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La protection de la santé comme limite à  la liberté d'entreprendre

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par Thomas BERTRAND
Université Montesquieu Bordeaux 4 - Master 2 droit de la coopération économique et des affaires internationales 2012
  

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B - Le contrôle administratif de la création d'un commerce de boissons alcoolisées : une mise en oeuvre difficile de la liberté d'entreprendre

L'hypothèse que nous allons étudier ici est celle d'un entrepreneur qui souhaite ouvrir (au sens de créer) un débit de boissons. Nous allons donc montrer dans leur globalité les principales étapes nécessaire à la création de cette activité économique.

Ainsi nous ne traiterons que de l'ouverture (création) et non des hypothèses de mutation (changement de propriétaire ou de gérant), de translation (changement de lieu du débit de boissons sur la même commune), et de transfert (changement de lieu du débit de boissons à l'intérieur d'un même département), prévues par le CSP. De même, nous ne traiterons pas des différentes formes de sociétés pouvant gérer un commerce de boissons alcoolisées, de l'enregistrement au Registre du commerce et des sociétés, etc.

L'idée directrice de notre démarche est de montrer qu'il s'agit là d'une activité économique dont l'accès est strictement encadré par le droit et limitée du fait de sa nature (la commercialisation de boissons alcoolisées), qui est susceptible de porter atteinte à la santé des personnes.

En outre, nous relèverons simplement, concernant les fabriquant et importateurs de boissons alcooliques du troisième, du quatrième ou du cinquième groupe, que l'article L. 3322-1 du CSP impose à leur charge d'effectuer une déclaration administrative préalable à la mise en vente ou l'offre gratuite desdites boissons. La déclaration doit indiquer le nom et l'adresse du fabricant ou importateur, le nom de la boisson, sa composition et l'usage, apéritif ou digestif, auquel elle est destinée.

Dès à présent, nous nous pencherons sur les limitations à la liberté d'entreprendre des personnes souhaitant exercer l'activité de débitant de boisson. Nous verrons successivement les conditions préalables à l'exercice de la profession inhérentes à la qualité de la personne (1), la nécessité d'obtenir une licence (2) et le choix du lieu du débit de boissons (3).

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1 - Les conditions préalables à l'exercice de la profession de débitant de boisson inhérentes à la qualité de la personne

Nous appliquerons à ce « 1 - » la même remarque que celle faite concernant les conditions préalables à l'exercice de la profession de débitant de tabac inhérentes à la qualité de la personne concernant le choix de traiter de ces éléments dans notre Partie 2. Ces limites tiennent à la nationalité de la personne (a), à sa capacité (b) et à sa formation (c).

a - Nationalité de la personne

L'art. L. 3332-3 du CSP interdit l'exercice de la profession de débitant de boissons aux personnes qui n'ont pas la nationalité français ou la nationalité d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen. Toutefois, les ressortissants d'Etats ayant conclu un traité de réciprocité avec la France peuvent exercer ladite profession (Algérie, Andorre, République centrafricaine, Congo Brazzaville, États-Unis, Gabon, Mali, Monaco, Sénégal, Suisse et Togo).

En outre, ces conditions de nationalité ne s'appliquent pas aux licences restaurant.

b - Compatibilité et capacité de la personne

Premièrement, seuls les majeurs qui ne sont pas sous tutelle et les mineurs émancipés peuvent exercer la profession de débitant de boissons (art. L. 3336-1 du CSP).

De même, sauf exception applicable aux mineurs de plus de seize ans, il est interdit d'employer ou de recevoir en stage des mineurs dans les débits de boissons à consommer sur place, à l'exception du conjoint du débitant et de ses parents ou alliés jusqu'au quatrième degré inclusivement (art. L. 3336-4 du CSP).

Deuxièmement, les personnes qui ont été condamnées à certaines peines notamment pour crime de droit commun ou proxénétisme (interdiction définitive), ou pour vol, escroquerie, abus de confiance (l'incapacité peut être levée au bout de 5 ans) ne peuvent exercer la profession de débitant de boisson à consommer sur place (art. L. 3336-2 du CSP) Il s'agit ici d'assainir les professions commerciales afin de protéger la moralité publique.

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e - Formation de la personne donnant lieu à un permis d'exploitation

Les articles L. 3331-4 et L. 3332-1-1 prévoient l'obligation pour toute personne déclarant l'ouverture d'un débit de boissons à consommer sur place ou d'un établissement pourvu de la "petite licence restaurant" ou de la "licence restaurant" ou qui souhaite dans son commerce (autre qu'un débit de boissons à consommer sur place) vendre des boissons alcooliques entre 22 heures et 8 heures, l'obligation de suivre une formation spécifique (axée notamment sur la prévention et la lutte contre l'alcoolisme, la protection des mineurs et la répression de l'ivresse publique). Cette formation donne lieu à la délivrance d'un permis d'exploitation valable dix années (renouvelable pour une durée de validité de dix années sous condition de participer à une formation de mise à jour des connaissances).

Ces conditions, bien que sévères en soi, touchent globalement peu de personnes si on prend la France comme contexte. Elles ne sont qu'un préalable, l'obtention d'une licence étant au coeur des limitations à l'ouverture d'un commerce de boissons alcoolisées.

2 - L'obtention obligatoire d'une licence d'exploitation

Quiconque souhaite ouvrir un établissement qui vend des boissons alcoolisées sur place ou à emporter doit détenir au préalable une licence spécifique. Par exception, les débits de boisson temporaires (foires expositions, fêtes publiques et enceintes sportives) ne sont pas soumis à licence mais à autorisation administrative du maire de la commune.

Nous étudierons successivement les différents types de boissons, d'établissements et de licences (a) et les conditions d'exploitation ou d'obtention de ces dernières (b).

a - Les différents types de boissons, d'établissements et de licences

Classification des boissons. L'art. L. 3321-1 du CSP répartit en cinq groupes les boissons en vue de la réglementation qui leur sera applicable.

- 1. Boissons sans alcool : eaux minérales ou gazéifiées, jus de fruits ou de légumes non fermentés ou ne comportant pas, à la suite d'un début de fermentation, de traces d'alcool supérieures à 1,2 degré, limonades, sirops, infusions, lait, café, thé, chocolat;

- 2. Boissons fermentées non distillées : vin, bière, cidre, poiré, hydromel, auxquelles sont joints les vins doux naturels bénéficiant du régime fiscal des vins, ainsi que les crèmes de cassis et les jus de fruits ou de légumes fermentés comportant de 1,2 à 3 degrés d'alcool;

- 3.

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Vins doux naturels autres que ceux appartenant au groupe 2, vins de liqueur, apéritifs à base de vin et liqueurs de fraises, framboises, cassis ou cerises, ne titrant pas plus de 18 degrés d'alcool pur;

- 4. Rhums, tafias, alcools provenant de la distillation des vins, cidres, poirés ou fruits, et ne supportant aucune addition d'essence ainsi que liqueurs édulcorées au moyen de sucre, de glucose ou de miel à raison de 400 grammes minimum par litre pour les liqueurs anisées et de 200 grammes minimum par litre pour les autres liqueurs et ne contenant pas plus d'un demi-gramme d'essence par litre;

- 5. Toutes les autres boissons alcooliques.

La classification des boissons est liée à la typologie des licences et établissements.

Typologie des licences et des établissements. Nous allons dès à présent présenter les trois groupements de licences existant.

Débit de boissons à consommer sur place. Premièrement, l'article L. 3331-1 du CSP prévoit trois licences différentes pour les débits de boissons à consommer sur place (la licence de 1e catégorie a été supprimée à compter du 1er juin 2011) :

- La licence de 2e catégorie dite « licence de boissons fermentées » autorisant la vente pour consommer sur place des boissons des deux premiers groupes.

- La licence de 3e catégorie dite « licence restreinte » autorisant la vente pour consommer sur place des boissons des trois premiers groupes.

- La licence de 4e catégorie dite « grande licence » ou « licence de plein exercice » autorisant la vente pour consommer sur place de toutes les boissons dont la consommation à l'intérieur demeure autorisée, y compris celles du quatrième et du cinquième groupe.

Restaurant. Deuxièmement, l'art. L. 3331-2 du CSP prévoit deux licences différentes pour les restaurants qui ne sont pas titulaires d'une licence de débit de boissons à consommer sur place mais qui souhaitent vendre des boissons alcooliques, exclusivement, à l'occasion des principaux repas et comme accessoire de la nourriture (dans le cas contraire les licences de l'art. L. 3331-1 du CSP sont requises) :

- La « petite licence restaurant » autorisant la vente pour consommer sur place de boissons du deuxième groupe.

- La « licence restaurant » autorisant la vente pour consommer sur place toutes les boissons dont la consommation est autorisée.

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Débit de boissons à emporter. Troisièmement, l'article L. 3331-3 du CSP dispose que si les établissements titulaires d'une licence à consommer sur place ou d'une licence restaurant peuvent vendre pour emporter les boissons correspondant à la catégorie de leur licence, les autres débits de boisson à emporter doivent être pourvus d'une des deux licences spécifiées :

- La « petite licence à emporter » autorisant la vente pour emporter des boissons du deuxième groupe.

- La « licence à emporter » autorisant la vente pour emporter de toutes les boissons dont la vente est autorisée.

Notons enfin que la vente à distance est considérée comme une vente à emporter (art. L. 3331-4 CSP). Ainsi quiconque souhaite vendre des boissons alcoolisées sur internet doit détenir l'une des deux licences évoquées ci-dessus.

La détention d`une licence n'est cependant pas suffisante pour exploiter un débit de boissons.

b. Les conditions d'exploitation ou d'obtention de la licence

Permis d'exploitation. Tout d'abord, est obligatoire pour obtenir ou exploiter une licence la détention d'un permis d'exploitation au sens des articles L. 3331-4 et L. 3332-1-1 du CSP.

Déclaration administrative préalable. Ensuite, les articles L. 3332-3 et L. 3332-4-1 du CSP imposent avant toute ouverture d'un café, d'un cabaret ou d'un débit de boissons à consommer sur place, dans lequel de l'alcool sera vendu, d'effectuer une déclaration administrative préalable à la mairie (ou à la préfecture de police à Paris) au moins quinze jours avant l'ouverture de l'établissement.

Fermeture administrative. Enfin et en outre, l'art. L. 3332-15 du CSP prévoit, à la suite d'infractions aux lois et règlements encadrant les débits de boisson ou les restaurants prévus au même code, la possibilité pour le représentant de l'État dans le département (ou le préfet de police à Paris) d'ordonner sur motivations et après avertissement préalable (sauf cas exceptionnels), la fermeture desdits établissements pour une durée n'excédant pas six mois.

La fermeture peut aussi être prononcée dans des conditions similaires pour une durée n'excédant pas deux mois en cas d'atteinte à l'ordre public, à la santé, à la tranquillité ou à la moralité publiques. La durée de fermeture pourra être réduite lorsque l'exploitant s'engage à

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suivre la formation spécifique visée à l'article L. 3332-1-1 du CSP, ou prolongée (jusqu'à six mois) si elle est motivée par des certains actes criminels ou délictueux.

Les difficultés ne s'arrêtent pas là puisque d'autres mesures viennent encadrer l'obtention d'une licence. Très sommairement, la licence peut soit être créée (nouveau débit de boisson), soit être achetée ou transférée dans le respect de la réglementation. Toutefois, l'article L. 3332-2 interdit l'ouverture d'un nouvel établissement de 4e catégorie et ainsi, interdit la création d'une licence 4 (qui ne peut donc qu'être achetée ou transférée). Enfin, la licence est susceptible d'expirer en cas de non utilisation pendant trois ans (art. L. 3333-1 du CSP).

Nous n'irons pas plus loin dans ces développements mais nous allons dès à présent étudier les restrictions relatives à la localisation du débit.

3 - Les restrictions relatives à la localisation du débit

Concernant ces restrictions spatiales, le CSP va soit imposer des restrictions légales (a), soit laisser le choix au représentant de l'Etat dans le département (b).

a - Les limitations légales du nombre de débits de boissons imposées par le CSP

L'art. L. 3332-1 du CSP interdit l'ouverture d'un débit de boisson de 2e ou 3e catégorie dans les communes où le total des débits de boissons atteint ou dépasse la proportion d'un débit pour 450 habitants. Il est donc impossible d'obtenir une licence pour l'ouverture d'un établissement situé dans une commune où le nombre de débits a atteint la limite précitée.

De même, sans que le CSP parle expressément de zone protégée, son article L. 3335-4 interdit la vente et la distribution de boissons alcoolisées au sein des établissements d'activités physiques et sportives. Toutefois, des dérogations peuvent être accordées par arrêté des ministres chargés du tourisme et de la santé pour des installations situées dans des hôtels classés de tourisme ou des restaurants. Il s'agit en tous cas d'une interdiction légale.

b - La création de zones protégées par le représentant de l'Etat dans le département

Les articles L. 3335-1 et s. du CSP confèrent la possibilité au représentant de l'Etat dans le département de créer des zones protégées dans lesquelles un débit de boissons à consommer sur place ne peut être établit. La zone devra se situer autour des édifices et établissements limitativement énumérés par le code.

Il s'agit des édifices consacrés à un culte, des cimetières, des établissements de santé, maisons de retraite et tous établissements publics ou privés de prévention, de cure et de soins comportant hospitalisation ainsi que les dispensaires départementaux, des établissements d'instruction publique et établissements scolaires privés ainsi que tous établissements de formation ou de loisirs de la jeunesse, des stades, piscines, terrains de sport publics ou privés, des établissements pénitentiaires, des casernes, camps, arsenaux et tous bâtiments occupés par le personnel des armées de terre, de mer et de l'air et des bâtiments affectés au fonctionnement des entreprises publiques de transport.

Il s'agit bien évidemment de limitations à la liberté d'entreprendre concernant le lieu d'établissement du débit de boisson et donc de commercialisation des biens en question. C'est ici la nature de l'activité qui est en cause : le commerce de biens susceptibles de créer des dépendances présentant un danger pour la santé et la sécurité des personnes.

La jurisprudence a d'ailleurs précisé que les facultés constituent des établissements protégés205. On imagine, sans préjuger des risques pour la santé des usagers des établissements d'enseignement supérieur, qu'une mesure d'interdiction en ce sens aurait pour conséquence de voir s'envoler l'opportunité de créer des activités a priori plutôt lucrative. Enfin et naturellement, un préfet ne peut créer des établissements protégés qui ne figureraient pas dans la liste précitée.206

Une fois le commerce ouvert légalement, le commerçant va pouvoir vendre du tabac ou des boissons alcoolisées mais cette activité fait toutefois l'objet de nombreuses limitations légales.

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205 Crim. 4 nov. 1971: Bull. crim. no 299

206 Montpellier, 30 oct. 1951: Gaz. Pal. 1952. 1. 117

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo