétiens en vue de réclamer la réouverture du dialogue politique lors de la conférence nationale souveraine aux dernières sorties des chars et blindés de guerre dans les rues de Kinshasa en vue d'empêcher les manifestations des partisans d'Etienne TSHISEKEDI WA MULUMBA  après les chaos créés par les fameuses élections du 28 Novembre 2011 , le bilan de l'exercice de la liberté de manifestation est amer. Comparée à l'époque coloniale, rien ne distingue la post-colonie9(*) de l'époque pendant laquelle, fût commise la répression de la manifestation du 04 janvier 1959 à Léopoldville créant ce qu'on appelle désormais, la journée des martyrs de l'indépendance.

C'est pourquoi, la situation toute particulière de la RDC appelle que l'on réponde aux questions supplémentaires suivantes:

- La loi organisant les manifestations publiques en RDC est-elle conforme à l'idée même de liberté ? Empruntant une démarche sociologique, nous devons dire si cette loi reflète les attentes populaires relatives à l'exercice de ce droit et s'il tient compte des réalités du milieu politique congolais?

- La pratique du principe posé dans la constitution à savoir, l'information, respecte t -elle l'idée de l'exercice libre des manifestations publiques ?

- Quels sont les textes qui garantissent au niveau national et international son exercice et quel est l'état de lieux de son exercice ?

Le choix de ce sujet nous a été dicté par les récents événements en RDC et dans le monde.

En effet, le printemps arabe était une suite des manifestations contre les dictatures et pour l'instauration de la démocratie. La révolution du Jasma qui a dégommé le Président Ben Ali et qui a inspiré les autres pays arabes, a commencé par des manifestations successives qui eurent lieu dans la plupart des villes tunisiennes.

Pendant que les tunisiens et les égyptiens manifestèrent même devant le palais présidentiel de Mohammed MORSI pour le pays des pharaons, le peuple congolais assommé par le déboire électoral, n'était pas capable de se réunir pour exprimer son point de vue. Ce contraste a déclenché nos interrogations et nous avions voulu savoir si c'est le peuple congolais qui était satisfait de sa situation si bien qu'il ne pouvait pas manifester son désarroi ; mais si cela était le cas, il aurait ne fût ce qu'exprimé sa joie. Il n y avait rien eu de tel. Etait-ce parce que toute tentative de manifestation était réprimée et le dispositif armé effrayant mis en place (blindés et chars avec militaires munis d'armes de guerre) étouffait toute réunion publique ? Cette inaction du peuple congolais exigeait qu'une recherche sur l'exercice de la liberté de manifestation soit menée pour en déceler des causes et y apporter des solutions.

Aussi, convient-il de retenir l'intérêt que revêt cette étude au niveau aussi bien théorique que pratique.

En effet, cette étude permet au niveau théorique de préciser le cadre juridique, normatif et institutionnel, relatif à la protection de cette liberté. En RDC, la question vaut son pesant d'or dans la mesure où existe dans ce domaine, une controverse au sujet des textes qui régissent ce droit de l'homme10(*). Depuis la constitution du 18 février 2006 qui consacre le principe de l'information, le décret-loi de 1999 qui soumettait la tenue des manifestations à une autorisation préalable devrait être annulé d'office dans ses dispositions contraires au nouvel ordre constitutionnel ; mais dans la pratique, les autorités administratives désignées pour recevoir ces informations continuent à agir comme sous cet ancien régime légal. Il vaut donc la peine de dire en quoi consiste le devoir d'information et qu'implique t-il ? Cette étude nous permet de dire si le droit positif congolais octroie aux autorités le pouvoir d'annuler des manifestions et de la sorte, en quoi est-ce que le régime d'autorisation diffère telle de celui d'information.

La controverse autour des règles applicables a comme corollaire logique, la confusion qui est entretenue quant à la procédure à suivre du moment où l'on sait que de ces deux principes se déduisent deux procédures différentes. Ce travail porte l'intérêt de décrire la procédure qui est aujourd'hui applicable et d'évaluer l'efficacité des mécanismes mis en place pour l'exercice de cette liberté en relevant leurs faiblesses et en y formulant des propositions en vue de les améliorer et d'offrir aux décideurs les principales lignes à adopter dans les législations futures.

Par ailleurs, l'intérêt de cette étude sur le plan pratique et social est de donner une explication aux nombreuses violations de cette liberté en RDC malgré l'adhésion massive du pays de LUMUMBA aux instruments juridiques internationaux qui la consacrent et surtout malgré la déférence que notre constitution voue à ce droit de l'homme. Cela se justifie-t-il par l'absence de la fondamentalité et de la sacralité matérielle de ce droit de l'homme ? S'agit-il simplement d'une mauvaise articulation de la fondamentalité ou de l'impérativité formelle ? En somme, ce travail permet de faire un état de lieu de ce droit de l'homme ; car, dans la pratique, ceux contre qui sont organisées les manifestations, ne reconnaissent pas qu'il y a violation de ce droit de l'homme. Ils invoquent plutôt l'argument d'agir pour le maintien de l'ordre public menacé par les manifestants. Ces derniers à leur tour accusent les premiers de vouloir les réduire au silence en les empêchant à faire valoir leurs opinions. Dans ces conditions, on ne peut parler de la violation ou du respect de ce droit de l'homme qu'en rapport avec un modèle d'exercice de cette liberté qui est universellement admis et en référence à une règle générale donnée.

Cette étude porte enfin l'intérêt de dire comment les manifestations en RDC peuvent avoir lieu sans qu'il n y ait des violations des droits de l'homme.

Pour ce faire, nous avons emprunté une démarche interdisciplinaire qui s'appuie principalement sur deux courants de pensée à savoir, le positivisme et l'analyse critique. Avec le premier, notre objectif est de préciser le régime juridique des manifestations publiques et de trouver dans les règles de droit posées par les pouvoirs publics, pas en dehors d'elles, les véritables exigences qui s'imposent à tous les acteurs qui interviennent dans le cadre de l'exercice de cette liberté.

De fait, nos approches comprennent le recours à la méthode juridique dans son approche de la technique du droit ou de la dogmatique juridique.11(*) Elle nous a permis de trouver dans les différentes sources formelles de droit ce qui est permis et ce qui est interdit dans le cadre de la jouissance de ce droit.

Nous avons grâce à cette démarche, recherché ce que peuvent faire les autorités administratives, les organisateurs des manifestations, la police et les forces de sécurité dans le cadre de l'exercice de cette liberté et en même temps, souligner ce que chacun d'eux est interdit de faire en vertu du droit.

Par ailleurs, partant de l'approche critique, il a été nécessaire d'expliquer le principe de l'information tel qu'il est consigné dans la constitution de la RDC en prenant en compte les rapports de force des acteurs sociaux qui ont milité pour son adoption. Ceci nous a imposé le recours à l'approche de la sociologie du droit en vue de confronter le droit aux faits et d'expliquer le fossé qui existe entre le cadre formel des droits de l'homme et les violations massives qui s'en suivent.12(*) Avec cette approche, nous observons si la liberté de manifestation telle qu'elle est prévue dans les textes juridiques est conforme à la perception qu'en a les principaux acteurs sociaux. Dans la négative, il faut voir si cela n'est-il pas la cause de nombreuses violations de ce droit de l'homme en RDC. Cette approche nous permet de dire comment cette liberté est exercée en RDC en invoquant ce que chaque acteur croit qu'il doit faire, au lieu de faire ce que la loi lui reconnait de faire.

Nous pensons qu'il vaut la peine de faire aussi recours à l'approche de la philosophie du droit pour faire un jugement de valeur de la norme qui réglemente l'exercice de cette liberté en faisant recours aux principes universellement admis ; il s'agit de dire ce que devrait être le système de protection de la liberté de manifestation en RDC en vue de renforcer son effectivité.13(*) C'est donc de la critique de l'ordre juridique existant pour voir si la compréhension constitutionnelle et légale de la liberté est conforme à la notion même de liberté universellement acceptée. En rapport avec l'idée de justice et de liberté, nous devons voir si la manière d'exercer cette liberté en RDC mérite-t-elle vraiment d'être regardée comme conforme à ce qu'il faut pour un humain qui veut exprimer sa joie ou sa colère.

En vue de ne pas se perdre dans ce champ vaste de l'exercice de la liberté de manifestation, nous avons choisi de l'étudier dans une période précise et dans un espace limité.

Dans le temps, nous prenons l'année 1990 comme notre point de départ puisqu'elle coïncide avec l'ouverture du débat politique et l'avènement de la démocratie, cadre indiqué pour l'exercice des droits de l'homme14(*). Mais nous insisterons sur l'exercice de cette liberté au cours de la période électorale en RDC à cause du fait que pendant ce moment, il est fait un recours fréquent et intense à cette liberté publique.

Sur l'espace, nous prenons le territoire de la RDC pour voir comment cette liberté y est exercée même si les exemples de la manière dont cette liberté est exercée dans d'autres pays seront invoqués en vue d'enrichir nos réflexions.

Nous devons aussi rappeler que cette étude a eu pour objet l'examen des manifestations pacifiques à l'exclusion de celles au cours des quelles les manifestants font usage de la force pour faire connaitre leurs points de vue. Les rebellions et les mutineries sont des manifestations violentes souvent provoquées par l'interdiction des réunions pacifiques et le mépris avec lequel, les pouvoirs publics regardent les points de vue des autres membres de la société.

Malgré tout cela, nous n'aborderons pas ici ces formes de manifestation puisqu'elles ne sont pas concernées par la législation relative à des manifestations publiques. Cela est vrai même si les manifestations pacifiques peuvent dégénérer et prendre la forme des émeutes et devenir une guerre civile. De fait, c'est parce que les manifestations pacifiques ne sont pas possibles ou ne sont pas tolérées que l'on recourt à la force pour s'exprimer.

Par ailleurs, il est essentiel de souligner que l'étude des manifestations et réunions publiques dans le cadre de ce travail porte uniquement sur les formes traditionnelles de se rassembler, à savoir les marches, les villes-mortes, les sit-in, les cortèges, les meetings etc. Nous n'avons pas pris en compte dans cet exercice académique, les nouvelles formes d'exercice de la liberté de manifestation et de réunion publique. Il s'agit notamment des réunions et manifestations sur internet qui ont joué un rôle majeur dans les révolutions tunisiennes, égyptiennes, libyennes, etc.

En Chine, ces formes des réunions et manifestations sur la toile ont fait l'objet des répressions sans pitié de la part des autorités. Les dernières manifestations des étudiants au Québec/Canada ont démontré la pertinence et le rôle que vont jouer dans l'avenir, les manifestations et réunions sur internet.

Alex Comninos reconnait que l'internet, les réseaux sociaux et les téléphones mobiles améliorent les libertés humaines en ce sens qu'ils permettent de réfléchir aux problèmes sociaux, politiques et économiques, de construire des associations et des réseaux et de se rassembler en ligne pour plaider en faveur des droits humains et les défendre.15(*)

Malgré son importance, cette forme d'exercice de la liberté de réunion n'a pas été abordée dans le cadre de ce travail et mérite à notre avis une étude particulière. C'est aussi parce qu'en RDC, la question n'est pas encore soulevée. Mais les dernières utilisations des téléphones pendant la campagne électorale pour mobiliser les militants d'un camp contre un autre ou pour appeler la population à manifester indiquent bien que ce pays n'est pas épargné dans ce mouvement. Nous espérons que le fait pour nous de l'évoquer dans ce travail, permettra aux autres chercheurs et aux pouvoirs publics de continuer la réflexion pour prendre en compte cette nouvelle réalité dans le domaine de l'exercice des manifestations publiques.

Les répressions de l'exercice de cette liberté par les nouveaux médias préoccupent déjà les défenseurs des droits de l'homme et cela, en RDC,16(*) aux Etats-Unis d'Amérique17(*)et en Grande Bretagne.18(*)

Il convient de commencer par préciser le contenu de cette liberté et de dire en quoi elle est un droit de l'homme(Chapitre I) avant de retracer son évolution et de dresser l'inventaire des textes juridiques qui la réglementent(Chapitre II). Enfin, nous devons aussi voir comment est-ce que cette liberté est exercée en RDC, formuler à cet effet des propositions tendant à améliorer les conditions de sa jouissance (Chapitre III).

* 1 Aux Etats-Unis d'Amérique, c'est le premier amendement de la Constitution qui en parle. Il fait partie des dix amendements ratifiés en 1791 et connus collectivement comme la déclaration des droits (bill of rights). Il interdit au Congrès des États-Unis d'adopter des lois limitant la liberté de religion et d'expression, la liberté de la presse ou le droit à s'« assembler pacifiquement ». Même si le texte ne fait mention que du Congrès qui est seul investi du pouvoir législatif dans la Constitution, cependant, les principes de l'amendement ont pu être appliqués aux décisions des pouvoirs exécutifs et judiciaires.

* 2 Article 26 de la constitution du 18 février 2006 telle que modifiée en 2011.

* 3 Nations - unies, Rapport du Bureau Conjoint des Nations-unies aux droits de l'homme sur les droits de l'homme et les libertés fondamentales en période pré-électorale en République

Démocratique du Congo, Publication de la Monusco, Novembre 2011.

* 4 La manifestation organisée à l'occasion du dépôt de candidature d'Etienne TSHISEKEDI WA MULUMBA finit par la destruction du siège fédéral du PPRD sur le boulevard SENDWE à Kinshasa et la répression qui s'en était suivie était sanglante.

Les manifestations de protestation contre les opérations BINDO, NGUMA, MADOVA, MASSAMUNA tournèrent à des scènes des pillages et des destructions des biens privés et publics au cours des années 1992-1993 à Kinshasa en RDC.

* 5 Les laïcs catholiques avaient organisés une marche pacifique malgré l'annulation et l'interdiction des autorités de la ville. En effet, quatre prêtres et quatre laïcs catholiques étaient interpellés le jeudi 16 février par la police lors de la marche des chrétiens annulée par le Gouverneur de la ville de Kinshasa. Ils avaient été remis en liberté le même jour dans la soirée. Selon le porte-parole du Conseil de l'apostolat des laïcs catholiques du Congo (CALCC), Thierry Landu, cette remise en liberté avait été obtenue grâce à l'intervention de la MONUSCO et des ONG de droits de l'Homme.«Il y a eu une mobilisation réelle des chrétiens qui ont répondu à l'appel du CALCC. Au lieu d'encadrer les manifestants, la police les a empêchés de se rendre au point focal. C'est ainsi qu'on a vu des paroisses où on a bloqué les chrétiens».Les Chrétiens catholiques étaient bloqués notamment à la paroisse St Augustin de Lemba où des jeunes délinquants intimidaient les paroissiens pour les empêcher de participer à la marche ; in http://radiookapi.net/actualite/2012/02/17/marche-des-chretiens-les-pretres-les-laics-interpelles-ont-ete-remis-en-liberte/

* 6COMNINOS (A) , « Le droit de réunion pacifique, la liberté d'association et l'internet », in http://www.apc.org/fr/system/files/cyr%20french%20alex%20comninos%20pdf.pdf

* 7 MAINA Kiai, « Rapport du Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d'association, Conseil des Droits de l'Homme », 21 mai 2012, A/HRC/20/27, para 4, in http://www.ohchr.org/Documents/HRBodies/HRCouncil/ RegularSession/Session20/A-HRC-20-27_fr.pdf

* 8 Marche programmée par les laïcs catholiques à l'issue de la proclamation des résultats contestés des élections de Novembre 2006 et l'annulation par le Gouverneur de la ville de Kinshasa, de la réunion annuelle de prière du Studio Sango Malamu de Décembre 2011 à Kinshasa.

* 9 DJOLI ESSENG'EKELI (J), Cours des libertés publiques, D.E.S, Université de Kinshasa, Kinshasa, 2011-2013, Inédit.

* 10 A ce sujet, lire MAMPUYA KANUNK'a TSHIABO, « Controverse sur les textes régissant les libertés de réunion et de manifestation publique », in http://www.lephareonline.net/lephare/index.php?option=com_content&view=article&catid=51%3Arokstories&id=3632%3Ala-liberte-dassociation-et-des-manifestations-publiques-en-rdc--les-ecueils&Itemid=108

* 11 CORTEN (O), Méthodologie de recherche en droit international, Bruxelles, Edition des Universités de Bruxelles, 2009, p23.

* 12CORTEN (O), « La sociologie du droit existe-t-elle ? », in Revue de droit pénal et de criminologie, N°9-10, 1998, pp.845-856.

* 13 MINGASHANG Yvon, Méthodologie de recherche en droit international, séminaire, D.E.S, UNIKIN, 2011-2013, Inédit.

* 14 BASSUE BABU KAZADI, Un cadre objectif pour la reconnaissance des droits de l'homme, Syllabus, Diplôme professionnel en droits de l'homme et droit international humanitaire, UNIKIN/CRIDHAC, 2011-2012, p1.

* 15 COMNINOS (A), Op.Cit

* 16 Dernière en date, en RDC , la mesure portant interdiction et fermeture des services de messagerie ou sms qui permettait à certain congolais de braver les interdictions de manifestation et la confiscation des médias traditionnels(TV et Radio).

* 17 A San Francisco, la compagnie gouvernementale, la Bay Area Rapid Transit Autority (BART) a fermé les stations de base du réseau souterrain de téléphonie mobile le long des routes de transport afin de restreindre de façon préventive les communications entre les manifestants pacifiques qui protestaient contre le meurtre d'un sans domicile fixe non armé commis par la sécurité de la BART , cité par Alex COMNINOS et à lire sur The War and Peace Report (news show), 16 août 2011, Democracy Now!, http://www. democracynow.org/2011/8/16/stream et Vince in the Bay, Disorderly Conduct - Operation BART Recap (podcast), 17 août 2011, http://www.blogtalkradio.com/ vinceinthebay/2011/08/17/disorderly-conduct--operation-bart-recap-1).

* 18 Durant les émeutes de Londres, le gouvernement britannique a convoqué les représentants de Facebook, Twitter et Research in Motion (Blackberry) afin de discuter la possibilité de restreindre l'accès à ces services pendant l'instabilité sociale, voir Ravi, Somaiya, In Britain, a Meeting on Limiting Social Media,The New York Times, 25 août 2011. www.nytimes. com/2011/08/26/world/europe/26social.html?_r=1&src=tp ;

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius