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Les conflits de lois en matière de contrefaçon des œuvres littéraires et artistiques.

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par Patrice Ledoux DJOUDIE
Université de Dschang Cameroun - Master en droit des affaires et de l'entreprise 2010
  

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SECTION II : LE RATTACHEMENT RETENU

A l'issue de la présentation des différentes thèses et solutions qui ont été avancées et proposées, nous sommes d'avis que la loi du lieu où le délit est survenu est celle qui est la mieux adaptée en matière de contrefaçon internationale des oeuvres littéraires et artistiques (PARAGRAPHE I). Cette loi reconnue comme celle qui doit être applicable a une portée et une importance bien précise (PARAGRAPHE II).

Paragraphe I : La loi du lieu de commission du délit comme loi applicable à la contrefaçon internationale

La contrefaçon consiste en l'utilisation ou l'exploitation d'une oeuvre sans le consentement de son auteur. Les exemples ci-après nous permettent de cerner le problème : Le premier est celui d'une enseignante dans une université camerounaise, qui après avoir créé, conçu et fait éditer son oeuvre littéraire, en l'espèce un livre, a été surprise pendant l'un de ses déplacements de voir le même livre qui était vendu à un prix dérisoire dans deux autres pays, après quelques modifications. En l'état authentique ou original, le livre coûtait un peu plus de 10.000 FCFA. Mais après contrefaçon, il ne coûtait plus qu'environ 1500 FCFA. Le livre en question a été photocopié, la couverture a été changée. Bref, il n'y avait plus que le contenu qui était resté intact, la forme a presque été totalement changée. Le second est celui de l'affaire Manu Dibango c/ Rihanna et Michael Jackson. C'est en effet le mardi 27 janvier 2009 que le musicien camerounais MANU DIBANGO a assigné devant le Tribunal de Grande Instance de Paris les maisons de disque de Michael Jackson et RIHANNA qu'il accuse d'avoir plagié l'une de ses chansons. Le chanteur camerounais leur réclame au total 500.000 euros soit près de 320 millions de francs CFA et le versement de ses droits d'auteur. Lorsque l'on évoque MANU DIBANGO, on ne peut passer à côté de son immense succès " Soul Makossa " qu'il a composé en 1972. En 1980, Michael Jackson, qui s'empare de son refrain dans son titre "Wanna Be Startin' Somethin'". Deux ans plus tard, il a été appelé à dédommager Manu pour ce plagiat. Manu cède des droits mais il reste entendu que pour les usages ultérieurs, il devra être consulté. Ce qui n'a pas été le cas lorsqu'en 2007 Michael Jackson autorise RIHANNA, jeune chanteuse de la Barbade, à reprendre le morceau composé par MANU DIBANGO. En 2009, l'affaire rebondit lorsque le chanteur américain a autorisé la chanteuse Barbade RIHANNA de reprendre le morceau composé par MANU DIBANGO dans son titre "Don't Stop The Music"93(*).

Certains contrefacteurs vont jusqu'à traduire l'oeuvre dans une ou plusieurs langues, et ceci sans le consentement de l'auteur de l'oeuvre, pour les besoins d'exportations ou d'agrandissement de la clientèle94(*). Une oeuvre écrite en langue française peut ainsi être traduite en allemand, en chinois, en anglais ou encore en romain. Il s'agit là de l'internationalisation de la contrefaçon qui ne fait qu'augmenter les conséquences néfastes de ce délit.

Supposons que dans le premier exemple ci-dessus, l'enseignante en question saisisse un tribunal pour demander la réparation du préjudice qu'elle subit. Quelle doit être la loi qui sera la mieux appropriée pour régir et régler ce problème ?

La lex loci delicti est entendue ici comme la loi du pays dans lequel se sont produits les dommages ou les différents préjudices subis par la victime de la contrefaçon. C'est-à-dire la loi du pays de réalisation du préjudice ou de réalisation des faits litigieux, ou encore la loi du pays dans lequel les faits de contrefaçon ont été constatés. A ne pas confondre avec la loi du pays où le fait générateur s'est produit, c'est-à-dire où l'acte initiateur de contrefaçon s'est réalisé. Illustration : si une oeuvre d'un auteur camerounais est contrefaite en Côte d'Ivoire et que la contrefaçon est constatée, alors c'est la loi ivoirienne qui sera qualifiée ici de lex loci delicti.

Nous sommes d'avis pour plusieurs raisons, que les victimes de contrefaçon internationale doivent bénéficier95(*) de l'application de la loi du lieu de commission du délit ou lex loci delicti :

D'abord, la lex loci delicti est la loi qui doit normalement s'appliquer en matière de délit car, depuis des années, voire plusieurs siècles, le lieu du délit a toujours servi de rattachement unique en matière d'obligations extracontractuelles et reste encore d'actualité. Nous sommes d'avis que lorsqu'un délit est commis à un endroit bien précis et bien déterminé, c'est la loi du lieu de réalisation ou de commission de ce délit qui doit normalement s'appliquer audit délit. C'est cette loi qui est la mieux apte à déterminer les conditions, la procédure et surtout les effets96(*) applicables au cas qui s'est produit sur le territoire concerné. Ainsi, si une contrefaçon se produit sur le territoire camerounais, la loi camerounaise est la mieux appropriée pour déterminer tous les éléments qui permettront de constater ladite contrefaçon et de dégager toutes les responsabilités qui en découleraient et éventuellement les conséquences de ces responsabilités. Il serait donc inapproprié d'appliquer97(*) une autre loi que celle du lieu de commission de la contrefaçon.

Ensuite, la tradition veut que l'on applique la loi du lieu de réalisation du délit, qui a le mérite d'être neutre à l'égard des parties et de la juridiction en cause. Cette tradition peut se justifier par la panoplie de jurisprudences existantes en la matière98(*).

Une autre raison de l'adoption de la lex loci delicti en matière de contrefaçon internationale des oeuvres littéraires et artistiques c'est que cette loi renvoie dans un sens à la loi la plus proche du délit de contrefaçon commis99(*), car elle est celle du pays qui entretient les liens les plus étroits avec le délit de contrefaçon.

Nous pouvons également faire allusion au principe100(*) selon lequel « l'obligation de réparer un dommage dans une situation extracontractuelle est jugée conformément au droit matériel en vigueur dans le pays où l'acte dommageable a été commis », c'est-à-dire la lex loci delicti. Cette Cour suprême suédoise semble vouloir admettre une dérogation à la lex loci delicti, notamment lorsque certaines circonstances seraient « de nature à justifier une dérogation au principe ». Mais, il serait très difficile d'imaginer un cas qui présenterait des rapports et des liens suffisamment forts avec une autre loi que la lex loci delicti au point d'en arriver à la dérogation à ce principe.

L'application de la lex loci delicti en matière de responsabilité délictuelle101(*) en générale et en matière de contrefaçon internationale des oeuvres littéraires et artistiques en particulier, peut se justifier aussi en raison de l'objectivité de ce critère de rattachement et en raison également de la prévisibilité de l'application de la loi locale. Ceci éviterait de faire recours au lexforisme qui est une solution trop lâche adoptée par certains juges en matière de règle de conflits de lois, et de recourir à une règle de conflits de lois subjective.

Une autre explication du choix de la lex loci delicti comme loi applicable à la contrefaçon internationale des oeuvres littéraires et artistiques peut être que le fondement du choix de cette règle est de favoriser l'application de la souveraineté nationale du pays dans lequel se sont produits les faits litigieux. Il s'agit là de la volonté de la société internationale de privilégier, de garantir et de manifester la souveraineté nationale des Etats, élément très important et capital en matière de coopération internationale entre les pays souverains.

Ce sont là entre autres des raisons pour lesquelles plusieurs juges y font encore recours et nous espérons qu'il en sera ainsi encore pour un bon bout de temps.

Contrairement à la lex loci delicti qui semble assez claire, les autres thèses102(*) ont l'inconvénient de poser des problèmes d'interprétation103(*).

Cette lex loci delicti qui est reconnue comme la loi la mieux adaptée en matière de contrefaçon internationale des oeuvres littéraires et artistiques est d'une portée assez intéressante.

* 93 Ericien Pascal NGUIAMBA, Musique: MANU DIBANGO, MICHAEL JACKSON et RIHANNA au tribunal! 24/01/2009, in www.google.com.

* 94 Une oeuvre écrite en langue française peut ainsi être traduite en allemand, en chinois, en anglais ou encore en romain.

* 95 Lorsqu'elles demandent la réparation du préjudice à un tribunal.

* 96 Responsabilités, sanctions, etc.

* 97 Même lorsque c'est une juridiction étrangère au pays dans lequel a eu lieu le délit qui est saisi.

* 98 A l'instar de l'arrêt Lautour du 25 mai 1948 précité et de l'arrêt Cronsioe, NJA 1969, p. 163. Cet arrêt a été commenté en langue française par H. Eek, Clunet 1971, pp. 660. En l'espèce, deux époux de nationalité suédoise eurent un accident de voiture aux Pays-Bas, où l'épouse, Mme Cronsioe, fut blessée. Elle intenta une action en réparation contre l'assureur de son mari, alléguant que son mari était responsable de l'accident et que la loi suédoise devrait s'appliquer. Selon la demanderesse, une grande majorité d'éléments de rattachement indiquait l'application de la loi suédoise : la nationalité suédoise et le domicile communs à la victime et à l'auteur de l'accident, la voiture était immatriculée à Stockholm et le contrat d'assurance avait été conclu en Suède. En plus, le voyage des époux Cronsioe avait commencé en Suède et devait s'y terminer. Le lieu de l'accident était alors fortuit.

À l'appui de ces arguments, elle ajouta que le droit international privé néerlandais désignait la loi suédoise (par le jeu du renvoi) et que la loi néerlandaise qui, à l'époque, excluait le droit de réparation entre époux sauf en cas de négligence grave, devait être écartée pour cause d'incompatibilité avec l'ordre public au sens du droit international privé suédois.

La Cour suprême appliqua la loi néerlandaise en tant que lex loci delicti, tout en conformité avec sa jurisprudence antérieure et motiva sa décision de manière suivante : « Selon le droit international privé suédois, il y a lieu d'appliquer le principe selon lequel l'obligation de réparer un dommage dans une situation extracontractuelle est jugée conformément au droit matériel en vigueur dans le pays où l'acte dommageable a été commis, que la loi suédoise en matière pénale s'applique ou non. Certes, cette affaire présente certaines circonstances qui rattachent à la loi suédoise la situation juridique née de l'accident, mais qu'elles soient considérées chacune isolément ou dans leur ensemble, ces circonstances ne sont pas de nature à justifier une dérogation au principe ».

* 99 Qui renvoie au principe de proximité.

* 100 Dégagé par la Cour suprême de la Suède dans l'arrêt Cronsioe précité.

* 101 Cass. Civ., 19 mai 1999, Mobil North Sea; Cass. Civ., 08 février 1983, Bangue Vve morin-pous: JDI 1984, p. 123 ; cass. Civ., 12 mars 2007, Bureau Veritas, in www.legifrance.gouv.fr

* 102 La lex loci originis et la lex loci protectionis.

* 103 C'est ainsi que concernant la lex loci originis, pendant que certains penchent pour la loi du pays d'origine de l'oeuvre, d'autres penchent plutôt pour la loi du pays d'origine de l'auteur. Et concernant la lex loci protectionis, on spécule sur l'interprétation de la loi du pays pour lequel la protection est réclamée : est-ce la loi du juge saisi ? Ou alors celle du pays de protection de l'auteur ? Etc.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault