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Les commémorations du 11 novembre en Belgique francophone pendant l'entre-deux-guerres. Les cas de Bruxelles, Liège et Mons

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par Emeline WYNANTS
Université de Liège - Master en histoire 2012
  

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2.8 1930 et le centenaire belge.

Douze ans après la fin de la Grande Guerre, la Belgique célèbre avec faste et éclat son premier Centenaire. Le jour de la fête nationale, quelque 60.000 anciens combattants, invalides et veuves de guerre défilent sur la place des Palais. Durant l'année du centenaire, deux grandes expositions sont organisées à titre symbolique : celle de Liège avec pour thème dominant l'industrie et l'économie, alors que la seconde, qui se déroule à Anvers, privilégie la culture.549(*)

Les anniversairesse chargent au fil du temps d'une signification changeante, liée au contexte dans lequel ils sont célébrés. La glorification du centenaire de l'indépendance de la Belgique permet de rendre compte du patriotisme belge. Toutefois, la boucherie de 14-18 hante encore les esprits, et occupe, de ce fait, une place importante dans les publications commémorant le Centenaire550(*), ainsi que dans les cérémonies commémoratives.551(*)

Le contexte de l'entre-deux-guerres est marqué par une crise générale de confiance dans les régimes parlementaires, et par la montée des mouvements fascistes. En Belgique, la principale cause d'instabilité gouvernementale est liée aux problèmes linguistiques, remettant en cause le caractère unitaire de l'État belge. La 11 novembre, les ministres libéraux puis tout le cabinet donne sa démission suite à la reprise de la lutte flamande après la flamandisation de l'université de Gand. Toutefois, le Roi refuse cette démission.552(*)

C'est donc dans un contexte assez instable et difficile qu'ont lieu les commémorations de l'Armistice en cette année de centenaire. Ces cérémonies revêtent le caractère traditionnel qu'elles ont acquis depuis 1922, à savoir une messe solennelle à la collégiale Sainte-Gudule à 10h suivi aux alentours de 11h, de la cérémonie autour de la Colonne du Congrès. Toutefois, les cérémonies du centenaire se complètent de pratiques particulières comme une cérémonie militaire dans la cour du Sénat553(*), la plantation d'un arbre du centenaire à Molenbeek554(*) ou encore, une nouvelle étape dans le parcours du Relais sacré : la Place des Martyrs555(*). Il s'agit d'une étape tout indiquée puisque ce 11 novembre est placé sous le signe d'une signification particulière : « Cette année, unissant dans un même souvenir, ceux qui tombèrent sur les barricades de 1830 et dans les tranchées de l'Yser, le pays tout entier s'est consacré au souvenir des héros, qui à cent ans de distance, ont combattu pour l'indépendance de la Belgique ».556(*)

Contrairement à ce que nous pourrions penser, cette association dans la commémoration n'est pas tellement développée.557(*) Laurence van Ypersele, Emmanuel Debruyne et Stéphanie Claisse l'affirment eux aussi : « la place accordée au souvenir de la Grande guerre est au moins aussi importante, si pas plus, que l'espace occupé par 1830 ».558(*) Premièrement, nous pouvons constater que la majorité des articles se contente d'y faire allusion pour revenir bien vite à l'éternel compte-rendu des cérémonies. Deuxièmement, les articles reflètent surtout l'instabilité internationale puisque c'est l'occasion pour des journaux comme De Schelde de proclamer leur haine de la guerre, en titrant « Ik vloek den oorlog ».559(*)Bien plus, 1930 est l'année où l'Angleterre commence à se demander s'il ne serait pas opportun, dans un esprit de pacification générale, de supprimer les cérémonies commémoratives incessantes au Soldat Inconnu.560(*) Cette idée en révulse plus d'un en Belgique, ce qui donne naissance à d'importantes envolées lyriques sur le devoir sacré du culte des morts comme le montre cet extrait du Journal des Combattants : « Et enfin, et j'ai intentionnellement réservé Ce devoir pour le dernier, car cette cérémonie nous prouve que nous ne sommes guère prêts, à en abandonner l'accomplissement, de nos Morts eux-mêmes, nous ne pouvons pas laisser mourir le souvenir ! {...} Que d'autres estiment, s'ils le veulent absolument, que des cérémonies comme celle-ci sont génératrices de haine et dangereuses pour la paix du monde ! C'est pour tous qu'ils sont morts, vos enfants, vos époux, vos pères : c'est à tous qu'incombe le devoir sacré de la reconnaissance ! Au lendemain de la célébration de l'anniversaire de l'armistice, renouvelons à nos chers disparus le serment de ne point oublier leurs souffrances et de travailler de toutes nos forces à la réalisation des voeux qu'ils formèrent en mourant : Que leur Culte reste vivace en nos coeurs ! ».561(*)

Bien qu'ayant quelques particularités, cette année montre un réel désintéressement pour la signification de la cérémonie puisqu'une partie des articles est consacrée aux tenues de la Reine et de la Princesse.562(*) Ajoutons à cela que pour la première fois, la minute de recueillement est qualifiée de minute de silence.563(*) Sous un air anodin, ce changement de vocabulaire amorce un désintérêt croissant face à cette cérémonie. En effet, comme nous l'avons dit, la notion de recueillement implique que la pensée toute entière soit tournée vers les morts, leur souvenir, la reconnaissance alors que la notion de silence n'impose rien, si ce n'est le silence.Ce désintérêt se marque aussi dans l'appellation donnée aux cérémonies : on parle de fête de la victoire notamment parce que l'on voit se multiplier les bals, thés dansant à l'occasion de l'Armistice.564(*) Nous pouvons également remarquer que le spectre d'une nouvelle guerre est déjà bien présent puisqu'en cette date de l'Armistice, le président Hoover envisage l'attitude de l'Amérique en cas de nouvelle « guerre européenne ».565(*)

Nous pouvons donc dire sans hésiter que cette année 1930 marque un véritable tournant dans les commémorations liées à la signature de l'Armistice, non seulement, le monde connaît de nouvelles menaces mais en plus, la distance face aux évènements commence à se faire sentir ce qui se traduit par un certain désintérêt. De plus, le « connu » et le « traditionnel », n'ayant plus le caractère de la nouveauté, ils perdent de leurs intérêts médiatiques. Les faits sont connus, les cérémonies ritualisées, après cette date, on présentera les cérémonies nationales par des photographies et on privilégiera les comptes rendus des relais sacrés locaux.

* 549BRASSEUR M., La représentation des fêtes à travers la presse francophone bruxelloise de l'entre-deux-guerres (1919-1939), Mémoire de Master en Histoire, inédit, Université Catholique de Louvain, année académique 2004-2005, p. 75-76.

* 550NANIOT T., «  Figures belges lors du centenaire en 1930 », in Toudi mensuel n°68, avril-mai-juin 2005, p. 7-8.

* 551 Certaines figures comme le couple royal, de grands généraux ou des héros civils sont particulièrement bien évoqués pour ce centenaire mais il est intéressant de constater qu'elles sont presque toutes liées à la Première Guerre mondiale et issues de la Wallonie.

BRASSEUR M., La représentation des fêtes à travers la presse francophone bruxelloise de l'entre-deux-guerres (1919-1939), Mémoire de Master en Histoire, inédit, Université Catholique de Louvain, année académique 2004-2005, p. 75-80. NANIOT T., «  Figures belges lors du centenaire en 1930 », in Toudi mensuel n°68, avril-mai-juin 2005, p. 12.

* 552 A cette époque, l'Université flamande de Gand et l'Ecole des Hautes Etudes (francophone) coexistent. Afin que les professeurs ne privilégient pas l'Ecole des Hautes Etudes, il est interdit aux professeurs de l'université d'y donner cours ce qui suscite le mécontentement des ministres libéraux.

VAN KALKEN F., Entre deux guerres. esquisse de la vie politique en Belgique de 1918 a 1940 , Bruxelles, Office de Publicité, 1945, p.61 ; LUYKX T., Politieke geschiedenis van België, Amsterdam-Bruxelles, Elsevier, 1985, p.333 ; STENGERS J., L'action du Roi en Belgique. Pouvoir et influence. 2e édition revue.- Bruxelles, Editions Racine, 1996, p.75, 224.

* 553Le Soir, 11 novembre 1930, p.1-2

* 554Le Soir, 12 novembre 1930, p.3, La Dernière heure, 12 novembre 1930, p.1-3 ; La Nation Belge, 12 novembre 1930, p.4 

* 555La Libre Belgique, 12 novembre 1930, p.1-2 ; La Nation Belge, 10 novembre 1930, p.3 

* 556La Nation Belge, 12 novembre 1930, p.1.

* 557 L'année 1930 voit plusieurs inaugurations de monuments aux morts. C'est à cette occasion que l'on rapproche le courage des soldats belges de 14-18 avec celui des volontaires de 1830.

VAN YPERSELE L. et TIXHON A., « Du sang et des pierres. Les monuments de la guerre 1914-1918 en Wallonie », in Les Cahiers d'Histoire du temps Preìsent, volume 7, p. 91-92.

* 558VAN YPERSELE L., DEBRUYNE E. et CLAISSE S., De la guerre de l'ombre aux ombres de la guerre : l'espionnage en Belgique durant la guerre 1914-1918, Bruxelles, Editions Labor, 2004, p. 152.

* 559 « Je maudis la guerre ».

De Schelde, 8 novembre 1930, p.1. 

* 560La Libre Belgique, 5 novembre 1930, p.2, La Nation Belge, 6 novembre 1930, p.1.

* 561Le Journal des combattants, 9 novembre 1930, p.2.

* 562La Dernière heure, 12 novembre 1930, p.1-3.

* 563La Dernière heure, 12 novembre 1930, p.1.

* 564La Dernière heure, 12 novembre 1930, p.1 ; La Libre Belgique, 6 novembre 1930, p.2 ; La Nation Belge, 12 novembre 1930, p.4 ; Le Journal des combattants, 16 novembre 1930, p.12 ; Le Soir, 12 novembre 1930, p.3.

* 565La Dernière heure, 13 novembre 1930, p.3.

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