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"L'appropriation" des enjeux d'un projet par les habitants: cas de l'Agrocité à  Colombes

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par Hadrien Basch
Université Lille 1 - Master de sciences et technologies spécialité ECODEV montage de projets en éco- territoires 2012
  

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2. Les limites de cette appropriation

1.1 La recherche-action et la distance entre chercheurs et habitants

Après avoir analysé une partie des impacts du projet sur certains habitants et abordé la question de la micropolitique nous essayerons ici de comprendre les enjeux de la recherche-action pour le projet R-urban et la distance qui peut s'installer entre les chercheurs et les habitants.

En effet c'est un aspect crucial du projet R-urban qui détermine également la conduite du projet. On peut lire sur le site: « aaa dirige une recherche financée par le Ministère de l'Écologie en lien étroite avec l'implantation de la stratégie à Colombes, pour questionner, analyser et orienter la mise en place des processus significatifs pour l'ensemble de la stratégie: l'implication des acteurs économiques locaux, les dynamiques `écolo-miques' créées, l'éco-bénéfice des circuits courts, la transférabilité de la démarche à différentes échelles, etc. »177. Dès les premiers projets, l'AAA a accompagné ses expériences d'un apport et d'un recul théorique qui a permis d'asseoir les projets et de les accompagner. En

176 Guattari, « Intervention de Félix Guattari au séminaire d'été de la Columbia University ». P.8

177 « Recherche-action | R-Urban », consulté le 14 septembre 2013, http://r-urban.net/recherche-action/.

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effet le fait de pouvoir s'appuyer sur des auteurs et des théories permet de prendre du recul sur les processus en cours et de les inscrire dans une trame de réflexion transversale.

Ainsi, le projet R-urban repose à la fois sur le principe de l'expérimentation et sur la recherche scientifique en sciences humaines.

La recherche action est un concept développé dans le « premier quart du XXème siècle » 178 par certains sociologues et philosophes de l'époque afin de faire correspondre leurs théories avec une réalité sociale observable. Sur le site R-urban on peut lire: « Dans le cadre d'une recherche- action, le chercheur doit pouvoir s'inscrire dans une démarche méthodologique qui vise à prendre en compte de manière plus globale la situation--problème identifiée, en appréhendant notamment ses dimensions économiques, politiques, sociales, juridiques, environnementales mais également psychologiques »179. La recherche-action dans le projet R-urban a dès lors une implication très précise sur l'importance d'une démarche globale aussi bien dans la pratique que dans la théorie. Comme nous l'avons vu dans la partie précédente, l'aspect psychologique est par exemple crucial car il détermine à la fois la subjectivité et le degré l'implication des habitants dans le projet.

Comme nous l'avons vu dans le cadre de l'expérimentation de F. Guattari à la clinique de La Borde, la recherche-action est un concept clé pour de nombreux penseurs dont l'AAA se revendique. En effet cette méthode permet d'effectuer un aller-retour entre théorie et pratique, l'un et l'autre se renforçant mutuellement et créant une synergie positive.

Dans le cadre de mon stage j'ai pu approcher cette notion et ses implications pour le projet à plusieurs titres. D'abord j'ai assisté au séminaire organisé par AAA en juillet. Ce séminaire a réuni une dizaine de chercheurs qui sont pour certains associés depuis longtemps à l'action d'AAA et s'intéressent de près à ses développements. Ce séminaire a débuté par une présentation des avancements du projet R-urban par C. Petcou et D. Petrescu afin de permettre à chacun de mieux saisir le processus en cours. Ensuite une présentation détaillée des projets auxquels ces chercheurs ont été associés était programmée. Chacun avait un parcours universitaire très riche assorti d'expériences très intéressantes. Ces chercheurs viennent de pays différents (Australie, Afrique du Sud, Allemagne, Royaume Uni etc.) et le séminaire s'est déroulé en anglais, au Recyclab. Après

178 René Barbier, « Historique de la R-A par René Barbier », text, http://biblio.recherche-- action.fr, consulté le 14 septembre 2013, http://biblio.recherche-action.fr/document.php?id=194.

179 Marlène Dulaurans, « Une recherche dans l'action: le cas d'une CIFRE en collectivité territoriale », Communication & Organisation n° 41, no 1 (15 avril 2013): 195?210.

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ces présentations une forme de table ronde à permis à chacun de s'exprimer sur les différents thèmes abordés et de poser des questions aux chercheurs présents. Un seul chercheur a quelque peu critiqué l'action de AAA sur le projet R-urban tout en restant très superficiel sur ses commentaires.

Le jour suivant, une discussion plus pragmatique a pris place le matin à l'Agrocité. Des tables thématiques ont été installées et les groupes se sont répartis selon les thèmes proposés (Agriculture urbaine, modèle économique, gouvernance sociale du projet, Recyclab). Des discussions d'une heure environ ont donc pris place pour ensuite échanger entre groupes. Ces tables rondes ont pour but de permettre aux individus de confronter leurs points de vue tout en produisant une somme d'avis éclairés sur le projet R-urban. Ces entretiens par table et la discussion qui a suivi ont été enregistrés. J'ai ensuite participé à la retranscription de ces débats.

Des habitants étaient présents, certains répartis entre les tables. Plusieurs faits ont retenu mon attention quant à la distance qu'il pouvait exister entre les chercheurs et les habitants. D'abord le grand obstacle de la langue. En effet, peu d'habitants du quartier parlent anglais. Dans le cadre de telles discussions, cet obstacle est assez rédhibitoire. A ma table, j'ai du traduire la plupart des échanges, d'autant plus que l'habitant présent, S., était très sollicité sur ses réactions par les chercheurs, intéressés par comprendre le point de vue d'une personne fréquentant le quartier depuis son enfance et ayant une parcelle dans le jardin. En effet, les chercheurs, malgré la présentation du projet et quelques témoignages sont loin de connaître la vie du quartier et les réalités quotidiennes de la population. Il est ainsi difficile pour eux d'appréhender ce a quoi peut ressembler la vie au jardin et les enjeux concrets que ce projet soulève. Evidemment ils ont une autre approche du lieu, plus basée sur les écrits théoriques et les différentes expériences auxquelles ils ont pris part depuis le début du projet.

D'autre part la distance entre les habitants et les chercheurs se révèle dans leur approche éloignée de la compréhension du projet. En effet la grande majorité des habitants n'a pas de formation en sciences humaines et n'a donc pas accès aux mêmes outils conceptuels et de réflexion que ces chercheurs.

La recherche action tente de combler ce vide et ce manque qui existe dans les relations entre chercheurs et individus participants à des expériences pratique: « La recherche-- action suppose une conversion épistémologique, c'est à dire un changement d'attitude de la

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posture académique de chercheur en sciences humaines »180. Ce changement d'attitude doit permettre de concilier les impératifs théoriques avec une approche pratique exigeante: « Lorsque la recherche--action devient de plus en plus radicale, ce changement résulte d'une transformation de l'attitude philosophique du chercheur concerné à l'égard de son propre rapport au monde. »181.

En effet dans de nombreux cas, les chercheurs étudiant des populations dénoncent les problèmes rencontrés et encadrent leur réflexion dans une analyse systémique qui pourrait permettre aux individus de comprendre certains rouages du système. Le film documentaire de F. Dansereau Les porteurs d'espoir explore cette dimension à travers une nouvelle méthode pédagogique qui entend replacer la pratique dans l'approche théorique habituellement de mise à l'école182. De même, l'expérience d'Université Foraine initiée par Patrick Bouchain, souhaite créer une connexion forte entre l'expérience pratique et l'apprentissage théorique. Mais outre certaines expériences prometteuses ces deux mondes restent très déconnectés. En effet, en général ces ouvrages restent entre les mains des chercheurs et les relais pour « atteindre » les individus qui subissent réellement ces situations sont très peu nombreux. De même, les individus n'ont souvent pas le vocabulaire ou les outils pour comprendre certaines notions scientifiques.

De ces décalages entre habitants et chercheurs, découle une forme d'incompréhension entre les enjeux envisagés par les concepteurs du projet R-urban et les personnes utilisant l'espace au jour le jour. Pourtant au fil du temps cet écart viendra surement à se réduire au fur et à mesure que les habitants s'investiront dans le projet et participeront aux projets d'éducation citoyenne par rapport à l'agriculture urbaine, les énergies renouvelables etc. Les habitants, comme dans les autres projets de l'AAA, s'approprient progressivement l'espace.

180 Barbier, « Historique de la R-A par René Barbier ».

181 Ibid.

182 « Les porteurs d'espoir », NFB.CA, consulté le 15 septembre 2013, http://www.onf.ca/film/porteurs_despoir/trailer/les_porteurs_despoir_bande-annonce.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote