1.2.
Problématique
Labone et al. (2000) relèvent que le cheptel
bovin camerounais dans le Grand Nord est estimé à 5,5 millions
d'animaux dont la plus grande partie se concentre dans les provinces
septentrionales (Adamaoua, Nord et Extrême-Nord). L'élevage joue
un rôle important dans les milieux arides et semi-arides malgré un
recours limité à l'intensification ; et un tassement de la
productivité par unité de pâturages après les
progrès réalisés dans les années 50 et 60, (Metzel
et Cook, 1992).
La production pastorale extensive se pratique sur 25 % des
terres du globe, fournit 10 % de la production mondiale et fait vivre quelques
200 millions de ménages pastoraux qui élèvent presque 1
milliard de têtes en Afrique subsaharienne. Sa contribution est
estimée à 30 % au PIB du Cameroun, FAO (2001).
Pour les femmes l'élevage des petits ruminants est
important en ce sens qu'il peut être assimilé à un `'
compte bancaire'' car les animaux peuvent être vendus pour les besoins
personnels ou familiaux et sont rarement consommés sauf pour des
évènements sociaux et culturaux (Ndang et Mbinkai, 2010: 3).
Haberland et Spierrenburg (1991) regroupent les
éleveurs autour de deux grands groupes (grand et petit) et dont
l'utilité de l'élevage est sa considération, pour
l'argent, le lait, la sécurité ou pour la traction, le fumier et
la viande.
Les groupes d'éleveurs nomades forment le peuplement le
plus ancien de la région sahélienne (Requier, 2011). Ils
pratiquent la transhumance entendue à la fois comme le mouvement
pendulaire et saisonnier des troupeaux et comme le mode de vie des hommes qui
les accompagnent. La transhumance est une pratique qui témoigne de
l'adaptation des éleveurs aux contraintes écologiques d'un milieu
naturel marqué par la saisonnalité et par
l'imprévisibilité de la disponibilité en ressources
fourragères.
Chaïbou (2005) relève que les buts du nomadisme et
de la transhumance sont la recherche de l'eau, de pâturages et de la
sécurité. La transhumance, mouvement saisonnier à partir
d'une base fixe, est pratiquée à grande échelle. Elle
permet l'exploitation de pâturages qui ne peuvent être
occupés toute l'année du fait de leur insalubrité
(présence de glossines), du manque de point d'eau pour le bétail,
de leur inondation en saison des pluies ou tout simplement parce qu'il n'y a
plus d'herbes.
A la recherche de meilleures conditions de subsistance, Ndoki
(2007) établit qu'il existe des interrelations entre l'élevage et
les activités agricoles d'une part et entre la disponibilité de
l'eau et des pâturages d'autre part. Bourbouze (1999) affirme que la
transhumance ou la mobilité est une des techniques du pastoralisme qui
offre la meilleure stratégie pour gérer une faible
productivité nette, le caractère imprévisible et le risque
associés aux zones arides et semi-arides. Les mouvements saisonniers
sont essentiels pour permettre aux pasteurs de faire face aux variations
spatiales et temporelles prononcées dans les ressources en
pâturages tout en permettant la restauration des parcours à
certaines époques de l'année.
La transhumance est aussi, selon Boutrais (2005) un moyen
pour le propriétaire (djagordo) du bétail de se
débarrasser partiellement de l'entretien du troupeau durant la
période où les conditions climatiques deviennent difficiles. Les
troupeaux sont ainsi confiés à un berger (gaïnako) ou un
kaliifa (intermédiaire) moyennant comme soulignent Moritz et
al. (2011) un salaire ou usufruit.
Niamir-Fuller (1999) observe qu'en outre de la
disponibilité des ressources naturelles, la mobilité
dépend aussi des différents facteurs techniques et
sociopolitiques. Parmi ceux-ci, figurent le capital humain (une connaissance
approfondie de la dynamique agro écologique complexe des
pâturages) et le capital social (normes sociales, obligations et
responsabilités qui ont un rôle décisif dans la
négociation de l'accès aux ressources et la gestion des
conflits). Ndoki (2007), souligne qu'il y a trois grands facteurs qui
déterminent l'occupation de l'espace des transhumants. Il s'agit
notamment de la disponibilité des ressources fourragères et
hydriques, l'éloignement des champs cultivés afin de limiter les
risques des dégâts et la proximité de son campement et de
la zone d'origine. Cette occupation de l'espace obéit
généralement, de l'avis de Ndoki (2007) à un certain
nombre de critères dont 80 % par affinité (origine, liens
familiaux, propriété du troupeau) et 20 % de façon
anarchique (par ordre d'arrivée, qualité du site).
Les plaines inondables, à travers les fonctions
importantes qu'elles remplissent, constituent une spécificité
importante des zones sahéliennes. Les hommes ont développé
des activités très spécifiques dans ces zones et leur
voisinage. Ils ont su organiser ces écosystèmes extrêmement
productifs pour assurer leur survie (GEPIS, 2000). Ces
écosystèmes d'envergures variées obéissent à
un rythme cyclique et saisonnier qui déclenche et module la vie dans son
déploiement végétal, animal et même minéral:
éclosion des pâturages, migrations des oiseaux, changements des
conditions pédologiques (GEPIS, 2000 et GREZOH, 1999). C'est
justement ce caractère d'espace médian, d'interface entre
plusieurs écosystèmes, mais doté abondamment de la
denrée rare que constitue l'eau, qui fait des plaines d'inondation au
Sahel des lieux de complexité dynamique, d'opportunités et
également d'une forte densité de la population (GEPIS,
2000 ; Loth, 2004 ; et Scholte, 2005). L'homme y tire à la
fois des bénéfices directs (pêche, pâturages,
cueillette) et indirects (amélioration de la qualité de l'eau par
le recyclage de l'azote, recharge de la nappe, protection du littoral par les
zones à mangroves, épandage des crues) (GEPIS, 2000 ;
GREZOH, 1999).
Sighoumnou et Naah (1997) relèvent que ces zones
constituent de bons pâturages de saison sèche où viennent
des pays de la sous-région séjourner 200 000 à 300 000
bovins et 20 000 à 50 000 caprins chaque année (Moritz et
al., 2011).
La plaine d'inondation du Logone est une zone de très
grande valeur sociale et économique, aussi bien au niveau
régional qu'international. Grâce à l'inondation annuelle,
elle fournit les moyens d'existence principalement à travers la
pêche et l'élevage à plus de 200.000 personnes sur une
superficie d'environ 8 000 km2 soit une densité
d'occupation humaine de 25 habitants au km2 (ACEEN, 2007). Les
riches pâturages créés pendant la saison sèche par
les eaux d'inondation restantes nourrissent également de grands
troupeaux de bétail des bergers nomades et transhumants ainsi que ceux
des populations sédentaires (GEPIS, 2000 ; Niasse et al.,
2004). La construction en 1979 d'un barrage et de digues à Maga, pour un
programme d'irrigation du riz, combinées aux déficits
pluviométriques chroniques, entraînèrent l'arrêt de
l'inondation sur une bonne partie de la plaine d'inondation de Logone. Les
surfaces inondées ont été réduites de 3 400
km2 à 2 200 km2 soit une baisse de 35 %
(Seignobos et Iyébi-Mandjeck, 2000).
Dans la zone Soudano-Sahélienne, à cause des
contraintes climatiques telles que la chaleur, la sécheresse et la forte
évaporation, la mobilité des troupeaux reste dans l'ensemble le
mode le plus approprié et le plus efficace de la gestion des parcours.
Cette zone a atteint son seuil de productivité naturelle avec ses 38 %
du cheptel national bovin et 54 % du cheptel des petits ruminants
(Tchoumboué et Manjeli, 1991).
Dans la plaine du Logone, les éleveurs transhumants ont
toujours constitué un groupe social qui a été
négligé pendant longtemps par les autorités et les acteurs
de développement. Cependant, cette zone accueille chaque année
plus de 200 000 têtes de bovins (Seignobos et Iyébi-Mandjek,
2000). Ces troupeaux sont soit confiés à des bergers sous contrat
ou conduits par les propriétaires (Moritz et al., 2011). La
transhumance se présente donc comme une activité à
accompagner tant du point de départ jusqu'aux campements d'installation
des éleveurs en passant par les pistes migratoires (Cheikh, 2006).
Ainsi, on note que la plaine du Logone revêt une
importance capitale pour l'élevage en général et les
transhumants en particulier. Le nombre des troupeaux devrait croitre chaque
année. Ce qui laisse également croire à une augmentation
de l'activité des transhumants salariés (Moritz et al.,
2011).
De ce qui précède, il est important de chercher
à comprendre comment le propriétaire et la femme influencent les
mouvements saisonniers du bétail dans la Plaine d'Inondation du Logone.
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