WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La santé communautaire dans la région des savanes, Togo. Une étude de cas sur les commissions santé dans les districts sanitaires de Kpendjal, Tandjouaré et Tône

( Télécharger le fichier original )
par Alexander Doyle
Université libre de Bruxelles - Master en sciences de la population et du développement 2012
  

Disponible en mode multipage

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

FACULTÉ DES SCIENCES SOCIALES ET POLITIQUES
Département des sciences sociales et des sciences du travail

Année académique 2012 - 2013

« LA SANTÉ COMMUNAUTAIRE DANS LA RÉGION DES SAVANES, TOGO.
UNE ÉTUDE DE CAS SUR LES COMMISSIONS SANTÉ DANS LES DISTRICTS
SANITAIRES DE KPENDJAL, TANDJOUARÉ ET TïNE »

Alexander DOYLE

Mémoire présenté en vue de l'obtention du grade de Master en Sciences de la Population et du Développement à finalité spécialisée

Directrice : Mme le Professeur D.V. JOIRIS Assesseur : Mr le Professeur P. LANNOY

ii

REMERCIEMENTS

Avant tout, je tiens à remercier vivement l'ensemble des personnes qui ont contribué à l'élaboration de ce mémoire.

Je souhaite adresser ma reconnaissance à Mme Joiris pour avoir accepté la direction de ce présent mémoire et à Mr Lannoy pour ses précieux conseils.

Mes remerciements les plus sincères s'adressent à mes parents pour m'avoir donné le goût du voyage et de la découverte. Leur patience et leur compréhension furent un soutien de poids tout au long de mon parcours académique.

À ma mère, pour son dévouement hors du commun, sa douceur et sa générosité. À mon père, pour m'avoir toujours donné envie de me surpasser.

À ma tendre Zosia, qui est restée à mes côtés durant toutes ces épreuves, m'ayant apporté réconfort, amour et dévotion.

Je suis très reconnaissant envers 3ASC de m'avoir accueilli à bras ouverts, association sans laquelle je n'aurais pu vivre cette expérience. Grande est ma gratitude envers tous les collègues de 3ASC et en particulier ceux de la cellule Santé Communautaire qui par leur bienveillance et leur précieux rôle de traducteur, lors de toutes mes sorties sur le terrain, m'ont permis de mener à bien cette recherche approfondie. Tous les moments passés en compagnie de mes collègues au quotidien furent une source permanente de réflexion critique, d'inspiration pour ma recherche mais aussi d'échanges d'une grande richesse sur le plan humain. Il me tient à coeur de remercier Athanase, Honoré, Gilbert, Christophe, Sylvain, Abel, sans oublier Alex Ahadji, sans lesquels mon séjour à Dapaong n'aurait jamais été aussi riche. Un tout grand merci aussi à Aimé, Joseph, Arsène, et Rachel Oulesse.

Sans oublier bien sûr, le coordinateur Jean de la Croix YANGNENAM sans qui rien de ceci n'aurait été possible.

Par ailleurs, j'aimerais également remercier toutes les Commissions Santé qui se sont mobilisées pour répondre à mes questions et m'ont accordé des moments privilégiés, ainsi qu'à tous mes interlocuteurs et aux personnes qui m'ont soutenu de près ou de loin en m'acceptant comme un des leurs.

Enfin, merci à mes amis et à tous ceux qui ont pris part à cette aventure.

iii

TABLE DES MATIÈRES

REMERCIEMENTS II

SIGLES ET ACRONYMES VI

INTRODUCTION 1

PRÉSENTATION GÉOGRAPHIQUE 2

INTERACTIONS DES ACTEURS 4

I. CADRE DE L'ANALYSE ET APPROCHE MÉTHODOLOGIQUE 5

1. CADRE DE L'ANALYSE 5

1.1. Choix du sujet 5

1.2. Question de départ 10

1.3. Problématique 12

1.3.1. Objectifs 13

2. CONSTRUCTION DU MODÈLE D'ANALYSE 14

2.1. Approche conceptuelle 15

2.2. Question de recherche 16

2.3. Hypothèses 18

3. APPROCHE MÉTHODOLOGIQUE 19

3.1. Démarche 19

3.2. Collectes des données 20

3.3. Échantillon 21

3.3.1. Représentativité de l'échantillon 21

3.3.2. Composition de l'échantillon et Groupes Investigués 23

3.4. Entretiens 24

3.4.1. Contextes des entretiens 25

3.4.2. Nombres d'entretiens 28

3.4.3. Type d'entretiens 29

3.4.3.1. Entretiens formels 29

3.4.3.2. Échanges informels 32

3.4.4. Structures des entretiens 33

3.5. Questionnaires 34

4. LIMITES DE L'ÉTUDE ET CONTRAINTES ÉPISTÉMOLOGIQUES 35

4.1. Orientation de l'étude 36

4.2. La position du chercheur 37

4.3. Les biais rencontrés 38

II. PRÉSENTATION DU MILIEU D'ÉTUDE 42

1. LE SYSTÈME DE SANTÉ PUBLIQUE 42

1.1. La situation sanitaire 42

1.1.1. Le Togo 43

1.1.2. La région des Savanes 46

1.2. Les politiques de santé publique 49

1.2.1. La conférence d'Alma--Ata 49

1.2.2. L'Initiative de Bamako 50

1.2.3. La gestion du système de santé : constats et difficultés 51

1.3. L'organisation du système de santé 52

1.3.1. Le système pyramidal 52

1.3.2. Le district sanitaire 54

1.3.3. Organisation du système de santé dans les districts sanitaires de Kpendjal, Tandjouaré et Tône 55

1.3.3.1. Les Unités de Soins Périphériques 55

2. iv

LES COMMISSIONS SANTÉ 58

2.1. Historique 60

2.1.1. La création des Commissions Santé 60

2.1.2. Réunion de présentation du projet 62

2.1.3. Sélection des effectifs 63

2.2. Présentation 64

2.2.1. Définition 64

2.2.2. Composition 64

2.2.3. Rôles d'une CS 66

2.2.4. Rôle des membres des CS 68

2.2.5. Activités réalisées par les CS 69

3. CONCLUSION 70

III. ÉTUDE DE CAS : LES COMMISSIONS SANTÉ, CONFIGURATIONS EXTERNES ET

ADAPTATIONS INTERNES 71

1. MANQUE D'EFFICACITÉ ET DYSFONCTIONNEMENTS 71

1.1. Les dysfonctionnements internes 73

1.1.1. La supervision 74

1.1.2. Les compétences et formations 80

1.1.3. La médecine « traditionnelle » 83

1.1.4. La motivation 89

1.1.5. Les actions et activités 92

1.1.6. Les ressources matérielles 96

1.1.7. Les facteurs externes 98

1.2. Conclusion 100

2. ADAPTATIONS ET « MÉCANISMES DE DÉBROUILLE » 101

2.1. Autofinancement 102

2.2. Relations de proximité 104

2.3. Consternation 106

2.4. Utilisation de leur statut 107

2.5. Conclusion 108

IV. DISCUSSION 109

V. CONCLUSION GÉNÉRALE 112

VI. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 114

VII. ANNEXES 119

A1. DESCRIPTION DE L'ONG 3ASC 119

A2. TABLEAU DES ENTRETIENS ET ENREGISTREMENTS 122

A3. QUESTIONNAIRES 123

A4. PRINCIPAUX PROBLÈMES DE SANTÉ AU TOGO 136

A5. FORMATIONS SANITAIRES PAR RÉGIONS ET PAR TYPES 137

A6. CONFÉRENCE D'ALMA--ATA DE 1978 : QUATRE THÉMATIQUES 138

A7. ACTEURS DE LA PYRAMIDE SANITAIRE 140

A8. ACTEURS DU NIVEAU PÉRIPHÉRIQUE 141

A9. ACTEURS SOUS LA CHARGE DE L'USP 142

A10. UNITÉS DE SOINS PÉRIPHÉRIQUES : CONTEXTUALISATION 144

A11. LE PLURALISME THÉRAPEUTIQUE EN QUESTION 158

V

TABLE DES FIGURES

FIGURE 1 : PRÉSENTATION SCHÉMATIQUE DES INTERACTIONS ENTRE L'ENSEMBLE DES ACTEURS DE LA

SANTÉ PUBLIQUE EN RELATION AVEC LES COMMISSIONS SANTÉ. 4

FIGURE 2 : « LES NIVEAUX DE RÉFLEXIONS SUR LES FAITS DE DÉVELOPPEMENT » 13

FIGURE 3 : EFFECTIFS DU PERSONNEL DE SANTÉ DANS LE DISTRICT SANITAIRE DE KPENDJAL 48

FIGURE 4 : PART DES FINANCEMENTS AUX ACTIVITÉS DE SANTÉ DANS LE DISTRICT SANITAIRE DE TÔNE

EN 2010 51

FIGURE 5 : LES ACTEURS DU SYSTÈME DE SANTÉ PUBLIQUE AU TOGO 53

FIGURE 6 : ORGANIGRAMME DE L'USP DE KOURIENTRE, TÔNE 57

vi

SIGLES ET ACRONYMES

ASC : Agent de Santé Communautaire

BM : Banque Mondiale

CHP : Centre Hospitalier Préfectoral

CHR : Centre Hospitalier Régional

CHU : Centre Hospitalier Universitaire

CMB : Cellule Mutualiste de Base

COGES : Comité de Gestion

COSAN : Comité de Santé

CPE : Comité de Parents d'Élèves

CPN : Consultation Prénatale

CTA : Combinaisons Thérapeutiques à base d'Artémisinine

CS : Commission Santé

CVD : Comité Villageois de Développement

DGS : Direction Générale de la Santé

DPS : Direction Préfectorale de la Santé

FMI : Fonds Monétaire International

FS : Formation Sanitaire

GAVI : Alliance mondiale pour les vaccins et la vaccination

GI : Groupes Investigués

GPC : Groupement de Producteurs de Coton

HD : Hôpital de District

IB : Initiative de Bamako

IDH : Indice de Développement Humain

IPH : Indice de Pauvreté Humaine

JARC : Jeunesse Agricole Rurale Catholique

MEG : Médicaments Essentiels et Génériques

MS : Ministère de la Santé togolais

OMD : Objectifs du Millénaire pour le Développement

PAS : Programmes d'Ajustement Structurel

PEV : Programme Élargi de Vaccination

PF : Planification Familiale

PIB : Produit Intérieur Brut

PMA : Paquet Minimum d'Activités

PNDS : Plan National de Développement Sanitaire

OMS : Organisation Mondiale de la Santé

RFS : Responsable de la Formation Sanitaire

SSP : Soins de Santé Primaires

TDR : Test de Diagnostic Rapide

USP : Unité de Soins Périphérique

1

INTRODUCTION

Le présent mémoire porte sur la « santé communautaire » dans la région des Savanes. Plus précisément, il met au centre de sa thématique un organe villageois intitulé « Commissions Santé » qui sera analysé à travers le filtre méthodique d'une étude de cas. Il est utile de préciser dès maintenant que la notion de « santé communautaire », terme communément admis dans le décor sanitaire ouest-africain, s'inscrit dans un processus fondé sur l'intégration des populations villageoises à l'effort de santé, en vertu d'une dynamique « participative ».

Pour prendre part aux initiatives « communautaires » qui en découlent, des « Commissions Santé » furent créées en 2008 dans le cadre du « Projet Intégré de santé dans la région des Savanes » sous la tutelle de l'ONG togolaise 3ASC.

Notre étude se propose d'examiner d'un oeil critique, suivant une démarche empirique, l'insertion d'un dispositif « projet » exogène sur la scène sanitaire locale, à travers l'exemple des « Commissions Santé ».

Dans une première partie, nous procèderons à l'élaboration du cadre de notre analyse socio-anthropologique suivant une posture déconstructiviste. Notre problématique consistera à mettre en évidence le conflit entre les parties prenantes, à savoir les tenants du projet développementiste et les agents locaux chargés de son exécution. A cette fin, nous orienterons les termes de notre recherche selon une méthodologie rigoureuse.

Dans une seconde partie, nous présenterons, le système de santé publique et décrirons plus particulièrement les Commissions Santé, tant du point de vue historique que de leur fonctionnement.

Par ce procédé, ayant acquis les outils nécessaires pour investiguer ce dispositif développementiste, nous analyserons dans une troisième partie, les maintes difficultés causées par la mise en place d'une dynamique « projet » bureaucratique sur cet organe local. Suivant cette perspective, après avoir considéré les dysfonctionnements en présence, nous démontrerons les « mécanismes de débrouille » initiés par les Commissions Santé pour assurer une forme de continuité du projet face à la situation en présence.

Enfin, afin de clôturer notre cheminement analytique, nous terminerons par une discussion questionnant l'efficacité de la dynamique « participative » sur une toile de fond institutionnelle.

2

PRÉSENTATION GÉOGRAPHIQUE

DISTRICTS SANITAIRES ENQUÊTÉS :

District de l'Oti

Aires sanitaires enquêtées

Aires sanitaires non-enquêtées

District de Tône

GHANA

Yembour

District de l'Oti

Aires sanitaires enquêtées

Aires sanitaires non-enquêtées

Chef lieu de Tandjouaré

CARTE DU DISTRICT SANITAIRE DE TANDJOUARÉ

Doukpelou TANDJOUARÉ

Bogou Lokpanou

Nassongue

CARTE DU DISTRICT SANITAIRE DE KPENDJAL

BURKINA FASO

Papri

Pogno

BÉNIN

District de Tône

MANDOURI

Kwampit-Bong Namoundjoga

Naki-Est

Chef lieu de Kpendjal

CARTE DU DISTRICT SANITAIRE DE TÔNE

Aires sanitaires enquêtées

District
de Tandjoare

BURKINA FASO

Kourientre

Sanfatoute

GHANA

Bougou

Nanergou Korbongou

DAPAONG

District

de Kpendjal

Aires sanitaires non-enquêtées

Chef lieu de Tône et de la région des Savanes

N.B.: Carte du district sanitaire de Tône avant la séparation avec le district sanitaire de Cinkassé

3

4

INTERACTIONS DES ACTEURS

Figure 1 : Présentation schématique des interactions entre l'ensemble des acteurs de la santé publique en relation avec les Commissions Santé.

THÉRAPEUTES TRADITIONNELS

Acteurs du niveau central Acteurs du niveau intermédiaire Acteurs du niveau périphérique

Soutien de l'ONG «3ASC»

Intervenants externes

Acteurs du développement sanitaire local sous la tutelle de l'USP

Relations informelles

Relations entre les acteurs de la santé publique et les populations villageoises

COMMISSIONS SANTÉ (CS)

CELLULES MUTUALISTES DE BASE (CMB)

LOUVAIN
COOPÉRATION

ONG «3ASC»

HÔPITAUX DE DISTRICT

(HD)

COMITÉS DE GESTION (COGES)

UNITÉS DE SOINS PÉRIPHÉRIQUES (USP)

MINISTÈRE DE LA SANTÉ(MS)

DIRECTION PRÉFECTORALE DE LA SANTÉ (DPS)

DIRECTION RÉGIONALE DE LA SANTÉ (DRS)

DIRECTION GÉNÉRALE DE LA SANTÉ (DGS)

AGENTS DE SANTÉ COMMUNAUTAIRES

POSTES DE SANTÉ

DIRECTEUR DE CABINET

CENTRE HOSPITALIER RÉGIONAL (CHR)

CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE (CHU)

CENTRE HOSPITALIER PRÉFECTORAL (CHP)

MATRONES

POPULATIONS VILLAGEOISES

5

I. CADRE DE L'ANALYSE ET APPROCHE MÉTHODOLOGIQUE

1. CADRE DE L'ANALYSE

Le cadre d'analyse s'avère une première étape primordiale dans la construction de notre sujet d'étude, rattaché au champ de la socio-anthropologie de la santé. Il nous permet de comprendre véritablement le cheminement intellectuel, nous amène à nous positionner dans notre problématique, à définir une question de recherche opérationnelle et à établir des hypothèses construites en conséquence.

1.1. Choix du sujet

Le Togo est un petit pays d'Afrique de l'Ouest. Sous l'emprise de la dynastie Gnassingbé depuis 1967, cet État fut marqué au cours des années 1980 et 1990 par des récessions économiques successives entrainant des coupes budgétaires dramatiques, notamment dans le secteur de la santé publique. La dévaluation du FCFA, la mauvaise gouvernance et les Programmes d'Ajustement Structurel (PAS) dictés par le Fonds Monétaire International (FMI) ainsi que la Banque Mondiale (BM) eurent des répercussions négatives, tant sur la couverture sanitaire que sur la qualité des soins de base proposés dans le pays. Ces politiques top-down n'ont pu assurer la mise en place de Formations Sanitaires (FS) de qualité en termes d'infrastructures, de matériels et de ressources humaines.

Des politiques de décentralisation, explicitement revendiquées dans la convention de Lomé IV1, furent mises en place à travers l'ensemble du pays, notamment en matière de santé. Par ce biais, l'État amorça son désengagement vis-à-vis du domaine public et politique qui se répercuta inévitablement sur le fonctionnement de la santé ainsi que sur la prise en charge de ses populations en termes sanitaires. Cependant, « les réformes se sont succédées, les propositions se sont multipliées : et, pourtant, une grande insatisfaction persiste, tant du point de vue des populations que des intervenants. Le sentiment est désormais largement partagé qu'une grande partie des problèmes vient de l'offre publique de santé »2.

1 http://ec.europa.eu/europeaid/where/acp/overview/lome-convention/lomeitoiv_fr.htm (Page consultée le 25/07/2013).

2 Jaffré, Y. & Olivier de Sardan, J.-P., 2003a, « Pourquoi et comment de telles enquêtes sur un tel sujet ? », in Jaffré, Y. & Olivier de Sardan, J.-P., Une médecine inhospitalière. Les difficiles relations entre soignants et soignés dans cinq capitales d'Afrique de l'Ouest, Karthala, Paris, p. 10.

6

- Intégration de la dimension participative dans le domaine sanitaire

Dans le contexte actuel des années 2010, l'objectif premier de l'Etat togolais en matière de santé est l'amélioration véritable de l'accessibilité des populations à des soins de santé décents. De ce fait, pour permettre au secteur sanitaire de se relever, le Togo et d'autres pays africains - avec l'appui de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et le soutien d'acteurs internationaux participant au développement sanitaire local - décidèrent d'intégrer les populations locales dans ce processus. Ces mesures s'inscrivent dans les lignes directrices de la Conférence d'Alma Ata (1978) et de l'Initiative de Bamako (1987)3 organisée par l'OMS, jetant les bases des Soins de Santé Primaires (SSP) et du recouvrement des coûts. Les orientations institutionnelles en vigueur, inscrites dans le cadre des politiques de décentralisation de la santé publique, voient dans ces mesures un moyen pour l'état de « se décharger d'une partie de sa fonction de protection au profit d'acteurs périphériques »4. Cette conception bottom-up hissa les « acteurs du bas » au centre de toutes les préoccupations ; ce fut l'essor de la santé dite « communautaire ».

Toutefois, le fonctionnement administratif et organisationnel des bailleurs de fonds internationaux et celui des instances nationales semblaient différer largement, ce qui amena des désaccords profonds et une « dynamique de balkanisation du pays »5. Sur ce fond de décor institutionnel pluriel, les ONG locales de développement prirent une part active dans l'insertion des « communautés » afin d'accroître le sentiment d'appropriation quant au devenir de leur état de santé. Dans cette vision « nouvelle » du développement, la mobilisation communautaire devenait une condition sine qua non pour obtenir l'aval et l'aide financière des bailleurs ; cette image permettant ainsi de s'écarter de cette vision unilatérale de l'aide, excluant toue forme d'acculturation. « Globalement, le « communautaire » est une conditionnalité (et donc une obligation rhétorique) pour capter les ressources nécessaires à la mise en oeuvre de projets sanitaires et/ou politiques, personnels ou factionnels »6. En ce sens, on peut parler de « mythe du communautarisme »7.

3 Gruénais, M.-E., 2001a, « Un système de santé en mutation : le cas du Cameroun », Bulletin de l'APAD, 21, pp. 1-7.

4 Gruénais, M.-E, 2001b, « Communautés et État dans les systèmes de santé en Afrique », in Hours, B., (dir.), Systèmes et politiques de santé. De la santé publique à l'anthropologie, Karthala, Paris, p. 79.

5 Gruénais, M.-E., 2001a, ibid., p. 4.

6 Jaffré, Y. & Olivier de Sardan, 2003b, « Un diagnostic socio-anthropologique : des centres de santé malades... » in Jaffré, Y. & Olivier de Sardan, J.-P., Une médecine inhospitalière. Les difficiles relations entre soignants et soignés dans cinq capitales d'Afrique de l'Ouest, Karthala, Paris, p. 77.

7 Jacob, J.-P. & Lavigne Delville, Ph. (sous la direction de.), 1994, Les organisations paysannes en Afrique : organisations et dynamiques. Karthala, Paris, p. 13.

7

- Émergence des Commissions Santé

Sous cette égide institutionnelle, de nouveaux protagonistes locaux ont émergé rapidement dans un décor neuf. Suivant ce processus, les Unités de Soins Périphériques (USP) - structures de soins les plus avancées reconnues par l'État - se sont progressivement consolidées sur le territoire.

Pour les soutenir, l'ONG belge Louvain Coopération (LC), en partenariat avec l'ONG togolaise « Association d'Appui aux Activités de Santé Communautaire »8 (3ASC), dont le siège se situe à Dapaong, région des Savanes, a établi un « Projet Intégré de santé dans la région des Savanes ». Ce dernier aboutit en 2008 à la création des « Commissions Santé » (CS).

Ces groupements, inspirés de multiples expériences de divers pays d'Afrique de l'Ouest, sont composés de personnes issues des populations villageoises et des prestataires des USP. Ils ont pour mission première d'offrir « un cadre de réflexion et d'échange entre les différents protagonistes issus de la sphère locale, concernant les problèmes de santé relatifs à leur aire sanitaire » 9 . Les principaux problèmes évoqués sont les suivants : l'éloignement et l'accessibilité géographique des centres de santé, le coût des prestations et médicaments prescrits et la nature des relations en vigueur entre les populations locales et les représentants de la sphère sanitaire officielle.

Sous la tutelle de l'ONG 3ASC, chargée de soutenir et d'encadrer ces groupements, leurs assignations présumées se cantonnent à engendrer des résultats positifs quant à l'offre et la qualité des soins promulgués au sein des centres de soins avancés. Mais aussi à s'ériger en tant que représentants des populations villageoises locales et à faire valoir les préoccupations de ces derniers pour accroître leur participation à l'effort de santé.

Cinq ans après l'élaboration de ce type de groupement dit « communautaire », plusieurs questions importantes méritent toutefois d'être posées. Quels sont les impacts de ces politiques de décentralisation sur la sphère sanitaire locale ? Cette vision participative, présente-elle au final des considérations plus amples pour les bénéficiaires de ces soins ? S'agit-il toujours d'un modèle imposé de l'extérieur ou assistons nous à un véritable processus participatif, dans lequel les outils sont non seulement utilisés mais aussi contrôlés par les premiers concernés ?

8 Voir en annexe (A1. Description de l'ONG 3ASC).

9 Document 3ASC, 2008, « Projet Intégré de santé dans la région des Savanes. Processus de mise en place des Commissions Sante. (Distinction des tâches CS-COGES) ».

8

- De la conception externalisée au modèle « participatif »

La diversité de projets en tous genres s'insérant sur la scène locale, fait transparaître ce désir constant de satisfaire les attentes des populations locales mais suivant des schémas établis de l'extérieur. La conviction grandissante reflétant à tort une forme de certitude quant à la nécessité de l'importer sur la scène locale est-elle justifiée, et surtout assistons-nous à une application adaptée ? N'y a t-il pas là une forme de transposition systémique n'appartenant qu'à un type de logique ? « Même si l'émergence des organisations endogènes est antérieure aux discours construits à leurs propos, ces discours ne jouent-ils pas un rôle dans leur multiplication actuelle, dans leur logique d'institutionnalisation ? »10.

Suivant cette perspective, nous pouvons résolument admettre que nous sommes en présence d'un « dispositif », au sens foucaldien du terme. Même s'il n'existe aucune définition exacte de ce que ce terme recouvre, nous pouvons toutefois en donner la version établie par Foucault lors d'un entretien en 1977, qu'Agamben résume en 2006 en trois points dans son ouvrage « Qu'est-ce qu'un dispositif ? » : « 1. Il s'agit d'un ensemble hétérogène qui inclut virtuellement chaque chose, qu'elle soit discursive ou non : discours, institutions, édifices, lois, mesures de police, propositions philosophiques. Le dispositif pris en lui-même est le réseau qui s'établit entre ces éléments. 2. Le dispositif à toujours une fonction stratégique concrète et s'inscrit toujours dans une relation de pouvoir. 3. Comme tel, il résulte du croisement des relations de pouvoir et de savoir »11.

À cet effet, Chauveau intègre cette dernière notion dans le domaine du développement : « le dispositif de développement désigne ainsi non seulement les structures concrètes et organisées de conception et d'administration des interventions mais aussi un ensemble complexe de représentations et de normes acquises structurant les manières de percevoir, de penser et d'agir des agents de développement »12.

Cette « configuration développementiste »13 se « réfère classiquement, à l'ordre légal-rationnel et bureaucratique caractéristique de la culture occidentale et à « l'artificialisme » découlant du système de valeurs individualiste et positiviste. Le développement rural n'est, à ce niveau que le transfert de la croyance en l'ingénierie sociale que la culture occidentale s'est d'abord appliquée à elle-même (É) et qu'elle a ensuite mise en oeuvre dans les territoires

10 Jacob, J.-P. & Lavigne Delville, Ph., op. cit., p. 12.

11 Agamben, G., 2007, Qu'est-ce qu'un dispositif ?, Éditions Payot & Rivages, Paris, pp. 10-11.

12 Chauveau, J.-P., 1994, « Participation paysanne et populisme bureaucratique. Essai d'histoire et de sociologie de la culture du développement », in Jacob, J.-P. & Lavigne Delville, Ph. (sous la direction de.), Les organisations paysannes en Afrique : organisations et dynamiques, Karthala, Paris, p. 40.

13 Olivier de Sardan, J.-P., 1995a, Anthropologie et développement. Essai en socio-anthropologie du changement social, Karthala, Paris.

9

coloniaux »14. En effet, l'« approche participative » tant valorisée, mêlant santé et défense des intérêts locaux, paraît se calquer sur un modèle organisationnel prédéfini par les bailleurs de fonds et appliqué par les ONG locales. Ainsi, il semble légitime de se questionner par rapport au fait de savoir s'il s'agit véritablement d' « un pouvoir local représentatif, comme le souhaitent les tenants de la décentralisation ? »15. L'adaptation des acteurs locaux ou « dérives »16 à ce type de configuration bureaucratique, suivant une perspective wébérienne, laisse entrevoir de multiples phénomènes qui devront être soumis à l'analyse.

« Dans bien des cas, cette standardisation communautaire empêche la prise en compte d'initiatives pragmatiques locales »17 au profit d'un idéal-type18 qui se révèle défaillant à maints égards : les qualifications et les compétences des CS ne sont pas suffisantes au regard des fonctions qui leurs sont attribuées, leur travail est bénévole et constitue une activité secondaire pour la grande majorité d'entre eux, ils ne sont pas soumis à une discipline stricte et homogène et ils ne subissent pas un contrôle suffisant de la part de la direction administrative19, pour ne citer que quelques insuffisances rencontrées.

Cet « appareil bureaucratique »20 bancale impose une vision soi-disant utilitariste aux acteurs concernés mais ne reflète que fort peu leurs perceptions intrinsèques. Les divergences qui en découlent biaisent toutes constructions communes jusqu'à exclure hors de ce dispositif des protagonistes considérés pour nombre des ces populations « bénéficiaires » comme intrinsèquement liés à la situation sanitaire en présence. A cet égard, nous faisons référence aux thérapeutes traditionnels, inclus dans le décor mais non reconnus de la sphère sanitaire officielle, et ainsi délaissés de toutes décisions porteuses d'impacts.

Afin d'éclaircir ces questionnements, notre analyse devra inclure une série d'acteurs issus de la scène locale, pour comprendre la complexité de l'insertion des CS dans ce décor pluriel. Une étude relative à l'implication effective de ces dernières permet d'évaluer le degré d'insertion supposé des populations locales, des prestataires des USP, des acteurs du développement local, des représentants de la médecine « traditionnelle », et enfin des responsables des pouvoirs publics en présence, tous agissant dans ce paysage complexe et multiple. En outre, notre analyse spécifique et approfondie, portant sur un type d'acteurs

14 Chauveau, J.-P., op. cit., p. 42.

15 Jacob, J.-P. & Lavigne Delville, Ph. op. cit., p. 12.

16 Olivier de Sardan, 1995a, op. cit., p. 196.

17 Jaffré, Y. & Olivier de Sardan, 2003b, op. cit., p. 77.

18 http://pedagogie2.ac-reunion.fr/ses/textes/Weber/burau.htm#debut (page consultée le 27/07/2013).

19 Ibid.

20 Ibid.

10

intégrés dans la « santé communautaire » de la région des Savanes au Togo, cherche à mettre en évidence les tenants de ce processus « participatif » sur la scène locale.

Par-dessus tout, cette étude veut représenter un moyen exemplaire de concilier deux champs divergents sous une même bannière, à savoir l'anthropologie et le développement. Une expérience réflexive de ce type peut être entreprise au coeur du débat sur l'interdisciplinarité d'un tel champ d'actions. Il est vrai que les procédés mis en oeuvre par les deux enseignements précités diffèrent sur certains aspects. Toutefois, les domaines de recherches s'entremêlent à maints égards. Il y a donc nécessité de faire converger leurs techniques respectives et de créer un apprentissage commun à condition que « du point de vue de l'action, l'intervention de développement soit dissociée de la croyance positiviste en l'ingénierie sociale »21. Un véritable dialogue fondé et construit s'avère nécessaire pour trouver le juste milieu entre « production de connaissances fondamentales et savoir applicable

»22.

1.2. Question de départ

La contribution « communautaire » dans le domaine sanitaire en Afrique engendra une abondante littérature socio-anthropologique. Afin de comprendre les conséquences des politiques de décentralisation sur la santé publique en Afrique, il peut être utile de se référer à Brunet-Jailly (2000), Gruénais (2001) et Médard (2001). Des auteurs tels que Chauveau (1994), Jacob et Lavigne Delville (1994), Lavigne Delville (2011), ont analysé les préceptes de l'approche participative et les effets néfastes engendrés par des actions de développement sur des collectivités locales. Dans le but de percevoir les logiques et stratégies que les acteurs de la scène locale déploient face à ces mesures exogènes, des chercheurs comme Olivier de Sardan (1995), Joiris et Bigombe Logo (2010) se révèlent fort éclairants. Par ailleurs, une étude hautement pertinente fut menée par Jaffré et Olivier de Sardan (2003) concernant les relations entre les personnels de santé et les patients en Afrique de l'Ouest. Enfin, un angle de vue se voulant emic, suivant Dozon (1987) et Fassin (1993, 2006), est selon nous d'un recours indispensable dans le champ de l'anthropologie médicale.

Tout en tenant compte de « la logique structurelle du système de l'aide »23, une littérature prioritairement axée sur des groupements villageois participant à l'effort de santé ou plus largement s'intéressant plus largement à la « participation communautaire » dans le domaine

21 Chauveau, J.-P., op. cit., p. 54.

22 Fassin, D., 2006, Quand les corps se souviennent. Expériences et politiques du sida en Afrique du Sud. La Découverte, Paris, p. 17.

23 http://base.d-p-h.info/fr/fiches/premierdph/fiche-premierdph-6349.html (page consultée le 27/07/2013).

11

de la santé, et en particulier au Togo, devrait à notre sens se fonder sur des recherches plus abouties et avancées.

Le point de départ de cette étude avait pour ambition de rendre compte de l'appropriation véritable des enjeux sanitaires par les populations au travers des réalisations effectuées par les CS. Il s'agissait de comprendre les préoccupations premières des populations villageoises et de percevoir quels étaient les moyens déployés au niveau local pour satisfaire une telle situation. Cela étant, nous voulions rendre compte des implications réelles des CS et des répercussions qu'elles étaient susceptibles d'engendrer sur la sphère sanitaire locale. Toutefois, cette perspective se voulant « populiste » ne pouvait exclure une série d'éléments indubitablement intégrés en son sein.

Afin d'effectuer une étude sur un organe inséré sur la scène locale, nous devions intégrer une dimension plus élargie, à savoir l'inclusion de l'ONG 3ASC dans cette dynamique « participative ». Ce faisant, nous étions en mesure de percevoir une série de ramifications engendrées par de telles actions. Pour préciser l'orientation de notre recherche, notre question de départ s'était présentée comme suit :

« Suivant quels procédés, l'insertion des Commissions Santé dans ce dispositif participatif, permet-elle un réel changement dans l'offre et la qualité des soins de santé auprès des populations villageoises de la région des Savanes ? »

Toutefois, par souci méthodologique, il fut question de valoriser davantage les obstacles rencontrés et les moyens déployés par les CS - pour satisfaire cette demande exogène - et non les solutions apportées par les groupements impliqués dans le projet, face à la situation en présence. En ce sens, nos préoccupations analytiques se sont concentrées sur les difficultés relatives à la mise en place effective de ces groupements et l'appropriation du processus participatif par les acteurs concernés.

Nous nous pencherons donc pleinement sur cet aspect de notre réflexion pour ce qui est de la construction du modèle d'analyse. Toujours est-il que l'état de notre question de départ nous a permis de jeter les bases d'une telle orientation analytique. L'ensemble de ces prémisses se révèlera d'une utilité certaine dans notre problématique soulevée.

12

1.3. Problématique

L'établissement des CS doit donc s'inscrire dans une vision structurelle, laissant entrevoir des divergences entre les politiques publiques régionales, les représentants de l'aide au développement sanitaire local et les populations directement concernées et affectées par ces mesures. À cette dimension, une vision conjoncturelle doit être intégrée, reflétant les « logiques et stratégies d'acteurs »24 qui sont effectivement appliqués. Il s'agit ici « d'une interaction entre des acteurs sociaux relevant de mondes différents (du type développeurs/développés), dont les comportements sont sous-tendus par des logiques multiples »25. Ces tendances laissent transparaître une « confrontation entre le mode de gouvernance et la façon dont celui-ci est approprié par les destinataires »26.

Pour confronter ces profondes divergences, Olivier de Sardan (1995), précise les différentes postures que l' « analyste » est susceptible d'emprunter au regard des interventions qui sont réalisées dans le champ du développement : en ce sens, la discussion amenée touche à une « position instrumentale, populiste ou déconstructiviste »27.

De plus, ce même auteur développe trois niveaux d'analyse qui peuvent être appliqués aux politiques interventionnistes en matière sanitaire au sein de la région des Savanes, à savoir :

« Le niveau rhétorique (modèles, motivations de l'intervention, conventions, etc.), le niveau de la pratique projet (les termes de référence du projet, les intentions concrétisées dans un document de projet, les moyens libérés, etc.) et le niveau de la pratique « locale » (analyse pragmatique de l'effet du développement sur les « groupes cibles » et sur les autres groupes qui entrent en interaction avec le projet, des logiques et stratégies (L & S) déployées par ces derniers vis-à-vis de la politique de développement) »28.

24 Joiris, D., V., & Bigombe Logo, 2010, Gestion participative des forêts d'Afrique centrale, Éditions Qu3/4, Versailles, p. 29.

25 Olivier de Sardan, 1995a, op. cit., p.125.

26 Joiris, D., V., & Bigombe Logo, Ibid.

27 « Le chercheur adopte une position « instrumentale » lorsqu'il oriente ses recherches essentiellement en vue de contribuer à la mise en oeuvre d'une politique ; il réalise des travaux de type « populiste » lorsqu'il endosse les points de vue et les revendications des communautés enquêtées ; enfin, il s'engage dans une perspective « déconstructiviste » lorsqu'il pose une analyse critique sur les mécanismes de développement ». Vu sur : Joiris, D., V., 2010-2011, Anthropologie du développement et de l'environnement (cours ULB SOCA-D-443), p. 23.

28 Joiris, D., V., Ibid.

13

Figure 2 : « Les niveaux de réflexions sur les faits de développement »29

Légende

L & S : Logiques et stratégies d'acteurs

Suivant ces préceptes, au-delà d'une vision strictement « populiste » se voulant davantage « déconstructiviste », nous nous concentrerons sur le point d'impact entre les « activités proposées aux populations cibles » et les « logiques et stratégies » déployées par les populations locales. De plus, il sera question d'illustrer différentes conceptions emic en matière de soins, d'éclaircir des aspects propres aux savoirs endogènes et de rendre compte des interactions en vigueur, berçant les configurations actuelles entre les différentes entités existantes.

1.3.1. Objectifs

Quel est donc l'objet de ce mémoire ? Il cherche à présenter une analyse de la « gestion communautaire » de la santé dans la région des Savanes au Togo. En ce sens, notre recherche se focalisera sur la « participation » des CS dans les districts sanitaires de Tône, Tandjouaré et Kpendjal en examinant la dimension « projet » qui sous-tend l'existence de ces groupements « communautaires ».

En guise de clarification, il est nécessaire de préciser que nous ne nous cantonnerons pas à illustrer les problèmes existants dans les aires sanitaires investiguées et à faire-valoir les solutions correspondantes. Par contre, ce à quoi nous nous attacherons en particulier c'est de

29 Joiris, D., V., 2010-2011, op. cit., p. 23.

14

présenter la mise en place d'un système « projet » au sein d'un groupe défini - les CS - et de mettre en évidence les complications rencontrées ainsi que les mécanismes d'adaptations engendrés par ces acteurs, suite à l'installation d'un dispositif externe au sein d'un groupuscule local constitué à cet effet.

Soulignons aussi que notre étude socio-anthropologique, portant sur le thème de la « santé communautaire », se fondera sur le concept de « populisme bureaucratique »30.

D'où la nécessité d'affiner notre analyse plus particulièrement comme suit :

-- Percevoir les mécanismes qui sous-tendent l'élaboration des CS ;

-- Visualiser les conséquences engendrées par l'attribution de nouvelles normes

exogènes envers les CS et les incartades qu'elles provoquent ;

-- Rendre compte de l'adaptation, de l'autonomisation et du développement de

« logiques et stratégies » déployés par les CS ;

-- Définir et illustrer la nature même et l'impact effectif de cette contribution analysée.

Il s'agira en ce sens, de faire-valoir le manque d'intentionnalité « participative » au sein de ce dispositif.

2. CONSTRUCTION DU MODÈLE D'ANALYSE

« Une démarche « scientifiquement valide » ne peut être définie dans l'absolu, c'est-à-dire, faisant abstraction des postulats et des cadres épistémologiques partagés par une communauté scientifique qui se reconnaît dans l'exercice et les pratiques de la recherche qualitative »31.

Il devient donc nécessaire, à ce stade-ci, d'élaborer un modèle analytique qui nous accompagnera tout au long de notre étude empirique. Cela étant, ces procédés nous permettront d'acheminer les termes et les constats visant à apporter des réponses construites sur les propos énoncés.

30 Chauveau, J.-P., op. cit., p. 45.

31 http://www.recherche-qualitative.qc.ca/revue/hors_serie/hors_serie_v5/savoie_zajc.pdf (page consultée le 14/07/2013).

15

2.1. Approche conceptuelle

Comme précédemment évoqué, le concept de « populisme bureaucratique » 32 a été retenu pour orienter strictement notre analyse. De ce fait, à travers l'insertion des CS dans le décor sanitaire des districts investigués, il sera question de comprendre les tenants du « populisme bureaucratique » sur le « Projet Intégré de santé dans la région des Savanes ». Avant de développer ce point, il est nécessaire de définir précisément ce que le concept en question revêt en son sein.

Nous nous appuierons sur la définition du « populisme bureaucratique » mise en avant par J.-P. Chauveau (1994) comme étant « l'idéal-type de l'autorité et de la légitimité caractéristique des valeurs de la culture du développement ». Un tel concept « prétend en définitive concilier les vertus de l'efficacité dépersonnalisée de la bureaucratie (entendue comme idéal-type d'organisation) et les vertus de la communauté, de la solidarité et des particularismes qui sont censés régir les [groupements associatifs africains]. Dans ce dispositif de connaissance et d'action, le populisme légitime, en outre, le statut et l'action des opérateurs de développement »33.

Chauveau précise les nombreuses contradictions inévitablement engendrées, en s'efforçant de combiner des « valeurs bureaucratique et communautaire »34. De plus, ces tentatives de transferts génèrent immanquablement des « dysfonctionnements [sur les] structures locales de développement [et] sont attribuées au particularisme des sociétés et cultures locales, et corrigées par davantage de règles et de contrôle. (É) La lutte contre les dysfonctionnements du populisme bureaucratique alimente la croissance de la bureaucratie en même temps qu'elle nourrit les stratégies (É) de « détournement » des objectifs bureaucratiques »35.

De ce fait, nous sommes confronté à un cercle vicieux, nous amenant à constater un recommencement continuel des actions. « Les efforts de correction de ces effets pervers par le dispositif populiste-bureaucratique conduisent simultanément à la reproduction sans fin des contradictions et au renforcement de ce dispositif, dès lors que sa légitimité n'est pas remise en cause »36. Paradoxalement, la structure semble se renforcer devant une accumulation d'échecs ; avec pour arme principale l'instruction, faisant figure de poids et d'autorité devant l'incompréhension. Car par le renforcement des « capacités » des « acteurs du bas », la situation est supposée ne pouvoir que s'améliorer. Cela explique en quoi et comment le mythe

32 Chauveau, J.-P., op. cit., p. 45.

33 Chauveau, J.-P., Ibid.

34 Chauveau, J.-P., Ibid.

35 Chauveau, J.-P., Ibid.

36 Chauveau, J.-P., Ibid., p. 47.

16

de l'action de développement, tant vantée, court-circuitant tous ceux ayant perdu espoir, élargit son emprise.

Enfin, Chauveau convient de rappeler que « la routinisation occulte la répétitivité de l'argumentaire et protège de toute remise en cause les schémas conceptuels de la culture du développement, au moyen de l'argumentaire des effets pervers ou, si besoin est, de la réinvention de sa tradition. On dit souvent que les développeurs n'ont pas de mémoire. Mais ce n'est pas un défaut du système, c'est précisément la marque d'un habitus culturel qui en garantit la reproduction »37.

2.2. Question de recherche

-- Réflexions

Il y a donc une évidente récupération des enjeux sanitaires locaux par des organismes de développement qui assurent, théoriquement, la pérennité des actions entreprises. Au niveau de l'aire sanitaire, des groupements sont mis en place pour garantir une certaine « gestion participative » des populations locales. Ces mesures restent a fortiori, l'initiative d'agents externes. Une telle situation représente un pari risqué, ne laissant entrevoir aucune certitude a priori, dans l'éventualité où les moyens viendraient à manquer pour transmettre correctement - suivant une vision « idéal-typique » - les outils nécessaires, et ainsi garantir aux acteurs concernés l'autonomie recherchée et la capacité d'agir en toute indépendance.

Toutefois, les protagonistes du développement local s'attèlent à valoriser les résultats positifs et visibles, effectués dans le domaine de la santé auprès des populations locales, tant sur le plan matériel, structurel que dans les mentalités. De plus, cette démarche vise la réappropriation des problèmes et des enjeux sanitaires locaux par les populations villageoises de la région. Cette récupération des discours institutionnels illustre le bon-vouloir de leurs actions afin « de permettre aux populations de prendre une part plus grande dans la planification et dans la gestion des activités et des ressources consacrées à leur santé »38, comme le souligne le Ministère de la Santé togolais.

Mais quand bien-même une volonté propre de la part des représentants de la société civile se fait entendre, trouvent-ils refuge dans les faits ? Peut-on considérer que cette dynamique « communautaire » et « participative » inclut l'ensemble des acteurs en présence ? En effet, il

37 Chauveau, J.-P., op. cit., p. 52.

38 Ministère de la santé, Direction Générale de la santé, « Normes du district sanitaire au Togo », République Togolaise, Février 2001, p. 4.

17

apparaît qu'une certaine réalité des faits ne semble pas suffisamment bien perçue par les protagonistes du développement sanitaire local.

-- Construction de la question de recherche

Dans un premier temps, il s'agissait donc de porter la réflexion sur l'intégration de l'ONG 3ASC sur la scène sanitaire locale à travers son implication dans l'amélioration de la qualité des soins de santé proposée dans les USP. En même temps, il était question de percevoir si les agents répondaient aux exigences de base des populations villageoises.

Par la suite, nous nous sommes intéressé à l'insertion des CS dans ce dispositif. Nos questionnements se sont concentrés sur le lien de causalité entre les CS et l'amélioration de l'état de santé des populations villageoises. Cet organe, élaboré de l'extérieur, est-il en mesure d'agir en tant qu'agent de sensibilisation et susceptible de représenter correctement les intérêts sanitaires des populations villageoises ? L'état de santé des populations s'est-il amélioré de façon qualitative et quantitative depuis l'existence des CS ? L'organe des CS est-il le mieux disposé à répondre aux attentes de la population, ou d'autres organes locaux existants - indépendamment ou non de la sphère officielle - sont-ils susceptibles d'apporter des résultats plus concluants et plus encourageants ? Est-ce que l'ensemble des acteurs participant au processus d'amélioration sanitaire dans les districts étudiés, tant du point de vue biomédical que traditionnel, est suffisamment représenté ?

Suivant cet intérêt, nous fûmes enclin à considérer un dernier aspect qui s'avère être de taille et non négligeable : les outils administrés à ces groupements répondent-ils à des considérations internes ? Il s'agissait de se questionner par rapport aux intérêts implicites ou explicites qui supposent de telles actions.

Telles sont les questions qui nous préoccupaient.

Cette réflexion élargie mérite donc un recadrage rigoureux. Par conséquent, par souci de rigueur, de formulation et de façon à clarifier les termes en usage, notre question de recherche principale s'énonce, finalement comme suit :

« Dans quelle mesure, l'insertion des Commissions Santé sur la scène sanitaire locale Ð à travers l'ONG 3ASC Ð permet-elle l'élaboration d'une dynamique « participative » véritablement endogène ? »

18

L'orientation de la question de recherche étant définie, il devient primordial de mettre sur pied les hypothèses s'intégrant dans son cadre.

2.3. Hypothèses

De façon à pouvoir développer un cadre analytique susceptible de répondre correctement et concrètement à la question de recherche, deux hypothèses ont ainsi été formulées pour dissocier les différents termes que recouvre notre position. Notre démarche de nature hypothético-déductive voit dans ces hypothèses l'occasion d'illustrer l'insertion des CS dans le décor sanitaire à travers cette dimension « projet ». De cette façon, elles définissent l'orientation empirique de notre étude analytique.

Nos hypothèses sont les suivantes : - Hypothèse n°1 :

« Les Commissions Santé font preuve d'un manque d'efficacité - dans le cadre du « Projet Intégré de santé dans la région des Savanes » - suite à des dysfonctionnements internes »

- Hypothèse n°2 :

« En réponse aux dysfonctionnements relevés, les Commissions Santé s'adaptent à la situation et développent des initiatives dans le souci d'assumer leur responsabilité sur la scène sanitaire locale »

Chacune de ces hypothèses tente de mettre en avant un aspect que recouvre l'ambition de notre analyse. L'étude consiste, in fine, à rendre compte d'une part, du manque d'efficience des CS en raison des déficiences intrinsèques propres au dispositif établi. D'autre part, face aux difficultés auxquelles elles se heurtent, il s'agira de témoigner des « mécanismes de débrouille » déployés par les CS face aux enjeux sanitaires auxquels sont confrontées les populations villageoises.

L'analyse confirmera, ou non, de telles suppositions analytiques.

19

3. APPROCHE MÉTHODOLOGIQUE

Selon Berthelot, « La fonction de la méthodologie n'est pas de dicter des règles absolues de savoir-faire, mais surtout d'aider l'analyste à réfléchir pour adapter le plus possible ses méthodes, les modalités d'échantillonnage et la nature des données à l'objet de sa recherche en voie de construction »39.

Dans un premier temps, nous nous sommes intéressé à définir précisément notre sujet d'étude. Par la suite, il était question d'expliquer le cadre analytique dans lequel cette recherche s'inscrit. Enfin, il fut nécessaire de spécifier comment s'orientait notre analyse.

Cette étape, essentielle en tout point, présente le contexte et les outils empruntés pour effectuer une recherche empirique susceptible de correspondre à nos propos analytiques. Notre approche méthodologique sera définie au travers des instruments et des moyens techniques privilégiés.

Ce faisant, notre démarche méthodologique fut soumise à un procédé en deux temps : -- Une recherche bibliographique

-- Une enquête de terrain

3.1. Démarche

A l'issue d'une étude de terrain de trois mois basée à Dapaong, région des Savanes, Togo, notre démarche méthodologique générale a pris appui sur des observations, signalées comme insertions personnelles, à partir desquelles nous avons établi un réel de références. Une politique d'investigation qualitative éclectique fut appliquée, telle que préconisée par J.P. Olivier de Sardan40, c'est-à-dire en combinant un certain nombre d'entretiens semi-dirigés et d'entretiens sous forme de conversations, d'interactions, de récits et de consultations, le but étant d'essayer de rendre compte au maximum du point de vue de l'acteur.

Les données collectées ont été entrecroisées avec celles qui proviennent de l'observation participante résultant de prises de notes retranscrites chaque jour. Nous avons également utilisé toutes les données provenant de sources écrites qui furent mises à notre disposition, et

39 http://www.recherche-qualitative.qc.ca/revue/hors_serie/hors_serie_v5/savoie_zajc.pdf (page consultée le 14/07/2013).

40 Olivier de Sardan, J.-P., 2008, La rigueur du qualitatif - Les contraintes empiriques de l'interprétation socio-anthropologique, Bruylant-Academia, p. 11.

20

établi un recensement diachronique et synchronique des lieux et du nombre de personnes sous forme de tableaux, schémas, plans et chiffres. D'autres sources bibliographiques ont été utilisées. Enfin, notes et réflexions personnelles ont donné lieu à maintes pistes de réflexions et nous ont permis d'affiner notre cadre de recherche tout au long de cette étude de terrain.

3.2. Collectes des données

Les données collectées destinées à établir une analyse construite sur les implications des CS dans le paysage communautaire peuvent être subdivisées en plusieurs parties.

Dans un premier temps, nous avons effectué de nombreuses lectures générales et thématiques de façon à acquérir une vision élargie du sujet et de la problématique qui furent mis en place. Ensuite, après avoir défini le cadre théorique de notre recherche, nous avons réalisé un stage de trois mois dans l'ONG 3ASC au sein de laquelle un travail de terrain de cinq semaines consécutives fut accompli dans un total de quinze aires sanitaires (le détail sera précisé dans le point : I. 3.3.1. Représentativité de l'échantillon). Durant ce temps, le matériel récolté se compose principalement d'entretiens (détails dans le point I. 3.4. Entretiens) et de documentations, rédigés par les acteurs faisant l'objet de cette étude et par le personnel de l'ONG 3ASC. Ces sources écrites, pouvant être définies comme appartenant davantage à la littérature grise, sont considérées comme des données complémentaires et informatives ; en ce sens, elles n'ont pas été utilisées comme pouvant constituer la base d'une réflexion approfondie sur la matière investiguée. Par ailleurs, une multitude de données informelles furent retenues. Il s'agit principalement de conversations off the record obtenues en dehors du contexte conventionnel des entretiens (voir I. 3.4.3.2. Échanges informels). En effet, les rencontres furent multiples. De nombreuses informations furent donc récoltées dans des bars, dans des maquis, autour d'une calebasse de tchakpalo (bière locale à base de mil), lors de visites impromptues chez des amis, informateurs privilégiés ou encore chez de simples inconnus. Autant que faire se peut, il était nécessaire de retranscrire aussi rapidement que possible l'ensemble des informations intéressantes qui furent dévoilées de façon aussi complète que notre mémoire nous le permettait.

Il est toutefois nécessaire de mentionner qu'une partie considérable des informations récoltées s'inscrit dans une recherche qui se veut à part entière mais indubitablement liée à ce sujet de mémoire. Nous détenions une position particulière, de par notre statut de stagiaire envoyé par LC auprès d'un de leurs partenaires du sud, afin de réaliser une étude dont le but était de capitaliser les activités menées par LC et 3ASC « en matière de structuration communautaire vis-à-vis de l'offre des soins de santé dispensés au niveau des Centres de

21

santé, grâce aux Commissions santé ». Cela nous permit d'acquérir une quantité d'informations importante qui n'aurait pu être accessible sans cette insertion professionnelle. Toutefois, en ce qui concerne les biais, difficultés et contraintes épistémologiques que cela peut représenter, ils seront, par souci de cohérence, exprimés dans le point I. 4. Limites de l'études et contraintes épistémologiques.

3.3. Échantillon

3.3.1. Représentativité de l'échantillon

Le cadre de l'analyse s'intègre au sein de l'environnement sanitaire dans lequel baignent les CS. Il s'agit, en outre, des USP où de nombreux groupements villageois se retrouvent et prennent une part active. De plus, les villages incorporés dans les aires sanitaires investiguées seront insérés dans notre cadre analytique, de par le fait que nombre d'acteurs influents et nécessaires à considérer pour la réalisation de cette étude y sont présents.

Pour obtenir une vision suffisamment représentative de l'insertion des CS dans le décor sanitaire, un échantillon comprenant deux tiers des aires sanitaires où sont implantées les CS a été retenu (sachant que l'on retrouve une USP par aire sanitaire). Il convient de préciser qu'il n'est pas toujours aisé de définir a priori, au sein d'une étude qualitative, le nombre de personnes ou de groupes à inclure dans l'échantillonnage. Il n'existe pas de paramètre statistique ce qui rend la décision s'avère souvent arbitraire. Mais afin de rendre l'objet d'étude opérationnel, il fut nécessaire d'inclure une certaine rigueur en termes de représentativité, de diversification et de saturation. Toutefois, des critères d'ordre logistique ont été inévitablement inclus dans la prise de décision : le transport, l'accessibilité, l'emploi du temps des traducteurs, les échéances de la recherche, la disponibilité des Groupes Investigués (GI), les différents coûts, etc. Ce faisant, à défaut de pouvoir investiguer les vingt-deux aires sanitaires où s'insèrent les CS, nous avons estimé que deux-tiers d'entre elles suffiraient à rendre compte correctement de la situation en présence. En guise de précision, la dimension de cet échantillon, en termes de distance géographique, représente un rayon approximatif de 60 km autour de Dapaong, ville-siège de 3ASC.

Dans un premier temps, de façon à obtenir une vue d'ensemble, voici un descriptif détaillé, par district sanitaire, de l'ensemble des CS qui furent retenues lors de la mise en place du « Projet Intégré de santé dans la région des Savanes »41.

41 Document 3ASC, 2008 « Projet Intégré de santé dans la région des Savanes. Processus de mise en place des Commissions Sante. (Distinction des tâches CS-COGES) ».

22

-- District sanitaire de Kpendjal : sur les 14 aires sanitaires existantes, 5 furent sélectionnées pour le projet (Kwampit-Bong, Naki-Est, Namoudjoaga, Papri, Pogno).

-- District sanitaire de Tandjouaré : Sur les 16 aires sanitaires existantes, 10 furent sélectionnées pour le projet (Bogou, Doukpelou, Lokpanou, Loko, Mamproug, Nassongue, Natigou, Nayergou, Tandjouaré, Yembour).

-- District sanitaire de Tône : Sur les 19 aires sanitaires existantes, 7 furent sélectionnées pour le projet (Bougou, Kantindi, Korbongou, Kourientre, Nanergou, Polyclinique Dapaong, Sanfatoute).

Dans un deuxième temps, afin d'avoir un aperçu général de l'échantillonnage de cette recherche, voici un descriptif détaillé de l'ensemble des CS qui furent sélectionnées :

- District sanitaire de Kpendjal : Sur les 5 CS existantes, toutes les 5 furent retenues pour cette étude (Kwampit-Bong, Naki-Est, Namoudjoaga, Papri, Pogno).

- District sanitaire de Tandjouaré : Sur les 10 CS existantes, 5 furent sélectionnées pour le projet (Bogou, Doukpelou, Lokpanou, Nassongue, Yembour).

- District sanitaire de Tône : Sur les 7 CS existantes, 5 furent sélectionnées pour le projet (Bougou, Korbongou, Kourientre, Nanergou, Sanfatoute).

Afin de visualiser plus aisément les aires sanitaires investiguées, nous incitons le lecteur à se référer aux cartes des districts sanitaires de Kpendjal, Tandjouaré et Tône en page 3.

La phase d'enquête se divise, quant à elle, en deux temps. Tout d'abord, les quinze aires sanitaires sélectionnées furent visitées en dix-neuf jours (du 27/11/2012 au 21/12/2012). Ensuite, après avoir engagé une seconde phase de réflexion, suite à l'acquisition d'une quantité importante de données de terrain, nous avons entamé une seconde phase d'enquêtes au début du mois de janvier 2013 afin d'extraire et d'affiner des informations complémentaires, sur des thématiques spécifiques, enclines à un approfondissement plus détaillé. Cette étape de l'enquête ne s'est volontairement pas exécutée sur la base stricte des questionnaires préalablement retenus. Il s'agissait bien davantage de collecter des informations, tout en restant ouvert et en engageant des dialogues à tendance informelle.

23

Grâce à cette méthode complémentaire non seulement des rencontres plus diversifiées ont été possibles mais il en est ressorti un approfondissement plus poussé de notre analyse.

3.3.2. Composition de l'échantillon et Groupes Investigués

L'échantillon s'est composé de quatre Groupes Investigués (GI) qui représentent la majorité des enquêtes effectuées, à savoir les membres des CS, les prestataires des USP, les patients rencontrés dans les USP et les villageois des aires sanitaires correspondantes.

Afin de clarifier nos propos, voici une présentation relative à la composition de l'échantillon et du nombre d'entretiens effectués par GI :

- GI 1 : les Commissions Santé

29 interviews (toutes aires sanitaires confondues).

- GI 2 : les Prestataires (le personnel soignant - principalement les Responsable de la Formation Sanitaire (RFS) et/ou les plus hauts représentants hiérarchiques).

17 interviews (toutes aires sanitaires confondues).

- GI 3 : les Patients des USP

10 interviews (toutes aires sanitaires confondues).

- GI 4 : Les Villageois

18 interviews (toutes aires sanitaires confondues).

Bien entendu, nous devions porter notre choix sur des personnes précises lors de notre arrivée sur un lieu de rencontre. Cela ne fut pas toujours évident mais quelques facteurs ont facilité la prise de décision. Nous nous tournions vers des personnes possédant un statut élevé, au sein de la catégorie investiguée, en sorte de valoriser la qualité de l'information obtenue. Par ailleurs, les critères de personnalité, de vieillesse et d'influence furent de mise dans nos choix impromptus. Nous recherchions, dans la mesure du possible, des personnes ayant une bonne capacité à s'exprimer (en français ou non), détenant un certain « bagage », des notions amples sur la matière investiguée ou tout simplement désireux de participer de façon proactive à nos interviews. Bien entendu, de nombreux entretiens furent effectués « à l'improviste ». Toutefois, la matière utilisée dans le cadre de l'analyse, tendait à rejeter une bonne partie de ces derniers, jugés inintéressants ou redondants.

24

De plus, il semble nécessaire de mentionner que les catégories de ces personnes ne sont pas fixes. Elles doivent rester souples car leurs limites sont perméables. En effet, certaines personnes rencontrées ne peuvent être désignées exclusivement comme appartenant à un GI spécifique, elles bénéficient parfois d'une identité multiple. Les questionnaires s'en virent alors modifiés. Par exemple, nous nous aperçûmes qu'une personne endossant le statut d'aide-soignant dans l'USP de Kourientré, Tône, était en même temps membre de la CS de cette même aire sanitaire. Toutefois dans de tels cas il n'y eut qu'un seul enregistrement. Il s'agissait de personnes hautement intéressantes à entendre, de par leur point de vue élargi, voir ambigu.

3.4. Entretiens

Selon Olivier de Sardan, « la production par le chercheur de données à base de discours autochtones qu'il aura lui-même sollicités reste un élément central de toute recherche de terrain. D'abord parce que l'observation participante ne permet pas d'accéder à de nombreuses informations pourtant nécessaires à la recherche : il faut pour cela recourir au savoir ou au souvenir des acteurs locaux. Et ensuite parce que les représentations des acteurs locaux sont un élément indispensable de toute compréhension du social. Rendre compte du « point de vue » de l'acteur est en quelque sorte la grande ambition de l'anthropologie »42.

L'entretien est une relation complexe qui nécessite un juste équilibre entre les protagonistes en vigueur. L'enquêteur doit tenir les rênes tout en livrant un espace de confiance, où l'interlocuteur se sent libre de s'exprimer sans crainte ni contrainte externe. « Le problème du chercheur (É), c'est qu'il doit à la fois garder le contrôle de l'interview (É) tout en laissant son interlocuteur s'exprimer comme il l'entend et à sa façon »43. Pour ce faire, l'enquêteur a pour mission de se rendre sur les lieux de l'intéressé, afin d'opérer dans l'habitat « naturel » de ce dernier et doit tenter de maximiser, de tirer au mieux parti de ce pour quoi il est venu : obtenir des informations qui alimenteront le coeur de son sujet. Cependant, l'enquêteur ne se trouvant pas dans son habitacle, risque de rencontrer certaines difficultés pour rester naturel et guider avec aisance une relation de confiance. Il doit également trouver ses marques et plus il est éloigné de son lieu d'origine, et dans un univers distinct du sien, plus le temps d'acclimatation peut sembler long. C'est pourquoi, une multitude d'entretiens peut sembler nécessaire, d'une part pour que l'enquêteur soit mieux à

42 Olivier de Sardan, J.-P., 2008, op. cit., p. 54.

43 Olivier de Sardan, J.-P., 2008, Ibid., p. 62.

25

même de mener avec plaisance les questions qu'il anime et, d'autre part, pour obtenir une bonne qualité d'information requise dans toute enquête sérieuse d'ordre socio-anthropologique. Au final, les termes employés par Olivier de Sardan résument à eux seuls, l'ambition première recherchée au travers de ces entretiens : « rapprocher au maximum l'entretien guidé d'une situation d'interaction banale quotidienne, à savoir la conversation, est une stratégie récurrente de l'entretien socio-anthropologique, qui vise justement à réduire au maximum l'artificialité de la situation d'entretien et l'imposition par l'enquêteur de normes méta-communicationnelles perturbantes »44.

Il est important de rappeler que le cadre d'analyse propre à cette étude tend à se recentrer au maximum sur les discours et représentations des acteurs. Du fait de cette vision « actor-oriented »45, la majorité des données extra muros qui seront traitées dans ce mémoire proviennent du discours des acteurs dans le cadre d'entretiens effectués exclusivement dans leur environnement naturel. Durant cet exercice fastidieux, nous nous sommes livré à une observation participante visant à récolter des informations relatives à leur environnement, leur cadre de vie, leurs pratiques, leurs perceptions, leurs attentes ainsi qu'à leurs discours et représentations. « De telles séquences de vie constituent des données précieuses parce qu'utilisables à divers niveaux : comme corpus primaire soumis à analyse comparative, comme éléments d'études de cas, ou comme exemples illustratifs ou démonstratifs dans le texte final »46.

3.4.1. Contextes des entretiens

« L'entretien de recherche est une interaction : son déroulement dépend évidemment aussi bien des stratégies des deux (ou plus) partenaires de l'interaction, et de leurs ressources cognitives, que du contexte dans lequel celle-ci se situe »47.

Avant de narrer le contexte dans lequel se sont déroulés les entretiens, il est toutefois nécessaire de mentionner un fait notoire, qui a influé sur une grande partie des interviews effectuées avec les membres des CS et les prestataires des USP visitées. Le jour de notre arrivée au sein de l'ONG 3ASC, démarra « l'atelier de recyclage des CS » qui n'est autre que leur formation annuelle destinée à remettre à jour leurs objectifs et compétences. Ce fut l'opportunité idéale pour rencontrer, en l'espace de six jours et dans un même lieu, plus de deux-cents membres des CS que nous fûmes amené à côtoyer tout au long de notre période

44 Olivier de Sardan, J.-P., 2008, op. cit., p. 58.

45 Long, N., 1992, « Introduction », In Long, N., Long, A., (eds), Battlefields of Knowledge. The Interlocking of Theory and Practice in Social Research and Development, London, Routledge, p. 9.

46 Olivier de Sardan, J.-P., 2008, Ibid., p. 56.

47 Olivier de Sardan, J.-P., 2008, Ibid.

26

d'enquête. Nul doute que cette circonstance constitua d'emblée un véritable tremplin et qu'elle nous permit nous consacrer sans délai à l'essentiel de notre étude. Nous fûmes directement en position de saisir les termes, les aspects innombrables, nuances, variétés, complexités, problèmes et enjeux de la situation en présence. Cette semaine de formation nous donna également l'occasion d'acquérir un panel d'informations et de témoignages de la part des membres des CS qui nous servirent de guide pour l'orientation de nos questionnaires. En nous immergeant de la sorte, nous pûmes intégrer rapidement de ce « langage-projet »48 propre à 3ASC, afin de saisir, a posteriori les interactions en vigueur entre cette institution de développement et ses « représentants » sur la scène locale. Ce préambule eut sans aucun doute une influence favorable sur notre terrain proprement dit car nous fûmes accueilli avec les plus grands honneurs partout où nous nous rendîmes. Les interactions et le dialogue furent des plus évidents. Cette aisance relationnelle constitua une plus-value certaine qui se répercuta à notre sens sur la qualité des enquêtes effectuées.

Lors de cette formation, nous eûmes également l'occasion de mettre à jour toutes les coordonnées de l'ensemble des membres des CS présents. Une liste comprenant tous les contacts et les numéros de téléphones existants des membres des CS fut mise à notre disposition à l'issue de cette semaine de formation, ce qui nous permit de prendre directement des rendez-vous, après nous être assuré de la disponibilité des personnes contactées.

Durant la première phase de terrain, nous passions la matinée dans une USP et l'après-midi dans un à deux village(s) environnant(s) suivant les rencontres effectuées et la durée des entretiens. Au cours de nos rencontres au sein de ces USP, nous interviewions des individus concordant aux GI 1, 2 et 3. Par contre, dans les villages, nous tentions de converser principalement avec des personnes correspondant au GI 4, et par la suite nous nous dirigions vers les GI 1 et 3. De ce fait, nous pûmes obtenir un panel d'informations suffisamment diversifiées, ce qui nous permit de dégager une esquisse se voulant exhaustive de la situation. Comme mentionné dans la section I. 3.3.1. Représentativité de l'échantillon, au cours de la deuxième phase d'enquêtes, effectuée durant le mois de janvier 2013, nous ne nous sommes pas cantonné à un cadre strict. Grâce à cette souplesse nous fûmes dans la position d'effectuer, à souhait, des va-et-vient constants entre la littérature, le terrain et l'analyse suivant les informations qui nous étaient nécessaires.

48 Olivier de Sardan distingue le « langage-développement » du « langage-projet ». Cette première notion se réfère à « l'univers langagier des institutions de développement » (Olivier de Sardan, 1995a : 165). « La forme concrète, sur le terrain, que prend le langage-développement quand il devient opérationnel et incarné dans une institution au contact de populations locales, est ce qu'on pourrait appeler le « langage-projet » ». Vu sur : Olivier de Sardan, J.-P., 1995a, op. cit., p. 166.

27

Néanmoins, les rendez-vous obtenus au préalable avec les CS avaient lieu généralement très tôt dans la matinée, car le personnel était pris par nombre d'activités durant le reste de la journée. Toutefois, ces mêmes horaires correspondaient à la forte période d'affluence dans les USP. Nous privilégiions donc, dans un premier temps, les entretiens avec les membres des CS par souci de loyauté. Cependant, le désavantage de cette façon de procéder est que, dans certains cas, les rencontres pouvaient durer plusieurs heures jusqu'à ce que le soleil fût au zénith, moment où les couloirs de l'USP tendent à se vider littéralement, ne laissant plus âme qui vive si ce n'est une brise ardente remplaçant les ventilateurs endommagés ou tout simplement absents. Dans ce cadre précis, il nous était difficile de rencontrer des patients encore présents ou suffisamment aptes à répondre à nos questions, une fois la rencontre avec les membres des CS achevée. Nous avons donc dû, dans certains cas, opter pour des solutions alternatives, lorsque la route et l'emploi du temps de nos traducteurs nous le permettaient. Soit nous nous rendions aux aurores dans les USP, afin d'avoir le temps de rencontrer des patients disposés à être interviewés, soit nous décalions tout simplement l'heure de rendezvous suivant nos disponibilités respectives.

Concernant les prestataires, nous avons également tiré profit de leur présence à la semaine de formation des CS ; les rencontres suivantes furent en tout point confortables et nous n'eûmes aucun problème à prendre le temps de les interviewer. Malgré une certaine ouverture d'esprit, leurs points de vue se cantonnaient fortement à une vision pro-biomédicale et ils ne se montraient pas suffisamment ouverts au dialogue avec les autres protagonistes de la « santé communautaire » dans la région, émanant des réseaux informels. Enfin, en vue d'interroger des villageois, nous nous rendions, le plus souvent à l'improviste ou accompagné d'un membre d'une CS, hors des axes principaux. Le but étant de chercher à rencontrer des personnes de façon aléatoire. Nous devons souligner un point quant à cette dernière catégorie d'acteurs : nous fûmes dans de nombreux cas merveilleusement bien accueilli et charmé par la diversité de discours que nous avons été amené à entendre.

Un aspect essentiel de l'entretien concerne l'environnement dans lequel celui-ci se déroule. Nous faisons principalement référence à la possibilité de pouvoir s'exprimer librement sans qu'un acteur d'un autre GI soit en mesure de pouvoir entendre les propos de l'interlocuteur en question. En effet, une des intentions-même des questionnaires qui furent établis, était de rendre compte de la nature des relations que les différents GI entretiennent les uns avec les autres. A titre d'exemple, un entretien de groupe fut effectué avec des patientes à la fin d'une séance de vaccination dans la salle d'attente de l'USP de Nassongue, Tandjouaré. Cependant, durant l'entièreté de cet échange, le RFS était présent dans un coin de la salle.

28

Malgré notre délicate insistance pour qu'il s'absentât, il persista à faire des allers-retours, troublant ainsi en permanence le dialogue encouru ; cette situation engendra un biais de premier ordre empêchant toute possibilité de critiques à l'égard du dispensaire et de ses prestataires. De ce fait, nous prenions soin, tant que faire se put, d'interroger nos interlocuteurs en dehors de l'USP, à l'ombre d'un rônier ou d'un manguier, dans le souci d'obtenir un cadre d'expression neutre et optimal.

3.4.2. Nombres d'entretiens

Il nous paraît quelque peu difficile de comptabiliser le nombre exact de conversations réalisées dans le cadre de cette étude, formelles et informelles confondues. Néanmoins, nous affirmons avoir effectué quatre-vingt-cinq enregistrements propres à nos enquêtes de terrain. En effet, certaines interviews de groupes sont comptabilisées comme un seul et unique entretien. D'autres interactions enregistrées concernent des discussions avec des personnes ayant une double casquette.

Comme précisé précédemment, de nombreuses discussions totalement informelles ne furent pas dénuées d'intérêts mais ne font pas partie de quatre-vingt-cinq enregistrements préalablement mentionnés, car nous ne disposions pas de critères valables pour les quantifier objectivement. Lorsque les informations obtenues étaient de qualité, nous avons réussi à convaincre certaines de ces personnes à se soumettre à un entretien enregistré, suivant le canevas d'enquête préétabli, toutefois adapté. Ces rencontres ultérieures dans le cadre de l'enquête donnent le plus souvent lieu à une mise en confiance et à un accueil d'une plus ample qualité. Elles permettent également de revenir sur des points précédents non-élucidés ou qui ont suscité des réflexions suite à une première rencontre fortuite.

Dans ce contexte, parmi les quatre-vingt-cinq enregistrements mentionnés, septante-quatre furent accordées à l'ensemble des quatre GI. Concernant les onze entretiens restants, cinq furent effectués avec des membres du personnel de 3ASC chargés de hautes responsabilités et détenant un point de vue bien tranché sur des questions relatives à la « santé communautaire » dans la région des Savanes. De plus, nous avons participé à deux émissions pour la « Radio Communautaire des Savanes » au sujet du paludisme et des mutuelles de santé, avec la participation d'un médecin du CHR de Dapaong, le RFS de Naki-est, Kpendjal ainsi qu'avec un Agent de Santé Communautaire (ASC) de Namoudjoga, Kpendjal. Ce fut très stimulant de converser avec des représentants des différents niveaux hiérarchiques de la santé publique, sur des sujets sensibles qui nécessitent la responsabilisation et l'entendement de chacun, et ce dans les débuts de notre étude. Il ne s'agit donc pas d'interviews que nous avons personnellement guidées, néanmoins nous devons admettre que cette expérience fut

29

bénéfique pour percevoir les connaissances et la position de ces différents acteurs. Par ailleurs, nous avons échangé nombre de propos avec des pharmaciens, des ASC, des membres de certains Comités de Gestion (COGES) et Cellule Mutualistes de Base (CMB), ainsi qu'avec d'autres personnes sans qualifications précises mais accoutumées au monde de la « santé communautaire » dans la région. Deux de ces conversations furent enregistrées. Enfin, nous avons rencontré six thérapeutes traditionnels. Cependant quatre de ces échanges se firent sans l'aide d'un dictaphone, ce qui nous empêcha certes, de retirer des informations précises et détaillés mais, d'un autre côté nous permit de vivre ces moments avec une certaine plénitude, tant leur discours était foncièrement authentique et passionnant.

Pour visualiser le détail des entretiens effectués (par types et par lieux), nous invitons le lecteur à se rendre en annexe (A2. Tableau des entretiens et enregistrements).

3.4.3. Type d'entretiens

Suivant les propos établis par Olivier de Sardan, il n'est pas communément admis « qu'il y ait de « techniques » d'entretien. Mais cela ne signifie pas pour autant qu'il n'y ait pas de « savoir-faire ». Plus exactement, on pourrait parler d'une politique de l'entretien »49.

3.4.3.1. Entretiens formels

Cette recherche a clairement privilégié l'entretien semi-directif, en ce qu'il s'agit d'interviews ayant fait l'objet d'une préparation au préalable via la création de questionnaires. Toutefois ces derniers furent préparés dans le but de servir principalement de « canevas » - et non de « guide »50. En ce sens, il s'agissait de maintenir le dialogue sous une forme de discussion semi-libre en orientant les thèmes à aborder.

- Entretiens de groupe ;

De par notre expérience dans le domaine, nous nous étions dans un premier temps, préparé à effectuer des entretiens exclusivement individuels. Cependant, durant les premiers temps de notre enquête, des séances de groupes (principalement avec les CS) se sont quelque peu imposées d'elles-mêmes. En effet, ayant obtenu des rendez-vous au préalable, le mot s'est vite ébruité, et l'ensemble des membres se faisait un plaisir de nous honorer de leur présence.

49 Olivier de Sardan, J.-P., 2008, op. cit., p. 55.

50 Olivier de Sardan, J.-P., 2008, Ibid., pp. 59-60.

30

Il n'eut pas été rationnel d'effectuer une dizaine d'entretiens individuels, en dépit du temps qui nous était imparti et du risque d'obtenir des informations trop redondantes, et par ailleurs il eut été indécent d'exclure certaines personnes de façon purement aléatoire. Étant dans un cadre participatif, l'entretien de groupe a constitué une bonne alternative. Toutefois, nous nous sommes vite aperçu que la qualité des informations différait radicalement de ce que nous pouvions obtenir avec des entretiens en tête-à-tête. Nous avons donc limité le recours à cette formule de groupe.

Dans un autre cas de figure, lors de nos visites dans des villages, nous nous sommes retrouvé à discuter généralement avec un ou deux villageois, en essayant d'incorporer au maximum les questions de notre canevas d'entretien tout en maintenant un côté naturel à la conversation. Rapidement, des villageois affluaient autour de nous, intéressés par la venue d'un étranger, blanc qui plus est, dans leur coin reculé. Malgré cette présence grandissante, la plupart restaient silencieux, simplement curieux d'assister à une situation inhabituelle. Nous maintenions généralement le dialogue avec la ou les personnes avec qui nous avions engagé cette rencontre. Dans ce cas précis, la présence du nombre ne fut pas considérée comme contraignante.

Ceci, il va sans dire, nous amène à nous positionner par rapport à l'attitude que des agents externes doivent adopter en présence de ces « groupements communautaires ». Le type de médiation mis en place est soumis à une certaine ambivalence. En tant que chercheur, nous arrivons armé d'outils et de techniques spécifiques propre à analyser une thématique particulière. L'adaptation au terrain est une stricte nécessité, quelles que soient les circonstances. Comme le rappelle volontiers Olivier de Sardan, « la principale forme de l'entretien de groupe (É), est impromptue, involontaire, non sollicitée par le chercheur. Elle est liée au fait que le socio-anthropologue travaille en « situation naturelle » (naturalistic setting) »51. Imposer le recours à des rencontres individuelles est un modèle qui semble aller contre toute logique participative. Les tendances actuelles vantant les bienfaits du communautarisme s'avèrent - à travers ce type de cas précis - contraires à leurs applications pratiques. Plus concrètement, ces entretiens de groupe, ne seraient-ils pas de la « participation communautaire » en acte ?

Malgré certains avantages que l'entretien individuel est susceptible de nous apporter, l'entretien de groupe est sujet à élargir la discussion, prenant ainsi la forme d'un échange-débat participatif. En effet, au fur et à mesure de notre étude de terrain, notre connaissance en la matière devint plus ample. Nous avons pu constater de nombreuses situations défaillantes et aperçues des stratégies intéressantes déployées par certains cas isolés. Cela étant, ces points

51 Olivier de Sardan, J.-P., 2008, op. cit., p. 64.

31

particuliers devaient être portés, à notre sens, à la connaissance de tous ; cette façon de procéder s'est donc montrée plus efficace. Des adaptations novatrices pourtant restées dans l'ombre car non-formalisées ou simplement mal interprétées par ces groupements ne pouvaient être que bénéfiques.

En guise d'illustration, la présidente de Nanergou, Tône récapitule notre débat-entretien à ses collègues sur une thématique bien spécifique : les activités collectives.

« Il nous faisait savoir, dans nos activités, dans notre travail. On doit faire des activités de groupe, au début on nous a pas dit ça, mais c'est une idée qu'il a émit que ça c'est très important. Il nous dit qu'on doit aller dans les villages, en groupe, mobiliser les gens, causer avec eux. Donc ce qu'il a dit, on n'avait pas fait ça, actuellement c'est très bon. Il y en a qui nous connaissent, mais d'autres qui nous connaissent pas. Il y a certains villages qui n'ont pas de membre de la Commission Sante. Si nous, nous allons dans ce quartier là, en groupe, pour les réunir, causer avec eux, et leur montre la valeur, l'importance des Commissions Santé, c'est très bon. Comme ça on va voir beaucoup de personnes qui vont fréquenter le centre. Donc, il a émis ce problème là que nous avons, j'ai beaucoup acclamé l'idée, ça m'a beaucoup intéressé. Parce que si nous restons sur place, que chacun a eu ses problèmes, ce n'est pas bon. Il faut que nous allions vers la population, ensemble, pour pouvoir discuter de ça. Que chaque fois nous serons plus à savoir quoi dire, à chaque fois on aura des idées à mûrir et puis discuter avec la population, comme ça le travail va bien marcher. Ça c'est très bon » [Présidente de la CS de Nanergou, Tône].

- La durée des entretiens ;

Concernant la durée des entretiens à proprement parler, ils oscillaient en moyenne entre une demi-heure et une heure. Ceci étant, en fonction de notre intérêt porté par leurs propos, certains échanges furent interrompus après une quinzaine de minutes, d'autres en revanche atteignirent quasiment les deux heures d'interviews, notamment lorsque nous fûmes confronté, comme mentionné précédemment, à des personnes ayant un statut-pluriel.

- L'utilisation de la langue française et le recours à un traducteur-interprète ;

L'entièreté des entretiens effectués avec les prestataires des USP se fit en français. Concernant les CS, une majeure partie d'entre eux était en mesure de s'exprimer dans la langue officielle. Dans certains cas, nous dûmes être assisté par un traducteur-interprète travaillant pour 3ASC, afin de nous assurer de la qualité de leurs discours. A propos des patients et des villageois interrogés, nous avons, la majorité du temps, eu recours également à

32

un traducteur-interprète. Les biais susceptibles d'être engendrés de part l'assistance d'un tiers seront mentionnés dans le point I.5. Limites de l'étude et contraintes épistémologiques.

La catégorie sociale et l'âge constituaient deux facteurs quant à la connaissance de langue française. En effet, les fonctionnaires d'État et autres personnes travaillant ou ayant travaillé en zone urbaine étaient mieux aptes à s'exprimer dans la langue de Molière. Par ailleurs, l'école primaire est aujourd'hui gratuite dans les écoles publiques du Togo ; selon l'UNICEF52, le taux d'alphabétisation des jeunes de 15-24 ans pour la période 2005-2010 est de 85 % pour les hommes et de 68 % pour les femmes. De plus, suivant cette même source, le taux net de fréquentation scolaire dans le primaire pour la période 2005-2010 est de 86 % en zone rurale et 94 % en milieu urbain. Ces chiffres semblent nous autoriser à estimer que la connaissance du français, chez les jeunes générations n'est plus un problème majeur, surtout lorsque que l'on s'aperçoit que la part de Togolais âgés de moins de 15 ans représente 40,8 % de la population entière pour l'année 201253.

3.4.3.2. Échanges informels

Ces rencontres diverses avec des personnes n'appartenant pas à nos quatre GI défini a priori mirent en évidence l'existence de groupes « invisibles » ou « extérieurs », point essentiel pour répondre à ce besoin de triangulation54. Il s'agit principalement de personnes travaillant de façon directe pour 3ASC (personnel de l'ONG) ou indirecte (collaborateurs indépendants, ASC, membres du COGES ou du CMB, etc.) mais également d'individus pouvant être désignées sous la dénomination de « thérapeutes traditionnels ».

Ces interactions multiples nous ont donné la possibilité de soutirer des informations complémentaires et d'intégrer des notions ou données supplémentaires sur la problématique investiguée. Elles n'en étaient pas moins intéressantes et utiles à la compréhension globale de notre cadre d'étude.

Soulignons que les thématiques abordées sont intimement liées au sujet de ce mémoire mais le canevas méthodologique ne fut pas forcément respecté (ou adapté) et se rapporte clairement au domaine de la conversation.

52 http://www.unicef.org/french/infobycountry/togo_statistics.html#90 (page consultée le 7 mai 2013).

53 http://www.statistiques-mondiales.com/moins_de_15_ans.htm (page consultée le 7 mai 2013).

54 Olivier de Sardan, J.-P., 2008, op. cit., pp. 81-82.

33

3.4.4. Structures des entretiens

Il est évident que les mêmes sujets furent repris dans les différents questionnaires. Par contre, l'angle tendait à différer pour pouvoir observer, recueillir et enfin analyser les différents points de vues rencontrés suivant une thématique semblable. Quelques logiques transversales propres à l'ensemble des interviews semblaient se dégager. Tout d'abord, chaque entretien s'attardait à retracer le cadre dans lequel les interlocuteurs s'insèrent, il s'agit de la part descriptive. Ensuite, il était question de définir les difficultés et les changements observés inhérents à leur situation individuelle et collective. Par la suite, il s'agissait de faire émerger des propositions envisageables, à travers leurs doléances, pour améliorer leur situation et élaborer une mise en contexte des relations qu'ils entretiennent vis-à-vis des autres GI. Enfin, un complément d'informations plus personnel fut apporté sur la vision que chacun de ces interviewés détenait quant aux recours thérapeutiques alternatifs face à la structuration de l'offre des soins dans la région des Savanes.

Pour maintenir l'angle de notre recherche dans une perspective holistique, nous avons dû élaborer des « stratégies » d'entretiens. Nous les avons envisagées suivant deux perspectives distinctes, afin d'être en position de recouper, trianguler et amorcer un panel de points de vue suffisamment conséquents. Ces perspectives de recherche proviennent des deux niveaux d'entretiens élaborés par Olivier de Sardan55 : « la consultation » et « le récit ».

Les techniques d'entretiens utilisées recoupent donc différents procédés. Tout d'abord, nous avons invité nos interlocuteurs à mentionner leurs perceptions et leurs pratiques suivant une vision synchronique, cherchant une forme de systématisation de certains de leurs agissements pour en comprendre les défaillances intrinsèques. Ensuite, pour illustrer certains de leurs propos et pour en extraire une forme de fiabilité, nous nous sommes étendu, suivant une perspective diachronique, sur certaines questions circonstancielles qui tendent à remettre en contexte, et sous forme de récits, les acteurs dans le cadre de leurs interactions.

Grâce à cette méthode nous fûmes en mesure de récolter des contradictions et des incohérences entre leurs propos et la réalité vécue, nonobstant l'unité intrinsèquement voulue au sein de chaque groupe investigué ; d'une part « en interne », c'est-à-dire des informations propres à la réalité de chacun, et d'autre part, « en externe », c'est-à-dire entre les différents membres d'un même GI, ou plus largement entre des personnes issues des GI différents.

L'inconvénient de ce type d'approche est le travail fastidieux qu'il représente. En effet, à défaut de vouloir rendre compte, suivant un procédé exhaustif, des réalités de chacun, cette

55 Olivier de Sardan, J.-P., 1995b, « La politique du terrain. Sur la production des données en anthropologie ». In Les terrains de l'enquête, s.l.d. de Passeron, J.-C, Edition Parenthèses, Marseille.

34

façon de procéder peut s'avérer extrêmement longue, tant durant la récolte des données que lors de la phase de décortication des données précédant l'analyse. Il s'agit, en outre d'un processus de longue haleine nécessitant patience et rigueur.

De plus, les discours des acteurs furent, dans un premier temps, évoqués à la première personne du singulier pour qu'ils mentionnent leurs pratiques et leurs représentations à un niveau personnel. Dans un deuxième temps, il s'agissait d'élaborer une tendance au pluriel, d'une part à la première personne, pour exprimer l'importance du groupe, autrement dit du « nous », et d'autre part à la troisième personne, pour que les interviewés émettent un avis quant à cette configuration multiforme dans l'interaction et le dialogue.

Enfin, concernant l'obtention d'informations allant plus dans le sens de la « controverse », nous prenions la peine de saisir le moment opportun, estimé au deux-tiers de l'interview.

3.5. Questionnaires

Quatre questionnaires56 ont été élaborés pour représenter au mieux le discours de chaque GI. Les canevas d'entretiens furent structurés en fonction des thèmes abordés. Mais ils furent soumis à un perpétuel remaniement tout au long de notre processus d'enquête. Ils servirent donc plus de support que de référence-type. En effet, vu l'abondance d'informations, il est important de mentionner que les entretiens ne pouvaient suivre entièrement un parcours prédéfini. Ils furent donc adaptés, selon les rebondissements dus à telle ou telle intervention de l'enquêté. Cette pratique de la reformulation ou formulation de nouvelles questions revient à « la récursivité de l'entretien de terrain, en ce qu'il s'agit de s'appuyer sur ce qui a été dit pour produire de nouvelles questions. Ces questions induites par des réponses sont aussi bien des « questions qu'on se pose » (niveau stratégique de l'évolution de la problématique) que des « questions qu'on pose » (niveau tactique de l'évolution du canevas d'entretien) »57.

Partant du principe que chaque personne a un background différent, les questions devaient être ajustées pour chaque interlocuteur, selon son appartenance sociale, ses expériences et sa trajectoire personnelle. Soucieux de laisser libre cours au discours de chacun mais également de pointer du doigt certains faits précis, nous avons décidé de combiner un ensemble de questions ouvertes et fermées que chacun serait libre d'interpréter comme bon lui semblait.

56 Les quatre questionnaires se trouvent en annexe (A3. Questionnaires).

57 Olivier de Sardan, J.-P., 2008, op. cit., p. 61.

35

Par ailleurs, nous avons éprouvé une certaine difficulté à établir des guides d'entretiens-type. Même s'il est évident que le discours s'adapte selon l'interlocuteur, les personnes ne correspondaient pas forcément à nos groupes investigués préalablement sélectionnés. La réalité transgresse les limites.

Au final, aurions-nous écrit nos questions en espérant retrouver un certain type de personne ? Par souci de réflexivité et d'objectivité, la question mérite d'être posée.

4. LIMITES DE L'ÉTUDE ET CONTRAINTES ÉPISTÉMOLOGIQUES

Il semble essentiel de clarifier les frontières de cette étude au strict sens du terme. Ceci étant, il nous importera de définir notre perspective opérationnelle. Il s'agit donc de reconnaître ses propres limites et d'inclure dans notre objectif, la représentation des délimitations de notre recherche.

Par ailleurs, il nous paraît indispensable, par souci de réflexivité, de mettre à plat les contraintes et difficultés épistémologiques qui se sont présentées lors de notre insertion professionnelle sur le terrain. Nombre de concepts et notions nous étaient connus jusqu'ici uniquement dans un contexte strictement académique. Mais en apparaissant soudain sur la scène de la vie quotidienne, ils prirent un sens réel, concret et clairement enrichi. La théorie rejoignit le monde empirique. Ce fut une occasion sans précédent de nous familiariser avec le milieu professionnel, en appliquant directement moult notions qu'il nous avait été permis d'acquérir tout au long de notre cursus universitaire.

Quelles furent nos préoccupations premières après nous être confronté pour la première fois avec notre cadre d'étude ? Au fur et à mesure de l'avancement de nos enquêtes, nous avons tenté d'extraire « à chaud » les idées principales qui ressortaient de nos sorties sur le terrain.

Toutes les réflexions qui nous ont accompagné durant la phase de terrain seront présentées dans les points suivants. Cette sous-partie sera divisée en trois sous-sections. Tout d'abord, il s'agit de présenter l'orientation de l'étude ci-présente, ensuite il sera question de mettre en avant notre position dans l'interaction et enfin, nous mentionnerons toute une série de biais rencontrés au fur et à mesure de nos enquêtes effectuées.

36

4.1. Orientation de l'étude

Tout d'abord, il convient de préciser qu'il ne s'agit nullement d'une évaluation destinée à produire un bilan complet de la situation sanitaire dans la région des Savanes, loin de là. Nous cherchons plutôt à rendre compte d'une certaine réalité, qui affecte la raison même des CS dans ce décor. Bien sûr, nous fûmes amené à rencontrer des situations qui ne peuvent être soumises à la critique et qui ne seront pas mentionnées dans ce mémoire. De nombreux constats et difficultés sur lesquels nous nous attarderons sont récurrents et il semble nécessaire de les souligner. D'autres seront simplement des cas isolés mais qui nécessitent toutefois notre attention. De ce fait, nos prospections se sont davantage intéressées aux problèmes et difficultés rencontrés au sein des CS et les conséquences engendrées par cette situation déficiente sur la scène locale. Nous n'avons donc pas hésité à souligner les points négatifs rencontrés, sans pour autant négliger les apports et les améliorations observées.

Cette étude constitue donc un état des lieux non-exhaustif des CS dans les districts sanitaires de Kpendjal, Tandjouaré et Tône de la région des Savanes. Plus concrètement il s'agit d'un recoupement de données de grande importance, tendant à démontrer l'implantation d'un projet exogène sur un groupement « communautaire » propre au domaine de la santé.

Nous ne sommes concerné en aucune manière par une étude quantitative, une sorte d'inventaire qui se fonderait sur des sondages ne servant, de façon trop évidente, qu'à informer, au travers de chiffres abstraits, des problèmes majeurs recensés au sein de chaque CS. Il ne s'agit pas non plus d'une étude délibérément technique, ressassant les différents procédés pratiques à mettre en place pour appuyer les CS. Enfin, il n'est pas inutile de rappeler que nous nous sommes principalement concentré sur une analyse reflétant les implications de certains protagonistes issus du secteur public. Nous n'analyserons pas la situation en vigueur dans le domaine privé. Toutefois, nous nous attarderons à rendre compte des liens de causalité existants entre ce dernier et la sphère informelle.

Nous nous sommes bien plus attaché à comprendre en profondeur les conditions dans lesquelles sont amenés à travailler les membres des CS et la perception de chacun, entremêlée par maints facteurs qui caractérisent la situation actuelle de cet organe. Or, la grande majorité des informations recueillies se présentent comme des données non-quantifiables et non-mesurables. Ce à quoi tend essentiellement notre présent mémoire, fondé sur une approche socio-anthropologique sur le thème de la « santé communautaire », c'est de comprendre, partager et percevoir les contraintes ainsi que d'examiner les enjeux de l'ensemble des acteurs impliqués.

37

4.2. La position du chercheur

Un point fondamental qu'il est nécessaire d'aborder est le rôle du chercheur à proprement parler. Quelle est l'essence même de son insertion dans un milieu d'étude qu'il ne connaît à aucun égard, si ce n'est sa découverte sur le terrain ? Quelle peut-être la plus-value de son insertion dans un univers étranger, tentant de s'intégrer, malgré toutes ses croyances intrinsèques ?

Certes, la dimension d'objectivité peut sembler être un atout pour maintenir un regard externe sur l'environnement qui l'entoure. Mais qu'en est-il lorsque le chercheur se fait « avoir » par son milieu, quand l'extraordinaire devient soudain banal ? C'est pourquoi il lui revient d'extraire un maximum d'informations et de constats et de retranscrire l'évolution de son parcours avant que son oeil et son esprit ne risquent de le tromper. Car ce qui peut sembler hors du commun dans un premier temps finit par devenir trop rapidement évident et habituel. Cela dit, pour en arriver à ce point, le cap de la confrontation première avec le cadre d'étude doit être largement dépassé.

Quoi qu'il en soit, un étranger éprouve des difficultés certaines à percevoir correctement son milieu d'étude. Quelle est donc, dans un premier temps, son utilité face à des acteurs clairement intégrés dans ce domaine depuis un temps certain ?

En vue de réagir à ces questionnements, une petite explication s'impose. L'ONG 3ASC est exclusivement togolaise et l'ensemble des acteurs qui y travaillent sont des autochtones. Ils ont de grandes capacités, maintes connaissances, une expérience indiscutable et de solides acquis. Ils sont en tous points familiarisés avec leur domaine d'action et tout ce qu'ils voient relève pour eux de l'évidence. Ils connaissent parfaitement la « réalité du terrain » et les populations locales. Ils parlent également la langue vernaculaire dominante. Cependant, leur vision s'inscrit indubitablement dans une perspective « projet » et ils sont amenés à exercer un discours sur lequel il n'ont que fort peu d'emprise : le « langage-développement »58. Ils s'insèrent directement au sein de ce dispositif et « n'obéissent qu'aux devoirs objectifs de leur fonction »59.

A contrario, notre présence intégrée au sein de la structure de l'ONG 3ASC, avait pour ambition de percevoir l'ensemble de ses rouages tout en visualisant les faiblesses intrinsèques à ce dispositif. Ne devant rendre de compte à personne, nous pûmes plus aisément maintenir une forme d'objectivité. Par ailleurs, notre statut d'homme blanc nous conférait sans aucun doute un rôle particulier, vu la connexion directe établie, par nos interlocuteurs, avec les bailleurs de fonds. Clairement, aux yeux de personnes enquêtées, nous étions devenu la voix

58 Olivier de Sardan, 1995a, op. cit.,p. 153.

59 http://pedagogie2.ac-reunion.fr/ses/textes/Weber/burau.htm (page consultée le 27/07/2013).

38

et le représentant de LC. D'un côté, nous avons rapidement compris que nous pouvions en tirer partie, que ce « pouvoir » qu'ils nous attribuaient nous donnait une entrée certaine et un droit de regard sur le terrain. D'un autre côté, nous prîmes conscience de la cruelle nécessité de prendre du recul par rapport à cette position différenciée, frôlant celle d'un dominateur social. En effet, la perception que certains détenaient à notre égard pouvait être à l'origine d'un handicap sérieux : amener des résultats biaisés dans le cadre de notre recherche. Ainsi, nos interlocuteurs avaient tendance à insister davantage sur les difficultés imposées par le dispositif, que sur les moyens d'adaptation mis en place pour le contourner.

Enfin, nous devons mentionner un aspect supplémentaire et non négligeable de notre position dans cet univers. Nous n'étions pas une personne issue du corps médical, chargée d'apporter des soins aux populations locales. Cette raison d'être de notre présence a certainement influé l'ensemble de nos interactions.

4.3. Les biais rencontrés

« La « participation » du chercheur induit évidemment des biais personnels et subjectifs, que les savoir-faire socio-anthropologiques ont justement pour but de minimiser, de contrôler ou d'utiliser »60.

Cet aspect de la démarche soulève de nombreuses réflexions d'ordre épistémologique. Ces dernières ne seront pas explorées en détail mais simplement dévoilées afin de donner un bref aperçu du contexte et de notre vision des faits :

- La distance de l'anthropologue : entre objectivité et affection

Le chercheur doit faire preuve d'un esprit de synthèse, d'un recul évident ; il doit se montrer compréhensif, rester à l'écoute tout en étant contraint de maintenir une certaine « distance rapprochée ». Il est donc mis au défit par un « rapport complexe, fait d'attirance et de méfiance »61 lors duquel il est amené à lire par dessus l'épaule des indigènes62, pour s'immiscer au plus proche de son sujet d'étude sans pour autant se sentir trop rapproché et prendre position.

60 Olivier de Sardan, 1995a, op. cit., p. 53.

61 Vidal, L., 2009, « L'anthropologie de l'aide humanitaire et du développement. Entre exigences méthodologiques, ambition épistémologique et souci éthique », in Atlani-Duault, L. & Vidal, L., (sous la direction de.) Anthropologie de l'aide humanitaire et du développement. Des pratiques aux savoirs, des savoirs aux pratiques. Armand Colin, Paris, p. 235.

62 Geertz, C., 1983, Bali : Interprétation d'un culture, 1973, trad. fr. 1973, rééd. Gallimard, coll. « Bibliothèque des sciences humaines ».

39

Notre insertion au sein de l'ONG 3ASC a certainement influé sur notre comportement et notre compréhension du milieu. En étant pleinement intégré en son sein, nous avons du faire face à un phénomène d' « encliquage »63. Suivant cet état des faits, il nous a semblé difficile, dans un premier temps, de prendre du recul face au dispositif qui sous-tend la dimension « projet » de notre cadre d'étude.

- La barrière de la langue et les difficultés causées par le recours à un traducteur

Le passage via un traducteur constitue un biais. Les réactions premières de l'interlocuteur ne sont pas perçues correctement. L'échange est compromis et se déroule automatiquement via un tiers. Il est rare d'établir des affinités particulières, mais cela reste toutefois possible dans certaines circonstances. Le langage des signes et les expressions faciales transgressent toutes les barrières sémantiques.

Enfin, nous devons souligner que bon nombre de nos entretiens se sont déroulés avec des personnes dont le niveau de français était très approximatif. Dans un tel cas de figure, la qualité de l'information en ressort mitigée. La présence d'un traducteur, fait que certaines informations peuvent être traduites dans un lexique et suivant une formulation plus aisée à comprendre par l'interlocuteur. En effet, parfois, nos questions semblaient manquer de sens et de clarté aux yeux de l'interviewé. Donc le fait de ne pas traduire à la lettre mais bien

d' « interpréter », comme il est de coutume de le dire au Togo, constitue est un biais positif. Cela enrichit le dialogue et permet d'obtenir des informations qui n'auraient pas pu être obtenues sans l'aide d'un tiers. A d'autres occasions, notre traducteur reprenait notre question en français mais en adaptant les termes et les tournures de phrases dans un vocabulaire plus limité et mieux adapté. Il est vrai qu'à certains moments, il est nécessaire de considérer l'« interprète, (É) dans sons sens le plus plein puisqu'il s'agit de traduire plus qu'une langue : une culture. »64. Parfois, il ne faut tout simplement pas omettre que nous sommes un étranger et qu'il faut impérativement adapter son discours à chaque personne, et ce sans concession. Il est vrai que les personnes ayant « fréquenté» comme on le dit communément au Togo, ont un français admirable, avec des expressions et des termes qui ne sont plus en usage dans la langue française, du moins telle qu'elle est pratiquée actuellement en Europe. Cela enrichit leur propos. Mais dans les villages, nous ne savions jamais exactement à qui nous avions affaire. En outre, certains termes de vocabulaire ou expressions ne sont plus utilisés en Europe alors qu'ils peuvent être encore très courants en Afrique francophone, et vice-versa. Il

63 Olivier de Sardan, 2008, op. cit., p. 93.

64 Fassin, D., 1999, Pouvoir et maladie en Afrique. Anthropologie sociale dans la banlieue de Dakar. Paris, Collection les Champs de la Santé, Université de France, p. 33.

40

faut donc impérativement prendre connaissance de toutes ces subtilités du langage pour optimaliser la discussion.

Parfois, indéniablement, le « moba », qui est la langue vernaculaire dominante de la région, détient en son sein des variantes en fonction des villages dans lesquels les interviews étaient effectuées. Il est donc apparu, à certains moments, difficile, voire impossible, de traduire correctement des proverbes et citations, car le traducteur, n'étant autre qu'un jeune citadin, n'était pas en mesure de comprendre entièrement les propos du villageois. La traduction peut perdre de sa saveur originelle au profit d'interprétations qui perdent en richesse et subtilité.

Par ailleurs, nous avons eu le sentiment, dans les premiers temps de notre enquête, de lasser notre traducteur, qui aurait préféré se retrouver ailleurs, en posant des questions qui pouvaient sembler banales pour une personne issue du milieu. Certaines questions pouvaient paraître tellement évidentes à ses yeux qu'ils prenait l'initiative d'y répondre sans même se soucier de traduire la question à l'interviewé. À tel point que dans certaines situations, nous nous sommes senti contraint d'abréger l'entretien. Également, de par notre intérêt qui dépassaient le cadre strict de notre étude sur les CS, nous avons pu à certaines occasions observer chez notre traducteur un certain degré d'incompréhension devant la teneur de nos questions.

-- La véracité des propos de nos interlocuteurs

Nul ne peut jamais se fier complètement aux informations recueillies. Trop souvent, nous fûmes amené à croire sur parole ce que les interviewés nous disaient, quitte à recevoir une information contradictoire par la suite. Toutefois, dans une telle éventualité, nous fûmes généralement contraint « d'accorder crédit aux propos de [notre] interlocuteur (É), et de l'écouter avec sympathie, approbation ou connivence »65.

A titre d'exemple, une des plus grandes divergences observées lors de nos interviews relève du nombre d'activités accomplies durant l'année 2012 par les CS. Il est rare et difficile de faire correspondre l'ensemble des réponses au sujet du nombre d'activités effectuées. Personne ne s'accorde sur les chiffres. Même les secrétaires des CS chargés de relever l'ensemble des agissements, n'écrivent pas forcément tous ces faits dans leur cahier de charges. Il est donc, dans de nombreux cas, difficile d'obtenir des réponses claires et souvent, nous avons eu le sentiment d'acquérir des informations à l'aveuglette. « C'est là un vrai dilemme. Comment combiner empathie et distance, respect et sens critique ? »66. C'est

65 Olivier de Sardan, J.-P., 2008, op. cit., p. 62.

66 Olivier de Sardan, J.-P., 2008, Ibid., p. 63.

41

pourquoi, il est nécessaire de rappeler que le principe de triangulation s'avère être une des notions les plus élémentaires de toute enquête d'ordre socio-anthropologique pour s'assurer des informations obtenues de nos interlocuteurs.

La présentation relative au cadre analytique, méthodologique et épistémologique de notre étude étant achevée, le juste moment est venu maintenant de tenter d'exposer tout d'abord le contexte et le fonctionnement de la santé publique au Togo, très précisément dans la région des Savanes, et ensuite de présenter les CS en tant que telles.

42

II. PRÉSENTATION DU MILIEU D'ÉTUDE

Afin de percevoir l'ensemble des ramifications propre au dispositif établi, il est nécessaire d'être détenteur de certaines notions relatives au système de santé publique au Togo et plus particulièrement de la région des Savanes. Ce faisant, nous diviserons ce chapitre en deux parties conséquentes. Dans un premier temps, nous nous attèlerons à exposer quelques unes de ses composantes. Dans un second temps, nous présenterons scrupuleusement les différentes caractéristiques représentatives des CS.

L'objectif de cette présentation est d'aboutir à une vision rigoureuse des multiples aspects qui s'exercent en son sein.

1. LE SYSTÈME DE SANTÉ PUBLIQUE

Selon l'OMS, « un système de santé englobe l'ensemble des organisations, des institutions et des ressources dont le but est d'améliorer la santé. La plupart des systèmes de santé nationaux sont composés d'un secteur public, d'un secteur privé, d'un secteur traditionnel et d'un secteur informel. Les systèmes de santé remplissent principalement quatre fonctions essentielles: la prestation de services, la création de ressources, le financement et la gestion administrative »67.

Cette présente partie sera exposée en trois temps. Tout d'abord, au regard du contexte sanitaire actuel, ensuite via les politiques directives qui ont guidé le pays au cours de ces dernières décennies et enfin via une présentation de ses caractéristiques institutionnelles et organisationnelles, à l'échelle nationale et régionale.

1.1.La situation sanitaire

Avant d'entreprendre une présentation, à caractère quantitatif, de la situation sanitaire actuelle du Togo et plus précisément de la région des Savanes, nous invitons le lecteur à interpréter ces données avec la plus grande précaution. En effet, nonobstant le fait que les informations ci-dessous évoluent très rapidement, rares sont les données statistiques fiables qui ne se contredisent pas en tout points. Nous nous sommes donc limité - dans la mesure du possible - à un recensement d'informations provenant d'instituts statistiques internationaux. Toutefois, nous avons, dans certains

67 http://www.who.int/topics/health_systems/fr/ (page consultée le 05/06/2013).

43

cas, utilisé les données du Ministère de la Santé togolais (MS), ces derniers étant le seul moyen d'obtenir des informations concernant des faits plus détaillés. Cela dit, elles tendent à se distinguer largement des autres sources obtenues ; elles seront donc minimisées, mais toutefois mentionnées dans le but de clarifier certains éléments susceptibles de permettre une meilleure compréhension globale de l'état des faits.

1.1.1. Le Togo

-- Données quantitatives

La population togolaise s'élève en 2012 à 6.961.049 habitants dont 43 % vivent en zone urbaine (2010)68. L'espérance de vie à la naissance, en 2009, était de 57 ans pour les hommes et de 61 ans pour les femmes69 pour un taux de fécondité, en 2012, de 4,64 enfants par femme en âge de procréer et un taux d'accroissement naturel de 2,74%70. Le pays est classé 159e suivant l'Indice de Développement Humain (IDH) pour un Produit Intérieur Brut (PIB) par habitant avoisinant les 900 $ US en valeur PPA en 201171. L'Indice de Pauvreté Humaine (IPH), s'élevait quant à lui, à 38,3%72 en 2010, avec une grande disparité régionale. Le pays se subdivise en 6 régions sanitaires (Lomé-Commune, Maritime, Plateaux, Centrale, Kara, Savanes) qui se conforment aux divisions administratives en vigueur dans le pays - à l'exception de Lomé-Commune, de par son statut particulier (capitale du pays avec une densité élevée).

De nombreux indicateurs relèvent toujours une situation périlleuse nécessitant des mesures drastiques pour endiguer ce phénomène sanitaire. Cependant, selon le MS la part du PIB national destinée en 2011 à la santé représente en tout et pour tout 4 %73. Les principales causes de décès74 se caractérisent toujours par des maladies infectieuses et parasitaires avec une prédominance pour le paludisme et le péril fécal. On retrouve également parmi les autres causes importantes de morbidité : les plaies et traumatismes, les maladies diarrhéiques et les infections respiratoires aiguës 75 . Par ailleurs, selon l'UNICEF, le pourcentage de la population totale utilisant des installations d'assainissement améliorées en 2008 atteint les 12

68 http://www.statistiques-mondiales.com/togo.htm (page consultée le 07/05/13).

69 http://apps.who.int/iris/bitstream/10665/44857/1/9789242564440_fre.pdf (page consultée le 08/05/13).

70 http://www.statistiques-mondiales.com/togo.htm (page consultée le 07/05/13).

71 http://www.statistiques-mondiales.com/togo.htm (page consultée le 07/05/13).

72 http://www.tg.one.un.org/index.php?option=com_content&view=article&id=108&Itemid=57&lang=fr&22dee d25c3d823d8a03393a3e7f6efd7=8fb7d9d4730cd3cc9085fe1e2822ace8 (page consultée le 18/05/13). 73 http://www.sante.gouv.tg/index.php?option=com_docman&task=doc_download&gid=14&Itemid=3, (page consultée le 06/05/2013).

74 Voir en annexe (A4. Principaux problèmes de santé au togo).

75 http://main-tendue.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=99:apercu-de-la-situation-sanitaire-du-togo&catid=48:en-detail&Itemid=93 (page consultée le 07/05/13).

44

% dont 3 % pour les zones rurales76. Le manque d'accessibilité à l'eau potable est également extrêmement problématique, particulièrement en zones rurales. Suivant les données de la BM, le pourcentage de la population ayant accès à des sources d'eau potable améliorées revient à 61 % en 201077. Néanmoins, un grand décalage persiste entre l'accessibilité dans les zones urbaines (82 %) et celles dans les zones rurales (46 %)78.

- Infrastructures sanitaires

Le MS recense 1265 formations sanitaires en vigueur dont 895 selon les normes nationales, suivant les principaux indicateurs de santé pour l'année 201179. Nonobstant cette situation, la qualité même des infrastructures en question reste souvent à désirer. Elles sont en grande partie vétustes et inadéquates. Le manque d'équipements est criant et une insuffisance logistique règne à toutes les strates hiérarchiques du système de la santé publique. Il y a également un problème relatif à la maintenance et à l'entretien du matériel utilisé au sein des FS. Les moyens et les outils mis à la disposition des Programmes Élargis de Vaccinations (PEV) ne sont pas suffisamment opératoires.

Un tableau reprenant toutes les FS existantes par région sanitaire, selon les principaux indicateurs de santé établis par le MS pour l'année 2011 se retrouve en annexe (A5. Formations Sanitaires par région et par types). A cet effet, il peut être utile, de prêter une attention particulière aux données correspondant à la région des Savanes.

- Effectifs

Le Togo est victime d'un problème de disparité au niveau de ses effectifs. Les ressources humaines intégrées dans le secteur de la santé publique sont insuffisantes pour consentir aux besoins de l'ensemble de la population. A ce jour, 80% des personnes qualifiées se retrouvent en zone urbaine, principalement dans les agglomérations de Lomé, Kara et Sokodé. La conséquence directe de cette « coexistence de sur-effectifs et de sous-effectifs »80 réside en l'iniquité d'accès des populations aux services de qualité surtout à l'échelle locale. Une des solutions directes mises en place par les dispensaires est le recrutement de personnes locales

76 http://www.unicef.org/frdench/infobycountry/togo_statistics.html#88 (page consultée le 07/05/13).

77 http://donnees.banquemondiale.org/indicateur/SH.H2O.SAFE.ZS (page consultée le 08/05/13).

78 http://main-tendue.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=99:apercu-de-la-situation-sanitaire-du-togo&catid=48:en-detail&Itemid=93 (page consultée le 07/05/13). 79 http://www.sante.gouv.tg/index.php?option=com_docman&task=doc_download&gid=14&Itemid=3 (page consultée le 06/05/2013).

80 Jaffré, Y. & Olivier de Sardan, 2003b, op. cit., p. 80.

45

formées « sur le tas » pour accompagner le personnel soignant compétent dans leurs tâches. Ce fait établi a un impact direct sur la qualité des soins dispensés et renforce les disparités sur le plan de la santé entre les zones rurales et urbaines. A titre d'exemple, selon les statistiques sanitaires mondiales 2009 de l'OMS, le Togo, comprend 349 médecins pour la période 20052010. Ce qui représente approximativement un médecin pour 20.000 habitants (selon l'OMS, la norme actuellement en vigueur est de 1/10000). En guise de comparaison, la population belge compte, pour la même période, un médecin pour 332 habitants81. Bien évidemment, ces données ne prennent pas en compte les disparités importantes qui persistent entre les différentes régions administratives à l'échelle nationale.

Cependant, selon le rapport du MS intitulé « Les principaux indicateurs de santé pour l'année 2011 » 82, le Togo compte 415 médecins. De plus, celui précise que le pays compte un médecin pour 8478 habitants. Or, en observant la situation de plus près, on constate que la population globale mentionnée, s'élevant à 6.366.984 citoyens, correspond à un ratio médecin/population de 1/15342. En comparant ces données avec celle de l'OMS, une erreur de calcul est à déplorer. Par ailleurs, le pays tout entier, comprend 1937 personnels infirmiers et sages-femmes représentant une moyenne de 4 ä (ce qui est considéré comme la norme actuelle suivant les critères établis par l'OMS).

-- Disponibilité des médicaments

Concernant les fournitures de médicaments essentiels et leur accessibilité le secteur pharmaceutique est sujet à de nombreuses défaillances en interne ainsi qu'à une corruption certaine ; sans mentionner le marché informel de médicaments fortement implanté et devenu incontrôlable. De plus, on peut remarquer également, un manque fâcheux de programmes de sensibilisations vis-à-vis des agents de santé et de terrains pour faire mieux connaître les méfaits sur la santé liés à certains produits ou substances consommés et établir un usage contrôlé de ces médicaments.

En santé publique, le cadre juridique et institutionnel relève bon nombre d'insuffisances et peine à se pencher correctement sur les nécessités réelles de ses habitants. Une coordination plus efficace de ses agissements doit encore être mise sur pied. En effet, pour ce qui est de la mise en oeuvre de programmes et de projets dans le secteur de la santé, le MS fait face à des

81 http://www.who.int/whosis/whostat/FR_WHS09_Table6.pdf (page consultée le 08/05/13). 82 http://www.sante.gouv.tg/index.php?option=com_docman&task=doc_download&gid=14&Itemid=3 (page consultée le 06/05/2013).

46

difficultés certaines à identifier, programmer, investir, exécuter et gérer de façon opérationnelle les projets relatifs à son domaine. La pérennité des actions n'est pas toujours assurée et une dépendance excessive se maintient vis-à-vis de partenaires internationaux.

1.1.2. La région des Savanes

-- Données générales

La région des Savanes se situe à l'extrême nord du Togo. Sa population avoisine les 850 000 âmes. Elle est divisée en cinq préfectures (Cinkassé, Kpendjal, Tandjouaré, Tône et Oti). Son chef-lieu, Dapaong se situe dans la préfecture de Tône. Cette région aride est la plus pauvre du Togo. Son orientation économique est majoritairement rurale, la culture attelée et l'élevage bovin y sont les deux activités les plus considérées. Son niveau socio-économique est atypique pour le pays qui y enregistre une incidence de pauvreté qui dépasse les 90% pour l'année 200983. La région se caractérise également par un brassage multiethnique. Le peuple le plus représenté est celui des Moba-Gourma. Font suite les Tchokossi, les NgamGam, les Mossi et les Peuls. La région est un lieu à la croisée des chemins. Les échanges y sont omniprésents et les contacts frontaliers constants. En effet, cette région se situe à proximité de diverses frontières : le Ghana à l'ouest, le Burkina Faso au nord et le Bénin à l'est. Le réseau routier est très peu développé. Beaucoup de villages et de FS sont très difficiles d'accès, particulièrement durant la saison des pluies.

La situation sanitaire de la région des Savanes semble bénéficier d'une légère amélioration au regard des indicateurs préalablement émis. Ceux-ci sont fixés autour de quelques thématiques bien précises : la santé de la mère et de l'enfant, la santé des adolescents, l'IST/VIH/SIDA/MST, le diabète, le paludisme, l'hyper-tension artérielle, etc. À titre d'exemple, la couverture en planification familiale semble s'améliorer quelque peu : il y a quatre ans, cela concernait 4-5% de la population, en 2012, elle atteint les 12% sur le plan régional84. Par ailleurs, au sujet des Consultations Prénatales (CPN), l'objectif national est de 80%, il s'avère que certains centres de santé isolés voient leur taux de fréquentation de CPN dépasser ce taux. Cela reste toutefois rare, étant donné qu'une CPN complète comporte quatre séances. Peu de femmes vont effectivement aux quatre consultations recommandées85.

À l'instar du pays tout entier, le paludisme reste à ce jour la première cause de consultation dans la région. Néanmoins, les statistiques officielles recensent sous une même toile les cas suspects et les cas confirmés de paludisme. Cela est notamment dû au manque de

83 http://www.imf.org/external/french/pubs/ft/scr/2010/cr1033f.pdf (page consultée le 18/05/13).

84 Témoignage anonyme, employé de 3ASC.

85 Ibid.

47

moyens pour détecter correctement les symptômes de cette maladie infectieuse. En effet, la plus grande partie des FS de la région se voient démunies de laboratoires capables d'effectuer des analyses approfondies. Les moyens manquent, mais au travers du protocole national et suite à l'appui du Fonds mondial, des campagnes poussées dans ce domaine ont pu être réalisés ; d'une part, en vulgarisant les Test de Diagnostic Rapide (TDR) et les Combinaisons Thérapeutiques à base d'Artémisinine (CTA), et d'autre part, en effectuant des sensibilisations massives. Par cette stratégie, les cas de paludisme ont pu être confirmés avant d'être traités.

Cette situation a permis d'améliorer les diagnostics et de révéler de façon plus précise les symptômes des malades se rendant dans un centre de santé. Entre temps il est vrai, que nombre de structures sanitaires en périphérie sont en rupture de stock et ne peuvent plus émettre un diagnostic aussi précis. En conséquence, par mesure de prévention ou à défaut d'autres possibilités de traitements, nombreux sont les patients qui se verront traités comme des cas de paludisme par le seul fait qu'ils développent des symptômes relativement similaires. Néanmoins, la situation globale ne semble pas s'être améliorée : les dommages sont toujours aussi importants. Le poids des us et coutumes doit également être pris en compte pour une meilleure compréhension des agissements de chacun.

-- Infrastructures

Les conditions dans lesquelles se trouvent les centres de santé avancés ne sont pas dignes de leur nom. La rareté de l'eau potable et de l'électricité pose un problème partout. Les forages ne sont pas règle commune et dans certains cas on demande même aux patients, notamment aux femmes sur le point d'accoucher, de se présenter au centre de santé avec leur propre réserve d'eau. Quelques dispensaires sont dotés de plaques solaires reçues par diverses ONG dans le passé. Cependant, elles ne sont plus toutes fonctionnelles aujourd'hui, problème dû notamment au manque de moyens pour les entretenir. L'hygiène y est minime et hors-norme. Les équipements sont précaires, le manque de moyens et de matériels n'étonne plus personne, le nombre de lits est très restreint et dans un état insalubre, les ambulances se comptent sur les doigts d'une main pour l'ensemble de la région des Savanes et les systèmes logistiques sont fort peu développés.

Suivant les derniers recensements du MS togolais de 2010-201186, il existe un hôpital, secteur privé et publique confondus, pour 124.843 togolais. Suivant les mêmes données, les

86 http://www.sante.gouv.tg/index.php?option=com_docman&task=doc_download&gid=14&Itemid=3. (page consultée le 20/05/2013).

habitants de la région des Savanes, bénéficient d'un hôpital pour 141.957 personnes. Toutefois, en incluant les USP et les Cabinets médicaux privés, on retrouve une FS conforme aux normes en vigueur pour une moyenne de 10500 habitants dans la région des Savanes. A l'échelle nationale, les mêmes données présentent une FS pour une population supérieure à 7000 habitants. Au regard du tableau des Formations Sanitaires par régions et par types (A5. Tableau des Formations Sanitaires par régions et par types)87, il est constatable que la région des Savanes est celle qui est le moins bien desservie par des FS conformes aux normes.

-- Effectifs

Selon les données du MS, la région des Savanes possède 14 médecins88 à son actif. La région des Savanes est celle qui détient le moins de professionnels qualifiés dans le domaine de la santé. Les aides soignants font toutefois exception au schéma actuel : avec un total de 119 personnes en exercice, la région des Savanes est celle qui en accueille le plus grand nombre.

À titre d'exemple, voici deux graphiques relatifs au district sanitaire de Kpendjal reprenant d'une part, la proportion du personnel qualifié et non qualifié dans le district sanitaire de Kpendjal en 2009 (à gauche) et d'autre part l'évolution du personnel qualifié de 2004 à 2009 (à droite) :

Figure 3 : Effectifs du personnel de santé dans le district sanitaire de Kpendjal89

48

87 http://www.sante.gouv.tg/index.php?option=com_docman&task=doc_download&gid=14&Itemid=3. (page consultée le 20/05/2013).

88 Ibid.

89Dr. TCHALLA, A., M.-Essoh (DPS Kpendjal), Rapport des activités du district sanitaire de Kpendjal, document 3ASC, 2009, p. 11.

49

1.2.Les politiques de santé publique

Il est aujourd'hui admis que les politiques publiques en matière de santé sont principalement régies par les instances de l'OMS. Elles se positionnent en première ligne dans l'identification et l'élaboration de solutions dites techniques, aux problèmes de santé publique90.

1.2.1. La conférence d'Alma-Ata

La conférence d'Alma-Ata en 1978 est considérée comme le point de départ de la marche à suivre concernant l'ensemble des réformes en matière de santé, notamment en Afrique Subsaharienne. Cet événement-phare, en matière de politique de santé, préconisé par l'OMS, avait pour ambition d'apporter un autre type de solutions aux problèmes généraux de santé qui persistaient dans cette région en redéfinissant « les groupes cibles, les activités prioritaires, et le rôle de la participation de la population dans le processus de développement »91.

A l'issue d'Alma-Ata, dix recommandations constitueront les termes fondamentaux de toutes stratégies sanitaires dans les pays concernés, et notamment au Togo. Ce faisant, ces termes repris dans des cas de figures fort divers peuvent être définis suivant quelques thématiques bien précises : « les soins de santé primaires, les programmes verticaux, la constitution d'un système de santé pyramidal et le recouvrement des coûts »92. Le contenu de ces quatre thématiques est développé en annexe (A6. Conférence d'Alma-Ata de 1978 : quatre thématiques).

De manière générale, Alma-Ata ne peut avoir pour mérite que l'audace d'avoir souligné la nécessité de changer l'orientation politique en matière de stratégie sanitaire. Car, pour le reste, « la faible performance du modèle populiste des soins de santé primaires n'a pas permis de pallier la faillite du système de santé d'États qui étaient d'autant moins capables d'assurer cette fonction protectrice qu'ils entraient dans une zone de turbulence économique et politique qui s'amplifiait à partir des années 1980 »93.

90 Brunet-Jailly, J., 2000. « La politique publique en matière de santé dans les faits en Afrique de l'Ouest francophone, in Gruénais, M.-E. & Pourtier, R., « La santé en Afrique : anciens et nouveaux défis », Afrique Contemporaine, 195, p. 192.

91 Van Lerberghe, W. & De Brouwere, V., 2000, « État de santé et santé de l'État en Afrique subsaharienne ». In Gruénais, M.-E. & Pourtier, R., « La santé en Afrique : anciens et nouveaux défis », Afrique Contemporaine, 195, p. 182.

92 Brunet-Jailly, J., Ibid.

93 Gruénais, M.-E., 2001a. op. cit., p. 2.

50

1.2.2. L'Initiative de Bamako

Les PAS engendrant le conditionnement de l'aide au développement, gangrénèrent principalement le secteur de l'éducation et de la santé publique en Afrique de l'Ouest, ce qui rendit le système de santé dysfonctionnel, aux niveaux aussi bien matériel, structurel, financier qu'humain. Cette situation amena progressivement les acteurs de la scène locale à compenser leurs pratiques au travers d'autres moyens se voulant de circonstances. De ce fait, la conception de nouvelles mesures s'imposait. En 1987, l' « initiative de Bamako » (IB)94 fut l'occasion de proposer une nouvelle stratégie : « la fourniture de médicaments essentiels pour tous (É) couplée à l'autofinancement local »95.

L'implication des collectivités locales dans le domaine de la santé devint vite une des clefs de voûte dans ce processus. La participation humaine et financière à l'effort de santé se vérifia par une certaine amélioration de la situation tant en termes d'accessibilité que de qualité des soins. En 2002, 83,2%96 des dépenses relatives au secteur de la santé publique étaient assurées directement par les ménages, devenant ainsi les premiers contributeurs dans ce domaine, devant l'État. Les seuls financements alloués par le gouvernement central suffisent aux salaires des prestataires reconnus par l'État, et dans certains cas à l'eau et l'électricité des FS. Le reste des dépenses est géré en interne via les ressources obtenues grâce aux recouvrements des coûts, établis lors de l'IB.

En guise d'illustration, voici un schéma reprenant la part des différents types de financements des activités de santé dans le district sanitaire de Tône en 201097 :

94 Les principes phares de l'Initiative de Bamako sont :

- « Donner priorité au développement des dispensaires du milieu rural pour offrir des soins au plus près

des populations ;

- Introduire les médicaments essentiels et génériques et les rendre disponibles dans ces dispensaires ;

- Associer la population à l'organisation des activités de santé ;

- Faire participer la population au financement des soins (les recouvrements de coût) ;

- Associer la population à la gestion des ressources destinées aux activités de santé ».

Vu sur : http://www.memoireonline.com/12/09/3023/m_Gestion-Financiere-et-Comptable-du-Systeme-de-

Sante-au-Togo2.html (page consultée le 11/06/13).

95 Van Lerberghe, W. & De Brouwere, V., op. cit., p. 187.

96 http://www.who.int/management/working_paper_7_fr_opt.pdf (page consultée le 17/07/2013)

97 Revue annuelle 2010, Direction Préfectorale de la Santé de Tône, ECD Tône, 2011.

51

Figure 4 : Part des financements aux activités de santé dans le district sanitaire de Tône en 201098

30%

11%

59%

Communauté Etat

Partenaire

1.2.3. La gestion du système de santé : constats et difficultés

Selon Gruénais, « décentralisation, autonomie financière et de gestion, participation communautaire, sont devenus les maîtres-mots des nouveaux systèmes de santé à développer »99. En effet, « l'importance du niveau local dans l'organisation du système de santé n'a cessé de croître depuis la Conférence d'Alma Ata. Aujourd'hui, plus que jamais, dans la gestion locale de la santé, la mobilisation communautaire doit être encouragée, entre autres par la participation de représentants des communautés à des comités de santé »100 en visant à terme de passer d'une cogestion à une autogestion101, penchant ainsi la balance en faveur d'une vision plus horizontale de la santé publique.

Toujours selon le même analyste, « ces idées semblent faire leur petit bonhomme de chemin parmi la technocratie et dans certains pays. Si les gouvernements réussissent à créer les conditions politiques nécessaires de paix, de stabilité, de démocratisation, de décentralisation cela donnerait aux systèmes de santé la possibilité de s'organiser pour permettre aux citoyens d'exercer ce droit. (É) On ne peut aller de l'avant si on continue à considérer les populations seulement comme des « cibles » de l'action sanitaire »102.

Néanmoins, même si les grandes lignes des politiques à suivre ont bel et bien été tracées en matière de réorganisation sanitaire et de décentralisation aux niveaux inférieurs de la pyramide, de nombreux aspects en matière d'offre et de qualité des soins au niveau périphérique restent encore à entreprendre. « Les structures sanitaires sont peu entretenues, et la réduction des ressources contribue au manque de maintenance, avec pour conséquence une

98 Document 3ASC, 2010, Revue annuelle 2010, Direction Préfectorale de la Santé de Tône, ECD Tône, 2011.

99 Gruénais, M.-E., 2001a, op. cit., p. 3.

100 Gruénais, M.-E., 2001b, op. cit., p. 69.

101 Médard, J.-F., 2001, « Décentralisation du système de santé publique et ressources humaines au Cameroun », in Gruénais, M.-E.,. « Un système de santé en mutation : le cas du Cameroun », Bulletin de l'APAD, 21, p. 44.

102 Van Lerberghe, W. & De Brouwere, V., op. cit., pp. 189-190.

réduction importante de la proportion des structures sanitaires fonctionnelles. Il est bien difficile alors de parler de qualité des soins et services, surtout dans un système de recouvrement des coûts qui semble exclure la partie de la population la plus démunie, et où la participation communautaire est faible »103.

1.3.L'organisation du système de santé

« L'organisation du système de santé met en jeu plusieurs acteurs des secteurs public, paraétatique, privé à but lucratif, associatif et confessionnel, informel et traditionnel »104. Nous nous attèlerons à présenter les protagonistes majeurs, incorporés strictement dans le secteur public.

1.3.1. Le système pyramidal

En matière de santé publique, une hiérarchie est clairement établie dans ce domaine pour coordonner l'ensemble des activités menées tant sur le plan fédéral que sur les entités fédérées. A cet effet, « les systèmes de santé en Afrique, à l'instar des autres secteurs d'intervention des projets de développement et des politiques publiques, font l'objet, depuis plusieurs années, de mesures de décentralisation et de redéfinition des relations entre le centre (l'État, ici représenté par les administrations centrales des ministères de la santé), et la périphérie (les structures de soins de première ligne et les acteurs locaux du développement) »105. On retrouve donc une pyramide, correspondant à ce schéma, subdivisée en trois parties - centrale, intermédiaire et périphérique -, permettant de se rendre compte clairement des attributions de chacun.

52

103 Okalla, R., & Le Vigouroux, A., 2001, « Cameroun : de la réorientation des soins de santé primaires au plan national de développement sanitaire », in Gruénais, M.-E.,. « Un système de santé en mutation : le cas du Cameroun », Bulletin de l'APAD, 21, p. 22.

104 http://www.who.int/management/working_paper_7_fr_opt.pdf (page consultée le 17/07/2013)

105 Gruénais, M.-E., 2001a, op. cit., p.1.

53

Figure 5 : Les acteurs du système de santé publique au Togo

COMITÉS DE GESTION (COGES)

UNITÉS DE SOINS HÔPITAUX DE DISTRICT CENTRES HOSPITALIERS

POSTES DE SANTÉ PÉRIPHÉRIQUES (USP) (HD) (I ET II) PRÉFECTORAUX (CHP)
(I ET II)

N.B: Chaque région accueille une DRS, un CHR et un CHU en son sein

CELLULES MUTUALISTES DE BASE (CMB)

CENTRE HOSPITALIER RÉGIONAL (CHR)

DIRECTION RÉGIONALE DE LA SANTÉ (DRS)

DIRECTION PRÉFECTORALE DE LA SANTÉ

(DPS)

DIRECTION GÉNÉRALE DE LA SANTÉ (DGS)

NIVEAU
INTERMÉDIAIRE

NIVEAU
PÉRIPHÉRIQUE

MINISTÈRE DE LA SANTÉ (MS)

NIVEAU CENTRAL

DIRECTEUR DE CABINET

CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE (CHU)

AGENTS DE SANTÉ
COMMUNAUTAIRES
(ASC)

COMMISSIONS SANTÉ (CS)

Il est nécessaire de préciser qu'au sein de cette pyramide, le niveau périphérique n'illustre pas l'ensemble des acteurs existants. Il relève uniquement des protagonistes sous la charge, d'une part de la DPS, et d'autre part des USP des districts sanitaires investigués.

Nous invitons le lecteur à se rendre en annexe (A7. Acteurs de la pyramide sanitaire), pour obtenir une explication approfondie relative aux acteurs mentionnés ci-dessus.

Selon Médard, « la distinction entre les niveau central, intermédiaire et périphérique, correspond grosso modo à une distinction entre les niveaux stratégique, technique et opérationnel. Si l'on trouve au niveau provincial, des hôpitaux de province, et au niveau central, des hôpitaux centraux et de référence, c'est autour du district de santé que se concrétise véritablement la politique de décentralisation »106.

106 Médard, J.-F., op. cit., p. 36.

54

De ce fait, étant donné la situation en présence, « comment, concrètement, à l'échelle locale, l'ensemble des composantes constitutives des districts sanitaires, désormais l'unité privilégiée des systèmes de santé, se positionnent-elles ? »107.

1.3.2. Le district sanitaire

Lors de la Conférence de Harare en 1987, l'OMS parvint à recadrer le débat autour de la notion de « district de santé ». Celui-ci peut-être défini comme suit : « le district sanitaire est l'unité opérationnelle du système de santé permettant la mise en oeuvre des soins de santé primaire. Il regroupe l'ensemble des structures sanitaires publiques et privées sur son territoire qui offre aux populations des soins essentiels dans l'équité et la justice. Il est également l'unité planificatrice qui détermine et organise les activités nécessaires à la prise en charge optimale des problèmes de santé des populations avec leur pleine participation. Il dessert une population bien définie vivant dans une zone administrative et géographique précise qu'elle soit urbaine ou rurale »108.

La valorisation du district, en tant qu'acteur de plus en plus autonome, dans le cadre des politiques de décentralisation, était estimée comme acceptable d'un point de vue strictement financier. De plus, cette disposition permettait une forme de stabilité contre le climat d'incertitude instauré par des crises récurrentes et une dépendance continuelle vis-à-vis des investisseurs étrangers. « L'enjeu des réformes est donc de mettre en place, sur l'ensemble du territoire national, des systèmes de santé locaux autonomes et dispensant des soins de qualité, organisant notamment la référence entre des structures de soins situées à différents niveau de la pyramide sanitaire, et qui gèrent eux-mêmes les recettes provenant des consultations, des examens et de la vente des médicaments génériques »109. Ces « centres de santé intégrés » furent considérés comme les seules structures pouvant répondre aux attentes des populations en matière de soins de santé de base.

Le district de santé se divise lui-même en plusieurs aires sanitaires, qui se définissent comme des zones géographiques composées de quelques villages, gravitant autour d'un centre de santé reconnu par l'État, avec une population moyenne de 5000 à 15.000 habitants.

Comme le précise Gruénais, « un des instruments essentiel de ces nouvelles politiques de santé est l'établissement d'une carte sanitaire au sein de laquelle on identifie des aires de santé, devant être desservies par des centres de santé dits « intégrés », regroupées au sein d'un district de santé dont la structure de référence est l'hôpital de district »110.

107 Gruénais, M.-E., 2001a, op. cit., p. 3.

108 http://persocite.francite.com/districtsanitaire/presentation.html (page consultée le 09/06/2013).

109 Gruénais, M.-E., 2001a, Ibid., p. 2.

110 Gruénais, M.-E., 2001a, Ibid., p. 5.

55

1.3.3. Organisation du système de santé dans les districts sanitaires de Kpendjal, Tandjouaré et Tône

Les districts sanitaires de Kpendjal, Tandjouaré et Tône, détiennent respectivement quatorze aires sanitaires (pour une population estimée à 120.000 habitants en 2009), seize aires sanitaires (pour une population évaluée à plus de 125.000 habitants en 2011) et dix-neuf aires sanitaires (pour une population avoisinant les 300.000 personnes en 2010). Ce dernier accueille en son sein le chef-lieu de la région des Savanes, Dapaong. Parmi ces trois districts l'accessibilité géographique des FS est estimée entre 40% et 45%111.

Suivant la description établie dans le système pyramidal, les DPS ont sous leur charge plusieurs structures de soins agissant à l'échelle la plus retreinte : les Centres Hospitaliers Préfectoraux (CHP), les Hôpitaux de District (HD), les USP et les Postes de Santé. A l'exception des USP, des précisions concernant l'ensemble de ces différentes structures se retrouvent en annexe (A8. Acteurs du niveau périphérique).

1.3.3.1. Les Unités de Soins Périphériques

Les Unités de Soins Périphériques sont les premiers niveaux de soins qui se veulent professionnalisées et représentent généralement le seul lien qui soit entretenu par les populations rurales avec un centre de soins reconnu par l'État. En ce qui concerne « l'option stratégique de renforcement des soins de santé primaires, l'Unité de Soins Périphérique est appelée à jouer le rôle d'interface entre la communauté et les services de santé et à servir de cadre de dispensation de soins intégrés, continus et globaux »112.

Voici un descriptif relatif à l'environnement sanitaire des USP suivant, notamment, les principes établis par la DGS en février 2001 dans un document intitulé « Normes du district sanitaire au Togo »113.

Au sein de chaque district, on retrouve deux types d'USP qui se définissent en fonction d'un certain nombre de critères, à savoir :

-- USP I : Ce dispensaire déploie ses activités sur une population comprise entre 5.000 et 15.000 habitants. On y retrouve habituellement cinq lits, dont quatre sont destinés à la maternité. Généralement, il s'agit d'un seul et unique bâtiment destiné aux soins

111 Dr. TCHALLA, A., M.-Essoh (DPS Kpendjal), Rapport des activités du district sanitaire de Kpendjal, document 3ASC, 2009, p. 11. 112 http://www.aho.afro.who.int/profiles_information/index.php/Togo:Context_and_background_of_the_health_s ystem/fr (page consultée le 04/06/2013).

113 Ministère de la santé, Direction Générale de la santé, « Normes du district sanitaire au Togo », République Togolaise, Février 2001.

56

curatifs, à la planification familiale, à la maternité et à la pharmacie. À cela s'ajoutent, en principe, les logements du personnel et les annexes qui se retrouvent également sur le site du dispensaire. Officiellement, le personnel se compose d'infirmiers d'État, d'une accoucheuse auxiliaire, d'un assistant d'hygiène et d'un aide-soignant. Dans les faits, cette assignation est nettement moins bien définie. Un panel de prestataires ont subi des formations pratiques « sur le tas » et sont, de toute évidence, sous-qualifiés au regard des responsabilités qu'ils ont à encourir au quotidien.

-- USP II : Cette structure de soins est un centre médical, placé dans le meilleur des cas, sous la direction d'un médecin. Il est conçu pour une population supérieure à 15.000 habitants avec une moyenne de 16 lits à l'attention des soins curatifs et de la maternité. L'agencement de l'espace est destiné aux services de soins. Toutefois, un bloc supplémentaire à destination de la Planification Familiale (PF) et de la maternité est mis sur pied. S'y ajoute, a priori, un laboratoire, un dépôt de médicaments et une unité de mise en observation des malades. Officiellement, le personnel se compose d'un médecin (ou assistant médical à défaut), d'un infirmier (dont un infirmier diplômé d'État), d'un infirmer auxiliaire, d'une sage-femme, d'un laborantin, d'une accoucheuse auxiliaire et d'un manoeuvre.

Il est à mentionner que le Paquet Minimum d'Activités (PMA) qui y sont déployées - dans les deux types d'USP - se réfèrent à des soins :

-- Préventifs (vaccination, CPN, assistance à l'accouchement, consultation postnatale, consultation des nourrissons, prévention des épidémies) ;

-- Promotionnels (planification familiale, lutte contre IST/VIH/SIDA, hygiène et assainissement de base, organisation de la participation communautaire et du partenariat) ;

-- Curatifs (prise en charge des malades, examens complémentaires de diagnostic, assistance psychosociale).

Excepté les prestataires reconnus par l'État (se limitant le plus souvent au RFS), le personnel soignant de l'USP est rémunéré uniquement par les fonds générés par les activités mêmes du dispensaire. Le COGES est l'organe chargé de la gestion financière de l'USP.

Bien que la composition du personnel de santé varie d'une USP à l'autre, voici l'organigramme de l'USP (de type I) de Kourientre, Tône afin de visualiser plus concrètement le statut de l'ensemble des prestataires en présence :

57

Figure 6 : Organigramme de l'USP de Kourientre, Tône

Dans ce cadre, l'USP ne peut entreprendre l'ensemble des tâches qui lui reviennent. C'est pourquoi une pléthore d'acteurs - au même titre que les CS - agit au niveau local pour être, a priori, en étroite et directe relation avec les populations villageoises. Tous ces protagonistes furent mis sur pied au travers des initiatives gouvernementales, en partenariat avec des bailleurs de fonds internationaux ayant délégué l'élaboration, la prise en charge et le suivi à des ONG locales, telles que 3ASC. Ces agents de développement apparaissent comme le lien nécessaire entre ces projets exogènes et les populations « bénéficiaires ». « C'est par eux que les institutions de développement, qui sont leurs employeurs, passent pour s'adresser « en bout de chaîne » aux destinataires du développement. Ce sont eux qui doivent faire passer le « message technique » aux « populations-cibles » ou qui sont chargées, de façon plus générale et plus vague, de « sensibiliser » ou de « conscientiser » les « communautés villageoises ». C'est en grande partie à leur niveau et par leur intermédiaire que le monde des « développés » et celui des « développeurs » entrent en interaction »114.

L'ensemble de ces « représentants » sous la tutelle de l'USP se retrouve dans la section II. 1.3.1. Le système pyramidal au niveau périphérique. Pour obtenir une brève explication quant à ces différents types d'acteurs, leurs fonctions et leur participation dans le domaine sanitaire nous incitons le lecteur à se rendre en annexe (A9. Acteurs sous la charge de l'USP).

Pour obtenir davantage d'informations sur les USP visitées, un document descriptif relatif à l'environnement observé de ces Unités de Soins Périphériques se trouve en annexe (A10. Unités de soins périphériques : contextualisation).

Les activités de coordination de l'ensemble des structures existantes en périphérie semblent fonctionner correctement. Sur une base mensuelle et annuelle, chaque district se réunit en présence des RFS de chaque USP, du Directeur Préfectoral de la Santé (DRS) et éventuellement avec l'équipe cadre du district. Chaque RFS présente ses rapports d'activités,

114 Olivier de Sardan, 1995a, op. cit., p. 154.

58

incluant des données et des statistiques sur l'organisation de son USP. Ces réunions sont l'occasion de mettre au grand jour les difficultés techniques et organisationnelles au niveau du district.

A un niveau plus large, en plus des réunions mensuelles de coordination des activités de la santé, une réunion annuelle rassemblant toutes les institutions publiques de la région axées dans le domaine de la santé a lieu dans le but de présenter leurs activités et bilans passés ainsi que les programmes à venir. De plus, de par la situation géographique de la région des Savanes, des réunions transfrontalières se tiennent entre les USP frontalières et des centres de santé des pays limitrophes confrontés à des problèmes communs. Sachant que les populations villageoises frontalières sont amenées à fréquenter les USP de part et d'autre de la frontière, suivant les avantages que cela apporte, des stratégies communes et des concertations sont nécessaires pour une meilleure coordination de leurs actions.

Il n'est sans rappeler que parallèlement aux services déployés par les services de la santé publique, on retrouve également des infrastructures issues des domaines privés, confessionnels et - dans une certaine mesure - informels.

Il s'agit, à ce stade ci, de présenter la genèse des CS ainsi que leur situation actuelle, principalement à travers l'implication de l'ONG 3ASC, dans le but de comprendre, a posteriori, les difficultés rencontrées et les « coping stratégies »115 déployées par cet organe sur la sphère sanitaire locale.

2. LES COMMISSIONS SANTÉ

Afin d'avoir une vision synthétique du positionnement des CS dans l'arène sanitaire locale ainsi que de leur rôle et fonctionnement propre, nous proposons le schéma sur la page suivante. Celui-ci sera d'un appui fondamental au cours de la présentation des CS et tout au long de notre analyse.

115 Olivier de Sardan, J.-P., 2003, « Pourquoi le malade anonyme est-il si « mal traité » ? Culture bureaucratique commune et culture professionnelle de la santé », in Jaffré, Y. & Olivier de Sardan, J.-P., Une médecine inhospitalière. Les difficiles relations entre soignants et soignés dans cinq capitales d'Afrique de l'Ouest, Karthala, Paris, p. 292.

Figure 7 : Présentation schématique des CS au sein du « Projet Intégré de Santé dans la région des Savanes »

Sensibilisation

Construction de latrines

Participant

Mobilisateur

Stratégies

avancées & PEV

Conflits

intercommunautaires

Activités

champêtres

Villages

Amélioration de l'offre et la qualité des soins de santé

Représentation villageoise

Villages oubliés

Facteurs externes

Réunions

Conseiller

Secrétaire

Président

Membres

Rôles

Éloignement géographique

Construction de cuisines

USP

Activités

Entretien

Fonctionnement interne

Compétences et formations

Actions et activités

USP

Dysfonctionnements internes

Médecine

«traditionnelle»

Supervision

CS

Motivation

LC

3ASC

Intervenants externes

Soutien aux USP

Consternation

Raisons

Autofinancement

«Mécanismes de débrouille»

Réappropriation
des tâches du COGES

Perspective historique

CPE

Relations de

proximité

Double statut

ASC

GPC

Problèmes et difficultés

JARC

Utilisation de leur statut

CVD

COGES

Acteurs impliqués

Abandon

(retrait, décès)

Membres des CMB

Thérapeutes traditionnels

Composition des effectifs

Mauvaise

compréhension

des objectifs du projet

RFS

Autorités

administratives et locales des cantons

Club
des mères

Représentativité non exhaustive

Mauvaise répartition

Assitant 3ASC

59

60

Nous proposerons, à ce stade-ci, de mettre en avant l'ensemble des caractéristiques qui régissent les CS. En allant des aspects historiques jusqu'à à la situation actuelle, nous nous attèlerons à illustrer l'ensemble des composantes qui font vivre cet organe.

2.1.Historique

2.1.1. La création des Commissions Santé

Ces CS ont été constituées fin 2008 dans le cadre du « Projet Intégré de Santé dans la région des Savanes » élaboré par LC et piloté par l'ONG 3ASC. Ces groupements sont venus en appui direct aux prestataires de vingt-deux USP de la région des Savanes. Comme mentionné précédemment, la mise en place de ce nouveau dispositif avait notamment pour ambition de concilier les difficultés relatives à la santé des populations villageoises et les préoccupations locales en matière de représentation des intérêts de ces habitants. Pour ce faire, la création d'un organe susceptible de répondre à ces deux axes est apparue nécessaire aux yeux de 3ASC.

Ces groupements s'inspirent amplement des expériences passées :

« Il y avait un programme qui travaillait sur ces aspects là, de l'appui aux activités de santé communautaire surtout dans la préfecture de Kpendjal, c'était financé par Louvain-développement. Il fallait que les villages soient organisés pour participer surtout à la prise en charge de résolution des problèmes qui se posent à eux. (É) Il fallait sélectionner les villages en question pour encadrer ce programme là, et après leur sélection, il fallait un processus de mise en place de ces comités villageois qu'on appelait les COSAN. Il fallait procéder à ce qu'on appelle un diagnostique participatif avec les villageois avec une méthode qu'on appelait la méthode MARP116, c'est-à-dire la méthode accélérée de recherche participative. Donc c'était avec ces outils qu'on amenait les populations à comprendre qu'ils avaient des problèmes de santé dans leur milieu et qu'il fallait s'organiser pour pouvoir régler ces problèmes qui se posent à eux. (É) Avec ces outils, on les amenait à comprendre qu'avant même de s'attendre à des appuis il fallait que les populations soient organisées, donc ça suppose qu'il fallait mettre en place un comité qui devrait pouvoir vraiment accompagner tout ce processus de résolution des problèmes de santé dans les villages. C'est comme ça qu'on est

116 « La vague des méthodes de diagnostic participatif (É) - et en particulier celle des PRA/Marp - offre une magnifique illustration de la pertinence du concept de populisme bureaucratique et de l'enjeu de la prise en compte de l'économie politique de l'exclusion et de la participation cachée. L'émergence de ces méthodes se veut une réponse au développement « descendant », ignorant les réalités locales ». Vu sur : Lavigne Delville, Ph., « Du nouveau dans la « participation » ? Populisme bureaucratique, participation cachée, et impératif délibératif », in Jul-Larsen, E., Laurent, P.-J., Le Meur, P.-Y., Léonard. (Éds), Une anthropologie entre pouvoirs et histoire. Conversations autour de l'oeuvre de Jean-Pierre Chauveau, Paris/Marseille/Uppsala, Karthala-IRD-APAD, p. 169.

61

parvenu à mettre en place à l'époque, ces groupements, dans quarante villages dans la préfecture de Kpendjal. (É) Ils prenaient en charge tout ce qui est problème de leur milieu. Ils devaient travailler avec les populations, par rapport à tout ce qui est sensibilisation, mobilisation, avec les ASC, les accoucheuses traditionnelles et aussi ils travaillaient aussi avec la structure sanitaire, (É) l'entretien des locaux, projets de construction en tout genre, latrines, cuisines, les points d'eau, etc. (É) Le projet devait aussi former ce comité là à leur rôle. Des modules ont été conçus pour voir comment on pouvait renforcer leurs compétences par rapport au secteur de la santé parce que tout seul pris comme ça ils ne s'y connaissaient pas, donc même le concept de santé, c'était pas certains qu'ils maîtrisaient ça, donc il fallait leur expliquer l'Initiative de Bamako (É), donc c'est dans cet esprit que Louvain à financé ce projet. (É) La différence avec les Commissions, c'est que COSAN se retrouvait au niveau du village, les Commissions au niveau de l'aire sanitaire, donc un certain nombre de villages qui se retrouvent. Donc si vous voulez, c'est des Comités Santé qui se retrouvent dans la Commission Santé au niveau maintenant de la Formation Sanitaire, mais il n'y a jamais eu coexistence (É) Par après, je pense que le projet a été repensé un peu, on a trouvé que les COSAN de l'époque ne se retrouvaient pas fondus dans un organe capable de discuter avec les prestataires de soins, donc c'était une faiblesse constatée. Comme ils étaient nombreux et éclatés dans les villages, c'était difficile à coordonner. Ils étaient pas très proches des Formations Sanitaires » [Anonyme, employé de 3ASC].

Suite à la disparition des COSAN, ces responsabilités furent imputées aux COGES, eux-mêmes élaborés à travers les mesures qui furent ratifiées dans le cadre de l'IB. Cependant, les tâches qui leurs furent attribuées lors de leur création, ne leur permirent pas de s'impliquer dans de nouvelles applications, telles que l'identification, la sensibilisation et la résolution de problèmes de santé en étroite collaboration avec les populations locales. Ce faisant, pour répondre à ce manque de représentativité supposé, des CS furent implantées dans le décor sanitaire suivant l' « existence d'un centre conventionné avec les Mutuelles de Santé »117 (à l'exception des centres confessionnels qui ont un autre système de gestion). Toutefois, le président de la CS de Bogou, Tandjouaré réagit en mentionnant que « c'est un problème que l'ensemble des aires sanitaires n'aient pas de CS. Elles deviennent en retard par rapport aux autres, il doit y avoir des CS dans toutes les aires sanitaires du district » [Président de la CS de Bogou, Tandjouaré].

117 Document 3ASC, 2008 « Projet Intégré de santé dans la région des Savanes. Processus de mise en place des Commissions Santé. (Distinction des tâches CS-COGES) ».

62

2.1.2. Réunion de présentation du projet

Dans le but de démarrer le projet, vingt-deux réunions furent organisées représentant les vingt-deux aires sanitaires retenues, visant à sélectionner et présenter ces nouveaux protagonistes aux différentes populations de la région et ainsi obtenir leur adhésion. Cela se produisit en valorisant d'emblée la place croissante des « bénéficiaires » dans le processus de décision et de leur prise en charge médicale. Les séances furent réalisées en partenariat avec les RFS, le personnel de terrain de 3ASC chargé d'assurer le bon déroulement des activités et les autorités administratives et locales des cantons. De plus, une pléthore de groupements prit place dans ce processus.

Lors d'une rencontre avec la CS de Nanergou, Tône, les membres présents expliquèrent leur vision des événements qui aboutit à la création de ces groupements :

« C'est 3ASC qui a envoyé un assistant pour qu'on installe ça, il est venu nous expliquer pourquoi on veut installer ça : pour appuyer le COGES, nous n'avons pas le même rôle qu'eux mais c'est pour les appuyer, c'est pour ça qu'on veut installer ça, parce que il remarque que un peu partout dans les villages, il y a des malades qui sont cachés, qui ne veulent pas se présenter au centre, donc s'il y a ces Commissions Santé, ça peut changer. On a pris un membre dans chaque quartier de chaque village pour former. Pour former, ça n'a pas été facile, les gens n'ont pas compris pourquoi. Pour avoir ce comité, c'était pas facile » [Propos recueillis par la présidente et le secrétaire de la CS de Nanergou, Tône].

Sur base de ces propos, il est constatable que les personnes présentes ont éprouvé quelques difficultés à percevoir les raisons même de la création d'un tel groupement. Ce projet exogène semblait rencontrer des complications lors de son implantation locale. « Un savoir-faire « prend » difficilement dans un système de sens qui lui est étranger, et selon des mécanismes fort peu prévisibles a priori »118. « Interviennent aussi des logiques d'ordre symbolique ou cognitif, de nature plus implicite. Les malentendus et incompréhension entre institutions de développement et populations relèvent pour une part d'un registre de « conceptions latentes » ou de « représentations sous-jacentes ». Il ne s'agit pas là de « visions globales du monde » respectivement cohérentes qui s'affronteraient mais de « blocs culturels particuliers » ou de « configuration spécifiques de représentations » qui seraient en décalage (É). Plus simplement et plus prosaïquement, certaines notions évidentes pour les « développeurs » ne sont pas partagées par les développés. [Nous entendons] évidemment par là des notions qui jouent un rôle direct ou indirect important quant à la conception ou la mise

118 Olivier de Sardan, 1995a, op. cit., p. 141.

63

en oeuvre d'une action de développement : peu importe au fond les différences de « conception du monde » (É) dès lors qu'elles ne sont pas au principe de comportements divergents autour d'actions de développement (É) Il y a par contre certains malentendus notionnels qui interviennent directement dans les interactions entre intervenants et populations »119.

Toutefois, le conseiller de la CS de Bogou tient à préciser formellement que « son utilité c'est d'aider la population : de sensibiliser la population pour qu'ils viennent vers le centre de santé pour se soigner et aider aussi l'infirmier dans sa tâche de vaccination et de stratégies avancées » [Conseiller de la CS de Bogou, Tandjouaré].

À la lecture de ces mots, il est admissible de mentionner que le message du dispositif en place fut, au final, bien transmis ; sous couvert d'actes philanthropiques, ils servent prioritairement les intérêts du système en place.

2.1.3. Sélection des effectifs

La CS de Nanergou poursuit son explication en précisant le processus de mise en place au sein de leur aire sanitaire :

« L'élection n'a pas été très facile, parce qu'il fallait choisir parmi chaque organisation, chaque structure, c'est-à-dire, les COGES, GPC [Groupement de Producteurs de Coton], JARC [Jeunesse Agricole Rurale Catholique], club des mères, les maraichers, les chefs de villages, groupements de femmes, les CVD [Comité Villageois de Développement], les Comité de Parents d'Élèves (CPE), ASC, il y avait un tas de groupements de personnes, mais c'était pas facile, et pas de distinctions d'ethnies, il y avait les peuls même. C'est au cours d'un travail organisé, sous ce manguier là, on décortiquait le maïs quand le représentant de 3ASC est arrivé. Il était obligé de faire arrêter nos activités pour qu'il fasse son travail, parce qu'il y avait beaucoup de monde qu'on a invité d'un peu partout, parfois de très loin même. [É] Là on a commencé par choisir les gens un à un, dès fois par rapport à leur affiliation à d'autres groupes, il y avait les volontaires, on a fait un vote, on a défini le président, secrétaire, conseiller. Normalement, chaque village devait être représenté par un membre mais ce n'était pas toujours le cas. On nous a choisi, on a accepté, et le travail c'est nous-même qui l'avions organisé, c'est comme ça qu'on a choisi les membres » [Propos recueillis par la présidente et le secrétaire de la CS de Nanergou, Tône].

119 Olivier de Sardan, 1995a, op. cit., p. 139.

64

À l'issue de ces réunions consultatives, les membres de ces différentes CS ont été formés à leurs rôles et au concept des SSP dans sa composante intitulée « gestion communautaire ».

Cette dernière sous-entend une implication des populations des aires sanitaires dans la résolution des problèmes de santé au niveau des USP et dans les villages environnants. De ce fait, le nouvel organe avait pour but premier d'être « le pont entre l'infirmier et la population » [Conseiller de la CS de Bogou]. Ainsi, suivant les dires de 3ASC « ils contribuent directement à la recherche de solutions durables pour une amélioration de l'état de santé dans les communautés locales. Ils deviennent les premiers acteurs du changement et se sentent davantage concernés quant à l'amélioration de la qualité des services au niveau des FS de leur aire sanitaire »120.

2.2.Présentation

Les vingt-deux CS furent actives, dès décembre 2008, au sein de leur aire sanitaire respective, sur la base des critères mentionnés ci-dessous.

2.2.1. Définition

L'ONG 3ASC définit une CS de la façon suivante :

« La commission Santé est un organe mis en place autour d'une formation sanitaire dont le but est de réfléchir et de discuter des questions liées aux problèmes de la formation sanitaire dans l'offre des soins des clients ».

2.2.2. Composition

En théorie, la taille d'une Commission Santé s'échelonne de 5 à 15 membres suivant le nombre de villages dont dispose l'aire sanitaire. En pratique, il s'avère que cette situation est loin d'être respectée. De nombreux villages ne sont pas représentés et semblent laissés à l'écart de toutes prises de décisions les concernant directement. Il ne nous a pas été possible d'observer une CS où le nombre de membres correspondait au nombre de villages représentés dans l'aire sanitaire en question : les villages éloignés sont la cible d'une non-intention.

« Il y a certains villages qui n'ont pas de Commissions Santé, eux ils ne savent pas qu'il y a ce comité-là, donc si nous organisions des groupes pour aller dans chaque village au moins

120 Document 3ASC, 2008 « Projet Intégré de santé dans la région des Savanes. Processus de mise en place des Commissions Sante. (Distinction des tâches CS-COGES) ».

65

une fois dans le mois ou chaque deux mois ils devraient nous connaître » [Présidente de la CS de Nanergou, Tône].

« Moi je trouve que cette Commission Santé est trop restreinte, si on pouvait au moins avoir encore plus de membres. Il faudrait que chaque village, au moins, soit représenté dans cette Commission Santé. C'est autour du centre que cette CS a été créée, alors que nous avons des villages à plus de quatorze kilomètres d'ici, moi je trouve que ce n'est pas bien comme ça, qu'on est seulement les membres qui sont autour du centre, alors que le grand problème c'est dans la communauté qui se trouve très très très éloignés des CS, si on pouvait élargir un peu. C'est-à-dire, ici quand tu parles avec et tu vis avec la même personne, là ça se passe. Si ce n'est pas le cas, c'est beaucoup plus difficile » [RFS de l'USP de Papri, Kpendjal].

Toutefois selon un employé de 3ASC, une solution alternative tente d'être élaborée.

« Le problème se pose parce que les Commissions santé, ça varie quand même le nombre mais quoi qu'on dise ça ne prend toujours pas en compte le nombre de villages qui constituent l'aire sanitaire. Mais ce qui se passe, c'est qu'on leur permet de façon à demi-pratique de déléguer des personnes pour représenter tous les villages. (É) Mais honnêtement, avec les Commissions, on ne s'arrête qu'au niveau de l'aire sanitaire, on ne voit les ramifications au niveau du village. Alors que quoi qu'on dise, il faut franchement qu'on sente la présence de cet organe à la cellule villageoise, c'est très important, parce que c'est les villages, la cellule de base, c'est à ce niveau qu'on doit veiller à la structuration et puis remonter. La Commission Santé devrait arriver après qu'on a réussi à asseoir le Comité de Santé. Moi je pense que si on veut réussir franchement, il faut qu'au niveau du village ça soit représenté. Et puis les chances que les Commissions Santé réussissent dépendront vraiment, si les Comités de Santé aient réussi. Si on peut revenir à ça, ça peut être quelque chose de très bien » [Anonyme, employé de 3ASC].

Dans tous les cas, ces groupements se composent toujours d'un nombre impair de membres, en raison de cette volonté démocratique permettant aux votants de se départager lors de la prise d'une décision. De plus, il est constaté une déficience sur le plan numérique, suite à l'abandon, au retrait ou au décès de certains depuis la création des CS en 2008. En guise d'illustration la présidente de la CS de Nanergou, Tône exprime son mécontentement vis-à-vis d'un ancien membre, dont ils ont dû se détacher :

« Aujourd'hui c'est toujours les mêmes membres, sauf quatre personnes qui se sont désistées et deux qui sont arrivées en cours de route. Il y en a un, il travaillait au CHR, à chaque fois qu'on voulait se retrouver il ne venait pas, à chaque fois qu'on lui dit qu'il y a

66

réunion, il est de garde, à chaque fois qu'on lui parle, il est de garde, mais le moment où on lui dit qu'on a besoin de lui deux jours pour un recyclage, il est pas de garde, il vient là, il s'assied deux jours, il prend son argent, il part [le déplacement durant l'atelier de recyclage étant pris en charge par 3ASC]. C'est un opportuniste, ça me gêne beaucoup, ça ce n'est pas bien. Il faut faire d'abord un travail de groupe. Si tu viens au recyclage, tu dois savoir ce qu'on a fait durant l'année. Aujourd'hui il est parti » [Présidente de la CS de Nanergou, Tône].

Mis à part le RFS, considéré comme le responsable du groupement, de nombreux membres à part entière cumulent une double fonction, qu'elle soit officielle ou non. Nombre d'entre eux sont intégrés au sein d'un autre groupement villageois (COGES, CVD, ASC, etc.) ou d'un autre organisme de développement tel que la Croix-Rouge. D'autres font partie du personnel de santé de l'USP de leur aire sanitaire, ou encore certains exercent une fonction de thérapeute traditionnel en parallèle.

Suivant ce dernier aspect, les propos institutionnels à l'ordre du jour revendiquent ardument une dynamique participative et représentative qui s'attèle à insérer l'ensemble des protagonistes inclus dans cette mouvance « communautaire » de la santé. Même si 3ASC mentionne la faible collaboration en vigueur avec les thérapeutes traditionnels, cette composante, ne semble toutefois pas inscrite à l'ordre du jour : aucune mesure actuelle ne semble vouloir les intégrer dans ce processus. D'un autre côté, ne sont-ils pas d'une certaine façon des « experts de la santé locale » ? Suivant ces propos, ne serait-il pas d'une indubitable nécessité d'intégrer ces thérapeutes traditionnels parmi les porte-paroles des populations villageoises ? Nous reviendrons sur ce point dans la section III. 1.1.3. La médecine « traditionnelle ».

2.2.3. Rôles d'une CS

Le travail attribué au CS se définit suivant deux axes distincts, considéré par le dispositif comme intrinsèquement lié : d'une part, l'amélioration de l'offre et de la qualité des soins et d'autre part, le travail de représentation visant à défendre les intérêts et les besoins sanitaires des populations villageoises. En ce sens, l'objectif affiché est « de renforcer leurs ressources [et] leur pouvoir de négociation ou de décision (cf. en anglais la notion de empowerment) »121.

« La Commission Santé existe pour recenser certains des problèmes qui existent au niveau de l'USP et dans la communauté. Il y a des difficultés que les patients rencontrent avec le personnel de l'USP, le personnel aussi a des problèmes avec les malades. Nous faisons des

121 Olivier de Sardan, 1995a, op. cit., p. 138.

67

efforts pour aider le centre et pour aider nos frères pour la sensibilisation » [Conseiller de la CS de Bogou, Tandjouaré].

Les tâches qui leur reviennent sont énumérées par 3ASC de la façon suivante122 :

- Elle organise et anime les réunions villageoises ;

- Elle identifie les problèmes de santé avec les populations ;

- Elle analyse, collabore et trouve des approches de solutions aux différents problèmes rencontrés dans son aire sanitaire ;

- Elle traite les problèmes de santé au niveau communautaire en collaboration avec l'équipe de l'USP ;

- Elle négocie les solutions aux problèmes de santé à tous les niveaux (USP, District, Région, Associations/ONG et autres bonnes volontés) ;

- Elle rend compte régulièrement à la communauté de la situation ;

- Elle cherche toujours ce qui pourrait améliorer la qualité des soins des populations et sensibilise les communautés villageoises dans ce sens ;

- Elle appuie les prestataires de soins dans l'organisation des sensibilisations, des stratégies avancées, les campagnes de vaccination, etc. ;

- Elle élabore des plans d'actions pour la promotion de la qualité des soins au niveau de l'aire sanitaire ;

- Elle assiste aux réunions mensuelles de la FS en fonction de l'ordre du jour ; - Elle produit des rapports à l'issue des réunions.

« Nous sommes là pour travailler en collaboration avec le personnel de la santé pour aider à diffuser l'information au niveau de la communauté et ça va nous permettre à collecter certains problèmes dans les villages pour ramener au sein du dispensaire pour qu'il y ait des changements au niveau des prestations, des malades et pour qu'il y ait un changement aussi au sein du dispensaire, pour qu'il y ait une grande amélioration de notre aire sanitaire » [Membre de la CS de Sanfatoute, Tône].

Nous sommes en présence d'une part, de la transmission d'un message défini unilatérale en provenance du système en place. D'autre part, pour répondre à cette dynamique « participative » et « communautaire » au centre du « projet », une diffusion des attentes des « communautés » se doit d'être véhiculée.

122 Document 3ASC, 2008 « Projet Intégré de santé dans la région des Savanes. Processus de mise en place des Commissions Santé. (Distinction des tâches CS-COGES) ».

68

2.2.4. Rôle des membres des CS

Sur base du document « Projet intégré de santé dans la région des Savanes. Processus de mise en place des Commissions Santé »123 rédigé par 3ASC, voici les différentes fonctions en vigueur au sein d'une CS :

-- Le président

Il convoque et dirige les réunions qui se déroulent actuellement tous les deux mois. Il est le délégué de la CS au niveau de la FS.

-- Le secrétaire

Le secrétaire est responsable de la rédaction des procès-verbaux de réunions, de l'élaboration et de la conservation des documents administratifs. Il organise, avec l'aide du président les thématiques abordées lors des réunions mensuelles.

-- Le mobilisateur

Il élabore avec le RFS le programme d'information, d'éducation et de sensibilisation de la population et le soumet à l'adoption au cours de la réunion de la CS. Il coordonne toutes les activités à base communautaire de l'aire de responsabilité de la FS.

-- Le conseiller

Il assiste les membres de la CS en leur donnant des conseils pratiques et veille au bon fonctionnement de l'organe.

-- Les membres

Ils participent et appuient le bureau dans la réalisation des activités de la CS.

Il est à constater que certains membres des CS interrogés se proclament eux-mêmes : rapporteur ou encore trésorier. Cette dernière attribution prendra sens dans la section III. 2.1. Autofinancement.

D'autres en revanche, ne sont en mesure d'exprimer correctement leur position. Lors d'un entretien avec un membre de la CS de Bougou, Tône, notre traducteur apporte une précision :

« Lui il dit, il est là pour contrôler l'USP, j'ai dit tous les membres sont là pour contrôler mais son rôle c'est quoi ? Il est président, secrétaire, il est quoi ? Mais il ne répond pas. (É) Il dit hein, qu'on l'a choisi mais qu'on ne lui a pas montré son rôle ! Il travaille mais il ne

123 Document 3ASC, 2008 « Projet Intégré de santé dans la région des Savanes. Processus de mise en place des Commissions Santé. (Distinction des tâches CS-COGES) ».

69

connaît pas son rôle ! » [Traduction de propos tenus pas un membre de la CS de Bougou, Tône].

2.2.5. Activités réalisées par les CS

-- Réunion des CS

Initialement, lorsque les formations des CS eurent lieu, chacune d'entre elles avait retenu une date mensuelle au cours de laquelle les membres se réuniraient et discuteraient des problèmes identifiés et des solutions envisageables. Actuellement, les réunions ne se déroulent plus qu'une fois tous les deux mois. Mais toutes ne respectent pas les mêmes exigences temporelles : la CS de Sanfatoute, Tône avait évoqué l'idée d'effectuer des réunions sur une base trimestrielle.

« On est en train de voir, est-ce qu'il faut faire ça mensuellement ou trimestriellement. L'année passée, on faisait des réunions chaque 28 du mois, mais maintenant... (É) Bon c'est une idée émise, parce que on a pas encore rencontré tous les membres pour savoir est-ce que c'est bon comme ça ou pas. (É) La raison, c'est par rapport aux préoccupations de tout un chacun de nous qui a fait qu'on a émis l'idée, mais c'est pas encore assuré que ça peut être comme ça, mais on a pas encore fait la réunion mensuelle pour rencontrer tous les membres pour voir si ce sera appliqué » [Membre de la CS de Sanfatoute, Tône].

La CS de Bougou, Tône n'a pas hésité à mettre cette décision en pratique : elle a effectué quatre réunions en 2012. Durant les réunions, les CS se penchent sur un problème particulier inscrit à l'ordre du jour et planifié dans le plan d'action. Elles élaborent des activités à mener lors de leurs sorties dans les villages, et font le bilan de celles qui furent déjà effectuées. Elles discutent également de la gestion des problèmes ponctuels de santé et de l'assainissement dans la communauté. Elles dressent un procès-verbal qui est consigné dans un cahier de rapports.

« Auparavant c'est chaque mois que nous nous retrouvions, maintenant c'est une fois tous les deux mois. Nous discutons des problèmes que nous rencontrons. Il manque telle chose, telle chose, nous marquons tout ça dans le cahier au cours de la réunion où le responsable est là. Actuellement nous n'avons pas d'incinérateur par exemple, il faut aller incinérer les choses jusqu'à Naki-Ouest. Aussi, nous demandons le logement du personnel depuis ouh.. Vous voyez-là, c'est un logement ça. Jusqu'alors nous demandons mais ça ne passe pas. Donc chaque année nous posons nos doléances mais rien ne change » [Secrétaire de la CS de Nanergou, Tône].

70

-- Activités au sein des villages

Suivant le plan d'action établi, les CS se penchent sur l'organisation des activités à mener au sein de l'USP et dans les villages. Pour ce faire quelques points doivent être clarifiés. Le conseiller de la CS de Bogou, nous explique le processus qu'ils ont établi lors de leurs sorties dans des villages de leur aire sanitaire :

« Avant de sortir, il faut d'abord une réunion préparatoire. Quand vous préparez la réunion, vous avez le thème que vous allez aborder avec la population. Maintenant, avant d'aborder la population, il faut les aviser. Quand nous sortons, les responsables ont été informés, le centre est informé comme on travaille en collaboration. Dès fois, nous sommes accompagnés d'un ASC du village pour nous appuyer. [É] On aborde des thèmes différents, ça dépend. Aujourd'hui on peut parler de la consultation prénatale, pourquoi faire la consultation prénatale ? Pourquoi se faire consulter à l'hôpital quand on a une grossesse ? Pourquoi il ne faut pas accoucher à la maison ? Tout ça est abordé. Demain on aborde un autre thème, le paludisme, la planification familiale, la mutuelle, tout ça là » [Conseiller de la CS de Bogou, Tandjouaré].

De plus, les CS organisent et participent aux activités d'entretien de leur USP et des autres lieux publics (marchés, routes, les lieux de réunions).

3. CONCLUSION

L'étude du système de santé aux niveaux national et régional - à travers une remise en contexte de l'état sanitaire actuel du Togo et de la région des Savanes, une esquisse des différentes politiques publiques menées en matière de santé et une vision d'ensemble de l'organisation du système ainsi que des politiques de santé - nous a permis de faire émerger les causes et les défaillances relatives à la situation sanitaire actuelle. Par ailleurs, nous nous sommes attaché à présenter l'organe intitulé « Commissions Santé » au travers de quelques illustrations pour faire vivre cet organe se voulant « participatif ».

A cet effet, nous pouvons nous considérer comme satisfait quant au fait de détenir une compréhension générale sur les difficultés auxquelles se heurte le système d'offre et de qualité de soins, mis en place à l'attention des populations villageoises. De plus, nous estimons être en possession d'outils suffisants pour mener plus avant notre orientation analytique.

71

III. ÉTUDE DE CAS : LES COMMISSIONS SANTÉ, CONFIGURATIONS EXTERNES ET ADAPTATIONS INTERNES

Dans ce chapitre, il sera question, à travers nos hypothèses, de répondre à notre question de recherche, préalablement posée (voir I. 2.2. Question de recherche) et qui fut définie en ces termes :

« Dans quelle mesure, l'insertion des Commissions Santé sur la scène sanitaire locale Ð à travers l'ONG 3ASC Ð permet-elle l'élaboration d'une dynamique « participative » véritablement endogène ? »

Pour évaluer l'implication des CS dans le décor sanitaire, nous nous efforcerons donc de percevoir la mise en oeuvre effective du « Projet Intégré de santé dans la région des Savanes ». Pour ce faire, nous analyserons d'une part, les nombreuses complications auxquelles se heurtent les CS en raison du caractère dysfonctionnel du projet, d'autre part, en réponse à la situation en présence, nous tenterons de faire apparaître les « mécanismes de débrouille » déployés par cet organe en guise de solution « adaptative ».

À cette fin, nous diviserons notre chapitre en deux parties conséquentes, relatives à nos deux hypothèses, pour subdiviser l'analyse en fonction des différents aspects abordés.

1. MANQUE D'EFFICACITÉ ET DYSFONCTIONNEMENTS

Nous souhaitons maintenant examiner l'insertion des CS sur la scène sanitaire locale à travers le « Projet Intégré de santé dans la région des Savanes » piloté par 3ASC. Nous avons pris connaissance dans la section II. 2.2.3. Rôle d'une CS, des implications normatives qui leur furent assignées lors de leur création. Les CS sont donc d'une certaine manière contraintes de répondre à une telle demande exogène, qui voit en elles « l'interface incontournable entre [le] « projet » et ses « destinataires » »124.

124 Olivier de Sardan, 1995a, op. cit., p. 153.

72

Cette première partie aura donc pour but de refléter notre première hypothèse, qui fut présentée de la façon suivante (voir I. 2.3. Hypothèses) :

« Les Commissions Santé font preuve d'un manque d'efficacité - dans le cadre du « Projet Intégré de santé dans la région des Savanes » - suite à des dysfonctionnements internes »

Selon Weber125 « dans tous les domaines (État, Église, armée, entreprise économique, groupement d'intérêts, association, fondation, etc.), le développement des formes « modernes » de groupement s'identifie tout simplement au développement et à la progression constante de l'administration bureaucratique ». Les CS semblent n'y échapper sous aucun prétexte : leurs membres sont « personnellement libres, n'obéissent qu'aux devoirs objectifs de leur fonction ; dans une hiérarchie de la fonction solidement établie ; avec des compétences de la fonction solidement établies ; en vertu d'un contrat (en principe) sur le fondement d'une sélection ouverte selon : la qualification professionnelle (É), [elles] travaillent totalement « séparées des moyens d'administration » et sans appropriation de leurs emplois ». Cependant, certaines conditions ne semblent pas remplies pour coïncider concrètement avec cette vision « idéal-typique » : le fait de toucher un salaire - ils sont en effet bénévoles -, de traiter « leur fonction comme unique ou principale profession » - ils sont en très grande majorité paysans ou agriculteurs -, de voir « s'ouvrir à eux une carrière, un « avancement » selon l'ancienneté ou selon les prestations de service, ou encore selon les deux », et enfin d' « être soumis à une discipline stricte et homogène de leur fonction et à un contrôle », se traduisant dans le cas présent par une forme d'encadrement de leurs activités.

Ce dispositif présente une situation périlleuse, qui ne remplit pas l'ensemble des conditions nécessaires pour que les décisionnaires du développement local aient sous leur charge des individus capables d'assumer les responsabilités qui leurs ont été allouées. Ainsi, les intervenants externes, à la base de leur création, tentent de dégager une fonctionnalité dans ces groupements, en dépit des moyens limités et ressources insuffisantes dont ils disposent.

Cette « configuration développementiste »126 tente quelque peu de limiter les « écarts »127 entre les actions menés et les résultats véritables. Du moins, cette dimension vise à les

125 http://pedagogie2.ac-reunion.fr/ses/textes/Weber/burau.htm (page consultée le 27/07/2013)

126 Olivier de Sardan, 1995a, op. cit.

127 Chauveau, J.-P., op. cit., p. 47.

73

« interpréter sans que soit remis en cause le système de valeurs du populisme bureaucratique »128.

Il s'agira de rendre compte des dysfonctionnements qui résultent de l'application d'une vision bureaucratique, vulnérable sur bien des points. « Certains thèmes « marchent », d'autres ne « marchent » pas. La cohérence technique des projets (É) sous forme de « paquets techniques » est donc ainsi quasi systématiquement désarticulée, ce qui entraîne éventuellement un certain nombre « d'effets pervers », qui neutralisent l'efficacité des améliorations proposées ou sont même franchement négatifs »129.

Le « Projet Intégré de santé dans la région des Savanes », accompagné d'un « univers langagier [propre] aux institutions de développement »130 cherche à s'insérer sur la scène locale. Mais son emprise est ressentie comme difficile parmi ses nouveaux « représentants ». Nous parlons ici de la confrontation entre deux mondes qui peinent, dans nombre de cas, à trouver un terrain commun qui satisfasse véritablement les acteurs de développement externe à la configuration locale. « Les « développés » n'ont pas les mêmes références culturelles et professionnelles, et sont soumis à de toutes autres contraintes que les « développeurs ». C'est le paradoxe du langage-développement que d'être censé s'adresser aux développés alors qu'il ne concerne que les développeurs »131. Il s'agit de la rencontre entre un dispositif exogène et un système de pensée endogène. « C'est autour de tentatives de transferts de savoir-faire que ces deux ensembles de savoirs et de significations entrent en relation : le développement consiste en effet à tenter de transférer certains savoir-faire associés aux systèmes de sens propres aux opérateurs de développement vers des populations dotées de systèmes de sens différents »132.

1.1.Les dysfonctionnements internes

Divers dysfonctionnements rencontrés dans le cadre du « Projet Intégré de santé dans la région des Savanes » seront maintenant présentés. Ceux-ci sont au nombre de sept : supervision, compétences et formations, médecine « traditionnelle », motivation, actions et activités, ressources matérielles et facteurs externes. À travers ces cas spécifiques, nous tenterons de comprendre les logiques ayant amené à la situation en présence.

128 Chauveau, J.-P., op. cit., 47.

129 Olivier de Sardan, 1995a, op. cit., p. 133.

130 Olivier de Sardan, 1995a, Ibid., p. 165.

131 Olivier de Sardan, 1995a, Ibid., p. 166.

132 Olivier de Sardan, 1995a, Ibid., p. 141.

74

1.1.1. La supervision

L'ONG 3ASC est chargée de superviser régulièrement les activités menées par les diverses CS, et ce pour deux raisons : d'une part, pour les encadrer et évaluer les progressions réalisées par les CS sur la base des plans d'actions annuels élaborés ex ante et d'autre part, pour rendre compte de la situation actuelle à LC.

Cependant, la supervision « (ou « monitoring ») » 133 appliquée aux CS se heurte à certaines difficultés perçues par ces dernières comme passagères avant la reprise d'un fonctionnement routinier. De plus, elle peut être confrontée à une « culture bureaucratique commune (« chacun-pour-soi-isme », absence de sanctions et de promotions au mérite, clientélisme, renoncement de la hiérarchie, etc.) »134.

Toutefois, suivant les attentes du « Projet Intégré de santé dans la région des Savanes », un certain encadrement paraît utile pour une amélioration tangible de la situation sanitaire locale. Cependant, il est à constater deux problèmes majeurs qui influent très nettement sur l'organisation et la réalisation même des activités effectuées par les différentes CS : le personnel compétent et les moyens financiers alloués à ce dispositif sont insuffisants pour encadrer convenablement cet organe.

Une telle situation amène 3ASC à se contraindre à un double objectif : d'un côté de satisfaire les attentes de leurs partenaires, et de l'autre, de mener des actions soutenues dans la limite des moyens à disposition. Dans le cas du projet relatif aux CS, les critères initiaux n'incluaient pas suffisamment de moyens pour que les attentes soient toutes remplies et satisfaites. Le travail et les objectifs se voyaient donc soumis à de nombreuses imperfections et à un laxisme évident.

Au regard des propos mentionnés, il est concevable de percevoir - suivant les termes d'Olivier de Sardan - « plusieurs niveaux de cohérence en partie contradictoires »135 car devant se plier à des exigences distinctes qui ne peuvent être aisément conciliées.

De ce fait, il nous paraît légitime de nous interroger sur les facteurs qui ont pu contribuer à l'état actuel de cette situation. Pour ce faire, avant d'analyser les problèmes et les difficultés résultant de ce manque de supervision, voici une présentation du système de supervision actuellement en vigueur.

133 Olivier de Sardan, 2003, op. cit., p. 293.

134 Olivier de Sardan, 2003, Ibid.

135 Olivier de Sardan, 1995a, op. cit., p. 130.

75

- Présentation

Fin 2008, lors de la création même du projet, un processus de soutien fut élaboré. Trois personnes étaient chargées de former et de suivre à « plein temps » le travail des CS. Ils assuraient « la modération et le secrétariat des réunions des CS » [Anonyme, employé de 3ASC, chargé de la supervision des CS] sur une base mensuelle. Ils se rendaient au sein des villages pour mener à bien le fonctionnement même du projet. D'après les propos récoltés, la supervision semblait plus soutenue durant la phase de mise en oeuvre. Les critères établis envers les CS étaient plus rigoureux et les activités s'en voyaient apparemment renforcées.

A partir de 2011, un suivi fut établi, en moyenne une fois tous les trois mois. Les raisons officielles expliquant le passage d'un suivi mensuel à un suivi trimestriel est que les CS étaient considérées comme :

« Suffisamment outillées pour mener seules les activités. Parce que de un, ils connaissent bien leur rôle, de deux, c'est eux-mêmes, ils ont élaboré leur plan d'actions avant de venir à l'atelier de planification, ils avaient déjà des idées sur ce qu'ils devaient faire pour l'année prochaine. Et ils savent comment le faire déjà donc nous pensons qu'ils sont... les plaidoyers, ils le font, s'il y a un problème, comment procéder pour arriver à un consensus sur la résolution de ce problème donc ils sont.... moi je pense qu'ils sont suffisamment outillés » [Anonyme, employé de 3ASC, chargé de la supervision des CS].

Concernant leur degré de compétences, le constat est plus ambigu.

« [Est-ce qu'ils sont, d'après vous, suffisamment compétents pour faire leur travail ?] OuiÉpas suffisamment, parce que nous sommes toujours derrière eux pour la régularité donc c'est ça, sinon notre présence ne vaudrait plus la peine. Mais il faut voir aussi que les résultats de leurs activités sont qualitatifs, il n'y a pas de quelque chose de calculs, des chiffres à voir, comme ça par rapport aux résultats des activités, donc c'est difficilement perceptible. On perçoit assez difficilement mais quand même, nous pensons qu'ils obtiennent des résultats par rapport à l'amélioration de l'état de santé de leurs zones respectives et aussi par rapport à l'amélioration des prestations » [Anonyme, employé de 3ASC, chargé de la supervision des CS].

« Pour être francs, je pense qu'ils ne sont pas si fonctionnels que ça. Bon il y a des résidus qui nous donnent l'impression que ça fonctionne mais concrètement on ne sait pas ce qu'ils font » [Anonyme, employé de 3ASC].

76

Aujourd'hui, la seule supervision qui soit opérationnalisée à ce jour pour l'ensemble des vingt-deux CS est menée par deux, parfois trois personnes. De ce fait, les RFS qui furent associés au projet, sont employé comme « relais », en termes de supervision pour s'assurer que ces groupements ne soient pas entièrement livrés à eux-mêmes. Cela, il va sans dire, se rajoute aux nombreuses responsabilités qui leurs sont déjà assignées.

Dans les faits, force est de constater que cette supervision est exempte de rigueur est loin de respecter les exigences initialement fixées ; le précepte du suivi rapproché est remis en question. Le seul encadrement, auxquelles les CS ont droit, se produit lors des réunions bimestrielles. À cette occasion, les agents de terrain dirigent ou « coachent » les CS. Ils les orientent suivant les thèmes et les discussions de circonstance. Une vérification et un bilan sont menés par rapport au plan d'action qui avait été établi au départ de chaque phase. Ils assistent à l'élaboration des nouvelles stratégies mises sur pied par les CS. Les réunions sont menées par le président de la CS ainsi que par les RFS car :

« C'est eux la communauté, c'est eux qui connaissent la communauté, nous on va pour nous assurer que les activités se mènent conformément à ce qui est prévu » [Anonyme, employé de 3ASC, chargé de la supervision des CS].

Cette intervention illustre une difficulté propre à la réalisation concrète des objectifs attribués aux CS : l'ONG 3ASC s'efforce de visualiser les résultats aboutis « conformément » au plan préalablement rédigé. En s'inscrivant dans cette vision linéaire, les initiatives locales semblent écartées et encore moins encouragées. Il faudrait plutôt repenser « ce rôle de suivi-évaluation à fin de proposer une adaptation des projets de développement aux dérives qu'ils subissent de la part des clients »136. Les agents du dispositif semblent omettre que « la « dérive » est un phénomène normal, qu'il serait illusoire de vouloir éliminer. C'est le produit nécessaire et intentionnel de l'entrecroisement de la complexité des variables en jeu dans les réactions d'un milieu social face à une intervention volontariste extérieure »137.

- Les cahiers de charges

Voici une illustration des conséquences provoquées par le manque de suivi des agents de 3ASC à travers un cas spécifique : les cahiers de charges.

136 Olivier de Sardan, 1995a, op. cit., p. 198.

137 Olivier de Sardan, 1995a, Ibid., p. 197.

77

Un problème constaté relève de la prise de notes par le secrétaire de la CS. Les procès-verbaux des réunions se tiennent dans un cahier A5 aux pages non détachables. Ils se résument en une page détaillant la liste de personnes présentes, la date, le lieu, le thème de la réunion, les problèmes rencontrés, les solutions envisagées et les signatures du président, du secrétaire et éventuellement du RFS. Les points essentiels sont effectivement répertoriés, cependant le principal problème relève de l'aspect restreint de l'information relevée. Entre une et trois lignes sont consacrées à chaque point de la réunion. Il s'agit d'une information beaucoup trop condensée, sinon redondante, qui donne peu de clarifications sur le travail effectué et à accomplir.

Le secrétaire de la CS de Nanergou, Tône lit un extrait à haute voix, des notes retranscrites dans son cahier de charges de la réunion qu'ils ont tenue le 20 novembre 2012:

- « Activités : sensibiliser le personnel,

- Activités réalisées : le personnel est sensibilisé,

- Résultats obtenus : la fréquentation est bonne,

- Sensibiliser la communauté : la communauté est sensibilisée,

- Sensibiliser les leaders : les leaders sont sensibilisés,

- Culture maraîchère : le maraîchage est pratiqué,

- Faire la promotion des mutuelles de santé : beaucoup sont adhérés aux mutuelles » [Secrétaire de la CS de Nanergou, Tône].

Certains détails méritent d'être inscrits parmi les activités et les possibilités concrètes pour améliorer la santé au sein de leur aire sanitaire. Aucune date prévue n'est inscrite quant aux activités à réaliser. De façon à uniformiser les procès-verbaux, un prototype a été remis en février 2012, à toutes les CS pour s'assurer de la qualité des informations recueillies. Celui-ci tend à être respecté. Le problème se situe davantage au niveau de la qualité même du procès-verbal faisant office de modèle. Il est beaucoup trop réduit pour développer un planning, des activités et discuter de l'ensemble des problèmes rencontrés. De plus, les informations ne relèvent ni observations, ni difficultés rencontrées, ni suggestions et aucune formation à ce niveau n'a été effectuée.

« Quelque part la Commission Santé, personne n'a jamais fait des PV avant, il est élu secrétaire parmi la commission, vraiment quand tu le laisses faire le PV, il va écrire mais quand tu vas venir pour viser leur cahier, tu ne comprendras rien, parce qu'il y a une procédure dans le PV, tu vois, s'il y a un ou deux jours où on pourra expliquer au secrétaire comment faire le PV, ce serait une bonne chose » [Membre de la CS de Sanfatoute, Tône].

78

L'information ne fut pas répandue correctement. De plus, l'insertion de dispositif exogène sur ces CS produit des sentiments de frustrations parmi les membres. Étant en recherche d'une forme de reconnaissance, certains désirent se plier à ce fonctionnement mais peinent à en comprendre les logiques internes.

Certaines CS continuent d'écrire dans le cahier de charges, d'autres sur les feuilles consacrées à cet effet. Pis encore la CS de Sanfatoute, Tône, n'écrit même plus les compte-rendus des réunions.

« Au fait quand on fait la réunion mensuelle, le secrétaire est là, c'est que les deux derniers mois passés, le secrétaire a trouvé un boulot à Dapaong, il est parti, donc il est plus avec nous. Donc à la réunion, on avait proposé qu'il faille chercher un nouveau secrétaire. (É) Donc comme le secrétaire n'était pas là, on a rien noté » [Membre de la CS de Sanfatoute, Tône].

Même si le message semblait avoir été bien transmis par 3ASC, ce ne fut apparemment pas le cas en réalité. Certains ont cru bien faire en photocopiant par leurs propres moyens l'unique copie que 3ASC leur avait remise pour être en mesure d'écrire durant les réunions à même la feuille. Selon la CS de Kourientre, Tône :

« Ils avaient dit qu'ils viendraient les ramasser. Anonyme [Employé de 3ASC, chargé de la supervision des CS] est venu en juin, elle a dit de laisser et après elle va revenir et après elle a été empêchée jusqu'au aujourd'hui. Mais on continue à remplir mais personne ne lit » [Membre de la CS de Kourientre, Tône].

D'une façon ou d'une autre, un malentendu sur la question est à relever. Il convient de dire que suivant le point de vue de 3ASC, il n'avait pas été prévu que ces procès-verbaux fussent récupérés pour une analyse a posteriori. Ils devaient seulement servir de canevas pour la rédaction dans leur cahier. L'avantage avancé par 3ASC au sujet de la rédaction des procès-verbaux dans leur cahier est que c'est un moyen plus sûr de ne pas perdre l'ensemble des données retranscrites. Ces dernières seraient vérifiées par le superviseur durant sa visite.

En d'autres termes, et afin de clarifier la situation actuelle, en dehors du bilan des activités annuelles rédigé lors de l' « atelier de recyclage », aucun document écrit quel qu'il soit n'a jamais été remis par une CS à 3ASC. Pis encore, aucun document n'a jamais fait l'objet d'une réclamation de la part de 3ASC.

79

Cet exemple vient appuyer les propos énoncés ci-dessus, à savoir, l'insuffisance de suivi rapproché de la part de 3ASC envers les CS. Ces dernières tendent à se sentir délaissées et insuffisamment reconnues pour tous les efforts poursuivis, notamment en termes de motivation. Le fait qu'elles sont livrées à elles-mêmes traduit-il véritablement un esprit de confiance ou est-ce tout simplement par manque de moyens qu'elles se trouvent dépossédées de tout et remises à leur propre destin ? La deuxième hypothèse semble plus en adéquation avec la réalité. Dans le cadre de ce projet, une prise en charge optimale est indispensable pour qu'un réel changement de fond puisse avoir lieu.

« Nous ne savons pas si ce que nous sommes en train de faire si c'est bon ou ce n'est pas bon. Nous ne savons pas si nous sommes dans la bonne direction, dans les normes, voilà. [É] Il faut qu'on revoie ce problème ensemble avec notre responsable. Parce que l'année est terminée, il doit venir sûrement, s'il arrive, on doit faire une réunion et parler de ce problème » [Présidente de la CS de Nanergou, Tône].

Cette situation défaillante laisse transparaître des difficultés entravant la possibilité d'évaluer correctement les agissements des CS dans le décor local. Suivant la situation en présence, il est aisé de reporter le « manque d'efficacité » du projet sur les CS, devant le peu de résultats observables.

Toutefois, avant de clore cette section portant sur la supervision des CS, nous devons émettre deux constatations :

- Toutes les CS, sans exception, se plaignent du manque de participation de la part des représentants de 3ASC. Un sentiment d'abandon s'est clairement fait sentir au cours de nombreuses interviews. La fréquence du suivi actuel est clairement à reconsidérer. À titre d'exemple et ils sont nombreux, la dernière visite que la CS de Kourientre, Tône, a reçu d'un agent de terrain date de février 2012. Depuis, aucun suivi à leur encontre n'a été effectué excepté pour la mise en place de la supervision des ASC en juin 2012 (voir III. 1.1.4. La motivation). En 2012, il a été extrêmement rare voire inexistant que des agents qualifiés fassent l'objet d'un réel suivi dans des villages afin d'analyser le déroulement des activités menées par les CS. Toutefois, les personnes en charge de la supervision des CS s'entendent pour dire que :

« Dans le trimestre nous faisons quand même un effort pour aller les visiter au moins une fois, certaines peuvent être visitées deux fois s'il y a un problème et s'ils nous sollicitent aussi pour les appuyer pour certaines activités, on peut les visiter. Mais au moins une fois, elles sont visitées par trimestre » [Anonyme, employé de 3ASC, chargé de la supervision des CS].

80

En lui expliquant, l'exemple de Kourientre, Tône, il rit avant de nous répondre ceci :

« Oui il y a un relâchement, oui c'est ça, par rapport à la disponibilité. Sinon quand même moi à Tandjouaré je fais un effort pour les visiter une fois dans le trimestre et s'il me sollicite, et que je trouve ça pertinent, je fais quand même un effort pour les voir. Ce sont des gens qui ont besoin d'être soutenus, motivés pour faire leurs activités » [Anonyme, employé de 3ASC, chargé de la supervision des CS].

- Le constat est unanime : les personnes en charge de la supervision des CS n'assument pas correctement leur responsabilité. On peut toutefois se questionner quant aux raisons d'une telle situation. La réponse semble se situer du côté de la multiplication des tâches qui leurs incombent. En effet, sur les trois personnes couvrant cette fonction, deux sont RFS des USP de Korbongou, Tône, et de Nano, Tandjouaré (cette dernière, au passage, ne détient pas de CS dans son aire sanitaire), et la troisième, responsable de la cellule « santé communautaire » au sein de l'ONG 3ASC, a sous sa charge de nombreuses activités à réaliser et une équipe d'une dizaine de personnes à coordonner. Dans ce contexte, il peut paraître logique que le temps restant disponible pour la supervision soit restreint. Néanmoins, il paraît nécessaire de signaler qu'étant seul (accompagné d'un interprète), nous avons pu, en moins d'un mois, parcourir pas moins de quinze aires sanitaires et être reçu par des dizaines de CS. Dans un tel état de choses, ne peut-on conclure à un manque de volonté de la part de l'ONG, voire même à sa négligence ? Suivant ce constat et face à la défaillance de la supervision actuelle, il y a certes de nombreux éléments à reconsidérer. Cependant, nous pouvons résolument admettre que les moyens consacrés à cet organe sont limités et en quelque sorte « bloqués » devant l'absence de résultats.

En clair, face aux exigences auxquelles les CS sont confrontées, elles semblent - suivant la dimension « projet » - ne pas répondre suffisamment aux desiderata exposés par 3ASC. Cependant, en inscrivant les groupements dans une démarche bureaucratique, l'ONG en question ne semble pas avoir outillé ses responsables à la mesure de la perspective affichée.

1.1.2. Les compétences et formations

Les CS ont été dotées d'un statut particulier, se trouvant en interface avec deux mondes distincts qui éprouvent, non sans peine, des difficultés de compréhension mutuelle. Elles sont pourvues, a priori, d'une « double fonction de « porte-parole » des savoirs technico-scientifiques et de médiateur entre ces savoirs technico-scientifiques et les savoirs populaires.

81

Ce double rôle n'est pas sans relever de l' « injonction contradictoire » (double bind) : d'un côté l'agent de développement doit prôner les savoirs technico-scientifiques contre les savoirs populaires, de l'autre il doit les « marier » l'un à l'autre »138. Le problème étant que les agents n'ont pas toujours les compétences requises pour prétendre à exercer cette fonction. Davantage, ils n'ont jamais été formés correctement par 3ASC à cet effet. Ainsi, certains CS ne perçoivent pas l'utilité réelle de leurs agissements et finissent par se sentir inutiles, d'autant plus qu'elles se trouvent sous l'emprise de 3ASC ; les RFS, n'ayant au final, qu'une existence fort abstraite.

La multiplication des rôles qui leurs ont été attribués, à l'aune de différents savoirs, les soumet à des pratiques qui sont concrètement, difficilement réalisables. De ce fait, « tout « message technique », tout projet de développement, toute intervention sont des packages, des ensembles de mesures coordonnées et prétendent à la cohérence. Aucun ensemble proposé n'est jamais adopté « en bloc » par ses destinataires : il est toujours plus ou moins désarticulé par la sélection que ceux-ci opèrent en son sein »139. Dans ce cadre, les CS, bien que sollicitées pour des brèves formations, peinent à s'intégrer au monde de la conception bureaucratique - qui n'est pas le leur - et à remplir les attentes escomptées par les intervenants externes. « On voit mal par ailleurs comment les cultures professionnelles locales pourraient être modifiées « par en haut » de façon technocratique : on sait les échecs des réformes multiples qui ont été mises en place en Afrique depuis vingt ans, à travers les administrations de la santé ou à travers les « projets » »140.

Toutefois, en 2008, après la mise en place des CS, la validation des enquêtes et sondages, l'identification des problèmes de santé des aires sanitaires et l'élaboration des plans d'actions de résolution de ces problèmes, les CS ont été formées quelque peu à leurs fonctions. Il s'agissait de leurs enseigner différents aspects concernant la qualité des soins et à leur nouveau « rôle » de « représentants » des populations villageoises. Depuis, 3ASC organise chaque année un « atelier de recyclage » de deux jours à destination des CS dans le but de renouveler leurs connaissances, notons toutefois que les thématiques abordées sont identiques chaque année. La première journée se résume en un « brainstorming-exposé »141, se voulant participatif, consistant à rappeler les attributions des CS et « les différents aspects de la qualité des soins »142. La deuxième journée, quant à elle, se déroule autrement : chaque CS se regroupe, formule en interne le bilan annuel des activités menées et élabore le « plan d'actions » pour l'année à venir. Elles consignent l'ensemble des faits sur une simple feuille

138 Olivier de Sardan, 1995a, op. cit., pp. 155-156.

139 Olivier de Sardan, 1995a, Ibid., p. 133.

140 Olivier de Sardan, 2003, op. cit., p. 293.

141 Document 3ASC, 2008, Recyclage des membres des Commissions Santé et des ICP, Termes de références.

142 Document 3ASC, 2008, Ibid.

82

A4. Le caractère réducteur de ce processus est de mise. À la fin de cet atelier, chacun vient prendre son dû et rentre dans son village respectif ; le cycle peut recommencer pour les CS. Les accomplissements ne sont pas récompensés, les échecs ne sont pas sanctionnés. Aucune répercussion n'est à mentionner ; les activités sont simplement reprogrammées pour l'année suivante. Face à ce constat, 3ASC devrait impérativement fixer « des objectifs et non pas seulement (É) des actions »143.

Un des problèmes majeurs de ces formations est qu'elles se cantonnent à une vision « vulgarisatrice ». En d'autres termes, elles n'intègrent aucunement « la culture professionnelle locale (É). Les formations apparaissent alors comme des « parenthèses » où l'on discourt gentiment des normes officielles, avant de revenir aux routines habituelles de la vie professionnelle réelle »144. À notre demande, un tour de parole recensant les difficultés que les CS sont amenées à rencontrer fur opéré. En l'absence de ce dernier, cette formation n'eut été que la simple transmission d'un message sous sa forme la plus passive.

Il convient également de se pencher sur le fonctionnement effectif de ces formations. Il paraît nécessaire de rendre compte du langage qui y est déployé. L'exposé PowerPoint est exclusivement en français. Cependant, un nombre important de personnes présentes ne pratique pas l'usage de cette langue, d'autres sont illettrées. Malgré tout, ces séances se font conjointement en français et en moba. Mais par delà la simple traduction, nous sommes face à une « mise en rapport de champs sémantiques différents, de différentes façons de découper ou penser la réalité »145. Nous sommes résolument en présence d'un « langage-projet »146 qui valorise les bienfaits de son dispositif. De ce fait, « le problème de la transmission d'un « message technique » aboutit toujours à cette fameuse confrontation de deux systèmes de sens, au coeur de laquelle l'agent de développement se trouve placé »147. Autrement dit, le « langage-projet » ne trouve résolument pas sa place en interne. Cependant, il « est indispensable à la reproduction du projet et à la perpétuation des flux de financement : c'est lui qui définit à l'intention des bailleurs de fond la « personnalité » du projet (É). [Le « langage-projet »] est également une des composantes de l'identité professionnelle des cadres du projet, qui affirment en l'utilisant régulièrement leur position propre dans la configuration développementiste locale, et légitiment grâce à lui leur compétence et leur utilité sociale »148.

143 Muller, J-D., 1989, Les ONG ambiguës. Aides aux Etats, aides aux populations ?, L'Harmattan, Logiques sociales, Paris, p. 197.

144 Olivier de Sardan, 2003, op. cit., p. 293.

145 Olivier de Sardan, 1995a, op. cit., p. 158.

146 Olivier de Sardan, 1995a, Ibid., p. 166.

147 Olivier de Sardan, 1995a, Ibid., p. 158.

148 Olivier de Sardan, 1995a, Ibid., p. 169.

83

Il faut admettre que les critères de sélection qui furent mis en avant lors du processus de mise en place des CS n'étaient pas suffisamment stricts. Le niveau d'instruction ne fut pas retenu comme un élément décisif. En conséquence, nonobstant le fait que les formations se déroulent en « langage-projet », le contenu ne peut-être que foncièrement basique. En ce sens, les formations ne peuvent porter sur la présentation de programmes trop spécialisés ou l'étude de maladies spécifiques ; ce qui - suivant une perspective projet - aurait été nécessaire pour un travail de sensibilisation pointilleux et ciblé.

Mais que les choses soient claires, « si on n'a pas « appris » aux agents de développement à être des médiateurs, cela ne signifie en rien qu'un tel rôle n'existe pas, ou qu'il ne soit pas indispensable : cela signifie simplement qu'il est mal ou très mal rempli (É). Ne disposant pas des compétences nécessaires à la médiation entre savoirs, les agents de développement assurent cette médiation de façon inappropriée ou unilatérale »149.

De ce fait, ces CS sont résolument en présence de ce qu'Olivier de Sardan nomme une « triple fonction »150, remplie d'antinomies et d'incohérences, qui s'avère à bien des égards, difficile à réaliser :

- « la défense de leurs propres intérêts personnels,

- la défense des intérêts de l'institution,

- la médiation entre les divers intérêts des autres acteurs et des factions locales »151.

De ce fait, devant une situation si équivoque, les nouveaux « représentants » éprouvent bien des difficultés à s'insérer véritablement dans le décor sanitaire.

1.1.3. La médecine « traditionnelle »152

En tant que « représentants » et « porte-paroles » des intérêts locaux, les CS se doivent de prendre pleine connaissance des parcours thérapeutiques pluriels susceptibles d'être empruntés par les populations villageoises. Ce faisant, il semble nécessaire d'apporter un éclairage sur un autre aspect, trop souvent minimisé voir écarté : « les thérapeutes traditionnels ».

Aucune dimension participative vis-à-vis des « thérapeutes traditionnels »153 ne fut émise lors de l'élaboration des CS. L'absence de considération suffisante et d'intégration des

149 Olivier de Sardan, 1995a, op. cit., p. 156.

150 Olivier de Sardan, 1995a, Ibid., p. 159.

151 Olivier de Sardan, 1995a, Ibid.

152 Une réflexion autour du pluralisme thérapeutique se trouve en annexe (A11. Le pluralisme thérapeutique en question).

153 Une personne pratiquant la médecine « traditionnelle » recouvre des significations multiples (tradithérapeute, tradipraticien, guérisseur, herboriste, nganga, rebouteux, féticheur, sorcier, charlatan, marabout, etc.). Même si

84

« charlatans » dans ce projet, empêche toute représentativité sincère des villageois par les CS. En effet, suivant une vision holistique, les présupposés « communautaires » mis en avant dans ce « Projet Intégré de santé dans la région des Savanes » semblent dénués d'une de ses composantes fondamentales : la médecine dite « traditionnelle ».

Toutefois, ce ne fut pas toujours le cas. Comme évoqué précédemment, lorsque les COSAN étaient en vigueur, cette dynamique « participative » vis-à-vis des accoucheuses traditionnelles était de mise. Toutefois, selon un employé de 3ASC, la disparition de ce « partenariat » put causer quelques répercussions :

« Je pense qu'ils ont été un peu déçus qu'on n'ait plus voulu parler des accoucheuses traditionnelles, il y a eu une évolution. On a dit que dans les principes, même dans les normes, OMS et autre, un accouchement assisté, ça doit être un accouchement maintenant qui est réalisé par disons une sage-femme, une infirmière d'État ou un médecin. Donc en bas de ça, on ne considère pas ça comme étant un accouchement assisté. Donc c'est une disposition, une loi qui est prise même par les grandes institutions comme l'OMS et autres. Donc ce qui fait qu'on est obligé d'aller avec cette nouvelle formule. Or à l'époque ce qui donnait un peu d'enthousiasme, un peu de motivation à travailler c'était la présence de ces entités là : accoucheuse traditionnelle et les agents villageois de santé. Maintenant qu'ils ont été amputés, ça démotive un peu. Mais alors qu'est-ce qu'on fait des accoucheuses traditionnelles et tout, parce qu'ils sont toujours là. Et bien on dit qu'ils peuvent aider à la mobilisation, à la sensibilisation et à référer les femmes enceintes mais ils n'ont plus cette mission de faire les accouchements ».

Or, c'est précisément leur rôle. Sensibiliser et référer les malades vers les centres de santé reconnus par l'État, semble, a priori aller à l'encontre de leur logique propre.

Au regard des interviews effectuées avec les patients et les personnes rencontrées dans les villages environnants les USP, il est indiscutable que le recours privilégié est le centre de

chaque terme peut se définir suivant des considérations spécifiques, les appellations tendent à se confondre dans le langage courant, recouvrant une vision visant à s'opposer aux personnes exerçant la bio-médecine. De ce fait, nous utiliserons conjointement ces différents termes afin de varier notre langage. De plus, il convient de préciser que le terme « charlatan » est communément utilisé dans la région des Savanes, et ne relève aucunement une vision péjorative. Quant au terme « marabout », il paraît fort peu probable de trouver une définition spécifique, comme il se présente sous une forme plurielle. En effet, « aucun terme désignant une catégorie d'hommes de savoir n'est entouré d'une confusion de sens comparable au mot marabout » (Fassin, 1999 : 73). Néanmoins, l'islam semble être la référence commune à toutes les différentes formes que peut reprendre ce terme. Outre la religion, les liens avec la magie, le sacré, le surnaturel, le spirituel et la divination semblent étroits. « La fonction médicale n'est que l'une des fonctions du marabout qui a, par ailleurs, la charge de délivrer le message divin, d'organiser prières et rituels, de rendre la justice, d'enseigner le Coran, d'accomplir des miracles » (vu dans : Fassin, D., 1999, Pouvoir et maladie en Afrique. Anthropologie sociale dans la banlieue de Dakar. Paris, Collection les Champs de la Santé, Université de France, p. 73).

santé. Nous pouvons toutefois nous questionner par rapport à notre statut et notre influence face aux résultats obtenus, mais le constat est tel.

Même si les propos qui suivent ne peuvent-être représentatifs de la tendance générale, il est remarquable qu'un nombre conséquent de personnes interrogées ont recours aux deux types de médecines en vigueur dans la région, afin d'obtenir un double point de vue.

« Oui ils consultent [les guérisseurs]. Premièrement, ils vont d'abord à l'hôpital, quand ça ne va pas maintenant, ils consultent le guérisseur, ou ils vont à l'hôpital et en même temps ils consultent quoi pour voir qu'est-ce qui ne va pas, peut-être dans la famille s'il y a une cérémonie à faire, ils le font, c'est pas pour les mêmes causes. (É) Il a pris l'exemple d'une femme enceinte, quand elle est enceinte, ils vont d'abord à la CPN et aussi ils vont aller consulter, voir le guérisseur et le jour qu'elle va accoucher, si elle va à l'hôpital et elle traîne elle ne va pas vite, ils vont aussi aller consulter et voir s'il y a des cérémonies à faire, ils le font et souvent même quand ils font les cérémonies, la femme accouche. Ou bien même si la femme accouche à l'hôpital, elle revient là, ils doivent aussi aller consulter un féticheur, voir bon, faire des cérémonies (É) C'est l'homme qui va et la femme ne va pas, c'est son mari qui va pour consulter. (É) Le guérisseur, il ne donne pas les soins, mais quand tu y vas, il te dit de prendre telle poule, telle poule, aller tuer chez son grand-papa, aller tuer chez tel aïeul, et ça passe, mais il ne donne pas des comprimés ou bien des choses à boire, non il ne donne pas ça, il donne seulement des consignes. (É) C'est pour assurer la santé de la maman et de l'enfant, c'est pour ça qu'ils vont consulter (É) Il dit, aller chez un tradithérapeute, un charlatan, c'est la tradition, c'est la coutume, c'est la croyance, donc il doit quand même faire les deux, tout le monde dans le village fait les deux. (É) Il n'y a pas de guérisseur dans le village ici, c'est loin d'ici, c'est plus loin que l'USP » [Traduction d'un villageois de l'aire sanitaire de Korbongou, Tône].

Comme l'énonce Fassin, « tout l'éventail symbolique et thérapeutique est mis à

contribution pour la recherche de la meilleure efficacité. Aucune contradiction n'est perçue entre les différents registres auxquels il est fait appel : la logique est celle de la guérison »154.

La conviction dans les types de traitements proposés dans les centres de santé reconnus par l'État semble insuffisante, tandis que les us et coutumes restent pour beaucoup prédominants dans les schèmes de pensée locaux. Le recours aux « guérisseurs », demeure courant et la croyance en leurs bienfaits continue à être bien ancrée ; une croyance profonde persiste.

85

154 Fassin, D., 1999, op. cit., p. 115.

86

En combinant ces deux pratiques, ils tendent à se sentir davantage rassurés. Même si la médecine « moderne » s'avère prépondérante, il est communément admis que le recours à des « tradithérapeutes » n'est ni une question de moyens financiers, ni une question de distance. De plus, ces derniers semblent être consultés pour des raisons qui dépassent le cadre strict de la guérison. Les causes de la maladie doivent être recherchées sous un angle extérieur. Elles peuvent être attribuées à un sortilège, un envoûtement, un empoisonnement ou encore un acte de sorcellerie. De ce fait, « quand il y a un malade dans la maison, il faut d'abord savoir d'où vient la maladie » [Villageois de l'aire sanitaire de Papri, Kpendjal].

Nous ne débattrons pas plus longuement de l'attachement de ces croyances dans la sphère locale, ni du poids que représentent ces pratiques, en tant que recours thérapeutiques mais des relations en vigueur entre les CS et les « guérisseurs » : elles ne sont que fort peu pratiquées, voire le plus souvent inexistantes.

Il nous est vite apparu que les CS servaient principalement d'appui aux USP et ne semblaient pas suffisamment se soucier de représenter activement les intérêts des populations villageoises. Cependant, un cas particulier évoqué ex-ante a retenu une nouvelle fois notre attention : le commissionnaire-marabout de Bougou, Tône.

- Un cas particulier : le commissionnaire-marabout de Bougou, Tône

Sous ses grands airs, cette interviewé craignait de dévoiler une fonction qui lui était propre. L'entretien fut des plus faussés pendant les cinquante-trois premières minutes de notre rencontre, moment où il admit, sur un revirement de situation, être aussi un « marabout ». Et ce après avoir dénigré pendant presque une heure les « tradipraticiens », insistant qu'ils devaient disparaître155 :

« Ceux qui vont chez les tradithérapeutes, c'est l'ignorance (É), il dit que s'il était l'autorité, ha là il dit qu'il faudrait les renvoyer, pour pouvoir laisser la médecine moderne faire son travail ».

Cinq minutes plus tard, après que le commissionnaire a retourné sa veste, le traducteur nous tient ces propos :

« Bon certains souffrent de maladies, ils sont allés à l'hôpital, ils n'ont pas eu gain de cause, ils sont arrivés chez lui, ils ont eu gain de cause. Il a ajouté que ceux qui font la

155 Les extraites d'entretiens qui suivent ont tous fait l'objet d'une traduction simultanée : [Traduction du commissionnaire-marabout de la CS de Bougou, Tône].

87

tuberculose, la toux quoi, les gens sont partis à l'hôpital avec leur toux, ils n'ont pas été guéris, ils sont arrivés chez lui, lui les a guéris ».

Mais peu après notre commissionnaire-marabout n'hésite pas à préciser, qu'il est « contre les guérisseurs qui mentent » en précisant que lui fait du bon travail. De plus, il demande sur un ton amusé « de ne pas le renvoyer, de le laisser travailler en tant que tradipraticien ! ».

Il tente de nous expliquer que son travail de « marabout » n'entrave pas celui de la CS, car il parvient à départager les cas qu'il est en mesure de soigner :

« Il dit que, eux les vieux, ils savent qu'ils n'arrivent pas à traiter toutes les maladies et quand ces malades viennent là, ils les réfèrent au niveau des USP. Les médecins aussi savent qu'il y a certaines maladies qu'ils ne peuvent pas traiter et quand ils reçoivent ces cas qu'on les réfère aussi vers les vieux. Il dit qu'entre eux, les vieux et les médecins, qu'ils collaborent, ils discutent ensemble. Mais il précise que ce n'est pas le cas de tous les vieux, mais c'est son cas à lui (É) Si quelqu'un est atteint de la tuberculose par exemple, la médecine moderne ne peut pas le soigner, donc il faut que la personne, elle vienne chez lui et quand elle vient chez lui, elle a la satisfaction, il guérit, pas besoin d'aller à l'USP. Si quelqu'un a été mordu pas un serpent, la médecine moderne ne peut pas le guérir et donc la personne elle vient chez lui. Si la personne, elle vient chez lui, ça va aller mieux dans l'immédiat. Pour les morsures, il y a une poudre, tu bois et la partie qui a été mordue là, il fait trois cicatrices là, trois traits comme ça, il prend la poudre là, il met dedans et c'est fini, tu bois aussi, c'est guéri ».

Petit à petit son discours change, et il nous dévoile de plus en plus d'informations : il fait également des accouchements. Tout en se rendant compte de l'incohérence de ses propos face à ses responsabilités en tant que commissionnaire, il poursuit:

« Les femmes qui veulent accoucher là et que c'est difficile, là aussi il a des produits, il prend ça, il donne à la femme, la femme boit quelques minutes après, l'enfant sort facilement ».

Face à notre incompréhension, nous réitérons nos propos : n'est-ce pas incompatible d'être « marabout » et membre d'une CS ? Sur un ton incertain mais amusé, notre traducteur tente tant bien que mal de narrer ses interventions :

« Par exemple si une femme est enceinte, elle ne sait pas qu'elle est à terme, qu'elle a été surprise, elle va accoucher et elle n'a pas pu venir jusqu'à l'USP, on lui fait appel et là, lui va. Mais normalement il ne fait pas ça, il dit d'aller à l'USP mais quand on l'appelle, il vient (É) Pour les morsures de serpent, comme il sait que c'est extrêmement mortel, quand quelqu'un

88

vient chez lui, il le soigne tout de suite au lieu de le référer, parce qu'il sait ce qu'il doit faire. Il a remarqué, quand les gens viennent au centre ici, on les traite, après la partie s'enfle. Or chez lui, quand quelqu'un vient pour les morsures, il cicatrise, il donne le produit, il boit et ça disparaît en même temps. Bon à l'hôpital, il y a quand même certains ça réussit, mais chez lui c'est automatiquement ».

Pour conclure, « il dit qu'il préfère que les gens se fassent soigner au niveau de l'USP ».

Suite à cette interview interpellante, nous décidons de comparer ce point de vue avec celui de la matrone de l'USP de cette même aire sanitaire. Après une brève explication, nous lui demandons de surenchérir :

« Oui je sais qu'il est guérisseur.

[Vous trouvez ça normal, qu'un membre de la Commission Santé soit guérisseur ?]

Non mais... quand on lui pose la question, il dit que c'est l'héritage de son papa. Lui il

soigne et puis après tout il dit, il faut ajouter la médecine. Il soigne.

[Mais pour certains types de maladies, comme les morsures de serpent, parfois il ne

réfère pas les malades vers l'USP]

Il a dit ça ? Ça veut dire qu'il soigne. Je sais qu'il a déjà soigné la tuberculose.

[Donc ça marche, il ne faut pas forcément venir à l'USP pour se faire soigner de la

tuberculose ?]

Je ne sais pas ! [Elle rit] Je ne sais pas ! Il ne peut pas être Commission Santé et être

thérapeute.

[Mais si, c'est exactement ce qu'il est]

Oui mais normalement il faut le laisser et prendre un autre, il est vieux c'est pour ça je dis

il faut prendre un jeune qui a au moins de l'intelligence dans la tête.

[Mais il est très intelligent, ce n'est pas ça le problème, c'est juste qu'il a une autre façon

de penser - ne sachant que répondre, elle rit]

Ha il est bon hein. (É) Mais toutes les femmes là n'accouchent pas à la maison, là il

connaît, là il ne blague pas pour ça. Mais si quelqu'un est malade là-bas, il soigne, si ce

n'est pas tellement grave, il n'amène pas à l'hôpital, donc c'est ça ».

[Propos recueillis par la matrone de l'USP de Bougou, Tône]

Une forme de profonde contradiction est donc à relever. Cette dualité omniprésente fait partie du tableau quotidien. Autant dans les USP que les CS, les prestataires admettent et acceptent une telle antinomie, tout en marquant, officiellement leur désaccord face à cette ambiguïté. Il s'avère difficile de recueillir des propos n'émettant aucune forme de

89

contradiction. De fait, le discours tenu par la majorité de nos interlocuteurs semblait indiquer en filigrane une certaine forme de reconnaissance des « tradithérapeutes ».

Cette double réalité, il va sans dire, ne rentre aucunement dans la logique du dispositif commanditée par 3ASC. Cependant chacun semble conscient de la coexistence de deux médecines et ferme les yeux, reconnaissant implicitement son impuissance (voir son absence de souhait) d'empêcher que continue à se pratiquer la médecine « traditionnelle » et plurielle. Tout le monde semble accepter l'inclusion d'un « marabout » au sein de la CS et chacun estime qu'il aura la sagesse de faire les choix appropriés suivant les circonstances.

1.1.4. La motivation

Plusieurs formes de motivation peuvent être mises en avant. Tout d'abord, le suivi est une forme de reconnaissance morale et psychologique pour l'ensemble des efforts encourus par les agents sanitaires. Des formations leur permettent de remettre leurs connaissances à jour et les stimulent longuement. L'apport d'outils et de matériels paraît hautement bénéfique. Mais malgré tous ces moyens, la motivation principale reste l'argent, et cette technique n'a pas encore été en tout point utilisée à ce jour. Cependant, « cela conduit à introduire, au sein d'une organisation publique, une logique de type marchand en jouant de la demande du consommateur comme incitatrice de l'offre » 156 . Mais suivant « l'idéal-type de la bureaucratie »157 de Weber, la dimension financière est un facteur qui doit être intégré au sein de ce processus, agissant comme signe de reconnaissance quant aux actions entreprises.

En théorie, les membres des diverses CS interrogés sont sensibles à l'amélioration de la santé dans leurs villages. Ils ont conscience de la situation à laquelle ils sont confrontés et aimeraient développer nombre d'outils pour contrer cette précarité sanitaire. Ils veulent faire face à tous les problèmes ambiants et estiment que c'est leur devoir d'agir. Ils ont bien conscience de la tâche qui leur incombe et de l'importance de se mobiliser pour trouver des solutions envisageables, indépendamment d'une motivation financière. « Parce que comme dit le proverbe, un seul bras ne peut pas entourer le baobab » [Président de la CS de Bougou, Tône]. Les CS semblent avoir bien compris la pertinence de leurs activités et ne paraissent pas forcément attendre une aide extérieure pour se stimuler.

« De mon côté, je suis là pour aider la population, je suis là pour aider les gens. Il ne faut pas attendre quelque chose pour faire ton travail, il faut faire, c'est la bénédiction que Dieu va te donner. Si tu dis que tu attends quelque chose, le travail ne se fera jamais. (É) Franchement

156 Médard, J.-F., op. cit., p. 41.

157 http://pedagogie2.ac-reunion.fr/ses/textes/Weber/burau.htm (page consultée le 27/07/2013).

90

ce qui m'a motivé c'est pour aider nos parents à se sortir des malheurs » [Membre de la CS de Bogou, Tandjouaré].

Mais n'y a-t-il là que le bien-être de la communauté ? N'y a-t-il aucun autre type de motivation à mentionner ? Nous observerons à ce propos, une forme de réutilisation de leur statut à des fins plus personnelles (ce point précis sera abordé dans la section III. 2.4. Utilisation de leur statut).

Toutefois, dans notre cadre précis, un des plus gros problèmes relatifs au fonctionnement même des CS se situe aux fondements même de leur création. Lors de l'élaboration du projet, aucune motivation financière ni matérielle n'a été prévue à leur égard. En d'autres termes, après la mise en place des CS et l'attribution des rôles de chacun, en dehors d'un suivi plus ou moins soutenu dans un premier temps, peu d'outils ou de motivations concrètes leur ont été apportés.

Les contraintes à leur égard ne sont pas très élevées car « ils se sacrifient déjà » [Employé de 3ASC]. C'est donc pour cette raison que l'on ne peut pas établir de « critères de performances » les concernant. Donc s'il n'y a pas de motivation, ils risquent de ne pas effectuer correctement leur travail. Il est difficile d'évaluer leur apport en tant que tel, aucun résultat ne peut être validé, mais aucune sanction non plus n'est émise à leur égard. De ce fait, tout continue à être reprogrammé comme avant, jusqu'à l'arrêt des financements. Il s'agit donc d'un cercle vicieux que seule une motivation plus conséquente pourrait rompre. La productivité de leurs activités s'en verrait tout de suite améliorée.

Cette motivation est intimement liée aux initiatives entreprises par 3ASC. Sans l'appui de ses agents de terrain, les CS ne semblent pas consentir à des efforts soutenus. Dans de nombreux cas, il est à constater un problème d'initiative, de leadership et de responsabilisation rendant toute forme de réalisation difficile et soumise à une lenteur indescriptible. « L'idée de responsabilité (accountability) du personnel recouvre deux dimensions : la responsabilité vis-à-vis des autorités (par le haut), la responsabilité vis-à-vis du public, c'est à dire par le bas, auxquelles pourraient être ajoutée la responsabilisation morale vis-à-vis de sa conscience, c'est à dire la responsabilisation du dedans »158.

Par ailleurs, nous avons été amené à constater un réel problème d'absentéisme, dû notamment à la multiplicité des activités et fonctions des membres des CS - en dehors du cadre strict de cet organe.

158 Médard, J.-F., op. cit., p. 38.

91

De façon générale, les CS semblent être motivées par la simple conviction que la « santé communautaire » est bénéfique. Néanmoins, de nombreux témoignages laissent entendre qu'elles ne se sentent pas suffisamment récompensées pour les efforts fournis. Tout ce qu'elles entreprennent comme actions, c'est au nom de la population, mais leurs membres en tant qu'individus, se sentent délaissés ; ils estiment que personne ne vient les soutenir concrètement dans leurs démarches, « pour eux, qui se sacrifie ? » [Employé de 3ASC].

- Le Ç Poug'ri » ;

Le « Poug'ri » est un terme communément utilisé dans le langage vernaculaire pour désigner une contribution reversée lors d'un événement ou d'une célébration. Il est perçu comme une assistance et tend à avoir une connotation péjorative. Il s'agira d'un acte infime qui sera destiné à alléger les dépenses de la personne concernée.

Dans ce cadre précis, ce terme a fait l'objet d'un transfert de langage pour signifier une motivation financière. En réalité, le « Poug'ri » fait référence aux « primes de déplacement » attribuées aux ASC. Elles consistent en une remise financière purement symbolique mais qui suffit à motiver à l'élaboration d'une tâche. Aussi, elle donne le sentiment à ses auteurs que le travail a été remarqué, pris en compte, qu'il fait l'objet d'un suivi et d'un encadrement et de ce fait, n'est pas passé inaperçu. « C'est juste pour les encourager » [Employé de 3ASC].

En juin 2012, une nouvelle attribution fut assignée au CS par 3ASC : « le suivi des ASC ». Il s'agit d'un programme spécifique. Sur la base d'une grille d'analyse constituée de « critères de performances », les CS avaient pour objectif d'évaluer elles-mêmes le travail effectué par les ASC. Concrètement, elles sont chargées d'assister les ASC, de consulter leurs cahiers de charges et de les superviser sur des thèmes comme la couverture vaccinale, les accouchements assistés et la sensibilisation par rapport aux CPN. Au cas où l'ASC faillit à ses obligations, la CS en vigueur a pour mission de l'interpeller et de le rappeler à l'ordre, suivant le contrat préétabli. Ensuite, elles ont pour obligation de valider les données récoltées par l'ASC, en collaboration avec le RFS, afin de vérifier son travail, avant que tous ces éléments ne soient collectés par 3ASC. Si les CS mènent à bien leur travail, une somme de 1000 FCFA (1,5 €) par mois leur sera remise. L'inconvénient est que l'observation en question dépend de l'accomplissement du travail par les ASC en premier lieu, faute de quoi, il ne pourra y avoir de récompense. En outre, dans le cas où des problèmes de communication ou d'harmonisation surviennent entre les ASC et les CS, ces derniers ne pourront les évaluer suivant les attentes qui leurs ont été formulées. De ce fait, nombre de rapports d'ASC semblent ne pas être remis aux CS dans les temps, ce qui rend leur tâche d'autant plus difficile.

92

« Les ASC ne nous donnent pas complètement les rapports qu'il faut, donc c'est difficile de faire le travail correctement. Par exemple, nous n'avions pas les fiches à notre niveau à temps. Sauf qu'une première fois, qu'il a envoyé les fiches et les ASC ont refusé de remplir les fiches et de donner les rapports parce qu'on ne leurs a pas donné leur prime, leur poug'ri » [Présidente de la CS de Nanergou, Tône].

Tout cet ensemble montre bien la dynamique bureaucratique actuelle : seuls les résultats sont récompensés. De plus, les CS sont d'une certaine façon victimes de la non-motivation des ASC. Il faut que les efforts fournis de part et d'autre soient distincts et n'influent en aucune manière sur l'autre type d'acteur.

Dans les faits, il a fallu six mois avant que le « Poug'ri » ne se concrétise en acte. Ce n'est que fin décembre 2012 que les membres des CS ont été conviés à se présenter au bureau de 3ASC pour récupérer leur dû. Notons que certaines aires sanitaires se trouvent à plus de 60 km de distance de Dapaong. Rien que pour le trajet aller-retour 2000 FCFA (3 €) - sur une moyenne de 4 litres/100- seront nécessaires en carburant. De plus, étant donné que l'ensemble des rapports des ASC n'a été soumis à une vérification que jusqu'à septembre 2012, les CS ne recevront que trois mois de récompenses, soit 3000 FCFA (4,5€). Bien que ce genre de récompense soit extrêmement minime, il demeure un appât. Une certaine dépense en temps, énergie et carburant est investie pour récolter un montant aussi dérisoire.

Dans tous les cas, il s'agit d'une responsabilité supplémentaire qui s'additionne à toutes les tâches - bénévoles - attribués aux CS lors de leur création. Mais, la présidente de la CS de Nanergou, Tône, tient à valoriser une certaine philosophie qui règne parmi les membres des CS :

« Faites le travail, et vous allez voir qu'est-ce qu'on va vous donner à la fin. N'attendez pas qu'on vous remette l'argent d'abord avant de faire le travail ». [Présidente de la CS de Nanergou, Tône].

Mais les CS sont-elles vraiment compétentes pour effectuer ce travail supplémentaire ? Cette tâche n'est-elle pas de trop au regard de l'ensemble des activités qu'elles doivent effectuer et peinent déjà à entreprendre ?

1.1.5. Les actions et activités

Au regard des attentes émises par le projet à destination des CS, les activités menées à l'heure actuelle sont loin d'être suffisamment efficaces. Elles ne permettent pas de toucher

93

l'ensemble de la population et ce, de façon répétée. Même si tous les acteurs du développement local s'accordent pour dire qu'une sensibilisation active et renouvelée permet de changer en profondeur les mentalités, les faits ne concordent pas avec les propos tenus lors de certaines interviews. Il est en effet fort rare de rencontrer une CS ayant visité et effectué des activités dans l'ensemble des villages.

Comme vu précédemment, lors de la création des CS, les réunions avaient lieu tous les mois. Aujourd'hui les réunions s'effectuent sur base bimestrielle, dans certains cas même trimestrielle. Plusieurs raisons expliquent ce relâchement, notamment le manque d'actions menées et le peu de résultats obtenus en un mois. Il n'y a pas suffisamment de matière à discuter.

Au cours de notre visite au sein de l'aire sanitaire de Bougou, Tône, notre traducteur révèle une information sur la CS en question:

« Normalement, ils font quatre sorties, quatre campagnes qu'ils ont faites. Plus quatre réunions trimestrielles. Mais il dit effectivement que ce n'est pas suffisant. Il dit qu'il faut redoubler d'efforts, sortir, mener les campagnes de sensibilisation » [Traduction d'un membre de la CS de Bougou, Tône].

Notre traducteur prend les devants et pose une question de lui-même :

« J'ai demandé, l'année qui vient, il pense faire combien de campagnes. Il dit que cinq. J'ai dit, ils ont fait quatre sensibilisations et ce n'est pas suffisant, et c'est quand ils vont faire cinq maintenant que ça va tout changer ! » [Traduction d'un membre de la CS de Bougou, Tône].

Les CS interrogées semblent pour la plupart trop rapidement satisfaites des actions menées. Toutes au premier abord, ont tendance à dire qu'elles ont atteint les objectifs annuels.

Par ailleurs, il semble intéressant de se questionner sur le fonctionnement effectif des activités effectuées au sein de leur aire sanitaire.

La CS de Namoudjoga, Kpendjal reconnaît clairement l'intérêt de mener des actions groupées pour assurer une certaine force de persuasion et augmenter ainsi leur impact. Elle n'a pas attendu qu'on lui dise comment agir efficacement dans le sens du projet. De plus, elle insiste sur le partage de connaissance entre les différents membres de leur CS.

« Ce qui nous a amenés à aller en groupe dans les villages, ce que ça permet à d'autres membres aussi de s'imprégner plus sur comment faire la conversation, comment discuter.

94

Parce que si on prend trois personnes, quatre personnes, leur animation est différente d'un autre groupe. Maintenant si vous allez tous en groupe, d'autres vont apprendre plus. Les petits groupes s'associent maintenant en grands groupes pour sortir ensemble et ça permet aux petits groupes là d'avoir plus de connaissances sur ce que les autres font quand ils sortent, c'est l'idée qui nous est venue. (É) Parce que le paysan a plus confiance s'il voit plusieurs personnes entrain de faire quelque chose, ils pensent que ce que ces gens là font, c'est bon. Mais si c'est deux, trois personnes, d'autres ne prennent pas l'importance. (É) Puis surtout que la Commission est composée de plusieurs villages, quand on se retrouve ensemble, ça veut dire que le message est un peu partout » [Membre de la CS de Namoudjoga, Kpendjal].

Mais, dans certains cas, les actions menées restent à l'échelle individuelle « et chacun s'occupe de sa zone, et à la fin du mois tout le monde se retrouve pour partager ses expériences » [Présidente de la CS de Nanergou, Tône]. Il semble étonnant qu'au sein de certaines CS, des activités de groupes n'aient jamais été effectuées pour avoir un impact plus ample et rendre plus attrayant le contenu de leurs propos.

« Nous n'avons jamais fait ça. (É) Compte tenu de ce qu'on nous a dit à la formation, cela n'a pas été dit qu'on devait faire ça. On nous a dit que chacun devait s'occuper dans son village et ensuite parler des problèmes qu'il a dans son village » [Présidente de la CS de Nanergou, Tône].

La force numérique est un atout de taille et certaines CS, comme celle de Nanergou, Tône ne valorisent pas suffisamment les intérêts propres à cet organe collectif : il doit se servir de l'ensemble de ses capitaux humains pour engendrer des actions renforcées ayant un impact plus conséquent.

Étant donné cette situation, il est convenable de se questionner sur les répercussions engendrées par leur rôle de « représentants » des populations villageoises.

Il est à déplorer que nombre de personnes ne sont tout simplement pas informées de l'existence des CS qui sont dans les faits fort méconnues. En interrogeant les membres des CS, tous étaient convaincus de leur notoriété sur la scène locale, à l'exception des villages « éloignés ». Cependant, une question destinée aux patients et aux personnes rencontrées au sein des villages, concernait leur degré de connaissance sur les CS. Il est apparu que la moitié des personnes interrogées n'avaient jamais pris acte de l'existence de ce type de groupement. Concernant l'autre moitié, la majorité n'en détenait qu'une connaissance partielle, ne sachant ce qu'elles effectuent concrètement. Rares étaient ceux détenant un savoir véritable concernant leur fonction et leurs activités. Dès lors nous pouvons, au regard de ces

95

informations, affirmer que les CS souffrent d'un manque de présence et de notoriété. Nous sommes donc en droit de nous questionner par rapport à leur influence véritable sur la fréquentation des centres de soins périphériques et de manière générale sur les parcours thérapeutiques des malades au sein de leur aire sanitaire respective. « Ceux qui viennent au centre de santé, savent qu'il y a une Commission Santé ici, mais ceux qui ne viennent pas ici ne savent pas » [Membre de la CS de Yembour, Tandjouaré], autant prêcher un convaincu.

Mais des villageois de l'aire sanitaire de Korbongou, Tône, infirment cette position, en précisant qu'ils fréquentent l'USP mais n'ont jamais entendu parler de la CS, après une brève explication, ils déclarent ceci :

« C'est très bon même, mais on n'a jamais vu d'activités sur la santé dans notre village. (É) Il n'y a pas d'ASC et comité ici, il faut aller à Tantoga. (É) Il faut que ces groupements viennent dans notre village pour nous sensibiliser parce que les gens sont encore ignorants, les gens ne savent pas qu'il faut se soigner au centre. Nous on va au centre mais tout le monde ne va pas » [Villageois de l'aire sanitaire de Korbongou, Tône].

Lorsque les villageois ont pris connaissance de l'existence de ces groupements, ces deniers semblent suffisamment acceptés et respectés. Même si les populations « représentées » ne paraissent pas forcément concernées ou ne s'attardent pas sur leur message, elles soutiennent leurs initiatives, jusqu'à prendre part à leurs activités. De façon générale, les personnes présentes lors des séances de sensibilisation sont attentives aux messages véhiculés. Ce qui ressort parfois, c'est l'indignation et l'incompréhension des villageois à l'égard des dirigeants et du gouvernement face à la stagnation ambiante. Mais cet état de fait ne semble pas véritablement influer sur les relations entre les villageois et les membres de CS, car ces derniers répondent que les problèmes rencontrés ne relèvent pas de leurs compétences, qu'ils sont simplement des intermédiaires entre les prestataires des USP et les populations villageoises.

Lors d'une séance au sein d'un village, le chef se permet de donner quelques consignes aux villageois, il introduit les CS et stipule :

« Qu'ils sont là pour écouter vos frères, s'y il a quelque chose, ils peuvent poser des questions mais surtout pas de violence. Celui qui sait qu'il est venu pour écouter le message que les frères ont envoyé, il n'a qu'à écouter dans la tranquillité et dans la paix. Celui qui sait qu'il est venu, ha, pour le tapage, il peut repartir. [É] Mais en ce moment on a jamais eu de ces cas-là » [Président de la CS de Bogou, Tandjouaré].

96

Par ailleurs, suivant 3ASC, les CS « analysent, collaborent et trouvent des approches de solutions aux différents problèmes rencontrés »159 dans le but d'améliorer la « qualité des soins au niveau de l'aire sanitaire », que ce soit au niveau des infrastructures sanitaires, de l'assainissement du milieu ou de la fréquentation de ces centres en question. Mais dans de nombreux cas, devant la grandeur des tâches à entreprendre, qui nécessitent des fonds pour la réalisation de travaux de grande envergure, les CS doivent se résoudre à la rédaction de plaidoyers. Bien évidemment, la sollicitation de contributions financières de la part de protagonistes du secteur public peut prendre un temps considérable, laissant en suspens la situation pendant un temps incertain. À titre d'exemple, nous pouvons mentionner la construction ou la réparation de forages, de latrines, de logements pour le personnel, de laboratoires, d'incinérateurs pour les ordures, de salles de repos pour les accouchées, d'espaces distincts destinés à la maternité, de panneaux solaires, d'électrification de l'USP, d'apatams160, de réfrigérateurs, de toitures, de moyens de déplacements, etc.

1.1.6. Les ressources matérielles

Dans le cadre du « Projet Intégré de santé dans la région des Savanes », il est à constater que les moyens mis à disposition ne sont pas suffisants pour améliorer tangiblement l'accessibilité et les échanges entre les villageois et les FS.

Une quantité d'outils sont à déplorer. Ceux-ci permettraient de modifier l'image que les populations villageoises se font des CS. Des choses aussi simples que des stylos, des cahiers en papier-carbone, en passant par des T-shirt, des sacs, des casquettes, des badges, des téléphones portables, etc. pourraient aider à les faire reconnaître, à les promouvoir et à leur inspirer le respect.

« Mener une campagne, c'est comme aller chez une fille, quand tu vas chez une fille et que tu as l'argent, la fille va vite t'accepter, mais si tu viens les mains vides, la fille va te refuser » [Membre de la CS de Bogou, Tône].

Tous les membres des CS interviewés ont déploré le manque de moyens pour engendrer des manifestations plus conséquentes, lors de leurs activités de sensibilisations. Des mégaphones aux appareils de sonorisation, en passant par des boîtes à images, tous ont

159 Document 3ASC, 2008, Recyclage des membres des Commissions Santé et des ICP, Termes de références.

160 « Construction légère dont le toit est fait de végétaux. Le terme apatam viendrait du portugais patamar "palier", "perron", "plateforme" d'après la sociolinguiste Suzanne Lafage in Français écrit et parlé en pays éwé (1985, SELAF) ».

Vu sur : http://www.dictionnaire.exionnaire.com/que-signifie.php?mot=apatam#definition (page consultée le 08/08/2013).

97

réclamé la nécessité de détenir des outils pour attirer davantage de villageois, et par là-même valoriser leurs actions.

« Quand on arrive dans les villages, on a rien. Aucun outil matériel, c'est difficile de transmettre nos messages. (É) On manque de moyens et parfois c'est difficile d'attirer l'attention. Si on avait des moyens audios ou visuels, on arrive, on met ça en place, il suffit de mettre un peu de musique, les gens vont se rassembler, ça va attirer les gens, ça permet de porter loin la parole, ce serait un atout » [Membre de la CS de Namoudjoga, Kpendjal].

Le décor actuel laisse l'impression d'un manque de légitimité des CS qui restent trop méconnues dans les populations et bien trop peu soutenues dans le rôle d'acteurs influents qu'elles sont supposées exercer. Ils semblent manquer de reconnaissance et déplore un manque de légitimité.

« Si on pouvait vraiment mettre un fonds pour les Commissions Santé pour qu'ils puissent sortir tant de fois pour faire des séances de sensibilisation, ce serait une bonne chose, surtout pour les villages éloignés, qui sont trop difficile d'accès même » [Membre de la CS de Namoudjoga, Kpendjal].

En matière de stratégies avancées, la distance peut influer sur la quantité d'activités qui y seront effectivement menées. En effet, les actions diverses, campagnes de sensibilisation, réunions inter-villageoises, etc. auront tendance à s'effectuer dans des zones plus fréquentées et relativement proches de l'USP de l'aire sanitaire en question. Par conséquent, les personnes se retrouvant dans les villages supérieurs à un rayon de 5 km peuvent se sentir moins concernées par les actions entreprises. D'autant qu'au regard des interviews effectuées avec les membres des CS, il est à constater que la distance influe véritablement sur les actions menées par ces groupements.

En effet, n'ayant pas de moyens de locomotion au sein de leur organe, il paraît fort peu envisageable de les voir se rendre fréquemment dans les villages éloignés. Toutes les CS interrogées réclament un moyen de déplacement parce que « quinze km c'est loin ! Et après il y a le retour, vous comprenez que c'est pas facile pour tout le monde » [Alain de la CS de Pogno, Kpendjal]. Il semblerait que dans la situation actuelle, les CS ne sont pas en mesure de se rendre dans les villages éloignés pour effectuer leurs campagnes de sensibilisation sans que cela constitue une tâche hors de portée au regard de la distance qui, actuellement, est parcourue à pied.

98

« Si je devais aller avec la maman [la présidente de la CS de Nanergou, Tône] dans tel village à quatre km ou cinq km avec la maman, la maman ne peut pas marcher, moi aussi je ne peux pas marcher. Si il y a des moyens de déplacements, ha maman, aujourd'hui on va aller où ? On va aller quel village ? On va aller, hein. C'est pour augmenter nos activités. On sera plus motivés. Et puis comme ça les gens vont plus comprendre. Si on reste dans la même place, parler, parler, parler, ce n'est pas bon, Il faut qu'on aille vers eux » [Membre de la CS de Nanergou, Tône].

Une telle transformation doit inévitablement passer par des campagnes d'informations quant à l'existence même de groupements défendant les intérêts villageois. Une photo de chaque membre de la CS et des autres organes relatifs à la FS pourrait être affichée dans les couloirs de l'USP concernée. Il serait même envisageable, avec très peu de moyens, de créer des prospectus au sujet des CS comme étant des personnes à la disposition de tout un chacun. Ces dépliants pourraient se retrouver dans toutes les USP et être disponibles pour tout le monde.

Suivant cette perspective bureaucratique, lorsque que tous ces moyens seront mis en oeuvre et que la motivation financière sera appliquée, des « critères de performances » pourront être élaborés, des exigences plus soutenues pourront leurs êtres assignées. En fonction des résultats constatés, elles obtiendront un montant correspondant aux efforts encourus.

En l'absence des différents outils matériels qui leurs sont nécessaires, les CS se sentent profondément dépossédées et limitées quant à leur champ d'actions. Elles semblent être dans l'attente pour enfin devenir efficaces. Ce problème de dépendance des CS vis-à-vis de 3ASC n'améliore nullement la situation, il constitue même un obstacle à toute tentative d'autonomisation de cet organe.

1.1.7. Les facteurs externes

- Les activités champêtres

L'activité des CS est à forte propension agricole. De ce fait, les activités champêtres passent devant toutes les autres occupations. Il s'agit des récoltes annuelles qui ne peuvent être reportées. De juin à octobre, les réunions ainsi que les activités sont suspendues.

« Les gens se plaignaient que durant cette période, ils n'ont pas le temps, c'est pour cela que les activités cessent pendant plusieurs mois » [RFS de Pogno, Kpendjal].

99

- Conflits intercommunautaires

Des problèmes intercommunautaires peuvent survenir dans certaines aires sanitaires, pouvant avoir des répercussions sur le fonctionnement même d'une CS. C'est le cas dans l'aire sanitaire de Papri, Kpendjal. En effet, les membres de cette CS appartiennent à deux communautés différentes et peinent à travailler ensemble. Le RFS de l'USP de Papri nous donne sa vision des faits :

« Nous avons deux communautés qui sont en conflit perpétuel, ça date depuis longtemps et cela même a fait venir le Ministre de la Santé pour constater les faits. Qu'est-ce qui se passe à Papri, on arrive pas à réhabiliter le centre ? Il est arrivé, il a touché du doigt les réalités. (É) C'est un conflit de chefferie traditionnel, c'est-à-dire, même actuellement les gens sont incarcérés par rapport à ce conflit. Donc ça date depuis fort longtemps, si bien que ça bloque certaines activités et ça bloque également le développement du milieu. La politique du milieu n'arrange rien, être en conflit perpétuel ça ne peut rien arranger » [RFS de Papri, Kpendjal].

Bien évidemment, cette situation « bloque » également les activités menées par la CS de Papri, le RFS continue son explication.

« Quand je suis arrivé ici en 2009, Anonyme [Employé de 3ASC, chargé de la supervision des CS] m'a informé de la présence de la Commission Santé dans ma localité et après on a fait une réunion à Namoudjoga par rapport à cette Commission Santé pour faire le bilan annuel de 2009. Mais cette Commission Santé n'était pas fonctionnelle. Surtout par rapport à nos problèmes qui se trouvent dans la localité que je vous disais auparavant. Parce que là c'est une Commission divisée en deux. Parce que les membres de la Commission sont dans les deux communautés et sincèrement, ils ont du mal à travailler ensemble. Donc, il n'y a jamais eu de réunions en 2010. On est retourné à la fin de 2010 à Namoudjoga pour le bilan annuel. J'avais demandé à Anonyme si on pouvait changer les membres de cette Commission Santé parce que je vois que ces membres, après la réunion c'est fini, on ne peut pas se retrouver. Bon il m'avait dit que ça demandait un peu de fonds et qu'on ne peut pas tout de suite changer. On a planifié par rapport à 2011, finalement il n'y a eu que trois réunions. Aujourd'hui, c'est toujours compliqué, on arrive mieux à s'entendre mais c'est toujours compliqué » [RFS de Papri, Kpendjal].

- Des villages oubliés

Au sein des aires sanitaires investiguées, les USP sont effectives - officiellement - pour fournir des soins décents dans un rayon inférieur à 5 km. Cependant, au regard de cette

100

situation, plus de 40% des villages161 de la région ne semblent pas desservis suivant les normes préalablement émises ; obligeant les structures de soins périphériques à agrandir leur périmètre sanitaire.

Cette situation ne peut qu'engendrer des difficultés. Aussi bien pour les prestataires de ces dispensaires, dans la prise en charge optimale - en termes de durée de consultation, de matériels, de ressources, d'infrastructures, d'espaces, etc. - vis-à-vis de l'entièreté des patients en présence, pour les malades, principalement en termes d'inaccessibilité géographique et de qualité de traitements que pour les CS augmentant véritablement le nombres d'activités à accomplir. De plus, un membre de la CS de Sanfatoute, Tône tient à souligner un autre aspect qui n'est pas du ressort de notre dispositif étudié mais qui influe inévitablement sur celui-ci.

« Il y a certains villages, vous allez, ils vous diront tout de suite qu'il ne connaissent pas la Commission Santé. Certains villages au cours des campagnes de vaccination ont été oubliés, entre temps. On ne sait pas s'il est au Burkina ou il est au Togo. Quelques fois, on ne sait pas s'il est dans l'aire sanitaire de Sanfatoute [Tône] ou Papri [Kpendjal]. Quelque part, Papri vaccine, il laisse ce village enclavé, Sanfatoute vaccine et il laisse ce village quelque part. Oublié ! Donc à un moment donné, bon, ce problème était évoqué chaque temps au cours des réunions que le major avait apporté ces informations au niveau de la DPS. Donc le DPS de Tône et celui de Kpendjal s'étaient retrouvés, ils ont discuté un jour, ils sont venus ensemble pour aller sur les lieux avec le major d'ici et celui de Papri et donc maintenant, il y a certains villages qui sont retournés à l'USP de Sanfatoute et d'autres sont partis à Papri. Donc aujourd'hui, je peux vous dire que c'est la zone-là, d'abord, qui n'est pas encore bien sensibilisée sur la Commission Santé » [Membre de la CS de Sanfatoute, Tône].

1.2.Conclusion

Notre première partie de l'analyse étant achevée, nous pouvons résolument admettre avoir pleinement exposé les dysfonctionnements intrinsèques au « Projet Intégré de Santé dans la région des Savanes ». Ceux-ci conditionnent l'existence même des CS. En réaction, elles se voient contraintes de faire face aux difficultés, malgré leur impact limité. De plus, elles servent la plupart du temps, de bouc-émissaire lorsqu'il est question du non-fonctionnement des objectifs du projet. « A partir de là, se déroule un processus de « malentendu productif » et d'ajustement sans fin entre les stratégies [des groupements locaux] (révélant bien évidemment l'hétérogénéité sociale et économique du milieu [des

161 http://main-tendue.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=99:apercu-de-la-situation-sanitaire-du-togo&catid=48:en-detail&Itemid=93 (page consultée le 04/06/2013).

101

membres de ces groupements]) et les stratégies des opérateurs de développement (révélant le caractère politique et contraignant de leur action ainsi que l'existence de pratiques très éloignées des règles formelles de l'organisation rationnelle). La lutte contre les dysfonctionnements du populisme bureaucratique alimente la croissance de la bureaucratie en même temps qu'elle nourrit les stratégies [des groupements locaux] de « détournement » des objectifs bureaucratiques »162. À cet effet, certains « mécanismes » seront mentionnés dans la deuxième partie de notre analyse, destinée à illustrer les tactiques de « débrouille » érigées par les CS, comme étant apparemment leur unique moyen de s'ajuster à la conjoncture en présence.

2. ADAPTATIONS ET « MÉCANISMES DE DÉBROUILLE »

En réponse à la première partie de notre analyse, nous signifierons à présent du caractère complexe des moyens déployés par les CS pour répondre aux objectifs qui leur furent assignés a priori.

Les CS parviennent dans une certain mesure, à assurer une forme de continuité au « Projet Intégré de santé dans la région des Savanes », malgré tout les aspects abordés ci-dessus. Les CS développent, dans certains cas des procédés ou stratégies, dont 3ASC ne semble pas toujours informé. En ce sens, ce deuxième aspect reflète ce qu'Olivier de Sardan nomme une « dérive »163, autrement dit un décalage entre les buts assignés et les réalisations effectuées.

Ceci résulte d'une forme d' « adaptation » à la conjoncture en présence. « C'est en effet dans le cadre cognitif et normé du populisme bureaucratique que les acteurs construisent leurs intérêts et élaborent alors des stratégies pour les promouvoir. Ces stratégies sont alors dépendantes de variables telles que la conjoncture, l'organisation hierarchique des organisations de développement, les particularités nationales ou la « culture d'organisation » »164.

Ceci étant, nous nous appuierons, sur notre deuxième hypothèse, de façon à orienter le canevas de notre analyse. Celle-ci fut formulée dans les termes suivants (voir I. 2.3. Hypothèses) :

162 Chauveau, J.-P., op. cit., pp. 45-46.

163 Olivier de Sardan, 1995a, op. cit., p. 140

164 Chauveau, J.-P., Ibid., p. 50.

102

« En réponse aux dysfonctionnements relevés, les Commissions Santé s'adaptent à la situation et développent des initiatives dans le souci d'assumer leur responsabilité sur la scène sanitaire locale »

Certains comportements innovants, permettent de faire face aux difficultés survenant dans l'exercice de leur fonction. Malgré les entraves du dispositif actuel, ces acteurs tendent à affirmer leur « capacité de résilience »165. Pour ce faire, nous rendrons compte de ces « mécanismes de débrouille » qui furent portés à notre attention. Il s'agit principalement de cas particuliers rencontrés au cours de nos entretiens qui méritent, à notre sens, d'être mis en lumière.

2.1.Autofinancement

Il fut décidé au sein de la CS de Bougou, Tône, que lors de chaque réunion, l'ensemble des membres reversait une somme convenue à la collectivité pour subvenir aux dépenses relatives à leur groupement. De plus, une forme de pénalité fut imposée aux retardataires. De ce fait, afin de récolter et conserver les fonds sans difficulté, ils décidèrent de choisir en interne un trésorier. Cette initiative permit de pallier un autre problème majeur : la dépendance financière vis-à-vis des bailleurs de fonds et de l'ONG 3ASC.

« On a dit que pendant les réunions, c'est important que tout le monde soit à l'heure, parce que quand on arrive pas à l'heure on peut pas parler. Et on avait dit que celui qui vient en retard, il doit payer 50 francs, parce que les autres, ils ont laissé leurs travaux, ils sont à l'heure, et toi tu es dans tes travaux, tu n'arrives pas à l'heure. Donc on fait ça. Les gens, ils viennent à l'heure maintenant. Bon et sinon on avait dit que à chaque réunion, chacun doit donner cent francs, parce que des fois, il y a des déplacements, on peut payer comme ça vers Dapaong ou là, parce que des fois, on te demande, comment on va aller ? Il faut se déplacer. Bon pour les déplacements, où il faut trouver ça ? La personne ici n'en a pas dans sa poche, donc il est obligé puisque sinon il ne peut pas aller. On a choisi un trésorier, chaque réunion, chacun donne 100 francs, 100 francs, on note, on donne au trésorier, il garde ça. À chaque réunion, 700 francs pour la Commission et on garde. Mais bon, celui qui arrive en retard, il peut donner 150 francs, donc ça peut monter » [Président de la CS de Bougou, Tône].

Par ailleurs, la CS de Nanergou, Tône a décidé récemment d'appliquer le même système :

165 Chauveau, J.-P., op. cit., p. 52.

103

À chaque réunion, tous les deux mois, nous mettons maintenant de l'argent dans une cagnotte, cent francs, deux cents francs par personne, selon les moyens, le 20 de chaque deux mois nous récoltons des petits fonds. Comme ça en cas de problème, nous pouvons utiliser cet argent, avec ça maintenant on peut démarrer. C'est de l'argent de notre poche, mais on considère que ce n'est pas grand chose. Comme on n'a pas de moyens, on doit faire quelque chose, chaque deux mois, on met quelque chose. Comme ça, si on vous appelle à une réunion très urgente, et il doit venir, avec quoi maintenant il va aller ? Si il y a l'argent maintenant, on peut prendre dedans, mille francs ou mille cinq-cents francs pour lui remettre, il va prendre un zem [moto-taxi], aller-retour, c'est bon » [Membre de la CS de Nanergou, Tône].

Il continue son explication par rapport au manque de moyens pour superviser correctement le travail des ASC.

« Concernant les fiches de rapport des ASC. On nous remet une fiche et nous on va photocopier ça à nos frais et puis partager ça aux ASC, or il y a une photocopieuse à 3ASC. Vous voyez, ce n'est pas normal. On ne nous donne pas l'argent pour aller faire ça. On doit toujours mettre la main à la poche, alors qu'il y a des moyens. C'est pour ça, par exemple, qu'on a mis en place ce système de cagnotte » [Membre de la CS de Nanergou].

La CS de Namoudjoga, Kpendjal, tente quant à elle, de mettre en place des initiatives génératrices de revenus, en partenariat avec les populations de son aire sanitaire afin d'utiliser ces ressources financières a posteriori pour se rendre vers le centre de santé et augmenter les adhésions à la mutuelle de santé, et ainsi bénéficier de soins de santé de plus ample qualité.

« Il dit, c'est toujours le même problème de moyens financiers que la population rencontre, mais quand même il arrive souvent qu'ils appuient la population à mener des activités génératrices de revenus afin de pouvoir subvenir à leurs besoins, ils leurs donnent des conseils sur le jardinage, sur les activités champêtres, qui peuvent leur permettre d'avoir un peu de sous pour pouvoir s'adhérer à la mutuelle et venir plus vite vers le centre. C'est aussi un rôle qu'ils mènent et ils auraient bien besoin de l'appui pour faire la promotion de cette initiative, de ces activités génératrices de revenus. Ceci pourrait augmenter les revenus de la population et par conséquent augmenter le taux de pénétration de la mutuelle de santé » [Traduction d'un membre de la CS de Namoudjoga, Kpendjal].

Par ailleurs, un membre de la CS de Sanfatoute, Tône a effectué un plaidoyer pour détourner une certaine somme d'argent destinée à un autre effet pour améliorer les conditions matérielles du centre.

104

« Moi j'ai fait aussi un plaidoyer au niveau de Bonfonden la semaine passé et que, ça a marché quand même. Parce que chez nous à Bonfonden là-bas, chaque mois il y a le parrainage des enfants qui arrive. Bon, et moi j'avais dit, les mois passés, on a acheté les nattes et tout pour le jardin d'enfants qui nous entoure, cette fois-ci on a eu aussi un parrainage, mais l'argent n'était pas beaucoup, c'était 28.000 [42 €] comme ça. Mais au cours des propositions, j'ai dit bon, est-ce qu'il ne pourrait pas appuyer l'USP avec quelque matériel pour que ça nous aide. Les gens ont compris la proposition, et on a décidé d'acheter 20 litres de pétrole pour la chaîne de froid pour garder bien les produits, on a proposé d'acheter aussi 10 litres d'alcool au moins pour déposer à la salle de pansements, comme ça quand les gens ils viennent on peut essayer de nettoyer aussi leurs plaies, ensuite le coton et les bandes. Donc aujourd'hui le président du COGES est parti là-bas, il est membre aussi de la Commission, ils vont acheter ça demain matin pour l'USP, bon c'est un pas, une petite chose. Ça peut aller » [Membre de la CS de Sanfatoute].

Ces différentes mesures mentionnées ci-dessus témoignent d'une volonté propre de la part des CS de subvenir à leurs propres besoins de commissionnaires face aux problèmes financiers qui les touchent. De telles initiatives permettent une forme de continuité, du moins tendent-elles à résoudre certaines difficultés quotidiennes et ainsi à répondre à quelques unes des tâches qui leur incombent.

2.2.Relations de proximité

En dehors des relations établies, nombreuses sont les interactions auxquelles les CS prennent part, et notamment entre des groupements villageois en tous genres. De ce fait, les membres de ces CS prennent place dans le paysage et appliquent des procédés divers, via les connexions qui sous-tendent les réseaux existants. Ces relations leur sont bénéfiques car elles leur permettent de développer des procédés propres à réaliser certaines des actions qui sont à leur programme. Nous en énumérerons quelques unes qui nous furent narrées au cours de nos interviews.

- Réunion avec les thérapeutes traditionnels

Lors de réunions de sensibilisation au alentour de l'USP, la CS de Bougou, Tône à pris l'initiative de faire jouer de ses réseaux pour inviter des thérapeutes traditionnels à se joindre à leur réunion. Le président de la CS de Bougou, Tône témoigne de son expérience :

« On avait fait quelques réunions de sensibilisation ici, on avait appelé les guérisseurs même, ils étaient venus ici avec nous. On a appelé tout le monde qu'on connaissait. Tous, tous. On a posé les questions, qu'est-ce que vous pouvez guérir ? Qu'est-ce que vous ne

105

pouvez pas guérir ? On leur a demandé comment vous guérissez les gens ? Et chacun explique en fonction des maladies. Ils donnent leurs impressions, comment ils font. Et le major a donné aussi comment on peut guérir les gens ici. On voit que eux aussi ils ont des besoins pour soigner les gens. On a beaucoup échangé. On voit que beaucoup de gens vont les voir donc on essaye de parler, de se comprendre. Parce qu'on veut tous une meilleure santé. (É) Mais moi je ne vais pas les voir, j'essaye d'expliquer au gens de venir à l'USP mais les gens continuent d'aller les voir. C'est comme ça. Donc on fait ces réunions. On échange. (É) Ils doivent être là quand même, ils soignent. Après tu entends qu'il est malade et il est déjà parti chez le guérisseur donc tu n'as pas le droit d'aller le tirer de là-bas pour l'amener ici, tu es obligé de le laisser faire ça. S'il croit qu'il a été envoûté, il va aller chez un guérisseur, mais c'était peut-être un abcès, mais pour lui c'est seulement en allant chez le guérisseur que ça peut guérir. Donc il faut que les guérisseurs connaissent un peu » [Président de la CS de Bougou, Tône].

Un membre de la CS de Kourientre, Tône nous explique qu'ils ont établi un système pour que la référence vers des centres de santé puisse se faire correctement.

« On a mis au point des étapes, si c'est le palu ou les infections respiratoires, s'il y a des signes en particulier, il faut qu'ils réfèrent eux-mêmes » [Membre de la CS de Kourientre].

- Relations avec les membres des CMB

Les contacts avec les différents groupements rattachés à l'USP peuvent être bénéfiques. Nombreux sont ceux qui se côtoient au quotidien. De plus, ils utilisent leurs relations à d'autres fins :

« Avec l'animatrice du CMB de Nanergou, Julienne [spécialisée dans l'adhésion de nouveaux membres à la mutuelle de santé], d'abord quand elle vient, c'est à mon niveau et puis moi je les invite et je les assiste. Je connais le rôle de chacun. La présidente, elle ne sait pas écrire, donc c'est le secrétaire qui tient le livret pour les collectes. Certaines femmes viennent à mon niveau, je collecte et puis je vais leur remettre. Elles sont motivées selon le nombre de personnes qui adhèrent. Donc comme elles savent que je connais beaucoup de personnes et qu'on m'écoute je les aide et puis elles m'aident, vous comprenez ? (É) Et puis on s'aide aussi pour les villages, vous voyez, on ne peut pas aller partout. Donc quand elles vont quelque part, elles m'informent et puis moi j'informe les membres de la Commission comme ça on va ailleurs, on essaye d'aller dans le plus d'endroits possible comme ça » [Présidente de la CS de Nanergou, Tône].

106

L'utilisation de leurs réseaux est fondamentale pour mener à bien leurs activités et dépasser les exigences formelles qui leurs sont assignées. En ayant recours à ce type de relations de proximité, elles satisfont davantage ce présupposé de « représentativité » qu'elles se doivent de valoriser.

2.3.Consternation

Lors d'un entretien de groupe, le débat s'est orienté autour des prix en vigueur dans les USP ainsi que de l'amplification du phénomène des mutuelles de santé dans le paysage. Malgré son affiliation à la mutuelle, la présidente de la CS de Nanergou, Tône nous explique son scepticisme passé :

« Tu payes si bien croyant que tu es mutualiste, plus même. Mais plus maintenant, avant c'était comme ça. Les frais augmentent plus vite quand tu es mutualiste, ce n'est pas normal. Il y en a qui dépensent jusqu'à 15.000 francs, mais un non-mutualiste on ne va pas lui faire payer ça. On a prescrit à une femme jusqu'à 15.000, le mari est venu auprès de moi, il me dit : c'était trop dur. Je suis venu ici, j'ai dit d'aller me prendre le carnet. On me dit qu'on ne me remet pas le carnet, on ne va pas me remettre le carnet. Je me dis c'est grave, on va voir le produit qu'on a prescrit, et finalement quand Julienne [spécialisée dans l'adhésion de nouveaux membres à la mutuelle de santé] est venue, j'ai expliqué, Julienne a pris le carnet, on nous a dit que c'est le médecin-conseil qui dit quand ça dépasse 15.000, de ne pas diviser, Julienne est partie soulever le problème là-bas. Le médecin-conseil a dit que non, que lui n'a pas dit ça et il a photocopié le produit même qu'il a prescrit et dit qu'il n'a pas conseillé à l'USP, le produit qui a été prescrit n'a pas été conseillé !? » [Présidente de la CS de Nanergou, Tône].

Une rencontre avec une patiente de l'USP de Naki-est, Kpendjal vient corroborer cette constatation :

« Elle dit, l'année passée elle est rentrée dans la mutuelle et cette année elle est ressortie. L'année passée quand elle n'était pas dans la mutuelle, quand elle venait en consultation elle dépensait... le plafond c'était deux mille. Maintenant, quand elle est rentrée dans la mutuelle le plafond jusqu'à cinq mille et au delà. Elle dit, c'est presque le même soin mais maintenant le plafond va à cinq mille. Donc quand elle est dans la mutuelle les soins reviennent plus cher. Elle trouve que maintenant, c'est comme si... comme elle est dans la mutuelle, on se dit que, on l'aide donc c'est un avantage pour elle, donc le centre veut maintenant profiter de ça pour augmenter les coûts de prestations » [Traduction d'une patiente de l'USP de Naki-est, Kpendjal].

107

Devant cette difficulté, la CS de Nanergou a décidé de prendre des mesures :

« On a vu ça, on s'est dit qu'est-ce qu'il faut faire ? Il faut qu'on se renseigne là-bas pour voir le prix de chaque médicament, et on note chaque prix, on fait un tableau, on met ça chez l'infirmier, quand tu viens, tu crois que c'est pas correct, bon allez voir ce que tu as acheté là, c'est pas la même somme qu'il y a écrit ici ? Donc là aussi, les gens ont dit que ça va » [Présidente de la CS de Nanergou, Tône].

L'influence décisionnelle couplée aux réseaux informels permet de telles actions. Les CS ont certes une forme d'autorité au sein de leur aire sanitaire respective.

2.4.Utilisation de leur statut

Au-delà de la dimension « projet », les CS bénéficient d'une forme de légitimité sur la scène locale. Nous nous concentrerons, dans l'exemple qui suit, sur l'utilisation de leur statut de commissionnaire à des fins diverses.

Lors d'une interview avec un membre de la CS de Bougou, Tône, nous l'avons questionné sur les changements qu'il aurait pu constater sur le plan personnel, depuis son insertion dans cet organe. Notre interprète nous explique les propos tenus :

« Il dit que sa vie a changé. Quand il n'était pas membre du comité là, il se faisait soigner difficilement. Depuis qu'il est membre, quand il vient là, c'est rapidement qu'on le prend en charge et on fait tout pour lui. (É) Mais on ne le privilégie pas, celui qui est venu premièrement, c'est obligé, c'est lui qui passe avant, mais on le soigne bien, c'est tout, c'est plus facile qu'avant » [Membre de la CS de Bougou, Tône].

Par ailleurs le rapporteur de la CS de Bogou, Tandjouaré, nous explique que son appartenance à des groupements divers lui attribue une position particulière :

« Donc depuis que j'ai commencé à m'impliquer, j'ai été secouriste, ASC, Commission Santé, je suis aussi de la Croix-Rouge. Donc en tout cas quand je passe quelque part, on sait que je suis venu dans le domaine de la santé. Quand les gens on des problèmes, ils viennent vers moi pour m'expliquer par exemple en saison des pluies quand il y a une inondation, les maisons sont tombées ou bien il y a des choses à enlever... en tout cas on m'informe parce que je suis le point focal de Bogou, il faut qu'on m'informe pour que je puisse enregistrer leur nom et remettre ça au coordinateur ou président préfectoral. Donc en tout cas je suis écouté, si je dis que je suis pas écouté, c'est pas juste. Je transmets toujours les informations. (É) Après

108

on peut me remercier, on peut me donner à manger, une pintade... » [Rapporteur de la CS de Bogou, Tandjouaré].

Parfois, il s'agit simplement d'une explication simpliste quant à l'influence dont certains commissionnaires peuvent bénéficier lors de ces interactions.

« Il dit qu'il entretient de bonnes relations avec sa communauté, et j'ai demandé quelles relations ? Il dit maintenant, tout ce qu'il dit à la communauté, les gens acceptent facilement. On l'accueille bien quoi, on le respecte plus qu'avant » [Traduction d'un membre de la CS de Bougou, Tône].

Tous ces dires témoignent d'une forme d'utilisation de leur statut de commissionnaire pour étendre leur influence et leur « pouvoir » dans le paysage local. En s' « appropriant » cette responsabilité, ils bénéficient d'avantages divers grâce aux réseaux qu'ils mobilisent.

2.5.Conclusion

Cet ensemble de « mécanismes de débrouille » observés et ci-dessus relatés, nous permet d'affirmer que les CS ont élaboré leur propre forme d'adaptation au « Projet Intégré de santé dans la région des Savanes » pour établir le lien entre le modèle importé et la réalité du terrain. Pour autant, nous nous sommes principalement intéressé à une série de « dérives » apparues dans le sens de la continuité du projet.

Face aux contraintes qui sous-tendent la dynamique « projet », deux aspects essentiels ressortent pour notre discussion : en premier lieu les CS démontrent qu'elles sont contraintes de trouver les moyens de surmonter les obstacles à la réalisation de leurs objectifs premiers ; mais par cette adaptabilité-même, elles font preuve d'une réelle capacité à élaborer des stratégies susceptibles d'améliorer leurs conditions.

109

IV. DISCUSSION

L' « approche participative » a marqué d'une certaine façon l'ensemble des initiatives prises en matière de développement, en réponse aux PAS élaborés dans les 1980. Toutefois, la dynamique actuelle laisse entrevoir un décalage grandissant entre les discours et les réalisations effectives. Ces dernières, à maints égards institutionnalisées et instrumentalisées par les protagonistes du développement local, ne semblent pas refléter véritablement les discours endogènes. Mais selon Lavigne Delville, des nouvelles configurations s'invitent dans les schémas développementistes actuels, visant à renouveler la notion même de « participation ».

En s'étant appliqué à analyser, suivant une perspective diachronique et synchronique, l'action du « Projet Intégré de santé dans la région des Savanes », nous pûmes nous atteler, dans le sens de Jean-Pierre Chauveau, à « une déconstruction en règle des conceptions naïves de la participation »166. Pour preuve, nous avons relevé les dysfonctionnements étudiés dans le cadre de cette recherche, lesquels nous permirent de faire apparaître de nombreuses contradictions en interne, aboutissant le plus souvent à un renforcement des dynamiques coercitives entre les responsables du projet et les personnes en charge de son application.

La présente étude, vouée à une méthodologie strictement définie, suivant une démarche empirique, nous a amené à souligner, dans le cadre du « Projet Intégré de santé dans la région des Savanes », une dissonance criante entre les objectifs revendiqués et les pratiques appliquées. L'un des résultats de la posture affichée est de ne faire ressortir que bien davantage les faiblesses de la dynamique actuelle en matière sanitaire dans la région des Savanes. Plus loin, nous pûmes mettre en lumière une série de « mécanismes » mis en oeuvre par les CS pour s'adapter à la conjoncture en présence.

De ce fait, tout au long de notre analyse, il s'est agi de répondre à notre question de recherche présentée, ex ante, en ces termes : « Dans quelle mesure, l'insertion des Commissions Santé sur la scène sanitaire locale Ð à travers l'ONG 3ASC Ð permet-elle l'élaboration d'une dynamique « participative » véritablement endogène ? ».

A fortiori, notre analyse s'est astreinte à vérifier les sous-tendus de cette dynamique « participative » revendiquée dans le cadre du projet étudié. Par delà la rencontre avec un dispositif déficient, le projet en question déploie en guise de remède une persuasion aveugle visant à renforcer ses structures initiales, elles-mêmes à l'origine de ses déficiences. Le

166 Lavigne Delville, Ph., op. cit., p. 162.

110

concept de « populisme bureaucratique » initié par Chauveau est toujours applicable. En ce sens, ce dispositif bureaucratique développementiste, axé sur la « participation », qui fait vivre le « Projet Intégré de santé dans la région des Savanes » ne semble pas caractérisé par une forme d'indépendance endogène. Il continue à revendiquer ses prérogatives sous des airs bienfaisants. Même si des améliorations tangibles apparaissent sur la scène, celles-là résultent uniquement d'accomplissements dirigés par des acteurs externes. Leur but principal semble être de chercher à justifier, à travers les résultats, les raisons de leur présence et donc à la pérenniser. Bien davantage, les CS tendent à devenir elles-mêmes les « diffuseurs » de cette vision développementiste. Dans ce contexte, alors qu'aucun réel changement de fond n'est tangible, les efforts considérables qui sont déployés pourraient être résumés en trois mots : un éternel recommencement.

Ceci étant, devrions-nous nous arrêter à un constat aussi pessimiste, et exclure toute approche en matière de « participation communautaire » dans la région des Savanes ? Les CS n'ont-elles aucun avenir dans cette constellation ? En s'inscrivant dans une « rhétorique réactionnaire » au sens de Hirschmann, la posture déconstructiviste n'est-elle pas condamnée « à l'inanité, à la perversité ou même aux dangers de l'approche participative quant aux objectifs fondamentaux du développement »167 ?

Si une position de rupture n'est pas souhaitée, une perspective alliant dispositif institutionnel et prises de décisions émises à la base, par des instances locales, pourrait peut-être en définitive, aboutir à davantage de changements de fond ? Concrètement, grâce à une collaboration plus efficiente, axée sur des négociations transformationnelles et aspirant à une construction commune ? Mais, il va sans dire, le risque de céder aux schémas passés est grand et toute nouvelle initiative encourt le sérieux risque de rester vaine. De plus, cette perspective ne devrait pas ignorer les effets indésirables causés par une action structurante, qui elle-même détermine les comportements des protagonistes concernés. « Les rapports entre contexte socio-politique, volonté des commanditaires et des animateurs, et procédures sont au coeur d'une telle analyse, visant à comprendre les modalités, les enjeux et les effets des dispositifs participatifs »168.

Alors que le complexe dispositif mis en place semble, à maints égards, inébranlable, il apparaît qu'une forme d'ouverture, fondée sur la volonté d'« utiliser les procédures, les règles, les dispositifs pour produire des déplacements partiels et ouvrir des espaces de débat

167 Chauveau, J.-P., op. cit., p. 30.

168 Lavigne Delville, Ph., op. cit., p. 182.

au profit de certains acteurs »169, permettrait d'initier des changements notoires. Mais au-delà de cette dimension, sujette à polémique, « l'approche participative est d'abord et avant tout un mode historique de « gouvernementalité » » 170 . C'est pourquoi, au-delà d'une vision « déconstructiviste », il semblerait nécessaire de « déconstruire » la notion même d' « approche participative » vouée à une justification continuelle de son authenticité, permettant ainsi une redéfinition en aval des principes mêmes de son action.

111

169 Lavigne Delville, Ph., op. cit., p. 177.

170 Chauveau, J.-P., op. cit., p. 30.

112

V. CONCLUSION GÉNÉRALE

L'objet principal de ce mémoire aura été d'examiner en profondeur la dynamique « participative » des Commissions Santé au sein de la région des Savanes, Togo. Pour ce faire, nous avons analysé les tenants du dispositif « projet » et les répercussions causées par l'apport d'outils exogènes sur des groupements villageois.

Dans un premier temps, afin de procéder à notre étude de cas sur les Commissions Santé dans les districts sanitaires de Kpendjal, Tandjouaré et Tône, nous nous sommes attelé à présenter le concept de « populisme bureaucratique », développé par Chauveau suivant une perspective déconstructiviste. Ensuite, soucieux de procéder à une analyse qualitative empiriquement vérifiée, nous avons élaboré une méthodologie rigoureuse visant à percevoir les principes et aboutissants du processus « projet » coordonné par 3ASC. Après avoir circonscrit les limites de notre recherche et effectué une présentation détaillée de son cadre, nous avons tenté de mettre en évidence les dysfonctionnements inhérents à une telle situation. En effet, le fait de l'appartenance des Commissions Santé de la région des Savanes à un vaste appareil bureaucratique, mais aussi l'existence des limites auxquelles elles sont soumises - suivant une direction qui écarte la globalité de la problématique, notamment certaines composantes propres à la réalité du terrain - sembleraient expliquer leur relatif échec dans de nombreux cas.

Devant cette « impossibilité » de mener à bien le projet institutionnalisé, perpétuellement axé vers les résultats, les Commissions Santé sont amenées à développer des « dérives », pour aller au-delà d'une telle politique et faire vivre une dynamique endogène assurant ainsi une certaine continuité de la volonté « participative ».

Selon nos observations, les Commissions Santé ont fait preuve d'un esprit constructif en s'initiant à diverses mécanismes pour assurer la continuité des présupposées interventions qui leur ont jusqu'ici incombé. En d'autres termes, par delà les difficultés de communication et d'incompréhension entre les défenseurs du dispositif et les agents locaux de développement, nous avons assisté à une réelle qualité d'adaptation au sein de cet organe.

Toutefois, nous pûmes en tous points constater que la dynamique « participative », tant clamée, se résume le plus souvent à une illusion de façade où la connivence factice se réinvente sans cesse pour dissimuler la mainmise réelle, en arrière plan, des décideurs extérieurs. Les Commissions Santé n'ont qu'une marge de manoeuvre restreinte. Elles doivent intégrer le « langage-projet » pour être reconnues par le système, intitulé à tort « santé

113

communautaire » et ainsi faire porter leur voix. De par ce simple fait, l'intervention endogène semble ne rester qu'une intention formulée.

D'un autre côté, se complaire devant l'échec des « développeurs », en s'appliquant à la critique sincère, qui se résume le plus souvent à la passivité des acteurs locaux, serait un aboutissement insuffisant de notre recherche.

Devant cette impasse, une dynamique nouvelle pourrait surgir. La notion même de « participation » revêt une ambiguïté et cette confusion est source de convoitise. Elle peut être aussi bien réutilisée par les décideurs de l'extérieur en guise d'instrumentalisation, que réappropriée par les acteurs sur le terrain à des fins de contestation171. Les frontières sont perméables. Il est toutefois dangereux de voir la solution dans la combinaison des valeurs. En ce qui nous concerne, le dénouement est à envisager dans une perspective socio-anthropologique.

Dans le sens de Dozon, nous espérons que notre étude aura modestement contribué à « rendre intelligible le cadre de l'action de développement »172 en Afrique de l'Ouest à travers l'exemple des Commissions Santé. Toutefois, s'il est vrai que la meilleure façon de rendre ce cadre saisissable est de le définir comme un « champ politique »173, nécessaire à décrypter, une telle prise de conscience ne peut-elle ouvrir les horizons de toutes les parties prenantes y compris de la socio-anthropologie ?

Ainsi paradoxalement, grâce à la question du développement tant critiquée, un champ d'application s'offrirait à la socio-anthropologie, trop longtemps cantonnée à l' « observation participante ». Un nouveau « champ du possible » 174, fondé sur l'action, se dessinerait. Le rôle de « tiers entre développeurs et développés » 175 que pourrait jouer cette discipline lui ouvrirait ainsi une perspective nouvelle allant dans le sens d'une science appliquée. En ralliant la connaissance à l'action - tout en gardant le recul nécessaire à toute science - la socio-anthropologie du développement ne pourrait-elle envisager de s'engager sur la voie de l'action participante ?

171 Lavigne Delville, Ph., op. cit., p. 182.

172 Dozon, J.-P., 1991, « Le dilemme connaissance-action : le développement comme champ politique », Bulletin de l'APAD [En ligne], 1, mis en ligne le 23 juin 2006. (Page consultée le 10 août 2013).

Vu sur : http://apad.revues.org/291.

173 Dozon, J.-P., Ibid.

174 Dozon, J.-P., Ibid.

175 Dozon, J.-P., Ibid.

114

VI. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

OUVRAGES :

- AGAMBEN, G., 2007, Qu'est-ce qu'un dispositif ?, Éditions Payot & Rivages, Paris. - BENOIST, J., (sous la direction de.), 1996, Soigner au pluriel. Essais sur le pluralisme médical, Karthala ; Médecines du Monde, Paris.

- BRUNET-JAILLY, J., 2000, « La politique publique en matière de santé dans les faits en Afrique de l'Ouest francophone. In GRUENAIS, M.-E. & POURTIER, R., « La santé en Afrique : anciens et nouveaux défis », Afrique Contemporaine, 195, pp. 191203.

- CHAUVEAU, J.-P., 1994, « Participation paysanne et populisme bureaucratique. Essai d'histoire et de sociologie de la culture du développement », in JACOB, J.-P., LAVIGNE DELVILLE, Ph. (sous la direction de.), Les organisations paysannes en Afrique : organisations et dynamiques, Karthala, Paris, pp. 25-60.

- DOZON, J.-P., 1987, « Ce que valoriser la médecine traditionnelle veut dire », in Politique Africaine, n°32, pp. 9-20.

- FASSIN, D., 1999, Pouvoir et maladie en Afrique. Anthropologie sociale dans la banlieue de Dakar. Paris, Collection les Champs de la Santé, Université de France.

- FASSIN, D., 2006, Quand les corps se souviennent. Expériences et politiques du sida en Afrique du Sud, La Découverte, Paris.

- GEERTZ, C., 1983, Bali : Interprétation d'un culture, 1973, trad. fr. 1973, rééd. Gallimard, coll. « Bibliothèque des sciences humaines », Paris.

- GRUENAIS, M.-E., 2001a. « Un système de santé en mutation : le cas du Cameroun », Bulletin de l'APAD, 21.

- GRUÉNAIS, M.-E., 2001b, « Communautés et État dans les systèmes de santé en Afrique », in HOURS, B., (dir.), Systèmes et politiques de santé. De la santé publique à l'anthropologie, Paris, Karthala, pp. 67-85.

- JACOB, J.-P. & LAVIGNE DELVILLE, Ph. (sous la direction de.), 1994. Les organisations paysannes en Afrique : organisations et dynamiques. Karthala, Paris.

- JAFFRÉ, Y. & OLIVIER DE SARDAN, J.-P., 2003a, « Pourquoi et comment de telles enquêtes sur un tel sujet ? », in JAFFRÉ, Y. & OLIVIER DE SARDAN, J.-P., Une médecine inhospitalière. Les difficiles relations entre soignants et soignés dans cinq capitales d'Afrique de l'Ouest, Karthala, Paris, pp. 9-17.

- JAFFRÉ, Y. & OLIVIER DE SARDAN, J.-P., 2003b, « Un diagnostic socio-anthropologique : des centres de santé malades... » in JAFFRÉ, Y. & OLIVIER DE

115

SARDAN, J.-P., Une médecine inhospitalière. Les difficiles relations entre soignants et soignés dans cinq capitales d'Afrique de l'Ouest, Karthala, Paris, pp. 51-102.

- JOIRIS, D., V. & BIGOMBE LOGO, 2010, Gestion participative des forêts d'Afrique centrale, Éditions Qu3/4, Versailles.

- KLECZKOWSKI, B.M., ELLING, R.H. & SMITH, D.L., 1985, « Appui des systèmes de santé aux soins de santé primaires », étude basée sur les discussions techniques tenues pendant la 34e assemblée mondiale de la santé (1981), Cahiers de santé publique, Genève, OMS, n°80.

- LAVIGNE DELVILLE, Ph., « Du nouveau dans la « participation » ? Populisme bureaucratique, participation cachée, et impératif délibératif », in JUL-LARSEN, E., LAURENT, P.-J., LE MEUR, P.-Y. & LEONARD. (Éds), Une anthropologie entre pouvoirs et histoire. Conversations autour de l'oeuvre de Jean-Pierre Chauveau, Paris/Marseille/Uppsala, Karthala-IRD-APAD, pp. 161-188.

- LONG, N., 1992, « Introduction », In LONG, N., LONG, A., (eds), Battlefields of Knowledge. The Interlocking of Theory and Practice in Social Research and Development, Routledge, London.

- MEDARD, J.-F., 2001, « Décentralisation du système de santé publique et ressources humaines au Cameroun », in GRUENAIS, M.-E.,. « Un système de santé en mutation : le cas du Cameroun », Bulletin de l'APAD, pp. 23-47.

- MULLER, J-D., 1989, Les ONG ambiguës. Aides aux Etats, aides aux populations ?, L'Harmattan, Logiques sociales, Paris.

- OKALLA, R., LE VIGOUROUX, A., 2001, « Cameroun : de la réorientation des soins de santé primaires au plan national de développement sanitaire », in GRUENAIS, M.-E., « Un système de santé en mutation : le cas du Cameroun », Bulletin de l'APAD, 21, pp. 11-22.

- OLIVIER DE SARDAN, J.-P., 1995a, Anthropologie et développement. Essai en socio-anthropologie du changement social, Karthala, Paris.

- OLIVIER DE SARDAN, J.-P., 1995b, « La politique du terrain. Sur la production des données en anthropologie », in PASSERON, J.-C., Les terrains de l'enquête, Edition Parenthèses, Marseille, pp. 71-109.

- OLIVIER DE SARDAN, J.-P., 2003, « Pourquoi le malade anonyme est-il si « mal traité » ? Culture bureaucratique commune et culture professionnelle de la santé », in JAFFRÉ, Y. & OLIVIER DE SARDAN, J.-P., Une médecine inhospitalière. Les difficiles relations entre soignants et soignés dans cinq capitales d'Afrique de l'Ouest, Karthala, Paris, pp. 265-294.

116

- OLIVIER DE SARDAN, J.-P., 2008, La rigueur du qualitatif - Les contraintes empiriques de l'interprétation socio-anthropologique, Bruylant-Academia, Louvain-La-Neuve.

- VAN LERBERGHE, W., DE BROUWERE, V., 2000, « Etat de santé et santé de l'Etat en Afrique subsaharienne », in GRUENAIS, M.-E. & POURTIER, R., « La santé en Afrique : anciens et nouveaux défis », Afrique Contemporaine, 195, pp. 175190.

- VIDAL, L., 2009, « L'anthropologie de l'aide humanitaire et du développement. Entre exigences méthodologiques, ambition épistémologique et souci éthique », in ATLANI-DUAULT, L., VIDAL, L., (sous la direction de.), Anthropologie de l'aide humanitaire et du développement. Des pratiques aux savoirs, des savoirs aux pratiques. Armand Colin, Paris, p. 229-252.

- WORLD BANK, 1987, Financing Health Services in Developing Countries : An Agenda for Reform, A world Bank Policy Study.

DOCUMENTS ET REVUES CONSULTÉS

- 3e et 4e rapports périodiques du gouvernement togolais sur la mise en oeuvre de la convention relative aux droits de l'enfant, février 2010.

- Document 3ASC, 2008 « Projet Intégré de santé dans la région des Savanes. Processus

de mise en place des Commissions Sante. (Distinction des tâches CS-COGES) ».

- Document 3ASC, 2008, Recyclage des membres des Commissions Santé et des ICP,

Termes de références.

- Document 3ASC, 2009, Dr. TCHALLA, A., M.-ESSOH (DPS Kpendjal), Rapport des activités du district sanitaire de Kpendjal.

- Document 3ASC, 2010, Revue annuelle 2010, Direction Préfectorale de la Santé de Tône, ECD Tône, 2011.

- JOIRIS, D., V., 2010-2011, Anthropologie du développement et de l'environnement (cours ULB SOCA-D-443).

- Ministère de la santé, Direction Générale de la santé, « Normes du district sanitaire au Togo », République Togolaise, Février 2001.

RÉFÉRENCES ÉLECTRONIQUES

- http://ec.europa.eu/europeaid/where/acp/overview/lome-convention/lomeitoiv_fr.htm (Page consultée le 25/07/2013).

117

- http://pedagogie2.ac-reunion.fr/ses/textes/Weber/burau.htm#debut (page consultée le 27/07/2013).

- http://base.d-p-h.info/fr/fiches/premierdph/fiche-premierdph-6349.html (page consultée le 27/07/2013).

- http://www.recherche-

qualitative.qc.ca/revue/hors_serie/hors_serie_v5/savoie_zajc.pdf (page consultée le 14/07/2013).

- http://www.unicef.org/french/infobycountry/togo_statistics.html#90 (page consultée le 7 mai 2013).

- http://www.statistiques-mondiales.com/moins_de_15_ans.htm (page consultée le 7 mai 2013).

- http://www.who.int/topics/health_systems/fr/ (page consultée le 05/06/2013). - http://www.statistiques-mondiales.com/togo.htm (page consultée le 07/05/13).

- http://apps.who.int/iris/bitstream/10665/44857/1/9789242564440_fre.pdf (page

consultée le 08/05/13).

- http://www.tg.one.un.org/index.php?option=com_content&view=article&id=108&Ite mid=57&lang=fr&22deed25c3d823d8a03393a3e7f6efd7=8fb7d9d4730cd3cc9085fe1 e2822ace8 (page consultée le 18/05/13).

- http://www.sante.gouv.tg/index.php?option=com_docman&task=doc_download&gid =14&Itemid=3 (page consultée le 06/05/2013).

- http://main-tendue.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=99:apercu-de-la-situation-sanitaire-du-togo&catid=48:en-detail&Itemid=93 (page consultée le 07/05/13).

- http://www.unicef.org/frdench/infobycountry/togo_statistics.html#88 (page consultée le 07/05/13).

- http://donnees.banquemondiale.org/indicateur/SH.H2O.SAFE.ZS (page consultée le 08/05/13).

- http://www.who.int/whosis/whostat/FR_WHS09_Table6.pdf (page consultée le 08/05/13).

- http://www.imf.org/external/french/pubs/ft/scr/2010/cr1033f.pdf (page consultée le 18/05/13).

- http://www.who.int/management/working_paper_7_fr_opt.pdf (page consultée le 17/07/2013).

- http://www.aho.afro.who.int/profiles_information/index.php/Togo:Context_and_back ground_of_the_health_system/fr (page consultée le 04/06/2013).

118

- http://persocite.francite.com/districtsanitaire/presentation.html (page consultée le 09/06/2013).

- http://www.dictionnaire.exionnaire.com/que-signifie.php?mot=apatam#definition (page consultée le 08/08/2013).

- http://apad.revues.org/291: DOZON, J.-P., 1991, « Le dilemme connaissance-action :

le développement comme champ politique », Bulletin de l'APAD [En ligne], 1, mis en ligne le 23 juin 2006. (Page consultée le 10/08/2013).

- http://www.ong-togo.tg/fiche.php?page=15&menu=4 (page consultée le 10/08/2013) - http://www.togogateway.org/spip.php?article154 (page consultée le 05/06/13).

119

VII. ANNEXES

A1. DESCRIPTION DE L'ONG 3ASC

« Association d'appui aux Activités de Santé Communautaire » (3ASC) est une Organisation Non gouvernementale (ONG) de droit togolais qui fut fondée le 28 février 1996. Il s'agit d'une Association Sans But Lucratif (ASBL) qui vit le jour grâce à une initiative de l'ONG flamande Vredeseilanden, plus connue en français sous le nom de « Îles de Paix ». L'initiative de base de cette nouvelle association togolaise était de poursuivre, de développer et de pérenniser les actions de Soins de Santé Primaires (SSP) entreprises par cette ONG belge à travers une structure nationale.

Cette ONG exclusivement togolaise, dont le siège se situe à Dapaong, dans la région des

Savanes, a pour ambition d'améliorer l'offre de santé des communautés locales dans la région

la plus septentrionale du Togo. Pour cela, ses interventions se divisent en différents volets :

- Santé communautaire ;

- Lutte contre les IST/VIH/SIDA ;

- Eau, l'hygiène et l'assainissement du milieu ;

- Promotion des mutuelles de santé ;

- Appui à l'amélioration de la qualité des soins dans les FS;

Cette petite ONG intervient dans les cinq districts existants de la région des Savanes (Cinkassé, Kpendjal, Oti, Tandjouaré et Tône). Elle tend à délimiter ses actions sur certains groupes cibles particuliers qui se trouvent être les populations rurales, les groupements villageois, les femmes et les enfants.

De surcroît, elle valorise un procédé pluridisciplinaire via la contribution d'une multitude d'acteurs issus de background fort différents. On retrouve au sein de son personnel des infirmiers, assistants médicaux, sociologues, géographes, spécialistes de la santé publique, etc. Cet esprit de collaboration visant une démarche holistique favorise l'interdisciplinarité de son champ d'action, à savoir la « santé communautaire ».

Sur le plan local, 3ASC, grâce au soutien de LD et de ses autres partenaires, s'avère être une ONG fort appréciée dans les districts sanitaires qu'elle épaule, pour son appui technique, matériel médico-technique, en médicaments, en termes de formations et de supervisions.

120

- Discours

La vision explicitée par 3ASC, principalement à travers sa brochure et les propos généraux du coordinateur, s'attache à valoriser l'« accroissement des capacités de l'être humain, de son énergie créatrice et physique, dans un processus de développement dont le facteur essentiel est la promotion de la santé communautaire fondée sur l'implication des hommes et des femmes en vue de l'amélioration de leur état de santé ». Cela passe obligatoirement par un renforcement des SSP destiné à améliorer l'environnement des populations villageoises des cinq districts sanitaires existants.

Suivant les dires de l'association, leur méthode d'intervention s'élabore « à travers la planification des actions en fonction des besoins exprimés par les bénéficiaires et ceci dans la dynamique d'une approche participative et la mobilisation des communautés pour leur autopromotion ».

- Actions

3ASC valorise certains domaines d'actions particuliers qui semblent essentiels à l'amélioration des conditions de vie et de santé des zones rurales de la région des Savanes. Quatre domaines d'actions justifient ses activités :

· Santé et Nutrition : elle participe à l'amélioration des soins curatifs, préventifs et promotionnels et contribue au développement du système d'approvisionnement en médicaments dans les FS ;

· Lutte contre la pauvreté : elle vise à l'amélioration de l'accès aux soins de santé, notamment grâce aux mutuelles de santé et mène des campagnes d'information et d'éducation sur les problèmes de santé, en particulier les IST/VIH/SIDA ;

· Infrastructures communautaires : elle réalise des puits, latrines, citernes, cases de santé, maternités, dispensaires, etc. ;

· Renforcement des capacités : elle forme des agents endogènes (Agents de Santé Communautaires - ASC et Accoucheuses Traditionnelles - AT), et met en place et forme des Commissions Santé (CS) et des Comités de Gestion (COGES) ;

- Caractéristiques institutionnelles

3ASC comporte 4 organes à son actif, à savoir :

· L'assemblée Générale, qui se compose de 35 personnes physiques et morales ;

· Le conseil d'Administration qui compte 7 administrateurs et veille à l'application des orientations définies par l'Assemblée Générale ;

· Le Commissariat aux comptes, avec deux personnes élues ;

· La Coordination : comme son nom l'indique, cet organe coordonne et dirige l'ensemble des activités de l'institution et la représente devant les tiers. Elle dispose d'un service administratif et financier ; elle est appuyée par un comité de coordination composé des responsables des différents volets.

- Ressources financières

3ASC tente de développer des activités génératrices de revenus. Cependant ses ressources financières proviennent majoritairement de la cotisation de ses membres, des legs et dons mais surtout de l'ensemble des financements en provenance de ses partenaires et bailleurs de fonds.

Voici ses principaux partenaires et bailleurs de fonds176 :

Partenaire

Type de partenaire

Nature du partenaire

PNUD

Étranger

Financier

UNICEF

Étranger

Financier

LOUVAIN-

DÉVELOPPEMENT

Étranger

Financier et Matériel

Vredeseilanden

Étranger

Financier, Matériel et Technique

IRHA

Étranger

Financier

DGCD

Étranger

Financier

DRS/Savanes

National

Technique

DRH/Savanes

National

Technique

DRPAT/Savanes

National

Technique

121

176 http://www.ong-togo.tg/fiche.php?page=15&menu=4 (page consultée le 10/08/2013)

GSH1 (CS) GSH2 (Prestataires) GSH3 (Patients) GSH4 (Villageois) 3ASC Autres Total

Kpendjal

Naki-est 0 3 (deux infirmiers + sage-femme) 2 (patientes) 1 (femme du chef d'un village) 2 (Radio Communautaire) 8

Namoudjoga 1 (groupe) 1 (RFS) 0 2 (Village de Natare) 4

Pogno 0 1 (RFS) 1 (Patiente) 3 (deux villageoises + ASC) 5

Papri 1 (ASC &CS) 1 (RFS) 2 2 6

Kwampit 3 (Président + 2 membres) 1 (Aide soignant) 0 1 5

Tandjouaré

Bogou 3 (Président, conseiller, membre) 1 (Infirmier stagiaire) 0 1 (Imam) guérisseur 6

Nassongue 4 (Président, secrétaire, conseiller, membre) 1 (Aide-infirmier) 1 (Groupe) 0 6

Yembour 3 (Président, informateur, membre & COGES) 1 (RFS) 1 1 6

Doukpélou 1(Informateur) 1 (RFS) 1(ménagère) 0 3

Lokpano 3 (Président, membres) 1 (RFS) 0 2 groupe (pharmacien,CMB & COGES) 7
T8ne

Korbongou 3 (2 + 1groupe) 1 (Infirmier) 1 1 (groupe) guérisseur 7

Bougou 3 (CS & guérisseur, président, membre) 1 (Matrone) 0 0 4

Sanfatoute 1 (groupe) 2 (Accoucheuse, aide-soigant) 0 2 5

Kourientré 2 (Président, Membre) 1 (Infirmier) 0 1 5

Nanergou 1(groupe) 0 1 1 groupe ASC 4
Dapaong

Bureau 3ASC / / / / Anonymes 4
Total

29 17 10 18 5 6

85

122

A2. TABLEAU DES ENTRETIENS ET ENREGISTREMENTS

123

A3. QUESTIONNAIRES

- Questionnaire 1 : Les CS (GI 1)

1. Comment vous appelez-vous et de quel village venez-vous ?

2. Pouvez-vous me décrire votre rôle et votre parcours au sein de la CS ?

3. Pouvez-vous m'expliquer à quoi servent les CS ? Quelle est leur utilité première ?

4. Pourquoi avez-vous décidé de devenir membre CS ? Quelle est votre motivation ?

5. Selon-vous, qu'est-ce qui a changé depuis 2008 (depuis la création) ?

6. Trouvez-vous que la qualité des soins s'est améliorée ces cinq dernières années ?

7. Trouvez-vous que l'USP est suffisamment fréquentée ?

8. Pouvez-vous m'expliquer comment se déroulent vos réunions mensuelles ?

9. Que pensez du suivi actuellement mis en place ?

10. Avez-vous le sentiment que vos doléances sont suffisamment entendues par 3ASC et les agents de terrain ?

11. Trouvez-vous que les communautés villageoises et les leaders d'opinion participent
suffisamment au travail de sensibilisation concernant l'amélioration de la santé ?

12. Avez-vous le sentiment de vous faire écouter de tous ? Que tout le monde vous respecte ?

13. Comment faites-vous lorsque que quelqu'un n'est pas intéressé par ce que vous avez à dire ? Quels arguments mettez-vous en avant ? Comment vous y prenez vous pour sensibiliser des adhérents potentiels ? D'après-vous y a-t-il toujours un problème d'ignorance dans l'aire sanitaire ?

14. Combien de villages y a t-il dans l'aire sanitaire ? Est-ce que vous vous êtes rendu dans tous les villages depuis l'existence des CS ?

15. Combien de membres êtes-vous ? Ratio ? Ne serait-il pas important d'avoir un membre par village ?

16.

124

Pouvez-vous m'expliquer en quoi consiste votre travail ? Comment se déroule une activité de sensibilisation ? A combien sortez-vous ?

17. Vous manque-t-il des moyens pour mener à bien vos activités ?

18. Qu'est-ce qui vous motiverait à être plus actif en tant que membre de la CS ? A ce que votre message soit mieux entendu/compris ?

19. Trouvez-vous que l'organisation CS fonctionne bien ? Qu'est-ce qui pourrait être amélioré, selon-vous ? Quelles sont les difficultés que vous rencontrez ?

20. Combien de villages avez-vous vus en 2012 ? Combien d'activités de sensibilisation avez-vous effectuées en 2012 ?

21. Est-ce suffisant ?

22. Avez-vous des contacts avec les CMB/COGES ?

23. Quels étaient vos objectifs principaux pour l'année 2012 ?

24. Avez-vous le sentiment d'avoir atteint vos objectifs fixés lors pour l'année 2012 ?

25. Êtes vous satisfait quant au degré atteint ?

26. Est-ce que tout le monde vous connaît dans l'aire sanitaire ?

27. Éprouvez-vous le sentiment que votre vie a changé depuis que vous êtes membre CS ? Avez-vous l'impression d'incarner un nouveau statut au sein de la communauté ? Est-ce que vos rapports avec les autres membres de la communauté ont changé ?

28. Que pensez-vous du fait d'être bénévole ?

29. Y a-t-il une bonne entente entre les membres de la CS ? Y a-t-il des problèmes à ce niveau là ? Présent/passé ?

30. Tout le monde est-il d'accord sur la façon de mener vos activités ?

31. Pour quelles raisons, selon vous, les villageois peuvent-ils être réticents à l'idée de se rendre dans une USP ?

32. Avez-vous déjà entendu des plaintes de la part des villageois quant à leur prise en charge dans les USP ? Mauvais accueil, etc ?

33.

125

Trouvez-vous qu'il est facile de s'orienter lorsque l'on se présente dans l'USP pour la première fois ?

34. Pensez-vous que les patients sont suffisamment informés du coût des prestations ?

35. Quelle est votre appréciation des services/prestations fournis par votre formation sanitaire ? Êtes-vous satisfaits de la qualité des services?

36. Quelle est votre opinion du personnel ? (Pensez-vous que les prestataires des USP font bien leur travail ? Si non, pourquoi ?)

37. Pensez-vous qu'il y a des abus, qu'ils profitent de leur situation pour faire des choses qui ne sont pas complètement dans les règles ?

38. Que pensez-vous des conditions d'hygiène de l'USP ?

39. Selon-vous quelles sont les principaux éléments de qualité que l'on devrait trouver dans une Formation Sanitaire ?

40. Que pensez-vous de l'influence des tradithérapeutes dans l'aire sanitaire ? Quels effets ont-ils sur la fréquentation de l'USP ?

41. D'après-vous, pour quelles raisons les villageois se rendent-ils chez les tradithérapeutes ?

42. Pour quels types de maladies les villageois se rendent-ils à l'USP/pour quels types chez un tradithérapeute ?

43. Parlez-vous aux guérisseurs de l'importance de référer les patients à l'USP lorsqu'ils ne sont pas en mesure de les soigner, que le problème les dépasse ?

44. En excluant systématiquement la qualité des soins des tradipraticiens et en favorisant l'importance de se rendre dans les USP, ne sommes nous pas en train d'encourager la perte de la médecine traditionnelle ? Est-ce une bonne chose selon-vous ? Pour une meilleure santé au Togo, faut-il qu'elle disparaisse ?

45. D'un point de vue culturel, est-ce une bonne chose que les tradithérapeutes disparaissent ? Au risque de perdre tout un pan des traditions ancestrales, des coutumes encore en vigueur aujourd'hui ?

46. Que pensez des aires sanitaires qui ne possèdent pas de CS ?

47.

126

Connaissez-vous des organisations de solidarités au sein de votre village ? Tontine, CVD, club des mères, comités d'eau, etc. ? Si oui, développez.

48. Selon-vous, les ASC font-ils bien leur travail ?

49. De façon générale, que pensez-vous du travail de sensibilisation effectué dans votre communauté par rapport à l'adhésion à une mutuelle ou à l'importance de se rendre dans les soins de santé ? Est-ce que le problème de l'ignorance persiste ?

50. Quelles suggestions aimeriez-vous faire pour améliorer la qualité des soins dans les USP et les relations USP/populations? Pour améliorer le fonctionnement ?

- Questionnaire 2 : Les Prestataires (GI 2)

1. Comment vous appelez-vous et de quel village venez-vous ?

2. Pouvez-vous me décrire votre rôle et votre parcours au sein de l'USP ?

3. Quel est votre horaire de travail ?

4. Uniquement au responsable en charge :

Serait-il possible de me donner une estimation pour ceci :

> Nombre de prestataires ?

> Nombre de villages que regroupe l'aire sanitaire ?

> Quelle est la population de l'aire sanitaire ?

> (Combien y-a-t-il de docteurs dans le district ?)

> Nombre de patients/jour ?

> Accouchements/mois ? Croyez qu'aujourd'hui, plus de femmes accouchent à

domicile ou à l'USP ?

> Consultations Prénatales/jour ?

> Maladies prépondérantes ? > Les horaires de l'USP ?

5. 127

Que pensez-vous de l'organisation/des conditions de l'USP ?

Pouvez-vous me décrire des problèmes/difficultés que vous avez rencontrés dans l'exercice de votre travail.

6. Avez-vous des problèmes relatifs au matériel, manque d'espace et de personnel ?

7. Comment gérez-vous vos déchets ?

8. Trouvez-vous que l'USP est suffisamment fréquentée ?

9. Trouvez-vous que la qualité des soins s'est améliorée ces cinq dernières années ?

10. Pensez-vous que les patients sont suffisamment informés du coût des prestations ?

11. Quel genre de relations avez-vous avec vos collègues de travail ?

12. Faites-vous des réunions sur une base régulière ?

13. Que pensez-vous des conditions d'hygiène de l'USP ?

14. Uniquement à l'Infirmier-Chef de poste :

· Est-ce que tous les prestataires de l'USP ont les qualifications requises ?

· Vous est-il déjà arrivé de sanctionner un des membres du personnel de l'USP ? Pourquoi ?

15. Pensez-vous qu'il est facile pour un patient de s'orienter lorsqu'il se présente dans l'USP pour la première fois ? Quelles sont les modalités qu'il doit remplir à son arrivée ?

16. Quel est le temps moyen d'attente ?

17. Uniquement à l'Infirmier-Chef de poste :

· Pouvez-vous m'expliquer comment se déroule une consultation

· Combien de questions lui posez-vous

· Combien de temps dure une consultation ?

· Expliquez-vous au patient ce dont il souffre ?

18.

128

Que dîtes-vous aux patients qui n'ont pas suffisamment d'argent pour être traité ou pour payer tous les médicaments requis ?

19. Autorisez-vous la vente de « demi-traitements » ?

20. Sensibilisez-vous vos patients quant à l'importance de terminer les traitements prescrits ?

21. En dehors de l'aspect financier, pensez-vous que certaines personnes puissent être réticentes à l'idée de se rendre dans les USP ? Si oui, pourquoi ?

22. Vous arrive-t-il de faire des consultations privées ou des prestations à domicile ?

23. Vous est-il déjà arrivé d'appliquer un traitement de faveur à certains patients (parents, amis, connaissances) ?

24. En guise de remerciement, vous arrive-t-il de recevoir des cadeaux de la part des patients ? Si oui : Avez-vous tendance à traiter ce patient comme un privilégié ?

25. Que pensez-vous du rôle des CS dans l'amélioration de la qualité des soins, de vos conditions de travail ?

26. Que pensez-vous du rôle des CS en tant qu'agent de sensibilisation? Les villageois sont-ils moins ignorants qu'avant, d'après-vous ?

27. Quels changements avez-vous constatés depuis la création des CS au sein de la formation sanitaire ?

28. Selon vous, ces organes sont-ils fonctionnels ? Points à améliorer ? Font-ils bien leur travail d'après vous ?

29. Quelles sont les relations que vous entretenez avec les membres de la CS (que vous en soyez vous-même membre, ou non) ?

30. Que pensez-vous de la supervision qui actuellement mise en place à l'encontre des CS ? Comment se déroule le suivi ?

31. Que pensez-vous des aires sanitaires qui n'ont pas de CS ?

32. Trouvez-vous que les populations villageoises et les leaders d'opinion participent suffisamment au travail de sensibilisation concernant l'amélioration de la santé ?

33.

129

Trouvez-vous que les populations villageoises et les leaders d'opinion participent suffisamment au travail de sensibilisation concernant l'amélioration de la santé ?

34. De façon générale, que pensez-vous du travail de sensibilisation effectué dans votre communauté par rapport à l'adhésion à une mutuelle ou à l'importance de se rendre dans les soins de santé ? Y a-t-il toujours d'après-vous un problème d'ignorance persistant ?

35. Que pensez-vous de l'influence des tradithérapeutes dans l'aire sanitaire ? Quels effets ont-ils sur la fréquentation de l'USP ?

36. D'après-vous, pour quelles raisons les villageois continuent-ils à se rendre chez les tradithérapeutes ?

37. Pour quels types de maladies les villageois se rendent-ils à l'USP/pour quels types chez un tradithérapeute ?

38. En excluant systématiquement la qualité des soins des tradipraticiens et en favorisant l'importance de se rendre dans les USP, ne sommes nous pas en train d'encourager la perte de la médecine traditionnelle ? Est-ce une bonne chose selon-vous ? Pour une meilleure santé au Togo, faut-il qu'elle disparaisse ?

39. D'un point de vue culturel, est-ce une bonne chose que les tradipraticiens disparaissent ? Au risque de perdre tout un pan des traditions ancestrales, des coutumes encore en vigueur aujourd'hui ?

40. Êtes-vous satisfait de votre salaire ?

41. En guise de conclusion, avez-vous des propositions/suggestions/propositions à émettre pour améliorer vos conditions de travail (matériel, eau potable, électricité, laboratoire, taille de l'USP, etc.), pour valoriser davantage les relations entre prestataires et membres de la communauté, pour une sensibilisation renforcée, pour améliorer le travail des CS, bref pour une meilleure santé ?

42. Demander les documents relatifs à la fréquentation de l'USP

130

- Questionnaire 3 : Les Patients (GI 3)

1. Comment vous appelez-vous et de quel village venez-vous ?

2. Pourquoi êtes-vous ici (dans l'USP) ?

3. Depuis quand êtes-vous là ? Combien de temps avez-vous dû patienter ?

4. Combien de temps après l'apparition des symptômes avez-vous décidé de vous rendre dans l'USP ?

5. Venez-vous souvent ici ?

6. Trouvez-vous qu'il est facile de s'orienter lorsque l'on se présente dans l'USP pour la première fois ?

7. Pouvez-vous me raconter votre première expérience au sein de l'USP.

8. Fréquentiez-vous un autre centre de santé avant cela ? Ghana, Burkina Faso, etc.? Si oui, pour quelles raisons avez-vous changé ?

9. Que pensez-vous du personnel de l'USP ?

10. Vous sentez-vous correctement traité ? Êtes-vous satisfait de votre prise en charge ?

11. Lorsque vous vous rendez dans une USP avez-vous le sentiment d'être entre en bonnes mains ? Que l'on s'occupe bien de vous ? Vous sentez-vous rassuré ? Êtes-vous convaincu par la qualité des soins obtenus dans l'USP ?

12. Le personnel soignant vous informe t-il du mal dont vous souffrez ?

13. Avez-vous déjà rencontré des problèmes dans l'USP ?

14. Avez-vous déjà été témoin d'un traitement de faveur de la part des prestataires ?

15. Selon-vous, qu'est-ce qui pourrait améliorer le bon fonctionnement de l'USP ? Les relations entre les prestataires et les patients ?

16. Trouvez-vous que la qualité des soins s'est améliorée ces cinq dernières années ?

17. Avez-vous des enfants ? Où votre femme a-t-elle accouchée/où est-ce-que vous avez accouché ? Consultation Prénatale ? Combien de fois ? Comment s'est passée la prise en charge ?

18.

131

Dans votre entourage, connaissez-vous des femmes qui accouchent encore à domicile ?

19. Trouvez-vous que les soins coûtent trop cher ? Est-ce que le coût des soins constitue un frein à votre fréquentation du centre ?

20. Avez-vous le sentiment d'être suffisamment informés du coût des prestations ?

21. Est-ce que la distance entre l'USP et votre village constitue un frein à votre fréquentation du centre ?

22. Connaissez-vous des organisations de solidarité au sein de votre village ? Tontine, CVD, club des mères, comités d'eau, etc. ? Si oui, développez.

23. Connaissez-vous la CS ? Les membres ?

24. Savez-vous ce qu'ils font ? Leur travail ?

25. Que pensez-vous du rôle des CS et en tant qu'agent de sensibilisation? Les villageois sont-ils moins ignorants qu'avant, d'après-vous ?

26. Quels changements avez-vous constaté depuis la création des CS au sein de la formation sanitaire (USP et votre village) ? Avez-vous le sentiment qu'ils ont aidé votre village d'une quelconque manière ?

27. Selon vous, ces organes sont-ils fonctionnels ? Points à améliorer ? Font-ils bien leur travail d'après vous ?

28. Quelles sont les relations que vous entretenez avec les membres du CS ? Pouvez-vous leur parler librement ? Sachant qu'ils sont censés vous représenter, avez-vous le sentiment qu'ils prennent votre avis en compte ? Leurs avez-vous déjà émis des suggestions ? Propositions ? Solutions envisageables ?

29. Que pensez-vous des aires sanitaires qui n'ont pas de CS ?

30. Trouvez-vous que les communautés villageoises et les leaders d'opinion participent suffisamment au travail de sensibilisation concernant l'amélioration de la santé ?

31. Vous intéressez-vous à la gestion de l'USP ?

32. De façon générale, que pensez-vous du travail de sensibilisation effectué dans votre communauté par rapport à l'adhésion à une mutuelle ou à l'importance de se rendre dans les soins de santé ?

132

Les gens sont-ils suffisamment informés, quant à l'importance de se rendre dans les USP et d'être affiliés à une mutuelle ? Selon vous les gens sont-ils encore trop ignorants ?

33. Consultez-vous d'autres formes de médecine en parallèle ? Vous arrive-t-il de

consulter un guérisseur, un charlatan, un tradithérapeute, etc. ? Qui en particulier ? Pour quelles raisons ?

Si oui :

· Pouvez-vous m'expliquer quel type de soins il pratique sur vous ?

· Pouvez-vous me raconter un problème qui vous est arrivé, qui vous a amené à le consulter ?

Si non :

· D'après-vous, pour quelles raisons les villageois se rendent-ils chez les tradithérapeutes ?

34. Pouvez-vous me dire, pour quel type de maladie vous vous rendriez-vous chez un tradipraticien, et pour quel autre dans une USP ?

35. Prenez-vous des médicaments ? Ou bien optez-vous pour d'autres types de soins, ou les deux ? Lesquels ? Automédication ?

36. A votre avis, qu'est-ce qu'il faudrait changer dans l'organisation actuelle pour donner envie aux réticents de se rendre dans les USP ? Pour améliorer la santé de votre village ? Pour améliorer le fonctionnement de l'USP ?

- Questionnaire 4 : Les villageois (GI 4)

1. Comment vous appelez-vous ?

2. Combien dépensez-vous par an pour vos frais de santé ?

3. Allez-vous parfois dans une USP ?

4. Comment gérez-vous vos dépenses pour votre santé ? Trouvez-vous que les soins coûtent trop cher ?

·

133

Si un grave problème de santé surgit pour vous ou l'un des membres de votre famille, comment comptez-vous réagir (quel type de traitement, financièrement, etc.) ?

· Est-ce que le coût des soins constitue un frein à votre fréquentation du centre ?

5. Que pensez-vous du personnel de l'USP ?

6. Trouvez-vous qu'il est facile de s'orienter lorsque l'on se présente dans l'USP pour la première fois ?

7. Vous traites-ils correctement ? Êtes-vous satisfait de votre prise en charge ?

8. Lorsque vous vous rendez dans une USP avez-vous le sentiment d'être en de bonnes mains ? Que l'on s'occupe bien de vous ? Vous sentez-vous rassuré ? Êtes-vous convaincu par la qualité des soins que l'on vous prescrit dans l'USP ?

9. Le personnel soignant vous informe-t-il du mal dont vous souffrez ?

10. Avez-vous déjà rencontré des problèmes dans l'USP ?

11. Avez-vous déjà été témoin d'un traitement de faveur de la part des prestataires ?

12. Selon-vous, qu'est-ce qui pourrait améliorer le bon fonctionnement de l'USP ? Les relations entre les prestataires et les patients ?

13. Trouvez-vous que la qualité des soins s'est améliorée ces cinq dernières années ?

14. Trouvez-vous que l'USP la plus proche est trop loin de votre village ?

15. Trouvez-vous que les soins coûtent trop cher ? Est-ce que le coût des soins constitue un frein à votre fréquentation du centre ?

16. Avez-vous le sentiment d'être suffisamment informés du coût des prestations ?

17. Avez-vous des enfants ? Où votre femme a-t-elle accouché ? Où est-ce-que vous avez accouché ? Consultation Prénatale ?

18. Dans votre entourage, connaissez-vous des femmes qui accouchent encore à domicile ?

19. En cas de problème, pouvez-vous compter sur l'aide de la communauté ? Les membres du village sont-ils solidaires avec vous ?

134

Connaissez-vous des organisations de solidarités au sein de votre village ? Tontine, CVD, club des mères, etc. ?

20. Connaissez-vous la CS ? Les membres ?

21. Savez-vous ce qu'ils font ? Leur travail ?

22. Que pensez-vous du rôle des CS en tant qu'agent de sensibilisation? Les villageois sont-ils moins ignorants qu'avant, d'après-vous ?

23. Quels changements avez-vous constaté depuis la création des CS au sein de la formation sanitaire (USP et votre village) ? Avez-vous le sentiment qu'ils ont aidé votre village d'une quelconque manière ?

24. Selon vous, ces organes sont-ils fonctionnels ? Choses à améliorer ? Font-ils bien leur travail d'après vous ?

25. Quelles sont les relations que vous entretenez avec les membres de la CS ? Pouvez-vous leur parler librement ? Sachant qu'ils sont censés vous représenter, avez-vous le sentiment qu'ils prennent votre avis en compte ? Leurs avez-vous déjà émis des suggestions ? Propositions ? Solutions envisageables ?

26. Que pensez-vous des aires sanitaires qui n'ont pas de CS ?

27. Trouvez-vous que les communautés villageoises et les leaders d'opinion participent suffisamment au travail de sensibilisation concernant l'amélioration de la santé ?

28. Vous intéressez-vous à la gestion de l'USP ?

29. De façon générale, que pensez-vous du travail de sensibilisation effectué dans votre communauté par rapport à l'adhésion à une mutuelle ou à l'importance de se rendre dans les soins de santé ?

Les gens sont-ils suffisamment informés, quant à l'importance de se rendre dans les USP et d'être affiliés à une mutuelle ? Selon vous les gens sont-ils encore trop ignorants ?

30. Trouvez-vous que l'ASC fait du bon travail ? La situation a-t-elle changé depuis qu'il est là ?

31. Avez-vous une moustiquaire ?

32. Est-ce le cas de tous les gens de votre village ?

135

33. Vous arrive-t-il de consulter un guérisseur, un charlatan, un tradithérapeute ? Si oui :

· Pouvez-vous m'expliquer quel type de soins il pratique sur vous ?

· Pouvez-vous me raconter un problème qui vous êtes arrivé, qui vous a amené à le consulter ?

Si non :

· Connaissez-vous des personnes qui y vont ?

34. Pouvez-vous me dire, pour quel type de maladie vous vous rendriez-vous chez un tradipraticien, et pour quel autre dans une USP ?

35. En excluant systématiquement la qualité des soins des tradipraticiens et en favorisant l'importance de se rendre dans les USP, ne sommes nous pas en train d'encourager la perte de la médecine traditionnelle ? Est-ce une bonne chose selon-vous ? Pour une meilleure santé au Togo, faut-il qu'elle disparaisse ?

36. D'un point de vue culturel, est-ce une bonne chose qu'ils disparaissent ? Au risque de perdre tout un pan des traditions ancestrales, des coutumes encore en vigueur aujourd'hui ?

37. Prenez-vous des médicaments ou optez-vous pour d'autres types de soin, ou les deux ? Lesquels ?

38. Si vous n'auriez plus à payer pour aucun de vos frais médicaux, pour quel type de soins opteriez-vous ?

39. Avez-vous des suggestions/propositions pour améliorer le fonctionnement de l'USP et la satisfaction des populations ?

136

A4. PRINCIPAUX PROBLÈMES DE SANTÉ AU TOGO

Voici un tableau représentants « les cinq principales causes de consultations externes, au niveau national, pour l'année 2011 » :

Rang

Causes

Nombre de
consultants

Taux de morbidité
proportionnelle (%)

1

Paludisme

673745

38,78

2

Plaies-traumatismes

143403

8,25

3

Infections aigues
voies respiratoires

130256

7,5

4

Parasitoses
intestinales

81499

4,69

5

Gastro-entérite

32871

1,89

Source: DISER/MS177

En parallèle, au regard d'un document intitulé « Normes du District sanitaire au Togo »178 déployé par la DGS qui mentionne les « problèmes prioritaires de santé au Togo », on peut y apercevoir quelques différences ; voici les cinq premiers que l'on y retrouve :

Rang

Problèmes prioritaires de santé

1

Paludisme

2

Maladies diarrhéiques

3

Infections respiratoires aiguës

4

Maladies du PEV (Rougeole, Tétanos, Diphtérie,
Poliomyélite, Coqueluche, Tuberculose)

5

Malnutrition

Toutefois, la rigueur exige une interprétation prudente de ces chiffres. En effet, il s'avère que la plupart des USP visitées n'ont pas de laboratoires équipés pour octroyer des diagnostics précis aux patients. Dans de tels cas, la qualité des soins même apparaît douteuse.

On peut toutefois constater que le VIH/SIDA ne fait pas partie des cinq problèmes prioritaires de santé au Togo. Toutefois, même en n'arrivant qu'en sixième place, ce virus

177 http://www.sante.gouv.tg/index.php?option=com_docman&task=doc_download&gid=14&Itemid=3 (page consultée le 08/05/2013).

178 Ministère de la santé, Direction Générale de la santé, «Normes du district sanitaire au Togo», République Togolaise, Février 2001, p. 9.

137

reste fort présent, malgré un certain recul du phénomène ces dernières années. En 2009, le nombre de personnes, tous âges confondus, vivant avec le VIH s'élève approximativement à 120.000 personnes. Le taux de séroprévalence estimé par l'UNICEF pour les adultes de 15 à 49 ans et pour la même année, revient à 3,2 % de la population totale179. À ce propos, le VIH/SIDA reste une maladie qui concerne principalement les hétérosexuels.

A5. FORMATIONS SANITAIRES PAR RÉGIONS ET PAR TYPES180

Type de
formation
sanitaire

Savanes

Kara

Centrale

Plateaux

Maritime

Lomé-Commune

 
 
 
 
 
 
 

CHR

1

1

1

1

1

1

Hôpital Spécialisé

0

0

0

1

1

0

Hôpital de District

4

5

4

8

7

4

Hôpital Privé Confessionnel

1

0

1

4

2

0

USP

71

126

84

201

127

37

CMS/Cabinet Médical Privé

4

19

11

32

22

101

Ensemble selon les normes

81

152

101

256

160

145

FS hors normes

4

4

5

23

132

202

Ensemble des FS

85

156

106

279

292

347

Officines

pharmaceutiques

2

5

2

6

1

136

Dépôts de pharmacie

6

14

7

20

14

3

179 http://www.unicef.org/frdench/infobycountry/togo_statistics.html#88 (page consultée le 07/05/13)

180 http://www.sante.gouv.tg/index.php?option=com_docman&task=doc_download&gid=14&Itemid=3. (page consultée le 20/05/2013).

138

A6. CONFÉRENCE D'ALMA-ATA DE 1978 : QUATRE THÉMATIQUES

- Les Soins de Santé Primaires

« Les soins de santé primaires sont des soins de santé essentiels fondés sur des méthodes et des techniques pratiques, scientifiquement valables et socialement acceptables, rendus universellement accessibles à tous les individus et à toutes les familles de la communauté avec leur pleine participation et à un coût que la communauté et le pays puissent assumer à tous les stades de leur développement dans un esprit d'auto-responsabilité et d'autodétermination »181.

L'instauration de la stratégie dite des « Soins de Santé Primaires » (SSP) officialisera la prise en compte du « local » et la participation des « communautés » visant à une amélioration de l'état de santé des populations dans le but d'atteindre la « Santé pour tous en l'an 2000 »182 ; ce fut bien évidemment un échec. Le même schéma sera tout simplement repris dans le cadre des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) prévus pour 2015183.

Les autres dimensions de la stratégies des SSP, quant à elles, se résument à « la promotion de bonnes conditions alimentaires et nutritionnelles, un approvisionnement suffisant en eau saine et des mesures d'assainissement de base, la protection maternelle et infantile y compris la planification familiale, la vaccination contre les grandes maladies infectieuses, la prévention et le contrôle des grandes endémies, la fourniture de médicaments essentiels »184 et l'éducation à la santé.

Ce faisant, « les SSP prétendent atteindre le plus grand nombre par un travail en profondeur auprès des communautés locales et par l'établissement d'un vaste réseau d'unités et d'agents sanitaires de base, capables de fournir des prestations élémentaires de soins et surtout de promouvoir la santé par l'éducation et l'hygiène »185. Toutefois, dans les faits, ces stratégies se résument souvent à des formations éparses de quelques agents de santé

181 http://www.who.int/topics/primary_health_care/alma_ata_declaration/fr/ (page consultée le 16/07/13)

182 Gruénais, M.-E., 2001a. op. cit., p.1.

183 Les OMD se rapportant à la santé sont :

(5) : Réduire la mortalité infantile et post-infantile

(6) : Améliorer la santé maternelle

(7) : Combattre le VIH/SIDA, le paludisme et d'autres maladies.

184 Kleczkowski, B.M., Elling, R.H. & Smith, D.L., 1985, « Appui des systèmes de santé aux soins de santé primaires », étude basée sur les discussions techniques tenues pendant la 34e assemblée mondiale de la santé (1981), Cahiers de santé publique, Genève, OMS, n°80, p. 81.

185 Dozon, J.-P., 1987, « Ce que valoriser la médecine traditionnelle veut dire », in Politique Africaine, n°32, p.

10.

»187.

139

prodiguant de rares gestes utilitaires souvent vains. En effet, l'insertion des communautés « pour la promotion de la santé en tant que bien commun »186 paraîtra limitée. « Bien souvent les relais communautaires entre la population et les structures de soins (agents de santé villageois, pharmacies villageoises, notamment) se sont révélés inopérants, difficilement contrôlables, lorsqu'ils n'étaient pas dangereux (ainsi de ces agents de santé villageois qui dispensaient des actes médicaux pour lesquels ils n'étaient pas formés)

- Les programmes verticaux

Cette vision verticale, deuxième grande thématique de la conférence d'Alma-Ata, semblait séduire les bailleurs de fonds qui ne voyaient pas dans les gouvernements la possibilité d'un partenariat de confiance solide et durable. Rapidement, les autorités étatiques ne firent plus le poids face aux agences internationales de développement. Il est vrai que l'ensemble de ces décisions, qui tendent à s'imposer suivant une vision top-down, paraît satisfaire les grandes ONG internationales, bailleurs de fonds, institutions de développement international et autres coopérations bilatérales et multilatérales. Cette vision verticale de la résolution des problèmes en matière de santé publique, s'entête à la mise en place de réalisations proprement techniques, en ciblant spécifiquement quelques problèmes nécessitant une intervention de ce type. Ce faisant, ce procédé s'applique à une meilleure redistribution en termes matériels, personnels et de déplacements, avec de surcroît l'aval et le consentement de l'État qui semblait bénéficier d'une partie des mérites de ces réformes. Suivant des moyens considérables, une multitude de programmes alimentés par des organismes internationaux, dirigés par l'OMS, l'UNICEF, la BM, etc. ont permis de réaliser des exploits techniques sur de courtes périodes.

- La conception d'un système de santé pyramidal

Le troisième trait principal reçut un engouement certain dans la relégation des activités au niveau périphérique, de par le déploiement des soins de base et de première nécessité. En effet, un des niveaux essentiels de cette politique imposée de l'extérieur est le « district », dont les normes seront bien définies et standardisées (cf. II. 1.3.2. Le district sanitaire).

186 Gruénais, M.-E., 2001a., op. cit., p. 2.

187 Gruénais, M.-E., 2001a. Ibid.

140

- Le recouvrement des coûts

Le quatrième et dernier grand aspect, quant à lui, préconise « la participation financière des populations au financement des services de santé (É) en les présentant comme la conséquence naturelle de leur participation à la gestion de ces services »188 ; une manière bien enrobée pour les inclure dans le processus de financement qui semblait inévitable. Ce type de gestion participative sous-tend une dimension bien plus perfide, à savoir, une forme de réduction de la responsabilité du gouvernement dans ce processus « qui [procure] peu de bénéfices à la société dans son ensemble »189 pour qu'ils ciblent leurs mesures et leurs activités sur des « services qui [procurent] des bénéfices à la société tout entière »190.

Face aux difficultés des États à s'imposer dans le débat et à l'accroissement des services privés dans ce secteur, les propos promulgués lors de la conférence d'Alma-Ata semblaient de plus en plus modérés au sein des discours institutionnels. Malgré tout, le secteur privé ne fut rapidement plus perçu comme une solution de taille à toutes ces réformes. De plus, il « est vite devenu clair que le recouvrement des coûts ne pouvait pas financer le système des soins (É) en général il ne fournissait qu'un apport financier marginal »191.

A7. ACTEURS DE LA PYRAMIDE SANITAIRE

En haut de cette hiérarchie, on retrouve le MS, le Directeur de Cabinet et la Direction Générale de la Santé (DGS) qui constituent donc le « niveau central » de la pyramide. L'ensemble de leurs activités est secondé entre cinq directions centrales, quinze divisions et trente-neuf services centraux, ainsi que par différents programmes192. En termes de structures de soins, le niveau central est reflété par « les Centres Hospitaliers Universitaires (CHU) [dont deux à Lomé], les services privés de soins à portée nationale, ainsi que les spécificités à intérêt national (Institut National d'Hygiène, Centre National d'Appareillage et d'Orthopédie, Centre National de Transfusion Sanguine, Laboratoire National de Contrôle de Qualité, et les Écoles de Formation en Santé) »193.

188 Brunet-Jailly, J., op. cit., p. 193.

189 World Bank, 1987, Financing Health Services in Developing Countries : An Agenda for Reform, A world Bank Policy Study, p. 1.

190 World Bank, Ibid., p. 2.

191 Van Lerberghe, W. & De Brouwere V., op. cit., p. 187.

192 http://www.togogateway.org/spip.php?article154 (page consultée le 05/06/13).

193 3e et 4e rapports périodiques du gouvernement togolais sur la mise en oeuvre de la convention relative aux droits de l'enfant, février 2010, p. 40.

141

Ensuite, le « niveau intermédiaire » intervient dans sa spécificité régionale, étant « chargé de faire appliquer la politique nationale de santé, d'assurer la coordination ainsi que l'appui technique et logistique aux districts »194. Chaque région, placée sous la tutelle de sa Direction Régionale de la Santé (DRS) respective et de l'ensemble des infrastructures qui y prennent part, se voit desservie par un Centre Hospitalier Régional (CHR) et un Centre Hospitalier Universitaire (CHU), qui représente les plus grandes structures de soins existantes à l'échelle régionale.

Au sein du « niveau périphérique », dernier étage de cette pyramide, les entités régionales se départagent en préfectures qui comprennent chacune en leur sein une Direction Préfectorale de la Santé (DPS). Chaque préfecture ou district sanitaire possède un Centre Hospitalier Préfectoral (CHP). A l'échelle nationale, on y retrouve trente-cinq districts sanitaires, étant en principe tous représentés par un HD (dont cinq pour Lomé-Commune). De plus, chaque district accueille des USP et des Postes de Santé, représentant les structures de soins les plus avancées.

A8. ACTEURS DU NIVEAU PÉRIPHÉRIQUE

-- Centres Hospitaliers Préfectoraux et Hôpitaux de District

Le Centre Hospitalier Préfectoral (CHP) « représente théoriquement le second niveau de contact ou structure de référence pour le premier niveau »195. Il existe également deux types d'HD. D'une part, les HD I, correspondant aux zones géographiques où la population est inférieure à 100.000 habitants et qui ne sont pas détenteurs d'un bloc opératoire. D'autre part, les HD II sont effectifs là où la population est égale ou supérieure à 100.000 et se voient, a contrario, détenteurs d'un bloc opératoire. De manière générale, on y retrouve en termes d'infrastructures, un service de médecine, un laboratoire, un bloc opératoire, une pharmacie et un bloc administratif. De plus, le personnel se compose, en principe, de médecins, d'assistants médicaux, de sages-femmes, d'infirmiers diplômés d'État et du personnel auxiliaire196.

194 http://www.who.int/management/working_paper_7_fr_opt.pdf (page consultée le 17/07/2013).

195 Ministère de la santé, Direction Générale de la santé, « Normes du district sanitaire au Togo », République Togolaise, Février 2001, p. 5.

196 Ministère de la santé, Ibid.

142

- Postes de Santé

Le Poste de Santé, inséré au sein même du village se compose d'une case d'accouchement et d'une case de soins. Cette petite structure, équipée d'une pharmacie, est sous la maintenance d'une matrone et d'un ASC. Il s'agit du premier niveau de soins non-professionnalisé.

A9. ACTEURS SOUS LA CHARGE DE L'USP - Comité de Gestion (COGES)

Le COGES est un groupement constitué au sein de chaque FS périphérique pour s'assurer de la gestion financière due l'USP. La création de ces groupements, devenus aujourd'hui des acteurs de premier ordre, résulte directement des mesures décidées dans le cadre de l'IB. Ils comptent, généralement entre cinq et dix membres par COGES, et assistent directement les prestataires des FS dans l'organisation, la gestion et les tâches administratives des centres de santé. Étant donné que les assignations qui leurs étaient attribuées dans le passé étaient trop élevées, les CS ont été constituées pour servir d'appui direct à ces groupements.

Aujourd'hui, les principales tâches des COGES sont197 :

- La gestion des stocks de médicaments et de toutes autres ressources générées par la FS ;

- Le réapprovisionnement en médicaments essentiels, fournitures médicochirurgicales et

produits de laboratoire auprès de la pharmacie préfectorale d'approvisionnement ;

- La fixation, dans les limites prescrites par le MS et le Ministère de l'économie et des

finances, des tarifs des prestations des soins ;

- La définition de critères précis d'admission de certains malades indigents conformément

aux principaux critères nationaux retenus ;

- L'étude et l'adoption des projets de maintenance et de renouvellement du matériel ;

- L'élaboration et l'exécution, sur l'initiative du RFS, du plan d'action et du projet du
budget qui sont soumis à l'approbation du Directeur Préfectoral de la santé ;

- L'examen et l'adoption des comptes de gestion de la FS ;

- La promotion de la pleine participation des populations aux activités communautaires.

197 Document 3ASC, 2008 « Projet Intégré de santé dans la région des Savanes. Processus de mise en place des Commissions Sante. (Distinction des tâches CS-COGES) ».

143

-- Cellule Mutualiste de Base (CMB)

Ces groupements s'insèrent uniquement dans la logique des mutuelles de santé. Il s'agit de comités mis en place par la population pour appuyer le service des mutuelles. Ils tentent de faire souscrire des nouveaux adhérents via des actions de sensibilisation. Les personnes membres de ces organes sont officiellement au nombre de trois et sont également choisies suite aux décisions prises dans le cadre des réunions villageoises. Les CMB ont été mises en place pour valoriser le bien-fondé de l'affiliation à la mutuelle de santé. En souscrivant à une assurance maladie de ce type, les personnes concernées sembleraient beaucoup moins réticentes à l'idée de se rendre dans une FS. Ainsi, on observe une augmentation du taux de visites, de vaccinations et d'accouchements, etc. De ce fait, le principe des mutuelles de santé semblerait être une excellente solution pour prévenir la santé des populations de la région des Savanes.

-- Agents de Santé Communautaire (ASC)

Ce sont les « petits infirmiers » tout en bas de la hiérarchie propre au domaine de la santé au Togo. Ils sont désignés par la population pour assister les malades lors des premiers soins. Ils ont été formés sur des thèmes précis comme le paludisme, la tuberculose ou encore la nutrition. Ils sont capables de diagnostiquer, et éventuellement de soigner certaines maladies comme la toux, la diarrhée, le paludisme et la malnutrition. Travaillant en partenariat avec une matrone disposée à s'occuper des accouchements, généralement au sein d'une case de santé, leurs charges consistent à référer les malades vers l'USP la plus proche, dans les deux jours si la situation de ces derniers ne s'est pas améliorée. Par ailleurs, ils ont pour tâche de sensibiliser les populations sur certains thèmes précis. Ils doivent également rendre des bilans sur l'état sanitaire des villages dont ils ont la responsabilité. Ils collaborent avec les USP sur certaines thématiques et actions, comme les campagnes anti-paludisme, contre la tuberculose, etc.

144

A10. UNITÉS DE SOINS PÉRIPHÉRIQUES : CONTEXTUALISATION

1. Infrastructures sanitaires

Des infrastructures de qualité sont d'une évidente nécessité. Elles servent à créer un environnement adéquat et susceptible d'offrir des soins convenables et respectueux du bien-être sanitaire des patients. Dans les faits, elles paraissent insuffisantes et insalubres. Le caractère vétuste et détérioré de ces infrastructures peut donc s'avérer parfois dangereux en matière de sûreté pour les patients des centres de santé.

Bien que la composition varie d'un lieu à l'autre, la plupart des USP visitées se constituent généralement d'un bâtiment unique, composé d'un grand couloir central croisé au milieu, amenant à différentes salles aux fonctions a priori bien définies : une pharmacie, une salle de consultation, une salle PF, une salle d'accouchement, une salle de suite de couche comportant trois ou quatre lits dans le meilleur des cas, et parfois un laboratoire. Les couloirs du centre, dans lesquels souffle l'harmattan (vent chaud et sec en provenance de Sahara amenant poussière et sable), sont desservis par des bancs en bois où les malades patientent indéfiniment face à un décor fait d'affiches de sensibilisation et de prévention collées sur des murs effrités et dégradés.

La plupart des bâtiments n'ont jamais bénéficié de réhabilitation ou sont en travaux pour une durée incertaine.

« Nous avons ce problème de réhabilitation, c'est un bâtiment vraiment très vétuste. Vous le voyez, ça en Belgique on ne peut pas rentrer dedans, on ne peut même pas passer à côté. On devait normalement réhabiliter. C'est un bâtiment qui date de 1979 qui n'a jamais bénéficié de réhabilitation. Peut-être c'est les pigeons, les chauves-souris qui doivent habiter ici, mais malheureusement nous sommes dedans. Ça doit être réhabilité, ça doit permettre d'augmenter certains indicateurs, ça doit attirer les gens à venir se faire consulter, sincèrement » [RFS de l'USP de Papri, Kpendjal].

A l'exception des USP de type II, qui ne sont qu'une minorité dans les districts enquêtés, la maternité se voit généralement rattachée au reste du seul et unique bâtiment qui compose l'USP. Dès lors, les difficultés en termes de places et de qualité des prestations sont nombreuses.

145

Officiellement, une femme doit rester 48 à 72 heures au centre de santé avancé après un accouchement. Dans les faits, il est fréquent que les femmes restent moins de 24h. Cela s'explique notamment par le manque évident de place dans les salles post-natales. La logique prédéfinie pour dissocier la salle PF, la salle d'accouchement et la salle post-natale n'est pas du tout respectée et s'adapte suivant les besoins circonstanciels.

L'espace est beaucoup trop restreint, et le nombre de lits se compte sur les doigts d'une main. De plus, une seule et même salle peut être utilisée à des fins différentes : « mais on ne peut pas mettre en observation des malades et au même moment, dans la même salle, recevoir les femmes accouchées. On n'est jamais à l'abri de la propagation de maladies. C'est ça le problème, vraiment, vraiment. Je ne sais pas ce qu'on peut faire » [RFS de Papri, Kpendjal].

Le manque de matériel est criant au sein de toutes les USP investiguées. Le matériel médico-technique est vétuste, beaucoup d'ustensiles sont simplement inexistants ou en très mauvais état. Cela passe par des microscopes, télescopes, balances, TDR, jusqu'aux bottes (pour la saison des pluies, afin d'éviter la propagation des infections) et lunettes protectrices (pour prévenir les accouchements de femmes atteintes du VIH/SIDA), etc. « Les femmes PTME (prévention de la transmission mère-enfant) et les VIH, elles peuvent venir accoucher ici, on ne peut pas les renvoyer, mais c'est à nous de nous protéger, à travers ces moyens de barrière là, mais il n'y en a pas, donc on se protège comme on peut mais c'est pas facile » [Accoucheuse d'État de Sanfatoute, Tône].

-- Logement du personnel

Il faut également mentionner cet avantage de principe que les prestataires des USP peuvent bénéficier d'un logement de fonction aux frais de la FS, même si ce dernier est rarement dans un état acceptable. De fait, dans nombre de cas, le personnel soignant n'est toujours pas logé. « C'est moi quand je suis arrivé, j'ai fabriqué mon logement à mes frais » [RFS de Papri, Kpendjal].

-- Cuisine

Par ailleurs, les infrastructures des USP furent, de manière générale, construites suivant une vision strictement utilitaire. De ce fait, beaucoup de patients, et principalement des femmes ayant accouché se plaignaient du caractère rudimentaire des installations. En effet, devant rester un temps certain au sein de l'USP, celles-ci étaient contrariées par l'impossibilité de bénéficier de quelques dispositions de base, comme des cuisines. Afin de

146

répondre à cette demande, quelques cuisines furent mises sur pied par les CS. Les conditions d'hygiène s'en trouvent améliorées et les femmes peuvent accoucher dans un environnement plus favorable. Ceci profite donc tant aux prestataires qu'aux patients.

-- Électricité

Les problèmes d'électricité sont récurrents et préoccupants. Le courant n'est en aucun cas une garantie (même si les circuits semblent installés les USP ne sont jamais à l'abri d'une panne soudaine). Cela peut engendrer de nombreuses difficultés au quotidien. À titre d'exemple, de nombreux témoignages ont rapporté des contraintes liées aux accouchements de nuit devant s'effectuer à l'aide simple d'une lampe de poche :

« Côté électricité, ça, je souffre trop. Par exemple, pour faire l'accouchement, je mets la torche ici [indiquant qu'elle la coince entre son cou et son épaule], jusqu'à la fin de l'accouchement, laver les gants, tout, tout. Même pour tenir, je reste comme ça, j'attends. Si c'est 15 minutes, j'attends 15 minutes. C'est comme ça, je souffre comme ça » [Accoucheuse d'État de Sanfatoute, Tône].

Par ailleurs, les frigos fonctionnent généralement au gaz ce qui facilite la situation. Mais à certains endroits, des plaques solaires - bien que défectueuses - tentent tant bien que mal de subvenir aux ressources énergétiques nécessaires pour alimenter l'unique frigo du centre de santé. En guise d'illustration, l'USP de Papri, Kpendjal se bat quotidiennement pour sauver les médicaments qui doivent rester impérativement au frais.

« Le frigo fonctionne mais pas à plein temps. Nous sommes obligés de déplacer nos vaccins à tous moments vers l'USP d'à côté. Nous sommes obligés de les transférer trop régulièrement, obligatoirement. Bon, notre frigo se décharge trop rapidement. Nous sommes obligés d'aller chercher nos médicaments chaque matin à Tambonga, à 2 km d'ici et le soir il faut retourner. C'est difficile, c'est vraiment très difficile. Tout le monde sait que nous avons un problème de frigo, parce que nos batteries ne sont pas fonctionnelles mais le centre n'a pas les moyens pour s'acheter les batteries. Parce qu'une batterie coûte 70 000 FCFA (106€) et nous avons besoins de huit batteries. Alors vous voyezÉc'est complètement hors-budget. Mais on fait avec, c'est les moyens du bord ». [RFS de Papri, Kpendjal].

147

2. Conditions sanitaires

-- Eau potable

L'approvisionnement en eau potable est un problème général qui concerne la majeure partie des USP rencontrées. Il est extrêmement rare de trouver une USP n'ayant aucun problème d'eau. Ces dispensaires bénéficient, dans le meilleur des cas, de forages à proximité, leur permettant de s'approvisionner aisément. Néanmoins, la quantité d'eau limitée à disposition étant limitée, les mesures d'hygiène sont très insuffisantes.

Dans certaines USP, l'eau est au centre des préoccupations. Certains patients sont priés de venir avec leur propre récipient rempli d'eau pour recevoir les soins nécessaires. Comment un accouchement peut-il se dérouler dans des conditions décentes avec si peu de moyens mis à disposition ? Dans le meilleur des cas, les patients ne pourront être soignés que dans une optique de survie. Se trouvant dans une région aride, où le sable est omniprésent, les risques liés aux infections suite au manque d'eau et à la propagation des maladies qui en découle sont nombreux.

-- Latrines

Les toilettes sont le plus souvent inexistantes, ou bien elles se trouvent à l'extérieur mais dans un état tellement insalubre qu'elles sont laissées à l'abandon. La majorité des personnes présentes préfèrent nettement se soulager dans la nature aux abords du centre, plutôt que dans un lieu non-entretenu, réservé a priori à cet effet, ce qui crée un problème d'hygiène et de pollution environnementale supplémentaire.

148

3. Fréquentation

En guise d'illustration, voici un schéma visualisant le taux de fréquentation des FS du district sanitaire de Tône pour l'année 2010198.

Au regard des informations répertoriées, différents aspects relatifs au cadre de soins rencontré dans les USP seront abordés ci-dessous.

- Prestataires

D'un point de vue qualitatif, malgré les normes officielles relatives aux USP de type I, le nombre de personnes diplômées d'État et en possession des qualifications techniques nécessaires, sont généralement au nombre de deux (l'infirmier et l'accoucheuse). Toutefois, l'USP de Lokpano, Tandjouaré ne possède aucun diplômé d'Etat à son actif. En effet, le responsable de l'USP s'est lui-même qualifié d'« infirmier permanent », mais non diplômé d'Etat. Les autres membres du personnel sont considérés comme étant du « personnel d'appui » formé « sur le tas ». Ces personnes, sans aucun pré-requis dans le domaine sanitaire, ont été identifiées dans la « communauté » comme étant potentiellement aptes à exercer ce travail, sous le statut d'apprentis (en fonction notamment de leur niveau d'études : CPD, BEPC, etc.). Ensuite, avec l'accord du RFS, du Chef Canton et du Directeur Préfectoral de la Santé, ils ont été formés dans une USP pendant une période déterminée avant d'être transférés vers un centre de référence, pour y recevoir une formation pratique d'une durée variant entre un et trois ans.

198 Document 3ASC, 2010, Revue annuelle 2010, Direction Préfectorale de la Santé de Tône, ECD Tône, 2011.

149

Toutefois, les membres du personnel de ces USP ne sont généralement pas directement liés avec les populations locales, et ce pour diverses raisons. Tout d'abord, ils ont un statut socio-économique différent, vu qu'ils ont suivi des études supérieures dans une agglomération urbaine. Par ailleurs, le système national chargé de l'affection des infirmiers ne se soucie que fort peu des desiderata relatifs à la localisation géographique de ses fonctionnaires. Ceci étant, ils se retrouvent souvent fort éloignés de leur lieu d'origine, dans des ethnies différentes, ce qui nécessite parfois l'apprentissage d'une nouvelle langue vernaculaire pour pouvoir communiquer avec les populations locales peu habituées à l'usage du français. Dans ce cadre précis, il n'est pas difficile d'envisager que des bribes de tensions puissent apparaitre, car l'effort des prestataires pour se rapprocher des ethnies est souvent minimaliste. En effet, les missions qui leurs sont assignées ne sont que de courte durée, ce qui met un frein à de tels efforts.

Dans nombre de cas, nous avons constaté un net manque d'intégration de la part des prestataires diplômés d'Etat au sein des communautés locales. Malgré la présence de quelques membres originaires de l'aire sanitaire (dans la composition du personnel de chaque USP), ils semblent fournir un apport limité lors des prises de décisions, notamment durant les réunions mensuelles et annuelles du district avec les différents représentants sanitaires au niveau préfectoral.

D'un point de vue quantitatif, la population se retrouvant au sein d'une aire sanitaire est proportionnellement si importante que le nombre de personnes actives dans le cadre de la FS est considéré comme insuffisant. Les prestataires semblent trop rapidement débordés vu le nombre de patients qui se présentent pour une consultation. Tous les prestataires interrogés ont souligné le manque de personnel qualifié pour les appuyer dans leur travail.

« Je suis vraiment le seul, si on veut parler de personnes qualifiées, je suis le seul qui ait subi une formation de l'état. Les autres c'est sur le tas, des formations de deux, trois, quatre ans. Donc quand je suis pas là vous voyez ce que ça donne. Je fais tout, les consultations, l'administration, tout, tout, tout ce qui concerne le centre, c'est moi. Bon heureusement, il y a mon agent itinérant qui est là. Si je ne suis pas là, c'est lui qui consulte et la matrone s'occupe de la maternité, et si l'agent itinérant n'est pas là elle aussi elle peut consulter. Mais le plus souvent, on a plus de préoccupations administratives que curatives. Oui sincèrement. Il faut aller à la réunion mensuelle, il faut faire les rapports, il faut faire le bilan annuel, il faut faire ceci, donc heureusement qu'il n'y a pas trop de patients pour l'instant » [RFS de l'USP de Papri, Kpendjal].

De plus, cela empêche toute possibilité de congé à l'égard de son personnel soignant.

150

« J'ai commencé à travailler depuis 2007. Depuis 2007, jusqu'au aujourd'hui je n'ai jamais eu de congé, parce que tu es seul, parce quand tu quittes il n'y a personne, etc. Même la machine, on la vidange. Dès fois, tu travailles, tu demandes une permission de deux jours, on te l'accorde pas » [RFS de l'USP de Papri, Kpendjal].

Néanmoins, nous avons fait cette constatation criante : les USP étaient désertées de leurs patients dès onze heures du matin, voire plus tôt. Nous n'avons trouvé que des USP quasiment vides avec une moyenne de 6-7 patients par jour. La surcharge de travail tant évoquée ne fut en aucune manière observable. « Ce n'est pas la saison », ai-je sans cesse entendu « de juin jusqu'à novembre, on est débordés, sincèrement, durant cet intervalle de temps, il n'y a pas de repos, même les nuits tu ne dors pas » [RFS de l'USP de Papri, Kpendjal]. En effet, étant dans une zone agraire soumise à de longues périodes de sécheresse, les saisons rythment la vie des populations locales. Certains facteurs peuvent effectivement rendre compte d'une certaine tendance : par exemple, durant la période hivernale, les moustiques tendent à disparaître réduisant le taux de personnes atteintes du paludisme et donc la fréquentation du centre parce que selon le RFS de l'USP de Papri, Kpendjal « plus de quatre-vingt-dix pourcent des malades viennent à cause du paludisme » [RFS de Papri, Kpendjal]. Toutefois, cette saison est synonyme d'infections pulmonaires et respiratoires en raison de l'apparition de l' harmattan. « Les cas de paludisme vont diminuer mais au même moment il y aura une augmentation des cas de toux » [RFS de l'USP de Papri, Kpendjal].

De ce fait, peut-on se fier qu'à cette seule explication portant sur les tendances saisonnières ? N'est-il pas légitime de se questionner sur les raisons d'un tel constat ? Ne faut-il pas également mettre en avant d'autres facteurs : l'attitude du personnel, l'accueil, la qualité des traitements, l'éloignement géographique, les difficultés financières, la crainte, voire même une certaine honte, due à un manque de sensibilisation ou encore le constat d'un recours notable aux traitements thérapeutiques traditionnels ? Ces différents aspects vont être analysés - au regard de l'implication des CS dans cet univers - la question étant d'examiner si des arguments peuvent être tirés, susceptibles d'appuyer nos observations ?

- Accueil

Ce point précis a suscité maints débats dans chaque lieu où nous nous sommes rendu. Néanmoins, chacun s'accorde pour dire, sans exception, qu'« aujourd'hui ça va ! ». Une grande majorité des personnes interrogées font référence à des problèmes antérieurs au sujet des personnels des centres de santé : ils ne sont pas suffisamment à l'écoute des problèmes des patients et ne traitent pas respectueusement ces derniers.

151

De plus, même si ces centres avancés ne sont pas grands et qu'il n'est pas difficile de s'y repérer, les démarches amenant à la consultation ne sont pas forcément claires aux yeux de tous, surtout pour les illettrés. Ils ne savent pas comment s'orienter correctement à leur arrivée et la seule façon d'obtenir des informations se fait via d'autres patients qui attendent leur tour de consultation dans les couloirs de l'USP.

Des bribes de tensions peuvent éclater entre le personnel de l'USP et des patients, certains cas se rapportent à des abus de pouvoir.

« Bon, il y avait ça avant. C'est ça qui a fait qu'il y a eu changement, qu'il y a eu renouvellement du personnel. Il y avait ce problème de patients qui se plaignaient à tous moments, jusqu'à 3ASC même, parce qu'il y avait des fois des ordonnances fictives au niveau de la maternité, même la Direction Régionale même a été informé par rapport à ça. Une femme qui vient pour un simple accouchement, elle ressort avec trente mille francs [45€] de frais, alors que ce qui va rentrer pour la Formation Sanitaire, c'est mille francs [1,5€] par exemple (É). Vous voyez que ce n'est pas bien. J'ai photocopié certaines ordonnances de femmes qui sont venues me voir. C'est surtout quand je ne suis pas là que ça se fait, donc ha. Donc j'ai rendu compte à qui de droit et la décision a été d'affecter la personne concernée, c'est ça, celle-ci vient d'arriver, depuis août. Sinon ça allait tuer même le centre, parce qu'il y avait moins de fréquentation à la maternité, par mois on faisait cinq accouchements, au mois de mai passé, maintenant on est à quinze-vingt, ça dépend des mois. Les femmes se passaient le mot : il y a telle personne qui travaille à la maternité, tu ne peux pas accoucher là-bas, c'était ça le problème, mais actuellement tout va bien » [RFS de l'USP de Papri, Kpenjal].

Pour d'autres patients, il est clair qu'ils ne sont pas pris en charge dans des temps acceptables à tel point qu'ils se voient obligés de quitter les lieux malgré leur état fébrile pour se rendre dans un autre centre de santé. Il est nécessaire de préciser qu'il s'agit de cas isolés et qu'ils ne sont pas représentatifs de la majorité des patients reçus au sein des USP que nous avons rencontré dans le cadre de ces enquêtes. Néanmoins, à plusieurs reprises, des anecdotes nous ont été fournies narrant des petits problèmes ou bien des tensions entre prestataires et patients.

Voici un exemple dont la présidente de la CS de Nanergou, Tône nous a fait part :

« C'était un accouchement. C'est dans la nuit, on va, on réveille l'accoucheuse, elle dit qu'elle ne sort pas, qu'elle ne sort pas. Et le gardien maintenant a eu des problèmes parce que, pourquoi tu es venu me réveiller elle dit, désormais si quelqu'un vient dans la nuit, ne me réveille plus. Ah, si le gardien était là, il devrait témoigner aussi. Quand quelqu'un vient, le gardien dit ah passez, allez-y en ville à Dapaong, même s'il est 0h00 il doit continuer, il ne va pas se faire soigner ici. Donc voilà, mais à présent, on a eu un changement, on a congédié les deux, le major et l'accoucheuse, et on a pris deux

152

nouveaux. [É] C'est avec le chef canton, il y a eu beaucoup de plaintes au niveau du chef canton. Même avec Commission Santé, quand on fait le tour dans le groupe, dans les réunions, nous faisons que discuter de ça. A chaque fois, à chaque fois, à chaque fois. Même quand on voit les malades de Nanergou à la polyclinique de Dapaong, le docteur demande qu'est-ce qui se passe ? Le malade explique ce qui s'est passé. [É] Ils ont eu beaucoup de plaintes ici, à leur niveau [É] mais on ne peut pas estimer que l'on a été décisif dans le changement, c'était des plaintes seulement » [Présidente de la CS de Nanergou, Tône].

Les CS ont contribué à améliorer l'accueil des USP. En effet, grâce notamment à leur rôle de messagers des CS, certains prestataires ont changé de comportement face aux diverses critiques dont ils ont fait l'objet. Celles-ci n'auraient pu être recensées de façon officielle si des groupements intermédiaires n'avaient été mis en place.

- Qualité des traitements

- Consultation Prénatale et accouchement à l'USP

Le débat fait rage dans toutes les USP visitées. Il est impossible de savoir si la majorité de femmes accouchent dans des centres de soins ou à domicile. Au regard des interviews, les discours disent tout et leur contraire. Certains diront, « il y a des femmes même qui ne viennent pas, elles accouchent même à domicile, c'est la plus grande partie même. Les femmes sont à la maison, elles accouchent à la maison, elles ne viennent pas en consultation prénatale, elles accouchent à la maison. Celles qui accouchent à la maison sont plus nombreuses que celles qui viennent accoucher ici » [RFS de l'USP de Papri, Kpendjal].

D'autres affirmeront que la qualité des soins a également grandement évolué et bien plus de femmes que par le passé viennent accoucher à l'USP la plus proche de chez eux. Dans certains villages, on m'a même assuré que les accouchements à domicile sont une pratique qui relève définitivement du passé : toutes les femmes, sans exception, fréquentent l'USP la plus proche de chez eux afin de se rendre aux CPN et d'accoucher dans les meilleures conditions possibles. Cette amélioration est majoritairement due aux campagnes de sensibilisation effectuées ces dernières années.

- Séances de vaccinations

On constate clairement une amélioration des couvertures vaccinales. Notamment au travers des PEV, des mobilisations massives ont été menées par les CS pour sensibiliser les

153

communautés quant à l'intérêt de se faire vacciner. Certaines femmes étaient farouchement opposées à la vaccination de leurs enfants, car après coup, leurs enfants semblaient avoir « le corps chaud ». Les CS ont réussi à expliquer les bienfaits des vaccins, et les raisons éventuelles d'une réaction à un vaccin, et les villageoises semblent avoir compris. Pour ce faire, ils avaient sollicité un membre dans chaque quartier de chaque village chargé d'expliquer à son entourage les intérêts propres à cette thématique. De plus, sachant que les vaccins lors de ces campagnes sont gratuits, l'affluence y est très forte et rencontre un franc succès. Aujourd'hui, il semble qu'un changement se soit opéré dans les mentalités : les populations villageoises ont massivement recours à la vaccination pour se prémunir d'éventuelles maladies.

- Multiplication des rôles et décalage hiérarchique vers le haut

Ce qui mérite toutefois d'être souligné est le fait, que lorsque les prestataires qualifiés sont absents, le personnel d'appui prend les choses en mains. Cependant, il peut être détenteur d'une formation minimaliste, tout en se voyant conférée une position d'autorité qui l'autorisera à diagnostiquer un traitement et à administrer des prescriptions sur la base d'une consultation sans fondements véritables. On peut, dans ce genre de cas, se permettre de douter de la qualité même de telles consultations et du type de soins qui y sont prestés

Malgré l'absence de médecins dans les structures de santé de la périphérie, les RFS, du haut de leurs trois ans d'études supérieures en infirmerie, sont traités comme tels par les patients. Ils sont généralement respectés et obtiennent l'aval et le consentement de tous.

Il est à supposer que l'opinion générale se satisfait de cette différence de statut : les prestataires en question n'éprouvent aucunement le besoin de solliciter les CS en vue de rehausser l'image qu'ils véhiculent.

- Le problème de la norme

La qualité des soins rencontrée dans ces USP est d'un niveau utilitaire et les patients rencontrés se satisfont, le plus souvent, d'une telle situation sans aucun autre point de comparaison ou de référence. De ce fait, ils se contentent de consultations rapides et superficielles. Le paradoxe est que les bénéficiaires de soins aussi rudimentaires tendent à développer une forme de confiance aveugle envers la personne qui les prend en charge.

154

Nous sommes donc amené à un double constat. D'une part, l'aveuglement des patients qui s'estiment satisfaits des infrastructures ainsi que de ce type d'accueil et de traitement. Les USP sont le plus souvent, les centres médicaux les plus pointilleux et les plus avancés qu'ils ont eu l'occasion de fréquenter. De l'autre, en dépit de tous les obstacles existants, notamment la route, l'eau, l'électricité, le manque de personnel, le peu d'ambulances, le problème de matériel et de médicaments, les populations villageoises fréquentant ces centres de santés ont de réelles difficultés à définir des améliorations qui garantiraient une meilleure prise en charge.

En effet, en interrogeant les patients sur les problèmes relatifs à l'USP, nous constatâmes que nombre d'entre eux se sentaient incapables de répondre à une telle question. Souvent ils répondaient par la négative, qu'ils ne savaient pas, qu'ils n'étaient pas en mesure de pouvoir juger, etc. Dans de nombreux cas, les patients n'ont aucune idée de ce que devraient être des soins de qualité. Les traitements proposés dans les USP dépassent de loin tous les autres types de soins dont ils peuvent bénéficier au sein de leur village. Pis encore, au-delà des nécessités de base (eau, électricité, etc.), rares sont les remarques, réclamations concrètes, doléances ou suggestions pour améliorer les centres.

-- Consultations

Mais en insistant lors des interviews, nous nous sommes aperçu que beaucoup de patients se plaignent de ne pas recevoir, lors des consultations, d'explications précises quant au mal dont ils souffrent. Ainsi, incapables de comprendre les raisons de leur mal-être, ils ne sont pas aptes à se protéger préventivement à l'avenir. D'après les dires, il n'y a pas de problèmes majeurs durant les consultations mais lorsque l'on approfondit la question, l'ensemble des patients s'accordent sur leur manque de qualité : elles durent entre cinq et dix minutes, se limitent à quelques questions basiques, ne permettent qu'une anamnèse imprécise et une posologie très approximative.

En vue de clore cette annexe portant sur la qualité des traitements, il paraît respectable de mentionner que la grande majorité des patients se déclarent satisfaits de la situation en vigueur et se montrent inaptes à émettre le moindre avis suffisamment critique. Le constat d'une telle situation pourrait s'expliquer par des campagnes de sensibilisation suffisamment conséquentes valorisant les soins prodigués au sein de ces structures de soins reconnues par l'État. Toutefois, nous ne sommes pas en mesure de pouvoir vérifier une telle hypothèse. Par ailleurs en dehors du cadre spécifique de la sensibilisation, les CS semblent jouer un rôle minime quant à leur contribution à la qualité des soins en vigueur dans ces USP.

155

-- Situation géographique

En effet, les problèmes relatifs à l'accessibilité de ces dispensaires restent à ce jour très critiques, principalement pendant la saison des pluies. Nul ne peut ignorer le manque de moyens de locomotions disponibles dans les villages pour assurer - le cas échéant - le transport des personnes nécessiteuses, sur des routes extrêmement endommagées.

Un des problèmes majeurs que nous avons répertoriés, concerne l'accessibilité du dispensaire pour tous. En effet, une USP est chargée de prodiguer des soins à l'ensemble des habitants des villages se trouvant dans un rayon de 5 km. Cependant, dans toutes les aires sanitaires étudiées, il est à constater que le périmètre sous la charge d'une USP est toujours supérieur aux normes officielles. À titre d'exemple, l'USP de Kwampit, Kpendjal a sous sa responsabilité, une population recensée à 9.254 habitants en 2012. Cependant, 2.759 personnes vivent à une distance supérieure à 5 km, ce qui représente près de 30 % de la population de l'aire de santé. Étant donné que les moyens de transport sont chose rare et coûtent cher en carburant, la distance peut constituer un biais conséquent, entrainant une fréquentation moindre, par les habitants des villages les plus éloignés. En effet, même s'il ne s'agit que de quelques kilomètres, les routes sont dans un état déplorable, ce qui empêche des malades gravement atteints de s'y déplacer en toute sécurité. De plus, nous pouvons concevoir l'état d'une femme sur le point de rentrer en phase d'accouchement et qui tente de rejoindre péniblement le dispensaire le plus proche. Dans le meilleur des cas, elle se trouvera à l'arrière d'une moto qui rebondira au gré d'ornières innombrables.

Dans un autre cas de figure, si les patients sont soumis à un problème qui dépasse les compétences des centres de soins avancés, et doivent être référés à l'hôpital de leur district, la distance peut être amplement supérieure. Ainsi, la situation s'en trouvant hautement complexifiée, engendrant des coûts financiers conséquents, peut être un facteur de découragement pour ce qui est de leur présence future dans ces centres de soins.

Par ailleurs, la région des Savanes est confrontée à une autre situation problématique : de par leurs localisations géographiques, les districts de Kpendjal et Tandjouaré sont à une courte distance, respectivement du Burkina Faso et du Ghana. Étant donné la précarité ambiante des centres de soins avancés que nous avons décrits, nombre de personnes sont tentées de traverser les frontières et de se rendre dans d'autres centres médicaux-sociaux, pour bénéficier de soins et de médicaments à des prix réputés comme plus avantageux. « Au Burkina, tu accompagnes ta femme, en tant que conjoint, à la consultation prénatale, d'abord la consultation elle est gratuite et on te redonne mille francs pour ton déplacement toi qui l'as

156

accompagné. Vous voulez qu'on fasse quoi nous ici ? Déjà quand tu viens pour la consultation, tu payes et tu n'as pas les mille francs et c'est à quatre kilomètres que ça se passe » [RFS de l'USP de Papri, Kpendjal].

Mais une dépréciation du phénomène est actuellement perceptible : les malades estiment qu'ils n'est plus aussi avantageux de se rendre dans un pays limitrophe, tant les avantages coûts/investissement sont minimes. Un tel renversement est principalement dû Ð en dehors de l'exemple ex ante - aux améliorations en termes de qualité et d'offre proposées dans les centres de soins avancés dans la région des Savanes. De plus, il apparaîtrait qu'un nouveau phénomène confirme ce renversement de la tendance : certaines personnes en provenance du Burkina Faso se rendraient dans le district sanitaire de Tône pour y obtenir des soins, notamment à l'USP de Sanfatoute.

-- Difficultés financières

Nombreuses sont les difficultés dont nous avons été témoins, voici quelques extraits :

« Un de nos plus gros problèmes c'était le coût élevé. On était obligés de fixer les prix et d'afficher de toutes les consultations et de tous les prix. Comme ça tu achètes un comprimé de paracétamol à x francs et tu dois le vendre à x plus 0,6 francs. C'est la direction régionale qui nous donne ces prix, c'est comme ça. On était obligé d'afficher, comme ça quand quelqu'un vient pour acheter, il faut qu'il sache combien il doit payer, comme ça il n'y a pas d'escroquerie possible et les malades ont plus confiance » [RFS de l'USP de Papri, Kpendjal].

« On fait par rapport aux moyens de la personne, tu prescris, si l'argent est insuffisant, tu es obligé de lui vendre un peu, va chercher l'argent, il revient, tu complètes, mais tu fais les premiers soins, la plupart des gens reviennent » [RFS de l'USP de Papri, Kpendjal].

« Nous sommes dans un milieu musulman. Par exemple quelqu'un qui a quinze enfants, deux femmes, quinze enfants mais il ne peut pas avoir trois mille francs fois quinze, plus lui et ses femmes pour adhérer à la mutuelle, c'est pas possible. Et pire encore les années où les récoltes n'ont pas réussi » [RFS de l'USP de Papri, Kpendjal].

De nombreux témoignages de prestataires mentionnent les difficultés propres aux malades à rendre dans un centre de santé en raison du coût qu'ils ne peuvent assumer. Beaucoup de prestataires disent mettre la main à la poche car :

157

« Lorsque c'est un cas grave, on n'a pas le choix. Il y en a qui viennent avec deux-cents francs ou cinq-cents francs, tu ne peux pas leur dire, bon tu n'as pas d'argent... tu dois leur faire au moins les premiers soins, et puis on écrit qu'on leur a avancé autant d'argent, il doit ceci et tu dis à la personne d'aller-revenir pour acheter d'autres médicaments. Mais bon, j'ai un carnet rien qu'avec les dettes mais il y a des cas tu ne peux pas résister à ça. Encore l'autre jour, il y a une femme qui est VIH, quand elle vient ici, elle n'a personne. Vraiment, à voir sa situation, je n'hésite même pas à demander au gérant de faire, après je paye, c'est comme ça, c'est moi qui l'ai dépisté, et elle, elle n'a personne comme ça, et elle a fait un enfant, c'est au cours de sa grossesse qu'on l'a dépisté, mais on fait avec » [RFS de l'USP de Yembour, Tandjouaré].

-- VIH/SIDA

Concernant le VIH/SIDA, le RFS de l'USP de Papri, Kpendjal exprime son mécontentement concernant ce tabou persistant relatif à cette maladie :

« Quand je fais une campagne de dépistage gratuite ici, sincèrement je suis déçu de voir que c'est seulement les impubères, si on peut dire comme ça, qui viennent se faire dépister. Alors que les concernés mêmes sont là, mais ne viennent pas. Sincèrement je sais pas pourquoi. Chacun se dit qu'il a peur de ce qu'il peut être, de découvrir la vérité sur son état. Il a peur de ce qu'on peut lui dire. Depuis qu'on a commencé en 2009, on a eu seulement que deux cas, que deux cas dans l'aire sanitaire. Mais actuellement nous n'avons plus de tests pour les volontaires, seulement pour les femmes enceintes. C'est l'état qui nous donne ces tests, c'est défini pour les femmes enceintes. Normalement les femmes qui viennent pour la planification familiale, on devait leur faire le test, on a commencé. Mais il y a le revers de la médaille qui est là : les femmes ne veulent pas se faire dépister, c'est ce que nous avons constaté. Et quand une femme vient et que tu lui parles de VIH/SIDA et que lui exiges de faire le test avant que tu la planifies, elle sort et elle ne revient pas » [RFS de l'USP de Papri, Kpendjal].

158

A11. LE PLURALISME THÉRAPEUTIQUE EN QUESTION

De plus en plus de voix semblent s'élever aujourd'hui pour une prise en compte plus évidente de la médecine « traditionnelle » dans les traitements thérapeutiques en vigueur dans la région. Même si en apparence, le recours à la biomédecine semble privilégié, il paraît inutile de nier l'utilisation de médecines dites « traditionnelles », généralement plus accessibles, que ce soit en termes géographique ou financier. En effet, malgré l'absence de mesures concrètes, personne ne s'oppose à une forme de revalorisation de la médecine « traditionnelle », voir à ce qu'une réforme en matière de politique sanitaire puisse voir le jour afin d'attribuer une plus grande légitimité aux « thérapeutes traditionnels » dans le paysage actuel. Cette tendance laisse sous-entendre, qu'à travers une certaine conditionnalité, ces pratiques thérapeutiques « traditionnelles » remises au goût du jour sembleraient disposées à répondre plus aisément aux attentes spécifiques et aux besoins réels de ses habitants. Comme le souligne J.P. Dozon, cette situation « semble dénoter de la part des États africains une volonté plus nette d'indépendance où la santé des populations relève d'un processus endogène de développement et, partant, requiert la mobilisation des compétences et des savoirs disponibles »199.

La notion de « pluralisme thérapeutique » se doit d'être précisée. J. Benoist définit cette notion dans « Soigner au pluriel. Essais sur le pluralisme médical » comme la « coexistence, au sein d'une même unité sociale, de divers recours thérapeutiques répondant à des modèles variés d'interprétation de la maladie et de ses causes »200.

En vertu de cette définition, il devient nécessaire de dépasser l'opposition implicite entre médecine « traditionnelle » et « moderne ». Laissant penser qu'il existe d'un côté des pratiques séculaires immuables et de l'autre un savoir scientifique toujours enclin à davantage de progrès et d'innovation201. Cette perspective renvoie à la nécessité criante de transcender cette vision « traditio-traditionnaliste » se traduisant par une forme réductive quant aux apports véritables de ces traitements thérapeutiques non suffisamment reconnus sur la sphère locale. Il semble essentiel d'arriver à une compréhension globale des pratiques médicales face à la pluralité des usages simultanés de soins qui en apparence peuvent s'avérer contradictoires. Cette pluralité est souvent la norme202.

199 Dozon, J.-P., 1987, op. cit., p. 9.

200 Benoist, J., (sous la direction de.), 1996, Soigner au pluriel. Essais sur le pluralisme médical, Karthala. Médecines du Monde, Paris, p. 32.

201 Fassin, D., 1999, op. cit., p. 91.

202 Benoist, J., Ibid., p. 21.

159

La pharmacopée locale est remise au goût du jour, et depuis la conférence d'Alma-Ata et de l'IB, les traitements dits traditionnels ne sont pas négligés ; au contraire ils redeviennent intrinsèquement liés aux coutumes thérapeutiques en vigueur dans les pays concernés. De plus, « l'OMS a recommandé la prise en compte de la médecine traditionnelle et l'implication éventuelle des « tradipraticiens » dans la mise en oeuvre des SSP. En effet, dès lors qu'elle conçoit les populations moins comme des usagers de l'action sanitaire que comme des partenaires obligés travaillant à l'amélioration de leur propre « bien-être », la stratégie proposée paraît naturellement apte à reconnaître ceux qui, au sein des populations, y prennent déjà une part active - les tradipraticiens -, et plus encore à en tirer parti pour établir ce climat de concertation nécessaire à la mise en place des SSP »203. Il y a donc une nécessité d'apprécier à leur juste valeur, les ressources de ces « communautés ». Cette mise en lumière permet la promotion d'un développement à caractère endogène. Et donc, cette conception bottom-up doit inclure inévitablement l'influence non-négligeable des « tradipraticiens » sur la scène locale. Cette réflexion reflète, indirectement, la volonté de proposer une forme d'alternative au modèle prédominant en vigueur actuellement, à savoir « la bio-médecine et de considérer qu'elle répond insuffisamment à la demande des patients ou qu'elle y répond mal »204.

Au vu de la situation actuelle, il devient nécessaire de mettre en exergue un débat visant à une réforme systémique de l'utilisation plurielle des traitements thérapeutiques au Togo et plus spécifiquement dans la région des Savanes. L'opinion générale s'accorde sur le fait que les traitements thérapeutiques sont multiples. Néanmoins les efforts consentis en matière sanitaire, se cantonnent principalement à une utilisation de la bio-médecine dans le schéma actuel. Il y a une nécessité grandissante de dépasser cette confrontation ambiante entre les différentes médecines à l'oeuvre. Le dialogue doit être orienté vers l'élaboration d'une certaine compréhension mutuelle, pour que les populations locales puissent bénéficier de cette richesse thérapeutique sans que cette coexistence ne soit la source de discordes intrinsèques entre les différentes techniques à l'oeuvre. En effet, les populations « bénéficiaires » se voient fortement partagées entre croyances locales et influences extérieures, les troublant quelque peu dans la marche thérapeutique optimale à suivre.

203 Dozon, J.-P., op. cit., p. 10.

204 Dozon, J.-P., Ibid., p. 11.






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Et il n'est rien de plus beau que l'instant qui précède le voyage, l'instant ou l'horizon de demain vient nous rendre visite et nous dire ses promesses"   Milan Kundera