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Le texte promotionnel culturel

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par David LEGOUPIL
Université Paris V René Descartes - Master pro 2 expertise en sémiologie et communication 2007
  

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David LEGOUPIL Mémoire de Master professionnel

Master expertise en sémiologie Septembre 2008

& communication

Université Paris V René Descartes

Faculté des Sciences humaines et sociales

Sorbonne

Département de Sciences du langage

Directeur de Mémoire : M. Dominique Desmarchelier

Une présentation de l'Office départemental de la Culture de l'Orne

suivie d'une

Définition du texte promotionnel culturel

et d'une

Etude des différentes formes de modalisation à l'oeuvre

dans les textes des Saisons 2007-2008

de l'ODC

Stage effectué à l'ODC

Du 1er mars 2007 au 30 juin 2007

Directrice de stage : Madame Martine Gasnier

David LEGOUPIL Mémoire de Master professionnel

Master expertise en sémiologie Septembre 2008

& communication

Une présentation de l'Office départemental de la Culture de l'Orne

suivie d'une

Définition du texte promotionnel culturel

et d'une

Etude des différentes formes de modalisation à l'oeuvre

dans les textes des Saisons 2007-2008

de l'ODC

Remerciements à Dominique Desmarchelier,

Hervé Le Tellier et Patricia von Münchow,

à Martine Gasnier, directrice de l'ODC,

ainsi qu'à toute son équipe : Pierrick Bigot, Jacques Lécuyer,

Alain Mégissier, Joëlle Planchais, Vincent Roche et Chantal Yvard

SOMMAIRE

Sommaire p. 3

Introduction p. 4

Première partie : une présentation

de l'Office départemental de la Culture de l'Orne

I Le cadre du stage p. 6

II Fonctions, structure et réalisation des plaquettes « jeune » et tout public de l'ODC p. 11

III Position des rédacteurs de l'ODC face à l'écriture p. 16

*

Deuxième partie : essai de définition comparative

du texte promotionnel culturel

I Pour une désignation et une définition du texte qui vise à promouvoir

une manifestation culturelle p. 24

II Le texte promotionnel culturel, un texte publicitaire comme les autres ? p. 28

*

Troisième partie : étude des principales modalisations à l'oeuvre dans les textes promotionnels culturels

I La modalisation prescriptive p. 35

II La modalisation méliorative p. 44

III La modalisation persuasive ou la tentation de la littérature p. 74

*

Conclusion p. 116

Bibliographie p. 119

Annexes I p. 122

Annexes II p. 128

Tables des matières p. 132

Introduction

Mon stage s'est déroulé, en province, de mars à juin 2007 dans un organisme culturel parapublic, l'Office départemental de la culture de l'Orne (ODC), dont la mission est de programmer des manifestations touchant à tous les domaines artistiques (chanson, musique, théâtre, arts plastiques, etc.) et visant un public large, des scolaires au « tout public ». Cette programmation, qui s'étend à l'ensemble du département de l'Orne, est relayée par une communication à portée essentiellement régionale dont l'ODC a seul la charge, hormis pour une partie du graphisme.

Ce stage s'est inscrit pour moi dans une démarche de réorientation professionnelle. Enseignant depuis 1995, j'ai en effet aujourd'hui le projet de travailler dans le domaine de la communication écrite pour une collectivité territoriale.

Mon mémoire professionnel sera organisé en deux parties : la première s'attachera à une définition de ce genre, extrêmement répandu et pourtant mal connu, qu'est le texte promotionnel culturel. Ce travail de définition, conduit à l'aide d'un appareil théorique diversifié, sera réalisé au moyen d'une étude comparative qui mettra en perspective le genre que j'ai pratiqué avec des genre ou forme de discours proches : la critique culturelle journalistique et le discours publicitaire.

La deuxième partie de ce mémoire portera sur l'étude des modalisations qui m'est apparu, grâce aux cours du master et par mes lectures personnelles, comme le point central de tout discours promotionnel. Elle consistera, au risque peut-être d'apparaître comme fragmentaire, en une étude approfondie d'extraits de textes écrits par l'équipe des rédacteurs de l'ODC (dont j'ai fait partie) pour la promotion de la Saison culturelle 2007-08.

Cette analyse, qui tiendra compte de l'influence des domaines artistiques des spectacles promus (on n'écrit ni de la même façon ni sur le même ton, lorsqu'on présente, par exemple, un concert de chanson française ou une exposition d'art contemporain), cherchera avant tout à dégager certaines mécaniques textuelles observables chez les rédacteurs de l'ODC.

Elle ne passera pas sous silence l'identité des rédacteurs de l'ODC en 2007. Non pas dans le but de porter un jugement de valeur sur la qualité de tel ou tel texte ou de décerner les palmes du meilleur rédacteur mais avec l'intention de permettre, a posteriori, une « plongée » dans la fabrique des textes, d'en montrer le fonctionnement (leurs astuces  rodées mais aussi leur part plus inconsciente), bref de saisir un peu de la complexité de ces petits textes qui donnent (ou non) l'envie d'aller voir un artiste ou une manifestation culturelle.

Pas d'anonymat, donc, d'abord parce que ce mémoire est professionnel, qu'il doit s'ancrer dans la réalité du travail et qu'il peut être utile (voire amusant) pour les rédacteurs réguliers ou éphémères de l'ODC de connaître leur « façon », leurs tics, par une analyse qu'eux-mêmes, dans le contexte professionnel, n'ont pas le temps de conduire. De plus, l'étude, si elle parvient à dépasser le constat individualisé et à dégager des tendances de fond, peut permettre aux rédacteurs de l'ODC d'enrichir leur pratique au contact de celles de leurs collègues, mais aussi d'appréhender théoriquement les techniques incitatives qu'ils utilisent, pour une bonne part, intuitivement et empiriquement.

Dans le domaine qui est le sien, l'étude tentera ainsi de répondre à cette observation générale de Sophie Moirand reprise par Jean-Michel Adam dans Linguistique textuelle, Des genres de discours aux textes1(*): «On commence à peine à aborder «la diversité des genres discursifs et la variété des configurations textuelles qui hantent les mondes quotidiens, professionnels ou médiatiques»».

Première partie : une présentation

de l'Office départemental de la Culture de l'Orne

I Cadre du stage

1. Présentation de l'ODC

Mon stage professionnel s'est déroulé durant quatre mois (de mars à juin 2007) à l'Office départemental de la culture de l'Orne. Statutairement, cet organisme, contrairement à ce que laisse penser son nom, chargé d'officialité, n'est pas une institution publique mais une association de type loi 1901, créée en 1976, sous le nom d'Orne animation, avec à sa tête M. Georges Bertin. L'organisme, né d'une charte signée alors entre le président du Conseil Général de l'Orne M. Hubert d'Andigné et l'Etat, peut cependant être qualifié de parapublic. D'abord parce qu'il est, dès l'origine, le fruit d'une volonté politique du Conseil Général de l'Orne. Ensuite parce que financièrement, il dépend, pour une très large part, du département, dans son fonctionnement comme dans ses activités2(*), à savoir la programmation et l'organisation de manifestations culturelles de qualité et variées dans l'Orne. Enfin parce que son Conseil d'Administration, auquel j'ai pu assister, est presque exclusivement composé d'élus, conseillers généraux ou élus municipaux. Ainsi le rapport moral 2006 de l'association laisse clairement apparaître le caractère public de son action: «L'Office départemental de la Culture assure, depuis 1976, pour le compte du Conseil Général, le développement culturel de l'Orne. Il peut mettre en place ses propres projets ou oeuvrer en partenariat dans les domaines suivants: arts plastiques, musique, équipement, cinéma, théâtre, littérature, diffusion en milieu rural».

2. Fonctionnement et raison d'être de l'ODC

Aujourd'hui, l'Office départemental de la culture de l'Orne, le plus souvent abrégé par le sigle ODC (en interne comme en externe), est présidé par un élu du conseil général (M. André Dubuisson) et a pour directrice, depuis 1992, Madame Martine Gasnier, à l'initiative, dès son arrivée, du changement de nom de l'organisme. C'est aussi sous son impulsion que l'ODC a su, étendre sa programmation, tant en quantité qu'en qualité, en l'orientant vers une conception de la culture moins régionaliste et plus universelle.

Ce qui distingue l'ODC de la plupart des autres associations culturelles en France est que ses actions ne sont pas circonscrites en un lieu unique (une salle de spectacle, un site sur lequel aurait lieu chaque année un festival, une ville) mais se déploient à l'échelle d'un département, dans des communes essentiellement rurales qui, le plus souvent, ne disposent pas des infrastructures adéquates pour recevoir des manifestations culturelles de qualité.

Ainsi la plupart des actions de l'ODC ( manifestations ponctuelles et parfois saisons culturelles) sont conçues en partenariat. Le plus souvent avec des communes ou des communautés de communes de l'Orne (plus d'une vingtaine de conventions existent en 2007), qui mettent à disposition un lieu (le plus souvent une salle polyvalente, un gymnase, une église mais parfois aussi une véritable salle de spectacle), l'ODC s'occupant de la programmation, et généralement de la réalisation technique (grâce à son parc son et lumière) ainsi que de l'accueil des artistes. Dans ce type de partenariat, les éventuelles recettes de billetterie (certaines manifestations étant gratuites) reviennent le plus souvent à la commune ou sont partagées entre les partenaires. C'est grâce à ce mode de fonctionnement que peut avoir lieu, pendant tout le mois de mars, dans une vingtaine de communes du département, le festival itinérant de chanson française, «Le Printemps de la chanson», organisé par Vincent Roche, chargé de mission à l'ODC.

D'autres types de partenariats ont été contractés avec des organismes privés ou publics, dans des domaines différents et en direction de publics variés : expositions d'art contemporain avec le quotidien Ouest France et avec La Poste à Alençon, festival de musique classique «Autour d'un piano» et expositions de peinture (Piga) ou de sculpture (Kishida) avec le Centre des Monuments Historiques au château de Carrouges, classes à projet culturel (arts plastiques, théâtre) avec l'Inspection académique.

La lecture de ce bref panorama des partenariats de l'ODC confirme bien la mission à caractère public de l'organisme: il lui revient de diffuser la culture en milieu rural, dans «un but non lucratif» comme le stipule son statut d'association. Ce dernier point est important puisqu'il influe, comme on le verra, sur la stratégie de communication d'un organisme dont la raison d'être n'est pas la rentabilité financière.

3. Personnel et organisation de l'ODC

L'ODC est une petite structure composée d'un «pôle administratif» constitué de cinq personnes à pleins temps (auxquelles s'ajoutent deux personnes à temps partiel et parfois un stagiaire) et d'un «pôle technique» fait d'un effectif variable d'intermittents du spectacle (dont le régisseur général), en fonction des besoins. Notons que la division en «pôle» n'est utilisée que pour les besoins de ce rapport de stage et que les termes réellement utilisés sont «les bureaux» et «l'atelier». Ces deux entités assez nettement séparées du point de vue des statuts (les «permanents» d'un côté, les «intermittents» de l'autre) et des missions (ici, l'administration, là, la réalisation technique) le sont également sous l'angle de leur spatialisation. Le siège de l'ODC, le Palais d'Argentré à Sées (propriété du Conseil Général), est en effet un majestueux (quoique décrépit) château du XVIIIe siècle, disposé en «U», avec en son centre une grande cour; à droite l'aile occupée par «les bureaux», à gauche l'aile où se trouve «l'atelier», la façade étant inoccupée.

Mon stage s'est (évidemment) déroulé au sein du «pôle administratif» qui recouvre les activités liées à la communication. J'y ai eu le plaisir d'y côtoyer au quotidien pendant quatre mois Martine Gasnier dont les fonctions de directrice, déjà très étendues (comme c'est généralement le cas dans les structures de petite taille) se doublent de missions qui n'ont pas trait, en propre, à son travail de direction. Ainsi, responsable et représentante de l'organisme auprès du Conseil Général, des partenaires et de la presse, en charge d'activités aussi diverses que l'administration, le management ou la politique d'acquisition d'oeuvres pour le Fonds d'art contemporain du département, elle est aussi directrice des publications de l'ODC, programmatrice de concerts de musique classique, organisatrice des expositions d'art contemporain mais également rédactrice, comme les deux autres programmateurs, des textes visant à promouvoir auprès du public les manifestations dont elle est à l'initiative.

La directrice de l'ODC est soutenue dans son travail par deux secrétaires. Joëlle Planchais (en poste depuis la création de l'organisme, en 1976) est responsable du volet administratif, tandis que Chantal Yvard gère le volet communication, notamment les relations avec la presse.

Deux chargés de mission complètent l'équipe, tous les deux également responsables de la programmation et donc rédacteurs des textes promotionnels des spectacles qu'ils proposent:

Vincent Roche, recruté en 2005 après un Diplôme d'Etudes Supérieures Spécialisées dans l'organisation du spectacle vivant, en assure la plus grande part en mettant à l'affiche de la saison culturelle de l'ODC une quarantaine de spectacles tant en chanson française qu'en théâtre, dans le domaine du jazz ou des danses urbaines. Jacques Lécuyer, jeune retraité de l'Education nationale et salarié à l'ODC à mi-temps, a, lui, pour mission principale l'élaboration d'une saison «jeune public» (vingt spectacles sont ainsi programmés en 2007-08 à l'intention des scolaires) ainsi que l'organisation d'un autre festival de chanson française, Les Vibrations, en partenariat avec la ville de Flers. Le travail de Jacques pour le «jeune public» est complété par celui d'un enseignant, Alain Mégissier, délégué trois heures par semaine par l'Education nationale, afin de proposer aux professeurs des écoles qui le souhaitent des dossiers pédagogiques comportant des activités préparant ou prolongeant la venue des élèves aux spectacles que leur destine l'ODC.

Enfin, un infographiste, Pierrick Bigot, également responsable technique des expositions de peinture et de sculpture (scénographie, accrochage des oeuvres, éclairage) permet à l'ODC d'être autonome dans la réalisation de ses publications courantes; Pierrick réalise en effet bon nombre des photographies publiées (notamment pour les catalogues des expositions ou pour certaines affiches), mais s'occupe surtout de la mise en page des documents et assure notamment celle des plaquettes «tout» et «jeune public» pour lesquelles j'ai écrit des textes.

II Fonctions, structure et réalisation des plaquettes «jeune» et «tout public» de l'ODC

1. Fonctions et destinataires des deux plaquettes

Les plaquettes «jeune» et surtout «tout public» sont (avec le site Internet qui en reprend les textes et les images) les documents les plus importants dans la communication de l'ODC puisqu'ils présentent, séparément, la totalité des offres culturelles faites par l'organisme au cours de la saison, allant de septembre à août pour le «tout public» et de septembre à juin pour les scolaires.

Ces deux plaquettes qui n'obéissent pas au même mode de diffusion sont avec leurs renseignements pratiques (date, lieu, horaire, prix du spectacle, calendrier récapitulatif), des outils informatifs pour leurs utilisateurs. En externe bien sûr ( pour les spectateurs ou les enseignants qui veulent emmener leurs classes) mais aussi en interne puisque, pour tout le personnel de l'ODC, ces deux publications ont valeur de feuilles de route qui permettent l'organisation du travail de chacun. Toutes les manifestations culturelles nécessitent en effet une préparation technique (montage d'une scène, des feux), protocolaire (par exemple, une invitation pour un vernissage), administrative (enregistrement des réservations, comptabilité de la billetterie) et communicationnelles (affichage dans la commune concernée, annonce dans la presse locale).

Outils informatifs, ces deux plaquettes sont aussi (et avant tout) des documents promotionnels qui agissent doublement, d'un point de vue pragmatique et institutionnel. En effet, leur finalité première, concrète, est, au-delà d'une simple information, de donner aux lecteurs l'envie de venir aux spectacles ou à l'exposition. D'autres part, les deux plaquettes, en version papier ou numérique, constituent des vitrines qui représentent l'ODC pendant toute une année. Elles jouent un rôle fort, en terme de communication institutionnelle cette fois, puisque, à travers les manifestations programmées (contenu), à travers les choix graphiques et rédactionnels pour les faire connaître (forme), c'est une image de l'ODC que l'on propose aux publics mais aussi aux citoyens et aux élus ornais, à qui l'organisme parapublic, en dépit d'une assez grande autonomie, doit des comptes.

La plaquette « tout public », éditée à 10 000 exemplaires, doit représenter l'organisme auprès d'un éventail large de destinataires : le public de l'Orne et des départements limitrophes. On trouve ainsi la brochure dans les offices du tourisme et les lieux culturels (bibliothèques, médiathèques, théâtres municipaux, école de musique, etc.) de l'Orne, de la Manche, du Calvados, de l'Eure, de l'Eure et Loir, de la Sarthe, de la Mayenne, mais elle est aussi adressée aux médias locaux (presse, France 3, radios), aux professionnels de la culture du Grand Ouest (Compagnies, administrateurs) ainsi qu'aux élus des collectivités territoriales partenaires de l'ODC (500 exemplaires environ). Précisons que l'ODC envoie gratuitement aux professionnels comme aux particuliers qui en ont fait la demande (notamment au moyen du coupon-questionnaire figurant en dernière page de la plaquette) ses publications (hormis les catalogues d'exposition) et que l'organisme tient à jour une liste de diffusion afin d'en fidéliser les destinataires. Pour exemple, la lettre web de l'ODC est reçue par près de 800 «foyers».

2. Structure, mode de lecture et réalisation de la plaquette « tout public »

La brochure «tout public»compte environ 70 pages (72 en 2006, 64 en 2007 - Vincent Roche souhaitant une formule plus resserrée et, à l'avenir, un format «pockett»). C'est, pour l'heure, une publication soignée, réalisée en quadrichromie, sur papier glacé non-recyclé, en format 15 x 21 dit «à la française», par l'imprimerie Bémographic Imprimeur située à Alençon. Le visuel de la première de couverture3(*) ainsi que la trame du chemin de fer sont réalisés, pour la deuxième année consécutive, par l'agence d'infographie caennaise Comme une idée, la mise en forme des textes (rédigés par l'ODC) et des images (provenant le plus souvent des maisons de production des artistes) étant effectuée en interne par Pierrick Bigot. La plaquette 2007 s'ouvre sur une première page partagée entre un édito (signé par le Président M. Dubuisson mais écrit, en fait, par la directrice Martine Gasnier) et un sommaire (p. 1); puis une double page de calendrier général (p. 2 et 3) - au lieu de deux doubles, en 2006, permettent au lecteur de visualiser rapidement l'ensemble de la saison au niveau du département. Ensuite, chaque page (un peu moins d'une cinquantaine - p. 4 à 50) est consacrée à la promotion d'une date de la saison au moyen d'une image (occupant, au-dessus, 55% de la page - au lieu de 60 en 2006) et d'un texte qui trouve place, en dessous, sur un fond blanc (constituant donc 45% du total - 40 en 2006). Cet équilibre formel est rompu par l'insertion, de la page 29 à 33, d'une sorte de parenthèse, un «focus» sur une des manifestations phares de l'organisme: le Printemps de la chanson. Ce coup de projecteur est fait de l'affiche du festival ou d'un visuel pour une pré-affiche (réalisée en 2006 et 2007 par l'artiste Olivier Thiebault), accompagnée d'un préambule - au ton plutôt vindicatif, (p.29) puis d'un édito (p. 30), écrits par Vincent Roche; ensuite, six puis quatre photos d'artistes (p. 30-31 et 33), non légendées (format 5,2 x 7), encadrent le calendrier des concerts. Dans ce décrochage consacré à un festival, aucune présentation d'artiste n'est faite, la manifestation faisant l'objet d'une publication à part, diffusée dans le courant du mois de janvier (sur support papier et sur le site Internet), comme l'indique en bas de la page 33, en italique, un court paragraphe informatif.

Après le déroulé calendaire dans lequel est inclus la parenthèse Printemps de la chanson, la plaquette «tout public» offre une suite d'éclairages divers et variés sur d'autres temps forts de l'année qui n'ont pas été incorporés dans la présentation chronologique et ce, curieusement, sans rupture formelle (aucune page intercalée, aucun titre n'indiquant le changement de régime). On y trouve des informations sur la saison «jeune public» (double page avec liste des spectacles - p. 52-53) et l'annonce d'actions qui peuvent également faire l'objet de double pages comme le festival «Autour d'un piano» à Carrouges (p. 56-57) ou la saison du Mémorial pour la Paix de Montormel (p. 54-55). Enfin, la brochure s'achève par un nouveau calendrier (titré «Renseignements») sur 5 pages (contre 6 en 2006), présentant cette fois les offres de l'ODC, commune par commune, ainsi que des informations pratiques (tarifs, numéros de téléphone des partenaires).

Cette proximité, dans l'économie de la plaquette, des textes culturels avec des formes et des contenus strictement informatifs montre bien que les textes, pris dans un réseau où ils interagissent avec des images et des données pratiques, appartiennent à un espace communicationnel qui relève de « l'information-service ». Les plaquettes de l'ODC, en cela, obéissent à une tendance que Gilles Lugrin a récemment relevée et analysée dans différents genres de la communication écrite dont la presse4(*). Ainsi, selon lui, en partie sous l'influence d'Internet, le lecteur veut aujourd'hui accéder à une information plus utile et plus sélective. Parallèlement, on assiste au développement important de l'image, dont on a dit la prééminence dans les pages de la plaquette tout public. Gilles Lugrin cite M.Mouriquaud pour qui «la longueur décourage systématiquement.  [...] Les textes dépassant 1800 signes, poursuit-il, vont de plus en plus vite perdre des lecteurs. D'où l'habileté des journaux à éclater leurs textes en de petits modules.»

Le chercheur constate que «l'éclatement des articles en modules plus courts » permet une lecture sporadique, une sélection plus aisée de l'information, une forme de zapping de l'écrit. L'ère de l'écrit serait à l'hyperstructure, inspirée du langage HTML (hypertext markup language), technologie qui permet de naviguer entre les liens et que l'on utilise désormais quotidiennement avec l'Internet.

La plaquette de l'ODC n'échappe pas à cette tendance et permet ce type de lecture. Il est ainsi possible pour l'utilisateur de la plaquette de ne pas lire le texte présentant le spectacle et de se contenter du titre, de la photo, du lieu et de la date qui le précèdent voire d'établir un parcours entre image, titre du spectacle, pages des tarifs et éléments du texte parcouru en diagonal.

Notons, pour finir sur cette notion d'hyperstructure de l'information-service, que parmi tous les textes rédigés pour la Saison « tout public » 2007, les miens sont toujours les plus longs comme si j'avais voulu profiter entièrement de l'espace d'écriture (1500 signes) qui m'était accordé. Les autres rédacteurs (surtout les plus confirmés) ont, eux, tendance à écrire des textes plus courts ; quelles qu'en soient les raisons, cette tendance fait que, globalement, la morphologie de la plaquette de l'ODC corrobore les analyses de Gilles Lugrin sur la fragmentation et la juxtaposition de formes et de langages différents (titres, textes, tableaux, images, etc.) dans l'information et la communication écrite contemporaine.

3. Structure, mode de lecture et réalisation de la plaquette « jeune public »

La plaquette «jeune public», dont j'ai écrit l'intégralité des textes, a (habituellement) une diffusion beaucoup plus restreinte puisqu'elle n'est pas destinée au grand public mais seulement aux enseignants et aux élus des huit communes ou communauté de communes dont les écoles primaires ont signé une convention avec l'ODC. Alors qu'en 2006, la brochure était, en modèle réduit (9 pages seulement), un décalque, réalisé en interne, de celle du «tout public» (même format, même trame visuelle mais photo de première de couverture différente), l'ODC a souhaité en 2007, un document original qui sera, pour la première fois remis également aux élèves assistant au(x) spectacle(s). Le tirage, confié au même imprimeur que celui de la plaquette «tout public», est plus important donc que les autres années et s'élève à 6000 exemplaires. La réalisation du visuel et de la maquette est, là encore, l'oeuvre de Comme une idée. Il s'agit d'un dépliant qui, sur 18 faces (10 x 13,5), présente chacun des spectacles (17 au total, la face restant servant, après pliage, de première de couverture) alors que la feuille entièrement dépliée propose, au verso, sous forme de poster (60 x 40), un visuel enfantin (deux lapins dessinés de manière décalée et «arty») aux couleurs vives et «sucrées» (framboise, rose, mauve sur fond ocre) à destination des petits spectateurs.

Précisons, enfin, que le format poster de la plaquette « jeune public » ne favorise pas un mode de lecture par renvois. Ainsi, contrairement à son homologue « tout public », la plaquette-poster ne correspond pas au mode de lecture en hyperstructure, même si elle procède toujours du genre communicationnel de l' « information-service ».

Concluons sur la matérialité des plaquettes par un commentaire sur leur impression. J'ai eu la chance d'assister début juin à une réunion de l'équipe avec l'imprimeur où j'ai pu glaner certaines des informations qui précèdent. La réunion, rapide (pas plus d'un quart d'heure, le format «tout public» étant reconduit) n'a pas porté sur le coût (le prix du pliage, assez compliqué, du poster «jeune public» nécessitant une réflexion devant être communiquée à l'ODC ultérieurement) mais sur le calendrier. Pour une livraison au 30 août des deux plaquettes, l'imprimerie devait recevoir (sur cd-rom) leur mise en page au 20 juillet, soit une semaine avant la fermeture de l'ODC pour les congés d'été. La fin de mon stage survenant trois semaines avant le «bouclage» de la plaquette «tout public», alors encore loin d'être finalisée (celle des scolaires étant, elle, terminée peu de temps avant mon départ), l'expérience me laisse un certain goût d'inachevé car j'aurais aimé assister et participé à cette effervescence, à cette excitation que procure le travail en urgence.

III Positions des rédacteurs de l'ODC face à l'écriture

1. Variété des énonciateurs et des domaines artistiques: des ethos différents

Habituellement, à l'ODC chaque programmateur est aussi le rédacteur des textes faisant la promotion des manifestations qu'il choisit. Ces manifestations sont très variées, l'ODC étant un organisme culturel généraliste devant, autant que possible, proposer pour le département des événements couvrant tout le champ des aspects culturels. Les spectacles sont «mis en texte» (pour reprendre l'expression de Sophie Moirand5(*)) avec des ethos spécifiques qui dépendent à la fois de la «position» qu'occupe le programmateur et des domaines artistiques concernés.

Ici la question de l'énonciation est prépondérante. En effet, «selon ma place, mon statut, le lieu, l'interlocuteur, je ne m'exprime pas de la même façon6(*)». Celui qui écrit (plus encore, sans doute, que celui qui «dit» dans une conversation courante, parce que le scripteur a la possibilité de peser ses mots, de se corriger, bref, de livrer une version «lisse», maîtrisée de son propos) donne de lui, à travers son discours, une image spécifique et cherche, par son texte, à valoriser sa « face positive ». Cette mise en scène de soi correspond, selon Dominique Mainguenau (reprenant la « théorie des faces » de P. Brown, S. Levinson et E. Goffman), à la «façade sociale»7(*) du locuteur, c'est-à-dire à l'image valorisante qu'il s'efforce de présenter à l'extérieur.

Les programmateurs-rédacteurs de l'ODC ont des âges, des parcours, des motivations qui diffèrent mais qui établissent des profils d'énonciateurs que je vais essayer de présenter rapidement, tout en ayant bien conscience de la très grande subjectivité de l'exercice et de son caractère assez peu universitaire8(*). Pour éviter une trop grande dérive, nous choisissons de travailler ici encore sous l'égide de Sophie Moirand pour qui les énoncés découlent du «langage intérieur» du scripteur qui les produit, langage intérieur nourri par une « norme », en grande partie subjective et non-conscientisée, variable selon la culture et le vécu du scripteur9(*).

Ainsi, même si les textes de la plaquette sont rarement signés, Martine Gasnier, lorsqu'elle promeut une exposition d'art contemporain ou un concert de musique classique, «parle» en tant que directrice et garante de l'institution, en tant aussi que Docteur en histoire du Droit. De ce fait, le registre de langue qu'elle utilise tend vers un certain académisme, un certain maintien qui n'exclut ni l'humour ni la profondeur et trouve un équilibre entre recherche stylistique et simplicité. De plus, les domaines artistiques dont elle a la charge (qui induisent évidemment des «lieux» - un type de salle avec un public qui adopte un comportement adapté, «normé», à l'endroit et à la manifestation) requièrent traditionnellement, d'un côté, un registre sérieux (la musique classique au Château de Carrouges), de l'autre, un registre intellectuel et analytique (l'art contemporain), registres qui ne sont jamais convoqués par Martine Gasnier sans le souci constant de s'adresser au plus grand nombre.

Vincent Roche qui s'occupe de la chanson, du théâtre et des danses urbaines adopte un style plus direct, un niveau de langue (vocabulaire, références et structures de phrases) sans doute moins littéraire, avec une volonté de très grande proximité avec son lecteur qu'il considère toujours comme un spectateur. Cet ethos s'explique par la nature des domaines dont il est responsable (plus populaires et moins élitistes) mais aussi par sa position: à 26 ans, il est le plus jeune des programmateurs et a été précisément engagé dans une volonté de modernisation de l'ODC, tant en ce qui concerne la programmation elle-même que sa communication. De plus, il est aussi «homme de terrain», étant, par exemple, très présent dans les salles aux côtés des intermittents pendant Le Printemps de la chanson qu'il organise.

Enfin Jacques Lécuyer, dont le style allie notamment la simplicité et le sens de la formule, l'humour et le sens du détail, «parle» en tant que professeur de Lettres, spécialiste du théâtre (il est dans ce domaine le programmateur des villes de Domfront et de L'Aigle) et en qualité de programmateur fin connaisseur du «jeune public». J'ajouterais (mais est-ce un trait significatif pour définir son ethos ?) que Jacques était étudiant (en province) en mai 68.

Trois ethos différents, donc, auxquels s'est ajouté le mien dont, indirectement, j'ai commencé à brosser le contour: celui d'un stagiaire, par nature en quête de reconnaissance et désirant faire ses preuves et qui, plus spécialement, compte tenu notamment de son parcours universitaire et professionnel, entretient avec l'écrit un rapport chargé d'affects et tend même (bien que le mot soit un peut fort) à le sacraliser.

Notons que ces ethos sont, comme on l'a annoncé, plastiques, adaptables car fortement influencés par le domaine artistique sur lequel porte le discours. Dominique Maingueneau, dans ses commentaires sur l'ethos du Guide du routard10(*) remarque que les textes y adoptent un style qui ressortit à la fois à l'écrit et à l'oral avec certaines interventions du locuteur qui semblent « parlées ». Selon lui, cette forme non-pédante, cette « scénographie » de la décontraction se justifie par le lectorat du Guide du routard, composé de voyageurs relativement peu fortunés, jeunes, curieux et itinérants ou qui, plus âgés et vivant plus confortablement, souhaitent continuer de voyager comme ils le faisaient auparavant. Dominique Mainguenau analyse cependant que la contrainte imposée par le nom de catégorie, «guide», pousse aussi le locuteur à « respecter le contrat générique, à élaborer des textes informatifs »11(*). De là un compromis instable, entre les attentes informatives et didactiques que suppose un guide et le rejet des « formes trop voyantes de didacticité ».

Les textes de l'ODC sont eux aussi soumis à ce genre de tensions, entre exigence d'informations, didacticité et volonté de capter l'attention du destinataire. Ainsi les textes « jeune public » que j'ai rédigés, même s'ils ne s'adressent pas en premier lieu aux enfants mais à leurs parents ou éducateurs, vont, tout en informant, chercher à susciter un désir en adoptant souvent un ethos décontracté, familier, comme s'il s'adressait aux enfants eux-mêmes, parfois sur le mode d'une histoire que l'on raconte. De même, l'ethos décontracté, décrit par Dominique Mainguenau, se retrouve dans certains textes écrits par Vincent pour promouvoir des concerts de rock ou de chansons françaises souhaitant ainsi se conformer aux attentes, manières d'être et de parler supposées du public se rendant à ce type de manifestation. A l'inverse, le texte que j'ai écrit sur l'exposition du sculpteur contemporain Denis Monfleur, inspiré notamment par les analyses du critique d'art de Télérama Olivier Céna, multiplie les signes d'érudition, de conceptualisation, de « didacticité » et ne cherche pas à rendre populaire une exposition que, de fait, mon texte (de manière plus ou moins bien assumée) semble destiner à un public averti. La démarche est autre lorsque Martine ou Jacques endossent pour des expositions, des concerts de musique classique ou des pièces du répertoire, un ethos plus pédagogue ou ludique afin d'amener un public large vers des événements culturels réputés exigeants.

2. Un stagiaire qui doit s'approprier un genre et un savoir-faire rédactionnel

Pour Jean-Michel Adam, tout genre est prescriptif dans le sens où «le locuteur [...] reçoit outre les formes prescriptives de la langue commune, les formes non-moins prescriptives de l'énoncé, c'est-à-dire les genres du discours.» [...] Les genres du discours, comparés aux formes de la langue, sont beaucoup plus changeantes, souples, mais pour l'individu parlant, ils n'en ont pas moins une valeur normative: ils lui sont donnés, ce n'est pas lui qui les crée. C'est pourquoi l'énoncé dans sa singularité, en dépit de son individualité et de sa créativité, ne saurait être considéré comme une combinaison absolument libre des formes de langue»12(*). Ainsi, le genre pratiqué dans les plaquettes de l'ODC m'a été « donné » et c'est à l'intérieur de ce cadre que j'ai pu « créer » mes textes. A l'ODC, ce cadre, cette prescription générique, cette norme n'est pas définie et aucun conseil ne m'a été donné. La seule règle, explicitée par Pierrick suite à une de mes questions, étant celle du nombre de signes impartis, identique à celui de la Saison précédente : un maximum de 1500 signes pour le « tout public », de 750 pour le « jeune public ». Ainsi c'est intuitivement et surtout par imprégnation (en lisant et relisant avant et pendant la phase de rédaction les textes des Saisons antérieures et principalement ceux de 2006-07) que j'ai assimilé les formes prescriptives du genre. Alors, comme tout rédacteur se saisissant d'un genre, j'ai été pris, comme l'écrit encore Jean-Michel Adam, entre deux principes [qui] prévalent dans le rapport entre texte singulier et genre: un « principe centripète d'identité (vers le passé, la répétition, la reproduction et gouverné par des règles) » et « un principe centrifuge de différence (vers le futur, l'innovation et le déplacement ou la variation des règles) »13(*).

Replongeant, avec le recul, dans le laboratoire de l'écriture, je me limiterai, sans gloser davantage cet équilibre entre répétition et innovation, modèle et originalité, ( équilibre « classique », puisque ce fut, notamment, l'une des questions centrales, en littérature, à partir de la Renaissance) à quelques remarques techniques au sujet de l'évolution de mon travail rédactionnel qui m'a occupé environ deux mois.

Du point de vue de la préparation, j'ai pu remarquer, au fil des jours, que les notes manuscrites prises consciencieusement à partir de dossiers de presse étaient de moins en moins nombreuses ; que les éléments importants, d'abord surlignés, ne l'étaient ensuite plus nécessairement et que, finalement, ces notes, que j'ai pourtant continuées de prendre jusqu'à la fin de mon travail rédactionnel, étaient à peine relues. A ceci, deux explications : d'abord, le fait que l'exercice ayant un caractère répétitif, l'expérience et la confiance afférente s'acquièrent très rapidement et que l'assurance que prodigue les sources (en plus de leur intérêt objectif de base informative), auxquelles on se raccroche au tout début, laisse vite la place à une compréhension générale du sujet, au repérage intuitif de ses faits saillants (thème principal, personnages, événements) et de la tonalité du spectacle (festif, comique, absurde, poétique, « social », etc.). Ensuite, le fait que, dans mon cas ( contrairement aux autres rédacteurs qui devaient conjointement assurer leurs missions de programmateurs ou de directeurs), l'écriture suive immédiatement la lecture du dossier de presse et sa prise de notes, l'a grandement facilitée comme si elle en découlait, naturellement, par imprégnation.

Il est intéressant de noter que le même phénomène ou plutôt la même « technique intuitive » (même si ces deux mots paraissent antithétiques) a opéré également lorsque mon travail préparatoire ne s'est pas seulement appuyé sur une source papier mais a consisté en une interview. En effet, par une après-midi de printemps ensoleillée, j'ai joué avec plaisir à l'apprenti reporter en rendant visite au sculpteur Fabienne Hanteville, chez elle, à l'atelier (une jolie longère percheronne). Autour des oeuvres (puis d'un café...), nous avons conversé avec Fabienne (que j'avais précédemment rencontrée et ... tutoyée au bout d'un quart d'heure) et j'ai pris quelques notes pour, finalement, là encore, ne presque rien garder de ce qui avait été dit, sinon une anecdote qui m'a servi de point de départ (un jour, artiste fauchée, elle a ramené du sud de la France jusqu'en en région parisienne un bloc de marbre ... dans son sac à dos - annexe n° 19) et les traits marquants de sa personnalité, qu'un dossier de presse ne m'aurait certainement pas permis de connaître (très grande simplicité, timidité, moments de découragements et volonté farouche de continuer à créer en dépit des difficultés matérielles).

Ainsi, on pourrait recourir, au sujet de la préparation de ces textes, aux images de l'entonnoir ou du tamis. Un somme parfois conséquente d'informations « se dépose » sur le bloc-notes (souvent sous la forme de syntagmes nominaux) - ou est simplement captée par la conscience, avant qu'un tri, plus ou moins intuitif, ne se fasse et ne la réduise à quelques détails qui vont servir de squelette au texte.

Du point de vue de l'écriture, la contrainte, sous la forme d'un nombre de signes donnés ( que j'ai d'abord, écrivant à la main, comptés sur les doigts avant d'écrire directement sur Word et d'en découvrir le programme «statistique»...), s'est avérée un exercice de style intellectuellement stimulant et ludique. Ce mode d'écriture, auquel le master prépare bien car se situant dans le droit fil des ateliers d'H. Le Tellier, est à la fois une règle du jeu et une «ascèse». Une gageure, certes sympathique à relever, mais qui permet aussi, parce que produisant des textes allant à l'essentiel, une communication plus impactante.

Toutefois, la rédaction n'a pas toujours était aussi facile que ce que les lignes qui précèdent laissent entendre. Ainsi des variations de rythme et de « productivité » ont marqué cette courte expérience ; d'abord en raison de la densité ou de la pauvreté du matériau, qu'il s'agisse de la manifestation en elle-même (certains spectacles, à l'argument assez creux, inspirent peu) ou de son dossier de presse, composé parfois d'un unique article extrait de la presse régionale qui permet difficilement de se faire son idée ou, au contraire, d'une documentation fournie de plusieurs dizaines de pages, parfois très riches voire érudites et qui nécessitent donc un important temps de lecture. Mais ces variations de rythme et de « productivité » ont aussi parfois été fonction d'une certaine inhibition du rédacteur face à son sujet ou, au contraire, d'une forme de décontraction. On pourrait dans mon cas parler de « la lenteur de la pierre » lorsqu'il m'a fallu écrire sur le sculpteur à envergure internationale Denis Monfleur (au moins 10 jours, sans n'être certes pressé par aucune autre tâche à ce moment-là - annexe n° 18) et de « l'enthousiasme  du jeune public » puisqu'il m'est arrivé de composer 3 voire 4 textes en une journée.

Ces variations psychologiques, bien connues, se manifestant par des blocages (la fameuse hantise de la page blanche) ou au contraire par des phases d'écriture euphorique, s'expliquent, à mon avis, principalement par l'importance que l'on accorde à la manifestation culturelle que l'on a la charge de promouvoir et par la prise en compte du destinataire, ce qui ne préjuge en rien de la qualité du texte. L'exposition de Denis Monfleur au château de Carrouges étant prestigieuse, le public visé étant plutôt élitiste ou du moins averti, j'ai certainement émotionnellement surinvesti l'écriture de ce texte dont j'ai rédigé plusieurs versions, toutes soumises à Madame Gasnier. Doutant de chaque détail mais me complaisant paradoxalement aussi du résultat, j'ai relu ces deux textes pendant toute la durée mon stage, en ne cessant de modifier un mot ou une virgule ! A l'inverse, certains textes jeune public ont été écrits en toute spontanéité et m'ont immédiatement satisfaits.

Terminons ce rapide parcours sur « mon petit laboratoire interne d'écriture» par une remarque sur l'usage du stylo et du clavier. La rédaction, dans son évolution, a suivi un mouvement similaire au travail de préparation. Si, en début de stage, j'ai écrit, à la main, une version intégrale et biffée de mes textes avant de les saisir, je suis ensuite passé (assez rapidement) à une rédaction directe sur Word, n'utilisant en général le stylo que pour l'amorce (phrase initiale) ou le réutilisant, en cours de rédaction, pour faire sauter des résistances et ce (sans que je me l'explique) presque toujours avec un effet bénéfique immédiat.

Deuxième partie : essai de définition comparative du texte promotionnel culturel

I Pour une désignation et une définition du texte qui vise à promouvoir une manifestation culturelle

1. Le problème de la désignation: un genre sans nom?

Depuis le début de ce mémoire, j'ai volontairement utilisé différentes expressions pour désigner le genre textuel que j'ai été amené à pratiquer. Il est maintenant temps de formaliser ce travail par une approche plus théorique qu'il convient d'ouvrir sur la question de la désignation. Mon intention, ici, s'exprimera, mieux que je ne le ferais, par une citation de F. Just: « Les étiquettes accolées au genre ne doivent pas être lues comme des traces de ce rêve cratylique du mot juste, mais comme une sorte de label ou de sceau garantissant la composition du produit»14(*). Ainsi il me faut bien nommer, classer, connaître la «composition» de ce genre de texte culturel, non pas, donc, pour que le langage soit harmonieusement le reflet exact du monde mais, beaucoup plus simplement, pour les besoins de l'analyse dans le cadre d'un mémoire de master et peut-être aussi pour avoir une plus grande maîtrise professionnelle de l'exercice.

A l'ODC, ce genre n'a pas de nom. On parle parfois de «présentation». C'est notamment le mot qu'utilise Vincent Roche, à l'écrit, dans la plaquette 2007-08 (p. 33) lorsque à propos du Printemps de la chanson, il renvoie son lecteur, dans un court paragraphe informatif, à une publication ultérieure: « A partir de janvier 2008, retrouvez sur notre site Internet www. Odc-orne.com ou en nous demandant le programme complet du festival, toutes les informations sur les artistes de cette nouvelle édition: présentations, photos, extraits musicaux, sites Internet, tarifs, points de vente, contacts...». Le terme «présentation» est juste dans le sens où il s'agit bien de donner à voir un artiste (ou un spectacle), de «l'introduire» (en jouant sur l'anglicisme) dans la conscience du lecteur. Le mot «présentation» revêt un caractère informatif et suppose une forme de neutralité de la part du locuteur. De plus, le fait qu'il soit associé dans le paragraphe cité à des éléments d'ordre concret (le prix, l'heure, des adresses) renforce la portée informative du mot. Or, le terme n'est pas, à notre avis, pleinement satisfaisant, car il ne s'agit pas uniquement de présenter, d'informer, mais de «donner envie», le texte ayant une fin pragmatique: la venue du public dans les salles de spectacle et les lieux d'exposition.

En fait, la plupart du temps, à l'oral, les textes sont simplement désignés à l'ODC par le mot «texte» ou par une locution du type «le texte sur...» suivie du nom du spectacle ou du nom de l'artiste. Cette absence de nom spécifique est peut-être une forme de modestie. Ne pas nommer, ne pas catégoriser, c'est minimiser et ne pas se prendre trop au sérieux en employant des grands mots comme ceux, par exemple, du jargon journalistique (l'édito, le billet, la critique, etc.) dans un cadre provincial et rural où l'humilité, même lorsqu'on travaille dans la culture, est une valeur importante. Ainsi, outre les mots «présentation» ou «texte», je me souviens d'avoir utilisé des formulations ironiques («mon chef d'oeuvre») ou banalisantes («le truc») afin de me conformer à cette exigence de «simplicité».

Pourtant, faute d'un nom fixé, il y bien une catégorisation générique opérée, même intuitivement, par les rédacteurs de l'ODC car c'est bien, comme l'écrit Jean-Michel Adam, cette «catégorisation générique même vague d'un objet discursif [qui] en permet la production autant qu'elle en guide la lecture»15(*). On peut même aller plus loin et suivre Dominique Maingueneau qui, dans une étude sur les guides touristiques, affirme que tout genre de discours impose un contrat entre le scripteur et son lecteur16(*).

D'après nos sources, ce genre de texte n'a effectivement pas de nom stable. Et l'on considérera avec Jean-Michel Adam17(*), reprenant Bakhtine, que, les genres étant d'une infinie diversité, une typologie générale, comme celle tentée par M. Dimter, est impossible et que seules le sont les typologies «locales», c'est-à-dire relatives à une formation sociodiscursive particulière.

2. Essai de désignation et de définition du «  texte promotionnel culturel »

Nous choisissons la désignation «texte promotionnel culturel» (que l'on pourra abréger en TPC) parce que l'adjectif «promotionnel» a l'avantage de recouvrir mais aussi de dépasser la dimension simplement informative contenue dans le mot «présentation». Le genre, en effet, a un caractère argumentatif et pragmatique que le mot «promotionnel»nous semble bien restituer.

Voici donc la définition que nous en proposons : le texte promotionnel culturel (TPC) propose un contrat à son lecteur (qui vaut aussi comme règle du jeu pour le scripteur); un contrat qui a pour but, tout à la fois, de l'informer, par une description, sur ce qu'il pourra voir et/ou entendre et de le persuader, au moyen de différentes techniques incitatives, d'aller voir et/ou entendre un spectacle ou une exposition culturelle.

3. Le TPC : une pratique discursive relative à une formation sociodiscursive

Dans notre esprit, le «texte promotionnel culturel» ne doit pas se réduire à la seule désignation de «texte promotionnel». Car le domaine, la culture, et plus précisément la culture d'initiative publique, n'est pas accessoire mais détermine en profondeur les règles du genre. Comme l'écrit Jean-Michel Adam, les genres, qui produisent des «énoncés concrets, uniques qui émanent des représentants de tel ou tel domaine de l'activité humaine», influencent potentiellement tous les niveaux de la textualisation. C'est ce que Bakhtine signifie aussi lorsqu'il fait remarquer que «contenu thématique, style et construction compositionnelle fusionnent indissolublement dans le tout que constitue l'énoncé»18(*).

Ainsi peut-on dire que les textes que j'ai écrits pendant mon stage («Là-haut la lune» - annexe n° 9, «Pinocchio» - annexe n° 15, etc.) sont des «pratiques discursives» particulières s'inscrivant dans un «genre de discours» (ce que j'appelle en l'occurrence le TPC) qu'il faut appréhender en tenant compte de la «formation sociodiscursive» au sein de laquelle elles sont produites, à savoir la politique culturelle d'une institution, le Conseil Général de l'Orne, diffusée par un organe, l'Office départemental de la culture. D'un point de vue général, une «formation sociodiscursive» (l'industrie, les médias, le politique, le culturel - en l'occurrence, pour nous, les deux dernières réunies) est, comme son nom l'indique, à l'origine d'un discours (le discours publicitaire, journalistique, politique). Aussi, comme l'écrit Jean-Michel Adam citant François Rastier : « «un genre est ce qui rattache un texte à un discours». Ce qui signifie que le genre rattache [...] un texte toujours singulier à une famille de textes»19(*) mais aussi (c'est nous qui complétons) à une entité sociale qui parle, avec ses thèmes de prédilection, son ou plutôt ses styles, ses habitudes de composition.

De ce fait, nous pouvons affiner notre définition en affirmant que le texte promotionnel culturel est un genre qui peut émaner du discours culturel institutionnel. Comme tout genre, le TPC est marqué par des règles fondamentales mais aussi par une diversité de tendances formelles, microstructures qui peuvent apparaître comme des sous-genres, de même, par exemple, que le rondeau appartient au genre de la poésie. Ces règles fondamentales et ces tendances seront, dans les pages qui suivent, expliquées, « démontées », par le biais d'un rapprochement avec différentes «familles de textes»20(*).

D'abord, le «genre TPC» sera rapproché de genres voisins qui appartiennent parfois à des «formations sociodiscursives» autres (le texte publicitaire, la critique journalistique, l'info-service). Ensuite, certains textes promotionnels culturels, certes « toujours singuliers » (pour reprendre F. Rastier), seront étudiés, afin de montrer, à travers la question de la modalisation, les lignes de force du genre et de jeter les bases d'une typologie du texte promotionnel culturel.

II Le texte promotionnel culturel, un texte publicitaire comme les autres?

1. Ce qui distingue le texte promotionnel culturel du message publicitaire

Comme le message publicitaire, le texte promotionnel culturel a pour principale caractéristique une dimension pragmatique. Parler, dans les deux cas, revient à agir, s'apparente à un acte qui, pour reprendre la terminologie d'Austin dans Quand dire c'est faire, vise à modifier une situation : acheter une chemise ou, en l'occurrence, une place, un billet, pour une manifestation culturelle.

Toutefois, avec Grosse, il est possible d'affirmer l'existence «du champ transitoire entre textes rédactionnels et publicité»21(*). Le critique de citer, pour exemples, l'article de complaisance d'un journaliste (plein d'éloges à l'égard d'une personnalité publique) ou le genre de la publi-information, prenant souvent la forme du publi-reportage et pouvant alors adopter la mise en page et le style journalistique à des fins publicitaires.

Le texte promotionnel culturel, bien que très éloignés des deux exemples précités, peut, à notre avis, être rangé dans ce « champ transitoire ».

Du point de vue de la théorie des faces22(*), il s'éloigne en effet du message publicitaire car son énonciation apparaît bien moins menacée. Ainsi l'on suivra Dominique Maingueneau lorsqu'il écrit que « pour le discours publicitaire le problème de la préservation des faces est primordial car son énonciation est par essence menacée: le seul fait de demander à être lu constitue à la fois une menace sur la face positive du responsable de l'énonciation (la marque), qui risque de passer pour «casse-pieds», et une menace sur les faces négative et positive du destinataire (que l'on traite comme quantité négligeable en lui demandant de prendre sur son temps pour s'intéresser à l'énoncé publicitaire) »23(*).

Au contraire, les publications de l'ODC comportent des similitudes avec le discours journalistique, notamment parce que l'acquisition de la plaquette (gratuite) est le fruit d'une démarche volontaire et non le résultat d'une intrusion, plus ou moins forcée, dans le « territoire » du destinataire, comme c'est le cas dans la majorité des publicités. Dans le cas du TPC, on fait le choix de s'abonner, de prendre la brochure chez un commerçant, dans un office de tourisme, un lieu culturel ou d'accéder au site Internet de l'organisme. La face positive de l'ODC peut donc difficilement être mise à mal au stade de la diffusion.

Comme le discours journalistique, le TPC est en quelque sorte légitimé par avance. Tous deux cherchent à se présenter comme répondant à des demandes, explicites ou non, faites par ses lecteurs. Voici comment Dominique Maigueneau applique la théorie des faces au discours journalistique24(*) : «Le journal valorise la face positive de ses lecteurs en montrant qu'il s'intéresse à ses goûts ou ses besoins [...] il valorise aussi sa propre face positive de locuteur en se présentant comme soucieux du bien être de ses acheteurs». L'ODC dans ses publications gratuites n'opère pas différemment : les « goûts » culturels des Ornais sont théoriquement, à travers l'éclectisme de la programmation, pris en compte, leurs « besoins » culturels sont censés être satisfaits, ce qui, en retour, soigne la face positive de l'association parapublique qui apparaît « soucieuse du bien être » de ses lecteurs-spectateurs qui sont aussi des contribuables participant financièrement à l'effort de diffusion culturelle dont l'ODC est l'agent.

2. Le TPC face à l'argent, «visée» et « menace» propres au discours publicitaire

La question de l'argent, évoquée plus haut, pourrait être mise au compte des points communs entre le texte promotionnel culturel et le message publicitaire. Ce dernier, selon D. Maingueneau, vise en effet à demander de l'argent au lecteur-consommateur, demande qui représente une menace sur sa face négative, comme d'ailleurs sur celle du locuteur, placé, lui, en position de solliciteur. Depuis longtemps déjà, la publicité a amorti cette menace en proposant des messages qui soient séduisants, c'est-à-dire qui donnent du plaisir au destinataire et annulent imaginairement cette menace constitutive de l'énonciation publicitaire.

Le TPC agit de même mais il faut reconnaître que la gêne tenant à la sollicitation est beaucoup plus faible dans le domaine de la communication en faveur d'une manifestation culturelle et ce pour plusieurs raisons.

D'abord parce que la culture, indépendamment de la forme que l'on donne au message, enclenche dans l'esprit du destinataire un processus de satisfaction et qu'il est donc beaucoup plus facile de le séduire. Par le simple fait d'ouvrir la plaquette de l'ODC, avant même que la lecture en soit effective, la face positive du destinataire est déjà valorisée eu égard aux connotations positives (prestige, connaissance, plaisir, convivialité, anticonformisme) qui entourent le domaine culturel. On peut même voir dans cette valorisation de la face positive du destinataire plus que de la satisfaction et considérer que les publications culturelles l'instituent dans une posture d'autosatisfaction, fonctionnent comme un miroir positif, invitent à une forme de narcissisme.

De plus, la culture, en dépit de sa marchandisation (formidablement accrue avec l'essor de la société de consommation) est bien souvent restée dans l'esprit du destinataire (sans doute à tort) comme un espace situé en dehors du domaine de l'argent, sur la base de l'opposition chère à la philosophie idéaliste entre le spirituel et le matériel. La culture ne serait pas affaire d'argent. A l'élévation de l'âme, d'un côté, répondrait, de l'autre, la vulgarité. C'est d'ailleurs ce que semble dire l'organisation de la plaquette de l'ODC qui n'indique pas les tarifs sur les pages où figurent les TPC mais en fin de fascicule (p. 58), en petit, dans la rubrique intitulée « Renseignements ». Manière donc de ne pas mélanger noblesse de la culture et trivialité de l'argent ; manière peut-être aussi d'éliminer la « menace », pourtant minime, que représente l'argent sur la « face négative » de l'ODC.

Dans sa dimension mercantile, le TPC se distingue aussi du message publicitaire parce que la manifestation culturelle est un service facultatif (un luxe, dans le sens que ce mot avait au XVIIIe siècle) et non un bien de consommation nécessaire. Aussi le prix, s'il n'est pas oublié par le destinataire25(*), n'est jamais premier, du moins en ce qui concerne la programmation de l'ODC, organisme parapublic à but non-lucratif. En outre, les places pour les concerts ou les représentations théâtrales, dans ce contexte à la fois rural et de politique culturelle publique, oscillent en 2008 (en fonction des communes) entre 5 et 14 euros pour les places plein tarif, ce qui doit permettre au plus grand nombre l'accès à la culture (a fortiori si l'on considère la faiblesse quantitative de l'offre) et justifie le fait que le coût de la prestation ne soit jamais au centre du discours.

3. Le TPC face à un des fondements de la publicité : le stéréotype

Argent mis de côté (si je puis dire), un autre point relevé par D. Mainguenau dans sa définition du message publicitaire peut nous permettre a contrario de définir le TPC : «la publicité cherche en général à conforter les stéréotypes»26(*). Elle s'oppose en cela à la démarche littéraire, Mainguenau citant le cas des surréalistes qui ridiculisèrent « la sagesse des nations » en faisant subir aux proverbes des torsions drôles ou étranges. Les rédacteurs de l'ODC sont-ils des publicitaires qui cherchent à «conforter les stéréotypes»?

On serait d'abord tenté de répondre négativement, d'abord parce que l'ethos culturel est souvent celui du contre-pied à la pensée ambiante. L'édito de la directrice de l'ODC Martine Gasnier (qui certes n'est pas un TPC) peut, avec sa charge contre la médiocrité de la « puissance médiatique » actuelle ( télévision, Internet, presse sensationnaliste ?), aller dans ce sens : « A une époque où la puissance médiatique agit trop souvent de façon négative sur les esprits, notamment sur celui des enfants, faire en sorte que le mot culture ait encore un sens est de notre devoir. ». Ce jugement qui se veut comme une réaction à rebours des attitudes culturelles du grand public (présenté à la fois comme consommateur et victime de cette « puissance médiatique ») n'est cependant peut-être pas à l'abri, sinon du stéréotype, du moins d'une autre forme de pensée consensuelle : celle des happy few de l'intellectualité et du monde culturel. Les TPC de l'ODC (les miens compris) ne sont pas toujours exempts de cette bonne conscience humaniste (d'aucuns diraient de gauche), parfois un brin condescendante et qui ne brille pas nécessairement par son originalité.

Plus convaincante est l'idée que le texte promotionnel culturel se démarque de la publicité et du stéréotype par son sujet même. En effet, les spectacles et expositions promus ont été choisis par un programmateur pour leur qualité et échappent en principe au « stéréotype » qui est le ferment du discours publicitaire. Les rédacteurs de l'ODC, chantres d'une matière rejetant par nature le stéréotype, relayent dans leurs textes promotionnels l'expression du regard original d'un artiste. Aussi, influencés par leur sujet, ils emboîtent le pas aux artistes en se faisant le porte-voix d'une parole singulière.

4. TPC et publicité : des stratégies incitatives similaires ?

On l'a vu le texte promotionnel culturel se distingue à certains égards du message publicitaire. Cependant, parce qu'il poursuit un objectif pragmatique, cherche à agir sur le destinataire en l'incitant par différents leviers à jouir d'un bien ou d'un service, il s'en rapproche dans l'utilisation de ce que Sophie Moirand nomme les « modalités appréciatives ». C'est à travers ces opérations de modalisation que le locuteur inscrit dans l'énoncé les rapports qu'il entretient avec les autres et avec ce qu'il dit.27(*) Trois types de modalisations sont à l'oeuvre dans le TPC comme dans le message publicitaire. Nous les nommerons modalisation prescriptive, modalisation méliorative et modalisation persuasive et les définirons au fil de l'étude.

On notera, en prolongement de ce parallèle entre TPC et publicité, que cette typologie par modalisation peut certainement rejoindre la typologie générique et historique de Nicole Everaert-Desmedt sur la publicité28(*), tout en gardant bien à l'esprit que cette périodisation schématique propose des repères et non des bornes infranchissables29(*). Selon N. Everaert-Desmedt, la publicité se décompose en quatre genres que l'on peut, depuis la seconde partie du XIXe siècle, ancrer historiquement30(*). La « réclame », d'abord, s'est présentée comme un conseil d'achat qui s'adressait à un « acheteur ». Ensuite, la publicité dite « classique » a valorisé le produit et le « consommateur », celui-ci étant le destinataire du message. Puis la publicité « moderne » a valorisé la publicité elle-même, en tant que genre communicationnel, et, dans le même temps, celui que N. Everaert-Desmedt appelle le « récepteur », c'est-à-dire un destinataire ayant une culture publicitaire. Enfin, la publicité « contemporaine » aurait pour contenu un constat sur la condition humaine et le positionnement éthique afférent de l'entreprise, le message étant adressé à « un citoyen du monde ».

Il faudrait une étude diachronique poussée du TPC pour entreprendre un tel rapprochement, travail que nous n'avons hélas pas le temps de réaliser dans le cadre d'un mémoire professionnel. Toutefois, intuitivement, il nous semble probable que l'organisation de notre étude, allant, en synchronie (2007-2008), de la modalisation prescriptive à la modalisation persuasive, pourrait être doublée, sans occasionner un changement dans la structure de notre plan d'étude, d'une approche historique du TPC. Ainsi, dans l'histoire de la communication, la modalisation prescriptive semble, a priori, pouvoir être rapprochée de la « réclame » et des supports promotionnels culturels (affiches, textes) produits à la même époque, c'est-à-dire jusqu'aux années 50 ; de même, la modalisation méliorative, quoique aujourd'hui encore largement employée dans les TPC, serait autant l'apanage de la « réclame » ou de la « publicité classique » que celui des supports culturels de la même « période », à savoir des années 60 jusqu'à la fin des années 80 ; enfin, la modalisation persuasive, plus utilisée aujourd'hui dans les TPC, rencontrerait, théoriquement, davantage de similitudes avec les genres publicitaires que Nicole Everaert-Desmedt désignent par les expressions « publicité moderne » et « contemporaine »31(*).

Troisième partie : étude des principales modalisations à l'oeuvre dans les textes promotionnels culturels

I La modalisation prescriptive

1. Quand « il faut » aller au spectacle

La modalisation prescriptive consiste à enjoindre de manière directe le destinataire à choisir le bien ou le service promu. Ernest-Ulrich Grosse, allant à l'encontre de la classification historique de Nicole Everaert-Desmedt, remarque dans Semen 1332(*) qu'aujourd'hui, cette tendance, dans notre société post-industrielle devenue une société des services, n'est plus cantonnée à la publicité mais s'étend à d'autres discours. Ainsi, selon lui, la presse, par exemple, prodigue de plus en plus de conseils dont les marques linguistiques sont l'adresse directe au lecteur, l'impératif, les adjectifs en -able ou en -ible, les verbes modaux «pouvoir», «falloir» et «devoir», à savoir les ingrédients classiques de la modalisation déontique.

Les TPC de l'ODC empruntent également cette voie, prouvant par-là même que la modalisation prescriptive ne saurait être un mode d'expression enfermé dans une époque, même si, parmi les trois modalisations, elle nous semble la moins utilisée.

Parmi les rédacteurs de l'ODC, Vincent dont l'ethos, on l'a dit, plus pragmatique, est, par ailleurs, construit sur le postulat d'une véritable connaissance des salles et du public, est celui qui recourt le plus à la modalisation prescriptive. C'est le cas dans cet extrait de TPC qu'il a rédigé pour la plaquette 2007-200833(*) :

« Une musicienne aux multiples percussions, un couple de trapézistes aux acrobaties drapées, des marionnettes à taille humaine, des touches de cirque et de théâtre : Silencio est un projet unique qu'il ne faut surtout pas rater. » (Vincent, Silencio, t.p., p. 41).

Ici Vincent utilise l'auxiliaire modal « falloir » et le tour impersonnel qu'il induit pour enjoindre le lecteur à se rendre au spectacle. La prescription se fait même fortement injonctive avec l'emploi de la tournure négative et le choix de l'adjectif « unique ». L'injonction « qu'il ne faut surtout pas rater » est une parfaite illustration du déontique sur le mode du « nécessaire » tel qu'il a été conceptualisé par Aristote puis par Kant. Apodictique, l'expression cherche à enfermer le destinataire dans un non-choix, s'adresse à lui en déclarant qu'il « ne peut pas ne pas faire », qu'il « ne peut pas ne pas voir » Silencio.

2. Prescription et urgence

Dans l'exemple que l'on vient de citer, l'adjectif « unique » en même temps qu'il apporte une appréciation positive (« unique » est synonyme d' « original », de « singulier »), suggère aussi, contextuellement, dans la proximité du verbe « rater », une forme d'urgence. Ce type de prescription, placée sous le signe de l'empressement et de la vivacité, est assez courante dans les TPC de Vincent, comme nous allons le voir un peu plus loin. Rappelons cependant ici que le programmateur est, de loin, le rédacteur qui signe le plus de textes et que sous sa plume tous les types de modalisation sont convoqués, ses stratégies incitatives étant riches et variées.

3. Des dangers de la prescription

Lorsqu'il utilise la modalisation prescriptive, Vincent peut recourir à des verbes de mouvements conjugués au mode impératif :

« Si vous ne connaissez pas encore Renan Luce, courez assister au concert de ce jeune chanteur » (Vincent, Renan Luce, t.p., p.16)

« Si vous n'avez jamais assisté à un spectacle de qualité de danse hip hop dans votre vie et que vous avez soif de choses nouvelles, courez voir les Pokemon Crew ! » (Vincent, Cie Pokemon Crew, t. p., Saison 06-0734(*), p. 52)

Dans ces deux exemples, la modalisation prescriptive, qui risque toujours d'apparaître comme une menace sur la face négative du destinataire, est, dans une certaine mesure, quelque peu atténuée par la condition qui précède, introduite par « Si vous ne... ». Le déontique ne s'exprime plus alors sur le mode du « devoir faire ». L'obligatoire s'édulcore en une proposition qui s'énonce sur le mode du facultatif.

Toutefois, la conditionnalité de la prescription (non-connaissance de Renan Luce ou des spectacles de danse hip hop « de qualité ») est une arme à double tranchant car elle peut être perçue par le lecteur non-connaisseur comme une adresse ostracisante et dévalorisante face à un locuteur qui se présente, lui, dans la posture de l'initié, de celui qui, en tant que professionnel de la culture, sait. L'argument d'autorité fondé sur un critère de compétence, pour reprendre la terminologie de Philippe Breton35(*), nous semble efficace s'il parvient à éviter l'écueil de la sujétion du destinataire. La seconde condition avancée par Vincent dans la citation du TPC sur la Cie Pokemon Crew (« et que vous avez soif de choses nouvelles ») agit d'ailleurs dans ce sens. Elle opère comme une atténuation de l'argument d'autorité et n'insiste plus sur le supposé caractère profane du destinataire : la raison de se rendre au spectacle n'est pas l'unique non-connaissance du hip hop « de qualité » ; on peut s'y rendre par curiosité, pour le plaisir de la découverte, tient à préciser le rédacteur.

4. Inviter le public en jouant stylistiquement sur un effet « crieur public »

Dans l'extrait de TPC qui suit, la prescription, avec le verbe « venir » à la deuxième personne du pluriel (à l'impératif ou au futur), se fait un peu moins pressante et s'apparente davantage à une invitation, quoique les marques du dynamisme restent prégnantes (utilisation du verbe « plonger », de la métaphore du manège):

« Venez découvrir ou redécouvrir « La Ficelle », « L'Aventure de Walter Schnaffs » et « Ce cochon de Morin », trois nouvelles publiées autour de 1883 et aux univers très différents. Vous visiterez le marché de Goderville où les rumeurs vont vite, vous vous retrouverez au beau milieu de la guerre franco-prussienne aux côtés d'un déserteur affamé, ou vous plongerez dans un conte libertin digne de Feydeau ». (Vincent, Les belles histoires d'Anatole, t.p., Saison 06-07, p. 12).

« Venez faire un tour dans le manège de « Manu » Da Silva, écouter ses carnets intimes et vous laisser porter sur des flots de guitares. » (Vincent, Da Silva, t.p., Saison 06-07, p. 16)

C'est, semble-t-il ici, dans un choix stylistique assumé, que l'on retrouve chez Vincent un peu du ton des crieurs publics dont la parole donnait à voir, par avance, à l'entrée de la salle ou du chapiteau, des bribes du spectacle, plaçant ainsi le badaud déjà en position de spectateur. Ainsi le déontique prend la couleur d'un « devoir faire » pressant sans être autoritaire, s'exprime de manière vive mais sans contrainte, principalement parce qu'il imite une parole publique, comme lancée à la cantonade et non adressée individuellement.

5. La modalisation prescriptive atténuée

La modalisation prescriptive d'un TPC peut se faire sans adresse directe au destinataire, par une phrase nominale et exclamative comme c'est le cas dans l'extrait suivant :

«Mais surtout un spectacle hautement recommandé à tous ceux qui pensent que le théâtre est ennuyeux ! » (Vincent, Le Mariage forcé, t.p., Saison 06-07, p. 26)

Ici, la prescription prend un tour performatif avec l'emploi de participe passé à valeur d'adjectif « recommandé ». Si la phrase nominale, parce qu'elle dépronominalise, atténue quelque peu la face négative d'un locuteur intrusif à qui l'on pourrait reprocher une forme d'autoritarisme, le qualificatif « recommandé », renforcé par les adverbes « surtout » et « hautement », demeure un équivalent, problématique en terme de ménagement des faces, du performatif « Je vous recommande ».

Vincent conclut un autre de ses textes promotionnels culturels par la formule :

« Avis aux amateurs... » (Vincent, DDG Pocket Trio, t.p., Saison 06-07, p. 46)

Celle-ci désigne les destinataires de manière indirecte et avec un degré de prescription nettement moins prononcé puisque derrière le mot « avis », qui se situe d'abord dans le champ de l'informatif, la promotion de ce concert de jazz se fait aussi sous l'angle de la proposition, de l'invitation et non comme un passage obligé.

La stratégie, moins incisive, presque facultative, s'explique sans doute par le fait que, dans l'esprit du rédacteur-programmateur, le trio de jazz n'est pas à même de drainer, contrairement à Renan Luce, par exemple, un large public.

6. Un cas de modalisation prescriptive indirecte ?

On pourrait être étonné de constater que la modalisation prescriptive soit employée par Vincent pour promouvoir autre chose qu'un spectacle. C'est pourtant ce qu'on peut lire sous sa plume numérique :

« [...] Caceres revient en 2007 avec Utopia, un disque soyeux et une très bonne idée cadeau pour les fêtes de fin d'année ». (Vincent, Juan Carlos Caceres, t.p., p. 15)

On devine qu'en ventant avec insistance (« très bonne idée de cadeau ») les mérites du disque (sachant que Vincent n'a évidemment aucune raison financière à un tel coup de pouce), le rédacteur promeut indirectement le spectacle de Caceres qui, de surcroît, doit avoir lieu dans l'Orne peu de temps avant Noël (17 novembre 2007). Promouvoir, en cette période d'achat, le disque en tant que cadeau potentiel, c'est implicitement en faire de même avec la place de concert.

7. Le prescriptif détourné

Dans les publications des Saisons 2007-08 de l'ODC, nous n'avons pas trouvé d'autres usages de la modalisation prescriptive. Si ce n'est peut-être sous la forme d'un jeu de mots dans un TPC écrit par Jacques Lécuyer (jeu de mots qui, nous le verrons, est l'une des marques de la modalisation persuasive) :

« Un spectacle festif et convivial, à voir, à entendre et à chanter. » (Jacques, Monsieur Nô, j. p., site ODC)

La tournure infinitive prépositionnelle « à voir » complétant le groupe nominal « un spectacle » peut être lue (avant le déchiffrage cognitif complet de la phrase) comme une prescription ; « à voir » serait dans ce cas le pendant affirmatif d' « à ne pas rater » commenté précédemment. Or, l'on peut aussi supposer que Jacques désamorce le caractère obligatoire et intrusif de l'infinitif en l'englobant dans une énumération où il est en fait question de deux des cinq sens et d'une faculté humaine : la vue, l'ouïe et la parole : « à voir, à entendre et à chanter ». Ainsi « à voir » est sémantiquement restitué dans son signifié premier, ne commande plus un « devoir faire » (sauf peut-être en creux et comme marque d'autodérision du rédacteur face au genre promotionnel qu'il pratique) et, habilement, ne constitue plus une menace sur les faces négatives des interlocuteurs.

8. Prescrire en postulant un public fidèle

Une forme proche de la modalisation prescriptive, mais qui n'en possède pas les marques, est employée, cette fois par tous les rédacteurs de l'ODC, même si elle est encore majoritairement l'apanage de Vincent ; il s'agit d'une adresse à un public que le discours suppose fidèle au lieu où doit être donnée la manifestation culturelle promue. Cette technique du discours procède de la visée pragmatique que le locuteur poursuit. Sophie Moirand, dans son chapitre d'Une grammaire des textes et des dialogues consacré à la critique journalistique, remarque que c'est cette visée pragmatique qui «explique l'ancrage du lecteur dans le texte, ce qui parfois constitue un exemple de la stratégie du scripteur: assimiler déjà les destinataires à des spectateurs [...] 36(*)». Cette assimilation du lecteur en spectateur passe souvent dans les textes de l'ODC par la mention du lieu précis où se déroule la manifestation culturelle. Dans la typologie des arguments de la communication établie par Philippe Breton, l'attachement, l'identification à un lieu partagé, fonde, au même titre que des opinions et des valeurs communes, ce qu'il désigne par l'expression « argument de communauté »37(*).

Dans les textes de l'ODC, le public est défini par rapport au plaisir que lui a précédemment procuré un concert, une pièce, au même endroit. Cette stratégie incitative fonctionne sur ce que l'on pourrait désigner plus précisément par une autre formule : le « principe de fidélisation ». Fidélisation effective de ceux qui comprennent la référence parce qu'ils y étaient (ou « en étaient », le « en », familier, marquant, selon nous, davantage ces spectateurs comme privilégiés car appartenant à une « communauté ») ; fidélisation souhaitée par ceux qui n'y /en étaient pas mais qui aimeraient intégrer ce groupe de privilégiés.

9. Monsieur Loyal face à un public fidèle

Le principe de fidélisation peut se doubler d'une technique d'adresse plus directe, proche de l'apostrophe, avec, dans l'exemple qui suit, l'utilisation du pronom « vous », inclus dans la tournure de type attributive « revient pour vous » :

« Après le succès du concert de Daby Touré en janvier dernier /, la musique du monde revient pour vous/ à la salle Daniel Rouault. /C'est un immense plaisir d'accueillir/ cette année l'un des plus grands pianistes de tango argentin : Juan Carlos Caceres. [...] » (Vincent, Juan Carlos Caceres, t. p., p. 15)

On constate ici que le locuteur s'institue en Monsieur Loyal avec la tournure présentative oralisante, à l'indicatif présent, usitée dans le show business : « C'est un immense plaisir d'accueillir [...] ». Par la même, le récepteur est déjà représenté comme un spectateur. Aussi, si l'axiologique (sur le mode hédonique ou passionnel) semble prédominer avec l'expression « très grand plaisir », si aucun ordre atténué, si aucun conseil n'est formulé comme dans la modalisation prescriptive, ce type de communication s'en rapproche en terme d'effets. D'abord parce que, fermé, le message repose sur le fait accompli ; ensuite, parce qu'il se fonde, en dépit de l'expression du bénéfice (« pour vous ») et d'un ethos sans conteste humaniste, sur une relation où le locuteur, en position dominante, développe un discours intrusif plaçant le lecteur en position dominée.

En tant que stagiaire méconnaissant, par nature, le terrain et parce que j'ai personnellement peu de goût pour ce type de stratégie, je n'ai employé qu'une seule fois l'effet de fidélisation dans mes 25 TPC. En l'occurrence, dans un des cinq textes dont la rédaction (ce n'est pas fortuit) m'a été confiée par Vincent :

« C'est avec un très grand plaisir que nous accueillons à Argentan la compagnie de danse cambodgienne Cabaret des oiseaux. » (David, L'Epopée du prince Preah Chenvong, p. 13 - annexe n° 20)

Il s'avère que, par cette adresse directe à un public que je ne connais pas, j'ai voulu gommer un des motifs pour lesquels Vincent n'entendait pas déléguer « ses » TPC. Ecrire à la façon du jeune programmateur- rédacteur a en effet été pour moi, d'une part, une manière de lui prouver que, sans être homme de terrain, on pouvait tout à fait « faire comme si » ; d'autre part, avec un tant soit peu de complaisance, l'imitation a eu pour objectif de faire agréer mon texte par son commanditaire afin qu'il soit publié dans la plaquette.

10. Quand l'effet de fidélisation est distancié

Le recours à l'effet de fidélisation ne donne en revanche pas au message promotionnel un caractère « forcé » dans les TPC de Martine et de Jacques, notamment parce que l'apostrophe, inhérente à la deuxième personne du pluriel, y disparaît au profit d'une formulation plus neutre, à la troisième personne du singulier, suivie d'un futur : « le public découvrira [...] » ou « le public domfrontais sera [...] » :

« Lors d'une soirée exceptionnelle au château de Carrouges, le public découvrira Barbara Kitts, soprano lyrique et Matthieu Van Den Bogaerde, baryton, tous deux élèves de Martine Postel. [...] Une initiative destinée à encourager les jeunes et à remercier leurs maîtres de nous apporter cet indispensable supplément d'âme qui nous ravit l'âme ». (Martine, Récital Jeunes Talents, t. p., p.40)

« Le public domfrontais sera, / n'en doutons pas, / heureux de retrouver l'acteur de Luna Negra dans son tout nouveau spectacle Âmes à gramme. » (Jacques, Âmes à grammes, t. p., p. 20)

On peut remarquer que dans ces deux TPC le principe de fidélisation est utilisé de manière distanciée. Du fait, d'abord, de l'emploi du futur ; le lecteur n'a ainsi pas encore revêtu la peau du spectateur  à l'inverse des précédents extraits rédigés, au présent, par Vincent et David. Au contraire, l'ontique est ici de mise, même si le futur est envisagé avec une forte voire très forte potentialité de réel, notamment par l'emploi de l'expression épistémique « n'en doutons pas ». Distance également en raison d'une énonciation qui peut inclure, à travers le « nous », le locuteur et le public, le rédacteur se présentant, dans le TPC de Martine, non en Monsieur Loyal mais comme un spectateur potentiel parmi d'autres, « s'assimil[ant] soi-même, selon les termes de Sophie Moirand à propos de la critique journalistique, au même groupe que les lecteurs»38(*): « Une initiative destinée à encourager les jeunes et à remercier leurs maîtres de nous apporter cet indispensable supplément d'âme qui nous ravit l'âme ». Cette utilisation, beaucoup plus nuancée de l'effet de fidélisation, est peut-être moins efficace (seule une étude quantitative par sondage pourrait le confirmer) mais à l'avantage de ne pas brusquer le lecteur en le comptant, à l'avance, en spectateur acquis (sinon conquis), faisant peu ou prou fi de son libre choix. Au contraire, dans les deux extraits de TPC précités, c'est un peu comme si le lecteur recevait une invitation, une proposition, de la part de quelqu'un qui serait son égal, scripteur et lecteur partageant ce que Philippe Breton appelle des « valeurs communes »39(*).

11. Un étonnant effet de fidélisation qui ne vise pas son destinataire et transforme une communication événementielle en communication institutionnelle

Terminons ce parcours d'extraits fondés sur le postulat de la fidélité du public par l'analyse d'un cas particulier :

« Nul doute que la rencontre avec les détenus / de la Maison d'arrêt et du Centre de détention s'annonce comme un moment exceptionnel pour cet artiste enthousiaste et généreux ». (Vincent, Rouda, t. p., p. 8 )

La mention du public et du lieu ne s'accompagnent pas ici d'une apostrophe et le bénéfice « moral » produit par le spectacle est attribué, curieusement, à Rouda (« un moment exceptionnel pour cet artiste ») et non aux spectateurs, les détenus. Si l'absence du « nous » s'explique par les conditions particulières du concert qui restreint, par nature, le public à un « ils » ou un « eux » tacites désignant les prisonniers, on peut envisager le non-emploi de « vous » par le fait que les détenus ne sont pas les destinataires directs du message ; d'une part, parce que, contextuellement, il est assez peu probable qu'ils aient reçu et lu une plaquette promouvant très majoritairement des spectacles extérieurs au monde carcéral ; d'autre part, parce que les destinataires réels du message sont en fait le grand public ornais et les institutionnels qui apprennent par ce TPC que l'Office départemental de la culture de l'Orne mène, en particulier grâce à l'action de Vincent Roche, une politique culturelle courageuse et humaniste à l'intention du milieu carcéral. Ainsi l'effet de fidélisation peut fonctionner par ricochet, toucher un destinataire écran pour en atteindre finalement un autre. On peut pousser la conclusion plus avant en affirmant que par cette technique, on glisse d'une communication de « produit » (disons plutôt d'événement) à une communication institutionnelle dont l'objectif est de promouvoir non le concert de Rouda mais l'image de l'ODC.

II La modalisation méliorative

1. Définir le TPC au moyen d'un parallèle avec la critique culturelle journalistique

La rhétorique classique a désigné ce que nous choisissons d'appeler modalisation méliorative par une catégorie modale, l'axiologique. Dans la tradition aristotélicienne, cette hypercatégorie se décline en multiples sous-catégories du discours comme l'éthique (le fait de se prononcer sur ce qui est bien ou mal), l'esthétique (sur ce qui est beau ou laid), le pratique (sur ce qui est utile ou inutile), l'hédonique (sur l'agréable ou le désagréable) ou le passionnel (sur ce que l'on aime ou exècre), etc.

Notre étude renonce, dans ses grandes lignes, à cette typologie qui nous entraînerait vers un risque de morcellement. Nous lui préférons la classification des termes évaluatifs proposée par Sophie Moirand40(*) parce que plus simple et ramassée, mais aussi parce qu'elle a constitué, pour l'universitaire, un outil d'analyse appliqué à un genre voisin du TPC, la critique culturelle journalistique.

Selon Sophie Moirand, il existe quatre types de termes évaluatifs qui permettent différentes formes d'appréciation: les termes axiologiques, les évaluatifs affectifs, les évaluatifs de comparaison et les évaluatifs contextuels. Avant de les analyser dans différents extraits de TPC, il nous semble important d'interroger la notion même de modalisation méliorative par un parallèle entre deux genres procédant de discours différents mais appartenant (pour reprendre l'expression de J-M Adam qui nous servira encore de méthode) à une même « famille de textes»41(*) : le TPC et le genre de la critique journalistique culturelle.

Dans le cas du texte promotionnel culturel, les termes évaluatifs vont, lois du discours obligent, être nécessairement positifs lorsqu'il s'agit d'émettre un jugement sur l'artiste ou le spectacle promu. Ainsi la modalisation méliorative, rarement absente des TPC, est ce qui va le séparer d'un genre du discours journalistique avec lequel il entretient par ailleurs d'étroits rapports de cousinage : la critique culturelle, telle qu'elle peut s'écrire aujourd'hui en France42(*) dans les grands quotidiens (Le Monde, Libération, etc.), les magazines culturels (Télérama, Les Inrockuptibles, etc.) ou, oralement, dans certaines émissions de radio (par exemple Le Masque et la Plume sur France Inter).

2. Le TPC, rien moins qu'une critique journalistique positive ?

Aussi, si on passait, avec quelque légèreté, sur la question de la modalisation méliorative (qui est en fait un distinguo essentiel), on pourrait affirmer que le TPC relève du genre de la critique. Ce postulat un peu provocateur ne l'est peut-être pas tant que cela. En effet, une étude quantitative approfondie des articles de la critique culturelle dans la presse (formellement très proches de certains TPC) dévoilerait, à notre avis, une proportion plus grande de critiques positives.

Cela, paradoxalement, en raison même de ce qui manque au texte promotionnel culturel pour être une critique : l'usage de cette liberté qui consiste à dire que l'on n'aime pas. Car si les lois du discours rendent impossible, pour le communicant culturel, l'utilisation du « pôle négatif » des catégories classiques de l'esthétique voire du passionnel, il nous semble que d'autres lois contraignent l'expression du « pôle négatif » dans les critiques de presse.

En effet, la critique culturelle, parce qu'elle est une partie de la presse d'opinion et qu'elle contribue à former la pensée et le goût de ses lecteurs, va davantage prescrire, conseiller des spectacles, des artistes ou des auteurs que les déconseiller. Quel serait en effet l'intérêt d'une critique culturelle qui travaillerait essentiellement à dénigrer oeuvres et artistes ? Si, dans la balance du jugement, le nombre de critiques négatives étaient nettement plus important que celui des critiques mélioratives, la profession concourrait certainement, d'une manière générale, à ce qu'elle n'est pas censée vouloir, ni par amour pour sa matière ni (plus cyniquement) pour sa survie : un désintéressement général de l'opinion publique pour la culture.

Par ailleurs, les TPC de l'ODC sont rédigés à partir de dossiers de presse envoyés par les Compagnie ou les producteurs des artistes, que les rédacteurs aient assistés ou non, au préalable, au spectacle (c'est toujours le cas du stagiaire mais parfois aussi du programmateur). Les TPC s'inspirent donc de critiques journalistiques positives, en sont même assez souvent (c'est ce que m'a confié Madame Gasnier) de simples copier-coller.

Mais remarquons aussi que l'accointance est double. Car si l'on peut gager, sans pouvoir le prouver, que certains articles de presse doivent « se nourrir », être influencés par des TPC (comme ceux-ci le sont par les critiques), l'on peut écrire, avec certitude, que la presse, notamment régionale, insère dans ses pages culturelles des TPC qui ne sont pas réécrits mais reproduits à la virgule près. J'ai ainsi pu constater, en photocopiant la presse locale, que les TPC de Vincent promouvant le festival du Printemps de la chanson 2007 avaient été repris intégralement et littéralement sur toute une page (agrémentés de photos présentes dans la plaquette tout public et envoyés par l'ODC), et ce, sans la signature du rédacteur, sans aucun signalement de publi-reportage mais avec ce que Grosse appelle « la forme extérieure des contributions de la rédaction »43(*) . En fait, il ne s'agit pas d'une tractation commerciale ni encore moins d'un plagiat éhonté mais de connivence et d'avantages partagés entre l'ODC et la presse locale. Le focus pleine page sur le festival (qui vient compléter la publicité couleur en encart dans le journal, payante celle-ci) est gratuit pour l'ODC et constitue pour un petit hebdomadaire local (qui n'a pas alors à rétribuer un journaliste ou un pigiste), une page culturelle de qualité.

3. TPC et critique journalistique : quand ne pas programmer ou taire revient à évaluer

De plus, la presse culturelle est contrainte, matériellement, de choisir parmi l'offre pléthorique des différents domaines culturels dont elle doit rendre compte. A ce titre, elle est sensiblement dans la même position qu'un organisme programmant une saison culturelle. Ainsi si l'ODC ne va sélectionner que des spectacles ou expositions qui lui semblent dignes d'intérêt pour son public, la presse critique culturelle va aussi privilégier ceux qu'elle veut, non promouvoir mais soutenir. Les mauvais films, les mauvaises pièces, les mauvais disques sont, le plus souvent, passés sous silence (ce qui est peut être la plus haute forme de l'appréciation négative) ou réduits à un commentaire aussi bref qu'acerbe. En ce qui concerne le TPC, on peut considérer que le jugement critique négatif sur les spectacles non programmés par l'ODC ont été portés préalablement, collectivement, en interne, entre les programmateurs, ou individuellement et « intérieurement », par chacun d'entre eux, sans être publiés.

4. L'impact d'un discours professionnel et institutionnel

Poursuivons cette réflexion sur les rapports entre le texte promotionnel culturel et la critique journalistique par un commentaire sur ce que Sophie Moirand appelle la «position» du locuteur. Celle-ci est, en effet, fondamentale pour comprendre le rôle que joue l'évaluation dans « la mise en texte ». Ainsi, selon Sophie Moirand, « si je suis critique professionnel et que je dise c'est beau, j'incite le lecteur à aller voir ou à lire »44(*). De même, les plaquettes de l'ODC (dont les textes ne sont en principe jamais signés par les rédacteurs) apparaissent aux yeux du public comme émanant non d'une personne mais d'un organisme qui, dans son domaine, fait autorité. Au niveau du récepteur « grand public », les ethos « individuels » de Jacques, de Vincent et, à un degré moindre de Martine (parce qu'elle est aussi Mme Gasnier, directrice, et que son statut lui confère autant une responsabilité morale qu'un rôle de représentativité vis-à-vis de la structure), n'existent quasiment pas - celui du stagiaire, pas du tout ! Ce sont leurs mots mais pour le lecteur, une seule voix parle : celle de l'ODC dont l'ethos (la « position »), non-personnel mais institutionnel, est chargé, selon les mots de Philippe Breton, de l' « expérience » et des « compétences »45(*) qui font la réputation de l'organisme ; réputation qui se double plus largement de toutes les connotations propres au domaine culturel et recouvre également différentes représentations qu'on attribue (peut être encore...) à un organisme public ou parapublic comme le professionnalisme, le sérieux, l'intégrité, le désintéressement. Ainsi, c'est en fonction de cette « position » que les termes évaluatifs mélioratifs présents dans les TPC de l'Office départemental de l'Orne font sens.

5. Entre publicité et critique, des « airs de famille » variables

Terminons le parallèle en essayant de résoudre un dilemme catégoriel. Le TPC a-t-il davantage à voir avec le discours publicitaire ou le genre de la critique journalistique ? Pour Sophie Moirand, le fonctionnement de l'écriture critique suit un mouvement qui va de l'information à la suggestion46(*). L'universitaire fait précisément de la suggestion le point de rupture entre le discours critique et le discours publicitaire. Ainsi elle affirme que « le rôle du critique ne peut-être confondu avec celui du publicitaire, et ce qui est persuasion pour celui-ci n'est que suggestion pour le premier»47(*). Cette remarque nous intéresse au premier chef puisqu'elle nous amène à nous interroger sur la véritable parentèle du TPC. Ce dernier tend-il davantage à « persuader » et est-il donc à ranger aux côtés du discours publicitaire ? Au contraire, « suggère »-t-il plus et penche-t-il donc plutôt vers la critique journalistique ?

Sur le fond, le TPC est évidemment à rapprocher du discours publicitaire puisqu'il promeut, c'est-à-dire cherche à présenter au lecteur un objet désirable, dans une visée pragmatique (achat d'une place ou simple fait de venir au spectacle dans le cas d'une manifestation gratuite).

Dans la forme, en revanche, seule l'analyse attentive de la modalisation à l'oeuvre dans chaque TPC peut permettre de dire, suivant la distinction de Sophie Moirand, s'il tend, comme la publicité, à persuader (étymologiquement : attirer à soi par la douceur) ou à suggérer, c'est-à-dire à proposer, à inviter comme le ferait le critique journalistique. Toutefois, la distinction entre persuasion et suggestion nous apparaît ténue et, à dire vrai, source de confusion. En effet, si la persuasion est clairement affaire de séduction, le mot « suggestion », suppose dans son acception moderne, d'après le Petit Robert, à la fois l'idée de conseil ou de proposition et l'idée d'insinuation, de sous-entendu, rejoignant ainsi le sens de l'étymon latin suggere qui signifie « porter sous ». Ainsi, persuasion et suggestion ne sont pas si éloignées et ont toutes les deux un lien avec l'idée de ruse et d'artifice (pour parler négativement), d'habileté, de technicité, bref de rhétorique (si l'on préfère user de mots plus neutres).

6. Le TPC, un genre qui, comme la critique, « informe » et « donne un avis »

Afin d'approfondir notre définition du TPC par la confrontation avec ce genre proche, on suivra le travail de définition de la critique journalistique conduit par Sophie Moirand. Pour elle, le critique joue un rôle dans ce qu'elle appelle « l'univers médiatique ». Journaliste spécialiste, par exemple, de cinéma, de théâtre ou de littérature, il a pour fonction d' « informer » (fonction informative) et de « donner son avis » (fonction évaluative) mais aussi de « dire aux lecteurs » si le film, la pièce, le livre « vaut la peine » d'être vu /lu ou non (visée communicative)Son travail consiste dans « le choix des éléments qu'on décrit, le choix des mots qui décrivent, le choix de ce qu'on évalue et le choix des formes de ces évaluations ». Ces choix « concour[ant] à justifier cette visée d'ordre pragmatique: suggérer de consommer ou de ne pas consommer» 48(*).

La démarche du rédacteur de TPC est très proche. En effet, lui aussi « informe » et « donne un avis », quoique biaisé par la loi du discours promotionnel. Lui aussi retient des éléments qu'il décrit, choisit pour cela certains mots plutôt que d'autres, certaines formes plutôt que d'autres (la description, le récit), évalue l'ensemble ou une partie du spectacle ou de l'exposition, opère des choix quant « aux formes de ces évaluations » (juger, comparer...), à ceci près donc (mais le détail est de taille...) que ce choix doit, par nature, être restreint au champ de la modalisation méliorative.

On trouve d'autres traits communs entre ces deux genres, du point de vue du choix du type textuel comme du point de vue stylistique. Ainsi tous deux optent souvent pour une combinaison du compte-rendu («texte mettant en relief l'information» par une «énonciation objectivée»49(*)) et de l'évaluation («texte où l'expression de l'opinion domine», qui ressortit à l' « énonciation subjectivée »). De plus, nous le verrons, l'usage d'un langage esthétisant et le recours à la comparaison-référence sont au coeur de l'écriture des deux genres.

7. Des objets de discours « catégorisés » communs aux critiques de presse et aux TPC

Dans les critiques de presse, les évaluations portent, selon Sophie Moirand, sur des « objets de discours »50(*) divers. On assiste non seulement à cette même variété dans les TPC mais on constate aussi que les objets de discours évalués le sont sous les mêmes angles ; soit que l'on «juge» (ou plutôt «formule une appréciation sur») le produit culturel dans sa globalité :

« C'est une histoire sans paroles, du théâtre de marionnettes naïf et profond comme un Chaplin, poétique et onirique comme un film de Méliès. » (David, Les Pieds dans les nuages, j. p., annexe n° 8 bis)

soit que l'on «juge» l'histoire ou les personnages :

« Une troupe italienne, un public français, le texte d'une Suédoise : belle Babel mais aucune confusion, car Pepe e Stella, magnifique histoire d'une amitié entre un enfant de la balle et son cheval de cirque, possède le souffle et l'universalité du mythe.» (David, Pepe e Stella , j. p., annexe n° 14),

« En ce début de millénaire, plus de quatre siècles après la mort de Giordano Bruno (1548-1600), face à toutes les dérives de ce nouveau siècle, il n'est pas inutile de se pencher sur la vie de cet homme hors du commun» (Jacques, Giordano Bruno, t. p., p. 38),

soit que l'on «juge» l'auteur ou les interprètes :

« Ses textes, finement écrits, sont une succession d'histoires douces et amusantes et sont peuplés de personnages hauts en couleur » (Vincent, Renan Luce, t. p., p. 16),

« Artiste complet, Rémy Boiron campe à lui seul tous les personnages de la pièce. » (Jacques, Âmes à grammes, t. p., p. 20),

soit, enfin, que l'on «juge» les caractéristiques techniques de la manifestation (Sophie Moirand utilise le mot « produit ») :

« Un spectacle malin, drôle et poétique, à la croisée des arts, où la comédie revisite le théâtre d'ombres, se combine avec brio, à la musique, la peinture et l'illustration (réalisées en direct sur un écran), pour un moment coloré » (David, La Reine des couleurs, t. p., annexe n° 7).

Sophie Moirand remarque dans son chapitre portant sur les critiques de presse que ces objets de discours sont généralement « catégorisés », et que cette catégorisation constitue déjà une évaluation51(*). Cette opération se fait notamment par rapport aux « connaissances que l'on a du domaine ». Elle repère par exemple dans quelques critiques de presse les étiquettes «comédie américaine moderne», «comédie à la Capra», «roman historique et poétique», «mélancolie matinée d'éclats de jazz façon Joni Mitchell», etc. Nous relevons, de notre côté, en limitant les citations, tant elles sont pléthoriques, à deux extraits de TPC que nous venons de citer, les « catégories » : « histoire sans parole, théâtre de marionnettes naïf et profond comme un Chaplin, poétique et onirique comme un film de Méliès », « Un spectacle malin, drôle et poétique, à la croisée des arts, où la comédie revisite le théâtre d'ombres, se combine avec brio, à la musique, la peinture et l'illustration (réalisées en direct sur un écran)». On constate que les catégories ne correspondent pas toujours à des genres artistiques codifiés précisément et que les spectacles peuvent être décrits au moyen d'une addition, d'une série de « catégorie » ou en recourant à la comparaison (« naïf et profond comme un Chaplin, poétique et onirique comme un film de Méliès »). Cette valse des étiquettes et des références, plus qu'une faiblesse à trouver le mot juste, s'explique à notre avis par le caractère de plus en plus polymorphe des spectacles produits aujourd'hui, spectacles qui, comme je l'ai écrit dans le TPC promouvant La Reine des couleurs, se situent très souvent à la croisée des arts, mêlent, par exemple, théâtre, musique, cirque et vidéo.

8. Les évaluatifs axiologiques positifs dans les TPC

Portant, donc, sur les mêmes objets que ceux jugés par la critique journalistique culturelle, « ciblés » de la même façon, l'évaluation dans les TPC se fait notamment, comme dans les exemples qui suivent, grâce à une palette large de termes axiologiques, c'est-à-dire, par essence, sémantiquement appréciatifs et, en l'espèce, toujours positifs :

« Ce jeune artiste viendra présenter son sublime premier album « Repenti » au public de Gacé. » (Vincent, Renan Luce, t. p., p. 16)

« Ce génial trio fait revivre l'univers magique du Music-Hall » (Jacques, Lucienne et les Garçons, t. p., p. 5)

« La lecture est ponctuée par la musique romantique de Chopin admirablement servie ici par la jeune et très talentueuse pianiste qu'est Agnès Graziano ». (Martine, Le Pianiste, t. p., p. 9)

« Soutenu par une machinerie astucieuse, ce spectacle de marionnettes, terriblement rythmé, mêle aux éléments traditionnels du conte le suspense d'une enquête policière, pour le plaisir de tous. » (David, Au voleur !, j. p., annexe n° 1)

« Mais soudain : bing ! zing ! TOC ! tout un monde de cuillères et de faitouts s'anime, sous l'action de deux manipulateurs-musiciens, invisibles et géniaux (David, Toc-Toque, j. p., annexe n° 16)

« Cet artiste septuagénaire à la voix rocailleuse est un instrumentiste hors pair capable de faire secouer la tête à un lampadaire » (Vincent, Juan Carlos Caceres, t. p., p.15)

Ces termes axiologiques, corollairement à leur fonction essentiellement évaluative, caractérisent l'objet décrit en recourant principalement à un langage esthétisant. Ainsi, dans les exemples cités, la modalisation méliorative valorise, en même temps qu'elle le décrit, le beau (« sublime album ») ou le talent, sous différentes formes, que ce soit d'un point de vue général (« admirablement servie ici par la jeune et très talentueuse pianiste» , « Ce génial trio » ) ou, plus précisément, sous l'angle, de la technicité (« machinerie astucieuse »), de l'habileté (« deux manipulateurs-musiciens, invisibles et géniaux ») et de la virtuosité (« un instrumentiste hors pair »). Ces termes axiologiques caractérisant peuvent avoir pour objet non pas le spectacle ou un de ses composants mais le public et le bénéfice qu'il peut en tirer : « pour le plaisir de tous ». D'autres évaluatifs, dits affectifs, promeuvent aussi la manifestation culturelle proposée par l'ODC en décrivant l'effet qu'il a produit sur le scripteur ou qu'il produira sur le destinataire dès lors qu'il sera en position de spectateur.

9. Les évaluatifs affectifs dans les TPC

Les évaluatifs affectifs décrivent une réaction émotionnelle du locuteur en même temps qu'ils caractérisent un objet. Selon Sophie Moirand, ces évaluatifs sont repérables par leur «coloration affective» et par le fait qu'ils «rendent compte de l'effet produit par l'objet de discours sur le locuteur». Dans son analyse des critiques journalistiques52(*), l'universitaire cite, parmi les évaluatifs affectifs, les adjectifs « ébouriffant», «émouvant», «ennuyeux».

On rencontre dans un de mes TPC ce type d'évaluatif :

« Commence alors un ballet époustouflant de fouets mécaniques [...] » (David, Toc-Toque, j. p., annexe n° 16)

« Epoustouflant » auquel le Petit Robert donne pour synonyme les adjectifs « étonnant », « extraordinaire », « prodigieux », « stupéfiant » a pour origine le verbe de l'ancien français « s'esposser », autrement dit « s'essoufler ». L'adjectif exprime donc un très haut degré de surprise, un étonnement qui n'est pas nécessairement mélioratif. L'idée de « souffle » présente sémantiquement et presque phonétiquement (« -stouflant » rappelant « soufflant ») joue à un double niveau : d'abord, le spectateur, devenu locuteur et rendant compte du spectacle auquel il a censément assisté, précise qu'il a eu le souffle coupé devant la dextérité des manipulateurs qui savent donner vie à d'anodins ustensiles de cuisines. Son compte-rendu s'appuie donc (fictivement...) sur son ressenti, d'où l'usage de termes à « coloration affective ». Mais « époustouflant », qui connote encore le souffle, décrit aussi le spectacle, caractérisé, dans son ensemble, comme un « ballet » dont l'adjectif dit également l'énergie, la vitalité.

10. L'évaluatif affectif comme label

Dans un TPC de Vincent se rencontre un autre type d'évaluatif affectif qui ne prend pas un tour adjectival mais nominal :

« Silencio est un petit bijou et sans conteste un de nos coups de coeur de cette saison 2007-2008. » (Vincent, Silencio, t. p., p. 41)

L'expression, lexicalisée, est un stéréotype de la promotion culturelle. Jugement affectif (il signifie que l'on aime et appartient tient donc à la sous-catégorie aristotélicienne du passionnel), la tournure est à rapprocher de la modalisation prescriptive dans le sens où elle agit comme un label et est fortement incitative. Pour preuve, depuis longtemps, l'image du coeur imprimée sur des autocollants apposés sur certains produits (vêtements, disques) signifie de la part d'une marque ou d'un distributeur qu'il s'agit d'un produit à part, soit parce qu'il est censé être représentatif de la marque soit, le plus souvent, que son prix, modique, doive séduire l'acheteur. A l'écrit, l'usage de l'expression « coup de coeur » doit être parcimonieuse (une seule occurrence en 2007-0853(*)) pour garder tout son impact, notamment dans le cas d'une brochure promouvant toute une saison culturelle. En effet, la plaquette peut (potentiellement) être lue in extenso et doit obéir à un principe de cohérence : alors même que tous les spectacles ont été programmés parce qu'aimés par les programmateurs, ils ne peuvent pourtant tous prétendre à l'évaluation « coup de coeur ». Parce que la tournure, galvaudée, deviendrait alors inopérante. Parce que surtout, elle entamerait la confiance du lecteur et que le jugement d'un rédacteur au ton par trop panégyrique n'aurait plus aucun crédit.

On peut conclure ce commentaire en remarquant que l'évaluation affective de type « label » implique une hiérarchisation portant sur l'ensemble de la programmation, même s'il n'y pas de concertation entre les programmateurs et que l'appréciation globale sur la Saison reste individuelle. Ainsi, c'est tout particulièrement à Martine Gasnier, directrice de la publication, que revient la tâche d'harmoniser la somme des TPC promouvant la Saison afin de gommer les éventuelles surenchères dans ce que j'ai appelé la labellisation des manifestations.

11. Faire du lecteur, par avance, un spectateur ressentant

Dans notre analyse de la modalisation prescriptive, on a vu comment le scripteur pouvait recourir à une stratégie consistant à « assimiler déjà les destinataires à des spectateurs [...] »54(*). Le modalisation méliorative use également de cette stratégie mais dans des séquences textuelles où l'injonction ou l'invitation laissent la place à la description et où le lexique des sensations et des sentiments prédominent. Dans ces passages, le public est inclus dans la séquence à dominante descriptive par le biais d'une pronominalisation le désignant plus ou moins directement : qu'il s'agisse du « vous » de l'apostrophe, du « nous » ou du « on » associant fictivement locuteur et scripteur dans une commune position de spectateurs, ou de formulations fines où le lecteur est, en filigrane et en l'absence de pronom le désignant, pourtant déjà institué en spectateur.

Ce type de stratégie, si l'on puise dans l'apport théorique de Philippe Breton, mêle l'argument de « cadrage » où il s'agit de « présenter », de « définir » et l'argument de « communauté », créée par le partage d'un « lieu », le spectacle en tant qu'espace (un théâtre, une salle, une église) et qu'expérience (la manifestation culturelle et ses interactions avec le public)55(*) .

Dans tous les cas de figure, il s'agit de « donner envie » en présentant des sentiments, des sensations agréables que l'on cherche à faire « pré-sentir »56(*) au lecteur, à la manière d'un échantillon qui le toucherait dès la lecture, et le persuaderait de se rendre à la manifestation culturelle, cette fois, pour les ressentir réellement et pleinement. Ce type de modalisation méliorative situe autant le TPC dans la « famille » de la critique journalistique que dans celle du message publicitaire, ce dernier y recourant abondamment. Le TPC, les critiques cinématographiques ou littéraires « positives », le spot ou l'affiche publicitaire, sont en effet souvent des promesses de plaisir et s'inscrivent dans la sous-catégorie modale classique qu'est l'hédonisme.

Dans l'exemple qui suit, le « vous » est par deux fois, avec l'emploi du verbe « offrir », présenté comme le bénéficiaire d'un don :

« Les chanteurs-guitaristes Bertrand Claudin et Olivier Jouin s'associent en duo acoustique pour vous offrir leur interprétation de morceaux mythiques qui ont enflammé les ondes radio des sixties et seventies [...] les chemins des deux artistes se croisent avec bonheur pour vous offrir une grande ballade en cinémascope, riche en couleurs et en émotion... » (Jacques, Armadillo, t. p., p. 16)

Ici, ce qui est préalablement donné à voir comme agréable au destinataire tient tout autant au culturel qu'aux sentiments ou au sensoriel (passages soulignés). En effet, si deux expressions décrivent ce spectacle musical d'un point de vue visuel (« riche en couleurs », « ballade57(*) en cinémascope »), une autre de manière auditive (« les ondes radio des sixties et seventies ») et une dernière, de manière plus floue, d'un point de vue émotionnel (« riche [...] en émotion »), la brève description citée est surtout remarquable par ses deux allusions culturelles (musicale et cinématographique) qui doivent servir à camper l'atmosphère de ce groupe folk-rock aux influences américaines ; influences que le locuteur cherche, en un minimum de mots, à évoquer en usant de signes, parfois proches du stéréotype, afin de suggérer efficacement, comme dans un message publicitaire, l'Amérique de l'après-guerre, le rêve américain, sans même avoir à les nommer: « morceaux mythiques qui ont enflammé les ondes radio des sixties et seventies / une grande ballade en cinémascope»58(*).

Dans l'extrait suivant, le lecteur-spectateur (« vous ») est placé en situation de « pré-sentir », le lexique mettant l'accent sur les sentiments émanant de la personnalité de l'artiste (« charisme », « chaleur ») mais aussi sur l'effet qu'ils induisent sur le spectateur (« un certain ravissement ») :

« [...] Le charisme et la chaleur de ce grand Monsieur vous caresseront avec un certain ravissement. [...] » (Vincent, Juan Carlos Caceres, t. p., p.15)

Notons que le verbe « caresser » appartenant au lexique sensoriel est détourné de son emploi. Le toucher est ici convoqué au sens figuré et confère à la description de l'artiste (donné à voir comme une simple présence, une aura) une sensualité censée atteindre le public plus directement ou intensément que ne le ferait peut-être l'ouïe ou la vue.

La représentation du « spectateur ressentant » peut être stylistiquement réalisée au moyen d'une métaphore filée puisant au lexique des sens:

«  Vous l'aurez sans doute compris, Otopodoragi se déguste d'abord sur scène pour l'entière mesure d'un groupe plein de talent qui nous sert une musique personnelle avant tout libre et inspirée ». (Vincent, Otopodoragi, t. p., p. 24)

L'adresse liminaire au spectateur, marquée par un effet de connivence (« Vous l'aurez sans doute compris »), est combinée à une métaphore culinaire - on pense à un plat ou à un bon vin : « Otopodoragi se déguste [...] sur scène » / « un groupe plein de talent qui nous sert une musique [...}] libre et inspirée ». Le sens du goût est là encore choisi en lieu et place de l'ouïe et de la vue que l'on attendrait dans la description d'un spectacle musical. Le trope, plus qu'une description objective, a pour effet de mettre en avant la délectation, le plaisir ressenti par le spectateur de ce groupe réputé pour donner son « entière mesure »59(*) sur scène plutôt qu'en studio d'enregistrement. Avec la métaphore, on touche à une des quatre catégories d'arguments de la communication théorisées par Philippe Breton, « l'argument analogique »60(*).

Dans les deux extraits qui suivent, le locuteur (en principe un rédacteur-programmateur qui a choisi le spectacle après l'avoir vu) met en scène, par l'emploi du « nous » ou du « on », un destinataire spectateur avec qui il est supposé avoir partager le spectacle. Cette fiction (que l'on peut nommer l' « effet co-spectateur ») est éminemment paradoxale puisque l'objectif est de faire venir effectivement au concert ou au théâtre quelqu'un que le discours présente comme y ayant déjà assisté :

« Nous passons du rire à l'émotion et assistons, captivés, au lent cheminement de cette femme vers la vieillesse ». (Vincent, Palatine, t. p., p.17)

« Agnès Limbos [...] adapte très librement la figure du Vilain petit canard chère à Andersen dans une pièce cruelle, drôle et poétique d'où l'on sort tout chamboulé » (David, Dégage, petit ! , j. p., annexe n° 3)

Dans la première citation, le formule « Nous passons du rire à l'émotion » est sans doute moins nettement marquée par cet « effet co-spectateur » car le « passage » du rire à l'émotion peut apparaître comme le simple compte-rendu des impressions du locuteur qui emploierait le « nous » d'auteur, celui aussi par exemple de la tradition dissertative des lycées français. En revanche, la forme verbale « assistons » et le participe passé pluriel à valeur adjectivale « captivés », parce qu'ils impliquent sémantiquement les idées de regard et de perception, assimilent clairement le lecteur à un spectateur, non pas potentiel, à venir, mais « faussement réel » dans la fiction du TPC.

Dans la seconde citation, le spectateur est, si l'on ose l'anglicisme militaire, « embarqué »61(*) au côté du locuteur. Cette fois-ci à la sortie du spectacle : « d'où l'on sort tout chamboulé ». On peut s'amuser avec quelque ironie de l'effet quand on sait que, statut de stagiaire oblige, je n'ai pas « plus » assisté au spectacle que mon destinataire mais me suis contenté d'en lire le dossier de presse... Si l'on outrepasse la question complexe de l'honnêteté intellectuelle appliquée à la rédaction du TPC 62(*), deux remarques peuvent être faites sur cette expression à effet « co-spectateur » : d'abord le fait qu'elle insiste sur des impressions fortes et durables. « Chamboulé », qui dénote familièrement un bouleversement des sentiments, traduit de manière hyberbolique l'impact de cette « pièce cruelle, drôle et poétique », qui mélange les genres (le comique, le mélodramatique), brasse des émotions contraires. L'expression « d'où l'on sort » qui met l'accent, on l'a dit, sur les impressions ressenties dans les minutes, les heures voire les jours qui suivent le spectacle, contribue à présenter ces émotions comme plus marquantes puisque laissant leurs empreintes dans la conscience du spectateur, l'imprégnant au-delà du terme de la pièce.

Allant dans le même sens, une formule fine de Vincent, qui ne passe ni par une adresse directe au destinataire ni par la fiction d'un lecteur déjà « assis » au milieu du public, vante les qualités de Silencio en soulignant l'impact, à long terme, du spectacle dans la mémoire de celui qui l'a vu :

« Une création dont le souvenir restera vif tant l'âpreté et l'atmosphère, les prouesses artistiques et la poésie y sont intenses » (Vincent, Silencio, t. p., 41)

La formule trouve notamment sa force dans la justification qui suit, reposant sur l'emploi d'un vocabulaire esthétisant, celui d'un spécialiste de la culture dont le jugement vaut pour argument d'autorité. Ainsi c'est en raison des caractéristiques esthétiques de Silencio (« âpreté », « atmosphère », « prouesses artistiques », « poésie »), de son «intensité », que le spectateur restera longtemps marqué par la pièce (« souvenir vif »). Mais la force de l'expression tient aussi à l'utilisation du futur (« restera ») qui ne suppose pas un lecteur déjà acquis mais, temps de l'inaccompli, attend de lui une démarche active. La promesse de plaisir est ici suspendue, non pas incertaine comme l'induirait le conditionnel, mais bien certaine, à l'unique condition cependant que le destinataire se mue en spectateur, statut que ne lui accorde pour un fois pas encore le TPC puisque faisant en sorte de ne le nommer d'aucune façon.

Dans le passage sus-cités de Palatine et de Dégage, petit ! , l'« effet co-spectateur » s'articule, au sein de la même phrase, à des éléments descriptifs post (pour le premier) ou anteposés (pour le second, avec un effet de chute se voulant persuasif). L'exemple qui suit montre comment la promesse de plaisir qu'implique le TPC, suit le plus souvent, dans sa double description du spectacle et du public, un schéma que l'on qualifiera de binaire et dont nous indiquerons les deux temps par les chiffes 1 et 2 :

« 1 [La Compagnie] initie les petits aux mélodies / 2 que l'on aime à partager entre enfants et avec les grands./1 Sur scène, nos deux compères rivalisent de facéties, alternent avec brio chansons ou comptines /2 reprises par la salle/ (1) et moments instrumentaux » (David, Fleurs de peau, j. p., annexe n° 4)

Ce schéma, dans chacune des deux phrases qui composent l'extrait (nommées, cette fois, par les lettres a et b), commence par une description de ce qui se passe sur scène : 1 a. «[La Compagnie] initie les petits aux mélodies » / 1b. « Sur scène, nos deux compères rivalisent de facéties, alternent avec brio chansons ou comptines », pour aboutir à la description d'un public unanime et chaleureux, sans rupture syntaxique mais au moyen d'une proposition subordonnée ou adjectivale : 2 a. « que l'on aime à partager entre enfants et avec les grands »/ 2b. « reprises par la salle ». Le TPC tend donc à fusionner ce que Philippe Breton nomme l'« argument de cadrage » et l' « argument de communauté »63(*).

Cette imbrication du descriptif et de l'émotionnel souligne d'abord le caractère économe du TPC : le rédacteur en effet dispose dans les plaquettes de l'ODC d'un espace de signes réduit. Aussi, il est techniquement avantageux de mêler intimement, par souci d'efficacité, la description et les accroches à caractère incitatives. D'autre part, cette combinaison permet d'atténuer la dimension promotionnelle dont peut être « suspectée » le lexique du sentiment (un des éléments de la face négative du TPC) en le fusionnant à la description ou plutôt, en mettant en texte le sentiment (« matériau » précieux qui est toujours au coeur d'un désir culturel) comme le résultat naturel des éléments décrits dans le spectacle.

Vincent évoque aussi le spectateur ressentant, représenté comme un égal, en le portraiturant brièvement dans l'après spectacle :

« Cette pièce nous entraîne dans un voyage introspectif où la bêtise humaine est tellement énorme que l'on en rit ou que l'on en pleure, c'est selon, mais duquel on ne sort pas intact. Ayons le courage de nous regarder dans le miroir... » (Vincent, Lettres de délation, t. p., p. 43).

Tous les ingrédients de l'émotion (rire, pleurer, ne plus être « intact »), de l'effet « co-spectateur » (« nous »), de l'impact post spectacle (« duquel on ne sort pas ») se retrouvent ici. Toutefois, l'impératif de la clausule, même s'il inclut le scripteur, tend par sa nature prescriptive à atténuer voire abolir la mise à niveau du locuteur et du destinataire. Le thème lui-même (l'Occupation et l'ignominie de la Collaboration et de ses délateurs), fait, de plus, de l'injonction une menace sur la face négative du destinataire. En effet, implicitement, le locuteur fait du lecteur qui n'aurait pas le « courage » de venir au spectacle et de « [se] regarder dans le miroir », un lâche qu'on peut avoir tendance à assimiler aux délateurs mis en scène dans la pièce. Le malaise créé par l'injonction vient, il nous semble, fortement entamer la promesse de plaisir suggérée dans les lignes qui précède. Cependant, lorsqu'on connaît l'ethos de Vincent, on peut supposer que ce côté « grain de sable », offensif voire vindicatif, n'est pas une maladresse et que l'entorse faite au discours promotionnel (qui cherche habituellement à caresser son destinataire « dans le sens du poil ») a une raison idéologique, sans doute liée au contexte politique ornais.

Une autre technique d'écriture visant à établir le lecteur en spectateur ressentant est usitée par les rédacteurs de l'ODC. Plus indirecte, elle décrit les réactions du public sans inclure le destinataire. Le spectacle est alors la promesse d'un plaisir qu'on ne vit pas encore fictivement mais que d'autres ont déjà connu, groupe heureux auquel le lecteur pourra peut-être appartenir. Le plus souvent, ce sont les expressions « le public » ou « la salle » qui sont employées :

« Les fringants et fougueux comédiens [...] font des grimaces et semblent s'amuser autant que leur public. Cette vivacité et cette jeunesse sont communicatives. » (Jacques, Les Fourberies de Scapin, t. p., p. 37)

« Le public assiste alors, amusé ou attendri, au récit de leurs aventures (leur rencontre, un bal, une fameuse partie de pêche), complice et acteur d'un spectacle qui nous plonge dans l'univers revigorant des clowns. » (David, Félix et Filomène, j. p., annexe n° 5).

Dans ce cas, les termes appartenant au lexique des émotions et des sentiments ne se distinguent pas nettement des éléments du spectacle décrits. Tout se passe comme si le rédacteur mettaient sur le même plan le spectacle (avec son énergie -« vivacité », ses anecdotes -« une fameuse partie de pêche ») et les réactions ou l'effet sur le public (« amusé», « attendri », « complice ») dans un panorama descriptif englobant la scène et la salle. On peut même, sans invoquer Brecht, parler d'abolition de la frontière entre les comédiens et le public lorsque les rédacteurs soulignent les échanges voire l'unité de sentiment entre les deux entités au moyen d'une expression comparative : « Les [...] comédiens semblent s'amuser autant que leur public », ou de termes signifiant l'échange, la communion d'esprit : «  Cette vivacité et cette jeunesse sont communicatives », «[un public] complice et acteur d'un spectacle qui nous plonge dans l'univers revigorant des clowns. » Ainsi, là encore, s'interpénètrent l'argument de type desription-cadrage et l'argument de communauté autour de « valeurs » comme l'amusement, la vivacité ou la jeunesse.

12. Les évaluatifs de comparaison dans les TPC

Les évaluatifs de comparaison, remarquables par leur graduabilité, caractérisent quantitativement et qualitativement un objet et témoignent souvent d'un jugement de valeur implicite ou suggéré. Dans les critiques journalistiques comme dans les TPC, ces évaluatifs prennent souvent la forme de ce que Sophie Moirand appelle la comparaison-référence: «Présenter un nouveau livre, un nouveau film ou un nouveau disque dans un journal, c'est le «distinguer» de l'ensemble des livres ou des films qui constituent «l'univers partagé» du critique et des lecteurs mais c'est aussi le classer dans des sous-catégories connues ou présupposées telles.» Ainsi c'est parfois par une « comparaison à l'intérieur de la catégorie »64(*) que s'énonce l'évaluation. Sophie Moirand en propose un exemple extrait d'une critique journalistique culturelle que l'on pourrait tout à fait lire dans un TPC : «De cette nouvelle école, c'est de loin, le plus achevé, le plus sympathique, le plus ébouriffant».

Vincent use de ce type d'évaluatifs de comparaison graduables pour, tout à la fois, présenter et mettre en valeur la comédienne Marie-Christine Barrault et le chanteur auteur-compositeur Renan Luce :

« [...] cette pièce offre un rôle en or à une femme talentueuse : Marie-Christine Barrault. Une des comédiennes les plus douées de sa génération et dont la trajectoire depuis près de quarante ans est un exemple pour beaucoup. » (Vincent, Opening night, t. p., p. 10)

« Ses textes, finement écrits, sont une succession d'histoires douces et amusantes et sont peuplés de personnages hauts en couleur. Il y a du Brassens. Du Fersen. Ou tout simplement du Renan Luce tant il est rare de découvrir chez un artiste de cet âge là un univers autant affirmé et différent de ceux que l'on côtoient habituellement. » (Vincent, Renan Luce, t. p., p. 16)

Ces comparaisons-référence, qui constituent donc une des armes favorites de l'arsenal descriptif commun aux journalistes et aux communicants culturels, sont pratiques (d'aucuns diraient faciles), notamment pour présenter un artiste peu connu du grand public.

On sait en revanche qu'elles sont diversement appréciées des artistes. La référence, par exemple, à Georges Brassens, pour décrire l'univers d'un jeune auteur-compositeur français, est, certes, élogieuse. Mais elle peut être ressentie par l'artiste comme un héritage encombrant voire comme un étiquetage un peu stéréotypé.

Ainsi, nous ne devons pas oublier que, du point de vue de la réception, l'artiste est, après le public, un destinataire second du texte et que, même si son statut de lecteur est plus qu'incertain (surtout lorsque le texte provient d'un tout petit « média » provincial...), il occupe une place essentielle dans l'imaginaire du rédacteur culturel. Ainsi la comparaison-référence, même élogieuse, peut être envisagée, comme menace, sous l'angle de la théorie des faces, dans le rapport rédacteur / artiste.

13. Quand la comparaison s'appuie sur un effet de dévalorisation

Dans les deux cas précités, l'éloge passe par une comparaison qui est à la fois gratifiante pour l'artiste promu et dévalorisante (implicitement dans le premier cas, explicitement dans le second) pour les artistes à qui on les compare. Ainsi il est intéressant de noter que le compliment formulé soit par un superlatif relatif (« Une des comédiennes les plus douées de sa génération ») soit par une comparaison-référence méliorative (« Il y a du Brassens. Du Fersen. ») est renforcé par un jugement plus ou moins vindicatif à l'encontre des membres de ce que Sophie Moirand appelle les « sous-catégories »65(*), ici celles des comédiennes d'expérience et des jeunes auteurs-compositeurs. Cette « négativité » dans le jugement ( au service, certes, d'une évaluation qui se veut prioritairement positive) tire ces deux TPC de Vincent du côté de la critique puisqu'elle témoigne d'une certaine liberté de ton qui semblent les affranchir de leur vocation promotionnelle. Notons, cependant, que l'allusion, plus ou moins acerbe, n'est pas nominale, contrairement à ce qu'elle pourrait être dans une critique journalistique et que la publicité recourt également, en France, à ce type de jugement négatif vis-à-vis d'un concurrence toujours laissée, réglementation oblige, dans l'indétermination et l'anonymat.

14. Evaluatif comparatif et « univers partagé »

On trouve dans les textes de Vincent d'autres évaluatifs de comparaison qui situent l'artiste promu dans l' « univers partagé » du rédacteur et du lecteur.

« C'est un immense plaisir d'accueillir cette année l'un des plus grands pianistes du tango argentin : Juan Carlos Caceres » (Vincent, Juan Carlos Caceres, t. p., p. 15)

« Flavio Boltro est sans conteste l'un des plus grands trompettistes européens actuels. » (Vincent, Flavio Boltro & Frank Woeste, t. p., p. 12)

Il s'agit encore de superlatifs relatifs qui expriment un point de vue positif par rapport à une catégorie artistique (celle des pianistes de tango et celle des trompettistes européens de jazz), cette fois, sans être doublés par un jugement explicitement négatif à l'encontre des autres membres de la catégorie.

Cette technique combine deux types d' « arguments » si on l'analyse au moyen de la classification de Philippe Breton66(*) : d'abord, l'argument dit de « cadrage » avec à la fois la « définition-présentation » d'une catégorie artistique et la « dissociation », l'artiste promu étant extrait de l'ensemble ; ensuite, l' « argument d'autorité » puisque cette dissociation s'opère dans le sens d'une hiérarchisation qui suppose un jugement émanant d'un locuteur qui tire sa légitimité de sa « compétence ».67(*)

Sous la plume de Jacques, l'évaluatif de comparaison insiste sur le caractère consensuel de la réception du spectacle. Pour cela, il recourt à un comparatif d'égalité et manie l'implicite :

« [Neapolis Ensemble] obtient toujours de grands succès aussi bien auprès du public que de la critique ». (Jacques, Neapolis ensemble, t. p., p. 14)

Ainsi l'ensemble vocal italien est présenté comme susceptible de plaire au grand public (supposé indifférent aux jugements de la critique culturelle journalistique) comme au spectateur plus averti (qui, lui, suivrait son avis).

La comparaison dans les TPC peut évidemment être construite sans le recours à une tournure comparative graduable (comparatif de supériorité, d'infériorité ou d'égalité). Le rapprochement entre deux artistes, deux spectacles, deux catégories ou sous-catégories esthétiques, peut être réalisé sur le mode de l'allusion à un artiste-référence ou par une simple comparaison:

« Le cuivre conquérant de cet italien de Paris fait des étincelles dans une esthétique « Miles Davis » sous vitamines C. » (Vincent, Flavio Boltro & Franck Woeste, t. p., p. 12)

« Les frères Léon, comme les petits héros de la série anglaise L'autobus à impériale (so seventies !), ont cette chance. » (David, L'araignée du soir, j. p., annexe n° 10)

« Agnès Limbos, extraordinaire comédienne souvent comparée à Raymond Devos pour son goût des mots et de l'absurde, adapte très librement la figure du Vilain petit canard chère à Andersen » (David, Dégage, petit ! j. p., annexe n°3)

Dans la première de ces trois citations, les guillemets semblent utilisées pour justifier la licence de l'emploi adjectivé du nom propre Miles Davis, servant ici à caractériser l' « esthétique » de Flavio Boltro. Ainsi « Miles Davis » n'est plus seulement un musicien mais un genre, une catégorie du jazz. De manière plus classique, les deux autres comparaisons usent d'un outil établissant le lien entre le comparé et le comparant . La préposition « comme » ou la tournure adjectivale « comparée à » permet, tout à la fois, d'introduire une comparaison qui décrit le spectacle ou l'artiste dont il est question (univers de l'absurde et jeux de mots pour Limbos / Devos, gamins intrépides et bric-à-brac favorisant l'imaginaire pour Les Frères Léon / L'autobus à impériale) et, dans le même temps, valorise ce spectacle ou cet artiste, si l'on suppose acquis l' « univers partagé » entre le rédacteur et le lecteur. Cet « univers partagé » est affaire de connaissance mais aussi de goût. La stratégie comporte donc un risque. En l'occurrence, si le rapprochement entre Agnès Limbos et l'univers de Raymond Devos (mentionné dans le dossier de presse que j'avais à ma disposition) est peu sujet à caution en matière d'adhésion (Devos est connu du grand public et généralement apprécié des amateurs d'humour), j'ai hésité à recourir à la comparaison entre Les Frères Léon et la série anglaise L'autobus à impériale qui m'a pourtant également été « soufflée » par le dossier de presse. Hésitation parce que la référence, parlant, peut-être, à une génération restreinte de téléspectateurs (les enfants des années 70 et du début des années 80), pouvait ne pas être comprise par tous. Finalement, le plaisir nostalgique du rédacteur l'a emporté, le choix de la comparaison se justifiant aussi par la prise en compte, peut-être erronée, du destinataire. En effet, le poster jeune public, avant d'être éventuellement vu et lu par les enfants et leur famille, a eu, pour premier destinataire, les enseignants du primaire que j'ai spontanément projetés, au moment de l'écriture, comme des gens de ma génération pouvant apprécier la référence. Or, avec le recul, je devine que certains (parmi les plus âgés mais aussi parmi les plus jeunes...) n'ont pu la comprendre. Ainsi l'« argument de communauté » peut toucher un public ciblé voire très ciblé et ne pas s'adresser au plus grand nombre. S'il a peu d'incidence dans une communication à portée et à budget limités comme celle de l'ODC, on peut dire que le choix d'une communication « communautaire » est, cependant, toujours une prise de risque.

15. Les évaluatifs contextuels dans les TPC

Les évaluatifs contextuels sont des termes objectifs du point de vue de la dénotation mais qui peuvent, en contexte, devenir appréciatifs68(*). Avant de les analyser dans les sous-parties 16 à 19, nous citons quatre fragments comportant des termes (plus ou moins) neutres qui, en contexte, témoignent donc d'un jugement:

« Utopia, un disque soyeux » (Vincent, Juan Carlos Caceres, t. p., p. 15)

« De formation classique, [Franck Woeste] rafle un nombre impressionnant de prix dans différents conservatoires et concours internationaux. » (Vincent, Flavio Boltro & Franck Woeste, t. p., p. 12)

« [Le Neapolis Ensemble] se produit dans les cadres les plus divers : théâtres, centres culturels, festivals, églises, avec ou sans sonorisation. Cette polyvalence fait du Neapolis le groupe « populaire » par excellence. » (Jacques, Neapolis Ensemble, t. p., p. 14)

« Le cuivre conquérant de cet italien de Paris fait des étincelles dans une esthétique « Miles Davis » sous vitamines C. » (Vincent, Flavio Boltro & Franck Woeste, t. p., p. 12)

16. Le cas étrange d'un évaluatif axiologique et contextuel

Commençons notre analyse par le commentaire d'une occurrence atypique. L'adjectif « soyeux » qui, presque toujours est porteur de connotations positives (une étoffe, des cheveux, un pelage soyeux...) parce que le soyeux est une caractéristique descriptive induisant un plaisir sensoriel, pose la question de la frontière parfois poreuse entre évaluatif axiologique et évaluatif contextuel. Dans le passage cité, l'adjectif « soyeux » est intéressant à double titre. En effet, mélioratif (donc axiologique), dans l'expression de Vincent, il peut, plus rarement, dans un autre contexte, être neutre lorsqu'il ne désigne que ce qui est relatif à la soie. Ainsi, Le Petit Robert nous apprend, par exemple, qu'un « soyeux » pouvait désigner, à Lyon, un industriel de la soie. Dans l'usage qu'en fait le rédacteur de l'ODC, le mot « soyeux » reste positif par nature et serait rangé, dans la classification modale aristotélicienne, dans la sous-catégorie axiologique de l'hédonique. Mais c'est par un emploi métonymique inhabituel, par une sorte de recontextualisation qui rappelle la théorie des correspondances rendue célèbre par Baudelaire, qu'il acquiert sa force évaluative, devenant, serait-on tenté de dire, « hypermélioratif». En appliquant une sensation tactile (« soyeux ») à un objet (« un disque ») qui, communément, ressortit au domaine de l'auditif, le rédacteur fait oeuvre de stylisticien, invente, surprend, en enrichissant la palette des évaluatifs : « soyeux » est donc ici tout à la fois un évaluatif par nature (axiologique) et un évaluatif contextuel puisque, c'est bien son emploi marginal, qui lui donne toute sa richesse sémantique et poétique.

17. L'évaluatif contextuel, une arme à double tranchant

Contrairement à l'adjectif « soyeux » qui trouble quelque peu la catégorisation des évaluatifs, le deuxième extrait précité est clairement a rangé dans la classe des évaluatifs contextuels. Il est toutefois intéressant parce que le jugement positif est globalement formulé de manière indirecte (à l'exception de l'adjectif « impressionnant » -« un nombre impressionnant de prix », qui traduit un jugement de la part du locuteur), comme s'il s'agissait d'un simple constat, d'une description. Or, l'évocation des « prix » reçus par le jazzman Franck Woeste dans les « conservatoires » et « concours internationaux » participe bien de l'écriture de l'éloge propre au TPC mais aussi à la publicité ou à la critique journalistique lorsqu'elle est positive. Ainsi se superposent l'« argument de cadrage » avec une définition-présentation censément objective et l' « argument d'autorité »69(*) qui ne tient plus ici à la compétence du locuteur mais à une compétence déléguée à laquelle on se réfère, celle des « conservatoires » et « concours ».

Remarquons toutefois, avec, Sophie Moirand que ce type d'évaluation « pren[d] des valeurs différentes qui tiennent aux conditions sociales de la représentation»70(*). Ainsi de la même façon que l'adjectif « didactique » peut être neutre dans le jargon de l'enseignement, il peut, en contexte, être connoté négativement : « Le ministre s'est lancé dans un exposé très didactique sur les mérites de la baisse des impôts ». Ici, les marques de reconnaissances institutionnelles et internationales obtenues par le jazzman peuvent être reçus par le destinataire comme autant de signes de sa valeur (c'est l'effet recherché par Vincent) mais peuvent peut-être, à l'inverse, pour certains amateurs de jazz ou pour un public profane, être mal perçus et considérés comme les marques d'un académisme, d'un certain conformisme, d'un « ronron » institutionnel synonyme d'ennui.

18. Petit décryptage de l'inconscient scriptorial autour du mot « populaire »

De même l'adjectif « populaire » dans le TPC de Jacques, est contextuellement positif. Le Neapolis Ensemble, en raison, de son adaptabilité aux conditions matérielles de la représentation (« théâtres, centres culturels, églises »), serait (un peu curieusement) « le groupe « populaire » par excellence ». Les guillemets utilisés par le rédacteur témoignent d'une certaine précaution dans l'emploi de l'adjectif. Non que Jacques craignent une incompréhension du public et la lecture du terme dans son acception évaluative strictement négative que l'on trouve, par exemple, dans une phrase telle : « Tenues tapageuses, parler et allures populaires, tout chez cette femme indique la poissarde ». La précaution tient, à notre avis, plutôt, à l'évolution historique du mot et nous semble révélateur de ce que l'on peut appeler « l'inconscient du texte », sorte de carrefour au centre duquel on trouve évidemment le scripteur mais traversé par les attentes du lecteur qu'il projette (ou plus exactement, on le verra, des lecteurs), traversé aussi par les aspirations et les défiances du social sous l'oeil duquel il écrit.

Aujourd'hui l'adjectif « populaire » a perdu son sens totalement neutre de « relatif au peuple ». D'un point de vue général, il s'est idéologisé et réfère toujours à la pensée marxiste, c'est-à-dire à l'opposition entre classes dominantes et classes dominées (ex : soulèvement populaire, république populaire, etc.). Appliqué à la culture, le terme peut avoir trois acceptions, parfois contradictoires : la première, positive mais plutôt oubliée, renvoie aux initiatives publiques pour rendre accessible à tous la culture (multiplication des bibliothèques, création des MJC, tarifs préférentiels ou gratuité des musées). Les ministres Malraux, dans les années 60, et Lang, dans les années 80, l'employaient dans ce sens. La seconde a un sens anthropologique que l'on retrouve dans l'expression « art populaire », l'adjectif concurrençant fortement l'anglicisme « folklorique » devenu aujourd'hui plutôt péjoratif. Mais « populaire » signifie aussi, en matière de culture, « de piètre qualité », « peu exigeant » voire « racoleur ». Ce dernier sens ne peut qu'être rejeté par la nature même du groupe vocal italien devant se produire à Domfront. Le Neapolis Ensemble interprète, en effet, sur scène les chants et les danses du répertoire traditionnel napolitain (« chants, villanelles et tarentelles nous entraînent au coeur d'une ville mythique [...] » ) qui ont peu de choses à voir avec la culture de masse.

Il semble que la précaution induite par les guillemets rejettent ou atténuent, plus ou moins consciemment dans l'esprit du locuteur, certaines de ces significations et que l'adaptabilité du groupe à tous les types de scènes soient, en quelque sorte, un faux- semblant, une justification qui en cache d'autres comme si l'on ne voulait pas tout dire explicitement au lecteur ou du moins à tous les lecteurs.

Dominique Mainguenau parle de « lecteur modèle »71(*), ce lecteur idéal que l'on projette quand on écrit et qui diffère du « lecteur empirique » ou effectif. Or, Jacques donne un peu l'impression dans ce TPC de ne pas avoir trouvé son « lecteur modèle », comme si ce qu'il écrivait était déjà remis en cause par des lecteurs empiriques plus ou moins bienveillants.

Tentons ici un décryptage et commençons par admettre (soit) que le Neapolis Ensemble est « populaire » parce qu'il peut se produire partout ; ceci posé, les guillemets préviennent également le lecteur que « populaire » ne veut pas dire ici vulgaire ou racoleur . « Populaire », en revanche, le Neapolis Ensemble l'est parce qu'il est dépositaire d'une tradition et que le rédacteur sait qu'une certaine frange du public n'aime pas le folklore, d'où l'usage des guillemets comme atténuateurs sémantiques, équivalents bien connus d'un « si l'on peut dire » ou d'un « si vous me passez l'expression ». Enfin le groupe est aussi « populaire » idéologiquement parce que, comme l'écrit Jacques à la fin de son texte, la musique qu'il propose « peut accompagner les luttes politiques et sociales mais aussi la vie de tous les jours pour la rendre plus légère ». Ce sens politique, les guillemets et la justification leurre, le mettent à distance, peut-être parce que, inconsciemment, le rédacteur compose avec le fait que, politiquement, le département de l'Orne (Alençon et quelques petites villes exceptées), mais aussi les élus qui siègent au Conseil d'administration de l'ODC sont globalement conservateurs et assez peu enclins aux «  luttes politiques et sociales »72(*).

19. Des évaluatifs contextuels qui font sens en chaîne

La citation (déjà exploitée) de Vincent extraite de son TPC Flavio Boltro & Franck Woeste nous amène à considérer comment les évaluatifs contextuels peuvent opérer en chaîne, l'un appelant l'autre et constituant un champ lexical qui traverse l'énoncé : « Le cuivre conquérant de cet italien de Paris fait des étincelles dans une esthétique « Miles Davis » sous vitamines C. » Les qualificatifs « conquérant » et « sous vitamine C » peuvent, dans un autre contexte (discours d'un historien, prescription d'un médecin), être neutres, « conquérant » pouvant, par ailleurs, aussi bien être dépréciatif, par exemple dans une conversation sur la colonisation ou mélioratif dans le cas d'un texte littéraire épique. « Conquérant », « sous vitamine C » sont des évaluatifs contextuels qui interagissent, dans l'énoncé, avec l'expression stéréotypée « faire des étincelles » qui, selon le Petit Robert, signifie « réussir brillamment » et serait donc un évaluatif axiologique positif.

Toutefois la locution verbale figée « faire des étincelles » ne se restreint pas à cette signification. Le rédacteur mobilise en effet plusieurs strates de ce même signifié. Vincent y recourt en jouant à la fois sur son sens figuré (« réussir brillamment ») et sur son sens propre (faire jaillir des « parcelles incandescentes »). Ce sens propre est, dans la phrase, appelé par la proximité du mot « cuivre » qui, sémantiquement construit sur une synecdoque, désigne un instrument de musique où la lumière se réfracte et, à un second niveau, le métal dont il est fait et que l'on travaille grâce au feu.

Ainsi les trois expressions (« conquérant », « faire des étincelles », « sous vitamine C »), utilisées en synergie, génèrent une impression de dynamisme qui décrit une qualité des artistes promus et, implicitement, une promesse de plaisir pour le futur spectateur. Accessoirement, rappelons que le dynamisme est une marque constitutive de l'écriture de Vincent mais qu'elle se retrouve aussi chez d'autres rédacteurs73(*).

20. Evaluatifs contextuels et norme cognitive du locuteur

Les évaluatifs contextuels peuvent jouer leur rôle de manière moins explicite, plus insinuante, sans qu'il soient pour autant moins efficaces. On pourrait dire de concert avec Sophie Moirand que certains mots « ne prennent une valeur évaluative que par référence à une norme que le locuteur possède dans sa structure cognitive (norme par rapport à lui-même, par rapport à la catégorie de l'objet) et à laquelle il compare implicitement ou explicitement les objets de ses évaluations»74(*). Dans l'extrait de TPC qui suit, en gras, de nombreuses références au nomadisme se mêlent à des termes participant d'un éloge tacite du cosmopolitisme :

«  Titi Robin est un véritable nomade. Il est en perpétuel mouvement tant dans sa vie que dans ses expériences artistiques. Sa musique ? Nourrie par les esthétiques gitanes, arabes, méditerranéennes et orientales, ces disques se veulent universels. [...] Porté également par l'aérien et excellent percussionniste brésilien Ze Luis Nascimento, et par Francis Varis, fidèle compagnon de route du guitariste angevin, cette formation nous emmène dans une atmosphère de transe au pays imaginaire et sans frontières de Thierry « Titi » Robin. » (Vincent, Thierry «Titi» Robin, t. p., p. 11)

La « norme » que Vincent « possède dans sa structure cognitive » correspond clairement à l'idée que la culture ne peut se concevoir que dans l'ouverture à l'autre, le brassage de toutes les différences et richesses musicales. Cette vision universaliste de la culture est implicitement comparée et opposée à une conception plus étroite, soit franco-française soit régionaliste du culturel, comme c'était majoritairement le cas à la création de l'ODC. Ici, la présence de nombreux termes allant dans le sens du métissage culturel n'apparaît, en raison même de leur abondance, pas fortuite, inconsciente. Au point que l'on peut se demander si la description ne dépasse pas la seule promotion, particulière, du spectacle de Titi Robin mais s'érige, comme le ferait un journaliste dans une critique culturelle, en une sorte de plaidoyer, général, en faveur d'une musique aux influences multiples. Ainsi, pour conclure dans les termes employés par Philippe Breton, le « cadrage », la description sans jugement explicite, vise en fait à toucher le destinataire sur la base de « valeurs »75(*) humanistes partagées par le locuteur et ses lecteurs ; ces derniers étant projetés implicitement par le discours, sans adresse directe ni prescription, comme adhérant nécessairement à la programmation universaliste de l'ODC.

21. La « neutralité méliorative » ou l'influence tacite du discours promotionnel sur la description

Sophie Moirand remarque, notamment à travers l'analyse d'extraits de catalogues de tourisme que «certains termes évaluatifs (appréciations positives) contaminent les termes «neutres» (expressions descriptives) lorsque la visée communicative sous-jacente consiste à valoriser le produit qu'on propose»76(*). Dans le TPC qui suit, à nette dominante descriptive, les cinq évaluatifs axiologiques (soulignés) sont minoritaires. Toutefois les termes neutres (uniquement en gras) subissent bien leur influence ainsi que celle de l'objet culturel décrit (la culture et les femmes cambodgiennes ou plus largement asiatiques). Ce dernier opère en tant que «  représentation supposée partagée » par le locuteur et son lecteur projeté ou « modèle » :

« Egalement ouvert sur la modernité, le Cabaret des Oiseaux propose un spectacle où évoluent les principaux personnages du panthéon mythologique et chorégraphique khmer : prince séducteur, princesses séduites, sage ermite, monstres gigantesques et démoniaques, tous incarnés par six danseuses, au moyen d'un vocabulaire gestuel, gracieux et évocateur, de 3500 expressions. Jambes à demi fléchies comme pour puiser la force du sol, doigts tendus, parées de soies précieuses, de bracelets aux formes serpentines et de casques dorés, ces héritières des envoûtantes danseuses apsaras (représentées sur les bas-reliefs du temple d'Angkor) fascinent les spectateurs occidentaux tant par leur étrangeté mystique que par la beauté des chorégraphies(David, L'Epopée du prince Preah Chenvong, t. p., p. 13 - annexe n° 20)

Constatons d'abord, avant de nous intéresser à l'influence de l'évaluation sur la description que la mise en avant de la « modernité » (terme a priori neutre mais certainement plus fréquemment positif) a pour but de prévenir le préjugé négatif pouvant être attaché à un spectacle perçu, à l'instar de celui du Neapolis Ensemble, comme folklorique.

La description des danseuses, de leurs postures, de leurs parures, l'évocation de l'origine sacrée de ces chorégraphies, le thème de la séduction, du merveilleux et la représentation du spectateur occidental « fasciné » composent un cocktail descriptif où s'allient, étrangeté, érotisme doux et mysticité. Ainsi si cinq termes évaluatifs sont présents dans le texte, (mais de manière plus concentrée dans sa clausule), on peut se demander si la simple description, un peu datée, de la mystérieuse Asie (on pense un peu à la découverte par le grand public des civilisations exotiques avec les premières Expositions universelles du XIXe siècle) ne suffirait pas à promouvoir le spectacle. On acquiescera ainsi aux propos de Sophie Moirand lorsqu'elle écrit que «choisir de désigner un objet, choisir de caractériser une personne par tel mot plutôt que par un autre constitue déjà une forme d'évaluation». On souscrira aussi à la pertinence de ses commentaires lorsqu'elle affirme que ««mettre en texte» un objet, une personne, ce qui se passe dans la réalité, implique une activité de perception, et donc d'interprétation. En quelque sorte, il y aurait toujours une évaluation implicite, puisqu'il s'agit d'une «représentation» verbale que le locuteur donne à l'autre»77(*).

Notre TPC sur le spectacle de la Cie Cabaret des oiseaux (comme celui de Vincent sur Thierry « Titi » Robin étudié dans la sous-partie n°20), parce qu'il mêle évaluation explicite et évaluation implicite, nous semble à la frontière entre ce que nous avons appelé modalisation méliorative et modalisation persuasive. C'est cette dernière que l'on va maintenant définir à l'ouverture de la troisième partie de ce mémoire qui lui sera consacrée.

III La modalisation persuasive ou la tentation de la littérature

1. Pour une définition de la modalisation persuasive

Le TPC, par nature promotionnel, contient, on l'a vu, le plus souvent, des termes appréciatifs positifs. Cependant la modalisation méliorative peut être aussi mesurée voire absente. Ceci pour ne pas lasser et afin que le domaine culturel se démarque clairement de l'univers commercial et des stratégies incitatives employées par le discours du marketing. Sophie Moirand explique que le positionnement ou l'effacement du scripteur participe de stratégies de communication78(*). Or, si la disparition des marques ostensibles du discours promotionnel caractérise certains TPC, il n'en reste pas moins que la fin, pragmatique, reste la même et que d'autres stratégies, sous-jacentes, sont développées pour inciter les gens à se rendre au spectacle ou à l'exposition. Dans ces textes, les indices de la position de l'énonciateur face à son discours, à l'objet de son discours, à son destinataire, sont certes peu voyants mais cet apparent «effacement » de la modalisation (en fait jamais tout à fait possible) est bel et bien une stratégie. Il regarde pleinement le rapport entre scripteur, énoncé et lectorat et donc la question de la modalisation.

Ainsi la modalisation persuasive peut-elle être définie comme une tentative de séduction à travers une écriture qui rejette les marques trop directes du discours promotionnel (apostrophe, injonction, présence exclusive de termes axiologiques) au profit d'une rédaction inspirée par le modèle littéraire, recourant volontiers (comme c'est le cas dans l'extrait de TPC promouvant le spectacle de danse cambodgienne analysé plus haut), à la description, aux jeux de mots et de rythmes ou utilisant, ainsi qu'on le verra, des formes narratives parfois proches ou inspirées du modèle littéraire romanesque.

Le TPC recourant à la modalisation persuasive continue d'informer (le docere de la rhétorique classique demeure donc) mais déporte la notion de plaisir (le placere). Le texte ne contient pas seulement (voire plus du tout) une promesse de plaisir, il cherche lui-même à une être un objet plaisant. On pourrait alors arguer que la manifestation culturelle n'est plus que prétexte à exercice de style. Or, ce type de technique incitative où le style mais aussi l'emprunt à des formes littéraires, les mots d'esprit, les clins d'oeil, sont nombreux, continue, à notre avis, d'être efficace d'un point de vue promotionnel. Tout se passe alors comme si le TPC oeuvrait indirectement à la promotion du spectacle. Cette promotion indirecte pourrait être résumée, grossièrement, par une formule cliché empruntée (justement !) au discours promotionnel : « vous avez aimé le TPC, alors vous aimerez le spectacle qu'il promeut. » On peut aussi user pour définir ce type de technique d'une métaphore : la modalisation persuasive fonctionnerait un peu à la manière d'une bande annonce au cinéma qui prélève des fragments du film promu mais constitue un objet de discours à part entière. Un film sur le film qui n'est pas à proprement parler un résumé et tient même parfois un propos assez différent de celui dont il doit faire la promotion.

2. Le TPC ou la persuasion par la connivence culturelle

Dans certains textes des Saisons 2007-08, on trouve des références culturelles qui n'ont pas, contrairement aux cas étudiés dans notre partie sur la modalisation méliorative, pour principale fonction de caractériser le spectacle79(*) mais servent surtout à instituer un certain degré de connivence entre le locuteur et le destinataire. Or, c'est de ce même territoire commun dont a besoin le discours littéraire pour qu'un échange puisse exister.

Ces références qui reposent sur un univers partagé que l'on pourrait appeler le culturel, tentent de mettre sur un pied d'égalité scripteur et lecteur autour d'un point de connaissance. Le « culturel », dans les TPC, peut être spécifique au champ artistique ; il est aussi à entendre, dans un sens plus large, et peut renvoyer à ce que l'on a coutume d'appeler la culture générale.

Il peut s'agir, comme dans la phrase qui suit (par ailleurs peu marquée par des effets littéraires), de supposer connu le succès d'un film tiré d'une oeuvre littéraire qui, elle-même, a marqué l'univers culturel :

«  Ce livre a d'ailleurs donné naissance au film de Polanski avec le succès que l'on sait ». (Martine, Le Pianiste, t. p., p. 9)

C'est en pariant sur la dynamique, connue par le destinataire, d'un succès en chaîne que Martine cherche, indirectement, à promouvoir le concert de musique classique que ces deux précédents avatars ont inspiré. « Vous comme moi savons que Le Pianiste et ses adaptations constituent des oeuvres fortes » semble ainsi écrire la directrice de l'ODC. Et l'on pourrait prolonger le décodage de l'implicite, c'est-à-dire des interstices où se loge le discours littéraire (et parfois le discours publicitaire), en prêtant à sa conscience ces mots : « Je n'ai donc pas besoin de déployer l'habituel éventail du discours promotionnel pour vous enjoindre de vous rendre au concert. »

3. TPC et allusions intertextuelles

La connivence culturelle sur laquelle repose la modalisation persuasive se manifeste parfois à travers des allusions intertextuelles. C'est le cas dans le TPC que j'ai écrit sur le spectacle jeune public La berce oreille:

« Dans neuf mois, HomHom va être papa ! Heureux et bouleversé, son enfance remonte à la surface et charrie avec elle, vaguement, imparfaitement, la chanson douce que lui chantait sa maman... Mais comment s'en souvenir vraiment ? » (David, La berce oreille, j.p., annexe n° 6)

Le clin d'oeil à la célèbre chanson d'Henri Salvador est ici transparent. La citation, tellement connue qu'elle n'a pas besoin des guillemets pour être identifiée comme telle, fait partie d'un patrimoine culturel collectif. Elle s'est imposée à moi comme une référence incontournable, cette petite pièce ayant en effet pour thème le voyage autour du monde d'un homme en quête de la chanson qui a bercé sa petite enfance. La référence m'est même apparue comme une sorte d'inconscient sur lequel aurait été bâti le spectacle (même si la citation n'apparaissait pas dans le dossier de presse mis à ma disposition). J'ai, par l'écriture, réalisé une opération que Dominique Mainguenau désigne, en des termes simples, comme le fait de mettre «des énoncés sur d'autres énoncés». L'objectif est, selon lui, d'«accrocher le lecteur en faisant percevoir deux énoncés en un, tout en mettant en évidence un ethos ludique»80(*). Effectivement, même si le texte est emprunt d'émotion (« heureux », « bouleversé »), de nostalgie voire d'un vocabulaire d'inspiration psychanalytique (« son enfance remonte à la surface et charrie [...] »), la citation de la chanson d'Henri Salvador, sans guillemets, est bien ludique, apparaît comme un jeu de connivence entre le scripteur et son lecteur, un clin d'oeil complice et amusé qui vise à séduire. Implicitement, la référence semble vouloir dire au destinataire : « ces mots ne sont pas les miens, vous le savez, et vous les avez sans peine reconnus puisqu'ils sont aujourd'hui à tous ».

D'autres allusions intertextuelles provenant du discours littéraire, moins connues, moins fédératrices mais toujours formulées avec l'esprit ludique dont parle Mainguenau, sont utilisées par le rédacteur. D'abord parce qu'elles sont des formules toutes faites (préfabriquées mais de qualité), commodes car permettant parfois de surmonter une difficulté de formulation. Convoquées aussi parce qu'elles sonnent bien à l'oreille, ces allusions intertextuelles apportent à celui qui les emprunte (sachant qu'elles toucheront sûrement moins de lecteurs) une sorte de petit plaisir personnel ou partagé avec un petit nombre. L'ethos ludique repose alors non sur le fait de mettre « un énoncé sur un autre énoncé » mais plutôt de dissimuler un énoncé derrière un autre et d'en laisser la décryptage à la sagacité du destinataire. C'est ainsi, par exemple, qu'on retrouve dans la phrase « Quelle bande de joyeux garnements n'a pas rêvé d'avoir rien que pour elle un vieux hangar tout plein de vieilleries ? », extraite de mon TPC sur L'araignée du soir (annexe n° 10), un emprunt plus ou moins discret, au célèbre vers du poème d'Arthur Rimbaud, Le Buffet : « Tout plein, c'est un fouillis de vieilles vieilleries, / De linges odorants [...] ».

4. Un cas de connivence culturelle qui repose sur la connaissance du monde contemporain

Jacques, dans son TPC sur Giordano Bruno, joue sensiblement de la même connivence culturelle. Toutefois, la supposée conjonction de point de vue entre scripteur et lecteur fait ici l'économie d'un pronom. L'objectif est d'insister sur la contemporanéité de la pièce promue (et donc de son intérêt) en faisant allusion, de manière implicite et peu précise, non au domaine artistique mais à certains aspects de la situation politique mondiale :

«En ce début de millénaire, plus de quatre siècles après la mort de Giordano Bruno (1548-1600), face à toutes les dérives de ce nouveau siècle, il n'est pas inutile de se pencher sur la vie de cet homme hors du commun. Quand débute notre pièce, nous sommes en 1599, Giordano Bruno est enfermé depuis six ans dans la forteresse Saint-Ange, sur les bords du Tibre, à Rome ». (Jacques, Giordano Bruno, t. p., p. 38)

Ici, nous pensons que Jacques cherche habilement à ce que son lecteur fasse le lien entre l'intolérance religieuse dont a été victime l'humaniste Giordano Bruno au XVI ème siècle et celles dont, par exemple, peuvent être victimes aujourd'hui les religieux modérés ou les libres penseurs face aux fanatismes, notamment islamiques. Cependant, le clin d'oeil culturel n'étant pas appuyé, l'émetteur laisse à son lecteur une grande liberté d'interprétation. L'allusion, aux accents quelque peu teintés de « déclinologie » (« face à toutes les dérives de ce nouveau siècle »), offre au destinataire la possibilité de choisir parmi les vertus cardinales que l'on prête au grand homme (le courage, la bonté, le don de soi, le combat pour la vérité et contre l'obscurantisme, etc.) et dont notre époque (les années 2000) se serait détournée. L'indétermination, outre qu'elle permet au scripteur de préserver sa face positive en ne désignant pas, dans un contexte polémique, d'ennemis précis, d'anti-Bruno moderne, inscrit bien l'extrait dans la modalisation persuasive : elle suppose en effet un lecteur complice et actif qui ne fait pas qu'ingérer, que consommer de l'information. Celui-ci doit décrypter l'implicite, se faire une idée du spectacle en mobilisant ses connaissances. Schématiquement, on pourrait dire que contrairement à ce qui se passe avec les modalisations prescriptives et mélioratives, le destinataire développe, lorsque la modalisation persuasive est dominante, de véritables compétences de lecteur, son attention étant sollicitée par des contenus et des formes qui dépassent l'informatif et impliquent, à l'instar de la lecture littéraire, une lecture fine, « entre les lignes », en deçà ou au delà du texte.

5. Connivence culturelle, autobiographie nostalgique et esthétique de la pointe: un fragment de TPC à l'écriture très littéraire

Un autre TPC de Jacques s'appuie sur un effet de connivence culturel et montre bien comment l'écriture promotionnelle peut puiser aux ressources de l'écriture littéraire. Recourant au « nous », le texte adopte un registre nostalgique. Il apparaît aussi subrepticement comme un fragment autobiographique, l'ensemble convergeant vers un effet de chute, une esthétique de la pointe sous la forme d'un jeu de mots.

« Bobet, Robic, Coppi, Anquetil, Pélissier, Hassenforder, Merckx nous rappellent sobrement que le Tour était alors uniquement dépassement de soi. Ils étaient comme nos grands frères modèles et notre jeunesse, avec eux, s'est envolée. Au sommet du Ventoux ? » (Jacques, La Victoire à Ventoux, t. p., p. 42)

On trouve, condensés dans ces trois lignes, un maximum d'effets littéraires qui font du TPC de Jacques un objet plaisant pour lui-même et qui, par ricochet, doivent rendre attrayant le spectacle promu. La longue énumération (sept noms) des grands champions du cyclisme des années 60 et 70, introduit le thème de la nostalgie et participe de l'écriture du souvenir, d'inspiration proustienne, comme si le simple fait de les invoquer, avec leurs sonorités variées, «douces » (Pélissier, Bobet, Coppi), « martiales » (Hassenforder) ou « coupantes » (Robic, Anquetil, Merckx), permettait de les faire remonter à la surface de la mémoire81(*).

La connivence culturelle passe, on l'a dit, par l'emploi du « nous », qui induit un univers supposé partagé. Cet univers est celui du cyclisme professionnel contemporain que l'on oppose à celui des années 60-70. Comme dans le TPC sur Giordano Bruno, Jacques crée cette connivence au moyen d'un sous-entendu : « le Tour était alors uniquement dépassement de soi. » Entre les lignes, on devine une allusion au dopage (qui pourtant existait déjà à l'époque présentée par le rédacteur comme l'âge d'or du cyclisme...) voire aux enjeux financiers, beaucoup plus importants aujourd'hui.

La connivence culturelle se prolonge ensuite par une étonnante confidence aux accents autobiographiques et mélancoliques : « Ils étaient comme nos grands frères modèles et notre jeunesse, avec eux, s'est envolée. » Le TPC dévoile joliment une part intime de l'ethos du scripteur et s'écarte ostensiblement de l'écriture promotionnelle. Jacques s'inscrit dans son texte en homme d'âge mûr, parle de sa jeunesse et des modèles que constituaient pour l'adolescent d'alors les grands champions cyclistes. Il évoque par là-même le passage du temps et le vieillissement (« notre jeunesse, avec eux, s'est envolée »).

Pourtant, bien que très littéraire, ce fragment de TPC fonctionne pleinement, à notre avis, d'un point de vue promotionnel. L'évocation de la jeunesse d'une génération désignée par le « nous » (« nos », « notre ») pourrait être excluante, rejetée par des lecteurs plus jeunes. Or, ce ton très personnel et sensible, inattendu dans un TPC, soulève chez le lecteur une forme d'empathie qui dépasse le clivage générationnel et permet même une identification. Ainsi séduit, une bonne part du lectorat peut se sentir dans la situation d'un potentiel spectateur.

La tournure verbale « s'est envolée » est décisive dans l'écriture de ce fragment. Elle constitue un jeu de mots qui établit un double parallèle autour de l'idée d'envol et d'ascension. Parallèle d'abord, entre la jeunesse révolue du scripteur et l'effacement des noms de ces grands champions sur la scène de l'actualité sportive - le thème de l'ascension pris dans une perspective chrétienne étant renforcé par le fait que nombre de ces champions sont aujourd'hui décédés. Parallèle ensuite, qui repose sur une métaphore répandue dans le discours des commentateurs cyclistes : « s'envoler », c'est, pour un grimpeur, mettre à distance ses adversaires, faire la différence dans l'ascension d'un sommet. Ainsi la jeunesse se serait envolée telle un grimpeur.

Finalement, la mélancolie qui sourd de l'évocation nostalgique est désamorcée grâce à la clausule nominale : « Au sommet du Ventoux ? ». La malice reprend le dessus et la jeunesse n'apparaît plus comme définitivement perdue mais comme protégée par un territoire mythologisé de l'enfance : le sommet du Ventoux. Cette dernière phrase, brève, interrogative, clôt très habilement une écriture personnelle tout en renouant le fil de l'écriture promotionnelle. En effet, cette « pointe », comme on disait aux XVII et XVIII ème siècles (dite aussi, plus savamment, apothèse), ferme le texte par un écho ingénieux au titre de la pièce « La Victoire à Ventoux ». La pointe, qui découle, sans rupture, de l'évocation nostalgique opère comme un clin d'oeil au titre, c'est-à-dire au spectacle à promouvoir, objet premier du texte. La chute rappelle aussi (en creux, c'est-à-dire avec la délicatesse de ne pas le reprendre) le jeu de mots que le titre recèle : la victoire avant tout82(*).

6. Quand le TPC fait entendre sa petite musique

Des jeux de rythme et de sonorités, qui constituent une partie de la matière du texte littéraire, sont repérables dans les TPC. Notons toutefois, d'emblée, que cet aspect musical n'est pas seulement le propre du discours littéraire et que, depuis son origine, le discours publicitaire utilise ces mêmes ressorts, très efficaces pour s'imposer à la conscience des consommateurs et permettre leur mémorisation : songeons, par exemple, à tous les slogans qui se servent de la rime et de l'assonance, (« Barilla. Et l'Italie est là », « Y'a pas d'erreur, c'est Lesieur), de l'allitération (« Monster Munch mieux vaut tous les manger ») ou d'une combinaison des deux (« Vittel, la vitalité est en elle »).

Comme nous venons de le voir dans l'étude du texte de Jacques sur La Victoire à Ventoux, le genre du TPC recherche souvent un effet de chute, lequel est souvent souligné par un jeu sonore ou rythmique. Sylvie Durrer, dans son article paru dans Semen 13 sur le genre du billet journalistique83(*), affirme que le soin accordé à la chute en est une des caractéristiques. A l'appui de sa démonstration, elle cite cette définition qu'elle emprunte à Bernard Dupriez dans Le Gradus (Les Procédés littéraires)84(*) : « Comme les anciens, quelques modernes ont des finales de phrases ou d'alinéa, un soin particulier. Loin de laisser la pensée s'achever conventionnellement, ils en soulignent quelque trait par métaphore ou paradoxe et font sentir l'achèvement de l'ensemble par un rythme à part».

La très courte phrase nominale « Au sommet du Ventoux ? » est remarquable parce qu'elle ferme un texte composé de cinq phrases longues. Plus que son rythme binaire, c'est ce passage du court au long ainsi que le mode interrogatif (avec l'intonation montante qu'il induit) qui « font sentir » ici « l'achèvement de la pensée ». Sémantiquement, la question est, nous l'avons dit, une allusion fine au titre de la pièce et correspond à ce que Dupriez appelle un « trait » ou trait d'esprit.

Le plus souvent, les clausules ne constituent pas, comme dans le TPC de Jacques, une phrase à part entière et ne se détachent donc pas clairement au moyen de la ponctuation. D'un point de vue général, il existe deux types de clausules rythmiques dans les TPC. Nous nous limiterons, pour le premier cas de figure, à un seul exemple. Cet effet «achèvement de la pensée » est donc parfois produit par un rythme ternaire venant conclure une longue phrase que les stylisticiens appelle traditionnellement période:

« Et très vite, la vie de la maison danse en aparté sous les yeux du spectateur, lui révèle ce que seul il est censé entendre : l'existence autour de lui / d'un territoire merveilleux / qu'il ne soupçonnait pas » (David, En aparté, t. p., p. 34, annexe n° 22)

On peut constater, même si l'effet réalisé par le rédacteur est sans doute plus intuitif que calculé, que chacun des membres de la clausule compte 6 ou 7 syllabes. Ainsi le « trait » (l'idée que l'inconnu réside au coeur du connu) est comme rehaussé par la matière mélodique du langage.

Les TPC peuvent s'achever sur un rythme binaire, suivant peut-être en cela une tendance forte du discours télévisuel. Cette chute binaire, certainement enseignée dans les écoles de journalisme, est devenue, par exemple, l'une des marques de fabrique de l'information et des magazines de la chaîne M6 (Zone interdite, Capital). A l'oral, elle se caractérise par un court silence (pouvant agacer...) qui souligne la chute (ex : « des produits ... [pause courte]  pas toujours / de qualité ». A l'écrit, dans les TPC, ce soulignement de la clausule est moins marqué ; d'abord car la virgule qui peut précéder la chute n'est pas nécessairement prise en compte par le destinataire ; ensuite parce que, même observée, la pause textuelle induite par la ponctuation n'équivaut jamais, en durée, au silence oratoire appuyé qui caractérise la mise en valeur de l'apothèse télévisuelle.

Cependant, même moins ostentatoire, le rythme binaire final joue son rôle de soulignement dans de nombreux TPC. Dans les deux exemples qui suivent, la clausule à rythme binaire apporte thématiquement un jugement d'ordre général sur le spectacle (« sans didactisme / ni complaisance ») ou sur l'artiste (« cet artiste / enthousiaste / et généreux »):

« Un spectacle à la croisée des arts, époustouflant de vitalité, qui propose à destination du jeune public une véritable réflexion sur la violence, / sans didactisme / ni complaisance ». (David, Le Garçon aux Sabots, t.p., p. 46, annexe n° 23)

«[...] un moment exceptionnel pour cet artiste  / enthousiaste / et généreux .» (Vincent, Rouda, t. p., p. 8)

Ainsi rythme et généralité du propos concourent concomitamment à signifier au destinataire le caractère conclusif, achevé, de la pensée.

Cependant les jeux rythmiques et sonores, même s'ils nous semblent plus nombreux dans les chutes, sont présents ailleurs dans les TPC.

On trouve par exemple dans le texte promouvant le spectacle de danse contemporaine « Même pas seul » une écriture syncopée, hachée, faite de très courts segments qui peuvent rappeler l'écriture si caractéristique de Marguerite Duras :

« Ils vivent là  / dans un F2, / tout près de la mer. / Mais c'est pas les vacances ,/ non. / C'est leur vie à eux, / ici, / depuis longtemps , / sans enfants, / sans même un chien. » (David, Même pas seul, t. p., p. 23 , annexe n° 24)

Ailleurs, avec le recul, je m'aperçois qu'un effet d'allitération très marqué se déploie dans un de mes textes :

« Et l'on est tout à la fois admiratif et pris de vertige en voyant avec quel talent (et quelle patience !) la sculptrice « recycle » les résidus de l'hyperconsommation, standardisés et ignobles, en oeuvres d'art singulière : [...] » (David, Fabienne Hanteville, t. p., p. 4 , annexe n° 19)

Paradoxalement, la série d'allitération en [s] , manifeste et complétée par quelques [z], nous semble tout à la fois inconsciente (je ne l'ai pas réalisée sciemment) et  motivée, du moins explicable. En effet, c'est parce que le rédacteur a remis sur le métier de nombreuses fois la formulation pour qu'elle sonne bien à son oreille que l'allitération a surgi, née en partie de l'instinct, du travail, de l'association fortuite des mots et des sons, mais aussi d'une musique un peu indistincte qu'il peut avoir en tête au moment où il écrit.

On trouve chez Jacques, par exemple, une allitération, plus réduite, qui, sûrement, ne doit rien au hasard: « Les fringants et fougueux comédiens [...] » (Jacques, Les Fourberies de Scapin, t. p., p. ). L'allitération interpelle ici car elle a quelque chose d'imitatif (on peut penser au bruit du vent) qui s'accorde pleinement avec l'axe thématique choisi par le rédacteur, à savoir l'énergie, la vivacité de la jeune troupe.

D'autres jeux sonores comme cette assonance en [?] dans le TPC sur l'exposition du sculpteur Denis Monfleur sont des choix stylistiques délibérés qui visent à séduire, à charmer l'oreille mais aussi à asseoir, comme si les sons avaient à faire avec la logique, une idée, une jugement :

« Du corps à corps épuisant que livre Denis Monfleur avec le granit émane un souffle qui semble animer son humanité de pierre, partagée entre souffrance et élan, abattement et Espérance. » (David, Denis Monfleur, t. p., p. 50, annexe n° 18)

L'anaphore est aussi employée, par exemple, comme dans la citation qui suit, dans le cadre d'une description-énumération catégorielle de la pièce ; la répétition se trouvant, de plus amplifiée, par un rythme binaire:

« Entre récits du quotidien / et imaginaire collectif, entre contes fantastiques / et légendes urbaines, / Cité Babel raconte les habitants de la Lionderie face à leur destin commun [...]» (Vincent, Cité Babel, t. p., p. 49)

Enfin le rédacteur peut jouer sur le seul signifiant sonore. C'est le cas du cri de ralliement étrange et poétique, extrait du spectacle « Là-haut la lune », dont je me suis servi pour l'ouverture de mon TPC (« « Ohaoy, pitchipitchipoy ! » C'est le mot de passe qui retentit  dans la forêt » - David, Là-haut la lune, j. p., annexe n° 9). De la même façon, le spectacle musical Toc-toque (et son titre même) m'a inspiré la série d'onomatopées censée transcrire la musique, les rythmes joués par des ustensiles de cuisine :

« Une table de cuisine dans la pénombre. Des ustensiles sont posés là, en attente de mains. Mais rien. Le coeur de la maison dort, livré à l'inertie des choses. Mais soudain : bing ! zing ! TOC ! tout un monde de cuillères et de faitouts s'anime, sous l'action de deux manipulateurs-musiciens invisibles et géniaux. [...] (David, Toc-toque, régal musical pour les enfants, j. p., annexe n° 16)

Ainsi, différents moyens sont utilisés par les rédacteurs pour introduire dans les TPC un matériau mélodique qui fait que ces textes vont parfois, au-delà de la simple information, et tentent de promouvoir par des effets de persuasion de type auditif, même s'ils n'ont pas pour fonction d'être oralisés.

Précisons, par souci de rigueur intellectuelle et non pour nous en glorifier, que ce balayage rapide de la matière phonique du langage dans les TPC de l'ODC des Saisons 2007-08, semble révéler qu'elle est plus « travaillée » par le stagiaire que par les autres rédacteurs. Ceci, d'abord, par goût personnel, même si Jacques et Martine ont aussi une « formation en », un « goût pour », ou une pratique de la littérature. Plus sûrement, c'est parce que j'étais beaucoup moins occupé qu'eux, plus motivé aussi parce qu'en situation de devoir faire mes preuves, que j'ai davantage joué sur les rythmes et les sons et que, d'une manière générale, j'ai pu « ciseler » mes textes.

7. Des TPC où sont convoqués humour et calembours

La modalisation persuasive dans les TPC passe souvent par ce que la rhétorique traditionnelle nomme la saillie ou le trait d'esprit. Ce mode de séduction prend la plupart du temps une coloration humoristique. Il suppose un ethos ludique commun au scripteur et au lecteur. L'usage de l'humour est, en terme de communication, toujours une prise de risque, une mise en danger (certes relative) de la face positive du locuteur85(*). En effet, rien de pire lorsqu'on cherche à séduire par le discours qu'un mauvais jeu de mots, qu'une « blague » qui, comme on le dit familièrement, « tombe à plat ».

Souvent présent, on l'a vu, dans la clausule - parce que celle-ci doit marquer le lecteur et opère donc comme une sorte de « concentré » de séduction, le trait humoristique se retrouve aussi, au coeur du texte, au détour d'une phrase. Il peut même être un angle d'écriture qui structure tout un texte dans un enchaînement burlesque de jeux de mots. C'est le cas dans le TPC suivant que je cite intégralement :

« Le moins que l'on puisse dire, c'est que la Cie Ernest le dromadaire a (en plus de sa bosse) la musique dans la peau ! Et pas chameau, elle nous l'offre en bouquet avec ce Fleurs de peau qui initie les petits aux mélodies et aux rythmes que l'on aime à partager entre enfants et avec les grands. Sur scène, nos deux compères rivalisent de facéties, alternent avec brio chansons ou comptines reprises par la salle et moments instrumentaux. Une guitare, une clarinette mais aussi des instruments plus inattendus composent l'arsenal de ces éducateurs hors pair. Ernest le dromadaire, c'est sûr, sait transmettre la bosse de la musique ! » (David, Fleurs de peau, j. p., annexe n° 4)

Cumulée à une formulation dynamique (faite de phrases nominales et d'une ponctuation expressive) et à un ethos décontracté (le niveau de langue est essentiellement familier), une série de jeux de mots (plus ou moins heureux...) traversent le texte pour en former, en quelque sorte, l'épine dorsale. Ces jeux de mots découlent tous du nom de la compagnie « Ernest le dromadaire » et du titre du spectacle Fleurs de peau. Ainsi le signifié Ernest le Dromadaire fait surgir des expressions figées (parfois détournées : « avoir la bosse des mathématiques) que l'on s'amuse à employer systématiquement, comme une série de clins d'oeil : « Pas chameau » / « transmettre la bosse de la musique » - cette dernière expression étant préparée, dès la première ligne, par la parenthèse « La Cie Ernest le dromadaire a (en plus de sa bosse) la musique dans la peau ». Le signifié Fleurs de peau (lui-même initialement jeu de mots déformant le signifié « fleurs en pot »), appelle, quant à lui, le cliché « avoir la musique dans la peau » et l'expression « offrir en bouquet ».

D'un point de vue pratique, ce type d'écriture, consistant en une variation humoristique sur le titre et le nom de la troupe, est un recours commode lorsque la matière (contenu du spectacle en lui-même ou du dossier de presse) est un peu pauvre. Ainsi, ne sachant que peu de choses sur Fleurs de Peau, j'ai comblé ce manque informatif en maximalisant la modalisation persuasive sous la forme de jeux de mots.

Cependant, l'humour qui consiste à proposer une variation amusante sur le titre n'est pas toujours une béquille voire un pis-aller. Ce peut être un véritable choix d'écriture, dicté généralement par le propos même du spectacle. C'est ainsi, par exemple, que j'ai désigné le héros du spectacle pour enfant Le Petit bonhomme à modeler (David, Le Petit bonhomme à modeler, j. p., annexe n° 8) par l'expression « notre petit héros à la gomme » jouant sur le sens littéral du mot « gomme » et sur le sens figuré de l'expression populaire « à la gomme », le personnage éponyme étant, au début (suivant en cela un des principaux archétypes du spectacle jeune public), un individu de peu de chose (physiquement comme psychologiquement) qui s'avère finalement d'une grande richesse.

Certains jeux de mots sont à double entente. Ils peuvent être utilisés en filigrane et adressés au passage, comme glissés au lecteur attentif. C'est le cas dans ce TPC jeune public :

« Agnès Limbos, extraordinaire comédienne souvent comparée à Raymond Devos pour son goût des mots et de l'absurde, adapte très librement la figure du Vilain petit canard chère à Andersen dans un pièce cruelle, drôle et poétique d'où l'on sort tout chamboulé. Avec trois fois rien, un abat-jour en guise de jupon, un saladier figurant un lac, un tableau noir et quelques points à la craie, la comédienne, tantôt ballerine tantôt clown pataud et fragile, nous conte l'itinéraire de tous ceux que l'on rejette parce qu'ils sont différents. Et parvient à désamorcer, sans l'édulcorer, une histoire bêtement tragique grâce à un humour décalé et salvateur. » (David, Dégage, petit ! j. p., annexe n° 3)

Ainsi, l'expression « histoire bêtement tragique » développe plus de signifiés qu'il n'y paraît. En effet, si l'histoire de ce vilain petit canard est qualifiée de « bêtement tragique », c'est, d'abord, pour atténuer la portée grandiloquente du mot tragique et suggérer l'idée d'une tragédie du quotidien (l'adverbe pouvant alors être pris pour un synonyme de « banalement ») ; de ce fait, l'adverbe « bêtement », en minorant l'adjectif « tragique », permet de conserver le ton de dérision (souvent caractéristique de l'humour belge) présent dans le TPC car induit par le spectacle. Enfin, « bêtement » renvoie humoristiquement au fait que cette petite tragédie concerne un animal, une bête, même si le rôle est joué par une comédienne qui ne se déguise pas en canard.

L'humour, en tant que moyen au service de la modalisation persuasive, peut aussi prendre la forme du calembour. D'essence plutôt populaire, ce type de jeu de mots qui repose sur la paronymie, a souvent été controversé en littérature : Hugo le méprisait (« Le calembour est la fiente de l'esprit qui vole »86(*)), alors que Mallarmé l'a anobli (le plaçant souvent à la rime) dans des poèmes à la complexité et au raffinement extrême. Dans mon TPC sur l'exposition de la sculptrice animalière F. Hanteville, je recours au calembour en contrefaisant le proverbe « Nécessité fait loi » :

« [...] L'anecdote dit bien la volonté farouche de celle qui, contre vents et marées, pense, vit et dort sculpture animalière. Mais le marbre est rare ; alors bien souvent, Fabienne sculpte ce qui lui tombe sous la main. Ainsi l'argile extraite de son jardin donna vie, il y a peu, à une étonnante basse-cour. Nécessité fait l'oie, pourrait-on dire... » (David, Fabienne Hanteville, t. p., p. 4, annexe n° 19)

La précaution oratoire et les points de suspension qui suivent le calembour, plutôt que d'en marquer la profondeur (discutable), apparaissent comme une marque prudente d'autodérision et une invitation adressée au lecteur à sourire, ensemble, d'un jeu de mots plus ou moins heureux.

Mais l'usage du substantif « oie » n'est pas sans risque. Ainsi je me suis demandé au moment de la rédaction si le terme ne risquait pas de desservir la sculptrice : fâcheusement, un esprit malveillant pourrait assimiler l'artiste à l'animal ( !) qui, par tradition langagière, ne jouit pas d'une bonne réputation (« bête comme une oie », « faire l'oie »). Finalement, j'ai décidé de conserver le jeu de mots qui a été avalisé par Martine Gasnier, en tant que « directeur (sic) de la rédaction ».

Ajoutons qu'en deçà de l'humour et du ménagement des faces qui l'accompagne, le calembour proverbial a aussi pour fonction d'imposer avec force l'idée, en l'occurrence, celle d'une artiste pas encore reconnue qui crée dans les difficultés matérielles. Dominique Mainguenau écrit, dans Analyser les textes de communication, à propos de l'imitation des proverbes que «tout slogan aspire à avoir l'autorité du proverbe, à être universellement connu et accepté de l'ensemble des locuteurs d'une langue, de manière à être utilisé en toutes circonstances»87(*). Certes, nous ne parlons pas ici d'un slogan publicitaire et mon TPC n'aura que très peu d'audience et donc très peu d'impact sur les destinataires. Toutefois, on peut dire que la même logique est à l'oeuvre et que le recours à un proverbe (même détourné) dans un texte promotionnel est une tentative de se parer de sa force, de ce que Mainguenau appelle son « autorité ».

D'autres traits humoristiques peuvent être relevés dans les brochures 2007-08 de l'ODC. Ainsi Vincent utilise dans son TPC sur Juan Carlos Caceres une métaphore hyperbolique qui a pour but de faire sourire son lecteur :

«[...] un instrumentiste hors pair capable de faire secouer la tête à un lampadaire » (Vincent, Juan Carlos Caceres, t. p., p. 15)

Sur un ton populaire, qui correspond bien à l'ethos jeune et décontracté que cherche à transmettre en général le discours de Vincent, l'expression (à notre connaissance non lexicalisée) attire l'attention du lecteur par son comique absurde, amuse par sa bizarrerie teintée de surréalisme. Elle est d'autant plus étonnante qu'elle surgit dans un texte à la tonalité plutôt sérieuse et qui cherche à promouvoir un artiste septuagénaire plus apprécié, a priori, par un public d'âge mur. L'objectif, probablement conscient, peut être alors de présenter, par l'humour et la décontraction, ce spectacle comme transgénérationnel.

Une autre forme d'humour doit être ici considérée : l'ironie. Très rare dans un texte promotionnel, puisque généralement dépréciative, on la rencontre sous deux aspects. D'abord, sur un mode agressif quoique diffus et impersonnel lorsqu'il s'agit, comme on l'a vu précédemment, de prononcer un jugement mélioratif sur un artiste ou un spectacle en dévalorisant un objet appartenant à la même catégorie placé dans un rapport de concurrence88(*). Mais l'ironie peut aussi parfois prendre un caractère affable, marquer de la sympathie envers un personnage dont on se moque affectueusement. C'est l'usage qui en est fait au début du TPC jeune public, La reine des couleurs :

« Pas drôle la vie en noir et blanc ! Même dans un château. Alors la petite reine décide de passer par toutes les couleurs. Ainsi, du bleu qu'elle a sur les fesses pour être tombée d'un cheval rouge aux larmes multicolores qu'elle verse quand son château devient tout gris, notre héroïne royale les expérimente toutes !  Un vrai arc-en-ciel... » (David, La reine des couleurs, j. p., annexe n° 7 )

Ici, après l'énumération des mésaventures de l'héroïne, toutes relatives à une couleur, le rédacteur ironise doucement sur ces petits malheurs, usant d'un jeu de mots métaphorique qui les résume (« Un vrai arc-en-ciel...) dans une phrase nominale à la ponctuation suggestive qui cherche à établir une connivence amusée avec le destinataire. Ce jugement tendrement ironique sur le personnage a à voir avec la métatextualité, regarde ce que la linguistique nomme modalisation autonymique. En effet, l'énonciation crée ici ce que Dominique Mainguenau appelle un « décalage [...] à l'intérieur d'elle-même par sa manière de moduler la prise en charge de l'énoncé»89(*). Comme si « l'énonciateur dédoubl[ait] en quelque sorte son discours pour commenter sa parole en train de se faire.90(*)» Et pour entraîner avec lui, sommes-nous tenté d'ajouter, le lecteur, convié à se moquer lui aussi gentiment de cette petite reine qui en voit de toutes les couleurs.

8. Des figures de style pour persuader

Le TPC se présente également comme un objet séduisant en usant de figures de style forgées de longue date par la tradition littéraire. Loin d'en faire un recensement complet dans les textes de la Saison 2007-08, nous nous limiterons à quelques remarques et exemples.

On peut, de prime abord, s'étonner que la simple comparaison (avec les outils « comme », « ainsi que », « pareil à », etc.) soit quasi absente de la modalisation persuasive. En fait, il apparaît que ce trope appartient davantage à la part informative du TPC sous la forme de comparaisons-référence qui (comme on l'a vu précédemment) permettent de catégoriser un artiste, un spectacle, par rapport à d'autres artistes ou genres artistiques. Aussi est-il probable qu'intuitivement, par souci de clarté, les rédacteurs n'utilisent pas les mêmes formes selon qu'ils cherchent à informer ou à séduire.

Ainsi, lorsque la modalisation persuasive est à l'oeuvre, ce sont des figures de l'analogie moins repérables, plus disséminées dans le discours qui s'imposent. On peut citer cette métaphore (à la frontière de la comparaison-référence car construite sur une allusion culturelle) pour désigner le héros d'un spectacle qui a le pouvoir de rétrécir :

« Liliputien au pays des couteaux, des détergents, de l'électro-ménager ou des casseroles sur le feu, notre journaliste retrouve une taille d'homme pour inventorier, en chanson et avec son public, les pièges du home sweet home. » » (David, Méfy, méfie-toi, j. p., annexe n° 12)

L'analogie est un moyen persuasif intéressant dans l'écriture d'un TPC car elle permet d'ouvrir l'évocation-promotion de la manifestation culturelle sur d'autres objets du monde et de donner au texte une sorte de profondeur de champ. C'est ce qui se produit à la fin du TPC sur F. Hanteville :

« [...] Et l'on est tout à la fois admiratif et pris de vertige en voyant avec quel talent (et quelle patience !) la sculptrice « recycle » les résidus de l'hyperconsommation, standardisés et ignobles, en oeuvres d'art singulières : taureaux à l'encolure puissante ou petites vaches malicieuses qui sont autant d'odes à la vie. On se dit alors que sa ménagerie « recyclée » est soeur de ces tortues géantes crevant le ventre plein du plastique que charrient nos océans mondialisés [...] ». (David, Fabienne Hanteville, t. p., p. 4, annexe n° 19)

La coloration polémique (et un tant soit peu politique) que prend le texte dans sa clausule peut surprendre. Elle n'est pas le fait d'un rédacteur qui, suivant son bon vouloir, séduirait en profitant d'une préoccupation sociale en vogue, l'écologie, ou d'une idéologie montante, l'altermondialisme. Ce ton engagé amené par l'analogie (à travers le vocable charnière « soeur de »), je l'ai insufflé dans mon texte parce que les organisateurs de l'exposition (La Poste et Ouest France) souhaitaient la placer (peut-être avec opportunisme...) sous le signe du développement durable. Ainsi l'ouverture sur le monde91(*), la profondeur de champ de l'analogie ici n'est pas gratuite. Elle répond à une commande et s'inscrit dans le contexte thématique de l'exposition.

Vincent emploie souvent des métaphores littéraires et poétiques dans les séquences descriptives de ses TPC. Ces métaphores ont d'abord l'avantage d'offrir une variété de synonymes qui, par exemple, dans le cas d'un spectacle musical, se substituent au verbe « jouer » :

«  Derrière lui (Kevin Doherty), James Delaney tisse sur ses claviers un écho discret » (Vincent, Kevin Doherty, t. p., p. 26)

Au-delà de la diversité que la métaphore permet sur l'axe syntagmatique de la langue, l'image produite par le verbe « tisser » a également un fort pouvoir évocateur. Par cet emploi, Vincent fait plus que parler de notes de musiques : il parvient à camper, en usant d'un seul mot, une ambiance, à suggérer l'idée d'une « trame » musicale92(*). Une « trame », un « tissu » sonore, qui aurait pour rôle de mettre en valeur la prestation du chanteur-guitariste irlandais Kevin Doherty, à la façon d'une toile de fond (« écho discret ») mais peut-être aussi comme quelque chose qui enveloppe (l'une des fonctions du textile).

La métaphore peut aussi dans les TPC de l'ODC prendre un tour périphrastique. C'est le cas dans mon texte sur le spectacle musical Toc-Toque dans lequel je cherche, en partie sous l'influence de la prose poétique de Francis Ponge93(*), à donner l'idée d'une vie secrète des objets :

« [...] Commence alors un ballet époustouflant de fouets mécaniques, un concerto drolatique pour bouilloires et théières qui confie à tous un secret : sous la nappe à carreaux du quotidien, le monde des choses palpite, prêt à livrer une musique insoupçonnée... » (David, Toc-toque, j. p., annexe n° 16)

La périphrase « sous la nappe à carreaux du quotidien » se substitue, de manière métonymique, à une formulation plus directe, qui aurait pu être simplifiée, « dé-métaphorisée », en un simple « sous le quotidien » ou «derrière le quotidien ». L'expression métaphorique a été préférée car elle s'inscrit dans la thématique de la cuisine et contribue à donner au texte une continuité lexicale. Elle amorce aussi, je crois, de manière cohérente et originale, la clausule qui porte un jugement général sur le spectacle en en dégageant une sorte de morale.

Mais, beaucoup plus nettement que la métaphore, une autre figure de style s'impose quantitativement dans l'écriture des TPC : l'antithèse.

On trouve cette figure qui consiste à rapprocher des signifiés qui entrent en contradiction le plus souvent à la clausule, passage décisif, on l'a dit, du texte promotionnel culturel. C'est ainsi qu'elle apparaît sous ma plume dans le texte sur le sculpteur Denis Monfleur,

« [...] Et c'est peut-être ce risque, cette fragilité paradoxale / d'un geste puissant et irrémédiable, qui permet aux statues de Monfleur de révéler, dans leur âpre minéralité, une beauté et une grandeur qui questionnent la condition humaine. Loin de l'art conceptuel et de ses vanités, l'oeuvre de Monfleur invite au recueillement. Sans doute parce que, malgré son intense modernité, elle ne peut échapper (éloge de la lenteur dans une époque qui sacralise l'instantané) / aux gestes millénaires qu'elle prolonge et au sublime de l'homme qui, par la médiation de l'art, interroge sa destinée. » (David, Denis Monfleur, t. p., p. 50 - annexe n° 18)

dans celui sur le spectacle de danse contemporaine « Même pas seul »,

« [...] Même pas seul est un spectacle de danse qui tient un propos, une sorte de théâtre chorégraphié qui offre une vision à la fois très amère / et douce de la vie de couple. Sur scène, les corps se meuvent, s'ignorent /, se rapprochent, dans un va-et-vient vachard / et tendre qui, entre petites tragédies / et grands espoirs, dit avec beaucoup de pudeur, de force et de poésie la grandeur de/ deux petites gens. » (David, Même pas seul, t. p., p. 23 - annexe n° 24)

ou dans les chutes des TPC jeune public « Pinocchio » et « Pepe et Stella » :

« [...] ici, Pinocchio n'est ni une fable moralisatrice ni un conte libertaire voire psychanalytique ; c'est Pinocchio, tout simplement ! Celui des origines, au plus près du conte imaginé en 1881 par le journaliste toscan Carlo Collodi : un pantin de bois paradoxal qui , d'aventures merveilleuses en / déconvenues bien réelles, éprouve la difficulté d'être si humain, tout en déplorant de n'être que / marionnette... » (David, Pinocchio, j. p., annexe n° 15)

« [...] Une Odyssée de poche qui parle de séparation, d'attente / et de retour ; où le cheval Stella, promis à l'abattoir, traverse la mort et mille autres dangers. Un itinéraire vers l'inconnu, tracé par les étoiles, qui conduit nos deux héros à quitter la toute-puissance de l'enfance pour vivre / la fragile beauté d'une vie d'homme. » (David, Pepe e Stella, j. p., annexe n° 14)

L'antithèse est également présente à la clôture du texte de Martine sur l'exposition de photographies de l'artiste italien Luciano Ferrara :

« [...] Luciano Ferrara ouvrira la Saison 2008 au château de Carrouges. Il apportera un peu de l'incandescence de sa terre du Sud dans / notre hiver normand. » (Martine, Luciano Ferrara, t. p., p. 28)

Cette écriture du paradoxe s'explique sans doute en partie par le domaine concerné : la culture. En effet, celle-ci, quand elle est de qualité, a à voir avec la complexité et s'avère (à l'instar de tout ce qui est humain) rarement univoque. L'antithèse (et sa forme plus poussée, l'oxymore) permet de dire ce foisonnement des contraires et de souligner, derrière le dissemblable (qui va parfois jusqu'à prendre une dimension ontologique), une forme de cohérence.

Admettons aussi, toutefois, que l'antithèse peut plus prosaïquement être un « truc » de rédacteur, une « ficelle » du métier. Le figure, en effet, permet d'exprimer de manière plus ou moins fumeuse, la chose et son contraire, astuce précieuse pour parler, sous un voile d'intelligence, d'un spectacle ou d'une exposition lorsqu'on en maîtrise mal le sujet ou que les informations dont on dispose sont insuffisantes en nombre ou en qualité.

Terminons ce commentaire des figures de style par un apax remarquable dans les textes des Saisons 2007-08 : l'emploi d'un chiasme.

« Coiffé de mitaines et entouré d'un bonnet, Valentin Saitou vend des colliers artisanaux en coton trempé, contre deux sourires et trois poignées de main. Pourtant, il n'a pas toujours fait ça.

Autrefois, il avait une vie normale. Marié. Deux enfants. Situation stable. Puis, un jour, il est licencié et à partir de là tout se dégrade. Le voilà sans domicile, errant, la nuit, à la recherche d'on ne sait quel havre de paix. Tout à coup, une vieille enseigne, aux néons flétris : « La Luna Negra, Cabaret ».

Un vieux propriétaire et une dame de joie fanée vont l'accueillir.

« Petit... on ne voit bien qu'avec le coeur » qu'ils lui disent. Un rêve au pays de la réalité. Une réalité au pays du rêve» (Vincent, La Luna Negra, t. p., p. 19)

Le chiasme comme l'antithèse est une figure du paradoxe. Croisant quatre termes dans une construction en miroir de type AB / BA, il en constitue la forme la plus complexe. Particulièrement frappant par sa mécanique à la fois logique ( le thème de la première proposition devenant le rhème de la seconde et vice versa) et mélodique (une même signe étant répété deux fois), le chiasme aspire, lui aussi, à l' « autorité » du slogan ou du proverbe. Il condense l'idée dans une formule choc qui doit emporter, de manière définitive, l'adhésion du destinataire. Ainsi, souvent convoqué à la fin d'une démonstration ou d'un jugement, il a, le plus souvent, une portée argumentative.

Vincent y recourt dans la clausule de son TPC sur la pièce La Luna Negra dont la séquence textuelle dominante est une description de type romanesque (premier et deuxième paragraphe), avec, à la fin du deuxième paragraphe, un effet de complication (élément perturbateur) comme ceux que l'on trouve dans les textes narratifs : « Tout à coup, une vieille enseigne, aux néons flétris : « La Luna Negra, Cabaret ». // Un vieux propriétaire et une dame de joie fanée vont l'accueillir. [...] »

La clausule (quatrième et dernier paragraphe), outre le chiasme, comporte un extrait de discours rapporté : « « Petit... on ne voit bien qu'avec le coeur » qu'ils lui disent. » Cet échantillon de discours direct joue (ou plutôt devrait jouer) un rôle décisif, celui d'avant- dernier maillon de la chaîne discursive censé préparer ce point d'orgue du TPC que devrait être le chiasme. Or, l'enchaînement, le lien entre le chiasme final et le texte de type romanesque qui précède est peu clair. La figure du paradoxe semble ici un peu plaquée, placée en position conclusive pour l'ornement. L'effet d'autorité recherché nous semble manqué et, par là-même, c'est tout le texte qui en pâtit alors que, par ailleurs, il relevait, à notre avis94(*), jusqu'à la dernière phrase, pleinement et efficacement de la modalisation persuasive.

On pourrait, certes, admettre la pertinence du premier mouvement du chiasme « Un rêve au pays de la réalité. » Il est en effet possible de conjecturer que le cabaret où échoue Valentin Saitou va être un endroit onirique (« rêve » étant mis en valeur car placé en position de thème) où il va pouvoir échapper au réel (« réalité » étant le rhème). Cependant, même en suivant cette hypothèse, toute confusion n'est pas levée car que signifie, dans la phrase qui amorce le chiasme, « voir bien avec le coeur » ? S'agit-il de voir avec l'imaginaire, à travers le rêve, donc, ou de voir, comme le laisse plutôt entendre, usuellement, le mot « coeur », avec les yeux de l'amour ?

Dans son second mouvement (« Une réalité au pays du rêve »), qui met l'accent sur le thème « réalité », la pertinence de la figure du paradoxe est beaucoup plus discutable et donc peu prégnante. En effet, que fait ce second mouvement, sous couvert de virtuosité stylistique, sinon rappeler ce sur quoi le reste du TPC a déjà beaucoup insisté, à savoir le fait qu'il s'agisse d'une fiction onirique ancrée dans une réalité (notamment économique) contemporaine ?

On peut conclure, à la lumière de ce dernier exemple, ce survol des figures de style dans les TPC par une remarque, à valeur de recommandation, que je m'adresse d'abord à moi-même. Si la figure de style peut contribuer à donner un tour séduisant au texte qui, par ricochet, donnera peut-être au destinataire l'envie de se rendre au spectacle, le rédacteur doit l'utiliser avec prudence et maîtrise : afin, d'une part, qu'une figure utilisée confusément ne compromette pas la dimension informative inhérente au genre ; afin, d'autre part, qu'elle ne vienne saper l'impact d'autres moyens d'expression employés judicieusement dans une promotion relevant de la modalisation persuasive.

9. Des TPC qui recourent au discours indirect libre

La modalisation persuasive s'exprime aussi dans les TPC à travers des formes littéraires que l'on qualifiera de plus modernes, inspirées principalement par le genre romanesque.

On y trouve ainsi, quoique rarement, des fragments au style indirect libre, forme narrative aujourd'hui couramment pratiquée par les romanciers contemporains dans le sillage d'écrivains novateurs du XXème siècle. Ecrivains parmi lesquels on peut citer Céline, Joyce, Faulkner ou Giono qui, les premiers, ont pratiqué cette technique que Dominique Mainguenau résume en une formule simple : « le mélange étroit de deux voix »95(*). Le discours indirect libre consiste en effet à mêler à la voix englobante du narrateur (parfois lui-même personnage) d'autres voix qu'aucun signe graphique (tirets, guillemets) ne distingue. Cette technique subtile combine le plus souvent une énonciation à la troisième personne (voix englobante du narrateur), le point de vue de deux ou de plusieurs personnages (visions subjectives embrayées par des expressions de perception) ainsi que des discours différents (embrayés par des expressions de parole) par leur thématique ou leurs niveaux de langue qui permettent de discriminer la voix du narrateur des voix des autres personnages incluses dans le discours.

Ni extrait de spectacle, ni résumé factuel, le discours indirect libre appliqué au TPC (qui ne prétend évidemment pas à la complexité et à la richesse du modèle qui l'a inspiré) à l'avantage d'immerger in medias res le lecteur au coeur de la fiction96(*). C'est le cas dans cet extrait de spectacle jeune public qui, s'ouvrant sur un bref extrait au discours direct, laisse rapidement place au discours indirect libre :

[ discours direct : ] « Ohaoy, pitchipitchipoy ! » [discours explicatif: ] C'est le mot de passe qui retentit  dans la forêt ; l'annonce, pour nos deux amoureux, de [discours descriptif : ] leur rendez-vous galant, au pied de leur arbre. Car l'un et l'autre en ont assez du monde et de son tumulte. [discours indirect libre :] Marre des horloges, des cartes bleues, des clefs d'ceci ou d'cela. Et si on restait à l'écart, dans notre arbre, au milieu des oiseaux? Et si on grimpait tout là-haut ? Si on allait sur la lune, au calme, rien qu'avec notre amour ? Au calme, oui, mais éternellement... quel ennui ! Alors on regarde en bas et on se dit qu'il faut apprendre à vivre avec ce monde-là, sans se résigner. [ jugement :] Du théâtre lunaire qui donne corps magnifiquement à un texte où fourmillent les trouvailles poétiques.» (David, Là-haut la lune, j. p., annexe n° 9)

Le découpage proposé monte comment le discours indirect libre s'agence ici avec d'autres séquences textuelles. Ainsi le rédacteur fait entendre une voix « homogène »97(*), quand il explique (« c'est le mot de passe qui retentit dans la forêt »), quand il décrit («leur rendez-vous galant, au pied de leur arbre ») ou quand il porte un jugement ( « Du théâtre lunaire qui donne corps magnifiquement à un texte où fourmillent les trouvailles poétiques.»). Ces va-et-vient entre la monophonie et la polyphonie peuvent, comme dans la clausule du TPC cité, s'accompagner d'un basculement de la modalisation persuasive à la modalisation méliorative. Si la rupture causée par le passage de la voix hétérogène à la voix homogène paraît atténuée par un lexique (« lunaire », « poétique »), qui prolonge le registre poétique mis en place en amont du texte, c'est bien une seule voix qui se fait entendre dans la clausule sous la forme d'un jugement fait de termes positifs axiologiques (« donne corps magnifiquement ») ou contextuels (« où fourmillent les trouvailles poétiques. »)

En revanche, dans les lignes signalées en gras, cette voix se trouve comme volontairement absorbée par son sujet, ses personnages et leurs discours. Ainsi remarque-t-on qu'aucune mention relative à la matérialité du spectacle (jeu des acteurs, scénographie et dispositif technique, réaction de la salle) n'est convoquée. Seule importe dans ce cas l'histoire telle qu'elle pourrait être perçue au niveau des personnages.

Le rédacteur n'apparaît plus alors comme le médiateur direct entre le public et le spectacle à promouvoir. Sans renoncer à sa subjectivité, il devient plutôt une caisse de résonance par laquelle se fait entendre la polyphonie de la fiction. Il est un réceptacle où se mêlent tout à la fois les voix jamais individualisées des personnages (on ne sait, par exemple, pas qui dit en avoir « marre des clefs d'ceci ou d'cela ») et sa propre voix de rédacteur qui se dissout dans son adhésion aux propos tenus dans et par la fiction. Ici, donc, « on ne peut pas (pour reprendre les mots de Dominique Mainguenau) dire exactement quels mots appartiennent à l'énonciateur cité et quels mots à l'énonciateur citant. »98(*)

Cette distinction entre « énonciateur cité » et « énonciateur citant » peut tenir à un fil. Ainsi dans le TPC « Même pas seul », j'ai voulu écrire un fragment (déjà commenté d'un point de vue rythmique) au discours indirect libre99(*) :

« Ils vivent là dans un F2, tout près de la mer. Mais c'est pas les vacances, non. C'est leur vie à eux, ici, depuis longtemps, sans enfants, sans même un chien. » (David, Même pas seul, t. p., p. 23, annexe n° 24)

Recevant par la poste, trois mois après mon stage, la brochure de la Saison tout public, j'ai constaté qu'une correction avait été apportée. Le « c'est pas les vacances » oralisant que les personnages Rose et Jacky auraient pu prononcer s'est transformé en un « ce n'est pas les vacances », beaucoup plus « écrit ». L'ajout du « n' », signe de la voix du rédacteur et donc de sa médiation, suffit à ruiner l'effet que devait produire le discours indirect libre, à savoir l'immersion direct du lecteur dans l'univers de la fiction, « à niveau » de personnage et sans le regard en surplomb du rédacteur100(*).

10. Des TPC descriptifs proches de l'écriture de l'article ou de l'essai

Le TPC pour persuader peut s'inspirer de formes littéraires autres que le genre romanesque.

Cherchant, par nature, à représenter des éléments de la manifestation qu'il promeut (éléments visuels, sonores, impressions), on sait que le TPC comporte nécessairement des séquences descriptives à l'échelle d'un passage, d'une phrase ou, de manière plus fragmentaire, d'un groupe nominal. Ainsi un certain nombre des TPC de l'ODC sont exclusivement de type descriptif, délivrant au destinataire des informations brutes sans particulièrement chercher à le séduire. Citons, par exemple, ce texte informatif de qualité sur le spectacle Cielos Argentinos dans lequel la modalisation persuasive n'est pas utilisée :

« « Cielos Argentinos » est un projet issu de la rencontre entre le guitariste argentin Leonardo Sanchez, et l'Ensemble orchestre régional de Basse-Normandie dirigé par Dominique Debart, agrémenté par la voix lyrique de Nathalie Sanz. Il présente une succession de douze tableaux basés sur des rythmes populaires argentins autour de l'évocation des cieux, et, allie le professionnalisme de l'orchestre bas-normand à la beauté de l'inspiration des contrées de ce grand pays d'Amérique du Sud.

Comme ce fut le cas récemment avec la guitare flamenca de Juan Carmona, les Percussions-Claviers de Lyon, mais également d'autres créations dans le domaine du cinéma, de la danse et du théâtre, l'ENSEMBLE renoue une nouvelle fois avec son ouverture vers des projets novateurs, s'inscrivant ainsi, de manière originale et atypique, dans le paysage des grands ensembles français. » (Martine, Cielos Argentinos, t. p., p. 35)

Conjointement à cette forme de TPC que l'on qualifiera de descriptif de type informatif101(*), il existe dans les plaquettes de la Saison 2007-08 des TPC qui, recourant également à un matériau principalement descriptif, appartiennent pleinement à la modalisation persuasive en raison d'une filiation intertextuelle (ou intergénérique), plus ou moins explicite, avec des genres littéraires fondés eux-mêmes sur une dominante descriptive.

Le TPC jeune public Pinocchio peut ainsi être identifié comme un texte descriptif à tour définitoire. Ainsi, toutes proportion et modestie gardées, il peut rappeler, peu ou prou, par sa forme et ses tournures, davantage qu'un article de dictionnaire traditionnel, les articles subjectifs que pouvaient, par exemple, rédiger, au XVIIIe siècle, Voltaire et les Encyclopédistes :

« C'est un spectacle  de marionnettes dont le personnage principal est... une marionnette. / C'est Pinocchio, mythe encombrant que la Divine Quincaillerie a choisi de nous présenter en le débarrassant des interprétations accumulées au fil des variantes : ici, Pinocchio n'est ni une fable moralisatrice ni un conte libertaire voire psychanalytique ; c'est Pinocchio, tout simplement ! Celui des origines, au plus près du conte imaginé en 1881 par le journaliste toscan Carlo Collodi : un pantin de bois paradoxal qui , d'aventures merveilleuses en déconvenues bien réelles, éprouve la difficulté d'être si humain, tout en déplorant de n'être que marionnette... » (David, Pinocchio, j. p., annexe n° 15)

La tournure présentative employée en anaphore à trois reprises affiche le caractère définitoire du texte en même temps qu'elle peut stylistiquement le rapprocher (le génie en moins !) de son lointain modèle littéraire.

Une lecture rapide de la troisième occurrence du tour présentatif peut faire croire que la forme définitoire est plus factice et stylistique qu'opératoire puisque le présentatif « C'est Pinocchio, tout simplement ! » ne paraît mettre en valeur aucun élément informatif, cependant qu'ailleurs, de nombreux éléments propres à la définition-description peuvent être recensés. Ainsi le TPC s'articule autour d'un thème-titre : le spectacle Pinocchio. L'objet est présenté d'un point de vue aspectuel sous des angles multiples (le personnage est une marionnette, l'histoire est devenue un mythe, elle a été inventée en 1881 par un journaliste italien, etc.) et à l'aide d'un vocabulaire esthétique.

C'est au moyen de ce dernier que le rédacteur donne d'abord une définition-description a contrario de cette version de Pinocchio (ni une « fable moralisatrice », ni un « conte libertaire », ni « [un conte] psychanalytique ») avant de la définir, par l'affirmative, en soulignant sa principale qualité : elle est la plus proche de l'histoire originale. Aussi, si l'on y regarde de plus près, on peut constater que la troisième occurrence de la tournure présentative n'a pas qu'une fonction purement stylistique (anaphorique). Elle a en effet pour rôle de souligner non l'exclamation, un peu creuse, « C'est Pinocchio, tout simplement ! » mais la phrase qui suit : « Celui des origines, au plus près du conte imaginé en 1881 par le journaliste toscan Carlo Collodi [...]», phrase qui constitue, en définitive, l'argument promotionnel le plus fort du texte. 

Les TPC à dominante descriptive peuvent aussi prendre une coloration explicative et didactique qui les rapprochent d'une autre forme littéraire, le genre de l'essai. Descriptif, le TPC sur l'exposition de Denis Monfleur nous semble pouvoir être classé dans une typologie textuelle des TPC recourant à la modalisation persuasive que nous ne faisons ici qu'esquisser102(*) :

« Du corps à corps épuisant que livre Denis Monfleur avec le granit émane un souffle épique qui semble animer son humanité de pierre, partagée entre souffrance et élan, abattement et Espérance. Ses sculptures, fragmentaires comme celles de l'antique, évidentes dans leur rugosité primitive, condensent une essentielle beauté : ici se dégage le déhanchement vivant d'un torse, là un bras de pierre où se réfracte la lumière, là une profonde entaille dans un abdomen supplicié. Ces corps incomplets, parfois suppliciés, le sculpteur les travaille en taille directe, sans repentir possible. Et c'est peut-être ce risque, cette fragilité paradoxale d'un geste puissant et irrémédiable, qui permet aux statues de Monfleur de révéler, dans leur âpre minéralité, une beauté et une grandeur qui questionnent la condition humaine. Loin de l'art conceptuel et de ses vanités, l'oeuvre de Monfleur invite à la méditation, au recueillement. Sans doute parce que, malgré son intense modernité, elle ne peut échapper (éloge de la lenteur dans une époque qui sacralise l'instantané) aux gestes millénaires qu'elle prolonge et au sublime de l'homme qui, par la médiation de l'art, interroge sa destinée.

« Rarement on n'avait de la pierre dure révélé à ce point la tendresse et la poésie. » Olivier Céna, Télérama. » (David, Denis Monfleur, t. p., p. 50, annexe n° 18)

Ce TPC, élaboré au stade préparatoire par la lecture attentive de sources variées et conséquentes (articles de critique d'art, interviews de l'artiste, textes et photos de catalogues d'exposition), a alimenté une prise de notes manuscrites volumineuse. Ces notes à caractère descriptif ou interprétatif, ensuite triées et saisies sur traitement de texte, ont alors constitué un matériau que mon texte a, comme on a pu déjà l'indiquer, patiemment mis en forme103(*). A partir de cet apport, j'ai, comme dans un essai ayant pour sujet un art ou un artiste, écrit mon texte, dans une langue soutenue, sans volonté de vulgariser ou de promouvoir. Au risque de paraître prétentieux et élitiste, j'ai projeté un lecteur idéal amateur d'art contemporain104(*) et me suis amusé à jouer les critiques d'art professionnel, avec comme modèle, Olivier Céna (à qui j'ai emprunté, en la reformulant, sa diatribe sur l'éloge de la vitesse dans notre monde contemporain) et comme horizon inaccessible dans le champ de la critique culturelle, le Baudelaire des Curiosités esthétiques et de L'Art romantique ...

Comme dans l'écriture de l'essai d'art, j'ai donc abondamment utilisé un vocabulaire relevant de l'esthétique (« la sculpture », « le sculpteur », « aux statues », « ses sculptures fragmentaires », « souffle épique », « essentielle beauté », « art conceptuel »), ce lexique étant complété par quelques comparaisons-références d'ordre culturel (« fragmentaires comme celles de l'antique », « rugosité primitive »).

J'ai également combiné entre elles différentes séquences descriptives :

Des séquences décrivant les productions de l'artiste : « ici se dégage le déhanchement vivant d'un torse, là un bras de pierre où se réfracte la lumière, là une profonde entaille dans un abdomen supplicié ».

Des séquences décrivant l'artiste au travail : « corps à corps épuisant que livre Denis Monfleur avec le granit », « Ces corps incomplets, parfois suppliciés, le sculpteur les travaille en taille directe, sans repentir possible», « geste puissant et irrémédiable ».

Des séquences interprétatives : « un souffle épique qui semble animer son humanité de pierre, partagée entre souffrance et élan, abattement et Espérance », « Et c'est peut-être ce risque, cette fragilité paradoxale d'un geste puissant et irrémédiable, qui permet aux statues de Monfleur de révéler, dans leur âpre minéralité, une beauté et une grandeur qui questionnent la condition humaine », « l'oeuvre de Monfleur invite à la méditation, au recueillement », [cette oeuvre] ne peut échapper [...] au sublime de l'homme qui, par la médiation de l'art, interroge sa destinée ».

Mais aussi des mises en perspective de l'oeuvre avec la culture et le monde contemporains : « Loin de l'art conceptuel et de ses vanités », « éloge de la lenteur dans une époque qui sacralise l'instantané ».

Notons aussi que la citation en bas de page (« Rarement on n'avait de la pierre dure révélé à ce point la tendresse et la poésie. » Olivier Céna, Télérama. »), qui sert d'argument d'autorité, peut (en plus de son évident impact promotionnel) être rapprochée, formellement et dans sa fonction, de l'épigraphe sous le signe duquel de nombreux essayistes (de Montaigne à Michel Onfray, par exemple) écrivent leurs livres ou leurs chapitres.

Le texte, toutefois, malgré ses prétentions littéraires, cherche bel et bien à promouvoir. Quel que soit le brio de ses descriptions ou de ses commentaires (un peu pédants parfois...), je n'oublie pas qu'il n'a de raison d'être que par sa dimension pragmatique. S'il m'est évidemment impossible de savoir si ce TPC empruntant à l'essai d'art ses ressources (séquences textuelles, lexique, niveau de langue, thématiques, etc.) a majoritairement rebuté les lecteurs ou, au contraire, les a incités à se rendre à l'exposition, je crois que, pour promouvoir certaines manifestations de prestige, l'usage fortement marqué de la modalisation persuasive peut être efficace pour la communication culturelle d'un organisme comme l'ODC.

11. Combinaison de la fonction poétique du langage et de séquences descriptives d'« ambiance » (avec essai d'étude quantitative)

Dans la plupart des TPC de l'ODC, on relève des descriptions qui, contrairement à d'autres séquences descriptives, ne mettent en avant ni des informations (Pinocchio), ni des commentaires (Denis Monfleur) ni, comme on le verra dans les deux derniers chapitres, des bribes d'histoire. Ces séquences descriptives ont principalement pour but de camper, ce que l'on choisit d'appeler, une atmosphère ou une ambiance.

Dans ces textes ou séquences dits d' « ambiance », la description passe souvent par l'usage de ce que la linguistique nomme la fonction poétique du langage: un mode d'écriture complexe obtenu par un agencement des différentes potentialités du signe, qu'il s'agisse des ressources du signifié (dénotation, connotation, implicite) ou du signifiant (sonorité, rythme, graphème105(*)), dans le but de s'adresser à l'imaginaire du destinataire, de susciter chez lui des émotions ou des sentiments. Tel est le cas dans le texte jeune public Dans ma maison de papier, j'ai des poèmes sur le feu :

« Un canapé, la lumière douce d'une veilleuse. C'est sans doute une chambre d'enfant mais une chambre imaginaire, celle que s'invente, à la faveur de la nuit, une petite fille. Une petite fille qui, en un clin d'oeil, devient une vieille dame... Et que l'on retrouve bien vite sans que... ne disparaisse la vieille dame... Une petite fille qui recherche une présence : celle de la lumière, parce que la nuit, avec son cortège de peurs, est à apprivoiser ; celle de la vieille dame, surtout, parce que la féerie du monde nocturne est aussi un bonheur à partager. » (David, Dans ma maison de papier, j'ai des poèmes sur le feu, j. p., annexe n° 2)

Le texte, qui s'apparente à la situation initiale d'un récit, décrit le cadre de l'histoire (« canapé », « lumière douce d'une veilleuse », « chambre d'enfant ») en adoptant le point de vue du spectateur au lever de rideau. Ce point de vue est nécessairement restreint (ignorant, serait-on tenté de dire) puisque, dans les toutes premières secondes de la pièce, ni le décor ni « le » personnage ne font encore sens pour lui. Ainsi la focalisation interne décrit mais en affectant l'incertitude : au moyen d'un marqueur modal indiquant la probabilité (« C'est sans doute une chambre d'enfant ») ; au moyen, aussi, des nombreux points de suspension qui suggèrent l'étonnement voire l'incompréhension du spectateur face à cette curieuse entrée en matière théâtrale où le lieu (la chambre) est en fait imaginaire, où le personnage principal, « la petite fille », se métamorphose en « vieille dame » mais continue d'endosser, par ubiquité, les deux identités. Ainsi l'écriture du mystère prévaut ici. Avec un style fait d'indétermination (on peut relever l'usage de groupes nominaux déterminés par l'article indéfini : « une petite fille », « une vieille dame », « une présence »). Avec aussi un style qui cherche à représenter poétiquement la nuit, notamment par une série d'oppositions entre l'obscurité et la lumière et par l'emploi d'un vocabulaire de l'étrangeté (« féerie du monde nocturne ») ou de la peur (« parce que la nuit, avec son cortège de peurs, est à apprivoiser »).

Une étude détaillée des textes (pléthoriques) usant de la fonction poétique du langage106(*) pour donner un aperçu de l'« ambiance » du spectacle n'apporterait rien de plus à la démonstration. C'est pourquoi nous lui préférons (une fois n'est pas coutume) un parcours quantitatif qui, s'il ne se prétend pas infaillible, nous a étonné par la constance de ses résultats.

Ainsi, dans des proportions séquentielles variables allant du syntagme jusqu'au au texte, 9 des 18 textes jeune public que j'ai écrits, sont nettement marqués par cette orientation rédactionnelle prépondérante pour le genre. C'est le cas de « Pepe et Stella » (annexe n° 14), « Là-haut la lune » (annexe n° 9), « Veille au grain, il fera beau demain » (annexe n° 17), « Loin de mon doudou » (annexe n° 11), « Félix et Filomène » (annexe n° 5), « Le Petit bonhomme à modeler » (annexe n° 8), « Les Pieds dans les nuages » (annexe n°8 bis)107(*), Le Berce-Oreille (annexe n° 6) et « Dégage, petit » (annexe n° 3), textes dont les passages donnant à voir une atmosphère de manière poétique seront signalés en annexe par des caractères gras.

Aux 18 TPC jeune public se sont ajouté trois textes, publiés sur le site Internet de l'ODC108(*), écrits par Jacques : « Petite migration », « Monsieur Nô » et « La Balle rouge ». Ce dernier allie, de manière fragmentaire (première phrase), description d'ambiance et poésie, alors que cet angle d'écriture est, selon nous, absent dans « Monsieur Nô ». En revanche, « Petite migration », que nous citons ici intégralement, est totalement traversé par ce type de séquence descriptive relevant de la modalisation persuasive :

«  Un petit personnage s'éveille d'une mauvaise nuit et enfile ses bottes beaucoup trop grandes pour lui. Dans la cour de l'école les moqueries des autres enfants le poussent à se réfugier sous le grand arbre. Mais voilà qu'une larme lui échappe. Sans la perdre de vue il s'aventure à la suivre sous la terre, dans le ciel, jusqu'à l'océan et même au- delà, tout près de l'horizon où le soleil se couche...Autant de découvertes et de rencontres qui l'aideront à se tenir enfin, bien d'aplomb dans ses bottes. » (Jacques, Petites migrations, j. p., site Internet de l'ODC)

Ainsi le bilan quantitatif des textes jeune public combinant séquence descriptive et fonction poétique du langage s'élève, à notre avis, à 11 TPC sur un total de 21, ce qui semble bien en faire une tendance forte du genre.

En ce qui concerne les textes tout public, nous choisissons de poursuivre l'analyse quantitative au moyen d'un tableau. Celui-ci, dépourvu de toute citation et de tout commentaire, puisque tel n'est pas notre objet, permettra, en outre, au lecteur (et en particulier aux rédacteurs de l'ODC) de cibler, s'il le souhaite, ces séquences descriptives que l'on trouve marquées par la fonction poétique du langage.

La plaquette tout public est composée de 45 TPC109(*). Dans ce corpus, 22 textes correspondent à la combinaison textuelle recherchée :

Nom du TPC, du rédacteur, n° de page

Séquence descriptive concernée

Fabienne Hanteville (David) p. 4

Surtout de « Et l'on est tout à la fois admiratif » à « odes à la vie » - voir annexe

Armadillo (Jacques) p.6

Subordonnée relative de la phrase 1

Thierry « Titi» Robin (Vincent) p. 11

Seconde partie du 1 § + seconde partie de la dernière phrase

L'Epopée du prince Preah Chenvong (David) p. 13

Seconde partie du texte (à partir de « prince séducteur, princesses séduites »

Neapolis Ensemble (Jacques) p. 14

Second §

Palatine (Vincent) p. 17

De « Avec un soupçon » à « l'ordure »

La Luna Negra (Vincent) p. 19

Fin de la phrase 1. Dernière phrase du 3 § + 4 §

Même pas seul (David) p. 23

Quasi totalité du texte - voir annexe

Kurt Stier (par lui-même) p. 25

Tout le texte

Luciano Ferrara (Martine) p. 28

Dernière phrase du texte

En aparté (David) p. 34

Voir annexe

Les Fourberies de Scapin (Jacques) p.37

Second et surtout troisième §

Giordano Bruno (Jacques) p. 38

Tout le texte

Chiffonade (David) p. 39

Phrase 1 - voir annexe

Récital jeunes talents (Martine) p. 40

Dernier syntagme nominal du texte

Silencio (Vincent) p. 41

Phrase 1 (avant les points de suspension)

La Victoire à Ventoux (Jacques) p. 42

Principalement le dernier §

Tempo Slavia (Vincent) p. 44

Tout le texte

Florane Blanche (Martine) p. 45

Deuxième §

Le Garçon aux sabots (David) p. 46

Principalement phrase 1 et 2 - voir annexe

Cité Babel (Vincent) p. 49

Tout le texte

Denis Monfleur (David) p. 50

Tout le texte

Festival autour d'un piano (Martine) p. 56

Dernier syntagme nominal du texte

Ainsi, alors que légèrement plus de 50% des textes jeunes public combinent fonction poétique du langage et description d'ambiance (11/21), on constate, avec étonnement, que 23 TPC sur 45 choisissent de promouvoir par le même biais, soit un pourcentage identique à celui de jeune public.

Deux enseignements peuvent être tirés à la lumière de ces chiffres. Le fait, d'abord, que la combinaison de la fonction poétique du langage et de la description d'ambiance s'avère une ressource stylistique de premier plan pour promouvoir une manifestation culturelle. Plus généralement, ensuite, on peut affirmer que la modalisation persuasive, ou ce que l'on pourrait appeler le littéraire, apparaît bien comme une partie intégrante de l'écriture du texte promotionnel culturel.

12. Des récits en trompe-l'oeil pour séduire (ou le pouvoir des fables)

Si les TPC sont toujours des textes à forte dominante descriptive qui, soit informent, soit commentent, soit donnent à voir une ambiance110(*), ils empruntent aussi parfois au narratif certaines de ses caractéristiques afin de séduire le destinataire.

Ces emprunts séquentiels de type narratif, parce qu'ils sont la plupart du temps insuffisants en nombre111(*), ne font jamais pleinement des TPC des récits mais en donnent sciemment l'illusion, comme s'il s'agissait de trompe-l'oeil.

Les raisons du caractère à notre avis hautement persuasif de cette stratégie incitative sont difficiles à expliquer car elles ressortissent autant de la linguistique, de la psychologie, de l'ethnologie que de la sociologie. Pourquoi les hommes aiment-ils à entendre des histoires ? Et plus prosaïquement, pourquoi les rédacteurs de l'ODC en proposent-ils à leur destinataire, même de manière tronquée?

On sait que les meilleures rhétoriciens (Cicéron) et les philosophes (Socrate) de l'Antiquité usaient de l'anecdote ou du récit pour convaincre. La Fontaine, dans ses Fables, ou Voltaire, dans ses Contes philosophiques, ne procédaient pas différemment, l'apologue cherchant à séduire pour marquer les esprits à des fins morales112(*).

Pour poursuivre cette réflexion, il nous semble préférable de recourir à une paraphrase, en nous appuyant (ce qui peut surprendre le linguiste) sur la pensée lumineuse de La Fontaine. Le fabuliste, en effet, analyse, dans « Le Pouvoir des fables », à travers une subtile mise en abyme qui tient lieu d'art poétique « en acte », l'impact du récit et de la poésie. Un « pouvoir », dans un contexte communicationnel pragmatique, puisqu'il s'agit pour les Athéniens de se mobiliser contre une invasion ennemie :

« Dans Athène autrefois peuple vain et léger,

Un Orateur voyant sa patrie en danger,

Courut à la Tribune ; et d'un art tyrannique,

Voulant forcer les coeurs dans une république,

Il parla fortement sur le commun salut.

On ne l'écoutait pas : l'Orateur recourut

A ces figures violentes

Qui savent exciter les âmes les plus lentes.

Il fit parler les morts, tonna, dit ce qu'il put.

Le vent emporta tout ; personne ne s'émut.

L'animal aux têtes frivoles

Etant fait à ces traits, ne daignait l'écouter.

Tous regardaient ailleurs : il en vit s'arrêter

A des combats d'enfants, et point à ses paroles.

Que fit le harangueur ? Il prit un autre tour.

Cérès, commença-t-il, faisait voyage un jour

Avec l'Anguille et l'Hirondelle :

Un fleuve les arrête ; et l'Anguille en nageant,

Comme l'Hirondelle en volant,

Le traversa bientôt. L'assemblée à l'instant

Cria tout d'une voix : Et Cérès, que fit-elle ?

- Ce qu'elle fit ? un prompt courroux

L'anima d'abord contre vous.

Quoi, de contes d'enfants son peuple s'embarrasse !

Et du péril qui le menace

Lui seul entre les Grecs il néglige l'effet!

Que ne demandez-vous ce que Philippe fait ?

A ce reproche l'assemblée,

Par l'Apologue réveillée,

Se donne entière à l'Orateur :

Un trait de Fable en eut l'honneur.

Nous sommes tous d'Athène en ce point ; et moi- même,

Au moment que je fais cette moralité,

Si Peau d'âne m'était conté,

J'y prendrais un plaisir extrême,

Le monde est vieux, dit-on : je le crois, cependant

Il le faut amuser encor comme un enfant. »

(Livre huitième - deuxième partie de la fable, 1668)

Cette dimension pragmatique dont peut se charger le récit (même lorsqu'il est un leurre à l'instar de la fausse fable « Cérès, l'Anguille et l'Hirondelle), la communication et la publicité s'en servent abondamment. Aussi la fable dans la fable de La Fontaine - ou plutôt celle qu'il prête à son personnage « l'Orateur », nous semble un formidable « bain révélateur » pour comprendre l'univers médiatique contemporain. « Si notre monde est vieux », les fictions et les récits y sont toujours plus foisonnants comme s'il fallait toujours l' « amuser encor », le maintenir éveillé par des récits en trompe-l'oeil sinon trompeur. Success story du self-made man113(*), récit vaguement romanticisé de la vie intime des puissants114(*), story-telling comme stratégie de communication pour gérer une situation de crise115(*) (etc.), le monde médiatique moderne ne cesse de servir, à « l'animal aux têtes frivoles » que nous sommes (magnifique image du corps social), ses « contes d'enfants ». Oui, en 2008, davantage, certainement, que dans la deuxième partie du Grand siècle, « nous sommes tous d'Athène en ce point », tant abondent ces récits montés de toute pièce, ces histoires qui transforment les événements communs d'une vie en « roman médiatique », boursouflé par tant d'écrits et tant d'images qu'amplifie encore la rumeur.

Rien de tel, bien sûr, dans nos TPC, petits textes à audience provinciale. Mais la modalisation persuasive s'y manifeste aussi parfois dans des ersatz de récit. Cependant, ce n'est pas uniquement par le volume de l'audience (pas plus que par le sujet abordé) que nos petits récits incomplets diffèrent des fables produites par l'implacable machine médiatique. La différence est de nature ou, si l'on préfère, d'ordre technique.

En effet, les TPC ne produisent jamais de récits sans base textuelle, contrairement aux « histoires » de l'univers médiatique. Les TPC ne sont jamais des textes ex nihilo mais toujours des textes qui s'inspirent d'autres textes : scénario et dialogues d'une pièce de théâtre, critiques de presse que le rédacteur peut lire dans un dossier de presse ou prises de notes personnelles d'un programmateur ayant vu un spectacle.

On ne sera pas surpris de constater que les TPC promouvant un spectacle théâtral (pour le jeune comme pour le grand public) apparaissent, pour la plupart, comme des récits au stade embryonnaire. Ces textes, inspirés par la pièce qu'ils promeuvent semblent s'ouvrir sur une situation initiale qui est une promesse de récit, autant dire une promesse de plaisir. Citons par exemple, le premier paragraphe du TPC « La Luna Negra » :

« Coiffé de mitaines et entouré d'un bonnet, Valentin Saitou vend des colliers artisanaux en coton trempé, contre deux sourires et trois poignées de main. Pourtant, il n'a pas toujours fait ça.» (Vincent, La Luna Negra, t. p., p. 19)

Dans bien des cas, on peut rapprocher ces TPC, construits sur une situation initiale et sur le principe d'une « narration interrompue », des présentations-critiques des films des magazines populaires consacrés aux programmes de télévision (Télé Star, Télé 7 jours, etc.), très proches des TPC d'un point de vue générique, et qui, longtemps, ont été précédées de la mention-titre « Si vous avez manqué le début... ».

En revanche, il est intéressant de relever que des TPC de type « récit en trompe-l'oeil » se retrouve dans la promotion de manifestations culturelles a priori non diégétique. Par exemple, j'ai fait « comme si je me mettais à raconter une histoire » pour promouvoir le spectacle de danse « Même pas seul » :

« On est à Dunkerque, c'est le Nord et sa culture populaire, son humanité. Une humanité qui déborde. De désespoir, d'ennui mais aussi d'un amour viscéral de la vie. Tout ça mêlé. Une vie que l'on voudrait manger à pleines dents, avec l'appétit bouffon des géants du carnaval. Une vie où les rires et la fête ne sont jamais bien loin des larmes. Rose et Jacky sont de ce pays (comme leurs très touchants interprètes Christine Bastin et Thomas Lebrun). Ils vivent là dans un F2, tout près de la mer. Mais c'est pas les vacances, non. C'est leur vie à eux, ici, depuis longtemps, sans enfants, sans même un chien. Une solitude à deux qui les enferme, qui rend presque impossible la parole ; où les mots, l'envie parfois, manquent pour s'aimer. Même pas seul est un spectacle de danse qui tient un propos, une sorte de théâtre chorégraphié qui offre une vision à la fois très amère et douce de la vie de couple. Sur scène, les corps se meuvent, s'ignorent, se rapprochent, dans un va-et-vient vachard et tendre qui, entre petites tragédies et grands espoirs, dit avec beaucoup de pudeur, de force et de poésie la grandeur de deux petites gens.» (David, Même pas seul, t. p., p. 23, annexe n° 24 )

Je fais de même pour promouvoir l'exposition de la sculptrice Fabienne Hanteville en commençant par la formule « Un jour » qui fait mine d'entamer une histoire116(*) comme le ferait un peu, dans un conte pour (de vrais) enfants, l'embrayeur de récit « Il était une fois » :

« Un jour, un ami sculpteur installé dans le Midi offrit à Fabienne Hanteville un bloc de marbre qu'elle ramena chez elle dans son sac à dos. Elle en fit un coq fièrement dressé. L'anecdote dit bien la volonté farouche de celle qui, contre vents et marées, pense, vit et dort sculpture animalière. Mais le marbre est rare ; alors bien souvent, Fabienne sculpte ce qui lui tombe sous la main. [...] » (David, Fabienne Hanteville, t. p., p. 4, annexe n° 19)

Ainsi, on peut avancer que le récit en trompe-l'oeil, à l'ouverture du TPC, a pour objectif (comme dans « Le Pouvoir des fables ») de séduire le destinataire en captant son attention, de le divertir mais avec pour véritable dessein de l'informer et de le persuader de se rendre à la manifestation culturelle.

D'autres usages du narratif nous semble devoir être relevés. Un TPC comme « La Reine des couleurs », par exemple, comporte de micro-séquences narratives, extrêmement condensées, qui sont comme des morceaux choisis d'histoire :

« Pas drôle la vie en noir et blanc ! Même dans un château [x]. Alors la petite reine décide de passer par toutes les couleurs. Ainsi, du bleu qu'elle a sur les fesses pour être tombée d'un cheval rouge (micro-séquence narrative 1) aux larmes multicolores qu'elle verse quand son château devient tout gris (micro-séquence narrative 2), notre héroïne royale les expérimente toutes !  Un vrai arc-en-ciel...Un spectacle malin, drôle et poétique, à la croisée des arts, où la comédie revisite le théâtre d'ombres, se combine, avec brio, à la musique, la peinture et l'illustration (réalisées en direct sur un écran), pour un moment coloré. » (David, La reine des couleurs, j. p, annexe n° 7)

Après une phrase au discours indirect libre ([x]), deux événements sont prélevés dans la diégèse pour donner un aperçu de l'histoire (description) mais en faisant « comme si » on la racontait (narratif en trompe-l'oeil) : 1) Elle est tombée de cheval et a eu un bleu. 2) elle a pleuré quand son château est devenu gris.

D'autres TPC, dont la classification reste problématique, semblent à mi-chemin entre le récit en trompe-l'oeil (du type « La petite reine ») et le texte narratif stricto sensu. « Félix et Filomène », par exemple, en dépit des apparences, peut être qualifié de faux récit. Le texte est composé d'une situation initiale (1) puis d'un événement (2 - le simple fait de s'affubler d'un nez rouge) qui, s'il n'est pas une complication, est présenté comme un événement transformateur puisque magique ; la suite du texte (3) étant (jusqu'à la fin de la parenthèse) le récit-description de ce que l'on a appelé des morceaux choisis de l'histoire :

« (1 -situation initiale) Un homme assis se maquille dans un rond de lumière. Il parle de Filomène sans s'apercevoir que là, à ses côtés, la merveilleuse femme clown l'écoute et le regarde. (2 -événement transformateur) Puis s'accomplit le rite magique, répété chaque soir dans la coulisse: sur son visage maquillé, l'homme pose un nez rouge pour devenir Félix, l'alter ego de Filomène. (3 -récit-description de morceaux choisis) Le public assiste alors, amusé ou attendri, au récit de leurs aventures (leur rencontre, un bal, une fameuse partie de pêche), / complice et acteur d'un spectacle qui nous plonge dans l'univers revigorant des clowns. » (David, Félix et Filomène, j. p., annexe n° 5)

Le « puis » qui introduit l'événement transformateur (2) fait partie de ces outils qui peuvent faire passer une description pour un récit, un TPC pour un conte en « modèle réduit »... Or, l'on sait que l'addition de la chronologie, d'un événement et d'une durée peuvent créer un artefact de récit mais ne suffisent pas pour écrire un véritable texte narratif. De plus, l'événement transformateur n'est pas à proprement parler une complication, ce qui corrobore ici l'hypothèse d'un ersatz de récit.

Deux TPC jeune public, en revanche, nous semblent plus nettement de type narratif et apparaissent donc comme des hapax dans notre corpus. Dans « Au voleur ! », l'ouverture emprunte au romanesque certaines de ses caractéristiques. Il débute au discours indirect libre, in medias res, par le récit-description d'un événement (vol d'un porte-monnaie) dramatisé au moyen d'une ponctuation émotive qui suggère le trouble de la petite héroïne :

« Quel choc! Quelqu'un est entré et a volé le porte-monnaie de maman ! La veille de l'anniversaire de la Petite Fille ! Et maman qui n'a pas eu le temps d'acheter son cadeau ! Résolue, notre petite héroïne se lance à la poursuite du maraud et rencontre au cours de sa filature une kyrielle de personnages haut en couleur (marchande de bazar, paysanne, marin...) qui la mettent sur les pas d'un voleur qu'elle ne croyait pas si bien connaître... Soutenu par une machinerie astucieuse, ce spectacle de marionnettes, terriblement rythmé, mêle aux éléments traditionnels du conte le suspense d'une enquête policière, pour le plaisir de tous. » (David, Au voleur ! , j. p., annexe n° 1)

L'écriture des trois premières phrases apparaît comme une fusion entre une situation initiale qui répondrait aux questions essentielles que se poserait un lecteur au début d'un roman ou d'une nouvelle ( quoi ? un vol ; qui ? une petite fille, un voleur, une maman ; où ? chez l'héroïne ; quand ? le veille de l'anniversaire de l'enfant) et un effet de complication. L'état des chose a été perturbé, ce qui implique une réaction : la filature de la petite fille au cours de laquelle elle va rencontrer « une kyrielle de personnages » dont l'énumération, entre parenthèses, correspond à ce que l'on a désigné par l'expression « morceaux choisis d'histoire hyper-condensés ». On peut même constater, dans ce TPC, que la résolution et la situation finale sont sinon racontées du moins fortement suggérées : « une kyrielle de personnages [...] qui la mettent sur les pas d'un voleur qu'elle ne croyait pas si bien connaître »117(*).

Plus nettement encore, le TPC jeune public « Mister Django et Madame Swing » semble réunir un nombre suffisant de macro-propositions narratives et peut être qualifié de texte narratif hyper-condensé118(*) :

« (1) Au pays des roulottes,  la guerre  des musiques  est déclarée! La faute à la sorcière, férue de solfège, que révulsent tous ces gratteux et violonneux, voleurs de notes et de rythmes. (2) Pour punir Django l'autodidacte, elle lui enlève Madame Swing, jolie chanteuse qui, accompagnée de son public, improvise sur des airs de jazz des scats qui font se trémousser. Et la méchante d'imaginer un odieux chantage : Django retrouvera sa douce à la seule condition d'apprendre La Chevauchée des Walkyries ! (3) Pouah ! une musique encadrée par des portées, avec force clés et moult croches ! Du symphonique  que Django ne peut s'empêcher d'accommoder à la sauce manouche... » (David, Mister Django et Madame Swing, j. p., annexe n° 13)

Le texte débute par une situation initiale (1) qui présente un univers (celui des musiciens gitans) dans un contexte précis (la guerre entre les Gitans et la sorcière). Une complication (2) survient : l'enlèvement de Madame Swing pour punir son compagnon Django d'être un musicien autodidacte ; enlèvement doublé d'un chantage et d'une forme de rançon : apprendre La Chevauchée des Walkyries pour retrouver Madame Swing. Le texte s'achève, non par la situation finale, mais par la « dynamique » du récit, l'effet réaction (3), à savoir les efforts fournis par Django (racontés au DIL) pour récupérer sa belle.

Ainsi l'on peut remarquer que dans ce texte atypique, aucune phrase ne sort de l'intention narrative. Aucun jugement ou aucune information sur les conditions de production du spectacle ou sur sa réception ne sont mentionnés. Le texte n'est, de plus, pas marqué par le décrochage habituel entre séquence descriptive (ou narrative en trompe-l'oeil) et séquence ou micro-séquence de commentaire, par laquelle le rédacteur donne un avis, généralement en usant de la modalisation méliorative.

Au terme de cette étude sur l'usage du narratif dans les TPC, on retiendra une idée principale : c'est le plus souvent, sous forme d'imitation, de trompe-l'oeil que des éléments caractéristiques du récit sont employés pour leur fort pouvoir de captation du destinataire, conjointement à des séquences descriptives, elles majoritaires, et à l'expression d'un jugement positif.

Conclusion

Le stage que j'ai effectué en 2007 à l'Office départemental de la culture de l'Orne en qualité de rédacteur et le mémoire de Master qui en a été le prolongement (sans doute plus universitaire que professionnel), ont constitué pour moi des « expériences très riches en enseignements »119(*).

Cette formule, banale, pourrait être remplacée par d'autres : « expériences décisives », «expériences révélatrices », si on n'en craignait pas le caractère quelque peu emphatique et la foule de connotations et de références qu'elles appellent en moi. Leur caractère trompeur, aussi. Puisque, au bout du chemin, ce qui se révèle n'est rien d'autre qu'une confirmation.

Car il me semble que le stage et le mémoire m'ont « révélé », finalement, ce que je savais déjà, sans oser tout à fait l'affirmer - pour des raisons qui tiennent à la fois de la psychologie et du social : je souhaite que l'écriture, sous des formes qui restent à déterminer (communication écrite, journalisme, recherche universitaire ou écriture personnelle et / ou littéraire) soit, pour le dire simplement, présente dans ma vie.

Pratiquer, pour la première fois, un genre de la communication écrite, le texte promotionnel culturel, a été pour moi (après les ateliers d'écriture oulipiens d'H. Le Tellier, légers, joyeux et stimulants) un plaisir et une forme d'émancipation par rapport aux inhibitions qui étaient encore les miennes face à l'écriture.

Définir et étudier, ensuite, le texte promotionnel culturel, pendant plusieurs mois (avec le concours précieux des différents apports théoriques du master) a constitué un travail, certes long, très accaparant et ponctué de moments de découragements mais dont on sort valorisé. Avec le sentiment d'être parvenu (du moins, nous l'espérons) à mettre au jour les principales caractéristiques de ce genre mal connu ; caractéristiques que nous rappelons ici :

Le contrat générique que propose le texte promotionnel culturel à son lecteur est double. Il a pour objectif de l'informer par une description sélective de différents aspects d'une manifestation culturelle, cette description apparaissant comme un des chaînons d'une lecture informative de service, de type hypertextuel.

Promotionnel, le genre du TPC poursuit aussi, à l'instar du discours publicitaire et de la critique culturelle « positive », un objectif pragmatique : inciter son lecteur, en recourant à 3 types de modalisation (le plus souvent combinés), à se rendre à une manifestation culturelle, toujours présentée comme une promesse de plaisir. Ces modalisations, influencées par l'ethos de chaque rédacteur et par le domaine culturel concerné, ont été par nous désignées sous les appellations « modalisation prescriptive », « modalisation méliorative » et « modalisation « persuasive ».

La modalisation prescriptive, peu usitée, a l'avantage de s'adresser directement au lecteur en l'assimilant déjà à un spectateur ; mais elle présente l'inconvénient de constituer une intrusion dans le « territoire » du destinataire.

Plus distanciée vis-à-vis du lecteur, la modalisation méliorative, très courante, promeut la manifestation culturelle en utilisant toute la variété des évaluatifs positifs, l'éloge pouvant être explicite ou moins marqué.

Enfin, la modalisation persuasive recourt à des techniques stylistiques, à des emprunts formels et culturels propres au littéraire, afin de promouvoir le spectacle ou l'exposition, de manière indirecte. Usitée, à peu près, dans un TPC sur deux, elle incite le lecteur à devenir spectateur, par ricochet, en faisant du texte un objet plaisant par lui-même, un objet discursif « palimpseste », qui recouvre, pour mieux le dévoiler, un autre plaisir  : celui que procurera au lecteur devenu spectateur, non plus le discours, mais la pièce de théâtre, le concert ou l'exposition.

Pour finir, on remarquera, sans feindre la surprise, que l'analyse générique réalisée (se voulant, autant que faire se peut, universitaire et objective) ne peut se départir du bilan personnel dressé au début de cette conclusion.

En effet, mon étude, dans son propos comme dans son économie générale, se présente, j'en suis conscient, comme une démonstration de l'utilité du « Littéraire » (sinon de sa suprématie...) dans la communication écrite. Démonstration « justifiante » qui en rejoint une autre : l'affirmation de moi-même en tant que littéraire (y compris socialement). C'est-à-dire en tant qu'individu formé par le Littéraire120(*).

Ce que j'entends par Littéraire, en tant que catégorie, peut être défini comme un espace de connaissance qui recouvre évidemment la « littérature » mais qui englobe ce que l'on a l'habitude d'appeler les « sciences humaines », dont je ne sais encore que peu de choses. Le « littéraire », c'est notamment aussi l'histoire, la sociologie, la psychologie, la linguistique ou la sémiologie. Ainsi, être formé par le Littéraire, dans ses différentes composantes, c'est disposer de savoir-faire, d'un fonds culturel, de méthodes d'analyse mais aussi d'un certain mode de pensée. Bref, c'est disposer de compétences.

*

Bibliographie

Bibliographie principale

ADAM Jean-Michel, 1999, Linguistique textuelle. Des genres de discours aux textes, Paris, Nathan université.

ADAM Jean-Michel (S/dir., avec HERMAN Thierry et LUGRIN Gilles), 2001, introduction à Genres de la presse écrite et analyse de discours, dans la revue Semen 13 (nouvelle série n°13 - 2000-2), Besançon, Presses Universitaires Franc-comtoises. 

DURRER Sylvie, 2001, « De quelques affinités génériques du billet  », dans Genres de la presse écrite et analyse de discours, revue Semen 13, Besançon, Presses Universitaires Franc-comtoises, p. 163-185.

GROSSE Ernest-Ulrich, 2001, « Evolution et typologie des genres journalistiques. Essai d'une vue d'ensemble », dans Genres de la presse écrite et analyse de discours, revue Semen 13, Besançon, Presses Universitaires Franc-comtoises, p. 15-36.

LUGRIN Gilles, 2001, « Le mélange des genres dans l'hyperstructure », dans Genres de la presse écrite et analyse de discours, revue Semen 13, Besançon, Presses Universitaires Franc-comtoises.

MAINGUENEAU Dominique, 2005, Analyser les textes de communication, Paris, coll. Lettres sup, Armand Colin.

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MOIRAND Sophie, 1990, « Se mettre dans son texte : les évaluations des critiques de presse » (chap.4), dans Une grammaire des textes et des dialogues, Paris, Hachette.

Bibliographie générale

ADAM Jean-Michel, 1992, Les textes : types et prototypes. Récit, description, argumentation, explication et dialogue, Paris, Nathan.

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SFEZ Lucien, 1999, La Communication, coll. Que sais-je ?, Paris, Presses Universitaires de France.

TISSERON Serge, 2000, Propagande, publicité, information et désinformation, communication pour la 160e Conférence de l'Université de tous les savoirs.

WAGNER Robert Léon et PINCHON Jacqueline, 1991, Grammaire du Français classique et moderne, Hachette Supérieur, 688 p.

WATZLAWICK Paul, 1972, Une logique de la communication (chap. II), Paris, Seuil

YAGUELLO Marina, 1981, Alice au pays du langage, Paris, Seuil, 207 p.

ANNEXES

On trouvera dans cette annexe tous les TPC que j'ai écrits pour l'ODC.

I

TEXTES PROMOTIONNELS CULTURELS

JEUNE PUBLIC

n. b. : les passages en caractère gras, dans les textes jeune public, correspondent à la combinaison « fonction poétique du langage + description d'ambiance » que nous avons analysée dans le chapitre 11 de notre partie consacrée aux différentes ressources de la modalisation persuasive.

ANNEXE N°1 :

Au voleur !

Théâtre de marionnettes. Durée : 40'. Public limité à 100 enfants. Compagnie du Jarbron Rouge - Narbonne. Texte, création des marionnettes et interprétation : Nathalie Roques. Scénographie, décor : René Delcourt. Mise en scène : Pierre Richards.

Quel choc! Quelqu'un est entré et a volé le porte-monnaie de maman ! La veille de l'anniversaire de la Petite Fille ! Et maman qui n'a pas eu le temps d'acheter son cadeau ! Résolue, notre petite héroïne se lance à la poursuite du maraud et rencontre au cours de sa filature une kyrielle de personnages haut en couleur (marchande de bazar, paysanne, marin...) qui la mettent sur les pas d'un voleur qu'elle ne croyait pas si bien connaître... Soutenu par une machinerie astucieuse, ce spectacle de marionnettes, terriblement rythmé, mêle aux éléments traditionnels du conte le suspense d'une enquête policière, pour le plaisir de tous.

ANNEXE N°2 :

Dans ma maison de papier, j'ai des poèmes sur le feu

Théâtre. Durée : 45 à 50'. Public limité à 100 enfants. Nathalie Bensard - Loire-Atlantique. Texte : Philippe Dorin. Mise en scène : Nathalie Bensard. Comédiens : Nathalie Hauwelle, François Lepage et Catherine Vuillez

Un canapé, la lumière douce d'une veilleuse. C'est sans doute une chambre d'enfant mais une chambre imaginaire, celle que s'invente, à la faveur de la nuit, une petite fille. Une petite fille qui, en un clin d'oeil, devient une vieille dame... Et que l'on retrouve bien vite sans que... ne disparaisse la vieille dame... Une petite fille qui recherche une présence : celle de la lumière, parce que la nuit, avec son cortège de peurs, est à apprivoiser ; celle de la vieille dame, surtout, parce que la féerie du monde nocturne est aussi un bonheur à partager.

ANNEXE N°3 :

Dégage, petit !

Comédie et théâtre d'objets. Durée : 1h00. Public limité à 150 enfants. Compagnie Gare Centrale - Belgique. Créatrice et comédienne : Agnès Limbos. Collaboration à la mise en scène et à la chorégraphie : M-K Rutten, N. Harcq, A-M Loop, G. Molnar, F. Bettini, F. Bloch et M. Godat. Costume et accessoires : F. Colpé, A. Limbos, M. Lhommel, M. Vandenbroek.

Agnès Limbos, extraordinaire comédienne souvent comparée à Raymond Devos pour son goût des mots et de l'absurde, adapte très librement la figure du Vilain petit canard chère à Andersen dans un pièce cruelle, drôle et poétique d'où l'on sort tout chamboulé. Avec trois fois rien, un abat-jour en guise de jupon, un saladier figurant un lac, un tableau noir et quelques points à la craie, la comédienne, tantôt ballerine tantôt clown pataud et fragile, nous conte l'itinéraire de tous ceux que l'on rejette parce qu'ils sont différents. Et parvient à désamorcer, sans l'édulcorer, une histoire bêtement tragique grâce à un humour décalé et salvateur.

ANNEXE N°4 :

Fleurs de peau

Spectacle musical.Durée : 35. Public limité à 80 enfants. Compagnie Ernest le dromadaire - Puy-de-Dôme. Création et interprétation : Florian Allaire et Grégory Truchet.

Le moins que l'on puisse dire, c'est que la Cie Ernest le dromadaire a (en plus de sa bosse) la musique dans la peau ! Et pas chameau, elle nous l'offre en bouquet avec ce Fleurs de peau qui initie les petits aux mélodies et aux rythmes que l'on aime à partager entre enfants et avec les grands. Sur scène, nos deux compères rivalisent de facéties, alternent avec brio chansons ou comptines reprises par la salle et moments instrumentaux. Une guitare, une clarinette mais aussi des instruments plus inattendus composent l'arsenal de ces éducateurs hors pair. Ernest le dromadaire, c'est sûr, sait transmettre la bosse de la musique !

ANNEXE N°5 :

Félix et Filomène, « Impromptu »

Théâtre de clowns. Durée : 50'. Public limité à 100 enfants. Le Voyageur debout - Lyon. Comédiens : Marie Emilie Nayrand et Jean-Luc Bosc. Mise en scène : Jean-Luc Bosc

Un homme assis se maquille dans un rond de lumière. Il parle de Filomène sans s'apercevoir que là, à ses côtés, la merveilleuse femme clown l'écoute et le regarde. Puis s'accomplit le rite magique, répété chaque soir dans la coulisse: sur son visage maquillé, l'homme pose un nez rouge pour devenir Félix, l'alter ego de Filomène. Le public assiste alors, amusé ou attendri, au récit de leurs aventures (leur rencontre, un bal, une fameuse partie de pêche), complice et acteur d'un spectacle qui nous plonge dans l'univers revigorant des clowns.

ANNEXE N°6 :

Le Berce-Oreille

Théâtre musical. Durée : 30'. Public limité à 80 enfants. Quelqu'uns - Vendée. Ecriture, conception et interprétation : Jean-Louis Cousseau. Costume et décor : Bibi Lolol. Musiques et objets sonores : Christophe Moy.

Dans neuf mois, Homhom va être papa ! Heureux et bouleversé, son enfance remonte à la surface et charrie avec elle, vaguement, imparfaitement, la chanson douce que lui chantait sa maman... Mais comment s'en souvenir vraiment ? Pour pouvoir la chanter à bébé, Homhom part faire le tour du monde des berceuses. Un périple musical où l'on traverse des horizons contrastés, passant du Népal au Rwanda, du Maroc à la Géorgie ; où chaque culture est symbolisée par un objet sonore que J-L Cousseau, en homme-orchestre virtuose, sort de son grand manteau magique, étonnante boîte à malices devenant aussi, en un tournemain, montagne, grotte ou tente d'indiens !

ANNEXE N°7 :

La Reine des Couleurs

Théâtre musical et graphique. Durée : 50'. Public limité à 150 enfants. Erfreuliches Theater Erfurt - Allemagne.

Texte adapté du livre éponyme de Jutta Bauer. Adaptation, mise en scène et scénographie: Eva Noell et Paul Ollbrich. Comédienne et peintre : Eva Noell. Composition, accordéon et comédie : Alexander Voynov. Animation : Paul Ollbrich. Lumière : Martin Bartels.

Pas drôle la vie en noir et blanc ! Même dans un château. Alors la petite reine décide de passer par toutes les couleurs. Ainsi, du bleu qu'elle a sur les fesses pour être tombée d'un cheval rouge aux larmes multicolores qu'elle verse quand son château devient tout gris, notre héroïne royale les expérimente toutes ! Un vrai arc-en-ciel...Un spectacle malin, drôle et poétique, à la croisée des arts, où la comédie revisite le théâtre d'ombres, se combine, avec brio, à la musique, la peinture et l'illustration (réalisées en direct sur un écran), pour un moment coloré.

ANNEXE N°8 :

Le Petit Bonhomme à modeler

Théâtre de marionnettes. Durée : 45. Public limité à 80 personnes. Théâtre de Romette - Le Puy-en-Velay. Texte et scénario : Alexia Saubert et Johanny Bert. Mise en scène : Johanny Bert. Interprétation et manipulation : Sébastien Miro.

Au début, c'est une naissance, toute en poésie : un jeune homme trouve dans sa poche une boule de pâte à modeler et lui donne forme. Ensuite, c'est comme la vie. Le petit être maladroit, à la tête un peu cabossée, accomplit ses premiers pas, trébuche, repart, consolé par le jeune homme qui l'encourage et le protège. En chemin, se succède une galerie d'étonnants personnages créés à partir d'objets ou... d'une partie du corps du marionnettiste ! Tous (de l'escargot espiègle à l'arbre qui n'en finit pas de grandir) enseignent à notre petit héros « à la gomme » l'art de grandir, en l'initiant à la fonction et au plaisir des cinq sens mais aussi au bonheur du langage.

ANNEXE N° 8 BIS :

Les pieds dans les nuages

Théâtre de marionnettes. Durée : 50'. Public limité à 120 personnes. Théâtre de Romette - Le Puy-en-Velay. Création et interprétation : José Pedrosa et Jean-Christophe Luçon. Mise en scène : Marc Brazey. Son : Eric Clet.

Manipulation: Johanny Bert.

C'est une histoire sans paroles, du théâtre de marionnettes naïf et profond comme un Chaplin, poétique et onirique comme un film de Méliès. Sur scène, deux « personnages » : un petit homme bricolo (merveilleusement manipulé par Johanny Bert) et... un piano. Pendant que l'un, poursuivant obstinément son rêve, bidouille, tel Léonard de Vinci, toutes sortes de machines pour enfin voler, « l'autre » lui répond, accompagne ses élans et ses échecs, dans un dialogue, mystérieux et tendre, entre l'art de la marionnette et la musique.

ANNEXE N°9 :
Là-haut, la lune

Comédie et théâtre de marionnettes. Théâtre Bascule - Préaux-du-Perche (61). Comédiens : Loïc Auffret, Stéphane Fortin et Pascaline Gauthier. Mise en scène : François Chevallier. Scénographie : Anne Pitard. Texte : Emmanuel Darlay

« Ohaoy, pitchipitchipoy ! » C'est le mot de passe qui retentit  dans la forêt ; l'annonce, pour nos deux amoureux, de leur rendez-vous galant, au pied de leur arbre. Car l'un et l'autre en ont assez du monde et de son tumulte. Marre des horloges, des cartes bleues, des clefs d'ceci ou d'cela. Et si on restait à l'écart, dans notre arbre, au milieu des oiseaux? Et si on grimpait tout là-haut ? Si on allait sur la lune, au calme, rien qu'avec notre amour ? Au calme, oui, mais éternellement... quel ennui ! Alors on regarde en bas et on se dit qu'il faut apprendre à vivre avec ce monde-là, sans se résigner. Du théâtre lunaire qui donne corps magnifiquement à un texte où fourmillent les trouvailles poétiques.

ANNEXE N°10 :

L'araignée du soir

Théâtre musical, d'ombres et de marionnettes. Durée : 1h00. Public limité à 500 spectateurs ( !). Les frères Léon - Nantes.

Quelle bande de joyeux garnements n'a pas rêvé d'avoir rien que pour elle un vieux hangar tout plein de vieilleries ? Les frères Léon, comme les petits héros de la série anglaise L'autobus à impériale (so seventies !), ont cette chance. Leur terrain de jeu, une gare désaffectée, est un vaste bric-à-brac où toutes les inventions et toutes les aventures deviennent possibles! Bricoleurs géniaux d'objets et de sons, ils donnent vie à toutes sortes de personnages (une araignée gardienne des lieux, un funambule, un épouvantail...) à travers des saynètes loufoques, poétiques et chantées qui séduiront tous ceux qui ont une araignée au plafond !

ANNEXE N°11 :

Loin de mon doudou

Théâtre. Durée : 30'. Public limité à 80 spectateurs (adultes et enfants). La Compagnie Sémaphore - Alsace.

Comédienne : Sandra Denis. Texte et mise en scène : Denis Woelffel. Musique : Lydia Reilthler et Yves Bleicher. Scénographie et costumes : Nicolas Houdin et Thibault Welchlin

Quand doudou disparaît, P'tidom, tout désemparé, s'adresse à Nona. Il ne peut tomber mieux puisque les doudous, c'est elle, Nona, qui les tisse et les arrange en farandole, dans sa drôle de roulotte. Notre experte ès doudous part alors à la recherche de l'ami de chiffon et entraîne les petits spectateurs captivés dans un pays fabuleux, fait de mouvements et de couleurs, de ritournelles et de poésie, pour un voyage qui aide à grandir...

ANNEXE N°12 :

Mefy, méfie-toi !

Théâtre d'objets et de marionnettes. Durée : 40'. Public limité à 120 enfants. Le Théâtre de la Toupine - Evian.

Conception des marionnettes et manipulation : René Greloz et Arnaud Decorzent

Du théâtre éducatif, préventif et... rusé. Normal puisque Méfy, le protagoniste, est un renard. Mais rusé, surtout, parce que Le Théâtre de la Toupine relève la gageure de sensibiliser les enfants, par un divertissement enlevé, drôle et riche en rebondissements, aux dangers de la vie domestique. Un goupil reporter, aux pouvoirs magiques, qui a le don de rétrécir pour enquêter au plus près du terrain. Liliputien au pays des couteaux, des détergents, de l'électro-ménager ou des casseroles sur le feu, notre journaliste retrouve une taille d'homme pour inventorier, en chanson et avec son public, les pièges du home sweet home.

ANNEXE N°13 :

Mister Django et Madame Swing

Conte musical. Durée : 45'. Doudou Swing - Yvelines. Spectacle et musique : Doudou Cuillerier, Victorine Martin, Antonio Licusati et Emy Dragoï.

Au pays des roulottes,  la guerre  des musiques  est déclarée! La faute à la sorcière, férue de solfège, que révulsent tous ces gratteux et violonneux, voleurs de notes et de rythmes. Pour punir Django l'autodidacte, elle lui enlève Madame Swing, jolie chanteuse qui, accompagnée de son public, improvise sur des airs de jazz des scats qui font se trémousser. Et la méchante d'imaginer un odieux chantage : Django retrouvera sa douce à la seule condition d'apprendre La Chevauchée des Walkyries ! Pouah ! une musique encadrée par des portées, avec force clés et moult croches ! Du symphonique  que Django ne peut s'empêcher d'accommoder à la sauce manouche...

ANNEXE N°14 :

Pepe e Stella

Comédie et théâtre d'ombres. Durée : 50'. Public limité à 200 enfants. Teatro Gioco Vita - Piacenza (Italie).

Comédiens : Federica Anna Armillis et Alessandro Ferrara. Mise en scène et décors : Fabrizio Montecchi. Texte adapté du livre de Barbro Lindgren : Pojken och Stjärnan. Adaptation : Nicola Lusuardi. Silhouettes : Nicoletta Garioni. Sons et lumières : Sebastiano Peyronel.

Une troupe italienne, un public français, le texte d'une Suédoise : belle Babel mais aucune confusion, car Pepe e Stella, magnifique histoire d'une amitié entre un enfant de la balle et son cheval de cirque, possède le souffle et l'universalité du mythe. Une Odyssée de poche qui parle de séparation, d'attente et de retour ; où le cheval Stella, promis à l'abattoir, traverse la mort et mille autres dangers. Un itinéraire vers l'inconnu, tracé par les étoiles, qui conduit nos deux héros à quitter la toute-puissance de l'enfance pour vivre la fragile beauté d'une vie d'homme.

ANNEXE N°15 :

Pinocchio

Théâtre de marionnettes. Durée : 55'. Public limité à 100 enfants. Divine Quincaillerie - Nice. Texte adapté du conte de C. Collodi « Le Aventure di un Burattino » (1881). Adaptation, mixage et comédie : Vanessa Clément

Création des marionnettes et manipulation : Thierry Hett.

C'est un spectacle de marionnettes dont le personnage principal est... une marionnette. C'est Pinocchio, mythe encombrant que la Divine Quincaillerie a choisi de nous présenter en le débarrassant des interprétations accumulées au fil des variantes : ici, Pinocchio n'est ni une fable moralisatrice ni un conte libertaire voire psychanalytique ; c'est Pinocchio, tout simplement ! Celui des origines, au plus près du conte imaginé en 1881 par le journaliste toscan Carlo Collodi : un pantin de bois paradoxal qui , d'aventures merveilleuses en déconvenues bien réelles, éprouve la difficulté d'être si humain, tout en déplorant de n'être que marionnette...

ANNEXE N°16 :

Toc-toque - régal musical pour les enfants

Théâtre musical d'objets. Durée : 45'. Public limité à 150 enfants. La Compagnie du Petit Monde - Indre-et-Loire. Mise en scène et interprétation : Johanny Bert. Musique et interprétation : Didier Klein. Dramaturgie : Chantal Péninon. Marionnettes et accessoires : Nadia Espaignet.

Une table de cuisine dans la pénombre. Des ustensiles sont posés là, en attente de mains. Mais rien. Le coeur de la maison dort, livré à l'inertie des choses. Mais soudain : bing ! zing ! TOC ! tout un monde de cuillères et de faitouts s'anime, sous l'action de deux manipulateurs-musiciens invisibles et géniaux. Commence alors un ballet époustouflant de fouets mécaniques, un concerto drolatique pour bouilloires et théières qui confie à tous un secret : sous la nappe à carreaux du quotidien, le monde des choses palpite, prêt à livrer une musique insoupçonnée...

ANNEXE N°17 :

Veille au grain, il fera beau demain

Théâtre de marionnettes. Durée : 45'. Public limité à 200 enfants. La Compagnie Artemisia - Haute-Garonne.

Création et interprétation : Anne-Laure Vergnes.

Maudite époque. La terre, naguère si fertile, est aujourd'hui désolée. Autant que le grand-père de Granimède qui se lamente : plus un grain de blé à se mettre sous la dent ! Heureusement, Granimède le petit rongeur ne se résigne pas. Il quitte les siens en quête d'une graine magique aux pouvoirs fertilisants et en chemin, laisse grandir en lui une autre graine, plus précieuse encore... Une fable aux accents d'Asie, écologique et zen, qui, sur fond de chants mongols, nous dit avec grâce et sensibilité qu'il est encore temps d'agir.

II

TEXTES PROMOTIONNELS CULTURELS

TOUT PUBLIC

ANNEXE N°18 :

Exposition Denis Monfleur

Château de Carrouges (du 14 juin au 17 août 2008).

Du corps à corps épuisant que livre Denis Monfleur avec le granit émane un souffle qui semble animer son humanité de pierre, partagée entre abattement et Espérance. Ses sculptures, fragmentaires comme celles de l'antique, évidentes dans leur rugosité primitive, condensent une essentielle beauté : ici se dégage le déhanchement vivant d'un torse, là un bras de pierre où se réfracte la lumière. Ces corps incomplets, parfois suppliciés, le sculpteur les travaille en taille directe, sans repentir possible. Et c'est peut-être ce risque, cette fragilité paradoxale d'un geste puissant et irrémédiable, qui permet aux statues de Monfleur de révéler, dans leur âpre minéralité, une beauté et une grandeur qui questionnent la condition humaine. Loin de l'art conceptuel et de ses vanités, l'oeuvre de Monfleur invite au recueillement. Sans doute parce que, malgré son intense modernité, elle ne peut échapper (éloge de la lenteur dans une époque qui sacralise l'instantané) aux gestes millénaires qu'elle prolonge et au sublime de l'homme qui, par la médiation de l'art, interroge sa destinée.

« Rarement on n'avait de la pierre dure révélé à ce point la tendresse et la poésie. » Olivier Céna, Télérama.

VARIANTE 1 :

Du corps à corps épuisant que livre Denis Monfleur avec le granit émane un souffle épique qui semble animer son humanité de pierre, partagée entre souffrance et élan, abattement et Espérance. Ses sculptures, fragmentaires comme celles de l'antique, évidentes dans leur rugosité primitive, condensent une essentielle beauté : ici se dégage le déhanchement vivant d'un torse, plus loin un bras de pierre où se réfracte la lumière, là une profonde entaille dans un abdomen supplicié. Ces corps incomplets, le sculpteur les travaille en taille directe, sans repentir possible. Et c'est peut-être ce risque, cette fragilité paradoxale d'un geste puissant et irrémédiable, qui permet aux statues de Monfleur de révéler, dans leur âpre minéralité, une beauté et une grandeur qui questionnent la condition humaine. Loin de l'art conceptuel et de ses vanités, l'oeuvre de Monfleur invite à la méditation, au recueillement. Sans doute parce que, malgré son intense contemporanéité, la sculpture de Denis Monfleur, éloge de la lenteur dans une époque qui sacralise l'instantané, ne peut échapper aux gestes millénaires qu'elle prolonge et au sublime de l'homme qui, par la médiation de l'art, interroge sa destinée.

« Rarement on n'avait de la pierre dure révélé à ce point la tendresse et la poésie. » Olivier Céna, Télérama.

VARIANTE 2 (avec les anges) :

Du corps à corps épuisant que livre Denis Monfleur avec le granit émane un souffle qui semble animer son humanité de pierre. Ses sculptures, fragmentaires comme l'antique, évidentes dans leur rugosité primitive, condensent une essentielle beauté : celle de l'homme qui, face à l'adversité, passe perpétuellement de l'abattement à l'Espérance. Ces corps, le sculpteur les travaille en taille directe, sans repentir possible. Et c'est peut-être ce risque, cette fragilité paradoxale d'un geste puissant et irrémédiable, qui permet aux statues de Monfleur de révéler, dans leur âpre minéralité, une beauté et une grandeur qui invitent, loin d'un certain art conceptuel et de ses vanités, à interroger la condition humaine. L'homme toujours. Même lorsque Monfleur suspend au-dessus de nous, comme sculptés en plein saut, de petits anges de granit semblant nous parler moins de leur chute que de la beauté de l'instant ; comme une invitation à saisir ici-bas ce moment de grâce, fugace, où le lourd devient léger, où la pierre et l'air s'accordent.

« Rarement on n'avait de la pierre dure révélé à ce point la tendresse et la poésie. » Olivier Céna, Télérama.

ANNEXE N° 19 :

Sculptures de Fabienne Hanteville

Alençon : La Poste / Ouest France. Du 19 septembre au 20 octobre 2007.

Un jour, un ami sculpteur installé dans le Midi offrit à Fabienne Hanteville un bloc de marbre qu'elle ramena chez elle dans son sac à dos. Elle en fit un coq fièrement dressé. L'anecdote dit bien la volonté farouche de celle qui, contre vents et marées, pense, vit et dort sculpture animalière. Mais le marbre est rare ; alors bien souvent, Fabienne sculpte ce qui lui tombe sous la main. Ainsi l'argile extraite de son jardin donna vie, il y a peu, à une étonnante basse-cour. Nécessité fait l'oie, pourrait-on dire... Aujourd'hui, le papier journal, les publicités, le carton, les bouteilles de plastique qui encombrent nos boîtes à lettres et nos poubelles constituent le matériau de son fabuleux bestiaire. Et l'on est tout à la fois admiratif et pris de vertige en voyant avec quel talent (et quelle patience !) la sculptrice « recycle » les résidus de l'hyperconsommation, standardisés et ignobles, en oeuvres d'art singulières : taureaux à l'encolure puissante ou petites vaches malicieuses qui sont autant d'odes à la vie. On se dit alors que sa ménagerie « recyclée » est soeur de ces tortues géantes crevant le ventre plein du plastique que charrient nos océans mondialisés. Un bestiaire, familier ou mystérieux, qui nous regarde comme pour nous demander si cette folie cessera un jour.

ANNEXE N° 20 :

L'Epopée du prince Preah Chenvong

Danse. Argentan. La Cie le Cabaret des Oiseaux. Chorégraphie : Leng Santha. Création lumière : Frédéric Audegond. Costumes : Sisowat Kresna, Ming Than, Sisowat Teso, Roath Mom.

C'est avec un très grand plaisir que nous accueillons à Argentan la compagnie de danse cambodgienne le Cabaret des Oiseaux. Créée à Paris en 1991 par d'anciens membres du Ballet royal du Cambodge (classé en 2003 par l'UNESCO « trésor du patrimoine immatériel de l'humanité »), la Cie s'inscrit dans une tradition chorégraphique millénaire mais menacée d'oubli depuis la vaste et terrible épuration culturelle des années Pol Pot (1975-79). Egalement ouvert sur la modernité (à travers des créations en danse contemporaine qui vivifient le répertoire), le Cabaret des Oiseaux propose un spectacle où évoluent les principaux personnages du panthéon mythologique et chorégraphique khmer : prince séducteur, princesses séduites, sage ermite, monstres gigantesques et démoniaques, tous

incarnés par six danseuses, au moyen d'un vocabulaire gestuel, gracieux et évocateur, de 3500 expressions. Jambes à demi fléchies comme pour puiser la force du sol, doigts tendus, parées de soies précieuses, de bracelets aux formes serpentines et de casques dorés, ces héritières des envoûtantes danseuses apsaras (représentées sur les bas-reliefs du temple d'Angkor) fascinent les spectateurs occidentaux tant par leur étrangeté mystique que par la richesse des chorégraphies.

ANNEXE N° 21 :

Chiffonnade

Danse. Durée : 3O'. Public limité à 100 personnes. Carré blanc (Cie Michèle Dhallu) - Gers. Chorégraphie : Michèle Dhallu. Costumes : Anne Rabaron. Interprétation : Leslie Barra ou Nicole Estrabeau ou Neige Salinas.

Montage sonore : Eric Mauer.

Mouvements et bruissements des étoffes que l'on froisse, que l'on caresse, que l'on déchire ; tissus mats, nobles et sobres, ou éclatants de mille feux ; vêtements du bout du monde qui dans leur diversité, partout, sertissent les corps pour en dire la beauté... Cette fascination pour les tissus, la chorégraphe Michèle Dhallu la doit à la costumière Anne Rabaron qui accompagne depuis quelques années ses créations. Subjuguée, la danseuse a voulu cette fois-ci inverser les rôles, placer le vêtement en amont de son travail et non comme complément d'un projet chorégraphique déjà établi. Chiffonnade, créé donc à partir des contraintes et du pouvoir évocateur des matières imposées par Anne Rabaron, s'impose comme une somptueuse exaltation du vêtement en mouvement. Tulles et soieries, lin, draps et cuirs, volent et ondoient sur scène, parfois comme des prolongements de la danseuse, souvent comme de véritables partenaires. Une chorégraphie superbe qui, sur des rythmes jazzy et africains, est aussi une réflexion sur le rapport à l'autre, à travers ce que l'on choisit de cacher ou de montrer par le vêtement.

ANNEXE N° 22 :

En aparté

Danse. Durée : 45'. Public limité à 250 spectateurs. Cie Etant-donné - Rouen. Chorégraphie : Frédérike Unger et Jérôme Ferron. Musique : Hubert Michel. Création lumière : François Maillot. Images, vidéo, animation : Nicolas Diologent. Décor : Etienne David.

Avec En aparté, la compagnie rouennaise Etant-donné éclaire ce qui nous est si proche et que nous ne voyons pas : le rapport du corps à l'habitat et les milliers de gestes que nous y accomplissons chaque jour mécaniquement : allumer la lumière, s'asseoir, se relever, ouvrir une porte ou un robinet, la ou le refermer, s'allonger sur un lit, rouler sur le côté... Dépoussiérant le quotidien, le langage du corps proposé par Frédérike Unger et Jérôme Ferron fait de chacune de nos actions quotidiennes un événement unique. Ces gestes extraits de leur torpeur routinière sont ramenés, par une chorégraphie et une lumière admirables, à leur beauté première. Un écran, des ombres, une musique où s'entendent le ruissellement d'une douche ou le cliquetis de la vaisselle, campent avec dérision et poésie cet univers si familier. Les danseurs donnent à voir de manière ludique, parfois absurde, le va-et-vient entre l'intérieur et l'extérieur, les mouvements dans et entre ces espaces séparés que nous occupons, traversons: salon, chambre, cuisine, cuisine, chambre, salon...Et très vite, la vie de la maison danse « en aparté » sous les yeux du spectateur, lui révèle « ce que seul il est censé entendre » : l'existence autour de lui d'un territoire merveilleux qu'il ne soupçonnait pas.

ANNEXE N° 23 :

Le Garçon aux sabots

Théâtre, danse hip-hop et figures d'ombres. Durée : 1 h00. Cie Contre Ciel - Paris. Création et mise en scène : Luc Laporte. Texte: Marie-Line Laplante. Chorégraphie : Sébastien Lefrançois. Interprètes : Milène Duhameau, Zouhir Charkahoui, Jean-Charles Zambo, Clément Roussillat. Musique : Fred Costa. Création lumière: Laurent Patissier. Sculptures, marionnettes et scénographie: Thierry Dufourmantelle.

Sur scène, un cercle, comme une arène. Au fond, des tôles ondulées translucides dessinent un univers urbain. Arrivent bientôt quatre garçons. De ceux qui, démarche chaloupée, effrayent parce que tout en eux, corps et langage, indique qu'ils appartiennent aux marges de la ville, à ces quartiers où, dans le rapport à l'autre, la violence est loi. Les personnages, enfermés dans les codes de leur culture, se toisent, friment, se cherchent, mi-fraternels mi-menaçants, avec les mots qu'ont inspirés à la dramaturge québécoise Marie-Line Laplante les joutes verbales hip hop. Mais rapidement le langage manque. Aussi quand le garçon aux sabots lance, provocation dérisoire et pathétique, qu'il est le maître du monde, seule la violence des corps se croit apte à répondre. Caparaçonnés de plaques de mousses, les danseurs se combattent alors, accompagnés par leurs ombres. Détenteurs chacun d'une arme totémique qui, à la façon des héros des mangas et des jeux vidéo, les fige en stéréotype, ils s'affrontent, marionnettes conduites par une une logique inexorable, dans une surenchère destructrice. Un spectacle à la croisée des arts, époustouflant de vitalité, qui propose à destination du jeune public une véritable réflexion sur la violence, sans didactisme ni complaisance.

ANNEXE N° 24 :

Même pas seul

Danse. Argentan. La Folia / Compagnie Christine Bassin - Val de Marne. Conception et mise en scène Christine Bastin. Chorégraphie et interprétation : Christine Bastin et Thomas Lebrun.

On est à Dunkerque, c'est le Nord et sa culture populaire, son humanité. Une humanité qui déborde. De désespoir, d'ennui mais aussi d'un amour viscéral de la vie. Tout ça mêlé. Une vie que l'on voudrait manger à pleines dents, avec l'appétit bouffon des géants du carnaval. Une vie où les rires et la fête ne sont jamais bien loin des larmes. Rose et Jacky sont de ce pays (comme leurs très touchants interprètes Christine Bastin et Thomas Lebrun). Ils vivent là dans un F2, tout près de la mer. Mais c'est pas les vacances, non. C'est leur vie à eux, ici, depuis longtemps, sans enfants, sans même un chien. Une solitude à deux qui les enferme, qui rend presque impossible la parole ; où les mots, l'envie parfois, manquent pour s'aimer. Même pas seul est un spectacle de danse qui tient un propos, une sorte de théâtre chorégraphié qui offre une vision à la fois très amère et douce de la vie de couple. Sur scène, les corps se meuvent, s'ignorent, se rapprochent, dans un va-et-vient vachard et tendre qui, entre petites tragédies et grands espoirs, dit avec beaucoup de pudeur, de force et de poésie la grandeur de deux petites gens.

TABLE DES MATIERES

Sommaire p. 3

Introduction p. 4

Première partie : une présentation

de l'Office départemental de la Culture de l'Orne

I Le cadre du stage

1 Présentation de l'ODC p. 7

2 Fonctionnement et raison d'être de l'ODC p. 7

3 Personnel et organisation de l'ODC p. 8

II Fonctions, structure et réalisation des plaquettes « jeune » et tout public de l'ODC

1 Fonctions et destinataires des deux plaquettes p. 11

2 Structure, mode de lecture et réalisation de la plaquette « tout public » p. 12

3 Structure, mode de lecture et réalisation de la plaquette « jeune public » p. 14

III Position des rédacteurs de l'ODC face à l'écriture

1 Variété des énonciateurs et des domaines artistiques : des ethos différents p. 16

2 Un stagiaire qui doit s'approprier un genre et un savoir-faire rédactionnel p. 19

*

Deuxième partie : essai de définition comparative

du texte promotionnel culturel

I Pour une désignation et une définition du texte qui vise à promouvoir une manifestation culturelle

1 Le problème de la désignation : un genre sans nom ? p. 24

2 Essai de désignation et de définition du « texte promotionnel culturel » p. 25

3 Le TPC : une pratique discursive relative à une formation sociodiscursive p. 26

II Le texte promotionnel culturel, un texte publicitaire comme les autres ?

1 Ce qui distingue le texte promotionnel culturel du message publicitaire p. 28

2 Le TPC face à l'argent, « visée » et « menace » propres au discours publicitaire p. 29

3 Le TPC face à un des fondements de la publicité : le stéréotype p. 31

4 TPC et publicité : des stratégies incitatives similaires ? p. 32

Troisième partie : étude des principales modalisations

à l'oeuvre dans les textes promotionnels culturels

I La modalisation prescriptive

1 Quand « il faut » aller au spectacle p. 35

2 Prescription et urgence p. 36

3 Des dangers de la prescription p. 36

4 Inviter le public en jouant stylistiquement sur un effet « crieur public » p. 37

5 La modalisation prescriptive atténuée p. 38

6 Un cas de modalisation prescriptive indirecte ? p. 38

7 Le prescriptif détourné p. 39

8 Prescrire en postulant un public fidèle p. 39

9 Monsieur Loyal face à un public fidèle p. 40

10 Quand l'effet de fidélisation est distancié p. 41

11 Un étonnant effet de fidélisation qui ne vise pas son destinataire

et transforme une communication événementielle en communication institutionnelle p. 43

II La modalisation méliorative

1 Définir le TPC au moyen d'un parallèle avec la critique culturelle journalistique p. 44

2 Le TPC, rien moins qu'une critique journalistique positive ? p. 45

3 TPC et critique journalistique : quand ne pas programmer ou taire revient à évaluer p. 46

4 L'impact d'un discours professionnel et institutionnel p. 47

5 Entre publicité et critique, des « airs de famille » variables p. 47

6 Le TPC, un genre qui, comme la critique, « informe » et « donne un avis » p. 48

7 Des objets de discours « catégorisés » communs aux critique de presse et aux TPC p. 49

8 Les évaluatifs axiologiques positifs dans les TPC p. 51

9 Les évaluatifs affectifs dans les TPC p. 52

10 L'évaluatif affectif comme label p. 53

11 Faire du lecteur, par avance, un spectateur ressentant p. 54

12 Les évaluatifs de comparaison dans les TPC p. 61

13 Quand la comparaison s'appuie sur un effet de dévalorisation p. 62

14 Evaluatif comparatif et « univers partagé » p. 63

15 Les évaluatifs contextuels dans les TPC p. 66

16 Le cas étrange d'un évaluatif axiologique et contextuel p. 66

17 L'évaluatif contextuel, une arme à double tranchant p. 67

18 Petit décryptage de l'inconscient scriptorial autour du mot « populaire » p. 68

19 Des évaluatifs contextuels qui font sens en chaîne p. 69

20 Evaluatifs contextuels et norme cognitive du locuteur p. 70

21 Le « neutralité méliorative » ou l'influence tacite du discours promotionnel

sur la description p. 72

III La modalisation persuasive ou la tentation de la littérature

1 Pour une définition de la modalisation persuasive p. 74

2 Le TPC ou la persuasion par la connivence culturelle p. 75

3 TPC et allusions intertextuelles p. 76

4 Un cas de connivence culturelle qui repose sur

la connaissance du monde contemporain p. 77

5 Connivence culturelle, autobiographie nostalgique et esthétique de la pointe :

un fragment de TPC à l'écriture très littéraire p. 78

6 Quand le TPC fait entendre sa petite musique p. 80

7 Des TPC où sont convoqués humour et calembours p. 84

8 Des figures de style pour persuader p. 89

9 Des TPC qui recourent au discours indirect libre p. 95

10 Des TPC descriptifs proches de l'écriture de l'article ou de l'essai p. 98

11 Combinaison de la fonction poétique du langage

et de séquences descriptives d'« ambiance » (avec essai d'étude quantitative) p. 103

12 Des récits en trompe-l'oeil pour séduire (ou le pouvoir des fables) p.107

Conclusion p. 116

Bibliographie p. 119

Annexes I p. 122

Annexes II p. 128

Tables des matières p. 132

* 1 ADAM Jean-Michel, 1999 : Linguistique textuelle, Des genres de discours aux textes, Paris, Nathan université, p. 84.

* 2 Pour lui permettre de remplir sa mission, le Conseil Général de l'Orne a ainsi alloué, en 2006, à l'ODC une subvention de 773 165,52 euros.

* 3 Les visuels récents de la plaquette tout public de l'ODC ont été étudiés dans notre mémoire de sémiologie pour ce master.

* 4 Gilles Lugrin, 2000 : « Le mélange des genres dans l'hyperstructure » dans Genres de la presse écrite et analyse de discours, Semen 13 (revue de sémio-linguistique des textes et discours, nouvelle série, n° 13), Besançon, Presses universitaires Franc-comtoises, p. 70.

* 5 MOIRAND Sophie, 1990, Une grammaire des textes et des dialogues, Paris, Hachette.

* 6 Idem.

* 7 MAINGUENEAU Dominique, 2005, Analyser les textes de communication, coll. Lettres Sup., Paris, Armand Colin, p. 24.

* 8 L'intention ici n'est pas dans la démonstration. Il s'agit de poser quelques premiers jalons sur la question de l'énonciation. Les ethos se dégageront, je crois, plus clairement, à travers l'étude précise des textes.

* 9 MOIRAND Sophie, 1990, «Se mettre dans son texte: les évaluations des critiques de presse», chapitre 4 d'Une grammaire des textes et des dialogues, Paris, Hachette.

* 10 MAIGUENEAU (2005). Op. cit.

* 11 Idem, p. 200.

* 12 ADAM Jean-Michel, 1999 : Linguistique textuelle, Des genres de discours aux textes, Paris, Nathan université.

* 13 Idem

* 14 F. JUST dans Réseaux (revue), cité par ADAM J- M (2001) dans l'introduction de Genres de la presse et analyse de discours, dans Semen 13 (op. cit.), p 9.

* 15 ADAM (2001) dans Semen 13 (op. cit.), introduction (d'après Bakhtine), p. 8

* 16 MAIGUENAU (2005), op. cit., p. 200

* 17 ADAM (1999), op. cit.

* 18 ADAM (1999), op. cit.

* 19 Idem, p.83.

* 20 Pour Bakhtine (Esthétique de la création verbale, p. 287), «les catégorisations fonctionnent par regroupements autour de prototypes, par «airs de famille» pour reprendre une formule un peu trop célèbre, mais fort utile, de Wittgenstein». Cité par ADAM J-M (1999), op. cit.

* 21 GROSSE Ernest-Ulrich, 2001, « Evolution et typologie des genres journalistiques. Essai d'une vue d'ensemble », dans Genres de la presse écrite et analyse de discours, revue Semen 13, Besançon, Presses Universitaires Franc-comtoises, p. 28.

* 22 KERBRAT-ORECCHIONI Catherine, 1989, Théorie des faces et analyse conversationnelle, p. 155-179, Le parler frais d'Erving Goffman, Paris, Edition de Minuit.

* 23 MAINGUENAU (2005), op. cit., dans « Les lois du discours » (chap. 2), p. 26.

* 24 MAINGUENAU (2005), idem.

* 25 Notamment à Paris et dans les grandes villes de province où l'on assiste dans le domaine de la variété ou du rock, pour des artistes qui suscitent un important engouement populaire, à une véritable flambée du prix des places et à un processus d'industrialisation du spectacle.

* 26 MAINGUENAU (2005).

* 27 MOIRAND Sophie (1990), Une grammaire des textes et des dialogues, Paris, Hachette.

* 28 EVERAERT-DESMEDT Nicole (1984) La communication publicitaire. Etude sémio-pragmatique, Louvain - la - Neuve, Cabay.

* 29 «Lorsqu'on aborde une typologie des genres, il faut en effet être conscient de leur historicité, tout comme de leur catégorisation parfois floue.» Ernest-Ulrich Grosse (2001) dans Semen 13 (op. cit.), p. 18

* 30 Selon E-U Grosse (idem), la brève publicitaire (simple encart avec mention du nom du produit, du lieu de vente voire du nom du « producteur ») apparaît au XVIIIe siècle, la publicité au XIXe siècle.

* 31 On pense pour ce dernier type publicitaire aux affiches Benetton des années 90, célèbres pour s'être emparées, avec un certain goût du scandale, de sujets de société tragiques (sida, racisme, etc.) mais aussi à la vogue actuelle du développement durable devenu le principal ressort de la communication institutionnelle des entreprises du secteur industriel.

* 32 GROSSE Ernest-Ulrich (2001), op. cit.

* 33 Après chaque citation, nous indiquerons l'auteur du TPC, le nom du spectacle ou de l'artiste, la plaquette concernée (spécification « tout public » ou « jeune public », abrégées en t. p. et j. p.), le numéro de la page pour les TPC t. p., ainsi que le numéro de l'annexe pour tous les textes que j'ai rédigés.

* 34 Dans ce chapitre, nous ouvrons notre corpus, exceptionnellement et pour les besoins de la démonstration, aux textes de l'ODC de la Saison culturelle précédente (Saison 2006-07).

* 35 Cf. séminaire du master et schéma réalisé par Dominique Desmarchelier, d'après BRETON Philippe (2001), L'argumentation dans la communication, coll. Repères, Paris, La Découverte, p. 45.

* 36 MOIRAND Sophie (1990), op. cit., p. 97.

* 37 BRETON Philippe (2001) - 2è éd., L'argumentation dans la communication, coll. Repères, Paris, La découverte.

* 38 MOIRAND Sophie (1990), op. cit., p. 97.

* 39 BRETON Philippe (2001), op. cit.

* 40 MOIRAND Sophie (1990), op. cit.

* 41 ADAM Jean-Michel (1999), op. cit.

* 42 Selon Grosse (GROSSE Ernest-Ulrich (2001), op. cit.), la critique existe en France depuis 1721. Le Mercure de France proposait alors des comptes rendus de spectacles comportant encore « peu d'évaluation ou de stimulus esthétique ». D'après son étude diachronique du Journal de Mantoue, elle apparaîtrait, sous sa forme moderne, en Italie en 1815.

* 43 GROSSE Ernest-Ulrich (2001), op. cit, p. 28.

* 44 MOIRAND Sophie (1990), op. cit.

* 45 BRETON Philippe (2001), op. cit.

* 46 MOIRAND Sophie, idem.

* 47 MOIRAND Sophie (1990), op. cit, « Se mettre dans son texte : les évaluations des critiques de presse », chapitre 4, p. 97.

* 48 MOIRAND Sophie (1990), op. cit., p. 97.

* 49 GROSSE Ernest-Ulrich (2001), op. cit., propos de Sophie Moirand cités par E-H Grosse, p. 30.

* 50 MOIRAND Sophie (1990), op. cit.

* 51 MOIRAND Sophie (1990), chap. 4, op. cit.

* 52 MOIRAND Sophie (1990), op. cit., p. 111-112.

* 53 On trouve d'autres effets « label » mais qui n'impliquent pas nécessairement une évaluation affective. C'est le cas de l'expression « nouveau talent » dans le TPC suivant : « Si l'on ne devait retenir qu'un seul nouveau talent « chanson » en 2007, à coup sûr, ce serait Renan Luce. » (Vincent, Renan Luce, t. p., p. 16)

* 54 MOIRAND Sophie (1990), op. cit. - voir notre Troisième partie, I La modalisation prescriptive, « 8. Prescrire en postulant un public fidèle », p. 46.

* 55 BRETON Philippe (2001), op. cit.

* 56 Nous préférons ce néologisme au verbe « pressentir » qui, s'étant éloigné des sèmes « sentiment » et surtout « sensation », ne dénote plus qu'une opération mentale consistant à deviner ou à tenter de deviner ce qui n'est pas encore advenu. Notre « pré-sentir » doit lui être entendu au sens premier de « ressentir avant ».

* 57 « Balade » au sens de promenade ne devrait prendre qu'un « l ». Une « ballade » est un poème à l'origine chanté. S'agit-il ici d'une faute d'orthographe ou de saisie ? Y-a-t-il au contraire, de la part de Jacques, une jeu de mots et le souhait de décrire une promenade américaine en image (sorte de road movie en « cinémascope ») avec la bande son (« ballade ») qui l'accompagne?

* 58 Dans la totalité de son TPC sur Armadillo, Jacques n'utilise jamais le nom « Amérique » et ne recourt qu'une seule fois à l'adjectif à propos du « « King » Elvis Presley, qui a fusionné à lui seul les diverses influences de la musique américaine [...] » (t. p., p 6)

* 59 On trouve cette expression, un peu plus loin, dans le TPC de Vincent. Remarquons qu'elle est aussi souvent utilisée au dos des bouteilles de vin sur le mode du conseil (température, plat avec lequel il peut être servi, etc.)

* 60 BRETON Philippe (2001), op. cit.

* 61 Au début de l'intervention américaine en Irak, les journalistes étaient dits « embarked » lorsqu'ils couvraient les événements au sein même d'une unité de combat.

* 62 Dominique MAINGUENAU (2005) compte parmi les lois du discours la loi de sincérité. Pour affirmer quelque chose, on est censé pouvoir garantir la vérité de ce qu'on avance. Dans mon cas, ce n'est pas en tant que témoin direct que je peux garantir la vérité de mes comptes rendus de spectacle. On peut en revanche dire que les dossiers de presse, constitués de sources différentes que j'ai croisées et dont je me fais l'écho, en sont la garantie. D'autre part, mes TPC sur les expositions (F. Hanteville, D. Monfleur) promeuvent des manifestations qui n'ont pas encore eu lieu. Aussi il ne suffit pas d'avoir vu pour être sincère mais d'être au plus près, au plus juste de son sujet. On peut également s'appuyer sur la linguistique et la théorie des fonctions du langage pour contre-argumenter l'idée de malhonnêteté. En effet, Sophie MOIRAND, rappelle dans Une grammaire des textes et des dialogues (1990) que tout énoncé est soumis à la fonction de représentation: on parle toujours de quelque chose qui est absent (de quelque chose que l'on a vu, que l'on a fait, que l'on veut ou que l'on va voir ou faire). Le TPC doit donc « représenter », au plus près, au plus juste, dans la conscience du destinataire, ce qui est absent, cette « représentation » se doublant donc d'un travail de modalisation.

* 63 BRETON Philippe (2001), op. cit.

* 64 MOIRAND Sophie (1990), op. cit.

* 65 MOIRAND Sophie (1990), op. cit.

* 66 BRETON Philippe (2001), op. cit.

* 67 Il est intéressant de remarquer ici que la question de la légitimité n'est pas seulement théorique mais que ce commentaire fait écho à certains échanges dont j'ai pu être témoin durant le stage. En effet, certaines communes partenaires (peu nombreuses) contestent les choix de l'ODC et proposent parfois d'autres artistes. Cette remise en cause, venant souvent d'élus n'ayant aucune compétence dans le domaine culturel et veillant surtout à contenter leurs électeurs par des spectacles grand public, parfois de piètre qualité, est mal vécue par les programmateurs. C'est ainsi que dans l'édito de la directrice Martine Gasnier, on a pu lire cette petite mise au point rappelant la légitimité de l'ODC en matière de programmation: «  Depuis trois décennies, l'Office départemental de la culture oeuvre au développement de l'Orne et poursuit la voie qu'il s'est tracée, soucieux d'offrir aux habitants, toutes générations confondues, des moments artistiques de qualité au travers de saisons, de festivals mais aussi d'expositions d'art contemporains programmés avec l'exigence qui doit prévaloir lors de choix opérés par des professionnels dont la mission est indissociable du respect du public. » -c'est nous qui surlignons.

* 68 MOIRAND Sophie (1990), op. cit.

* 69 BRETON Philippe (2001), op. cit.

* 70 MOIRAND Sophie (1990), op. cit.

* 71 MAINGUENAU Dominique (2005), op. cit.

* 72 Majoritairement rural, le département a cependant comporté des « niches » industrielles à Flers, Argentan et Alençon, berceau de la marque Moulinex. Dans cette dernière ville, très durement touchée par la fermeture des usines Moulinex au tournant du millénaire, les « luttes politiques et sociales » ont été une réalité pour nombre de ses habitants et font aujourd'hui partie de l'« imaginaire collectif » local.

* 73 Dans l'extrait de TPC cité ci-dessous que j'ai écrit, l'adjectif « rythmé », a priori neutre, devient, comme dans le texte de Vincent, évaluatif en contexte. Renforcé par l'adverbe « terriblement » (jouant un rôle d'intensificateur), cet emploi de l'adjectif fait de la vitesse, du dynamisme, du rythme une valeur méliorative : « Soutenu par une machinerie astucieuse, ce spectacle de marionnettes, terriblement rythmé, mêle aux éléments traditionnels du conte le suspense d'une enquête policière, pour le plaisir de tous. » (David, Au voleur !, j. p., annexe n° 1). La vitesse, l'énergie a la même valeur méliorative dans le texte de Jacques promouvant la mise en scène des Fourberies de Scapin (t. p., p. 37)

* 74 MOIRAND Sophie (1990), op. cit.

* 75 BRETON Philippe (2001), op. cit

* 76 MOIRAND Sophie (1990), op. cit.

* 77 MOIRAND Sophie (1990), op. cit., p. 111.

* 78 MOIRAND Sophie (1990) op. cit.

* 79 Troisième partie, II, chap. ?, p. ?

* 80 MAINGUENAU Dominique (2005), op. cit.

* 81 L'intertexte serait ici le célèbre « Noms de pays » dans Du côté de chez Swann.

* 82 Contrairement au rédacteur, l'analyse du discours n'a pas (toujours) ces délicatesses...

* 83 DURRER Sylvie (2001), « De quelques affinités génériques du billet  », dans Genres de la presse écrite et analyse de discours, revue Semen 13, Besançon, Presses Universitaires Franc-comtoises, p. 163-185.

* 84 DUPRIEZ Bernard (1984) Gradus, Les procédés littéraires (dictionnaire), coll. 10/18, Union générale d'éditions.

* 85 Si le ridicule, heureusement, ne tue pas dans les TPC, on songe ici au film de Patrice Leconte, Ridicule (1996), qui, magistralement, a montré combien le « trait » mal maîtrisé pouvait, à la cour de Louis XVI, ruiner une réputation, défaire une situation patiemment acquise et tuer socialement (disgrâces) ou littéralement (suicides) le maladroit.

* 86 Le Nouveau Petit Robert, citation extraite de l'article « calembour », Dictionnaire Le Robert, Paris, 1996)

* 87 MAINGUENAU Dominique (2005), op. cit.

* 88 cf. Troisième partie, Etude des principales modalisations à l'oeuvre dans les textes promotionnels culturels, II « La modalisation méliorative », chap. 13.

* 89 MAINGUENAU Dominique (2005), dans le chap. 15 « Du proverbe à l'ironie: polyphonie, captation, subversion », op. cit.

* 90 MAINGUENAU Dominique (2005), dans le chap. 14 « Modalisation autonymique, guillemets, italique », op. cit.

* 91 L'image des tortues géantes mourant d'avoir ingéré des sacs plastiques à la dérive m'a été « inspirée » par un sujet, à fort impact émotionnel, vu dans le journal télévisé de France 2, quelques semaines avant la rédaction de mon texte.

* 92 On parle aussi souvent, dans le même registre métaphorique du tissu, de « nappes » sonores.

* 93 PONGE Francis (1942), Le Parti pris des choses, Gallimard.

* 94 Notre méthode qui consiste à examiner les TPC de l'ODC objectivement et sans anonymat touche peut-être ici à l'une de ses limites. D'abord parce qu'elle me place, en dépit de l'engagement pris dans l'introduction, dans un rôle de censeur assez désagréable. Ensuite parce que mon jugement peut être tout à fait erroné et que, par ailleurs, il est fort possible que certains dysfonctionnements m'aient échappé dans mes propres textes : on voit la paille dans l'oeil du voisin sans voir la poutre dans le sien...

* 95 MAINGUENAU Dominique (2005), op. cit.

* 96 Dominique MAINGUENAU (2005, op. cit.) remarque que cette « volonté de cumul que l'on retrouve dans le discours indirect libre » [...] « est plus rare dans la presse que dans le roman » (chap. 13, « Discours indirects, formes hybrides). Elle est également relativement rare dans les TPC et très majoritairement employée à partir d'un objet ayant originellement un contenu verbal ou du moins narratif. Ainsi le discours indirect libre est parfois utilisé dans les TPC de type théâtral (pièce mais aussi one man ou woman show, marionnettes) alors que les rédacteurs n'y recourent pas pour les concerts de chanson française, la musique classique ou les expositions.

* 97 Sophie MOIRAND (1990, op. cit.) oppose les « textes homogènes » (qui parlent d'une seule voix) et les « textes hétérogènes » qui laissent entendre plusieurs voix.

* 98 MAINGUENAU Dominique (2005), op. cit.

* 99 Celui-ci, dans sa globalité, n'est peut-être pas stricto sensu une séquence de discours indirect libre. Il peut s'apparenter à ce que Dominique Mainguenau appelle une « contamination » du discours du rédacteur par le milieu, le spectacle qu'il évoque (MAINGUENAU Dominique, 2005, op. cit)

* 100 D'autres fragments au DIL peuvent être repérés dans les TPC 2007-2008 de l'ODC : dans « La Petite Reine » (David, j. p.) - première phrase ; dans « Mister Django et Madame Swing » (David, j. p.) - avant-dernière phrase, à partir de « Pouah ! » ; dans « La Luna Negra » (Vincent, t. p., p. 19) - 2e § de « Autrefois [...] » à « tout se dégrade ».

* 101 Les textes à dominante descriptive de type informatif sont nombreux dans les TPC « tout public » et prennent des formes variables. Ils peuvent être entièrement rédigés (« Livres objets », Martine, t . p. 07 ; « Récital jeunes talents », Martine, t. p. , p. 40) ou prendre la forme, au moyen de syntagmes exclusivement nominaux, d'un programme-calendrier, avec mention de la date, de l'heure, du type de la manifestation culturelle et de sa durée (« Le Vin dans tous ses états », Martine, t. p., p. 36).

Les textes descriptifs de type purement informatif peuvent aussi être uniquement constitués d'une biographie de l'artiste où dates et phrases nominales prédominent (« Roger Blaquière », rédacteur inconnu, t. p., p. 21). Parfois, le texte est construit sur la combinaison de deux biographies ( « Flavio Boltro et Frank Woeste », Vincent, t. p., p. 12) présentant (en l'occurrence, au moyen de phrases verbales) deux artistes associés pour une même manifestation culturelle. Ce TPC dont les biographies forment deux § distincts, suppose toutefois un travail de réécriture ou du moins une « fusion » de sources et de séquences textuelles hétérogènes. En effet, ces biographies s'insèrent dans un dispositif d'écriture du TPC « standard », comme le prouve la présence d'un § conclusif qui prend un caractère descriptif non-biographique (informations sur l'ambiance, les partenaires) et use de la modalisation méliorative (« instrumentistes talentueux », « intensité étonnante »).

De nombreux textes utilisent des séquences descriptives de type informatif de manière plus fragmentaire. C'est le cas, par exemple, de « L'Epopée du Prince Preah Chenvong » (David, t. p., p. 13 - annexe n° 20) qui, après une première phrase donnant des informations sur l'histoire contemporaine de la culture au Cambodge, décrit principalement, par la suite, une atmosphère au moyen de la modalisation persuasive (voir chap. suivant).

* 102 Dans notre plan initial, une étude approfondie de l'agencement des séquences textuelles (ou types de textes) dans les TPC devait faire l'objet d'une quatrième partie. Parce qu'un mémoire professionnel ne saurait avoir l'ampleur d'une thèse, nous nous contentons d'en commenter brièvement quelques avatars dans le cadre (restreint) de notre analyse de la modalisation persuasive.

* 103 Ce texte a compté plusieurs variantes (cf. annexe n° 18), notamment parce qu'au moment de la rédaction, l'ODC et l'artiste n'avaient pas encore arrêté le choix des oeuvres devant être exposées. Par ailleurs, dans sa mouture finale, on trouve une différence minime entre la version papier (t. p., p. 50) et la version diffusée sur le site Internet.

* 104 Il existe, selon Dominique MAINGUENAU (2005), deux types de « lecteur modèle » : celui de productions médiatiques qui construisent leur public par exclusion (public d'initié, publics thématiques - par exemple, le compte-rendu dans L'Equipe, d'un match de basket) ; celui aussi de productions médiatiques qui excluent un minimum de catégories de lecteurs (publics «généralistes»). Dans le cas de l'ODC, on peut parler de tension entre ces deux types de lecteurs modèles, attendu que l'objectif d'un organisme parapublic culturel est d'amener le plus grand monde à voir des spectacles de qualité voire exigeants.

* 105 C'est ainsi que l'on peut constater dans Toc-Toque (annexe n° 16), l'écriture d'une phrase qui repose à la fois sur les potentialités phoniques du signifiant (onomatopée) et sur ses potentialités graphiques : «Mais soudain : bing ! zing ! TOC ! tout un monde de cuillères et de faitouts s'anime [...] ». La discrimination volontaire entre lettres majuscules et lettres minuscules a été réalisée afin d'introduire un décalage dans le régime descriptif et de renvoyer, comme un clin d'oeil, à un « au-delà » du texte qui lui est proche : le titre même du spectacle. Nous sommes ici en présence d'un cas de modalisation autonymique ainsi définie par Dominique MAINGUENAU: « Ensemble des procédés par lesquels l'énonciateur dédouble en quelque sorte son discours pour commenter sa parole en train de se faire » (MAINGUENAU, 2005, chap. 14, « Modalisation autonymique, guillemets, italique »)

* 106 Nous sommes conscient de ce que la combinaison textuelle « fonction poétique du langage » + « description d'ambiance » puisse faire problème. En effet, elle tend à amalgamer une catégorie de la linguistique (la fonction poétique parmi les autres fonctions du langage) et une catégorie du littéraire, « la poésie » (déclinables en multiples formes comme le poème en vers, le poème en vers libre, le poème en prose ou la prose poétique). « La poésie », cette catégorie littéraire (d'avantage qu'un genre, à notre avis) dont la fonction, pour simplifier grâce à Baudelaire, serait, avant tout, dans un acception classique, la recherche du Beau (« bizarre », dissonant ou plus académique - disons, classique).

Or, si dans les TPC étudiés dans ce chapitre, « fonction poétique du langage » et « poésie » se recouvrent souvent, d'autres avatars de la combinaison existent avec une acception du terme « poétique » qui nous semble plutôt tendre vers la linguistique ou du moins, concerner le littéraire mais dans un sens non classique.

On peut d'abord prendre l'exemple de « Cité Babel » (t. p., p. 49) et de « Même pas seul », tous les deux inclus dans notre parcours quantitatif. Ce sont des TPC qui rejettent les marques stylistiques classiques du littéraire mais sont inspirés par une tendance romanesque contemporaine. Dans ces deux textes, la description d'ambiance est en effet obtenue par une écriture à tour populaire. Une écriture, dans un « style parlé », non poétique au sens littéraire classique mais poétique au sens contemporain puisqu'il est impossible aujourd'hui, dans l'analyse de discours, de ne pas tenir compte de l'émancipation vis-à-vis du beau langage de la littérature du XXème siècle (Céline, Prévert, Duras, le Nouveau roman, l'Oulipo, les romans policiers, l'autofiction)

« L'araignée du soir » (annexe n°10) est, en revanche, un TPC qui nous laisse perplexe et qui nous place devant nos contradictions terminologiques. Une ambiance y est décrite grâce à la fonction poétique du langage, à notre avis, sans poésie au sens littéraire, que l'on pense en termes classiques ou contemporains. Le texte adopte un style humoristique et désinvolte donnant à voir une atmosphère drôle, décontractée. Nous l'avons exclu de notre étude quantitative, sans doute parce que, pour le littéraire que je suis, son humour un peu potache (n'est pas Desproges qui veut !) est un frein, une résistance qui m'empêche de le ranger sous la bannière « fonction poétique du langage ». On s'aperçoit ici qu'il m'est, en définitive, difficile de séparer cette catégorie linguistique de la catégorie littéraire « poésie ». Le rire a souvent (à tort) mauvaise presse et la lutte est, on le voit, âpre entre le littéraire et l'apprenti linguiste...

* 107 Si 17 textes figurent sur le poster alors que l'étude quantitative porte sur 18 TPC, c'est notamment parce qu'un changement est intervenu dans la programmation. Initialement la compagnie (Le Théâtre de Romette) devait venir jouer dans l'Orne « Les Pieds dans les nuages », spectacle qui a été remplacé par « Le Petit Bonhomme à modeler ».

* 108 Le poster, pour des raisons formelles, relatives au type de support, à son format et au « pliage », ne pouvait compter que 17 TPC correspondant chacun (photo et graphisme inclus) à une « face » du verso de l'affiche.

* 109 Ce recensement inclut aussi les TPC promouvant un festival, à savoir les p. 29-30 (que nous considérons comme un seul texte) sur Le Printemps de la chanson (Vincent), la p. 51 sur Les Vibrations de Flers (Jacques) et la p. 56 sur le Festival Autour d'un piano de Carrouges (Martine). En revanche, notre parcours quantitatif ne tient pas compte des textes publiés uniquement sur le site de l'ODC et/ou ultérieurement à la durée de notre stage (voir notamment les TPC promouvant, individuellement, les groupes et chanteurs participant au festival Le Printemps de la chanson).

* 110 Le parallèle entre TPC et critique de presse peut ici être poursuivi du point de vue de l'agencement des séquences textuelles. En effet, Ernest-Ulrich GROSSE (2001) a dégagé dans son article diachronique « Evolution et typologie des genres journalistiques. Essai d'une vue d'ensemble » (Semen 13, op. cit.) la structure type d'une critique culturelle observée dans Le Journal de Mantoue, à partir de 1815. Selon le chercheur, le rédacteur transalpin s'y présente comme le « témoin oculaire d'un événement sensationnel »; son texte contient une « description de l'atmosphère générale », comporte des « impressions visuelles et acoustiques très concrètes » et est construit sur la base d'une « macrostructure chronologique et descriptive ». On le voit, les similitudes entre TPC et critique, frappantes, n'ont pas beaucoup changé depuis le XIX ème siècle.

* 111 Le séminaire du Master sur les types textuels de Patricia von Münchow nous a enseigné qu'au moins « deux macro-propositions » étaient nécessaires pour qu'un texte puisse être affilié aux principaux types de textes définis par la linguistique : l'argumentatif, le descriptif, l'explicatif et le narratif. Dans le cas du narratif, 5 macro-propositions (formalisées par V. Propp dans son schéma narratif - devenu célèbre ) caractérisent le type textuel : une situation initiale, une complication, des réactions, un élément de résolution et une situation finale que peut accompagner une morale.

* 112 Chez l'un comme chez l'autre, on peut se demander toutefois si le plaisir de conter ne l'emporte pas sur la morale qu'il faudrait alors considérer comme un prétexte.

* 113 On pense à la communication de Bernard Tapie dans le années 80 ou aux publicités « success story en sépia » comme celle de la marque Guy Degrenne (années 80) ou Gervais (devenu Charles Gervais) dans le années 2000.

* 114 Orchestrées par le pouvoir et avec la complicité des médias, l'idylle entre un prétendant au trône d'Angleterre et une jolie roturière blonde (puéricultrice de son état), ou celle entre un président de la République française se réclamant d'une droite « décomplexée » et une riche héritière italienne, ex-top model devenue chanteuse, sont des récits qui, amplifiés par l'extraordinaire puissance de l'univers médiatique, entrent, immanquablement et de manière tapageuse, dans de la vie de tout à chacun.

* 115 Cf. MALAVAL Catherine et ZARADER Robert (2008) «Du storytelling au «sorry-telling» dans le Magazine de la communication de crise et sensible, Naves, OIC (Observatoire Internationale des Crises) publication.

* 116 Histoire qui s'apparenterait davantage à une biographie qu'à un roman.

* 117 Le voleur n'est évidemment autre que le papa de la petite héroïne qui a emprunté le portefeuille de la maman pour acheter le cadeau de leur fille.

* 118 A travers cette expression, nous faisons référence aux travaux de G.Genette sur le texte narratif romanesque. Dans les formes textuelles que sont les TPC, les « ellipses » et les effets de « sommaire » sont nécessairement très nombreux.

* 119 A ces « expériences très riches en enseignements », il faut ajouter un autre stage, celui de rédacteur d'un dossier de presse général (axé sur le développement durable) pour le Parc naturel régional du Morvan, de novembre 2007 à février 2008.

* 120 L'emploi de la majuscule, dans ces lignes, ne vaut pour « lettre de noblesse ». Il s'agit juste de distinguer clairement la personne (le littéraire) de la catégorie scientifique (le Littéraire, donc) qui l'a formée.






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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote