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L'intégration des médiums environnementaux dans la peinture contemporaine, une nouvelle écologie à  Kinshasa

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par Yves NGOY EBONDO
Académie des beaux- arts de Kinshasa - Licence 2013
  

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2.1.8. Le fusain

De tous les matériaux, le charbon de bois est fort probablement le plus ancien utilisé en dessin. Malheureusement, sa nature éphémère, due à la friabilité du produit, ne permet pas de connaître l'ampleur de sa diffusion. Ce n'est en effet qu'à partir du 15e siècle que des exemples, plutôt rares, il faut le dire, et souvent dans un piètre état, nous sont parvenus; la conception même du fusain, longtemps considéré comme un matériau « pauvre », tant par les artistes que par les collectionneurs, n'encourage pas sa conservation. Certaines références historiques permettent toutefois de retracer l'usage du fusain, par exemple dans les mythes antiques, comme celui de l'origine du disegno :

Pline, dans son Histoire naturelle, raconte comment la fille du potier Butades de Sicyone, amoureuse d'un jeune homme sur le point de quitter Corinthe, traça sur le mur, avec le charbon, le contour de l'ombre de son visage projetée par la lumière d'une lanterne. On pense aussi au Gygès lydien qui, assis près du feu, dessine son ombre sur le mur, ou encore à Apelles qui, grâce au trait rapide que permet le fusain, fait un portrait devant Ptolémée87(*). Plus concrètement, des traces de charbon ont été retrouvées dans les dessins des murs de Pompéi.

Le mot fusain, qui renvoie autant aujourd'hui au moyen technique qu'à l'oeuvre exécutée par son entremise, entre dans le vocabulaire français dès le 12e siècle. Il désigne, depuis, le bois d'un arbre originaire du Japon utilisé au cours de l'antiquité pour faire des fuseaux. Mais ce n'est qu'à partir de 1704 que le terme est employé pour désigner le « charbon fait avec le bois, dont on se sert pour dessiner »88(*).

Avant cette date, depuis environ 1120, le mot utilisé est charbon, du latin carbo qui est synonyme de « charbon de bois, ce qui résulte de la combustion ». Déjà, dans les textes médiévaux, on parle du « charbon à usage graphique ». En 1549, le verbe charbonner signifie « dessiner au charbon, au fusain ». C'est finalement en 1635 que le terme charbon passe dans le langage des arts graphiques comme un produit servant à dessiner.

La majorité des premiers fusains de la Renaissance sont confectionnés avec le bois de saule. Enfin, c'est ce que nous laissent supposer des auteurs tels que Cennini, Lommazo et Baldinucci. Toutefois, Borghini conseille plutôt le tilleul. Meder ajoute que les moines grecs se servaient de bois de noyer et de myrte coupé à la hachette et aiguisé au couteau, tandis qu'au 18e siècle, certains fusains sont préparés avec le bois de prunier ou de bouleau.89(*)

Au cours des siècles, les artistes procèdent selon la méthode apprise des fabricants professionnels de charbon, méthode simple et efficace. Cennini décrit la procédure telle que prescrite au temps de Giotto et qui reste sensiblement la même jusqu'à nos jour. : « Les paquets de baguettes de bois formés, lie-les ensemble à trois endroits, dans le milieu et à chaque extrémité, avec du fil de cuivre ou du fil de fer fin. Aie un pot neuf, mets-en dedans tant que le pot soit plein, mets le couvercle et ajoutes-y de la terre glaise afin que l'intérieur ne puisse en aucune façon s'évaporer » Le contenant doit être hermétiquement clos pour éviter que le bois brûle et se transforme en cendres.

Cennini rapporte deux modes de cuisson : « Alors va-t-en le soir au boulanger quand il a fini son ouvrage (c'est-à-dire quand il a fini de cuire son pain) », mets ce pot dans le four et laisses-y jusqu'au matin. Le matin tu regarderas si tes charbons sont bien cuits; s'ils ne l'étaient pas, tu les remettras au four jusqu'à ce qu'ils le soient ». Le second mode suppose le même type de contenant en terre, posé sur les braises d'un four et recouvert de cendre le temps d'une nuit. Enfin, Borghini présente une troisième façon de préparer le fusain à partir du tilleul qu'il enferme dans une boîte de fer puis met à cuire.

La plus grande difficulté réside dans le degré de cuisson : un manque de cuisson laisse des irrégularités, alors qu'une trop grande cuisson entraîne soit une dureté excessive, soit une extrême fragilité du bâtonnet. Afin de déterminer si le bois est carbonisé à point, l'auteur du Livre de l'art conseille de dessiner avec un des morceaux de bois sur un parchemin, un papier ou un panneau préparé pour vérifier qu'il adhère bien au support. Si tel est le cas, il est prêt; sinon, il est probablement trop cuit90(*).

Une fois refroidi selon des conditions bien définies, le fusain est prêt à être utilisé. Celui qui préfère un contact direct avec la matière le tient directement dans sa main, tandis que celui qui veut éviter de se salir peut l'insérer dans un roseau ou encore l'attacher à une baguette de bois.91(*)

Avant la cuisson, Cennini recommande de tailler le bois à une des extrémités, « comme des fuseaux ». Toutefois, la pointe du fusain s'émousse rapidement et on peut supposer que les artistes ne la taillent généralement pas afin d'utiliser à leur avantage la facture large de l'instrument, comme le font si bien les Vénitiens du 16e siècle. Contrairement à la pointe de métal, le fusain permet certaines variations dans le trait et dans la texture, selon la teneur en carbone du bois brûlé, l'inflexion de la main de l'artiste et les frottis qu'il réalise.92(*)Sa trace est grisâtre et d'un aspect plutôt froid et terne, ce qui le distingue de la pierre noire d'un noir intense et velouté. Selon Béguin, le plus grand inconvénient du fusain est sa fragilité.

Plus il est tendre, plus il est friable; il glisse alors aisément sur le papier et donne un trait foncé et soutenu. Une certaine dureté permet une plus grande précision dans le trait, mais l'instrument accroche alors aux aspérités du papier. Enfin, le travail au fusain engendre des coûts moindres à l'artiste qui peut utiliser un papier grenu et de qualité médiocre, car le matériau adhère difficilement à un papier trop lisse.

2.1.8.1. Usage du fusain

Le fusain est un instrument fort utile pour l'apprentissage du dessin. Contrairement à la pointe de métal, il est peu coûteux, ne demande pas de préparation du support et permet des corrections. Les élèves peuvent ainsi s'exercer sans peine, sans dépense excessive et sans crainte des repentirs. Les erreurs sont effacées, par l'apprenti ou par le maître, à l'aide d'une peau de chamois, de mie de pain rassis, ou encore avec la barbe d'une plume de pigeon. L'artiste doit cependant être très prudent quant au procédé de gommage qu'il choisit. La mie de pain, par exemple, graisse le papier et nuit au dessinateur, car, s'il veut ensuite reprendre ses traits à la plume ou au pinceau, l'encre glissera sur le papier au lieu de s'y imprégner93(*)

Le bâton de fusain a aussi beaucoup de succès auprès des fresquistes du début de la Renaissance, ainsi que de tout artiste qui veut tracer les grandes lignes de sa composition sur son support, de façon à pouvoir les faire disparaître sans trop de peine par la suite. Pour la fresque, sur l'arriccio sec, Cennini conseille : « prends ton charbon et commence à dessiner, compose et prends bien toutes tes mesures [...] ». Une fois satisfait de sa composition, l'artiste arrête les lignes principales de ses figures avec une peinture de terre rouge, brune ou jaune appelée sinopia. Puis, à l'aide d'un petit plumeau, il peut aisément faire tomber le charbon devenu inutile et, du même coup, effacer pour toujours la trace de ses primes idées.

Notons que pour la peinture sur panneau de bois, la façon de procéder est sensiblement la même : « Le plâtre, une fois bien ras et poli comme l'ivoire, la première chose que tu dois faire est de dessiner sur ce panneau ou tableau avec ces charbons de saule [...] ».94(*)

L'usage des poncifs (spolveri) occasionne aussi l'emploi du charbon de bois dans la pratique artistique. Alors qu'au 14e siècle ils servent exclusivement à répéter fidèlement les motifs de détails ornementaux, à partir de la mi-15e, leur utilisation s'étend aux détails des figures (têtes, mains et pieds).95(*) Encore aujourd'hui, dans la fresque de Domenico Veneziano à Santa Croce et dans celle d'Andrea Del Castagno à l'église Santissima Annunziata de Florence.

On peut voir les points de fusain qui ont permis de transposer les personnages du carton à l'intonaco. Michel-Ange, pour ses fresques de la chapelle Sixtine, utilise aussi la technique en alternance avec celle de l'incision. Enfin, Raphaël, dans Le Couronnement de Charlemagne, doit inévitablement se servir des spolveri en raison du grand nombre de portraits présents dans l'oeuvre. Cette fois, le maître va même jusqu'à inciser les traits d'abord marqués au ponçage afin de ne pas en perdre la trace.

Le premier tracé au charbon, sur le panneau, est précisé à la pointe de métal, à la plume ou à la pierre. Cennini le suggère aussi pour un léger tracé sous la pointe de métal que l'artiste peut corriger à son aise : « [...] frotte et époussette le charbon avec lequel tu as dessiné, tout s'en ira. Recommence à nouveau tant que tu voies que les proportions de ta figure concordent avec celles du modèle. Ensuite, quand tu juges que tu approches du bien, prends une pointe d'argent, et va caressant les contours et les extrémités de ton dessin, et ainsi sur les plis principaux. Quand tu as fini, reprends la plume, époussette bien tout le charbon, il te restera un dessin propre arrêté au crayon ». En fait, l e fusain joue ici le principal rôle que l'on connaît au style de plomb, ayant en plus comme avantage d'être effaçable. Ainsi, Dieric Bouts, dans son Portrait d'un jeune homme (Northampton, Smith Collège Muséum of Art) aurait eu avantage à utiliser un tracé préliminaire au fusain afin de faire disparaître certains traits indésirables comme les cheveux à droite du visage de son personnage. Michel-Ange se sert parfois du fusain pour ses notations qu'il fixe à la plume par la suite.

Le véritable dessin au fusain ne fait son apparition qu'au tournant du 16e siècle, au moment où apparaissent les premiers fixatifs, des méthodes plutôt périlleuses, avec lesquelles l'artiste risque de ruiner son dessin. La plus courante des méthodes, mentionnée par Hoogstraten en 1638, consiste à plonger la feuille dans une bassine remplie d'eau et de colle. Les artistes ont également la possibilité d'étendre avec soin un peu de cette solution directement sur les traits du fusain à l'aide d'un pinceau, ou encore de vaporiser l'eau sur la feuille préalablement enduite de gomme.96(*)

Malgré de nombreux inconvénients, ces procédés ont permis de conserver quelques études importantes, très chères aux historiens de notre époque, dont le carton pour La Foi de Pollaiuolo et une Madone à l'Enfant de Verrocchio (Florence, Offices) dont les lignes floues, brunies et peu visibles indiquent que le fixage a eu lieu plusieurs années après l'élaboration du dessin. À leurs débuts, les procédés de fixage ne sont pas très efficaces, ce qui explique le nombre limité de dessins au fusain qui nous sont parvenus.

La découverte du fixatif a aussi eu comme effet bénéfique de promouvoir le fusain, non plus comme un matériau de tracé préliminaire, mais comme un moyen technique possédant des qualités graphiques propices à un style pictural tel que celui des artistes vénitiens. Utilisant des papiers de couleur bleue ou brune, les Titien, Tintoret, Barrocci, Carracci, puis Reni, Domenichino et, plus tard, Guercino, parviennent avec le fusain à dessiner des mouvements puissants et des ombrages hardis. Le Tintoret, qui, selon La vallée, « [doit au fusain] tout ce qui fait son extraordinaire personnalité de dessinateur » utilise le matériau pour de nombreuses études de figures masculines aux muscles saillants. Le corps y est rudement modelé avec toute la fougue du génie. Il s'inspire souvent de petits modèles en terre ou en cire qui, selon l'angle qu'il leur donne, provoquent d'audacieux raccourcis, et, selon la source de lumière, des ombres dramatiques.

Ce n'est pas un hasard si les portraits et les études de détails au fusain ne semblent faire leur apparition qu'avec le 16e siècle, et plus particulièrement en Vénétie. Avant cette date, les artistes et les amateurs d'art ne se préoccupent guère de conserver ces dessins au matériau fuyant. Le fusain se prête cependant très bien au portrait grâce à l'expressivité de son trait large et aux corrections mineures qu'il permet .l'est ainsi, avec une ligne sûre, une grande force d'expression et beaucoup de simplicité, que Dürer produit cette série de portraits qui ont tous l'aspect d'oeuvres finies et autonomes. Certaines analyses de laboratoire indiqueraient toutefois que ces dessins ne sont pas au fusain mais à la pierre noire. Et il en est de même du dessin italien au fusain. Par exemple, Moskowitz ne peut affirmer avec certitude si le portrait qu'a fait le Corrège d'une femme souffrante (New York, Pierpont Morgan Library) est au fusain ou à la pierre noire; quoi qu'il en soit, le caractère douloureux du visage est renforcé par l'estompage du trait, l'ajout de fusain huilé, et les rehauts de blanc et d'encre. L'auteure signale cependant que le Portrait d'homme portant une calotte, du peintre muranais Vivarini, est au fusain; empreint de réalisme, ce dessin nous renseigne sur la coiffure à la mode à la fin du 15e siècle97(*).

L'utilisation du fusain est parfois considérée comme le début d'une nouvelle génération, qui se manifeste par le passage de moyens techniques limités à un instrument aux possibilités graphiques sans contrainte. Il s'agit toutefois d'une période relativement courte. Sous l'influence des académies qui mettent en valeur un dessin plus « propre », les artistes retournent rapidement à l'emploi premier du fusain, le dessin préparatoire.

* 87 http://archimede.bibl.ulaval.ca/archimede/fichiers/22586/ch06.html#ftn.d0e4656

* 88 REY, 1992. « Fusain : Issu d'un latin populaire fusago [...] dérivé du latin classique fusus (fuseau, fusée) »

* 89 ibidem.

* 90 Cennino CENNINI, op cit, p 273

* 91 Ibidem

* 92 Ibidem

* 93 Jean RUDEL, Technique du dessin, Paris, Presses universitaires de France, Coll. Que sais-je?, 1979 p 127.

* 94 ibidem

* 95 ibidem

* 96 http://archimede.bibl.ulaval.ca/archimede/fichiers/22586/ch06.html#ftn.d0e4888

* 97 ibidem

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