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La santé communautaire dans la région des savanes, Togo. Une étude de cas sur les commissions santé dans les districts sanitaires de Kpendjal, Tandjouaré et Tône

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par Alexander Doyle
Université libre de Bruxelles - Master en sciences de la population et du développement 2012
  

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3.4. Entretiens

Selon Olivier de Sardan, « la production par le chercheur de données à base de discours autochtones qu'il aura lui-même sollicités reste un élément central de toute recherche de terrain. D'abord parce que l'observation participante ne permet pas d'accéder à de nombreuses informations pourtant nécessaires à la recherche : il faut pour cela recourir au savoir ou au souvenir des acteurs locaux. Et ensuite parce que les représentations des acteurs locaux sont un élément indispensable de toute compréhension du social. Rendre compte du « point de vue » de l'acteur est en quelque sorte la grande ambition de l'anthropologie »42.

L'entretien est une relation complexe qui nécessite un juste équilibre entre les protagonistes en vigueur. L'enquêteur doit tenir les rênes tout en livrant un espace de confiance, où l'interlocuteur se sent libre de s'exprimer sans crainte ni contrainte externe. « Le problème du chercheur (É), c'est qu'il doit à la fois garder le contrôle de l'interview (É) tout en laissant son interlocuteur s'exprimer comme il l'entend et à sa façon »43. Pour ce faire, l'enquêteur a pour mission de se rendre sur les lieux de l'intéressé, afin d'opérer dans l'habitat « naturel » de ce dernier et doit tenter de maximiser, de tirer au mieux parti de ce pour quoi il est venu : obtenir des informations qui alimenteront le coeur de son sujet. Cependant, l'enquêteur ne se trouvant pas dans son habitacle, risque de rencontrer certaines difficultés pour rester naturel et guider avec aisance une relation de confiance. Il doit également trouver ses marques et plus il est éloigné de son lieu d'origine, et dans un univers distinct du sien, plus le temps d'acclimatation peut sembler long. C'est pourquoi, une multitude d'entretiens peut sembler nécessaire, d'une part pour que l'enquêteur soit mieux à

42 Olivier de Sardan, J.-P., 2008, op. cit., p. 54.

43 Olivier de Sardan, J.-P., 2008, Ibid., p. 62.

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même de mener avec plaisance les questions qu'il anime et, d'autre part, pour obtenir une bonne qualité d'information requise dans toute enquête sérieuse d'ordre socio-anthropologique. Au final, les termes employés par Olivier de Sardan résument à eux seuls, l'ambition première recherchée au travers de ces entretiens : « rapprocher au maximum l'entretien guidé d'une situation d'interaction banale quotidienne, à savoir la conversation, est une stratégie récurrente de l'entretien socio-anthropologique, qui vise justement à réduire au maximum l'artificialité de la situation d'entretien et l'imposition par l'enquêteur de normes méta-communicationnelles perturbantes »44.

Il est important de rappeler que le cadre d'analyse propre à cette étude tend à se recentrer au maximum sur les discours et représentations des acteurs. Du fait de cette vision « actor-oriented »45, la majorité des données extra muros qui seront traitées dans ce mémoire proviennent du discours des acteurs dans le cadre d'entretiens effectués exclusivement dans leur environnement naturel. Durant cet exercice fastidieux, nous nous sommes livré à une observation participante visant à récolter des informations relatives à leur environnement, leur cadre de vie, leurs pratiques, leurs perceptions, leurs attentes ainsi qu'à leurs discours et représentations. « De telles séquences de vie constituent des données précieuses parce qu'utilisables à divers niveaux : comme corpus primaire soumis à analyse comparative, comme éléments d'études de cas, ou comme exemples illustratifs ou démonstratifs dans le texte final »46.

3.4.1. Contextes des entretiens

« L'entretien de recherche est une interaction : son déroulement dépend évidemment aussi bien des stratégies des deux (ou plus) partenaires de l'interaction, et de leurs ressources cognitives, que du contexte dans lequel celle-ci se situe »47.

Avant de narrer le contexte dans lequel se sont déroulés les entretiens, il est toutefois nécessaire de mentionner un fait notoire, qui a influé sur une grande partie des interviews effectuées avec les membres des CS et les prestataires des USP visitées. Le jour de notre arrivée au sein de l'ONG 3ASC, démarra « l'atelier de recyclage des CS » qui n'est autre que leur formation annuelle destinée à remettre à jour leurs objectifs et compétences. Ce fut l'opportunité idéale pour rencontrer, en l'espace de six jours et dans un même lieu, plus de deux-cents membres des CS que nous fûmes amené à côtoyer tout au long de notre période

44 Olivier de Sardan, J.-P., 2008, op. cit., p. 58.

45 Long, N., 1992, « Introduction », In Long, N., Long, A., (eds), Battlefields of Knowledge. The Interlocking of Theory and Practice in Social Research and Development, London, Routledge, p. 9.

46 Olivier de Sardan, J.-P., 2008, Ibid., p. 56.

47 Olivier de Sardan, J.-P., 2008, Ibid.

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d'enquête. Nul doute que cette circonstance constitua d'emblée un véritable tremplin et qu'elle nous permit nous consacrer sans délai à l'essentiel de notre étude. Nous fûmes directement en position de saisir les termes, les aspects innombrables, nuances, variétés, complexités, problèmes et enjeux de la situation en présence. Cette semaine de formation nous donna également l'occasion d'acquérir un panel d'informations et de témoignages de la part des membres des CS qui nous servirent de guide pour l'orientation de nos questionnaires. En nous immergeant de la sorte, nous pûmes intégrer rapidement de ce « langage-projet »48 propre à 3ASC, afin de saisir, a posteriori les interactions en vigueur entre cette institution de développement et ses « représentants » sur la scène locale. Ce préambule eut sans aucun doute une influence favorable sur notre terrain proprement dit car nous fûmes accueilli avec les plus grands honneurs partout où nous nous rendîmes. Les interactions et le dialogue furent des plus évidents. Cette aisance relationnelle constitua une plus-value certaine qui se répercuta à notre sens sur la qualité des enquêtes effectuées.

Lors de cette formation, nous eûmes également l'occasion de mettre à jour toutes les coordonnées de l'ensemble des membres des CS présents. Une liste comprenant tous les contacts et les numéros de téléphones existants des membres des CS fut mise à notre disposition à l'issue de cette semaine de formation, ce qui nous permit de prendre directement des rendez-vous, après nous être assuré de la disponibilité des personnes contactées.

Durant la première phase de terrain, nous passions la matinée dans une USP et l'après-midi dans un à deux village(s) environnant(s) suivant les rencontres effectuées et la durée des entretiens. Au cours de nos rencontres au sein de ces USP, nous interviewions des individus concordant aux GI 1, 2 et 3. Par contre, dans les villages, nous tentions de converser principalement avec des personnes correspondant au GI 4, et par la suite nous nous dirigions vers les GI 1 et 3. De ce fait, nous pûmes obtenir un panel d'informations suffisamment diversifiées, ce qui nous permit de dégager une esquisse se voulant exhaustive de la situation. Comme mentionné dans la section I. 3.3.1. Représentativité de l'échantillon, au cours de la deuxième phase d'enquêtes, effectuée durant le mois de janvier 2013, nous ne nous sommes pas cantonné à un cadre strict. Grâce à cette souplesse nous fûmes dans la position d'effectuer, à souhait, des va-et-vient constants entre la littérature, le terrain et l'analyse suivant les informations qui nous étaient nécessaires.

48 Olivier de Sardan distingue le « langage-développement » du « langage-projet ». Cette première notion se réfère à « l'univers langagier des institutions de développement » (Olivier de Sardan, 1995a : 165). « La forme concrète, sur le terrain, que prend le langage-développement quand il devient opérationnel et incarné dans une institution au contact de populations locales, est ce qu'on pourrait appeler le « langage-projet » ». Vu sur : Olivier de Sardan, J.-P., 1995a, op. cit., p. 166.

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Néanmoins, les rendez-vous obtenus au préalable avec les CS avaient lieu généralement très tôt dans la matinée, car le personnel était pris par nombre d'activités durant le reste de la journée. Toutefois, ces mêmes horaires correspondaient à la forte période d'affluence dans les USP. Nous privilégiions donc, dans un premier temps, les entretiens avec les membres des CS par souci de loyauté. Cependant, le désavantage de cette façon de procéder est que, dans certains cas, les rencontres pouvaient durer plusieurs heures jusqu'à ce que le soleil fût au zénith, moment où les couloirs de l'USP tendent à se vider littéralement, ne laissant plus âme qui vive si ce n'est une brise ardente remplaçant les ventilateurs endommagés ou tout simplement absents. Dans ce cadre précis, il nous était difficile de rencontrer des patients encore présents ou suffisamment aptes à répondre à nos questions, une fois la rencontre avec les membres des CS achevée. Nous avons donc dû, dans certains cas, opter pour des solutions alternatives, lorsque la route et l'emploi du temps de nos traducteurs nous le permettaient. Soit nous nous rendions aux aurores dans les USP, afin d'avoir le temps de rencontrer des patients disposés à être interviewés, soit nous décalions tout simplement l'heure de rendezvous suivant nos disponibilités respectives.

Concernant les prestataires, nous avons également tiré profit de leur présence à la semaine de formation des CS ; les rencontres suivantes furent en tout point confortables et nous n'eûmes aucun problème à prendre le temps de les interviewer. Malgré une certaine ouverture d'esprit, leurs points de vue se cantonnaient fortement à une vision pro-biomédicale et ils ne se montraient pas suffisamment ouverts au dialogue avec les autres protagonistes de la « santé communautaire » dans la région, émanant des réseaux informels. Enfin, en vue d'interroger des villageois, nous nous rendions, le plus souvent à l'improviste ou accompagné d'un membre d'une CS, hors des axes principaux. Le but étant de chercher à rencontrer des personnes de façon aléatoire. Nous devons souligner un point quant à cette dernière catégorie d'acteurs : nous fûmes dans de nombreux cas merveilleusement bien accueilli et charmé par la diversité de discours que nous avons été amené à entendre.

Un aspect essentiel de l'entretien concerne l'environnement dans lequel celui-ci se déroule. Nous faisons principalement référence à la possibilité de pouvoir s'exprimer librement sans qu'un acteur d'un autre GI soit en mesure de pouvoir entendre les propos de l'interlocuteur en question. En effet, une des intentions-même des questionnaires qui furent établis, était de rendre compte de la nature des relations que les différents GI entretiennent les uns avec les autres. A titre d'exemple, un entretien de groupe fut effectué avec des patientes à la fin d'une séance de vaccination dans la salle d'attente de l'USP de Nassongue, Tandjouaré. Cependant, durant l'entièreté de cet échange, le RFS était présent dans un coin de la salle.

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Malgré notre délicate insistance pour qu'il s'absentât, il persista à faire des allers-retours, troublant ainsi en permanence le dialogue encouru ; cette situation engendra un biais de premier ordre empêchant toute possibilité de critiques à l'égard du dispensaire et de ses prestataires. De ce fait, nous prenions soin, tant que faire se put, d'interroger nos interlocuteurs en dehors de l'USP, à l'ombre d'un rônier ou d'un manguier, dans le souci d'obtenir un cadre d'expression neutre et optimal.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard