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Le texte promotionnel culturel

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par David LEGOUPIL
Université Paris V René Descartes - Master pro 2 expertise en sémiologie et communication 2007
  

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12. Des récits en trompe-l'oeil pour séduire (ou le pouvoir des fables)

Si les TPC sont toujours des textes à forte dominante descriptive qui, soit informent, soit commentent, soit donnent à voir une ambiance110(*), ils empruntent aussi parfois au narratif certaines de ses caractéristiques afin de séduire le destinataire.

Ces emprunts séquentiels de type narratif, parce qu'ils sont la plupart du temps insuffisants en nombre111(*), ne font jamais pleinement des TPC des récits mais en donnent sciemment l'illusion, comme s'il s'agissait de trompe-l'oeil.

Les raisons du caractère à notre avis hautement persuasif de cette stratégie incitative sont difficiles à expliquer car elles ressortissent autant de la linguistique, de la psychologie, de l'ethnologie que de la sociologie. Pourquoi les hommes aiment-ils à entendre des histoires ? Et plus prosaïquement, pourquoi les rédacteurs de l'ODC en proposent-ils à leur destinataire, même de manière tronquée?

On sait que les meilleures rhétoriciens (Cicéron) et les philosophes (Socrate) de l'Antiquité usaient de l'anecdote ou du récit pour convaincre. La Fontaine, dans ses Fables, ou Voltaire, dans ses Contes philosophiques, ne procédaient pas différemment, l'apologue cherchant à séduire pour marquer les esprits à des fins morales112(*).

Pour poursuivre cette réflexion, il nous semble préférable de recourir à une paraphrase, en nous appuyant (ce qui peut surprendre le linguiste) sur la pensée lumineuse de La Fontaine. Le fabuliste, en effet, analyse, dans « Le Pouvoir des fables », à travers une subtile mise en abyme qui tient lieu d'art poétique « en acte », l'impact du récit et de la poésie. Un « pouvoir », dans un contexte communicationnel pragmatique, puisqu'il s'agit pour les Athéniens de se mobiliser contre une invasion ennemie :

« Dans Athène autrefois peuple vain et léger,

Un Orateur voyant sa patrie en danger,

Courut à la Tribune ; et d'un art tyrannique,

Voulant forcer les coeurs dans une république,

Il parla fortement sur le commun salut.

On ne l'écoutait pas : l'Orateur recourut

A ces figures violentes

Qui savent exciter les âmes les plus lentes.

Il fit parler les morts, tonna, dit ce qu'il put.

Le vent emporta tout ; personne ne s'émut.

L'animal aux têtes frivoles

Etant fait à ces traits, ne daignait l'écouter.

Tous regardaient ailleurs : il en vit s'arrêter

A des combats d'enfants, et point à ses paroles.

Que fit le harangueur ? Il prit un autre tour.

Cérès, commença-t-il, faisait voyage un jour

Avec l'Anguille et l'Hirondelle :

Un fleuve les arrête ; et l'Anguille en nageant,

Comme l'Hirondelle en volant,

Le traversa bientôt. L'assemblée à l'instant

Cria tout d'une voix : Et Cérès, que fit-elle ?

- Ce qu'elle fit ? un prompt courroux

L'anima d'abord contre vous.

Quoi, de contes d'enfants son peuple s'embarrasse !

Et du péril qui le menace

Lui seul entre les Grecs il néglige l'effet!

Que ne demandez-vous ce que Philippe fait ?

A ce reproche l'assemblée,

Par l'Apologue réveillée,

Se donne entière à l'Orateur :

Un trait de Fable en eut l'honneur.

Nous sommes tous d'Athène en ce point ; et moi- même,

Au moment que je fais cette moralité,

Si Peau d'âne m'était conté,

J'y prendrais un plaisir extrême,

Le monde est vieux, dit-on : je le crois, cependant

Il le faut amuser encor comme un enfant. »

(Livre huitième - deuxième partie de la fable, 1668)

Cette dimension pragmatique dont peut se charger le récit (même lorsqu'il est un leurre à l'instar de la fausse fable « Cérès, l'Anguille et l'Hirondelle), la communication et la publicité s'en servent abondamment. Aussi la fable dans la fable de La Fontaine - ou plutôt celle qu'il prête à son personnage « l'Orateur », nous semble un formidable « bain révélateur » pour comprendre l'univers médiatique contemporain. « Si notre monde est vieux », les fictions et les récits y sont toujours plus foisonnants comme s'il fallait toujours l' « amuser encor », le maintenir éveillé par des récits en trompe-l'oeil sinon trompeur. Success story du self-made man113(*), récit vaguement romanticisé de la vie intime des puissants114(*), story-telling comme stratégie de communication pour gérer une situation de crise115(*) (etc.), le monde médiatique moderne ne cesse de servir, à « l'animal aux têtes frivoles » que nous sommes (magnifique image du corps social), ses « contes d'enfants ». Oui, en 2008, davantage, certainement, que dans la deuxième partie du Grand siècle, « nous sommes tous d'Athène en ce point », tant abondent ces récits montés de toute pièce, ces histoires qui transforment les événements communs d'une vie en « roman médiatique », boursouflé par tant d'écrits et tant d'images qu'amplifie encore la rumeur.

Rien de tel, bien sûr, dans nos TPC, petits textes à audience provinciale. Mais la modalisation persuasive s'y manifeste aussi parfois dans des ersatz de récit. Cependant, ce n'est pas uniquement par le volume de l'audience (pas plus que par le sujet abordé) que nos petits récits incomplets diffèrent des fables produites par l'implacable machine médiatique. La différence est de nature ou, si l'on préfère, d'ordre technique.

En effet, les TPC ne produisent jamais de récits sans base textuelle, contrairement aux « histoires » de l'univers médiatique. Les TPC ne sont jamais des textes ex nihilo mais toujours des textes qui s'inspirent d'autres textes : scénario et dialogues d'une pièce de théâtre, critiques de presse que le rédacteur peut lire dans un dossier de presse ou prises de notes personnelles d'un programmateur ayant vu un spectacle.

On ne sera pas surpris de constater que les TPC promouvant un spectacle théâtral (pour le jeune comme pour le grand public) apparaissent, pour la plupart, comme des récits au stade embryonnaire. Ces textes, inspirés par la pièce qu'ils promeuvent semblent s'ouvrir sur une situation initiale qui est une promesse de récit, autant dire une promesse de plaisir. Citons par exemple, le premier paragraphe du TPC « La Luna Negra » :

« Coiffé de mitaines et entouré d'un bonnet, Valentin Saitou vend des colliers artisanaux en coton trempé, contre deux sourires et trois poignées de main. Pourtant, il n'a pas toujours fait ça.» (Vincent, La Luna Negra, t. p., p. 19)

Dans bien des cas, on peut rapprocher ces TPC, construits sur une situation initiale et sur le principe d'une « narration interrompue », des présentations-critiques des films des magazines populaires consacrés aux programmes de télévision (Télé Star, Télé 7 jours, etc.), très proches des TPC d'un point de vue générique, et qui, longtemps, ont été précédées de la mention-titre « Si vous avez manqué le début... ».

En revanche, il est intéressant de relever que des TPC de type « récit en trompe-l'oeil » se retrouve dans la promotion de manifestations culturelles a priori non diégétique. Par exemple, j'ai fait « comme si je me mettais à raconter une histoire » pour promouvoir le spectacle de danse « Même pas seul » :

« On est à Dunkerque, c'est le Nord et sa culture populaire, son humanité. Une humanité qui déborde. De désespoir, d'ennui mais aussi d'un amour viscéral de la vie. Tout ça mêlé. Une vie que l'on voudrait manger à pleines dents, avec l'appétit bouffon des géants du carnaval. Une vie où les rires et la fête ne sont jamais bien loin des larmes. Rose et Jacky sont de ce pays (comme leurs très touchants interprètes Christine Bastin et Thomas Lebrun). Ils vivent là dans un F2, tout près de la mer. Mais c'est pas les vacances, non. C'est leur vie à eux, ici, depuis longtemps, sans enfants, sans même un chien. Une solitude à deux qui les enferme, qui rend presque impossible la parole ; où les mots, l'envie parfois, manquent pour s'aimer. Même pas seul est un spectacle de danse qui tient un propos, une sorte de théâtre chorégraphié qui offre une vision à la fois très amère et douce de la vie de couple. Sur scène, les corps se meuvent, s'ignorent, se rapprochent, dans un va-et-vient vachard et tendre qui, entre petites tragédies et grands espoirs, dit avec beaucoup de pudeur, de force et de poésie la grandeur de deux petites gens.» (David, Même pas seul, t. p., p. 23, annexe n° 24 )

Je fais de même pour promouvoir l'exposition de la sculptrice Fabienne Hanteville en commençant par la formule « Un jour » qui fait mine d'entamer une histoire116(*) comme le ferait un peu, dans un conte pour (de vrais) enfants, l'embrayeur de récit « Il était une fois » :

« Un jour, un ami sculpteur installé dans le Midi offrit à Fabienne Hanteville un bloc de marbre qu'elle ramena chez elle dans son sac à dos. Elle en fit un coq fièrement dressé. L'anecdote dit bien la volonté farouche de celle qui, contre vents et marées, pense, vit et dort sculpture animalière. Mais le marbre est rare ; alors bien souvent, Fabienne sculpte ce qui lui tombe sous la main. [...] » (David, Fabienne Hanteville, t. p., p. 4, annexe n° 19)

Ainsi, on peut avancer que le récit en trompe-l'oeil, à l'ouverture du TPC, a pour objectif (comme dans « Le Pouvoir des fables ») de séduire le destinataire en captant son attention, de le divertir mais avec pour véritable dessein de l'informer et de le persuader de se rendre à la manifestation culturelle.

D'autres usages du narratif nous semble devoir être relevés. Un TPC comme « La Reine des couleurs », par exemple, comporte de micro-séquences narratives, extrêmement condensées, qui sont comme des morceaux choisis d'histoire :

« Pas drôle la vie en noir et blanc ! Même dans un château [x]. Alors la petite reine décide de passer par toutes les couleurs. Ainsi, du bleu qu'elle a sur les fesses pour être tombée d'un cheval rouge (micro-séquence narrative 1) aux larmes multicolores qu'elle verse quand son château devient tout gris (micro-séquence narrative 2), notre héroïne royale les expérimente toutes !  Un vrai arc-en-ciel...Un spectacle malin, drôle et poétique, à la croisée des arts, où la comédie revisite le théâtre d'ombres, se combine, avec brio, à la musique, la peinture et l'illustration (réalisées en direct sur un écran), pour un moment coloré. » (David, La reine des couleurs, j. p, annexe n° 7)

Après une phrase au discours indirect libre ([x]), deux événements sont prélevés dans la diégèse pour donner un aperçu de l'histoire (description) mais en faisant « comme si » on la racontait (narratif en trompe-l'oeil) : 1) Elle est tombée de cheval et a eu un bleu. 2) elle a pleuré quand son château est devenu gris.

D'autres TPC, dont la classification reste problématique, semblent à mi-chemin entre le récit en trompe-l'oeil (du type « La petite reine ») et le texte narratif stricto sensu. « Félix et Filomène », par exemple, en dépit des apparences, peut être qualifié de faux récit. Le texte est composé d'une situation initiale (1) puis d'un événement (2 - le simple fait de s'affubler d'un nez rouge) qui, s'il n'est pas une complication, est présenté comme un événement transformateur puisque magique ; la suite du texte (3) étant (jusqu'à la fin de la parenthèse) le récit-description de ce que l'on a appelé des morceaux choisis de l'histoire :

« (1 -situation initiale) Un homme assis se maquille dans un rond de lumière. Il parle de Filomène sans s'apercevoir que là, à ses côtés, la merveilleuse femme clown l'écoute et le regarde. (2 -événement transformateur) Puis s'accomplit le rite magique, répété chaque soir dans la coulisse: sur son visage maquillé, l'homme pose un nez rouge pour devenir Félix, l'alter ego de Filomène. (3 -récit-description de morceaux choisis) Le public assiste alors, amusé ou attendri, au récit de leurs aventures (leur rencontre, un bal, une fameuse partie de pêche), / complice et acteur d'un spectacle qui nous plonge dans l'univers revigorant des clowns. » (David, Félix et Filomène, j. p., annexe n° 5)

Le « puis » qui introduit l'événement transformateur (2) fait partie de ces outils qui peuvent faire passer une description pour un récit, un TPC pour un conte en « modèle réduit »... Or, l'on sait que l'addition de la chronologie, d'un événement et d'une durée peuvent créer un artefact de récit mais ne suffisent pas pour écrire un véritable texte narratif. De plus, l'événement transformateur n'est pas à proprement parler une complication, ce qui corrobore ici l'hypothèse d'un ersatz de récit.

Deux TPC jeune public, en revanche, nous semblent plus nettement de type narratif et apparaissent donc comme des hapax dans notre corpus. Dans « Au voleur ! », l'ouverture emprunte au romanesque certaines de ses caractéristiques. Il débute au discours indirect libre, in medias res, par le récit-description d'un événement (vol d'un porte-monnaie) dramatisé au moyen d'une ponctuation émotive qui suggère le trouble de la petite héroïne :

« Quel choc! Quelqu'un est entré et a volé le porte-monnaie de maman ! La veille de l'anniversaire de la Petite Fille ! Et maman qui n'a pas eu le temps d'acheter son cadeau ! Résolue, notre petite héroïne se lance à la poursuite du maraud et rencontre au cours de sa filature une kyrielle de personnages haut en couleur (marchande de bazar, paysanne, marin...) qui la mettent sur les pas d'un voleur qu'elle ne croyait pas si bien connaître... Soutenu par une machinerie astucieuse, ce spectacle de marionnettes, terriblement rythmé, mêle aux éléments traditionnels du conte le suspense d'une enquête policière, pour le plaisir de tous. » (David, Au voleur ! , j. p., annexe n° 1)

L'écriture des trois premières phrases apparaît comme une fusion entre une situation initiale qui répondrait aux questions essentielles que se poserait un lecteur au début d'un roman ou d'une nouvelle ( quoi ? un vol ; qui ? une petite fille, un voleur, une maman ; où ? chez l'héroïne ; quand ? le veille de l'anniversaire de l'enfant) et un effet de complication. L'état des chose a été perturbé, ce qui implique une réaction : la filature de la petite fille au cours de laquelle elle va rencontrer « une kyrielle de personnages » dont l'énumération, entre parenthèses, correspond à ce que l'on a désigné par l'expression « morceaux choisis d'histoire hyper-condensés ». On peut même constater, dans ce TPC, que la résolution et la situation finale sont sinon racontées du moins fortement suggérées : « une kyrielle de personnages [...] qui la mettent sur les pas d'un voleur qu'elle ne croyait pas si bien connaître »117(*).

Plus nettement encore, le TPC jeune public « Mister Django et Madame Swing » semble réunir un nombre suffisant de macro-propositions narratives et peut être qualifié de texte narratif hyper-condensé118(*) :

« (1) Au pays des roulottes,  la guerre  des musiques  est déclarée! La faute à la sorcière, férue de solfège, que révulsent tous ces gratteux et violonneux, voleurs de notes et de rythmes. (2) Pour punir Django l'autodidacte, elle lui enlève Madame Swing, jolie chanteuse qui, accompagnée de son public, improvise sur des airs de jazz des scats qui font se trémousser. Et la méchante d'imaginer un odieux chantage : Django retrouvera sa douce à la seule condition d'apprendre La Chevauchée des Walkyries ! (3) Pouah ! une musique encadrée par des portées, avec force clés et moult croches ! Du symphonique  que Django ne peut s'empêcher d'accommoder à la sauce manouche... » (David, Mister Django et Madame Swing, j. p., annexe n° 13)

Le texte débute par une situation initiale (1) qui présente un univers (celui des musiciens gitans) dans un contexte précis (la guerre entre les Gitans et la sorcière). Une complication (2) survient : l'enlèvement de Madame Swing pour punir son compagnon Django d'être un musicien autodidacte ; enlèvement doublé d'un chantage et d'une forme de rançon : apprendre La Chevauchée des Walkyries pour retrouver Madame Swing. Le texte s'achève, non par la situation finale, mais par la « dynamique » du récit, l'effet réaction (3), à savoir les efforts fournis par Django (racontés au DIL) pour récupérer sa belle.

Ainsi l'on peut remarquer que dans ce texte atypique, aucune phrase ne sort de l'intention narrative. Aucun jugement ou aucune information sur les conditions de production du spectacle ou sur sa réception ne sont mentionnés. Le texte n'est, de plus, pas marqué par le décrochage habituel entre séquence descriptive (ou narrative en trompe-l'oeil) et séquence ou micro-séquence de commentaire, par laquelle le rédacteur donne un avis, généralement en usant de la modalisation méliorative.

Au terme de cette étude sur l'usage du narratif dans les TPC, on retiendra une idée principale : c'est le plus souvent, sous forme d'imitation, de trompe-l'oeil que des éléments caractéristiques du récit sont employés pour leur fort pouvoir de captation du destinataire, conjointement à des séquences descriptives, elles majoritaires, et à l'expression d'un jugement positif.

Conclusion

Le stage que j'ai effectué en 2007 à l'Office départemental de la culture de l'Orne en qualité de rédacteur et le mémoire de Master qui en a été le prolongement (sans doute plus universitaire que professionnel), ont constitué pour moi des « expériences très riches en enseignements »119(*).

Cette formule, banale, pourrait être remplacée par d'autres : « expériences décisives », «expériences révélatrices », si on n'en craignait pas le caractère quelque peu emphatique et la foule de connotations et de références qu'elles appellent en moi. Leur caractère trompeur, aussi. Puisque, au bout du chemin, ce qui se révèle n'est rien d'autre qu'une confirmation.

Car il me semble que le stage et le mémoire m'ont « révélé », finalement, ce que je savais déjà, sans oser tout à fait l'affirmer - pour des raisons qui tiennent à la fois de la psychologie et du social : je souhaite que l'écriture, sous des formes qui restent à déterminer (communication écrite, journalisme, recherche universitaire ou écriture personnelle et / ou littéraire) soit, pour le dire simplement, présente dans ma vie.

Pratiquer, pour la première fois, un genre de la communication écrite, le texte promotionnel culturel, a été pour moi (après les ateliers d'écriture oulipiens d'H. Le Tellier, légers, joyeux et stimulants) un plaisir et une forme d'émancipation par rapport aux inhibitions qui étaient encore les miennes face à l'écriture.

Définir et étudier, ensuite, le texte promotionnel culturel, pendant plusieurs mois (avec le concours précieux des différents apports théoriques du master) a constitué un travail, certes long, très accaparant et ponctué de moments de découragements mais dont on sort valorisé. Avec le sentiment d'être parvenu (du moins, nous l'espérons) à mettre au jour les principales caractéristiques de ce genre mal connu ; caractéristiques que nous rappelons ici :

Le contrat générique que propose le texte promotionnel culturel à son lecteur est double. Il a pour objectif de l'informer par une description sélective de différents aspects d'une manifestation culturelle, cette description apparaissant comme un des chaînons d'une lecture informative de service, de type hypertextuel.

Promotionnel, le genre du TPC poursuit aussi, à l'instar du discours publicitaire et de la critique culturelle « positive », un objectif pragmatique : inciter son lecteur, en recourant à 3 types de modalisation (le plus souvent combinés), à se rendre à une manifestation culturelle, toujours présentée comme une promesse de plaisir. Ces modalisations, influencées par l'ethos de chaque rédacteur et par le domaine culturel concerné, ont été par nous désignées sous les appellations « modalisation prescriptive », « modalisation méliorative » et « modalisation « persuasive ».

La modalisation prescriptive, peu usitée, a l'avantage de s'adresser directement au lecteur en l'assimilant déjà à un spectateur ; mais elle présente l'inconvénient de constituer une intrusion dans le « territoire » du destinataire.

Plus distanciée vis-à-vis du lecteur, la modalisation méliorative, très courante, promeut la manifestation culturelle en utilisant toute la variété des évaluatifs positifs, l'éloge pouvant être explicite ou moins marqué.

Enfin, la modalisation persuasive recourt à des techniques stylistiques, à des emprunts formels et culturels propres au littéraire, afin de promouvoir le spectacle ou l'exposition, de manière indirecte. Usitée, à peu près, dans un TPC sur deux, elle incite le lecteur à devenir spectateur, par ricochet, en faisant du texte un objet plaisant par lui-même, un objet discursif « palimpseste », qui recouvre, pour mieux le dévoiler, un autre plaisir  : celui que procurera au lecteur devenu spectateur, non plus le discours, mais la pièce de théâtre, le concert ou l'exposition.

Pour finir, on remarquera, sans feindre la surprise, que l'analyse générique réalisée (se voulant, autant que faire se peut, universitaire et objective) ne peut se départir du bilan personnel dressé au début de cette conclusion.

En effet, mon étude, dans son propos comme dans son économie générale, se présente, j'en suis conscient, comme une démonstration de l'utilité du « Littéraire » (sinon de sa suprématie...) dans la communication écrite. Démonstration « justifiante » qui en rejoint une autre : l'affirmation de moi-même en tant que littéraire (y compris socialement). C'est-à-dire en tant qu'individu formé par le Littéraire120(*).

Ce que j'entends par Littéraire, en tant que catégorie, peut être défini comme un espace de connaissance qui recouvre évidemment la « littérature » mais qui englobe ce que l'on a l'habitude d'appeler les « sciences humaines », dont je ne sais encore que peu de choses. Le « littéraire », c'est notamment aussi l'histoire, la sociologie, la psychologie, la linguistique ou la sémiologie. Ainsi, être formé par le Littéraire, dans ses différentes composantes, c'est disposer de savoir-faire, d'un fonds culturel, de méthodes d'analyse mais aussi d'un certain mode de pensée. Bref, c'est disposer de compétences.

*

* 110 Le parallèle entre TPC et critique de presse peut ici être poursuivi du point de vue de l'agencement des séquences textuelles. En effet, Ernest-Ulrich GROSSE (2001) a dégagé dans son article diachronique « Evolution et typologie des genres journalistiques. Essai d'une vue d'ensemble » (Semen 13, op. cit.) la structure type d'une critique culturelle observée dans Le Journal de Mantoue, à partir de 1815. Selon le chercheur, le rédacteur transalpin s'y présente comme le « témoin oculaire d'un événement sensationnel »; son texte contient une « description de l'atmosphère générale », comporte des « impressions visuelles et acoustiques très concrètes » et est construit sur la base d'une « macrostructure chronologique et descriptive ». On le voit, les similitudes entre TPC et critique, frappantes, n'ont pas beaucoup changé depuis le XIX ème siècle.

* 111 Le séminaire du Master sur les types textuels de Patricia von Münchow nous a enseigné qu'au moins « deux macro-propositions » étaient nécessaires pour qu'un texte puisse être affilié aux principaux types de textes définis par la linguistique : l'argumentatif, le descriptif, l'explicatif et le narratif. Dans le cas du narratif, 5 macro-propositions (formalisées par V. Propp dans son schéma narratif - devenu célèbre ) caractérisent le type textuel : une situation initiale, une complication, des réactions, un élément de résolution et une situation finale que peut accompagner une morale.

* 112 Chez l'un comme chez l'autre, on peut se demander toutefois si le plaisir de conter ne l'emporte pas sur la morale qu'il faudrait alors considérer comme un prétexte.

* 113 On pense à la communication de Bernard Tapie dans le années 80 ou aux publicités « success story en sépia » comme celle de la marque Guy Degrenne (années 80) ou Gervais (devenu Charles Gervais) dans le années 2000.

* 114 Orchestrées par le pouvoir et avec la complicité des médias, l'idylle entre un prétendant au trône d'Angleterre et une jolie roturière blonde (puéricultrice de son état), ou celle entre un président de la République française se réclamant d'une droite « décomplexée » et une riche héritière italienne, ex-top model devenue chanteuse, sont des récits qui, amplifiés par l'extraordinaire puissance de l'univers médiatique, entrent, immanquablement et de manière tapageuse, dans de la vie de tout à chacun.

* 115 Cf. MALAVAL Catherine et ZARADER Robert (2008) «Du storytelling au «sorry-telling» dans le Magazine de la communication de crise et sensible, Naves, OIC (Observatoire Internationale des Crises) publication.

* 116 Histoire qui s'apparenterait davantage à une biographie qu'à un roman.

* 117 Le voleur n'est évidemment autre que le papa de la petite héroïne qui a emprunté le portefeuille de la maman pour acheter le cadeau de leur fille.

* 118 A travers cette expression, nous faisons référence aux travaux de G.Genette sur le texte narratif romanesque. Dans les formes textuelles que sont les TPC, les « ellipses » et les effets de « sommaire » sont nécessairement très nombreux.

* 119 A ces « expériences très riches en enseignements », il faut ajouter un autre stage, celui de rédacteur d'un dossier de presse général (axé sur le développement durable) pour le Parc naturel régional du Morvan, de novembre 2007 à février 2008.

* 120 L'emploi de la majuscule, dans ces lignes, ne vaut pour « lettre de noblesse ». Il s'agit juste de distinguer clairement la personne (le littéraire) de la catégorie scientifique (le Littéraire, donc) qui l'a formée.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote