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L'Eglise catholique et le processus démocratique au Cameroun: une analyse de la participation des archidiocèses de Douala et de Yaoundé

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par Magloire NDONGMO
Université de Douala Cameroun - Master II en sociologie politiique 2013
  

Disponible en mode multipage

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L'EGLISE CATHOLIQUE ETLE PROCESSUS DEMOCRATIQUE AU CAMEROUN : Une analyse de la participation politique des archidiocèses de Douala et de Yaoundé

251659264

MEMOIRE PRESENTE EN VUE DE L'OBTENTION DU DIPLOME DE MASTER II EN SOCIOLOGIE POLITIQUE

Rédigé et défendu publiquement par:

NDONGMO NANFACK Bertrand Magloire

Titulaire d'un master I en Sociologie, option politique

Dirigé par : Co-dirigé par :

Pr. NANA-FABU Stella Dr. MANDJACK Albert

Maitre de conférences Chargé de cours

COMPOSITION DU JURY

Président : Pr. MISSE MISSE

Examinateur : Dr. NGADJIFNA Charles

Année académique 2011 -2012

Rapporteur :Pr. NANA-FABU Stella

A la mémoire de mes parents,

A la mémoire de tous les martyrs de la libération des peuples opprimés d'Afrique.

REMERCIEMENTS

251658240

Au Pr. Nana Fabu et au Dr. Mandjack, respectivement directrice et co-directeur de ce travail, qui ont bien voulu guider nos premiers pas dans la recherche.

A tous mes enseignants de l'Université de Douala, notamment Pr. Ekomo, Pr. Fouda, Dr. Ba' ana, Dr. Kemayo, Dr. Yom, Dr. Tefé, Dr. Ngadjifna et M. Mballa, pour leurs enseignements dispensés et pour leurs conseils.

A tous mes ainés académiques, en particulier Segnu Etienne et Ndock Nicolas dont la contribution à ce travail a été non négligeable.

A toute ma famille, en Particulier Dongmo Roméo et Domgue Amélie, Pauline Dongmo, Micheline Teumo, Mathias Kemeza, Marie Louise Zanguim et Marie Claire Sakou, dont le soutien pendant toute cette période de recherche a été infaillible.

A la Congrégation des Pères du Saint Esprit, notamment au Supérieur P. Henry Fouda et Mgr Lambert Dzana qui m'ont offert l'opportunité de poursuivre cette recherche jusqu'à terme.

A la Conférence Episcopale Nationale du Cameroun, en particulier Justice et Paix qui m'a accordé un stage de 9 mois en son sein pour m'imprégner des réalités sociopolitiques camerounaises telles que portées par l'Eglise et dont l'apport à ce travail a été considérable.

A la congrégation des Soeurs du Très Saint Sauveur, notamment à leur supérieur Sr. Solange Belinga, pour leur précieux soutien multiforme pendant toute cette période de recherche.

A tous mes amis et camarades de classe, Estelle Temgoua, Sr. Marie Béatrice Abomengono, Anne Magne, EvodieNintedem, TizéMhaKodji, GloryNgwanshi, Kinne Carine, Magloire Nobouk, Gislain Békono, Florence Lebogo et MarlyseMbakam, pour leurs lectures, et relectures de ce travail.

A tous ceux qui de près ou de loin ont contribué à la réalisation de ce travail, à la production des données de terrain : évêques, prêtres, universitaires, hommes politiques, représentant de la Société Civile, fidèles catholiques de Douala et de Yaoundé etc.

Puissiez-vous, tous, trouvez en ce travail l'expression de toute ma gratitude et d'une détermination à faire avancer notre pays le Cameroun ; la finalité de toute science étant de faire avancer l'humanité.

SOMMAIRE

DEDICACE..................................................................................................................................2

REMERCIEMENTS...................................................................................................................3

SOMMAIRE ..................................................................................................4

RESUME ......................................................................................................5

ABSTRACT .......................................................................................................6

LISTES DES SIGLES ET ABREVIATIONS ..........................................................7

LISTES DESTABLEAUX, FIGURES, GRAPHIQUES ET PHOTOS ...............................9

EPIGRAPHE ...............................................................................................12

INTRODUCTION 13

PARTIE 1 : CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE DE LA RECHERCHE 19

CHAPITRE 1 : CONSTRUCTION DE LA PROBLEMATIQUE DE L'ETUDE ET REVUE DE LA LITTERATURE. 20

CHAPITRE 2: LA CONSTRUCTION DU CADRE THEORIQUE ET L'ELABORATION DE LA METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE 38

PARTIE 2 :L'ANALYSE DE LA PARTICIPATION DIFFERNECIEE DE L'EGLISE CATHOLIQUE DANS LE PROCESSUS DEMOCRATIQUE AU CAMEROUN 57

CHAPITRE 3 : ANALYSE DU CONTEXTE DE DEMOCRATISATION ET PROBLEMATIQUE DE L'INTERVENTION DE L'EGLISE DANS LE CHAMP SOCIOPOLITIQUE CAMEROUNAIS 58

CHAPITRE 4: LA PARTICIPATION MITIGEE DE L'INSTITUTION CATHOLIQUE DANS LE PROCESSUS DEMOCRATIQUE CAMEROUNAIS 85

CHAPITRE 5: L'INTERVENTION DISCORDANTE DES CLERCS CATHOLIQUES DANS LE CHAMP DE DEMOCRATISATION DU CAMEROUN 118

CHAPITRE 6: FIDELES CATHOLIQUES ET PARTICIPATION DE L'EGLISE AU PROCESSUS DEMOCRATIQUE CAMEROUNAIS 138

CONCLUSION 165

BIBLIOGRAPHIE 170

ANNEXES..................................................................................................178

TABLE DES MATIERES..........................................................................................195

RESUME

Le vent des démocraties qui a secoué les pays africains à l'aube des années 90 a conduit le Cameroun à s'engager dans le processus de sa démocratisation. L'Eglise Catholique, ayant contribué à la construction de la vie nationale du Cameroun depuis la période coloniale s'est aussi impliquée dans ce vaste processus de gestion collective des affaires publiques. Ce constat de son implication débouche sur cette recherche intitulée : « L'Eglise Catholique et le processus démocratique au Cameroun : Une analyse de la participation politique des archidiocèses de Douala et de Yaoundé »

Notre exploration de ce champ de recherche s'inscrit dans le cadre des sociologies suivantes : La sociologie politique, qui permet de saisir les acteurs catholiques comme des « homo politicus » à partir de leurs actions et attitudes politiques. La sociologie des religions qui donne d'appréhender cette participation de l'Eglise à partir des interrelations entre le politique et le religieux et de la doctrine sociale de l'Eglise. Enfin, la sociologie critique qui permet de démystifier les non-dits de cette participation, ainsi que les formes de dominations politiques et religieuses qui l'entravent.

L'éclairage de ces champs sociologiques conduit au constat empirique de la participation controversée et différenciée de l'Eglise Catholique dans ce processus démocratique. De ce constat découle notre problématique qui débouche sur la question de recherche suivante : « Comment peut-on rendre compte de la participation politique différenciée de l'Eglise au processus démocratique camerounais en dépit de la volonté manifeste de l'institution à participer à la construction de la démocratie camerounaise? ».

Notre étude s'inscrit à l'intercession des paradigmes interactionnistes et constructivistes. A cet effet, elle mobilise les théories de l'interactionnisme symbolique et du constructivisme social, dans l'objectif de rendre compte de la différenciation de la participation politique des acteurs catholiques dans le processus démocratique camerounais.

De ces théories découle l'hypothèse générale suivante : La participation des acteurs catholiques au processus démocratique est orientée par les différents champs de participation et les différentes formes de rationalité socialement construites qui les motivent lors de leurs interactions de sens avec le champ politique.

Dans la même perspective, la méthodologie adoptée s'inscrit dans une approche quali-quantitative. Sous l'angle qualitatif, elle repose sur la logique empirico-inductive et traite, à partir de l'analyse du contenu des données extraites des sources documentaires et des entretiens réalisés auprès de 20 personnes (clercs catholiques, hommes politiques et responsables des OSC). Sous l'angle quantitatif, elle repose sur une analyse des résultats obtenus à partir d'un questionnaire administré à un échantillon de 250 fidèles catholiques de Douala et de Yaoundé.

Les résultats de cette recherche montrent que la participation différenciée de l'Eglise se comprend à partir des trois niveaux de son action politique. Au niveau institutionnel : l'Eglise tente de restructurer le jeu politique à partir de ses propres structures. Cette action de restructuration est entravée par son souci de conserver en même temps son héritage culturel quelque peu réfractaire à la démocratie et ses rapports harmonieux avec le politique, pour la sauvegarde de ses intérêts. Au niveau clérical, elle répond aux logiques d'action contrastées qui animent les clercs dans des contextes différents d'incitations politiques et tribales. Au niveau des fidèles de la base, elle répond à la forte désaffection politique de la société dont ils sont membres et à la prédominance de leur socialisation spirituelle sur leur socialisation politique.

Les mots clés : Processus démocratique, Participation politique, Eglise Catholique

ABSTRACT

The wind of democracies that shocked African countries at the dawn of the 1990s led Cameroon to engage in its process of democratization. The Catholic Church that contributed to the construction of the national life of Cameroon since the colonial period was also involved in this extensive process of collective management of public affairs. This observation leads to this research entitled: "Participation of the Catholic Church in the democratic process in Cameroon: an analysis of the participation in politics of the archdioceses of Douala and Yaoundé"

Our exploration of this field of research is part of the following sociologies: political sociology, which allows the understanding of the Catholic actors as "homo politicus" from the analysis of their actions and political attitudes; Sociology of religions which makes us understand the participation of the Church from the angle of the interrelationships between the political and the religious and the social doctrine of the Church. Finally, critical sociology which allows to demystify all that which is not said about this participation, as well as the forms of political and religious dominations that hinders this process.

The understanding of these sociological fields leads to the empirical observation of the variant and controversial involvement of the Catholic Church in this democratic process. From this observation flows our problem and that constitutes our research question: "How can we account for the variant participation of the Church to the democratic process despite the noticeable desire of the institution to participate in the construction of democracy in Cameroon? ''

Our study is enrolled in the intercession of the paradigms - inter-actionists and constructivist. For this purpose, it mobilizes the theories of the symbolic inter-actionism and social constructivism, in the objective of accounting for the variance of the political participation Cameroonian Catholic stakeholders in the democratic process.

From these theories follows the following general hypothesis: That the participation of Catholics stakeholders in the democratic process is guided by the scope of participation in different rational forms and which motivated them during their interactions in the political field.

In the same perspective, the methodology adopted is part of an approach which is both qualitative and quantitative. In the qualitative terms, it is based on empirico-inductive logic and deals from the analysis of the contents of extracted data and interviews with 20 individuals (Catholic clerics, politicians and leaders of CSO). In quantitative terms, it is based on a deductive analysis of results obtained from a questionnaire administered to a sample of 250 Catholic faithful in Douala and Yaoundé.

The results of this research show that the variant participation of the Church in politics could be understood at three levels; at the institutional level: the Church tries to restructure the political game from its structures. This restructuring process is hampered by its desire to preserve its cultural heritage though obstinate to democracy and its harmonious political and tribal relations. At the level of the faithful at the base, it meets strong alienation of the political society of which they are members with the predominance of spiritual socialization on political socialization.

Key words: Democratic process, Political participation, Catholic Church

LISTE DES SIGLES, ABREVIATIONS ET ACCRONYMES

ACEAC: Association des Conférences Episcopales d'Afrique Centrale

AFP : Agence France presse

CDJP: Commission Diocésaine Justice et Paix

CDO : Centrale Diocésaine des OEuvres

CENC : Conférence Episcopale Nationale du Cameroun

CEV : Communauté Ecclésiale Vivante

CNC : Conseil National de la Communication

CONAC : Commission Nationale Anti-Corruption

CPJP: Conseil Paroissial Justice et Paix

CPP: Cameroon People Party (Parti du PeupleCamerounais)

CRS: Catholic Realif Services

CRTV: Cameroon Radio and Television

DES: Doctrine Sociale de l'Eglise

ELECAM: Elections Cameroon

JOC : Jeunesse Ouvrière Chrétienne

MAC: Mouvement d'Action Catholique

Mgr. : Monseigneur

MINAT : Ministère de l'Administration territoriale et de la décentralisation

MINEPAT : Ministère de l'Economie, de la Planification et de l'Aménagement du Territoire

MRC: Mouvement pour la Renaissance du Cameroun

NDH : Nouveau Droit de l'Homme

NMR : Nouveaux Mouvements Religieux

ONG : Organisation Non Gouvernementale

ONU : Organisation des Nations Unies

OSC : Organisation de la Société Civile

RDC : République Démocratique du Congo

RDPC: Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais

RFI : Radio France Internationale

SC : Société Civile

SCEAM: Symposium desConférencesEpiscopales d'Afrique et de Madagascar

SDF: Social Democratic Font (Front Social Démocratique)

SNJP: Service National Justice et Paix

UCAC : Université Catholique d'Afrique Centrale

UFP : Union pour la Fraternité et le Progrès

USA : United States of America (Etats Unis d'Amérique)

LISTES DES TABLEAUX, FIGURES, GRAPHIQUES ET PHOTOS

LES TABLEAUX

TABLEAU

TITRES

PAGE

Tableau 1 :

Vue synoptique des différents champs sociologiques et théories de l'étude

44

Tableau 2 :

Récapitulatif des unités d'observation

49

Tableau 3 :

Récapitulatif de personnes interviewées selon les catégories retenues

50

Tableau 4 :

Répartition de l'échantillon d'étude suivant le sexe et la ville

51

Tableau 5 :

Répartition de l'échantillon de l'étude suivant l'âge et la ville

51

Tableau 6 :

Répartition de l'échantillon d'étude suivant la profession et la ville

51

Tableau 7 :

Répartition de l'échantillon d'étude suivant la fréquence à la messe

52

Tableau 8 :

Répartition de l'échantillon d'étude suivant le regroupement tribal

52

Tableau 9 :

Résultats des présidentielles de 2004

70

Tableau 10 :

Place accordée aux questions de démocratie dans le chapitre 6 d'ecclésia in Africa : Construire le Royaume de Dieu

87

Tableau 11 :

Thématiques abordées dans le manuel d'éducation à la citoyenneté

102

Tableau 12 :

quelques titres de la presse catholique sur les questions politiques au Cameroun

105

Tableau 13 :

Connaissance de « Justice et Paix » selon la fréquence à la messe

115

Tableau 14 :

Médiatisation des interventions politiques des clercs

126

Tableau 15 :

Jugement sur le régime Biya selon la ville

130

Tableau 16 :

Représentations de la politique chez les catholiques

139

Tableau 17 :

jugement sur l'origine des changements politiques suivant la profession.

141

Tableau 18 :

Jugement des catholiques sur la démocratie camerounaise

142

Tableau 19 :

Participation politique comme facteur de changement social et politique

142

Tableau 20 :

Jugement sur la participation comme devoir chrétien

143

Tableau 21 :

Fidèles catholiques et participation aux conférences sociopolitiques

145

Tableau 22 :

fréquence d'écoute des médias catholiques

146

Tableau 23 :

Répartition des fidèles catholiques selon leur Mouvement d'Action Catholique et la ville

148

Tableau 24 :

Participation politique comme devoir chrétien

150

Tableau 25 :

Jugement sur l'intervention des évêques en politique, selon la tribu.

152

Tableau 26 :

Fréquence de suivi des émissions et informations politiques

153

Tableau 27 :

Inscription sur les listes électorales, suivant la fréquence à la messe

154

Tableau 28 :

Participation des fidèles catholiques aux échéances électorales de 2002 à 2011

155

Tableau 29 :

Participation des fidèles catholiques à l'élection 2011, fréquence messe

156

Tableau 30 :

Participation électorale des fidèles catholiques suivant le regroupement tribal

157

Tableau 31 :

Connaissance des CEV

159

Tableau 32 :

Timing des activités des CEV

160

LES FIGURES

FIGURE

TITRES

PAGE

Figure 1 :

Carte de la ville de Douala

179

Figure 2:

Carte de la ville de Yaoundé

.

179

Figure 3 :

Hiérarchisation des structures catholiques engagée dans le processus démocratique camerounais

116

Figure 4 :

processus conduisant à l'abstention politique des fidèles

116

LES GRAPHIQUES

GRAPHIQUE

TITRE

PAGE

Graphique 1 :

Regroupement tribal et jugement sur le processus démocratique

115

Graphique 2 :

Jugement sur l'action politique des hommes politiques

123

Graphique 3 :

Compatibilité foi et politique, selon la fréquence à la messe

126

Graphique 4 :

Fidèles « journalier » et participation aux conférences sociopolitiques

127

Graphique 5 :

Fréquence d'écoute des médias catholiques.

128

Graphique 6 :

Participation aux conférences sociopolitiques et aux conférences spirituelles

131

Photo 1

Les évêques du Cameroun et autres participants après une conférence

79

Photo 2

Atelier CDJP Yaoundé sur la formation à la citoyenneté

87

Photo 3

Pape Jean Paul II

180

Photo 4

Pape Benoit XVI

180

Photo 5

Cardianl Christian Tumi

180

Photo 6

Mgr. André Wouking

180

Photo 7

Mgr. TonyeBakot

181

Photo 8

Mgr. Joseph Atanga

181

Photo 9

Mgr. Samuel Kleda

181

Photo 10

Mgr. Antoine Ntalou

181

Photo 11

Mgr. Joseph BefeAteba

182

Photo 12

Mgr. Dieudonné Watio

182

Photo 13

P. Ludovic Lado

182

EPIGRAPHE

« L'Eglise apprécie le système démocratique comme système qui assure la participation des citoyens aux choix politiques et garantit aux gouvernés la possibilité de choisir et de contrôler leurs gouvernants ou de les remplacer de manière pacifique lorsque cela s'avère opportun. Cependant, l'Eglise ne peut approuver la constitution de groupes dirigeants restreints qui usurpent le pouvoir de l'Etat au profit de leurs intérêts ou à des fins idéologiques. »

Pape Jean-Paul II(Centesimusannus, 1991)

INTRODUCTION

Les préoccupations politiques les plus présentes dans le monde aujourd'hui sont celles des conditions d'instauration d'un régime politique plus libéral ;un régime qui, non seulement garanti l'implication de toutes les couches sociales à la gestion des affaires de la cité, mais aussi et par conséquent, qui puisse sortir nos pays des crises multiples qui les rongent. C'est dans cette perspective que le système politique démocratique pensé par les philosophes grecs de l'antiquité, et rendu de plus en plus possible par les mentalités et les conditions sociopolitiques de l'époque moderne est présenté presqu'à l'unanimité comme le meilleur des systèmes politiques qui existe actuellement pour notre monde. Une abondante littérature et les débats médiatiques sur cette question, les luttes multiples à travers le monde, traduisent la soif qu'expriment les peuples pour la démocratie qui est devenue un besoin urgent pour nos sociétés.

Cette urgence de la démocratisation s'est ressentie en Afrique à l'aube des années 1990, avec surtout le fameux vent d'Est, et les mouvements sociaux à travers lesquels les peuples africains exigeaient la sortie du monolithisme politique. On se souvient aussi du discours de la Baule du Président français François Mitterrand qui invitait les présidents africains à instaurer la démocratie dans leurs différents pays. Des tentatives de démocratisation ont vu le jour ici et là en Afrique, notamment au Cameroun ; à travers la tolérance du multipartisme et de la liberté de la presse, l'organisation d'élections, quoi que considérées par beaucoup d'experts comme une mascarade1(*). Le but était de mobiliser les citoyens camerounais pour le choix et de leurs dirigeants, et des politiques de leur pays en vue de favoriser le décollage économique, politique et socioculturel de ce dernier.

Cependant, un demi-siècle après l'indépendance, ou encore 20 ans après ces vents de la démocratie, force est de constater que le Cameroun particulièrement fait face aux mêmes problèmes de crises multiformes que S.C. Abega  traduit en ces termes: 

« Le bilan de près d'un demi siècle d'indépendance est éloquent : Sur le plan économique, un endettement monstrueux qui n'a pas produit le développement escompté, le pillage des ressources, l'échec de la plupart des projets économiques et une misère galopante, avec par exemple l'apparition d'une pauvreté urbaine de plus en plus visible ; sur le plan politique, la mal gouvernance et le discrédit jeté sur toute la classe dirigeante, avec en prime une opposition dont l'état de déliquescence ne laisse entrevoir aucun espoir d'alternance, et sur le plan social, une crise identitaire manifestée par un mal vivre général, la corruption et la gabegie qui paralyse toute l'administration»2(*).

Telle est la réalité d'un pays en quête de démocratie, et mobilisant avec peine nombre d'acteurs politiques et civils, organisations nationales et internationales dans la lutte pour des changements significatifs.

Face à cette tenace réalité sociopolitique, l'Eglise Catholique n'est pas restée en marge, mais elle s'est impliquée aussi à la promotion de la démocratie, et à l'accompagnement des peuples en quête d'un mieux-être ensemble. Bien qu'ayant longtemps été réfractaire àplusieurs principes démocratiques comme la liberté religieuse, elle a adhéré finalement aux valeurs démocratiques qu'elle s'est désormais engagée à promouvoir3(*). Ils vont d'ailleurs dans ce sens, ces propos de J.- I.Calvez et H. Tincq qui estiment que l'Eglise Catholique a fait des avancées considérables en vue de l'accompagnement des nations du monde dans la lutte pour la démocratie:

«Il faudrait être de mauvaise foi ou aveugle, rester figer sur les souvenirs des siècles passés...pour nier les inflexions, depuis cent ans, de la doctrine politique et sociale de l'Eglise Catholique, l'engagement toujours plus grand de ses militants, de son clergé, du pape et de bien des évêques, leur participation aux luttes pour la défense des droits de l'homme, la liberté et la démocratie là où ils n'existent pas ou bien ont été supprimés ou sont depuis bafoués. Dans les régimes de parti unique du tiers monde ou de l'Europe communiste, dans les dictatures militaires d'Afrique, d'Amérique Centrale ou latine, d'Asie voire dans les pays industrialisés et développés mais aux structures archaïques ou défaillantes»4(*).

C'est également dans cette perspective que le pape Jean Paul II indiquait combien l'Eglise est acquise à la démocratie comme système politique:

«L'Eglise apprécie le système démocratique, comme système qui assure la participation des citoyens aux choix politiques et garanti aux gouvernés la possibilité de choisir et de contrôler leurs gouvernants, ou de les remplacer de manière pacifique lorsque cela s'avère opportun»5(*).

Ainsi, adhérant à la double tolérance depuis Vatican II, l'Eglise s'est engagée à «jouer le rôle de ferment et de levier du changement dans les Etats, ... Notamment ceux où la tolérance démocratique n'était pas encore pleinement reconnue»6(*), et les papes, en particulier Jean Paul II se sont faits avocats de la démocratie, «en tant que forme de gouvernement le plus susceptible de promouvoir à terme la justice et la mission de l'Eglise»7(*). Elle a d'ailleurs mis sur pied, suite à ces réformes de Vatican II, une doctrine politique et sociale8(*), élaborée par les papes du XIXe et XXe siècles à travers leurs encycliques9(*) et qui est contenues dans ce qu'elle nomme la Doctrine Sociale de l'Eglise10(*). Suite à ce corpus d'Enseignement Social de l'Eglise11(*) , qui fonde et oriente sa participation politique et sociale, a vu le jour une structure qui s'en charge également: Le Conseil Pontifical Justice et Paix avec des sous structures que sont les Services Nationaux Justice et Paix, qu'hébergent les Conférences Episcopales et dont les démembrements au niveau de diocèses sont les CommissionsDiocésaines Justice et Paix, et au Niveau des paroisses, les Conseils Paroissiaux Justice et Paix.

C'est dans cette perspective que l'Eglise s'est engagée depuis quelques décennies à diffuser sa doctrine sociale qui selon le magistère12(*)«fait partie intégrante de la mission d'Evangélisation de l'Eglise»13(*), et à promouvoir la participation politique de ses fidèles ;afin qu'ils apportent chacun «une contribution cohérente pour qu'à travers la politique, s'instaure un ordre social plus juste et conforme à la dignité de la personne humaine»14(*). Ceci,par le choix des « gouvernants selon le coeur de Dieu»15(*), et la transformation par leurs choix politiques, des institutions sociales et politiques de sorte qu'elles soient favorables à la réalisation du bien commun qui, selon le pape Paul VI est la finalité de toute communauté politique.

Un tel intérêt de l'Eglise pour la vie politique s'est accentué au Cameroun à la veille de l'indépendance, dans un contexte similaire à celui de l'Europe des révolutions, notamment lorsque les chrétiens abandonnaient à grand bruit l'Eglise, pour rejoindre les courants d'idées des ouvriers et des courants politiques indépendantistes et anticléricaux16(*). Alors, les autoritésecclésiales, notamment Mgr. Bonneau, commencèrent la promotion des préoccupations sociales et politiques de l'Eglise ; car les chrétiens ne percevaient pas les enjeux sociaux de la foi17(*). Cette promotion passait aussi par les soutiens qu'apportait le clergé camerounais aux populations en quête de leur indépendance, à travers les lettres pastorales et les jeux de médiateurs18(*) entre nationalistes et pouvoir politique19(*).

Ce rôle de l'Eglise s'est poursuivi après l'indépendance, notamment à travers la voix des évêques sur la vie sociale et politique du pays et l'action des organisations catholiques. Ces Vingt dernières années, auraient été tout aussi significatives pour l'implication de l'Eglise dans les affaires sociopolitiques du Cameroun. En raison des multiples lettres pastorales des évêques, des rapports d'observation électorale faits par le Service National Justice et Paix, de la proposition d'un code électoral par ce dernier, de la nomination de deux prélats dans l'administration20(*) etc.

C'est en vue d'interroger ces diverses formes de participationpolitique de cette Eglise à Douala et à Yaoundé-Cameroun que nous avons fait le choix de ce sujet de recherche dont l'intitulé est : «l'Eglise Catholique et le processus démocratique au Cameroun : Une analyse de la participation politique des archidiocèses de Douala et de Yaoundé ».

Ces multiples formes de participation politique de l'Eglise Catholique en contexte de démocratie sont d'une telle complexité qui suscite en nous moult interrogations. Compte tenude la controverse qui a cours dans l'Eglise au sujet de la position de la Conférence Episcopale par rapport au pouvoir en place, des avis divergents des clercs catholiques sur le processus démocratique et du fait que de nombreux fidèles catholiques de Douala et de Yaoundé restent en marge de ces préoccupations sociopolitiques de l'Eglise ;comme nous l'a révélé notre pré enquête faite à ce sujet, en Juillet 2012 à Douala et à Yaoundé.

Tout ceci nous a pousséslogiquement à cette première interrogation qui sous-tend cette recherche: Comment peut-on rendre comptede la participation différenciée et controversée de l'Eglise catholique dans le processus démocratique au Cameroun,en dépit de la volonté manifeste de l'institution à contribuer à la construction de la démocratie camerounaise?

Le choix d'un tel sujet n'a pas été le fruit du hasard, mais il a été motivé par trois ordres d'intérêts, dont l'un personnel, l'autre social, et un troisième scientifique.

Sur le plan personnel, notons que nos motivations personnelles nous ont conduites à ce sujet. En effet, soucieux d'une gestion plus démocratique de notre pays, nous avons un intérêt particulier pour les questions de démocratie. Ainsi, la contribution de l'Eglise Catholique à la construction de cette démocratie au Cameroun est l'une de nos préoccupations les plus récurrentes. En outre, cette recherche nous permet de poser les bases d'un champ de réflexion que nous explorons encore, et de comprendre les enjeux sociopolitiques de la foi catholique telle qu'elle est vécue à Douala et à Yaoundé.

Sur le plan social, cette étude pourra permettre aux catholiques de comprendre les entraves liées à la promotion catholique de la démocratie camerounaise, ainsi que l'impact de la foi catholique sur la participation politique des fidèles de Douala et Yaoundé. Elle pourra en outre, permettre de comprendre pourquoi les chrétiens catholiques, aspirant à un ordre social nouveau manquent de mobilisation déterminée en vue de son instauration. Parconséquent, Elle pourra aider les clercs catholiques à renforcer leur pastorale sociale afin qu'une promotion chrétienne d'une nation camerounaise démocratique et prospère soit effective.

Pour ce qui est de l'intérêt scientifique de ce sujet, notons au préalable que l'analyse des liens de la religion avec le politique, du rôle social et politique de la religion et plus précisément de ses enjeux sociopolitiques intéresse à juste titre les chercheurs sociologues (P. Berger21(*), E. Durkheim22(*), M. Weber23(*), K. Marx etc.), politologues (L.P. Ngongo24(*), A. Mbembe25(*), J.F.Bayart26(*)etc.), théologiens (J.M. Ela27(*), F. Weabey28(*),C. Makiobo29(*)etc.), philosophes (F. EboussiBoulaga30(*)etc.) historien (E. Poulat31(*), J. P.Missina32(*)) etc. Ainsi, une analyse scientifique des logiques d'action qui sous-tendent les conduites des hommes d'Eglise dans la restructuration du jeu politique camerounais pourra constituer une modeste contribution de notre recherche à l'immense champ d'analyse scientifique en sciences sociales. Qui plus est, de nombreuses étudesont été faites sur l'action sociale et politique de l'Eglise catholique, en Afrique comme au Cameroun ; que ce soit pendant la période coloniale comme la période post coloniale. Le choix de ce sujet a donc été pour nous l'occasion d'aborder cette réalité sous un autre angle : l'intervention différenciée et discordante des acteurs catholiques dans le processus démocratique en cours au Cameroun depuis 20 ans. Enfin, il ne fait aucun doute qu'un tel sujet est d'actualité brulante ;vu les récentes publications de J.P. Messina33(*) et de J-L. Maroleau34(*) sur la question, et la forte médiatisation des interventions multipliées, discordantes et controversées des clercs catholiques dans le débat public camerounais35(*).

Ainsi, en vue d'analyser cette participation différenciée pour mieux la comprendre, L'Eglise sera saisie ici en tant qu'institution de la société civile, à travers ses dits, ses écrits, ses faits, tels qu'ils se livrent à l'observation sociologique et/ou politique. A ce titre, un regard sera jeté sur l'histoire récente de cette institution, à savoir, sur une période de 21 ans. Précisément la période allant de 1990: année de la première lettre pastorale des évêques sur le processus initié à l'aube de cette décennie 90 jusqu'en 2011 : année de la forte controverse au sein de l'Eglise sur les attitudes politiques des hommes d'Eglise vis-à-vis du pouvoir en place.

En outre, nous nous proposons, dans la perspective de ces objectifs, de structurer notre travail sur deux parties :

Une première qui traite du cadre théorique et méthodologique, et s'articule sur deux chapitres : un premier qui porte sur l'élaboration de la problématique, sur la revue de la littérature et l'analyse conceptuelle. La problématique part des constats de terrain pour présenter les questions qui orientent cette recherche. La revue de la littérature s'attèle à faire le point des travaux sur la dimension sociopolitique de la religion et sur le processus démocratique.

Le deuxième chapitre, en tenant compte du précédent, s'efforce de circonscrire le cadre théorique et de construire une méthodologie appropriée, susceptible de cerner les agir des acteurs catholiques impliqués dans le processus de démocratisation du Cameroun. Pour cela, il s'articule sur des aspects aussi variés que les paradigmes et les théories mobilisées, les logiques de la recherche, les modes de collectes et d'analyse des données, et l'échantillonnage.

La seconde partie porte sur l'analyse de la participation différenciée de l'Eglise Catholique dans le processus démocratique au Cameroun et s'articule sur quatre chapitres.

Sa première articulation, à savoir le chapitre3, est consacrée à l'analyse du contexte de démocratisation et de la problématique de l'intervention de l'Eglise dans le champ politique camerounais. Ainsi, il aborde des axes aussi variés que l'histoire de la démocratie camerounaise, les facteurs contextuels et la question de la laïcité en rapport avec l'action politique de l'Eglise Catholique au Cameroun.

Le quatrième chapitre quant à lui est consacré à l'analyse de la participation mitigée de l'institution ecclésiale dans ce processus démocratique. Il aborde des aspects aussi variés que l'action de restructuration du jeu politique camerounais par l'institution catholique, et les facteurs de contradiction de cette participation institutionnelle de l'Eglise Catholique au processus démocratique camerounais.

Le chapitre suivant (05) quant à lui, s'intéresse aux interventions discordantes des clercs catholiques dans le champ de démocratisation camerounaise. Il s'articule sur les axes tels que les formes de rationalités des clercs catholiques, le poids des contextes sociaux et les types de rapports des clercs au pouvoir.

Quant au dernier chapitre (06), il aborde la question de la réappropriation des préoccupations sociopolitiques de l'Eglise par ses fidèles de Douala et de Yaoundé. Il s'articule par conséquent entre autres autour des axes tels que les représentations du champ politique par ces fidèles, leur réception et perception de l'enseignement social de l'Eglise et leur participation politique proprement dite.

PARTIE 1 :

CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE DE LA RECHERCHE

CHAPITRE 1 :

CONSTRUCTION DE LA PROBLEMATIQUE DE L'ETUDE ET REVUE DE LA LITTERATURE

Ce chapitre a pour principaux objectifs d'élaborer une problématique propre à notre recherche, de faire une revue critique de la littérature, et d'analyser les mots-clés qui structurent notre thème. Dès lors, il s'articule sur quelques points qui sont : la construction de la problématique, la revue de la littérature et l'analyse conceptuelle.

1.1. LA CONSTRUCTION DE LA PROBLEMATIQUE DE L'ETUDE

Pour mieux circonscrire le problème posé dans ce travail, il importe au préalable de ressortir les constats qui ont levés le voile sur sa problématique.

1.1.1. LECONSTAT DE LA RECHERCHE

Ce constat est d'ordre théorique et empirique :

Théorique, il relève des études faites dans le cadre des relations entre l'Eglise et la démocratie. En effet, les relations entre la religion et la politique sont autant complexes que celles entre l'Eglise et la démocratie. Comme le reconnait P.Costopoulos :

« On a généralement considéré, tout au long de la majeure partie du dernier demi-siècle, si ce n'est depuis plus longtemps encore, que les progrès de la démocratie s'accompagnaient naturellement non pas seulement de la montée du concept de laïcité mais aussi du déclin de la religion »36(*).

C'est dans cette perspective que de nombreux auteurs s'interrogeant sur le rapport de la religion avec la démocratie trouvaient en la religion un obstacle à l'avancée de la démocratie. La célèbre formule de K.Marx : « La religion est l'opium du peuple »37(*) a souvent constitué dans ce sens, une grille de lecture à de nombreux chercheurs. De fait, on a souvent accusé la religion d'être non seulement un placebo, mais aussi une fuite dans une hallucination consolante et anesthésiante. Qui plus est, dans ses rapports avec les pouvoirs politiques dictatoriaux, la religion a souvent été accusée de constituer un véritable soutien pour maintenir l'ordre établi. C'est dans cette perspective que P.Berger écrivait : « L'Eglise et l'Etat s'entendaient pour tenir le peuple sous un dogme idéologique commun»38(*). De nombreux auteurs ont écrit dans le même sens, jugeant l'action de l'Eglise dans le continent africain comme aliénante, parce que étrangère aux crises sociales, économiques et politiques qui minent les africains. Tel est le cas de J. M. Elaqui trouve notamment que le Christianisme est indifférent au cri de détresse des africains39(*).

Cependant, contrairement à ce qu'aurait attendu l'immense majorité des intellectuels du XXe siècle, l'humanité en cette dernière décennie a connu en même temps aussi bien la progression de la démocratie qu'un retour considérable, voire une résurgence de la religion à travers le monde. Telle est la réalité qui amène P.Costopoulos, à faire le constat selon lequel au cours du demi-siècle dernier, « Le monde est devenu plus démocratique et plus religieux»40(*). En réalité, il s'agit d'une évolution qu'ont connue les rapports Eglise-Etat. Rapports caractérisés par ce que nos auteurs qualifient de différenciation, qui est un principe de double tolérance, reposant sur «la distinction de principe entre l'autorité religieuse et l'autorité politique, fondée sur la reconnaissance du fait qu'elles appartiennent à des sphères fondamentalement distinctes, bien qu'étroitement liées »41(*). En plus, dans le même sillage, « les autorités politiques permettent le libre exercice de l'activité religieuse, sans la moindre limite ni discrimination, tandis que les organisations religieuses abandonnent de leur côté toute prétention à exercer un pouvoir politique direct, tout en conservant la liberté d'user de tous les moyens pacifiques de persuasion pour influencer ou tenter de peser sur les choix politiques»42(*).C'est cette seconde piste qui donne à la religion l'opportunité de revenir sur la scène politique, mais cette fois avec une autre casquette, celle de la société civile, pour contribuer à l'amélioration du vivre ensemble.

C'est à la lumière de ces évolutions que nous avons fait le second constat, cette fois empirique, selon lequel, l'Eglise catholique est engagée dans le processus démocratique en Afrique, et en particulier au Cameroun. En effet, si l'Eglise catholique au Cameroun a contribué à la mission de colonisation en Afrique, aux côtés des pouvoirs coloniaux, elle a pris la résolution depuis le Concile Vatican II de contribuer à la construction des jeunes Etats africains.Des structures ont été crééesà cette fin, à savoir par exemple : le Conseil Pontifical Justice et Paix, avec ses démembrements sous régionaux43(*), nationaux44(*), diocésains45(*) et paroissiaux46(*).

Avec l'avènement des vents démocratiques en Afrique, l'Eglise Catholique va s'impliquer aussi dans ce processus de construction d'une nation démocratique. Les organisations catholiquesse sont aussi impliquées dans ce processus, notamment dans les deux villes qui nous intéressent ici. Il s'agit premièrement de la Conférence Episcopale Nationale Camerounaise (CENC) qui est la structure principale et du Service National Justice et Paix.On peut noter aussi des organisations catholiques internationales engagées également dans cette lutte pour la démocratie camerounaise. C'est le cas de la« Catholicreleaf Services » (CRS)47(*). Il s'agit aussi des organes de presse catholiques qui ont une mission sociale comme la diffusion de la doctrine sociale de l'Eglise : Radio Veritas, Maccacos, l'Effort Camerounais, le Lien NkengShalom etc. D'autres organisationsde bases ont été lancées dans la même voie : la JOC, La JEC, les CEV afin de permettre que le discours catholique pour la transformation des conditions de vie atteigne le plus grand nombre possible.

Cependant, malgrétoutes ces structures, bon nombre de catholiques restent en marge de ces préoccupations sociopolitiques de l'Eglise. Les uns soutiennent que l'Eglise n'a pas à se mêler des préoccupations de ce genre, tandis que d'autres y voient un soutien de l'Eglise au régime en place.

Ces divergences d'opinion au sujet de la participation de l'Eglise Catholique au processus démocratique camerounais n'épargnent pas les clercs catholiques eux-mêmes. Ils sont aussi divisés, notamment au sujet de l'orientation à donner au discours catholique sur la scène politique camerounaise. La production discursive du clergé catholique à l'issue des présidentielles de 2004 comme celle d'octobre 2011 en dit long. En 2004, tandis que le cardinal Christian Tumi affirmait sur les ondes de la Radio France Internationale que les élections ont été une mascarade48(*), Mgr.TonyeBakot jugeait qu'elles étaient passables et adressaient ses félicitations au président Vainqueur. En 2011, après le silence de la CENC sur les irrégularités qui ont caractérisées les présidentielles, une messe d'action de grâce était organisée en la Cathédrale Notre Dame des Victoire. C'était l'occasion pour les évêques et autres croyants de célébrer la victoire du candidat Président Paul Biya qui accédait ainsi pour sa 29e année à la magistrature suprême. Par la suite, cette action des évêques a été virulemment critiquée par un autre clerc catholique, Ludovic Lado, qui y dénonçait un soutien des évêques à la dictature49(*).

D'autres acteurs encore se demandent comment l'Eglise Catholique aussi conservatrice et réfractaireà certains droits humains peut prétendre vouloir démocratiser le Cameroun, notamment à travers la voie de ses monarques les évêques.

Nous pouvons dire en résumé que ce dernier constat révèle que l'opinion catholique est divisée quant à la question de cette implication de l'Eglise dans le processus démocratique au Cameroun.

1.1.2. LE PROBLEME DE RECHERCHE

Il ressort de ces multiples constats un certain paradoxe qui s'érige progressivement en centre d'intérêt pour cette étude : l'Eglise Catholique a fait des avancées indubitables dans le sens de sa participation au processus démocratique notamment au Cameroun, mais en même temps, cette participation reste différenciée et controversée, et l'opinion catholique divisée non seulement sur les enjeux et les fondements d'une telle participation, mais aussi sur son orientation. Ce qui pose le problème de la différenciation de la participation de l'Eglise au processus démocratique camerounais.

Dans ce sens, suite à ces multiples constats il ressort un certain nombre d'interrogations qui constitueront le fil conducteur de cette recherche. Il s'agit précisément d'une question principale et de trois autres qui sont spécifiques.

Ø LA QUESTION GENERALE

Comment peut-on rendre compte de la participation différenciée et controversée de l'Eglise Catholique dans le processus démocratique au Cameroun, en dépit de la volonté manifeste de l'institution à contribuer à la construction de la démocratie camerounaise ?

Ø LES QUESTIONS SPECIFIQUES

1. Comment peut-on comprendre la participation mitigée de l'institution catholique au processus de construction de la démocratie camerounaise ?

2. Qu'est-ce qui permet de comprendreles interventions discordantes des clercs catholiques dans le processus de démocratisation de la scène sociopolitique camerounaise?

3. Qu'est-ce qui explique le manque d'adhésion des fidèles catholiques aux préoccupations sociopolitiques de l'Eglise en vue de la démocratisation du Cameroun ?

1.2. LA REVUE DE LA LITTERATURE

Après avoir levé le voile sur la problématique de cette recherche, il convient de faire le point des connaissances sur notre thème, ainsi qu'une analyse des concepts majeurs utilisés ici.

1.2.1. LE POINT DES TRAVAUX RELATIFS A LA PARTICIPATION DE L'EGLISE CATHOLIQUE AU PROCESSUS DEMOCRATIQUE

Il s'agit ici de voir comment les auteurs sociologues et autres des disciplines annexes (historiens, politologues, et même théologiens) ont abordé la question des rapports de la religion au champ sociopolitique et surtout de la participation de l'Eglise dans ce champ. Il convient doncde faire, non pas une présentation simpliste qui se contente de rendre compte de manière linéaire des travaux relatifs à notre thème, mais une analyse critique de ceux-ci, et de situer notre recherche par rapport à ces derniers.

Notre revue de la littérature adoptant une approche par concept, s'articulera autour de quelques axes dont voici les principaux :

Ø La participation politique ;

Ø Le processus démocratique ;

Ø La religion et la participation politique ;

Ø L'Eglise et la Démocratie.

1.2.1.1. Les travaux relatifs à la participation politique

Au sujet de la participation politique D. Memmi et A. Lancelot note chez le citoyen un sentiment d'obligation et d'efficacité politique qui est à l'origine de sa participation politique. Ils distinguent aussi les facteurs individuels et sociaux du comportement politique, et mettent en exergue « l'ensemble des croyances, attitudes, normes, perceptions et autres qui encouragent la participation politique »50(*). Cependant, « le comportement politique et la participation sont davantage induits par le milieu que par la rationalité des individus»51(*). Ils notent aussi le fossé qui existe en matière de participation, entre le réel et le souhaitable.Abordant le cas de l'Afrique, il relève les modes de résistance culturelle à la constitution des Etats ; des «modes de résistances à la participation politique »52(*), qu'il faut appréhender comme une réaction à une exigence de la participation envisagée comme «un schème culturel imposé d'en haut et du centre, dans un mouvement d'intégration des comportements périphériques. »53(*)

J. Leca54(*) aborde la même question de la participation, mais en mettant en exergue le problème de« l'auto exclusion », due à un sentiment de scepticisme envers un système « corrompu ». Pour lui, les règles d'un système politique ne sont pas négligeables dans l'étude de la participation car elles affectent l'intensité et la signification de la participation.

Il convient donc d'inscrire notre recherche à la suite de celles-ci, en mettant en exergue le contexte de participation etles formes de rationalités des acteurs catholiques ici concernés ; mais en mettant l'accent sur la spécificité du champ politique camerounais que ces auteurs n'ont pas exploré.

L'apport de Nonna Mayer dans ce champ de la participationtente de rattacher les comportements politiques aux « attitudes politiques»", c'est-à-dire aux « dispositions acquises et relativement persistantes, qui s'intercalent entre le stimulus politique et la réaction de l'électeur »55(*). Ce qui lui permet de dégager un « indice de prédisposition politique » (qui combine statut social, religion et lieu de résidence) et une influence forte des relations interpersonnelles et des convenances.

Cette étude nous permettra d'analyser la participation politique des acteurs catholiques en rapport avec leur vision du champ politique.

1.2.1.2. Le point des connaissances sur le processus démocratique

Les études sur le processus démocratique des pays du Sud ne manquent pas. Dans un ouvrage intitulé Les pays en développement et l'expérience de la démocratie56(*), trois auteurs, L. Diamond, J.J. Linz et M.Seymour Lipset se consacrent à l'analyse des transformations affectant les régimes politiques de dix pays du Sud. Au-delà de tous les facteurs de ces transformations, ils mettent un accent particulier sur un aspect qu'ils jugent être « le problème politique majeur de notre temps: le combat pour la démocratie»57(*). Ce débat sera à l'ordre du jour dans notre recherche, pour montrer que le processus démocratique au Cameroun est caractérisé par des formes de conflits qui opposent les différents acteurs de ce processus. D'autres facteurs que nos auteurs mettent en jeu ici et qui attirent notre attention pour notre propre recherche sont l'attachement des dirigeants comme des masses aux valeurs démocratiques ; ce qui les conduit évidement aux questions de culture démocratique qui ont favorisé certaines démocraties comme celle de l'Inde avec Gandhi, et fait défaut aux autres, comme celle du Nigéria58(*). Cette culture démocratique est d'autant plus importante que J.P. Cot et J.P. Mounier estiment : 

« Il ne suffit pas de transposer les institutions et les grands principes de la démocratie pour obtenir un régime démocratique. Il faut de plus développer les règles opérationnelles du système démocratique : attitudes politiques, normes de comportement, mécanisme de prise de décision, relation entre gouvernants et gouvernés. Or cet ensemble culturel est lié au système de croyances et au code de relations personnelles qui caractérisent une société... »59(*)

Si ces auteurs n'ont pas abordé le cas camerounais, B.Kipoh ne manque pas de s'y consacrer intégralement mais sous un autre angle, dans un mémoire de DEA intitulé « l'ONEL et la recherche de la consolidation démocratique au Cameroun : avancée et écueils»60(*).Celle-ci essaye de saisir la transition démocratique camerounaise comme « transition d'une `'société close'', qui ne tolère pas la contradiction ou la différence dans la pensée, vers une `'société ouverte où l'on laisse plutôt au débat public rationnel, le temps d'éliminer les idées considérées comme dangereuses ou subversives 61(*)». L'auteur s'interroge sur la gestion du jeu politique à partir d'une gestion des élections par un organe constitutionnel : l'ONEL. Elle met en exergue tous les obstacles auxquels l'ONEL se confronte dans la recherche d'une autonomisation, en vue d'une gestion saine des élections.

S'attachant davantage à la démocratie comme système politique, C. Lefort62(*) en fait une analyse sociologique et présente les caractéristiques d'une telle démocratie ; desquelles nous pouvons retenir :

1. La légitimité du pouvoir est assurée par une consultation populaire ;

2. Cette procédure implique une compétition entre deux postulants au moins ;

3. La compétition suppose à son tour la liberté d'organisation et d'expression des parties ;

4. La puissance politique est limitée ; elle garantit l'indépendance du pouvoir judiciaire, seul susceptible d'assurer dans les limites de la loi les libertés et la sécurité du citoyen, soumettant ainsi le pouvoir lui-même à la loi.63(*)

Tels sont les traits qui nous permettrons de cerner le processus démocratique au Cameroun, tout en examinant comment l'Eglise y participe.

1.2.1.3. Le point des travaux sur le rapport religion/participation politique

Les études de sociologie ou de sciences voisines sur le rapport entre la religion et la participation politique sont pléthores, bien que toutes ne portent pas surle rapport direct entre ces deux entités.

K. Marx examine « le rôle des idées religieuses, sous l'aspect idéologique, dans les types de sociétés différentes, ou en d'autres termes, le rôle de la religion dans le contrôle social »64(*) et parvient à la conclusion qu'elle contribue à détourner ses adeptes de leurs conditions de vie réelles.Dans ce sens, il affirme : « La religion est le soupir de la créature opprimée, l'âme d'un monde sans coeur, comme elle est l'esprit des conditions sociales d'où l'esprit est exclu. Elle est l'opium du peuple65(*)». Cette approche de Marx nous ouvre la voie à examiner la participation politique de l'Eglise dans une perspective de fuite du monde, ou de soutien à la dictature. Plus tard, l'approche durkheimienne66(*) met l'accent sur le dualisme sacré temporel, caractéristique de toute religion. Pour lui, la religion remplit une importante fonction d'intégration sociale, mais reconnaissons avec T.B. Bottomore, que sa théorie s'est avérée moins efficace ;puisque dans la société moderne la religion apparait autant comme facteur d'unité que comme élément de discorde.

Les travaux de M. Weber vont dans le même sens, mais il ne s'attache qu'à un des aspects principaux de l'éthique religieuse : Ses rapports avec l'ordre économique. Rapports examinés « sous l'influence de certaines doctrines religieuses sur le comportement économique et du point de vue de la relation entre la situation des groupes dans le système économique et les types de croyances religieuses»67(*).

L.Michelat et M. Simon mettent en exergue les principales variables explicatives de du comportement politiquedes français : la vision du monde, le niveau d'intégration religieuse etc. Mettant en relation de dépendance le niveau d'intégration religieuse68(*) et le comportement politique, ils montrent que « l'intégration maximum au groupe catholique [...], à une structure symbolique qui unit étroitement la représentation du divin, notion du salut, prescription éthique et conception sociopolitique, se traduisent par un vote massivement orienté à droite »69(*). Ce vote massif à droite est l'oeuvre des «catholiques pratiquant réguliers » tandis qu'à côté d'eux, on a les catholiques les moins pratiquants et les sans-religions qui ont tendance à voter à gauche. De sorte que «plus augmente le niveau d'intégration religieuse, plus est fréquent le refus du vote de gauche (caractérisée par un anticléricalisme exacerbé), plus diminue ce niveau d'intégration religieuse, plus augmente, de façon quasiment symétrique, le refus de vote de droite (caractéristique d'un conservatisme qui sied mieux aux idéaux catholiques et à l'enseignement de l'Eglise)»70(*).

J.M. Ela s'interroge sur les enjeux de foi dans un contexte africain où les drames et les conflits entrainent desformes d'oppression et de domination sévères. Comment comprendre qu'une si puissante institution soit dite à vocation prioritairement surnaturelle, dans un monde où « les paysans (sont) sans terre, les jeunes sans travail, sans toit et sans pain, les populations des bidonvilles, les mouvements voués au silence, c'est-à-dire tous les exclus de la croissance sans développement ? »71(*). Telles sont les interrogations d'un clerc qui trouvent que l'aliénation engendrée par l'Eglise puise ses racines dans sa doctrine et sa structure.

Dans la même perspective, il part d'un constat : « l'évangile nous est venu de l'Occident au travers d'une théologie de combat élaboré dans un contexte sociopolitique et religieuxoù l'autorité pontificale domine la réflexion de l'Eglise »72(*). Puis il s'interroge sur les enjeux, la pertinence, voire la portée de tel discours chrétien en contexte africain : « Que signifie Dieu pour les gens qui sont dans la situation de pauvreté, de sécheresse et de famine, d'injustice et d'oppression ? »73(*). C'est suite à cette préoccupation que l'auteur analyse les conditions de production d'un discours théologico-chrétien qui tienne compte des conditions dramatiques dans lesquelles vivent des millions d'africains.

J.-F.Bayart aborde la question de la fonction politique des Églises au Cameroun, en termes de groupes, des types de relations avec l'Etat, ainsi que des types d'attitude qui s'en dégagent. Il parvient à la conclusion suivante :

« Loin d'être monolithiques, ces Eglises sont à bien des égards, les héritières de la gauche libérale absorbée ou détruite par le régime ; à ce titre, elles exercent une fonction tribunitienne et une fonction d'opposition ponctuelle qui, finalement, contribuent à renforcer le consensus dans le système politique»74(*).

Ainsi, soutien l'auteur, « les relations entre le parti et les organisations confessionnelles dépendent de la capacité des secondes à concurrencer le premier aux niveaux des fonctions de socialisation, de recrutement et d'encadrement »75(*). En outre, les Eglises sont posées comme rivales et concurrentes des organisations sociopolitiques du régime à certains égards. La substitution fonctionnelle est cependant opérée en termes de soutien et de complémentarité.

Un travail de J. Onana76(*) part d'une approche du `'politique par le bas'' et esquisse une reconstruction de la filiation des relations entre le religieux et le politique. Il les inscrit « autour de l'idée-force selon laquelle loin d'être séparée par une frontière intangible ou à l'inverse unis par un lien de dépendance à sens unique, politique et religion entretiennent une interdépendance dialectique et diversiforme».Cette interdépendance ne peut être saisieque concomitamment au coeur des représentations subjectives que les acteurs sociaux se font du religieux et du politique, et des dynamiques pratiques qui s'en informent. Cette réalité est indispensable pour éclairer la compréhension des phénomènes sociaux dans l'Afrique coloniale et post coloniale. Comme le pense G. Balandier, elle donne « d'une part à penser les sociétés africaines en regard de leur historicité propre, d'autre part à saisir les changements qui s'y introduisent en terme de dynamiques différentielles...»77(*).

Nous retenons cet article de Janvier Onana comme une grille théorique africaniste du phénomène religieux en Afrique, etcomme un cadre conceptuel de la participation politique des fidèles catholiques. Cependant, on n'y constate pas un travail de terrain prononcé, ni le terrain spécifiquement camerounais que nous entendons mettre en exergue dans cette recherche.

L.P.Ngongo78(*), aborde la question de la religion au Cameroun dans une approche « socio-politique et historique ». Il y met en exergue le rôle politique des forces religieuses de 1916 à 1955 ; notamment, leurs influences réelles, mais aussi leurs limites dans la construction du Cameroun79(*). Ainsi, il aboutit aux conclusions que la scène coloniale est marquée par des luttes d'influence où les missionnaires cherchent à

« Marquer de leur empreinte idéologique, en profondeur et pour longtemps, les populations indigènes. Ainsi, le débat entre le pouvoir politique et civil et les forces religieuses a pour centre d'intérêt l'orientation de la société indigène»80(*).

Il montre en outre qu'aucune religion organisée ne saurait s'installer dans l'apolitisme, car toute religion vise à transformer les mentalités, à orienter la société selon ses principes doctrinaux.

S.C. Abega, Montre que l'Eglise Catholique s'est intéressée aux questions sociopolitiques de ses fidèles avec beaucoup de retard. Après une prise de conscience, elle s'est inscrite dans une logique critique de sa première évangélisation : « Le chrétien doit s'occuper des choses du ciel, et non celles de la terre, le chrétien doit s'occuper de son âme, non pas de son corps. Cette répétition continuelle a fini par créer chez les africains catholiques une espèce de désintéressement total vis-à-visde la prise en charge du monde»81(*).Puis, il insiste davantage sur les corrections apportées par le Clergé, notamment Mgr Jean Zoa qui, pour mobiliser les chrétiens signifie que ce n'est pas tourner le dos à Dieu que de chercher à améliorer son sort sur cette terre.

Cette étude de S.C. Abega nous sera utile dans la mesure où elle s'interroge sur les débuts de l'intérêt social de l'Eglise tel que porté par ses adeptes. Cependant, puisqu'il se limite à la dimension sociale et économique de l'engagement des chrétiens catholiques, nous nous en démarquerons à travers l'accent que nous mettrons plutôt sur la dimension politique.

L'intervention de J. P.Messina dans un débat d'intellectuels camerounais sur le rôle de l'Eglise dans l'indépendance du Cameroun lui permet de montrer que l'Eglise y a été d'un apport considérable82(*). Il y met en exergue le soutien des hommes d'Eglise comme Mgr. Thomas Mongo et Mgr. Jean Zoa à l'Indépendance du Cameroun pour en conclure que l'Eglise non seulement était favorable à l'Indépendance du Cameroun, mais aussi y a fortement contribué. Par conséquent, l'affrontement de l'Eglise avec certains nationalistes camerounais à l'heure des indépendances ne seraient pas dû à la question même de l'indépendance, mais plutôt au Communisme auquel ces derniers étaient affiliés, et qui constituait l'ennemi principal de l'Eglise notamment en cette période d'avant Vatican II.

A la suite de ces dernières études sur le cas camerounais, nous entendons nous inscrire dans cette logique de la contribution de l'Eglise dans le champ sociopolitique, mais avec une approche plus critique et évaluative.

1.2.1.4. Revue des travaux sur le rapport Eglise/démocratie

Parmi les auteurs qui ont travaillé sur les rapports Eglise-démocratie, nous pouvons commencer par D. Philpott. Celui-ci s'interroge sur les rapports historiques entre catholicisme et démocratie. Si ces deux concepts, historiquement « se sont violemment heurtés », ces rapports ont progressivement changé. L'Eglise et l'Etat ont accédé à la double tolérance quistipule :

« L'Etat reconnait à toutes les Eglises le droit de pratiquer et d'exprimer sa foi et de participer à la vie politique ;les Eglises reconnaissent la liberté religieuse des citoyens de toutes confessions et ne revendiquent ni statut ni privilège constitutionnel d'aucune sorte»83(*).

T. Shah et R.Woodberry Montre que le protestantisme a le plus contribué à la démocratisation. Ce qui s'est fait à travers l'alphabétisation, la massification de la communication écrite, au développement économique, à l'élimination de la corruption, à l'émergence d'un sens plus rigoureux de la responsabilité individuelle.

En partant de ces études, nous pouvons nous inscrire dans la perspective de la troisième vague catholique de démocratisation. Cependant, nous nous limiterons au rôle directement politique de l'Eglise, et non à ses autres formes d'action sociale.

Dans la question religieuse au XXIe siècle, G.Corm s'attaque au crédo du « retour du religieux » qui serait devenu la clé de compréhension des bouleversements du monde postmoderne, en montrant que l'irruption du religieux dans le champ politique ne s'explique pas par une résurrection des identités religieuses que les lumières auraient gommées. Par contre, prolongeant les analyses de Hannah Arendt, il décrit la crise de légitimité des vieilles démocraties, minées par les effets de la globalisation économique et financière. Une crise qui affecte aussi les trois monothéismes juif, chrétien et musulman et contribue à produire les extrémismes religieux. En conséquence, c'est moins à un retour du religieux que l'on assiste qu'à un recours au religieux au service d'intérêts économiques et politiques fort profanes.

Ces études traduisent les évolutions que l'Eglise a connues sur les questions de démocratisation. Notre recherche s'inscrit dans cette même logique etson originalité cependant consisteraà aborder la participation de l'Eglise Catholique dans le processus dansle cas camerounais.

1.2.2. L'ANALYSE CONCEPTUELLE

Il est question dans cette section de définir les concepts centraux de notre étude ; car comme dit E. Durkheim84(*), la première démarche du sociologue est de définir les choses dont il traite, afin que l'on sache bien de quoi il est question. C'est la première et la plus indispensable condition de toute preuve de vérification.Il s'agit doncde convenir sur le sens des concepts clés que nous utiliserons, selon que le chercheur prudent indique la définition adoptée pour les concepts qu'il utilise85(*).

1.2.2.1. Le processus démocratique

Pour mieux comprendre l'expression processus démocratique, il faut commencer par définir la démocratie elle-même.

Etymologiquement, la démocratie est le pouvoir du peuple, c'est pour cela qu'Abraham Lincoln l'a définit comme « Le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple»86(*). Selon le lexique de sociologie,

« La démocratie suppose la possibilité pour les citoyens de désigner leurs gouvernants et de s'exprimer sur les différents choix politiques possibles...La démocratie suppose aussi l'exercice d'une citoyenneté qui suppose le respect des droits civiques et politiques, des droits économiques et sociaux»87(*).

Les défenseurs d'une démocratie participative ou délibérative insistent sur la nécessité d'une implication active des citoyens dans le débat public. Enfin, la démocratie suppose que l'action des gouvernants soit encadrée par les institutions et règles juridiques qui protègent les citoyens contre l'arbitraire et l'abus de pouvoir.

Ce concept de démocratie est d'un usage si vaste et parfois contradictoire qu'EricWeilauteur d'un traité de philosophie politique est venu à déclarer : « le terme de démocratie est d'un emploi tellement difficile qu'il vaudrait presque mieux y renoncer »88(*)

Ainsi, il s'avère nécessaire de circonscrire cette définition, notamment de la limiter à son sens politique, lequel nous intéresse le mieux ici.

Selon L.Diamond, la démocratie en son sens politique renvoie à un système de gouvernement qui satisfait à trois conditions essentielles :

1) L'existence d'une vaste et significative compétition entre individus et groupes organisés (partis politiques notamment) pour la conquête de l'ensemble des postes relevant effectivement du pouvoir gouvernemental, et cela à des intervalles réguliers et sans recours à la force ;

2) Un degré « très large » de participation politique au choix des dirigeants et des programmes politiques, grâce en particulier à des scrutins équitables et réguliers d'où aucun grand groupe social (adulte) n'est exclu ;

3) Un niveau suffisantdes libertés civiles et politiques, des libertés d'expression, de presse, des libertés de former des organisations et d'y adhérer ; afin que soient garanties l'honnêteté de la compétition et de la participation politique.89(*)

Au terme de cette analyse de la démocratie, il convient d'examiner le concept de processus démocratique. Si nous admettons que le terme processus désigne un enchaînement d'actions planifiées pour aboutir à un résultat, alors nous entendrons par processus démocratique un ensemble d'actions, d'étapes qui permettent à une nation de se gérer de façon plus démocratique.

Le processusdémocratique renvoie donc ici à la démocratisation (en son sens politique) d'une nation par exemple. Ce qui est presque son synonyme90(*),c'est-à-dire à « un processus d'égalisation des chances d'accès à des biens ou des positions au sein d'une société donnée »91(*). Il s'agit d'un processus d'éradication ou du moins, de réduction au maximum des inégalités civiles et politiques en cours dans la nation, afin de laisser à chaque citoyen majeur la possibilité de participer à la gestion des affaires publiques de son pays ou de sa communauté politique d'appartenance.

1.2.2.2. La participation politique

En référence au lexique de sociologie, la participation politique est l'«ensemble des pratiques sociales liées à la vie politique. Elle se manifeste par le vote, le militantisme politique (distribution de tracts, participation à des réunions publiques etc.), Par l'adhésion à un parti politique, par la participation à des manifestations etc.)»92(*)

Un autre auteur, D. Memmi propose quelques caractéristiques de cette participation : « 

1- On parle de la participation à propos des individus

2- la participation renvoie à un processus volontaire

3- Il s'agit d'une activité

4- Cette activité est orientée : Elle vise à avoir une influence sur le gouvernement »93(*).

Ainsi, il ressort de ces caractéristiques que la notion departicipation politique présuppose un individu volontaire visant à travers son action à avoir une influence sur le gouvernement. C'est sur cette représentation de l'acteur que nous entendons axer cette recherche. Cependant, il y a un autre élément que cette définition ne prend pas en compte. Dans la description du phénomène, la notion de participation recouvre en fait un champ qui va de l'action véritable à la simple attitude, ou à son résultat : le niveau d'information politique, ou l'intérêt pour la politique par exemple94(*).

C'est pourquoi, nous adoptons dans le cadre de cette recherchecette définition de WEINER qui désigne par participation politique

« toute actionvolontaire, réussie ou non, organisée ou non, épisodique ou continue, employant des moyens légitimes ou illégitimes, visant à influencer le choix des politiques, l'administration, des affaires publiques ou le choix des leaders politiques à tout niveau de gouvernement, local ou national ».

1.2.2.3. L'Eglise Catholique

Commençons par convenir que les termesEglise et Eglise Catholique sont synonymes dans ce travail et pourront par conséquent être utilisés l'un à la place de l'autre ; et qu'il s'agit de l'Eglise Catholique Romaine.

Etymologiquement, "Église" est la traduction du terme grec « ekklésia » que l'on trouve dans le Nouveau Testament, et qui signifie « assemblée des croyants », c'est-à-dire, de ceux qui ont été appelés par Dieu pour former une communauté.

Le concept d'Eglise désigne une grande famille qui manifeste une réalité doublement humaine et divine. Humaine parce qu'il s'agit d'une communauté d'hommes et de femmes, divine parce que cette communauté se réclame de son fondateur Jésus de Nazareth dit Dieu par ses disciples au 1er siècle. C'est pourquoi, selon R. Coste et P. Légié, pour comprendre les institutionsecclésiales, il faut partir du fait historique qui explique son origine : La conviction d'un petit groupe d'hommes et de femmes dès les années 30 et 40 du premier siècle que Jésus de Nazareth, leader religieux récemment crucifié à mort sur ordre de Pilate procureur de Judée était ressuscité. Il était le fils de Dieu, Dieu lui-même, l'homme-Dieu, seigneur de l'humanité et de l'univers, et qu'il avait voulu rassembler tous ceux qui croiraient en lui parmi tous les peuples du monde, en grande communauté d'essence exclusivement religieuse. C'est cette communauté qu'on nomme aujourd'hui Eglise.

La plupart des débats publics concernant l'Eglise, laissent toujours entendre par le concept d'Eglise lahiérarchie de l'Eglise.Cependant, à la suite de BarbeyWeabey, nous utiliserons le concept Eglise Catholique pour désigner « l'ensemble du peuple de Dieu, mais aussi pour désigner sa hiérarchie, c'est-à-dire les évêques réunis autour du pape »95(*).

Une autre approche de la chose est celle d'E. Durkheim. Il part de la définition de la religion :

« Une religion est un système solidaire de croyances et de pratiques relatives à des choses sacrées, c'est à dire séparées, interdites, croyances et pratiques qui unissent en une même communauté morale, appelée Église, tous ceux qui y adhèrent. »96(*)

Ensuite, il définit l'Eglise comme une « communauté morale formée de tous les croyants d'une même foi, les fidèles comme les prêtres. »97(*)

Cette approche durkheimienne de l'Eglise nous permet de saisir l'Eglise Catholique à travers sa structure, son rôle socialisant, et sa mission, ainsi que les rapports qu'elle établit entre le temporel et le spirituel. Ce que Durkheim saisi en terme de « sacré » et de « profane ».

L'Eglise Catholique sera prise ici en tant qu'institution sociale, à travers ses dits, ses écrits, ses faits, tels qu'ils se livrent à l'observation sociologique et/ou politique. Elle ne sera pas saisie uniquement à partir de sa hiérarchie (car l'Eglise ne se résume pas au clergé), mais aussi à partir de ses ONG et de ses multiples associations de bases comme de ses fidèles pris individuellement et collectivement.

Ainsi, nous pouvons retenir que l'Eglise Catholique renverra dans le cadre de ce travail à l'ensemble des clercs et laïcs réunis sous l'autorité du Vatican et agissant à travers les différentes institutions, organisations et associations réunies sous celle-ci.

Le clergé catholiquedésigne l'ensemble de la hiérarchie de l'Eglise. Il est constitué d'un haut clergé, à savoir le pape, les cardinaux, les évêques, etc. ; et d'un bas clergé, à savoir le clergé paroissial constitué des prêtres en charge des paroisses. Nous y joignons les religieux, qui en tant que leadeurs religieux ont presque les mêmes statuts que les clercs.

Sous le titre de laïcs catholiques, on entendra l'ensemble des chrétiens qui ne sont ni clercs ni religieux, mais membres ordinaires de l'Eglise considérés comme peuple (Laos en Grec) de Dieu. Leur mission est double : d'abord celle d'exercer « la gérance des choses temporelles » (Vatican II), à travers leur vie familiale et leurs activités professionnelles, vécues suivant un esprit évangélique, ce qui leur permet de porter un témoignage de foi qui puisse êtreperçu par les non chrétiens. Ensuite, celle d'être des éléments actifs à l'intérieur de la communauté ecclésiale à tous les niveaux. La forme la plus explicitement ecclésiale est l'action catholique dont les caractéristiques sont les suivants selon le concile Vatican II : un but qui soit le but apostolique même de l'Eglise, une collaboration étroite avec la hiérarchie et sous sa haute direction, une action à la manière d'un corps organisé.

Du point de vue catholique, est chrétien catholique tout « baptisé » qui n'est pas excommunié. Cependant, comme l'estime L.Michelat et M.Simon, on n'est pas catholique si on n'est pas vraiment pratiquant ; c'est-à-dire qu'en plus du critère « baptême » que défini le droit canon, il faut se définir soi-même comme catholique, aller à la messe au moins une fois par an. A partir de cette définition, nous pouvons dire ce qu'est un chrétien catholique.

Dans l'Eglise Catholique, ce terme est synonyme de laïc ou encore de fidèle laïc. Nous pouvons lire dans un document officiel de l'Eglise Catholique : « sous le nom de laïc nous entendons ici tous les fidèles à l'exclusion des membres engagés dans un ordre sacré et dans un ordre religieux consacré et reconnu par l'Eglise...et qui exerce pour leur part la mission dévolu au peuple chrétien tout entier dans l'Eglise et dans le monde»98(*).

Par Organisation Catholique, nous entendrons une structure catholique suivant une logique propre pour atteindre un but précis. Il s'agit de l'organisation d'une partie de l'effectif de l'institution ecclésiale voué à la résolution d'un problème ou l'accomplissement d'une tâche, par exemple le suivi du processus électoral. Comme organisation catholique, nous avons : les Commissions diocésaines Justice et Paix, les ONG catholiques etc.

Après cette revue des approches définitionnelles de l'Eglise, nous convenons d'entendre par Eglise Catholique « une communauté de croyants, constituée des clercs et fidèles, et agissant sous l'autorité du Pape, et dont le but est de concourir au salut des âmes de ses membres et de donner à la société une orientation qui réponde à ses exigences morales ».

De cette définition nous mettons en exergue trois catégories d'acteurs catholiques autour desquels s'articulera notre recherche :

Ø Un acteur institutionnel qui est collectif, et représenté par les autorités qui répondent des structures catholiques. Exemple : la CENC, représentée par son président. Le SNJP, représenté par son coordonnateur national, mais subordonnée à la CENC.

Ø Une première catégorie d'acteurs individuels,que sont les clercs catholiques et saisis ici en tant qu'ils sont des leaders catholiques. Exemple : le cardinal Christian Tumi (évêque catholique, du haut clergé), le P.Ludovic Lado (prêtre catholique du Cameroun, du bas clergé)

Ø Une deuxième catégorie d'acteurs individuels que sont lesfidèles catholiques, et saisis ici en tant qu'ils constituent la masse, le monde d'en bas, et subordonné par conséquent à l'élite. Exemple : les fidèles catholiques de Douala, les fidèles catholiques de Yaoundé.

CHAPITRE 2:

LA CONSTRUCTION DU CADRE THEORIQUE ET L'ELABORATION DE LA METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE

L'objectif de ce chapitre est de construire un cadre théorique qui serve de grille d'analyse du phénomène politique catholique en contexte de démocratie, afin d'élaborer à partir de ce dernier, une méthodologie qui soit susceptible de rendre compte de la participation controversé et différencié de l'Eglise Catholique au processus démocratique au Cameroun. Pour cela, il s'articule autour de deux points essentiels : les champs sociologiques mobilisé, la construction du cadre théorique et l'élaboration de la méthodologie de la recherche.

2.1. LA MOBILISATION DES CHAMPS SOCIOLOGIQUES

Notre sujet tel qu'il est formulé pose le problème de la participation différenciée de l'Eglise Catholique au processus de construction de la démocratie camerounaise. Ainsi, pour mieux répondre à une telle problématique, nous allons inscrire notre recherche dans trois champs sociologiques principaux : La sociologie politique, la sociologie des religions et la sociologie critique. C'est pourquoi nous avons mobilisé ces champs dont il convient ici de présenter les différents apports dans notre recherche ; afin de s'en inspirer par la suite pour l'élaboration du cadre théorique de cette étude.

2.1.1. La sociologie politique

Notre recherche s'inscrit dans le champ de la sociologie politique, en tant qu'elle saisit l'institution religieuse ici en question dans son rapport avec l'univers politique. Cette sociologie nous permettra de comprendre le rôle que les acteurs politiques catholiques jouent en contexte laïc qui est celui de la démocratisation. En outre, elle permettra de comprendre le catholique en tant qu'il est un « homo politicus » et saisi comme tel à travers ses actions et ses attitudes politiques, quelle que soit l'orientation qu'il lui donne.

2.1.2. La sociologie des religions

Compte tenu de la domination dans la sociologie politique actuelle du phénomène religieux99(*), nous avons mobilisé la sociologie des religions, question surtout de couvrir l'aspect religieux qui concernent notre recherche dont les acteurs sont prioritairement religieux, et prétendent donner une motivation religieuse à leur participation dans le champ politique.

Ainsi, cette dernière nous permettra d'examiner la socialisation des catholiques par leur Eglise, à travers sa tentative de détermination d'une vision chrétienne du monde chez ses adeptes. Il est en effet important de comprendre l'agir du catholique à partir de son appartenance à l'Eglise, reconnue par son important rôle de socialisation100(*).

Mise en interrelation ici, la sociologie politique et la sociologie des religions nous permettront d'étudier l'influence du fait religieux sur la politique et inversement, et d'analyser les relations entre les acteurs religieuxet les autres acteurs politiques.

2.1.3. La sociologie critique

L'importance de la sociologie critique vient de ce que cette étude fera une analyse critique du régime en place, en tant qu'il entrave le processus de démocratisation camerounais. En effet, si « la sociologie politique cherche à élucider les rouages du système politique (...) ce dernier cherche à les masquer »101(*). L'invocation ici de la sociologie critique permet de mieux élucider ces mécanismes de domination de la scène de la démocratisation par le régime politique en place. Elle répond aussi au souci de démystifier les non-dits de la participation politique de l'Eglise. Les entraves que sa socialisation religieuse peut poser à l'action politique de ses fidèles seront donc analyser, selon la vision marxiste qui trouve dans la religion « l'opium du peuple »102(*) ; selon aussi celle de J.M. Ela103(*) et L.P. Ngongo104(*)qui trouvent en l'Eglise un instrument de domination de l'Occident et des plus forts en Afrique.

2.2. LA CONSTRUCTION DU CADRE THEORIQUE DE LA RECHERCHE

« Si en contemplant les phénomènes, nous ne les rattachions point immédiatement à quelques principes, non seulement il nous serait impossible de combiner ces observations isolées, et par conséquent, d'en tirer aucun fruit, mais nous serions même entièrement incapables de les retenir ; et le plus souvent, les faits resteraient inaperçus sous nos yeux »105(*).

C'est à travers ces propos qu'A. Comte, réaffirmait la nécessité de spécifier l'approche théorique de toute étude, puisque si nous ne définissons pas au préalable une grille théorique de lecture du terrain il ne nous sera point possible d'en tirer quelque leçon. Cette partie se consacre à cette élaboration du cadre théorique de notre analyse, lequel s'articule autour d'un ancrage paradigmatique et de deux théories mobilisées.

2.2.1. Les paradigmes interactionnistes et constructivistes

Avant d'inscrire cette recherche dans un cadre théorique donné, il convient de préciser au préalable que nous nous inscrivons dans les paradigmes interactionnistes et constructivistes. L'avantage avec ces nouvelles approches paradigmatiques étant,- nous le verrons dans la partie consacrée à la méthodologie - qu'elles nous permettent de sortir des oppositions traditionnelles objectif/subjectif, individu/société, sujet/objet, que la sociologie a hérité de la tradition philosophique106(*), pour tenter de saisir les actions et attitudes politiques des acteurs catholiques à l'intersection de leurs rationalités et des contextes sociaux à l'intérieur desquels ils se meuvent.

L'approche interactionniste permet de comprendre les comportements des acteurs catholiques à travers leurs interactions entre eux et avec le champ de démocratisation. L'approche constructiviste permet une saisie de la participation de l'Eglise comme un construit des acteurs qui y sont impliqués. C'est pourquoi, nous nous situons ici à la suite d'A. Garfinkel pour qui il faut considérer les faits sociaux comme des accomplissements pratiques. Le fait social n'est pas un objet stable, il est le produit de l'activité continuelle des hommes qui mettent en oeuvre des savoirs faire, des procédures, des règles de conduites107(*).

En vue de la construction de notre objet sociologique, nous établironsdes passages entre notre vue extérieure en tant qu'observateur du processus catholique de construction de la démocratie, et les façons dont les acteurs qui y sont impliqués perçoivent et vivent ce qu'ils font dans le cours de leurs actions108(*). C'est dans cette logique que s'inscrit notre grille d'analyse théorique.

Les théories del'interactionnisme symbolique et le constructivisme socialconstituent donc le cadre théorique retenu ici.

2.2.2. Les interactions de sens des acteurs catholiques avec le champ de démocratisation camerounaise.

La problématique des interactions des acteurs sociaux s'inscrit dans la théorie de l'interactionnisme symbolique, théorie dont l'origine est l'Ecole de Chicago et dont les principaux représentants sont aujourd'hui R. Park, E. Burgess et H.Blumer. Dans cette perspective, la conception que les acteurs se font du monde social constitue, en dernière analyse, l'objet même de la recherche sociologique109(*). L'accent est donc mis sur le point de vue des acteurs, quel que soit l'objet d'étude, puisque c'est à travers le sens qu'ils assignent aux objets, aux situations, aux symboles qui les entourent, que les acteurs fabriquent leur monde social. Ainsi, la thèse de l'interactionnisme symbolique est que, premièrement, l'accès cognitif au sens des phénomènes, tant subjectifs qu'objectifs, découle inévitablement d'une interprétation et, deuxièmement, que la formation du cadre interprétatif découle des processus dynamiques d'interaction interindividuelle110(*).

La participation des acteurs catholiquesau processus démocratique camerounais est ainsi perçue dans cette recherchecomme fruitdes interactions de ces derniers avec les acteurs et le champ démocratique. Il s'agit principalement des sens que construisent les clercs catholiques au moment de leurs interventions dans le débat public, et qui donne des orientations à leur discours. Orientation qui ne peut être comprise qu'en tenant compte des interlocuteurs de ce discours et des sens qu'il accordent réciproquement à cet objet qu'est le discours sociopolitique ou politico-religieux des clercs catholiques.

Il s'agit également des interprétations des membres des organisations catholiques dans leur rôle de restructuration du jeu politique à partir de l'action politique catholique. L'idée interactionniste ici est que ces acteurs catholiques interprètent l'univers politique de la démocratisation en fonction des interactions qu'ils ont entre eux et avec ce champ, et que leur rôle de restructuration du jeux politique est fortement tributaire de ces interprétations et de ces interactions.

Il convient aussi dans cette recherche de faire une mise en exergue des perceptions de la démocratie par ces derniers, des enjeux politico-religieux de leurs actions. Une telle approche est à même de nous permettre de comprendre les acteurs catholiques en contexte de démocratie ; la manière dont ils contribuent à construire la démocratie camerounaise.

Cette construction du sens par les acteurs impliqués dans le processus de démocratisation ne se fait pas seulement entre des individus qui seraient considérés comme des atomes sociaux isolés, mais dans un contexte social dont l'importance n'est pas négligeable. Le sens de toute chose est en fait donné par son contexte de production. C'est pourquoi,HowerBecker l'un des piliers de l'interactionnisme symbolique soutient qu'il est nécessaire d'examiner « minutieusement les activités effectives, en tentant de comprendre les circonstances dans lesquelles agissent tous ceux qui sont concernés»111(*). C'est de là que vient l'intérêt que nous accordons dans cette approche interactionniste aux situations et institutions religieuses et politiques à l'intérieur desquelles évoluent ces acteurs catholiques, et avec lesquelles ils interagissent tout en construisant le sens de leurs actions. Ce sont tous ces éléments qui contribuent à façonner et refaçonner l'identité politico-religieuse de ceux-ci, laquelle est importante dans la production sociale de leur rôle de démocratisation.

En somme, conformément aux principes de l'interactionnisme symbolique développés par H. Blumer, nous pouvons retenir ces lignes majeures de notre analyse interactionniste :

- Les acteurs politiques catholiques agissent à l'égard de la démocratisation du Cameroun en fonction du sens qu'ils attribuent à cette réalité ;

- Ce sens est dérivé ou provient de l'interaction sociale qu'ils ont entre eux et avec les autres acteurs du champ de démocratisation ;

- Ce sens est manipulé dans, et modifiés via, un processus interprétatif utilisé par ces acteurs catholiques pour interagir avec les autres acteurs de ce processus.

Cependant, il reste à couvrir un autre aspect de notre recherche : les attitudes des fidèles catholiques vis-à-vis de ces réalités sociopolitiques portées par l'Eglise dont ils sont membres. Ce que nous allons faire au moyen de la théorie du constructivisme, en particulier le constructivisme social.

2.2.3. La construction sociale de la participation de l'Eglise Catholique dans le processus démocratique camerounais.

La construction sociale de la réalité a été théorisée par les tenants du constructivisme social, dont P.L. Berger et T.Luckmann112(*).Ils mettent en valeur des orientations sociologiques à la fois qualitatives et interactionnistes et envisagent la réalité sociale et les phénomènes sociaux comme étant " construits " ;c'est-à-dire créés, objectivés ou institutionnalisés et par la suite transformés en traditions. Le constructivisme social se concentre sur la description des institutions, des actions en s'interrogeant sur la manière dont ils construisent la réalité. La problématique qu'ils y dégagent s'inscrit dans une approche qui rejette la dichotomie traditionnelle individu et société, et en pose des passerelles entre les niveaux micro et macro.

Il convient dans le cadre de cette analyse de ressortir les mécanismes de construction de la participation des acteurs catholiques dans le processus démocratique.

Le postulat de cette approche est qu'il n'existe pas à priori une participation de l'Eglise Catholique, ni des règles prédéfinies de cette participation, auxquelles ces acteurs se conformeraient. Cette participation comme les règles qui dictent son orientation et son intensité est construite socialement à travers les interactions des différents acteurs impliqués dans ce processus. Ceci concerne d'avantage la production des attitudes desfidèles de la base, vis-à-vis de l'action politique catholique en faveur de la démocratie. Dans cette perspective, il convient de faire une description de l'institution ecclésiale ici concernée et des actions de ses membres, pour comprendre comment ils concourent à la production et la reproduction des attitudes des fidèles catholiques, la manière dont ils perçoivent la participation politique de l'Eglise et par là, leurs réactions vis-à-vis de cette dernière réalité.

Dans ce sens, cette construction est influencée à la fois par les interprétations que les acteurs catholiques ici concernés se font de l'objet en construction.Elle l'est aussi par le stock de connaissances qu'ils disposent sur cet objet : la connaissance de la Doctrine Sociale de l'Eglise, la connaissance des réalités politiques de leur pays etc. Leur perception du discours politico-religieux du clergé répond donc à ce processus. Cependant, ce discours est lui aussi socialement construit, en ceci qu'il est conçu par et pour une communauté interprétative spécialisée, en des termes créés « par le mélange complexe de circonstances sociales, d'opinions politiques, d'incitations économiques et d'un climat idéologique qui constitue l'environnement humain de ses producteurs et de ses destinataires »113(*).

Cette analyse des mécanismes de construction de la participation politique de l'Eglise en démocratie se situe nécessairement à l'intercession des approches subjectivistes et objectivistes. Il faut donc saisir l'attitude des fidèles catholiques de la base, à l'intercession de l'institutionnel et des actions individuelles. Les fidèles catholiques de Douala et de Yaoundé construisent leurs attitudes politiques à partir de leurs interactions, mais des interactions qui sont insérées dans des contextes sociopolitiques qui les orientent et donne à ces attitudes une certaine solidité et stabilité.

P. Berger et T.Luckmann ont aussi élargi la sociologie de la connaissance, auparavant à « la connaissance ordinaire, et par là à l'ensemble des processus de construction sociale de la réalité »114(*). Apport théorique qui nous permettra de mettre en exergue la production sociale des représentations du champ politique par les chrétiens catholiques, à l'aide de leurs croyances, leurs connaissances spontanées de la politique, leurs interprétations de la scène politique et des actions des hommes politiques comme des hommes d'Eglise, etc.

Au second moment de leur analyse théorique, P. Berger et T.Luckmann appréhendent la réalité en certain de ses aspects comme une réalité subjective, c'est-à-dire « intériorisée à travers la socialisation »115(*). Ainsi, dans leurs interactions, les chrétiens catholiques se démarquent au quotidien les uns des autres à travers leurs pratiques, leurs interactions.Ils intériorisent les normes sociales relatives àla participation politique, s'approprient des visions de ceux qui les ont précédés sur ce champ d'action. Cependant, il ne s'agit pas d'une reproduction à la lettre des principes de cetteparticipation politique, maiscomme pense P. Bourdieu, il s'agit d'une reproduction toujours renégociée116(*) dans les interactions. C'est en cela que ressort le processus historique de construction permanente des attitudes des fidèles catholiques de Douala et de Yaoundé. Dans cette perspective, cette socialisation, définie comme « l'installation consistante et étendue d'un individu à l'intérieur du monde objectif d'une société ou d'un secteur de celle-ci »117(*), est caractérisée par l'institutionnalisation, par un double processus de conservation et de transformation.

Au terme de cette présentation du cadre théorique, nous exposons l'ensemble de nos empreints théoriques et conceptuelles dans le tableau suivant :

Tableau 1:Vue synoptique des différents champs sociologiques et théories de l'étude.

Source : Par nos soins.

Après avoir résumé dans ce tableau le cadre théorique, il convient de présenter le cadre méthodologique qui sied à notre analyse.

2.3. L'ELABORATION DE LA METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE

Cette sous-section consacrée à la justification du choix de la méthodologie est axée sur des points aussi variés que la construction des hypothèses et des objectifs, la définition de la méthode de recherche et des outils de collectes des données, la définition de la population d'étude et de l'échantillon, et l'élaboration du modèle d'analyse.

2.3.1. La construction des hypothèses

Leshypothèses constituent dans une recherche « des réponses provisoires et relativement sommaires qui guideront le travail de recueil des données et devront en revanche être testées, corrigées et approfondies »118(*) par le chercheur.C'est la raison pour laquelle nous procédons ici à l'élaboration des hypothèses de cette recherche.

Cette construction d'hypothèses répond ici à une logique empirico-inductive,car nous nous situons à l'intersection d'une problématique de moyenne et de basse portée ; étant donné que la participation des acteurs catholiques dans le processus démocratique camerounaisest appréhendée à la fois dans la perspective des structures sociopolitiques et religieuses dans lesquelles ces acteurs sociaux collectifs et individuels se meuvent, mais aussi, un accent est mis sur le vécu, les logiques d'action, les trames de vie, les trajectoires et les représentations de ces derniers.

A la question de savoir comment rendre compte de la participation différenciéeet controverséede l'Eglise Catholique dans le processus démocratique camerounaisen dépit de la volonté manifeste de l'institution à contribuer à la construction de la démocratiecamerounaise, nous avons fait quatre propositions de réponse, dont l'une est générale et les autres spécifiques.

2.3.1.1. L'hypothèse générale

La participation différentiée et controversée de l'Egliseau le processus démocratique répond aux contextes de participation et aux différentes formes de rationalité des acteurs catholiques qui les motivent lors de leurs interactions de sens avec le champ politique.

2.3.1.2. Les hypothèses spécifiques

1) Le caractère mitigé de la participation institutionnelle de l'EgliseCatholique au processus démocratique relève de son souci de contribuer à la restructuration du jeu politique camerounais tout en conservant son héritage culturel et les intérêts qu'elle tire de ses rapports harmonieux avec l'Etat.

2) Les interventionsdiscordantes des clercs catholiques dans le processus démocratique camerounais sont orientées par les logiques d'actions de ceux-ci, et leurs rapports au champ politique avec lequel ils interagissent.

3) Le manque d'adhésion des fidèles catholiques aux préoccupations sociopolitiques de l'Eglise s'explique par les représentations par ceux-ci des rapports d'incompatibilité entre le politique et le religieux, dans un contexte de déficit de socialisation politique.

2.3.2. Les objectifs de la recherche

La définition des objectifs de cette recherche a pris en compte à la fois nos questions de recherche, nos hypothèses, et notre cadre théorique. Au regard donc de tout ceci, nous avons pu définir quatre objectifs dont un général, duquel découlent trois autres qui sont spécifiques.

2.3.2.1. L'objectif général

A travers cette recherche, nous entendons analyser pour mieux comprendre, la participation différentiée et controversée de l'Eglise Gatholique dans le processus démocratique camerounais, à partir de la prise de parole des clercs catholiques dans le débat public, de l'action des organisations et associations catholique de la base, et des attitude des fidèles catholiques vis-à-vis de ces réalités sociopolitiques telles que portées par leur Eglise.

2.3.2.2. Les objectifs spécifiques

1. Rendre compte du caractère mitigé de la participation institutionnelle de l'Eglise Catholique dans le processus démocratique au Cameroun, à travers la description des interrelations entre le politique et le religieux, et des interactions des acteurs politiques catholiques avec le champ politique ;

2. Comprendre la participation différenciée et les interventions discordantesdes clercs catholiques dans le champ de démocratisation camerounais, à partir de l'analyse des formes de rationalité qui sous-tendent leur production discursive ;

3. Expliquer le manque d'adhésion des chrétiens catholiques de la base aux préoccupations sociopolitiques de l'Eglise orientées vers la construction de la démocratie camerounaise.

2.3.3. La méthode de recherche

« On considérera la méthode d'une recherche comme l'ensemble des opérations intellectuelles permettant d'analyser, de comprendre et d'expliquer la réalité étudiée»119(*).Ces mots de Loubet nous permettent de comprendre qu'il convient ici de définir la marche rationnelle de l'esprit qui nous conduira à la vérité concernant la participation des acteurs politiques catholiques dans le processus démocratique camerounais.

Nous pouvons constateravec K. Popperquela réflexion sur la façon dont la sociologie approche et définit son objet tend à dégager, par simplification, deux principaux modes qui se distinguent jusqu'à devenir opposés: le holisme méthodologique d'une part, que paraît suivre E. Durkheim, et d'autre part l'individualisme méthodologique que semble préférer M. Weber120(*).

Notre souci de nous positionner dans ce débat de méthode nous a quelque peu embarrassé. En effet, nous tenons à rendre compte des interactions des catholiques dans le champ démocratique mais, en les inscrivant dans des contextes sociaux à l'intérieur desquels se meuvent ces acteurs. R.Boudon soutient d'ailleurs cette vision :

« Il est vrai que l'action individuelle est soumise à des contraintes sociales; il est rare de pouvoir agir à sa fantaisie. Mais cela n'implique pas que les contraintes sociales déterminent l'action individuelle. Ces contraintes délimitent le champ du possible, non le champ du réel»121(*).

Il est donc évident que nous ne pouvons adopter de manière exclusive une méthode. C'est pourquoi, cette étude ne s'inscrit pas dans la querelle méthodologique qui a longtemps opposée individualistes et holistes, mais tente de saisir les logiques d'actions d'acteurs catholiques, sans négliger les contextes sociaux à l'intérieur desquels ils se meuvent. Ce dualisme méthodologique nous conduit à une saisie de l'Eglise ici en question, dans une double approche à la fois institutionnelle et interactionniste. En d'autres termes, nous nous inscrivons à l'intersection d'une sociologie de grande portée et de petite portée, donc de moyenne portée. G. Gurvitchest favorable à une telle approche lorsqu'il affirme :

« On ne saurait étudier avec quelques précisions un groupement concret quel qu'il soit, sans d'une part l'intégrer dans une société globale particulière ; sans d'autre part décrire la constellation singulière du microcosme de liaisons sociales qui le caractérise. On peut donc formuler l'observation méthodologique suivante : il est aussi impossible de faire de la microsociologie sans tenir compte de la typologie différentielle des groupements et de la typologie des sociétés globales que de faire de la macrosociologie en négligeant la microsociologie. Ces trois aspects horizontaux de la sociologie se fondent et se tiennent réciproquement, car ils sont indissolublement liés dans la réalité des choses»122(*).

Cette étude s'inscrit par conséquent dans une logique quali-quantitative, et répond à une méthode d'analyse à la fois compréhensive et explicative, à prédominance qualitative.

Compréhensible, elle nous permettra de couvrir l'objectif relatif aux logiques d'intervention des clercs dans le champ démocratique camerounais. La présence d'éléments non quantifiables relevant de l'intentionnalité, nous oriente à ce niveau plus vers l'adoption d'une recherche qualitative, et par conséquent, nous privilégions ici une logique inductive. Selon l'approche de M. Weber qui centre l'analyse sur « le rapport aux valeurs »123(*) des protestants et veut « comprendre » leurs comportements économiques en recherchant les « bonnes raisons » qui les poussent à s'appuyer sur une conduite éthique pour s'imposer dans le monde économique.L'intérêt de cette démarche se résume autour d'un précepte méthodologique précis : rendre compte du point de vue de l'acteur.

La méthode explicative nous permettra de couvrir un second objectif : celui relatif aux attitudes des fidèles catholiques vis-à-vis des préoccupations sociopolitiques de l'Eglise. Elle s'appuie par conséquent sur une analyse des contextes et des déterminants sociaux de leurs comportements.

2.3.4. La délimitation du terrain de recherche

Pour éviter de naviguer à vue ou de se lancer dans un terrain confus et pas à la portée de nos moyens, nous tenons à délimiter notre terrain d'étude.

D'abord, comme l'indique notre titre, notre étude porte sur le Cameroun et se justifie non seulement par la transition démocratique que traverse celui-ci depuis le vent des démocraties des années 90, mais aussi par la spécificité de l'Eglise particulière qui est au Cameroun.

Le second choix porte sur deux villes : Douala et Yaoundé. Il se justifie par le fait que ce sont les principales villes camerounaises dans lesquelles se joue l'avenir du pays et se mène principalement le combat démocratique. Ceci ne signifie pasque le combat de l'arrière-pays soit de moindre envergure, mais il signifie juste que ce sont les principaux champs de combat où tentent de se concentrer les acteurs démocratiques. Ce choix se justifie en outre, par le fait que les archidiocèses de Yaoundé et de Douala, sont ceux dont l'action dans le processus démocratique est la plus visible dans le pays,notamment à travers la voix de leurs archevêques ; en raison aussi de ce que ces deux villes sont respectivement capitale politique et capitale économique, et cette dernière,« considérée comme le fief de l'opposition au régime depuis les années 50»124(*).

En outre, compte tenu de ce que ces villes sont très vastes pour que notre recherche s'y étende entièrement, nous avons éprouvé la nécessité de circonscrire d'avantage notre terrain d'étude. C'est ce qui fonde le troisième choix, fait à partir des unités d'observation sur lesquels nous avons décidé de porter notre recherche ; à savoir :

- Les lettres pastorales des évêques (celles qui ont un volet socio pastoral) ;

- Les débats médiatisés des évêques ;

- Les organes de presse catholique ;

- Les organisations catholiques à volet sociopolitiques (Justice et Paix) ;

- Les associations catholiques de la base. (CEV)

Pour éviter d'avoir à nous retrouver avec tous les éléments qui concernent ces unités d'observation, nous avons procédé à une nouvelle délimitation que traduit le tableau suivant :

Tableau2 : Récapitulatif des unités d'observations :

Source : Par nos soins.

Ainsi, comme le traduit le tableau, notre étude portera sur deux radios, deux journaux de presse écrite, deux organisations catholiques. Soit une unité d'observation dans chaque ville.

Outre ce terrain d'étude, nous avons décidé de porter notre recherche sur une période de 21ans, qui va de 1990 à 2011. Le choix de cette période répond essentiellement au contexte de démocratisation et à la diversité des formes de participation de l'Eglise Catholique pendant cette période. En effet, cette période est caractérisée par les traits suivants :

- La première lettre pastorale des évêques sur le processus démocratique date de 1990.

- En 2002 le SNJP a commencé l'observation électorale (suivie de la production des rapports d'observation) ;

- Il y a eu une proposition d'amendement de la législation électorale (2006) ;

- Cette période a connu un grand nombre de lettres pastorales des évêques ;

- Des organisations catholiques se sont ouvertement engagées aussi dans ce processus ;

- Cette période est couronnée par la célébration de la victoire du Président Paul Biya par les évêques le 08 Novembre 2011 suivi de la fameuse lettre ouverte du P. Ludovic Lado aux évêques catholiques, en réaction à celle-ci.

2.3.5. La population et échantillon de l'étude.

Selon R. Quivy et al.,125(*) la population de recherche dans une étude en sciences sociales peut prendre un sens très général. Dans cette étude, elle désignera toutes les populations physiques ou morales qui participeront à la collecte nécessaire à l'analyse de la participationde l'Eglise au processus démocratique camerounais. Définir la population d'étude revient à sélectionner les catégories de personnes en position d'apporter des réponses aux questions que l'on se pose. Dès lors, la population de recherche dans cette étude est constituée de plusieurs catégories d'acteurs impliqués dans ce champ d'action catholique, ou pouvant nous aider à le comprendre, à savoir: les clercs catholiques, les membres des organisations catholiques, les fidèles catholiques de la base, les leaders politiques et les représentants des OSC.

Ainsi, nous avons retenu ici un échantillon de 270 personnes,réparties en fonction des outils de collecte des données ici mobilisés, que sont l'entretien et le questionnaire.

Pour l'entretien, il porte sur l'élite catholique et les autres acteurs majeurs du processus démocratique (les leaders politiques et les représentants des OSC.). Dans ce sens, nous avons un échantillon de 20 personnes,réparticomme le montre le tableau suivant:

Tableau 3 :Récapitulatif de personnes interviewées selon les catégories retenues

Source : Par nos soins.

L'échantillon icia été constitué moins par leur représentativité au plan numérique que par la pertinence de leurs caractéristiques par rapport aux objectifs et aux hypothèses de l'étude. Pour constituer cet échantillon, nous avons adopté la méthode du choix raisonné, qui consiste à : « Bâtir un échantillon diversifié qui repose sur la sélection des composantes non strictement représentatives mais caractéristiques de la population »126(*).

Il s'agit d'une technique d'échantillonnage indiquée pour les personnes ressources d'une enquête. Elle nous a permis d'aller d'une personne ressource à une autre à partir des indications de la première ou selon que nous découvrions à travers les médias et les livres, que telle personne ou telle autre est bien indiquée pour notre enquête. C'est en ce sens que nous disons que notre échantillonnage était raisonné.

Pour ce qui est de l'enquête par questionnaire, la population d'étude retenue à cet effet est constituée de l'ensemble des fidèles catholiques de Douala et de Yaoundé. La définition du fidèle catholique retenue est celle que nous avons donnée plus haut dans le cadre de l'analyse conceptuelle (Chapitre1).De cette population mère, nous avons constitué un échantillon de 250 personnes à partir de l'échantillonnage par quotas.L'avantage d'un échantillonnagepar quotas est qu'il permet d'« obtenir une représentativité suffisante en cherchant à reproduire, dans l'échantillon, les distributions de certaines variables importantes, telles que ces variables existent dans la population à étudier»127(*). Dans cette perspective, nous avons tenu au préalable à définir les variables constitutives de notre population mère. Celles retenues sont les suivantes : La ville, le sexe, l'âge, la région d'origine, le degré d'intégration religieuse que traduit la fréquence à la messe, etc.

Cette technique libérale nous a permis, au-delàdes contraintes relatives aux caractéristiques suscitées, d'être libres dans le choix des personnes à interroger. Une telle flexibilité est nécessaire pour enquêter sur les populations catholiques qui sont d'une grande complexité et variété.

Pour finir, la répartition de l'échantillon dans la population et selon les caractéristiques suscitées est la suivante :

Tableau 4 : Répartition de l'échantillon d'étude suivant le sexe et la ville

Source : Par nos soins.

Tableau 5 : Répartition de l'échantillon d'étude suivant l'âge et la ville.

Source : Par nos soins.

Tableau 6 : Répartition de l'échantillon d'étude suivant la profession et la ville.

Source : Par nos soins.

Tableau 7 : Répartition de l'échantillon d'étude suivant la fréquence à la messe et la ville

Source : Par nos soins.

Tableau 8 : Répartition de l'échantillon d'étude suivant le regroupement tribal et la ville

Source : Par nos soins.

2.3.6. LES OUTILS DE COLLECTE DES DONNEES

Nous avons mobilisé dans le cadre de cette recherche trois outils de collecte des données qu'il convient de présenter et de justifier ici.

2.3.6.1. La recherche documentaire

Etant donné que dans toute recherche, les sources documentaires peuvent comme l'a souligné Combessie« fournir à la fois des informations complémentaires et une diversification des éclairages »128(*), nous avons jugé nécessaire le recours à des documents écrits et oraux qui peuvent faire la lumière sur notre thème de recherche.

Pour cela, les principales sources ont été les suivantes:

-La bibliothèque des Commissions diocésaines Justice et Paix de Yaoundé et de Douala ;

-La bibliothèque du Service national Justice et Paix du Cameroun ;

- Les archives de l'Effort Camerounais129(*), de Cameroun tribune130(*), du Lien NkengShalom131(*), de Le Jour132(*), etc.

-L'internet, dont les sites ont été prioritairement ceux de l'Eglise catholique, précisément le Vatican et des Conférences Episcopales Nationales, etc.

Ainsi, une sélection des écrits,des discours ou tout autre documents des clercs catholiques sur le processus démocratique au Cameroun nous a permis de faire cette analyse en vue de comprendre la différenciation ici en question.

2.3.6.2. Les entretiens individuels

Pour analyser les logiques d'actions des acteurs catholiques et l'orientation qu'ils donnent à leurs interventions dans le débat public, nous avons mobilisé l'entretien. C'est une méthode qui, à travers un guide d'entretien laisse la liberté à l'enquêté d'exprimer ses opinions, ses représentations, ses motivations etc.Selon les propos de J.L.Loubetdel Bayle, elle est utile au chercheur qui s'intéresse «à ce que sont leurs (celles des enquêtés) opinions ou leurs comportementsdevant une situation donnée, devant un problème déterminé. »133(*)

Cependant, notons que cet entretien ne couvre pas la totalité de notre travail, mais il a été convoqué pour répondre à nos deux premiers objectifs : Celui relatifà la participation institutionnelle de l'Eglise et celui relatifà la participation des clercs catholiques.

Le type d'entretien que nous avons privilégié ici est l'entretien directif ou standardisé .C'est pourquoi, nous avons choisi d'élaborer des guides d'entretien standardisés que nous livrerons en fin de document. L'un porte sur les leaders catholiques et les aspects tels que : le rôle de l'Eglise Catholique dans le processus démocratique, la production discursive et le rôle des organisations catholiques. Ce guide comporte 11 questions, reparties sur les trois axes suscités. Un second guide d'entretien concerne les autres acteurs politiques et civils du processus démocratique et compte 6 questions.

2.3.6.3. L'enquête par questionnaire

Cet outil de collecte des données nous a été utiles pour recueillir les informations en vue d'expliquer les attitudes des fidèles catholiques eu égard des préoccupations de l'Eglise,l'entretien n'étant pas très indiqué. Les questions posées ici sont des questions de faits et des questions d'opinion. Toutes fermées, elles portent sur des axessuivants :

Ø La fiche signalétique (leurs informations personnelles)

Ø Les représentations du champ politique par les fidèles Catholiques;

Ø La réception et la perception de l'enseignement social de l'Eglisepar les fidèles Catholiques ;

Ø La participation politique des fidèles Catholiques.

Ceci dit, un total de 44 questions a été retenu et reparti sur les quatre parties que constituent les axessuscités.Les questions ont été choisies en fonction de leur importance pour expliquer le manque d'adhésion des fidèles au projet de construction catholique de la démocratiecamerounaise. L'enquête a été menée au mois de Février 2013.

2.3.7. LA METHODE D'ANALYSE DESDONNEES

Nousavons au préalable défini l'objectif de cette analyse. Selon que J.L.Loubetdel Bayle indique au sujet de l'analyse documentaire : « l'analyse est faite en fonction d'un but déterminé : étudier l'orientation politique d'un journal, analyser les opinions d'un homme politique à travers ses discours, etc.»134(*). Ainsi, l'analysede contenuest en droite ligne avec nosdeuxpremiers objectifs spécifiques, qui visentrespectivement à rendre compte de la participation mitigée de l'institution Catholique, et des formes de rationalités des actions cléricales.Il s'agit précisément de ressortir dans les données d'entretien, les lettres pastorales et autres publications ouproductions discursives des clercs, non seulement l'orientation politique qu'ils donnent à leurs discours, mais aussi les rationalités qui les sous-tendent.

Un échantillonnage de cet ensemble de production a été effectué, question de choisir celles le plus significatif pour mesurer l'intérêt clérical pour la démocratie au Cameroun, et ressortir les logiques qui y seront mises en exergue.

Nous optons ici pour une analyse à la fois qualitative et quantitative, répondant à notre souci de sortir des oppositions classiques quantitatif/qualitatif, afin de continuer à nous inscrire dans une logique intermédiaire.

L'Approche qualitative a permis de mettre en exergue le ton, les procédures de dénonciation de l'autoritarisme politique au Cameroun par exemple. Tandis que celle quantitative s'est appesantie davantage à ressortir les occurrences des thèmes ou des mots en rapport avec un discours de soutien ou d'opposition au pouvoir politique, ou encore constituant un soutien à la démocratie : élections transparentes, démocratie, alternance, participation, etc.135(*). Cette étape a suivi la constitution des catégories d'analyse et puis de l'interprétation des données qui y auront été recueillies.

Selon l'approche quantitative, nous avons procédé à une opération de codage des données recueillies par le questionnaire. Ceci s'est fait à l'aide d'un masque de saisi conçus avec le logiciel Microsoft Excel, en tenant compte de différentes modalités de réponses proposées aux enquêtés. Une analyse statistique de ces données a suivi ce codage. Elle a été effectuée à l'aide du logiciel d'analyse statistique SPSS136(*).

2.3.8. LES DIFFICULTES RENCONTREES

Les difficultés rencontrées dans le cadre de cette étude sont de plusieurs ordres. La première est l'accès à l'information. En effet, nous nous sommes heurtées au refus de collaboration de nombreux chrétiens, notamment dans la ville de Douala. Refus qui nous a semblé dû au manque d'intérêt politique ou à l'apolitisme de ceux-ci. Pour contourner cette difficulté, nous nous sommes attelés lors de chaque entretien à créer au préalable un climat de confiance et d'intérêt pour la collaboration sur ces questions.

La seconde difficulté a été de trouver des leaders sociaux catholiques ou non qui acceptentde faire l'entretien, compte tenue de la taille de notre guide qui exigeait au moins une heure par entretien. Pour contourner une telle difficulté nous avons négocié des rendez-vous à domicile, au bureau etc.,lesquels ont été rendus possibles par le téléphone.

Une troisième difficulté a été de nous démarquer du catholicisme, afin de pouvoir le saisir de l'extérieur à travers son action politique. Nous avons en effet été socialisés aux valeurs de cette religion et notre étude exigeant de nous une distanciation, nous avons pris du temps de nous laisser travailler par notre objet d'étude de manière à parvenir à tenir un discours relativement moins partisan sur cette question. Ce qui n'a pas été évident, compte tenu du contexte social et ecclésial à l'intérieur duquel nous nous mouvions. Il n'est généralement pas évident pour un catholique de critiquer voir de rejeter le discours du pape par exemple. Pour contourner une telle difficulté, nous nous sommes livrés à une littérature critique de cette institution afin d'équilibrer notre vison du catholicisme. Une telle littérature était constituée des ouvrages de K.Marx137(*), d'E. Durkheim138(*), de J.M.Ela139(*), d'A.Mbembe140(*) etc. Quoique nous ne puissions prétendre avoir atteint la parfaite objectivité sur cette question, ce qui est pratiquement impossible en raison de notre positionnement social de chercheur141(*), il faut tout de même avouer que notre approche du Catholicisme a été relativement plus objective.

2.3.9. LIMITES DE LA RECHERCHE

Le présent travail, comme tout travail scientifique, a des limites.

La première réside dans son incapacité à saisir le sens des formes de participation différenciées desacteurs catholiques à partir des dessous du rapport Eglise-Etat, notamment des relationsdiplomatiques entre l'Etat Camerounais et le Vatican. Piste de travail qui devait êtretrèsdéterminante pour cette recherche mais que nous n'avons pas pu explorer.

Une seconde limite se situe au niveau des représentations catholiques du discours sociopolitique de l'Eglise. Nous n'avons pas pu montrer laquelle des socialisations multiples des fidèles catholiques était plus à l'origine de leurs attitudes d'indifférence politique et donc de leur désintérêt de l'action de socialisation politique par l'Eglise.

Enfin, cette étude n'a pas abordé l'action latente de la promotion catholique de la démocratie à partir de son engagement dans l'éducation, dans la santé, dans la lutte contre la pauvreté ;bref, ce thème était si large que nous ne l'avons finalement abordé que de manière partielle.

PARTIE 2 :

L'ANALYSE DE LA PARTICIPATION DIFFERNECIEE DE L'EGLISE CATHOLIQUE DANS LE PROCESSUS DEMOCRATIQUE AU CAMEROUN

CHAPITRE 3 :

ANALYSE DU CONTEXTE DE DEMOCRATISATION ET PROBLEMATIQUE DE L'INTERVENTION DE L'EGLISE DANS LE CHAMP SOCIOPOLITIQUE CAMEROUNAIS

L'objectif de ce chapitre consiste premièrement à faire une présentation analytique du contexte de démocratisation du Cameroun. En effet, l'on ne peut pas prétendre faire une analyse de la participation démocratique de l'Eglise en tant qu'elle est acteur de la société civile sans au préalable mettre en exergue les caractéristiques du champ d'action sur lequel elle se meut et qui sont si importants pour comprendre sa trajectoire dans ce dernier champ. Il convient donc ici, non seulement de présenter une brève histoire de la démocratisation camerounaise, de sa sociogenèse à sa crise actuelle, mais aussi de présenter les formes d'exigences populaires des citoyens camerounais qui ont soif d'un mieux-être, une présentation du contexte politique de lutte pour le changement ainsi que les acteurs qui y sont impliqués. Il s'agit aussi de mettre en lumière les formes de crises qui caractérisent cette démocratisation, notamment les difficultés d'encrage socioculturel de la démocratie camerounaise à mettre en place. Enfin, il s'agit de présenter les spécificités de la démocratisation camerounaise par rapport aux idéaux démocratiques brandis par les pères grecs et occidentaux de la démocratie.

Dans sa seconde articulation, ce chapitre vise, suite à la présentation du contexte de démocratisation, à mettre en exergue les éléments de compréhension de la problématique de l'intervention de l'Eglise Catholique dans le champ sociopolitique, et donc dans le processus démocratiquecamerounais. Il s'agit de présenter une sorte d'histoire politique de l'Eglise Catholique en matière de démocratie, l'évolution de ses positions sur la modernité, sur l'avènement des sociétés pluralistes, sur la politique ; et surtout, de montrer comment l'Eglise passe de la chapelle à l'espace public camerounais.

3.1. L'ANALYSE DU CONTEXTE DE DEMOCRATISATION DU CAMEROUN

Il n'est pas judicieux d'aborder l'analyse du contexte de démocratisation du Cameroun sans commencer par une brève histoire de cette démocratisation ; c'est-à-dire les premiers balbutiements démocratiques qui ont conduit aux formes contemporaines de lutte pour la démocratie camerounaise.

3.1.1. Une brève histoire de la démocratisation du Cameroun

Besoin n'est plus de rappeler que l'entité «Cameroun» est une agglomération des tribus que le projet colonial a réuni sous une entité politique que nous nommons Etat. De nombreux auteurs l'ont fait avant nous142(*). Il convient plutôt de montrer comment lorsque ces petites entités tribales mises ensemble ont perçu les enjeux de leur mise ensemble en face des puissances coloniales, l'esprit d'émancipation a commencé à naître en eux comme c'est le cas d'ailleurs chez tous les peuples qui réalisent en face d'eux une puissance à prétention politico-hégémonique. C'est alors que ceux-ci, face aux pratiques d'oppression coloniale tels que les travaux forcés, ont commencé les mouvements d'émancipation que nous nommons luttes pré-indépendances et qui marquent en réalité la naissance de l'esprit démocratique chez les peuples camerounais ;la démocratie entendue ici comme participation de tous à la gestion des affaires publiques, comme gestion saine de ces affaires, comme respects des libertés des populations, etc.

3.1.1.1. Les luttes indépendantistes camerounaises

Les préoccupations d'une gestion saine et collective de la cité camerounaise ne sont pas nouvelles, ni ne datent du vent de libéralisation des années 90. Déjà avant les indépendances, la soif des camerounais à une prise en main des affaires de leur pays se faisait déjà ressentir à travers de nombreux mouvements protestataires et indépendantistes essentiellement portés par l'UPC143(*).Après l'indépendance, ils ont continué à se faire sentir car les partisans de l'indépendance qui ont évolués par la suite sous la forme des mouvements qu'on a dénommé « maquis », estimaient que l'indépendance n'avait pas été effective. En réalité, selon ces derniers, loin de remettre les affaires du pays entre les mains de ses fils, les colons ont fabriqué de toutes pièces leurs disciples qui continueraient leur politique coloniale après une indépendance proclamée du bout des lèvres. Une telle vision de la réalité camerounaise est aussi soutenue par Segnu Etienne qui affirme à ce sujet :

«(...) La France fut finalement obligée d'accepter d'accorder l'indépendance au Cameroun. Mais elle voulait accorder une indépendance dont elle devait continuer à en avoir le contrôle après avoir mis l'UPC à l'écart. Devant le refus du parti d'accepter une telle indépendance, la France décida de l'éliminer politiquement et militairement. Elle décida aussi d'éliminer physiquement tous ses leaders. »144(*)

Ces mouvements indépendantistes qui ont tant bouleversé la scène sociale camerounaise était une prolongation et une manifestation des mouvements de protestation qui avaient cours ici et là pendant la colonisation ;protestation des indigènes contre le travail forcé145(*), contre leur étrangeté à la gestion des affaires les concernant146(*). Ces formes de protestation populaires vécues de manière disparates, de part et d'autres sur le territoire, devaient s'unifier et se convertir à une aspiration générale des citoyens à une gestion saine et collective des affaire de la cité et donc à leur implication dans ces affaires. Il en découle évidemment, que la soif de la démocratie date de la colonisation même. Ce qui nous permet de comprendre que la démocratie est inscrite en chaque peuple et attend que les conditions soient réunies pour qu'elles se mettent en place. Loin d'être donc le monopole de quelque peuple que ce soit, la démocratie est le commun de tous les peuples.

Parlant de cette sociogenèse du processus de démocratisation du Cameroun, nous pouvons dire qu'il s'enracine dans ces multiples protestations populaires contre la gestion autocratique de leurs affaires, ou contre le travail forcé. Cette soif de la démocratie a été ainsi portée par les « maquis » surtout pendant la période du parti unique, de la monopolisation de la vie par l'UNC d'Ahmadou Ahidjo. Segnu Etienne va dans ce même sens lorsqu'il affirme :

« (...) les Camerounais poursuivirent la lutte même après que la France eu accordé l'indépendance au Cameroun le 1er janvier 1960, Et cette lutte dura encore 11 ans après l'indépendance»147(*)

3.1.1.2. Le monolithisme politique au Cameroun

L'histoire républicaine du Cameroun indépendant peut être subdivisée en deux grandes phases, toutes caractérisées comme nous allons le voir, par le monolithisme politique : une première qui va de 1960 à 1982, et est marquée par la personnalité du Président Ahidjo. L'évolution politique faisait voir ici le passage de l'Etat fédéral(1961) à l'Etat unitaire (1972). La deuxième, quant à elle est marquée par la personnalité du président Paul Biya de 82 à nos jours. Elle fait passer de l'Etat unitaire à la République que nous connaissons de nos jours.

3.1.1.2.1. Le régime politique d'Ahmadou Ahidjo et l'instauration du monolithisme

Pour comprendre l'ouverture du Cameroun au vent des démocraties de l'année 90, il faut partir du régime politique qui était en vogue depuis l'indépendance du Cameroun. Ce Régime politique est caractérisé par la monopolisation par le parti unique de toutes les sphères sociales, et par un encadrement sévère de la population.

L'avènement du parti unique et le monolithisme politique en général commencèrent juste après les indépendances lorsque le Président Ahmadou Ahidjo au nom de son « projet hégémonique»148(*) de « construction nationale » s'engagea dans des stratégies de dissolution de toutes les voix qui ne s'alignaient pas derrière la sienne. J. F. Bayart abonde dans le même sens lorsqu'il écrit ces lignes :

« En rendant plus impératif le thème de construction nationale, elle lui fournit [à Ahidjo un mythe justificateur supplémentaire : aux arguments habituels en faveur du monolithisme(absence de classe sociales, tribalisme), s'ajouta la nécessité de rapprocher les deux Etats fédérés. »149(*)

Il s'agit plus précisément de l'année 1962 où M. Ahidjo prit soin de dissoudre toute opposition et d'écarter ses rivaux potentiels, et surtout ceux qui étaient détenteurs d'une légitimité ou d'un pouvoir politique autonome. Telles étaient les ambitions de M. Ahidjo ; comme écrit L.Tchouabou :

« La stratégie d'Ahidjo devenu président consiste à amener les leaders politiques du Cameroun occidental à entrer dans ses vues. Il obtint une première victoire le 1erseptembre 66 lorsque tous les partis du Cameroun occidental et certains du Cameroun oriental acceptèrent de fusionner pour former l'unique parti l'UNC»150(*)

Par la suite, le multipartisme fut même interdit, et le parti unique fut appelé UNC (Union Nationale Camerounaise)151(*).

Le président Ahidjo venait de mettre sur pied une puissante machine politique qu'il contrôlait. Alors, la machine mise sur pied fit son travail et la répression s'installa dans tout le pays, notamment à l'Ouest du pays où avec l'aide d'un général français réputé pour ses pratique de terroristes152(*), il mit fin à la rébellion de l'UPC ; opposition persistante et qui, comme le soutient Mongo Béti entra dans la lutte armée étant mal organisée, moins équipée en armement153(*). Progressivement, le Régime broyait tout sur son passage : exécution sur la place publique d'opposants et des présumés « bandits », et bien d'autres. Ce qui a amené M. L.Eteki à qualifier ce régime d'Ahidjo, comme celui de Biya de « régimes totalitaires »154(*).

Pendant toute cette période de monolithisme, l'Eglise Catholique profite néanmoins de son prestige pour continuer à remplir ses fonctions tribuniciennes, à travers notamment sa presse écrite l'Effort camerounais et les multiples prises de positions de nombre de ses clercs. C'est le cas de Mgr.Ndongmo qui sera arrêté et condamné pour complicité avec la rébellion armée de l'U.P.C. ;bien que la raison de sa condamnation se trouve ailleurs : ses prises de positions sur les questions sociales dans un pays où le régime répandait la terreur partout. L'analyse de Lazare Tchouabou va dans le même sens parlant d': 

« Un procès qui mit aussi en cause un évêque catholique, l'évêque de Nkongsamba accusé de complicité avec la rébellion mais dont les vraies raisons de l'accusation semblèrent être ses prises de position et ses engagements sur les questions sociales. »155(*)

C'est dans ce contexte d'un contrôle total de la vie du pays que Paul Biya va accéder au pouvoir.

3.1.1.2.2. Le régime politique de Paul Biya et la pérennisation du monolithisme.

La création du poste de premier ministre en 1975 permit la nomination de Paul Biya qui devait succéder à Ahidjo en 1982 après la démission de ce dernier. Celui-ci s'empressa de supprimer ce poste un an après son accession au pouvoir, dans la même perspective d'une monopolisation de la vie politique du pays. Cette période du régime Biya correspond à ce que L. Tchouabouqualifie de « seconde République »156(*). Cette accession de Biya à la tête de la nation semblait apporter des lendemains meilleurs et harmonieux au Cameroun, compte tenu de toutes les situations éprouvantes que le pays avait connues sous Ahidjo. Mais très vite, des figures politiques apparaissent dans ce bel édifice et ce beau montage politique ;tout en se prononçant pour la continuité, Paul Biya place son régime sous des slogans de la rigueur et de la moralisation ; expressions identifiant du régime du Renouveau qui soulevèrent beaucoup d'enthousiasme en ses débuts, mais qui plus tard se sont avérées être des slogans creux et vides. Biya inscrivait également son régime du Renouveau dans un contexte de présidentialisme absolu à la suite de celui d'Ahidjo. Le socio politiste M.E. OwonaNguini affirme notamment à ce sujet :

« C'est d'ailleurs sous le sceau de la continuité gouvernante que le Président-successeur (M. Paul Biya) inscrit sa prestation de serment du 6 Novembre 1982, exprimant sa volonté d'assumer et de s'approprier l'héritage institutionnel et politique de l'Ahidjoïsme gouvernant. »157(*)

C'est pourquoi, après un coup d'Etat manqué contre lui, celui-ci va tout centraliser sur sa personne. Hans de Marie Heungoup affirme d'ailleurs :

« A partir de la tentative de coup d'État du 06 Avril 1984, le champ politique camerounais a connu un recentrage, qui place la présidence au coeur de la production politique. Le repositionnement présidentiel dans le jeu politique commande l'univers des possibles politiques camerounais. Le parti au pouvoir, RDPC, occupe certes une place importante de la vie politique (162/180 à l'assemblée nationale); mais, en réalité, la personne du président transcende ce parti»158(*).

Ensuite, il va décider sans transition de passer de la République Unie à la République du Cameroun. En 1985, il organise à Bamenda un Congrès au cours duquel l'UNC va disparaitre pour donner naissance à un nouveau parti dont il est le fondateur : Le R.D.P.C. (Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais). C'est l'entrée en jeu d'un nouveau parti unique à travers lequel le président va s'évertuer à mettre la main sur l'ensemble de la vie politique et de conduire le pays jusqu'au vent des démocraties de 1990.

3.1.1.3. L'ouverture démocratique de 1990

L'année 1990 marque le début du processus actuel de démocratisation. La chute du mur de Berlin et donc du Communisme entraine sur la scène internationale un grand vent de libéralisation qui ébranle nombre de régimes monolithiques. C'est dans cette mouvance que le Cameroun est aussi bouleversé. Bouleversé pas seulement de l'extérieur, mais aussi de l'intérieur où l'arrestation de plusieurs personnes pour affrontement à l'Etat conduit à une grande mobilisation ; et où malgré l'interdiction du multipartisme, Ni John FruNdi159(*) lance en Mai 1990 à Bamenda un parti politique nommé Social Démocratique Front (S.D.F.).

Le 04 Juillet suivant, le président accepte d'abandonner le monopole politique et une commission de révision de la législation sur la liberté publique est créée par décret le 21 Juillet. Dès le mois de Décembre, l'Assemblée Nationale adopte une série de loi sur la liberté d'association et la création des partis politiques. Cependant, les arrestations d'opposants continuent ;ce qui mobilise des populations et entraine finalement les « villes mortes » que les «commandements opérationnels », nouvelles formes de terreur des populations, viendront tenter de réprimer. Depuis lors, des élections pluralistes ont lieu mais, opposant le RDPC, parti-Etat tout puissant, à des partis ne valant pas son poids. Des réformes politiques et institutionnelles ont eu lieu, des organes de presse créés, ainsi qu'une pléthore de partis politiques.

Ces révisons ainsi faites n'ont pas toujours entrainé les changements qu'elles promettaient. Prenons un exemple, la révision constitutionnelle de 1996 devant marquer un tournant décisif pour la justice camerounaise a créé des institutions qui en principe auraient pu accroître la garantie de la protection de la démocratie, des libertés individuelles et de la bonne gouvernance au Cameroun. Il s'agit en l'occurrence du Conseil constitutionnel, des tribunaux administratifs et de la Chambre des comptes. Ce qui n'a pas été le cas ; comme l'écrivait Junior Etienne Lantier à ce sujet : 

« On constate aisément qu'il s'est agi d'un leurre, pour ne pas dire, d'une tromperie politique. Hormis la chambre des comptes qui a été mise en place et fonctionne, les autres institutions ne sont toujours pas mises en place. Seul le manque de volonté politique peut raisonnablement justifier ce « déni de justice » »160(*).

Telle est en quelque sorte l'image du processus démocratique en cours au Cameroun. Processus qui, depuis 1990, année de ses premiers re-balbutiements continue à balbutier jusqu'aujourd'hui. C'est du moins l'image que M.- L.Eteki-Otabela tente de traduire en ces termes :

« ...De ces semblants d'évolution démocratique : on les a vu à l'oeuvre pendant huit ans dans le cadre du fameux processus de démocratisation, une histoire du vent d'est qui aurait tourné cour côté Sud»161(*).

Ils sont à cette image les différents contextes à l'intérieur desquels se meuvent les acteurs de ce processus démocratique.

3.1.2. LES FACTEURS CONTEXTUELS DU PROCESSUS DE DEMOCRATISATION DU CAMEROUN

Les facteurs structurants de la vie au Cameroun en général et dans les villes de Douala et de Yaoundé en particulier peuvent être regroupés selon quatre dimensions qu'ils convient d'examiner ici les unes après les autres : socioéconomique, culturel, politique et religieux.

3.1.2.1. Le contexte socioéconomique : la prégnance de la précarité économique

L'analyse de la participation de l'Eglise Catholique au processus démocratique camerounais est indissociable du contexte de précarité socioéconomique dans lequel elle se déploie.

L'entrée du Cameroun dans la seconde République a été caractérisée par la sévère crise économique de la fin des années 80. La dégradation économique au début des années 90 n'entraîne pas qu'un recul du PNB global et par tête d'habitant.

Plus précisément, le contexte social et économique de Douala est marqué tout autant par une crise qui se caractérise par un mal être généralisé des populations. Sur le plan économique, le pays a sombré depuis la crise économique de 1986 et ne s'en est jusqu'ici pas relevé véritablement. Les conséquences d'une telle crise ont été aussi larges. M.- L.Eteki-Otabela l'a bien signifié dans son ouvrage consacré au totalitarisme africain : « Ce qu'il est convenu d'appeler la crise économique a entrainéà son tour, des crises sociales et politiques. »162(*)

Il devient évident que le climat social soit généralement peu viable, surtout dans une ville comme Douala où les gens s'attellent au jour le jour à une seule chose : survivre. Les émeutes de février 2008 appelées « émeutes de la faim » ont bien traduit la situation socioéconomique de ces populations qui s'en sortent à peine.

Le système social est aussi marqué par un manque de démocratie, caractérisé par le non-respect des libertés individuelles, au niveau de la famille, de l'école comme de l'entreprise, c'est la loi du plus fort qui règne. C'est la dictature des supérieurs sur ceux qui ne sont rien ou n'ont rien.

Sur le plan socio tribal notons avec la DSRP163(*) du MINEPAT que « Le Cameroun (dont Douala et Yaoundé sont à l'image) est construit sur une mosaïque ethnique et linguistique sur laquelle se superposent d'autres facteurs de divergence (religion, politique, corporation, etc.). La construction d'un Etat - Nation sur cette hétérogénéité s'est souvent heurtée à certaines forces centrifuges et à des velléités de replis identitaires »164(*)

Ainsi, on peut se rendre compte que la vie sociale est fortement caractérisée par ces réalités tribales qui se transposent non seulement au niveau des relations interpersonnelles mais aussi au niveau de l'organisation sociale, l'occupation tribale de l'espace urbain165(*) et par conséquent auront un impact sur le processus de gestion collective de la chose publique que nous nommons démocratie.

Plus préoccupées par des stratégies de survie, les populations de Douala et de Yaoundé développent peu d'intérêt pour les questions de projet commun, en vue de l'édification de la nation. Cependant, notons que cette réalité est plus patente à Douala qu'à Yaoundé, en tant que cette première est la capitale économique et que ses activités quotidiennes sont majoritairement celle de la survie.

3.1.2.2. Le contexte culturel : déficit d'ancrage culturel de la démocratie

Nous n'entendons pas par culture ici la culture générale d'une société, c'est-à-dire « l'esprit d'un peuple »166(*), mais un élément de celui-ci ; celui en rapport avec le politique, à savoir « l'orientation psychologique à l'égard d'objets sociaux (politiques), c'est-à-dire l'intériorisation, parchacun, du système politique (notamment démocratique) dans la psychologie propre»167(*).Il s'agit donc de la culture politique (démocratique) du Cameroun. Plus précisément, il s'agit de s'interroger sur des « fondements culturels de la démocratie »168(*) qui y est en cours de construction.

Il y a donc une crise de cette culture de démocratisation, en raison du manque d'encrage socioculturel de ce qu'il convient de nommer ici démocratie camerounaise. En réalité, l'on peut se poser la question de savoir ce que signifie la démocratie pour les camerounais à cheval entre le modernisme et les traditions ancestrales auxquelles ils restent encore fortement attachés. A cette question J.Nkoyock a répondu à travers sa thèse de doctorat dans laquelle elle dénonce le manque de l'enracinement culturel de la démocratisation africaine et soutient :

«Les mécanismes d'encrage de la vie communautaire autour de l'ethnie dans les société africaines peuvent constituer le tremplin pour la construction de la conscience nationale et la naissance des peuplesen Afrique »169(*)

C'est dans cette perspective qu'elle a écrit « le problème du processus de démocratisation en Afrique doit aller au-delà des débats idéologiques, pour poser le problème de l'apport des sociétés à la promotion de la démocratie »170(*)

Il n'est donc plus à démontrer que le processus de démocratisation camerounaise souffre d'un déficit d'encrage culturel. L'exemple le plus illustratif est la méconnaissance de la démocratie par nombre de nos enquêtés sur le terrain de Douala comme de Yaoundé. Les populations non impliquées au processus, les partis politiques répandant une logique de « politique du ventre »171(*), les élections soudoyées etc., sont tant de preuves qui montrent que la « démocratie camerounaise » est encore à son stade folklorique.

Ils vont dans le même sens ces propos de M.- L.Eteki-Otabela :

« La barbarie de certains régimes africains s'explique par la culture africaine, cette sorte de sacralisation du pouvoir, propre aux sociétés primitives. Dans le cas du Cameroun, on continue depuis 39 ans à décrire l'Etat comme une dictature, plus ou moins autoritaire (les politologues étrangers), ou plus comme un état néocolonial, plus ou moins imposé par un impérialisme étranger (la thèse nationaliste) »172(*).

Cette crise culturelle que connait la démocratisation camerounaise n'est qu'un phénomène sociologique normal, pour reprendre les mots d'Emile Durkheim173(*), en ce sens qu'une Afrique qui s'engage à se renier, à jeter son manteau culturel ne peut se revêtir efficacement de celui d'un autre ; mais se retrouvera ni avec le sien propre ni avec celui de cet autre.De même, le fait d'apporter du jour au lendemain un système politique ne fera pas de lui, tout d'un coup un chantre de ce système. Comme le soutiennent affirme J.P. Cot et J.P.Mounier,

« Il ne suffit pas de transposer les institutions et les grands principes de la démocratie pour obtenir un régime démocratique. Il faut de plus développer les règles opérationnelles du système démocratique : attitudes politiques, relations entre gouvernants et gouvernés. Or cet ensemble culturel est lié au système de croyances et au code de relations personnelles qui caractérisent une société a un moment donné et qui -les anthropologues nous le confirment- évoluent lentement, se transposent avec difficulté»174(*).

Une autre caractéristique du contexte culturel de Douala et de Yaoundé, est l'existence d'une mosaïque de tribus et donc de langues, de manières d'être et d'agir qui ne favorisent pas toujours la mise en place d'un projet commun, et donc d'un Etat démocratique. C'est pourquoi J.Nkoyocka pu écrire :

« Les tentatives des pouvoirs publics de construire une Nation unitaire sur cette hétérogénéité ont développé une profonde désarticulation entre l'Etat et la sociologie locale. Cette extériorité sociologique est caractéristique d'un Etat dont le mode de fonctionnement, le profil des agents et l'idéologie ne sont ni le reflet de la configuration générale du pays, ni la synthèse d'une organisation sociale endogène, ni le résultat d'un ensemble de croyances et de schèmes mentaux locaux»175(*).

C'est tout ceci qui nous amène à parler comme Eteki de « misère de la démocratie au Cameroun »176(*).

En définitive, retenons que la seule culture véritable qui unit les populations dans les villes de Douala est une culture de survie qui n'est pas toujours très favorable au projet d'action collective en faveur de la construction du bien commun, qui constitue l'un des idéaux majeurs de la démocratie.

3.1.2.3. Le contexte politique : déséquilibre du poids politique des acteurs

Le champ politique sur lequel se mène le combat pour la démocratie est très déterminant pour celui-ci. Fortement caractérisé par la suprématie du Parti Etat qui a la primauté du jeu, il n'a pas beaucoup changé avec l'avènement de la libéralisation politique des années 90. Comme l'écrit M.OwonaNguini :

« L'habillage politico-discursif orienté formellement vers un libéralisme centriste, n'a pas fondamentalement mis en question la structuration conservatrice dominante et prépondérante du régime du Renouveau National dirigé par M. Biya. »177(*)

Il s'agit justement de ce régime politique qui y a été mis en place, qui suit la même logique que celui du Parti unique et au sujet duquel le socio politiste M. E.OwonaNguiniaffirme encore :

« Le régime du Renouveau National dont le Président Paul Biya est le chef central est coulé dans le moule politico-historique de l'Etat présidentiel de parti unique d'orientation ultraconservatrice mis en place des années 1960 aux années 1980 au Cameroun. »178(*) 

Il s'agit enfin d'un régime dont la politique de répression selon M. L. Etekiva jusqu'à la destruction de l'identité individuelle des gens ;parce que s'évertuant à tout contrôler et à tout monopoliser, broye finalement tout ce qui se trouve sur son chemin179(*).

La sécurité des acteurs du processus est toujours compromise. C'est le cas des exactions commises par exemple à l'endroit des défenseurs des droits de l'homme comme le montre ce rapport de B.Kenmogne sur la situation des défenseurs des droits de l'homme au Cameroun :

« Les défenseurs des droits de l'homme au Cameroun sont exposés à des agressions, le plus souvent physiques, des menaces et autresactes d'harcèlement multiformes. Les menaces et intimidations sont généralement perpétrées par des personnes inconnues qui peuvent se faire sous forme d'appels téléphoniques anonymes, de messages SMS, avec pour but de faire peur au défenseur. »180(*)

Il est tout de même favorablement marqué par des réformes constitutionnelles qui ont eu lieu selon que Hans de Marie Heungoupaffirme à ce sujet:

« Ce contexte politique est également marqué, au plan national, par la réforme constitutionnelle d'avril 2008 et d'avril 2011, les modifications sur la loi électorale et l'organe en charge des élections (ELECAM), et les échéances électorales d'Octobre 2011 »181(*).

Ce contexte politique est aussi marqué par une floraison de partis politiques dont le poids politique et socioéconomique est infiniment inférieur à celui du Parti Etat et qui s'inscrivent dans une logique des partis de tribu182(*). Il s'agit, à titre d'illustration:

- Du SDF, principal parti d'opposition, entré dans la course au Pouvoir dès la levée du système de parti unique en 1990183(*) ;

- De l'UPC, parti, nationaliste qui a vu le jour dans la mouvance des luttes d'indépendances et qui, supprimé à l'avènement du monopartisme a été réhabilité au retour du multipartisme ;

- De l'UNDP ; etc.

Comme illustration de cette suprématie du parti au pouvoir en face de ces partis d'opposition, examinons ces résultats des présidentielles de 2004 que traduit ce tableau.

Tableau 9 : Résultats des présidentielles de 2004184(*)

Source : Par nos soins.

Comme on peut le constater, il ressort de ce tableau qu'à l'exception du RDPC, tous les autres ont un poids électoral négligeable.

Le contexte politique camerounais est aussi caractérisé par l'existence des OSC qui tentent aussi de participer à la restructuration du jeu politique.

Il s'agit principalement :

- de l'Eglise Catholique dont le rôle nous intéresse ici, et qui y est précisément représentée par le SNJP et quelques autres OSC Catholiques dont nous avons parlé plus haut ;

- De NDH-Cameroun185(*), d'Hilaire Kamga ;

- De Cameroun O'BOSSO de KA WALA.186(*)

- De Monde Avenir ; etc.

Au terme de cette présentation du contexte politique, on peut retenir que le jeu politique y est déséquilibré, ceci en faveur d'un seul acteur collectif qu'est le RDPC, mis au service d'un acteur institutionnelet individuel: le président Paul Biya.

3.1.2.4. Le contexte religieux : la revanche de Dieu

Le Cameroun n'est pas à l'abri de la « revanche de Dieu »187(*), mais comme toute la scène internationale, les villes de Douala et de Yaoundé sont marquées aussi par un retour spectaculaire de la religiosité ; retour caractérisé par un véritable envahissement de l'espace public par le phénomène religieux.

Au nombre des religions qui y sont en oeuvre, il y a premièrement les grandes religions monothéistes dont l'Islam et le Christianisme. Au sein du Christianisme, on peut distinguer l'existence dans ces villes camerounaises du catholicisme romain qui nous intéresse dans cette étude, du protestantisme et du pentecôtisme. Notons qu'on y assiste à une montée en puissance des mouvements pentecôtistes de provenance des USA, du Nigéria et du Congo voisins. Toutes, dans une lutte effrénée pour gagner du terrain au Cameroun et concurrencer les grandes religions dont principalement l'Eglise Catholique. On peut notamment remarquer leur forte invasion de l'espace public à travers des affiches publicitaires le long des routes principales et des grands carrefours de ces villes, l'organisation des campagnes d'évangélisation dans des stades, églises et autres lieux de grands rassemblements. On y note aussi des pratiques de prosélytisme qui vont jusqu'à la distribution des tracs invitants aux séances de délivrance de prières pour la prospérité économique et sociale etc. ; sans oublier la pratique du « porte à porte » dont les Témoins de Jéhovah188(*) sont réputés.

Notons aussi l'occupation de l'espace médiatique à des fins religieuses : chaines de radio et de télévision appartenant à telles ou telles autres confessions religieuses : catholique, protestante et surtout pentecôtistes. Bref, cette invasion de l'espace médiatique au Cameroun peut être saisie à partir des titres à la une qui leur sont consacrés par plusieurs journaux de presse écrite camerounaise.

Suite à cette analyse des multiples facteurs contextuels, nous nous proposons de passer à une brève présentation de l'Eglise Catholique au Cameroun.

3.2. LA PRESENTATION DE L'EGLISE CATHOLIQUE DU CAMEROUN

L'Eglise Catholique au Cameroun est divisée en 5 provinces ecclésiastiques189(*) qui sont :

Ø La province ecclésiastique de douala, qui compte 5 diocèses ;

Ø La province ecclésiastique de Yaoundé, qui compte 7 diocèses ;

Ø La province ecclésiastique de Bertoua, qui compte 4 diocèses ;

Ø Laprovince ecclésiastique de Garoua,qui compte 4 diocèses ;

Ø La province ecclésiastique de Bamenda, qui compte 4 diocèses.190(*)

Chacune de ces provinces ecclésiastiques comprend un ensemble de diocèses dont le principal est un archidiocèse. Ainsi, les archidiocèses concernés par cette étude se situent respectivementdans les deux premières provinces ecclésiastiques suscitées.

3.2.1. L'archidiocèse de Yaoundé

L'archidiocèse de Yaoundé compte 132 paroisses qui sont des unités territoriales de l'Eglise Catholique ayant à leur tête un prêtre, clerc catholique. Elle compte environ 881 000 chrétiens catholiques sur une population totale de1 800 000 habitants. Au nombre des services de cet archidiocèses, on note : la procure, la santé, la communication, la Caritas, l'Education, le CEFCA et la Commission Diocésaine Justice et Paix qui nous intéresse le plus ici191(*). Ces services et structures regroupés pour la plupartà la Centrale Diocésaine des OEuvres192(*).

Il compte en outre de nombreux mouvements d'action Catholique au nombre desquels nous pouvons citer : Les femmes catholiques, l'Action Catholique des enfants, les groupes sacré coeur de Jésus, la miséricorde divine, la jeunesse estudiantine chrétienne etc....193(*)

3.2.2. L'archidiocèse de Douala

L'archidiocèse de Douala quant à lui compte 58 paroisses. Qui sont regroupés en 8 zones. Ses structures sont concentrées à la cathédrale St. Pierre et Paul. Il s'agit entre autre de l'évêché, siège administratif de l'archevêque ; de la Radio Veritas, de la maison d'édition Maccacos, de la Commission Diocésaine Justice et Paix. Il compte aussi tous les mouvements catholiques suscités au sujet de l'archidiocèse de Yaoundé.

3.2.3. La Conférence Episcopale Nationale du Cameroun

« Une conférence épiscopale ou conférence des évêques, institution à caractère permanent, est la réunion des évêques d'une nation ou d'un territoire donné, exerçant ensemble certaines charges pastorales pour les fidèles de son territoire, afin de mieux promouvoir le bien que l'Église offre aux hommes, surtout par les formes et moyens d'apostolat adaptés de façon appropriée aux circonstances de temps et de lieux, selon le droit. Ces évêques et archevêques oeuvrent en collégialité pour accomplir ensemble des tâches d'intérêt commun »194(*).

Telle est la définition que nous pouvons retenir d'une conférence épiscopale. En ce sens, tous ces 25 diocèses que compte l'Eglise Catholique au Cameroun sont coiffés par la Conférence Episcopale Nationale du Cameroun,au sein de laquelle siègent tous les évêques du Cameroun. Elle est présidée par un Evêque élu par ses paires lors de l'Assemblée Plénière pour un mandat de 3 ans renouvelable une fois.

Au nombre des présidents que cette structure a connu, nous pouvons citer :

Ø Cardinal Christian Tumi,

Ø Mgr. André Wouking,

Ø Mgr. Simon TonyeBackot,

Ø Mgr. Joseph Antanga.

Après cette analyse des contextes de démocratisation du Cameroun, examinons en cette deuxième section du chapitre, la problématique de l'intervention de l'Eglise Catholique dans le champ politique camerounais et donc dans ses luttes démocratiques.

3.3. L'ANALYSE DE LA PROBLEMATIQUE DE L'INTERVENTION DE L'EGLISE DANS LE CHAMP POLITIQUE CAMEROUNAIS.

L'objectif de cette section est de comprendre les circonstances dans lesquelles l'Eglise Catholique intervient dans le champ politique camerounais, en situant notre réflexion dans le cadre de la laïcité que clame la Constitution camerounaise en son préambule. N'entend-t-on pas clamer partout « rendez à César ce qui est à César età Dieu ce qui est à Dieu ? » Qui donc est César et qui est Dieu au Cameroun? Puisqu'il s'agissait évidement ici du politique et de l'Eglise, comment comprendre les prises de position de l'Eglise sur les questions politiques au Cameroun ? Confusion de «chapelle » ? Ou encore, l'Eglise en général et celle du Cameroun en particulier, a-t-elle la légitimité d'intervenir dans les affaires politiques195(*) ?

Une telle réponse dans le cas camerounais exige que nous présentions au préalable la question de la laïcité et ses contours.

3.3.1. Du principe de la laïcité

Le concept de laïcité comme celui de sécularisation dont il est le dérivé est très vague. Le professeur M.Ndongmo dit d'ailleurs à ce sujet qu'il s'agit d'un « concept flou, ambigu et très complexe»196(*). Il va de la stricte séparation des pouvoirs politiques et religieux au relaye complet du religieux de l'espace public à la stricte sphère de la conscience individuelle ; une sorte de négation du religieux. Nous l'abordons ici uniquement sous l'angle des rapports de l'Eglise-institution avec l'Etat ou avec le champ spécifiquement politique.

La laïcité trouve ses origines dans le christianisme même. C'est dans ce sens que J.-C. Barreau, essayiste catholique, soutien que « la laïcité [est] une invention chrétienne, la distinction du temporel et du spirituel, de la politique et de la religion naît dans le judaïsme à l'époque évangélique»197(*). Elle trouverait son origine dans les textes fondateurs du christianisme ; notamment dans l'interpellation de Jésus de Nazareth qui disait à ses adeptes : « rendez à César ce qui est à Cesare et à Dieu ce qui est à Dieu » ;bien que d'autres auteurs comme J.-M. Ducomtepense autrement, en estimant que la laïcité « est d'abord et essentiellement une démarche d'affranchissement [du temporel] par rapport aux prétentions des Églises à fonder l'ordre social et politique»198(*), et donc qu'elle ne saurait être une invention chrétienne.

Cependant, ce sont les conjonctures historiques qui, ayant longtemps conduit à des affrontements entre le pouvoir politique et le pouvoir ecclésial199(*), ont entrainé finalement à l'adoption du principe de la laïcité ; entendue comme séparation des églises et de l`État, du politique et du religieux.200(*)

Ainsi, la laïcité a pris corps pour la première fois pendant la Révolution française :l'abolition de l' ancien régime en Août 1789 s'est accompagnée de la fin des privilèges ecclésiastiques201(*) et de l'affirmation de principes universels, dont la liberté de conscience et l' égalité des droits exprimés par la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et du Citoyen. Plus tard au XIXe siècle, des lois de la sécularisation ont progressivement affranchi l' État français de ses liens historiques avec l' Eglise Catholique et créé de nouvelles normes politiques et sociales bâties sur le principe de l' universalisme républicain. La religion ici est relayée à la sphère privée ; la sphère publique étant réservée exclusivement au laïc202(*). C'est pourquoi M.Ndongmo affirme dans ce sens :

« La religion subsiste, mais en marge de la société, à condition que ses prétendus principes moraux ne viennent pas perturber les règles de droit éditées par le souverain et que son prosélytisme n'entame pas la paix publique. »203(*)

Bref, la laïcité venait mettre fin à une longue histoire tumultueuse qui unissait l'Eglise et l'Etat et surtout à « la prétention hégémonique » de l'Eglise à imposer un sens à toute chose. Plus tard, avec la Constitution française de 1958, la laïcité fonde désormais le pacte républicain204(*).

Pour mieux comprendre ce processus de sécularisation de la vie publique, reprenons à notre compte ces propos de C. Greffé :

«Les grands secteurs de la vie humaine échappent progressivement à l'institution ecclésiale : ils appartiennent à l'ordre du rationnel, du scientifique, du politique. Le trait sans doute le plus décisif de ce processus de sécularisation à l'époque moderne est l'extension de la rationalité à tous les secteurs de la réalité. C'est le `désenchantement' du monde au sens de M. Weber. La nature ne recèle plus de secret : elle appartient au domaine de l'expliqué, de l'objectivable, du `disponible'»205(*).

Telle est de manière résumé l'histoire de la laïcité en Occident, notamment en France, pays sous la tutelle duquel, nous le savons, le Cameroun est resté de 1919 jusqu'à son indépendance en 1960 et dont les principes de la laïcité ont été transposés au Cameroun, à travers l'adoption de la constitution française.

3.3.2. De la laïcité au Cameroun

En lisant la constitution du Cameroun, nous constatons qu'aucun acte juridique n'a jamais institué une confusion entre l'Etat et une quelconque religion. Bien au contraire, la première constitution du Cameroun indépendant adoptée par référendum le 21 Février 1960, stipule en son préambule :

« L'Etat est laïc. La neutralité et l'indépendance de l'Etat vis-à-vis de toutes les religions sont garanties ; la liberté du culte et le libre exercice de sa pratique sont garantis».

Par ce principe hérité de la constitution française, le Cameroun, comme les autres pays de l'Afrique française précisait « le type de relation ou de collaboration qui doit exister entre l'Etat et les religions, entre le politique et le spirituel, entre le pouvoir temporel et le pouvoir ecclésial »206(*). Ainsi, aucune religion n'aurait en terre camerounaise le monopole de l'orientation de la vie de la nation, mais les décisions dans ce sens seraient le monopole exclusif du politique, à travers bien évidement l'expression de la volonté populaire. Il est vrai que le Cameroun n'avait pas fait l'expérience de la révolution française qui a opposé Eglise et Etat. Ce qui aurait conduit à l'adoption de la laïcité française ; mais une telle expérience française était une belle leçon pour prendre déjà des précautions au Cameroun. C'est pourquoi nous estimons que la laïcité constitutionnelle de 1960 au Cameroun fut une « laïcité précaution » et non une « laïcité conséquence » comme en France. Cependant, notons que les rapports qui avaient déjà opposés les pouvoirs coloniaux et les forces religieuses pendant la colonisation présageaient déjà des conflits Eglise-Etat que seule la loi devait prévenir207(*). L'adoption du principe de la laïcité était donc une nécessité. C'est pourquoi Maud Lasseur écrit :

« L'affirmation de la laïcité dans la première Constitution camerounaise, il y a quarante ans, ne releva pas uniquement d'un mimétisme institutionnel vis-à-vis de l'ancienne métropole. Pour lier ce qui, dans un Etat en attente de nation, était divisé sur le plan cultuel, il s'avérait indispensable d'inventer les fondements du contrat social à partir d'un stock de valeurs et symboles transcendant la diversité des religions»208(*).

Au demeurant, il ne faut pas entendre par la laïcité camerounaise que le Cameroun se soit bâtit contre la religion ;ce que J.P.Messina qualifie d'« héritage anticlérical du laïcisme français »209(*). A la veille du référendum constitutionnel de février 1960, le président Ahidjo affirmait, dans un appel à la nation : « Nous avons placé le Cameroun sous la protection de Dieu que catholiques, protestants, islamisés et tout Camerounais adorent [...] »210(*).

Ainsi, l'Etat camerounais est resté laïc mais croyant, se rattachant à cette famille d'Etats africains que M.A. Glele qualifie d'Etats « laïcs spiritualistes »211(*), plus proches, finalement, du modèle de laïcité américain que français.

Cette laïcité ne signifie donc pas que les religions sont éradiquées de la vie publique mais juste qu'elles respectent le monopole de l'Etat en matière de législation et de toutes autres prises de décision pour l'orientation de la nation. Par conséquent, les Eglises ont toujours leur mot à dire sur la vie de la nation.

De surcroit, définir la laïcité comme retrait des religions dans la sphère privée, abandonnant la sphère publique au pouvoir temporel ne sied pas avec le cas camerounais. En effet au Cameroun, les Eglises investissent fortement l'espace public, notamment depuis le vent de libéralisation de 1990. De plus, dire que l'Etat s'occupe des affaires temporels et l'Eglise des affaires spirituelles ne tient pas non plus car au Cameroun, l'Eglise Catholique a été longtemps première sur ce champ : vu ses nombreuses infrastructures de santé, d'éducation, d'encadrement des masses etc.

Entre l'Eglise Catholique et l'Etat camerounais il existe une assez grande cohabitation : les deux ont en commun ceux que l'Etat nomme citoyens et que l'Eglise nomme ses fidèles. Tous deux remplissant des missions diversifiées auprès de ceux-ci ;même si celles remplies par l'Eglise, en plus d'être spirituelles sont aussi temporelles ;l'Eglise rivalisant avec l'Etat dans son rôle d'encadrement des masses, comme l'a bien montré J.F. Bayart212(*).

Bref, on peut retenir ici que la laïcité à la camerounaise est bien distincte d'une laïcité à la française.

3.3.3. L'Eglise Catholique et la laïcité au Cameroun

Si la laïcité est une création de l'Eglise213(*), elle n'est pas toujours restée fidèle à la prescription du Christ qui avait recommandé que César s'occupe des affaires du monde et l'Eglise de celle du Ciel. En effet, dès l'antiquité, l'empereur romain Constantin, estimant que l'Etat avait besoin de l'Eglise pour la prospérité et la paix dans l'empire, promulguait l'édit de Milan de 313214(*). Il mettait ainsi fin à une longue période de persécution et de clandestinité dont étaient objet les Chrétiens depuis le premier siècle. Il leur ouvrait aussi la voie à l'espace public. Gagnant de plus en plus de l'espace, l'Eglise devint toute puissante au point de devenir une institution d'Etat ;notamment lorsque l'Empereur Théodose Le Grand renonça en 380 à son titre de « PontifexMaxilus » pour le conférer au Pape. C'est depuis lors que pouvoir politique et pouvoir religieux se confondaient, que les papes sacraient les rois et les déposaient à leur guise, que s'instaurait la théocratie : le pouvoir conférer par le Pape au roi venant de Dieu lui-même.

Plus tard lors de la révolution, l'Eglise voyait d'un très mauvais oeil le fait qu'elle soit relayée à la seule sphère spirituelle et qu'elle perde de son privilège de religion d'Etat. C'est dans ce sens que les papes et les clercs dans leur majorité combattaient la laïcité. Le pape Pie X écrivit dans ce sens :

« Qu'il faille séparer l'État de l'Église, c'est une thèse absolument fausse, une très pernicieuse erreur. Basée, en effet, sur ce principe que l'État ne doit reconnaître aucun culte religieux, elle est tout d'abord très gravement injurieuse pour Dieu. [...] Nous lui devons donc, non seulement un culte privé, mais un culte public et social, pour l'honorer »215(*).

Cependant, plus tard l'Eglise s'est alignée au principe de la laïcité ; acceptant de respecter la distinction des champs de compétence. Le concile Vatican II est le couronnement de ce processus de légitimation. Il affirme notamment :

« Sur le terrain qui leur est propre, la communauté politique et l'Eglise sont indépendantes l'une de l'autres et autonomes. Mais toutes deux, quoi que à des titres divers sont au service de la vocation personnelle et sociale des mêmes hommes. Elles exerceront d'autant plus efficacement ce service pour le bien de tous qu'elles rechercheront davantage entre elles une saine coopération, en tenant également compte des circonstances de temps et de lieu. L'homme en effet n'est pas limité aux seuls horizons terrestres mais vivant dans l'histoire humaine, ils conservent intégralement sa vocation éternelle. Autrement dit, le chrétien, fidèle ou pasteur, est d'abord chrétiennes deux citées : la cité terrestre et la cité céleste »216(*).

Au cours de l'audience accordée aux membres du 56è congrès national de l'Union des Juristes Catholiques italiens sur le thème : « La laïcité et les laïcités », Benoît XVI fustigeait l'ingérence de l'Eglise en politique, mais en réaffirmant la nécessité d'une « saine laïcité » qui n'exclue pas Dieu, et reconnaisse pour l'Eglise « le droit de se prononcer sur les problèmes moraux qui aujourd'hui interpellent la conscience »217(*).Ceci est une preuve que l'Eglise est acquise à la laïcité.

Avec l'avènement de l'Etat Camerounais, l'Eglise accepta de respecter cette distinction au Cameroun. Quoi qu'elle soit assez influente au Cameroun, il n'y a aucune confusion entre l'Etat et l'Eglise. C'est sous sa casquette d'institution de la société civile que l'Eglise comme toutes les autres OSC d'ailleurs, peut intervenir dans le combat pour la démocratie ;intervention qu'on ne peut comprendre que si l'on retrace brièvement l'évolution des rapports qui l'ont historiquement uni à la démocratie.

3.3.4. L'Eglise Catholique et la démocratie : un bref aperçu historique

Avant de nous appesantir surla participation proprement dite de l'Eglise Catholique dans le processus contemporain de démocratisation au Cameroun, il convient de jeter un regard rétrospectif sur l'évolution des rapports historiques qui l'ont lié à la démocratie.

3.3.4.1. L'Eglise et la démocratie dans le monde : de l'opposition à la démocratie aux luttes pour la démocratie

L'Eglise, peut-on noter sommairement, n'a pas théorisé dès ses origines sur la démocratie ; mais très tôt, il a marqué au pouvoir politique ses limites. Augustin d'Hippone, refusait par exemple l'idée que l'homme puisse avoir comme tel un pouvoir sur un autre homme ; tout pouvoir venant de Dieu. Cette conception débouchera plus tard sur l'Etat de droit et la démocratie218(*).Une telle approche théocratique du politique conduira également à la subordination du pouvoir politique au pouvoir religieux et à la confusion des champs comme nous l'avons vu dans la section consacrée à l'Eglise et la laïcité.

Cependant, la partie de l'histoire de l'Eglise qui nous intéresse concerne la période des luttes pour les libertés et donc pour la démocratie. Si l'Eglise Catholique a fait alliance avec le politique depuis l'empereur Constantin, cela l'a conduit à constituer un soutien pour la monarchie et pour le statut quo. C'est pourquoi les réformes des « lumières » l'ont violemment opposé aux pères de la modernité qui trouvaient en elle et en ses dogmes de véritables obstacles à l'avènement de la modernité. D. Philpotttraduit cette réalité en ces termes :

« Catholicisme et démocratie ? Historiquement, les deux concepts se sont violemment heurtés. Les libéraux modernes frémissent aujourd'hui encore à l'évocation de la condamnation par les papes, au XIXe siècle de la liberté religieuse, et des concordats entre l'Eglise et les dictatures fascistes conclues au XXe siècle. Les catholiques, aujourd'hui encore, éludent la question bien embarrassante des révolutionnaires françaises décapitant des personnalités catholiques pour faire avancer la cause des droits de l'homme»219(*)

Ce choc entre l'Eglise et les libéraux ne s'est pas limité aux « lumières », mais il s'est accentué avec la grande vague anticléricale initié par le marxisme qui trouvait dans la religion une institution liberticide ; selon que K. Marx écrit lui-même :«La religion est l'opium du peuple. Le véritable bonheur du peuple exige que la religion soit supprimée en tant que bonheur illusoire du Peuple»220(*).

Lorsque que plus tard les mouvements de libéralisme vont ravir à l'Eglise bon nombre de ses fidèles et que se constituera un anticléricalisme quilui coutera beaucoup, l'Eglise commencera à revoir progressivement ses positions sur les principes de la modernité. Nous pouvons dire que la désertification de l'Eglise en Europe et la crise vocationnelle221(*) qui en découle vient de ce choc entre l'Eglise aux principes conservatistes et la modernité dont les valeurs se veulent de plus en plus libérales.

Le Pape Léon XIIIest celui qui osera inaugurer un temps nouveau où l'Eglise, moins attachée à ses dogmes et à sa suprématie du passé s'ouvrira aux valeurs modernes. C'est à son sujet que J. M.Rosay affirme : «...il réussirait à détourner enfin l'Eglise de sa nostalgie d'un Moyen Age révolu pour lui ouvrir les yeux sur les chances du monde moderne»222(*). Son très célèbre encyclique RorumNovarum, s'interrogeant face aux bouleversements sociaux et politiques causés par l'industrialisation, sur les conditions du travail des ouvriers, sur les rapports entre patrons et ouvriers, sur le marxisme etc., est aujourd'hui incontournable pour qui veut comprendre les préoccupations sociopolitiques de l'Eglise et constitue les bases même de la Doctrine sociale de l'Eglise.

Après ce pape, le pas décisif de l'Eglise dans ce sens sera fait par le pape Pie XII. Avec ce dernier, l'Eglise, face aux horreurs des deux guerres mondiales, non seulement recourt à l'idée de nécessaire consentement du peuple, mais aussi, elle en vient même à présenter la démocratie comme une exigence : c'est par manque de démocratie que la guerre s'est déclenchée et s'est entretenue. Les peuples veulent la démocratie et ils ont raison de la vouloir. Il écrira notamment :

« A la lueur sinistre de la guerre qui les enveloppe, dans la chaleur cuisante de la fournaise où ils se trouvent emprisonnés, les peuples se sont comme réveillés d'une longue torpeur. Ils ont pris, en face de l'Etat, en face des gouvernants, une attitude nouvelle, interrogative, critique, défiante. Instruit par une amère expérience, ils opposent avec plus de véhémence aux monopoles d'un pouvoir dictatorial, incontrôlable et intangible, et ils réclament un système de gouvernement qui soit plus compatible avec la dignité et la liberté des citoyens»223(*)

Ainsi, l'Eglise, dès la sortie de la seconde guerre mondiale s'inscrit officiellement contre tout pouvoir dictatorial.

L'ouverture du Vatican II par le pape Jean XXIII aurait été l'occasion pour l'Eglise de consolider cette position et de la systématiser. D'abord elle renonce ouvertement à sa fermeture au monde moderne. Comme l'affirmait Jean XXIII à l'ouverture du Concile : « Ouvrons nos portes au monde ». C'est à ce Concile que l'Eglise prendra toutes les résolutions de s'engager à la promotion du bien être intégral de l'homme ; non seulement sur le spirituel, mais aussi sur le plan temporel. Elle s'intéresse aussi à ce que les peuples vivent sur le plan politique, économique, culturel, social etc. Elle s'ouvre également au dialogue interreligieux et à l'oecuménisme ; preuve qu'elle accepte désormais les libertés des peuples et donc la liberté religieuse qu'elle se détermine à promouvoir désormais. C'est ainsi que ce Concile analysera et donnera ses orientations d'actionsur des thèmes tels : la liberté religieuse, les moyens de communication sociale, l'inculturation, l'oecuménisme224(*), l'Eglise et la politique, etc. Ces propos de J.Mungala illustrent le tournant décisif de Vatican II et sa résolution à contribuer au développement des peuples :

« Le Concile Vatican II fut un tournant majeur dans l'engagement de l'Eglise contre les dictatures de tout poil. Officiellement, la haute hiérarchie de l'Eglise Catholique s'était engagée à soutenir la détermination de l'ensemble des clergés africains dans les pays sous le joug des dictatures ostentatoires. En légitimant cette lutte des Eglises locales, ce fut une nouvelle orientation de la doctrine catholique»225(*).

Ce refus et ce rejet de plus en plus ferme des autoritarismes et des totalitarismes a conduit les papes de l'Après Vatican II à s'engager contre les violations des droits et des libertés humaines. L'encyclique de Jean XXIII « Pacem in terris » de 1963 met au centre de la réflexion ces préoccupations. Encyclique moderne la plus complète sur la politique226(*), il y manifeste l'obligation de faire le droit à ces trois éléments considérés comme des parties intégrantes de la démocratie : « respect des droits de l'homme - dans les institutions politiques mêmes-, modération de l'exercice de l'autorité, équilibre entre les pouvoirs se faisant contre poids»227(*).

Jean Paul II aura été la figure emblématique d'une telle lutte pour la démocratie, à travers son combat contre le communisme, dont la chute en Europe de l'Est lui est attribuée aujourd'hui228(*). Dans Ecclésia in Africa, il se prononcera aussi contre les régimes dictatoriaux africains, et exhortera les africains à s'engager dans la lutte pour la démocratie, qui seule pourra garantir aux peuples africains le respect de leurs libertés, et les conditions de leur émergence. Le pape écrit à ce sujet :

« Les fondements d'un bon gouvernement doivent être établis sur la saine base de lois qui protègent les droits et définissent les devoirs des citoyens. Je dois constater avec une grande tristesse que de nombreuses nations d'Afrique peinent sous des régimes autoritaires et oppressifs qui dénient à leurs membres la liberté personnelle et les droits humains fondamentaux, tout spécialement la liberté d'association et d'expression politique de même que le droit de choisir leurs gouvernants au moyen d'élections libres et impartiales.[...] C'est pourquoi le Synode a considéré avec raison que la démocratie authentique, dans le respect du pluralisme, est « l'une des routes principales sur lesquelles l'Église chemine avec le peuple. [...] Le laïc chrétien engagé dans les luttes démocratiques selon l'esprit de l'Évangile est le signe d'une Église qui se veut présente à la construction d'un état de droit, partout en Afrique »229(*).

Suite à cette même réforme de Vatican II un mouvement sociopolitique et théologique a vu le jour en Amérique Latine : la théologie de libération. Création des théologiens, ce vaste mouvement social et politique à caractère socialiste engageait les chrétiens à majorité catholique dans des initiatives de luttes contre la pauvreté et les structures sociopolitiques de sa production230(*).

3.3.4.2. L'Eglise et la démocratie au Cameroun : des questions exclusivement spirituelles à la promotion de la démocratie.

Le cheminement de l'Eglisesur les questions de démocratie au Cameroun fut presque le même. L'Eglise, « ayant longtemps envoyé ses fidèles au Ciels comme si la terre n'existait pas »231(*), a reconnu que sa première évangélisation en Afrique, celle réalisé par les missionnaires de la période coloniale, fut en parti un échec. Echec, en raison de ce qu'elle contribua fortement à détourner ses fidèles des préoccupations sociales et politiques qui les concernaient pourtant fondamentalement, selon que J. M. Elaécrit :

« Les missionnaires n'ont pas toujours cherché à susciter des éveilleurs et des ingénieurs d'âmes, des conducteurs d'hommes et des libérateurs, mais ils ont formé des chrétiens passifs, traités en mineurs, comme des grands enfants »232(*).

Ou encore, échec en raison de l'étrangeté de son discours théologique vis-à-vis des « conditions dramatiques » où vivent les africainscomme le reconnait J. M. Eladans repenser la théologie africaine233(*).

Après une prise de conscience de la condition de misère des africains, L'Eglise s'est engagée à promouvoir la participation politique de ses fidèles afin de transformer la « vie profane », sociale et politique et mettre sur pied un ordre social qui soit propice à l'épanouissement de tous, et par là l'éveille de la nation. Cette interpellation à l'engagement social et politique des chrétiens est portée depuis lors par l'Enseignement Social de l'Eglise. Doctrine politique de l'Eglise, né à cet effet avec le Pape Léon XIII dans son encyclique RorumNovarum, face aux bouleversements sociaux et politiques causés par l'industrialisation234(*).Ainsi, promue par tous les derniers papes, cette action d'évangélisation du monde social et politique a été amorcée au Cameroun depuis la veille de l'indépendance. Au moment où les chrétiens quittaient l'Eglise pour rejoindre les mouvements indépendantistes235(*). Depuis lors, elle est au centre des préoccupations desévêques du Cameroun, notamment à travers leurs innombrables lettres pastorales dont la dernière a été celle de Mai2011, invitant les chrétiens à s'inscrire sur les listes électorales. L'interpellation de ceux du diocèse de Douala est plus prononcée, car leurs publications sont les plus récurrentes à travers la Radio " Veritas " et le presse écrite " Effort Camerounais " crées entre autres, en vue d'informer, de former et de sensibiliser les chrétiens et les autres citoyens sur les problèmes sociopolitiques du pays qui les engagent, et " d'assurer le suivi du processus démocratique »236(*). Voir par exemple l'Effort N°508 : « l'inscription sur les listes électorales : un devoir citoyen pour les chrétiens. »

L'action de l'Eglise dans ce sens s'est fait ressentir au Cameroun à travers la voix des évêques ;le souci étant de conduire les camerounais à la construction d'une nation prospère.

Déjà avant l'indépendance, face à une pratique comme les travaux forcés, à laquelle l'administration française a eu recourt au Cameroun, l'Eglise s'est opposée, accomplissant ainsi ses « fonctions tribuniciennes » aux côtés d'un peuple abandonné sous le joug d'un régime de torture sans limite. Ce rôle de l'Eglise est amplement développé par L. P. Ngongo237(*). Dans la même perspective, l'Eglise a contribuéà travers ses structures d'éducation, à former la conscience nationaliste des camerounais, laquelle les a conduit plus tard à l'émancipation citoyenne et à la création des mouvements indépendantistes pour la prise en main des affaires de leurs pays. Même Si, « au moment mêmeoù la prise de conscience nationale se précisait comme force de revendication et de libération nationale, [elle a] changé de point de vue en faveur du pouvoir colonial » comme l'estime KengnePokam238(*). Changement de camp que J.P.Messina239(*) explique plutôt par les affiliations communistes de l'UPC, porteur du mouvement indépendantiste ; L'Eglise étant à cette période d'avant Vatican II, aux antipodes du communisme.

Pendant la longue période de monolithisme ou du système à parti unique instauré par Ahidjo, l'Eglise est resté le seul véritable contre poids face à un pouvoir dictatorial tout puissant. Avec la voix de ses clercs et ses moyens de communications dont elle s'est servie pour assurer la veille citoyenne tout au long de cette période sombre de l'histoire de la démocratie camerounaise. L'Effort Camerounais su jouer ce rôle avec succès comme le reconnait J.F. Bayart240(*).

Les figures principales de cette périodes de luttes sont celle de Mgr Thomas Mongo dans sa médiation pour ramener l'UPC à la légalité, après son éviction de la scène politique par Pierre Messmer241(*) ; celle de Mgr Ndongmo qui fera le même travail et serra accusé de complicité avec l'UPC, puis condamné à mort, gracié et exilé au canada ; celle du Cardinal Christian Tumi dans ses prises de positions « face aux régimes [celui d'Ahidjo et celui de Biya] qui, brandissant des slogans de la démocratie, semble avoir choisi le mensonge, la délation, la roublardise et les coups bas pour gérer sans rougir un peule pris en otage par les structures de péché »242(*).

Parvenu au terme de ce chapitre, retenonsqu'il nous aurait permis de souligner la suprématie du parti-Etat qui a le monopole du champ de démocratisation. Retenons aussi la résolution de l'Eglise Catholique depuis Vatican II à rejeter toutes formes de dictatures au profit de la démocratie, et sa participation comme OSC, à la construction de la démocratie camerounaise.

CHAPITRE 4:

UNE PARTICIPATION MITIGEE DE L'INSTITUTIONCATHOLIQUE DANS LE PROCESSUS DEMOCRATIQUE CAMEROUNAIS

Il faut dans toutes recherches sur l'Eglise Catholique tenir compte de sa complexité et tacher de distinguer les faits et dire de l'institution de ceux de ses membres. L'Objectif de ce chapitre est d'analyser la participation propre de l'Eglise en tant qu'elle est une institution, et représentée à cet effet par des autorités légitimes à plusieurs niveaux.

L'ouverture du Cameroun aux vents des démocraties des années 90, après plus de deux décennies de monolithisme a été saisie par l'Eglise comme une chance. Elle lui a permis de continuer son action dont elle s'était donnée la mission depuis Vatican II et qu'elle avait initié au Cameroun depuis avant l'indépendance. Ce rôle de l'Eglise s'était considérablement éclipsé depuis l'avènement du monolithisme politique instauré de force par le Président Ahidjo dans les années 60, comme nous l'avons vu plus haut.Allant dans le même sens, Constantin et Colon écrivent :

« Comme chez la plupart des camerounais, sous la passivité apparente des Eglises se cachaient bien des frustrations et des aspirations autres. Aussi, quand la pression autoritaire s'est atténuée, quand le changement a paru possible, la plupart des Eglises, chacune à sa manière et à son rythme, se sont politiquement réveillées»243(*).

C'est pourquoi, bénéficiant du contexte du pluralisme démocratique, l'Eglise engagea sa machine de changement social prévue à cet effet pour accompagner le processus démocratique. Analysant le Cas du Congo, J. Mungala Feta a la même lecture d'une telle implication de l'Eglise en contexte démocratique :

« Il convient de situer la participation de l'Eglise dans le débat démocratique qui constitue à la fois un cadre d'expression de la liberté des personnes et offre à l'Eglise la possibilité de participer aux débats et aux décisions de société»244(*).

Cette action de démocratisation initiée par l'institution est très mitigée et peut être analysée sous des aspects tels que l'action institutionnelle de restructuration du jeu politique et les facteurs de contradiction de cette action.

4.1. L'ACTION INSTITUTIONNELLE DE L'EGLISE POUR LA RESTRUCTURATION DU JEU POLITIQUE CAMEROUNAIS

Il convient d'analyser cette intervention dans le processus de construction de la démocratie, afin de rendre compte de son caractère mitigé. Cetteanalysede la participation de l'Eglise va se faire aussi bien au niveau international qu'au niveau local. C'est pourquoi, en abordant successivement la contribution et la complexité de cette contribution, nous entendons articuler notre argumentaire sur ces différents niveaux: l'Eglise universelle, la CENC et les organisations catholiques.

4.1.1. L'EGLISE UNIVERSELLE ET LA DEMOCRATISATION CAMEROUNAISE

Nous ne pouvons analyser la participation de l'Eglise Catholique en tant qu'elle est une institution supranationale245(*), en nous limitant à l'Eglise locale qui est au Cameroun. Ceci parce que les faits et dire de la plus grande hiérarchie catholique qui est à Rome concernent parfois toutes les Eglises particulières. C'est en ce sens qu'ennous intéressant à l'autorité vaticane, nous nous sommes rendu compte qu' il a une action à l'endroit du Cameroun ; compte tenu de la visite des deux derniers papes en terre Camerounaise sur invitation de la Présidence de la République de concert avec la CENC246(*), et de la remise par ceux-ci au Cameroun, des documents à caractère socio pastoral de grande importance pour les pays africains ; compte tenu aussi de l'action du Conseil pontifical Justice et Paix à l'endroit des pays africains.

4.1.1.1. Jean Paul II : L'invitation à la démocratisation

En septembre 1995, le Pape jean Paul II arrivait au Cameroun pour la deuxième fois. Une telle visite ne peut être vue par le sociologue comme politiquement neutre, compte tenue non seulement des relations diplomatiques du Cameroun avec le Vatican en tant qu'Etat et en tant qu'institution religieuse, mais aussi de la remise de l'exhortation apostolique post-synodale Ecclésia in Africale 15 Septembre 1995 à Yaoundé ;exhortation dont il convient d'entrer ici dans l'intelligence du message pour les systèmes politiques africains en général, et camerounais en particulier.

Le pontificat de Jean Paul II, nous l'avons vu avec les auteurs de religion du Monde et démocratie, de religion et démocratie et bien d'autres, a été marqué par sa lutte en faveur de la démocratie, notamment sa contribution à l'écroulement du communisme. C'est dans cette perspective de lutte mais cette fois contre les dictatures africaines qu'il faut comprendre l'exhortation apostolique remis à Yaoundé, notamment en son chapitre 6.

Sur les 6 chapitres que comporte le document, le pape a consacré les 1/6 aux questions de politiques africaines. Preuve que l'Eglise Catholique n'est pas indifférente aux mutations sociopolitiques en cours en Afrique.

Une autre dimension importante de cette exhortation apostolique est la responsabilité qui est laissée aux chrétiens africains pour déterminer leur propre destin. Cette formule de Jean Paul II est restée célèbre jusqu'aujourd'hui : « africains, devenez vos propres missionnaires »247(*). Le mouvement de participation de tous à la détermination du destin collectif en Afrique ne concerne donc pas seulement le temporel, le religieux lui emboite le pas.

Pour illustrer la pertinence d'un tel apport de Jean Paul II pour la démocratie camerounaise, examinons ces résultats de l'analyse documentaire que nous avons portée sur cette exhortation.

Tableau10: Place accordée aux questions de démocratie dans le chapitre 6 d'ecclésia in Africa : Construire le Royaume de Dieu

Source : Par nos soins.

Au demeurant, il ne faut pas voir dans cette remise officielle des directives à l'endroit des politiques africaines. Il s'agit davantage d'un document, d'une invitation lancée aux chrétiens africains à être des ferments de changements sociopolitiques dans leurs sociétés respectives.

En tant que plus grande autorité religieuse dans le monde, et bénéficiant par conséquent de son leadership moral sur les pays à majorité chrétienne et en particulier catholique, le pape entendait influencer à travers ces déclarations les pouvoirs politiques africains.

Si ces derniers se sont tous impliqués dans le processus démocratique, à l'aube de la décennie 90, il faut reconnaitre avec ce pape qu'ils ont encore beaucoup à faire. Comme on peut le lire dans Ecclésia in Africa : 

« De nombreuses nations d'Afrique peinent sous des régimes autoritaires et oppressifs qui dénient à leurs membres la liberté personnelle et les droits humains fondamentaux, tout spécialement la liberté d'association et d'expression politique de même que le droit de choisir leurs gouvernants au moyen d'élections libres et impartiales. »248(*).

C'est pourquoi, martèle le Pape, « L'Église doit continuer à jouer son rôle prophétiqueet à être la voix des sans-voix ». Nous voyons déjà à ce niveau la contribution de l'Eglise à la restructuration du jeu politique africain. Ce qui nous permettra plus loin de comprendre les dessous ou le caractère mitigé de cette contribution.

4.1.1.2. Benoit XVI :l'appel à la réflexion sur la vie politique.

Comme celle de son prédécesseur, la visite de Benoit XVI au Cameroun en Mars 2009 n'était pas politiquement neutre, c'est-à dire sans intérêt pour la vie politique au Cameroun ; quoi que l'Agence France presse (Afp) estime que l'intérêt du pape pour l'Afrique tient probablement au fait qu'il s'agit d'une « région clé pour l'avenir de l'église catholique »249(*). Bien au-delà de cela, cette visite a constitué un apport à l'action de l'Eglise dans la promotion d'une gestion collective de la chose publique. En ce sens qu'elle a été en même temps l'occasion pour lui de remettre l'instrumentumlaboris250(*) pour la préparation du synode au cours duquel l'Eglise devait réfléchir sur les conditions de mise en place d'un règne de réconciliation, de justice et de paix en Afrique. On peut le lire de Cameroun infos : « Son arrivée [celle de Benoit XVI] s'inscrit dans le cadre de la préparation de la 2e assemblée spéciale du synode pour l'Afrique prévue à Rome en octobre 2009 »251(*). A titre d'illustration, en souhaitant la bonne année 2008 au monde entier depuis la Cité du Vatican le 22 décembre 2007, il avait dévoilé son intention missionnaire pour janvier 2008 en ces termes : «Pour que l'Eglise, qui se prépare en Afrique à la seconde assemblée spéciale du synode des évêques, continue d'être le signe et l'instrument de réconciliation et de justice malgré la guerre, l'exploitation et la pauvreté qui marquent le continent ! »

Ce document officiel que benoit XVI a publié finalement s'inscrit dans la même lignéedes questions sociopolitiques que celui de Jean Paul II que nous avons analysé plus haut.

Examinons-le brièvement pour en ressortir l'intérêt pour la démocratisation en cours au Cameroun : Contrairement au document précédent, celui-ci consacre uniquement les ¼ d'un chapitre sur 5 aux questions sociopolitiques africaines. Sur ce, présentant l'institution politique comme « un instrument majeur au service de la réconciliation, de la justice et de la Paix »252(*), il invite l'Eglise à contribuer à édifier la société en collaboration avec elle : « les autorités gouvernementales, et les institutions publiques et privées engagées dans l'édification du bien commun»253(*).

Telle est de manière brève l'apport de ce document aux préoccupations de promotion de la société camerounaise.

4.1.1.3. Le Conseil Pontifical Justice et Paix et la promotion de la démocratie en Afrique

Dans cette perspective de l'action de l'Eglise au niveau régional, et dans le même sillage de l'accompagnement des politiques africaines par l'Eglise, le Conseil Pontifical Justice et Paix organisait avec le SCEAM254(*) à Dar-es-Salaam en Tanzanie en Aout 2008 une conférence continentale sur le thème : « Vers une nouvelle évangélisation de la société africaine ». Elle entendait, selon les recommandations de Benoit XVI, « porter une attention significative aux défis du continent sous le signe de l'espérance »255(*). Il y était recommandé la création, des CommissionsJustice et Paix, aux différents niveaux, comme le recommande l'exhortation apostolique post synodale ecclésia in Africa256(*).

Outre l'invitation persistante à diffuser l'Enseignement Social de l'Eglise et à l'appliquer selonles réalités sociopolitiques de chaque pays, des conférences y ont été organisées, sur la famille, la promotion de la paix, l'engagement politique des fidèles laïcs, l'économie et le développement, la promotion du bien Commun, les droits de l'homme etc.

Mobilisant à la fois des ressources spirituelles et morales à des fins de promotion du politique, ces conférences entendaient impacter sur le vécu des sociétés africaines. Il s'agit notamment de celles données par le camerounais J.B. Talla sur l'engagement politique des laïcs en Afrique.

Il n'y a pas plus grande preuve de cette mobilisation des valeurs religieuses à des fins sociales et politiques que cette interpellation de J.B Talla257(*) :

«Pour donner sens à notre engagement social, il faut s'abreuver aux sources de la doctrine sociale. ...L'insuffisance de l'enseignement du patrimoine de l'Eglise est reconnue comme l'une des raisons pour lesquelles nos comportements n'en sont pas le reflet»258(*).

L'objectif de ces conférences, celui de poursuivre l'action de démocratisation de l'Eglise n'est plus à démontrer. Dans son allocution d'ouverture, Frank Spengler, représentant de la Fondation Konrad Adenauer donnait la raison rassemblant ces conférences : « rechercher un système politique qui ne perde pas de vue les aspects sociaux »259(*). Cette conférence atteste l'intérêt porté par l'Eglise au niveau africain pour de réels changements sociopolitiques en Afrique.

4.1.2. LES LETTRES PASTORALES DE LA CENC SUR LA VIE SOCIOPOLITIQUE CAMEROUNAISE

La CENC, l'avons-nous dit plus haut, est l'instance représentant l'Eglise Catholique et en charge de se prononcer officiellement sur toutes les questions religieuses comme celles sociopolitiquesdu pays. A cet effet, elle a toujours taché de prendre la parole pour donner l'avis de l'Eglise sur la vie politique du Cameroun, et donc sur le processus démocratique qui y est en cours. Depuis l'ouverture démocratique de 1990, elle a eu à se prononcer pendant les plus grands moments de ce processus comme sur les questions les plus déterminantes de celui-ci,pour dire ce que l'Eglise en pense, et pour faire des propositions qui sont à même de conduire le Cameroun dans sa marche vers une démocratie authentique. Nous examinons parmi la vingtaine de ses lettres pastorales, celles les plus en rapport avec les questions du processus démocratique en cours.

4.1.2.1. Lettre pastorale des évêques sur la crise économique dont souffre le pays (1990)

Une lettre pastorale est un document officiel qu'un prêtre, un évêque ou un ensemble d'évêques adressent aux fidèles de l'Eglise, sur une question précise.

Le 30 Juin 1990, la Conférence des évêques du Cameroun publiait une lettre pastorale sur la situation politique, économique et sociale du Cameroun. Le tableau qu'elle présente du Cameroun est sombre et sévère. Elle déplore les crimes impunis, la corruption, les détournements des deniers publics, la mise en place de ce que Jean Paul II nommait « structures de péchés», qui enfoncent la plupart des camerounais dans une misère profonde. Cette lettre pastorale est un désaveu qui jusqu'aujourd'hui a prévalu.

A travers cette production discursive surle débat public camerounais de cette période d'ouverture démocratique, les évêques entendaient continuer le rôle majeur de restructuration du jeu politique. S'inscrivant dans une perspective de lutte pour les droits des citoyens privés du bonheur par une minorité que constituait la classe politique dirigeante du Cameroun.

Les évêques catholiques s'inscrivaient ainsi dans la même perspective que biens d'autres mouvements de libération de cette « aube démocratique »260(*). Comme l'a signifié J.Y. Calvez :

« En accord avec certains mouvements de libération syndicale et politique, avec les associations de défense des droits de l'homme et bien d'autres forces morales, intellectuelles et religieuses, l'Eglise n'a pas été absente, loin de là, du combat qui a abouti à des conquêtes démocratiques inspirées au début de la décennie 90»261(*).

Les évêquesfaisaientle constat quela vie publiqueétait en perte de moralitéet que c'était l'une des causes de la crise qui frappe les camerounais.

Ces évêquespromouvaient ainsi la vulgarisation et le respect des lois en particulierles lois qui touchent l'ensemble de la population, et par là ils soutenaient la bonne volonté des populations à s'impliqués dans la relève du pays.

En outre, mettant l'accent sur la dimension éthique de cette crise, les évêques mettaient en garde contre les dérives morales qui entravent le processus démocratique. En effet, si l'Eglise est « experte en humanité » comme l'affirmait le pape Paul VI262(*), son expertise concerne essentiellement les questions morales. C'est pourquoi les évêques mettent l'accentsur l'aspect moral de la vie publique au Cameroun. Dans ce sens, C.Makiabo écrivait : « Pas de démocratie sans moralité publique : il est impossible d'établir la démocratie dans un pays où règne l'immoralité. L'immoralité qui elle, mène à la dictature»263(*). 

L'Eglise se constituait ainsi, comme moyen d'expression des aspirations des camerounais à un mieux-être ; un rôle qu'elle a assumé dans plusieurspays, notamment les moins démocratisés. C'est pour cela que C.Makiabo estime que l'Eglise a souvent apparu dans bien de pays comme « seul canal possible d'expression des revendications »264(*).

Nous voyons ici que l'intervention de l'Eglise dans la mouvance démocratique se caractérise par un souci de constructionou de reconstruction du politique et de la démocratiepar le religieux. Ces deux réalités ne sont pas d'ailleurs exclusives,comme le soutien A.Dieckhoff :

 «L'avènement de l'âge démocratique ne s'est pas opéré sur une tabula rasa religieuse, mais au contraire le fait religieux a joué, par des processus complexes et contradictoires, dans cette maturation politique »265(*).

C'est en ce sens que, réunis en assemblée plénière à Mvolyé- Yaoundéles évêques se sont penchés sur les problèmes de la justice sociale. A leurs yeux, cette justice est compromise par les évènements que connait le pays. Ils constatent que le désordre menace les vies et les personnes. Conscients qu'ils ont en face d'eux des acteurs politiques qui ne sont pas toujours des promoteurs de la démocratie, ils leur font la proposition des voies et moyens de démocratisation, se fondant surces valeurs religieuses qui ont intégré depuis le milieu du XIXe siècle les principes démocratiques.

Cette contribution des évêques peut être comprise par le fait que leur voix reste l'une des voix les plus attendues et les plus entendues dans un contexte de combat démocratique où l'opposition est très fragilisée et les OSC méconnues de la masse des citoyens. En ce sens, l'Eglise Catholique est restée pendant longtemps la seule véritable « opposition » au Cameroun.

Cette participation s'inscrit aussi dans le vaste mouvement du retour du religieux ou de ce qu'on a qualifié de revanche de Dieu à la sortie des totalitarismes des années 80-90. En effet, ce retour du religieux s'accompagne des métamorphoses considérables du discours religieux ;lequel prend de plus en plus des habillages socioéconomiques et politiques.

En outre, l'analyse de cette crise ne se borne pas aux seules dimensions socioéconomique et politique, l'Eglise crée ici des interrelations entre le spirituel et ces dimensions temporelles pour l'expliquer et la combattre. Comme le rapportent les évêques dans cette lettre pastorale : « La cause et l'origine du mal dont nous souffrons se trouvent en premier lieu, dans les structures de péché qui dominent le monde actuel»266(*) .Par structures de péché, les évêques se réfèrent ici à Jean Paul II qui avait précisément affirmé :

«Si la situation actuelle relève de difficultés de nature diverse, il n'est pas hors de propos de parler de «structures de péché», lesquelles, comme je l'ai montré dans l'exhortation apostolique Reconciliatio etpaenitentia, ont pour origine le péché personnel et, par conséquent, sont toujours reliées à des actes concrets des personnes, qui les font naître, les consolident et les rendent difficiles à abolir. Ainsi elles se renforcent, se répandent et deviennent sources d'autres péchés, et elles conditionnent la conduite des hommes »267(*).

Le pape faisait ainsi une lecture idéologisante de la crise de ces pays africains qui amorçaient à peine leur vague de démocratisation ;mobilisant des idéologies religieuses du péché pour construire l'ordre politico-économique. Il s'agit là d'une instrumentalisation du religieux à des fins politiques ; laquelle traduit les échanges permanents entre religieux et politique que P. Michel a exprimé en ces termes :

« présumer une autonomie des champs religieux et politiques, c'est en fait prendre le risque d'une profonde mésintelligence des processus étudiés [...] il n'existe pas de champ religieux ou de champ politique autonome, mais une matrice commune où s'organisent les passages de l'un à l'autre sur la base des mécanismes fort complexe de recharge et de redéfinition réciproque »268(*).

Cette mobilisation des ressources religieuses par les évêques faisaient du religieux un vecteur de ré-idéologisation, fondamentalement utilisé pour mettre en question les catégories d'une démocratie de-idéologisée269(*).

4.1.2.2. Lettre pastorale des évêques du Cameroun aux chrétiens et à tous les hommes de bonne volonté sur le tribalisme (1996)

Constatant que les effets de la crise perdurent, les évêques identifient ses causes parmi lesquelles le tribalisme. Ce tribalisme qui« parait se développer de façon inquiétante [et qui] détruit les efforts des bonnes volontés et s'oppose à tout développement »270(*), est devenue une pratique courante au Cameroun, et structurant le vécu des camerounais.

Dans leur dénonciation de cette pratique, ils invoquaient à nouveau des référents religieux qui devraient fonder le vivre ensemble des Camerounais : « Oui, vous tous, vous avez été baptisés en christ, il n'y a plus de juif, ni grec ; il n'y a plus ni esclave, ni homme libre ; il n'y a plus ni homme ni femme; car tous vous êtes en Jésus-Christ »271(*).

Dans cette lettre, les évêques remplient leur mission de conscientisation des Camerounais en les sensibilisant sur la racine du tribalisme qui sont selon eux, de plusieurs ordres :

D'ordre culturel : ils montrent que la langue et les coutumes sont souvent facteur de rejet de l'autre.

D'ordre politico-économique :ils mettent l'accent sur la promotion exclusive d'une région ou d'une ethnie au détriment des autres ;et dénoncentl'instrumentalisation par le politique du sentiment tribal des citoyens, pour des intérêts politiques égoïstes.

D'ordre religieux : ils font référence aux hommes d'églises qui sont complices de certaines attitudes tribalistes.

S'adressant à toutes les couches sociales : agents pastoraux, responsables de la société civile et politique, jeunes et chrétiens etc., les évêques invitent à une prise de conscience et à la promotion «des valeurs d'ouverture, d'hospitalité, d'acceptation mutuelle et de collaboration pour le progrès et le développement harmonieux du pays »272(*).

Conscient des carences de l'Etat en matière de régulation des relations intertribales, l'Eglise apporte sa contribution dans ce sens, comme elle la très souvent fait dans d'autres circonstances. En effet, face aux carences de l'Etat, l'Eglise dispose d'un nombre important de services sociaux et éducatifs à travers tout le pays et d'un crédit considérable auprès des couches populaires. Ce qui lui constitue un véritable capital social auprès des populations.

Nous livrons ici une des photos de cette Conférence de l'évêque à l'occasion de leur 35e assemblée plénière.

Photo1 : les évêques du Cameroun et autres participants après une conférence

Source :Archives du SNJP

4.1.2.3. La lettre pastorale des évêques à tous les fidèles et tous les citoyens de bonne volonté sur le droit et le devoir de vote (2004)

Les évêques du Cameroun inscrivent cette nouvelle intervention dans le champ de démocratisation à la suite de leur lettre de 1988 sur l'engagement des laïcs dans la vie de la nation où ils affirmaient notamment: « Si nous ne travaillons pas pour élire des hommes et des femmes capables de porter nos aspirations et surtout d'oeuvrer pour le bien de toute la nation, nous en porterons nous-mêmes la responsabilité »273(*).

Ils montrent à travers cette lettre le bien fondé du vote qui est à la fois un droit pour « toute personne de nationalité Camerounaise âgée de 20 ans au plus, n'ayant pas été condamnée à une peine privative de liberté ». Comme le rappelle les évêques eux-mêmes en se référant à la loi camerounaise274(*).

Ils traduisaient ainsi leur souhait de voir les Camerounais s'impliquer plus que par le passé aux échéances électorales: « les conditions d'existence, de maintien et de développement d'une démocratie véritable dépend de l'implication de tous à la vie politique »275(*), insistaient-ils.

Dénonçant les entraves à cette implication, les évêques soulignaient la perte de confiance des citoyens envers le système électoral ;et bénéficiant de leur autorité morale sur la population, ils lamettaient au service de la démocratie.

Cet intérêt pour le processus électoral relève toujours des préoccupations de la DES qui, dans sa conception de la démocratie insiste sur l'implication des citoyens.

4.1.2.4. La lettre pastorale des évêques du Cameroun à l'occasion de l'élection présidentielle de 2011

Cette lettre pastorale s'inscrit aussi à la suite de celles de 1988 sur « l'engagement politique des laïcs dans la vie de la nation » et celle de 2004 sur « le droit et le devoir de vote ». En effet, face à la persistance de l'abstention électorale et conscients des enjeux de la participation citoyenne dans la démocratie, les évêques interpellent les citoyens à plus de participation. C'est pourquoi, présentant l'élection présidentielle de 2011 comme « déterminante pour l'avenir de notre pays »276(*), ils affirmaient :

« Cette élection interpelle plus que par le passé la maturité civique de tous les camerounais. Elle doit contribuer àfaire murir la conscience nationale de tout un chacun. Pour que le processus électoral en cours soit mené à bien, il est de notre devoir de porter à votre conscience quelques réflexions sur l'avenir de notre pays et sur le vote citoyen »277(*).

Ainsi, ils attiraient l'attention sur des points aussi variés que les suivants :

Concernant la dignité de la personne humaine, ils interpellaient au respect des droits de l'homme.

Sur le respect du bien commun, ils invitaient à une juste répartition des subsides publics, « pour un engagement des citoyens à la sécularisation du patrimoine national : qu'aucun camerounais ne se sente exclu des retombés de la croissance»278(*)

Au sujet de l'unité nationale, ils indiquaient les moyens de sa construction, « dans la complémentarité et l'ouverture de toutes les composantes sociales entre elles, dans l'adhésion des tribus et ethnies à cette nouvelle famille qu'est la Nation»279(*), etc.

Dans la même perspective, les évêques insistaient sur la signification et la responsabilité des électeurs afin que les urnes soient la voie de réussite de la démocratie. Luttant contre l'abstention politique, ils affirmaient notamment : « Nous exhortons les camerounais à ne pas succomber à la tentation de ceux qui pensent et proclament qu'avant les élections les jeux sont faits et qu'il ne sert à rien d'aller voter»280(*)

Ces lettres pastorales des évêques expriment l'action de restructuration de la vie politique camerounaise par l'Eglise Catholique, notamment son haut clergé. Examinons après ce premier rôle, celui des organisations catholiques dans ce même processus.

4.1.3. LES ORGANISATIONS CATHOLIQUES ET LA VEILLE CITOYENNE AU CAMEROUN

Le Concile Vatican II en définissant la mission de l'Eglise dans la lutte pour la promotion des peuples avait tout aussi mis l'accent sur les structures d'Eglises, sur lesquelles devrait reposer cette action de l'Eglise. Il s'agit prioritairement de Justice et Paix. C'est pourquoi dès 1967, a été créé à Rome le Conseil pontifical Justice et paix dont les démembrements ont été créés dans différents pays par les conférences épiscopales. Il s'agit aussi de médiats catholiques que Vatican II a tout aussi retenus comme très favorables pour une évangélisation sociale.

4.1.3.1. « Justice et Paix » dans le Processus démocratique au Cameroun

Créé en 1998 par les Evêques réunis au sein de la Conférence Episcopale Nationale du Cameroun (CENC), le Service National « Justice et Paix » (SNJP) a été mis en place dans le sillage du Conseil pontifical « Justice et Paix » dont il participe des objectifs et du mandat. Son objectif est d'assurer la coordination des activités de promotion de la Justice et de la Paix selon l'enseignement social de l'Eglise281(*). Son mandat comprend: la Promotion de l'enseignement social de l'Eglise, des enquêtes sur la justice et la paix, la formation des communautés à la base sur les droits de l'homme, le suivi du processus démocratique, le conseil juridique des personnes et groupes défavorisés, l'appui au règlement des conflits à l'amiable, le suivi des industries extractives et à travers tout ceci, « Justice et Paix » participe comme structure catholique à la promotion de la démocratie. Il convient donc d'examiner ici quelques une de ses actions, dont le déroulement nous permettra d'attester le rôle majeur que l'Eglise Catholique joue en tant qu'acteur de la société Civile.

4.1.3.1.1. L'observation des élections par « Justice et Paix »

Le Service National Justice et Paix a reçu en 2001 des évêques du Cameroun le mandat d'observer au nom de l'Eglise Catholique les élections au Cameroun, et de manière générale, de suivre le processus démocratique. Ceci en vue de se rassurer que tout se déroule conformément aux règles en vigueur et au respect des droits des différents acteurs qui y sont impliqués. Comme l'ont affirmé les évêques eux-mêmes dans leur communiqué de 2004 : « Le mandantest confié à Justice et Paix pour savoir siles règles qui yprésident (aux élections) ainsi que les droits des uns et des autres sont respectés par les divers acteurs électoraux»282(*).

C'est ainsi qu'il s'engagea dans le suivi dudéroulement des scrutins dès 2002. Premieracteur de la société civile, Justice et Paix ouvrait ainsi la voix à nombre de ses collaborateurs qui suivront, dans ce champ du combat démocratique. Selon J.Mabouth, pour une plus grande efficacité du suivi du processus électoral, l'action de « Justice et Paix » se situe à trois principaux moments : « Avant, pendant et après les élections »283(*).

Avant les élections, le rôle principal de Justice et Paix a toujours été la formation des observateurs ; Il s'agit de la formation des membres du SNJP, des CDJP, et autres chrétiens intéressés par la chose, sur le déroulement du scrutin, les méthodes de fraudes jusque-là détectées et les voix de les contrecarrer. A ce stade, un autre rôle majeur de Justice et Paix est l'observation pré-électorale, à travers laquelle elle se rassure que tout se prépare conformément au code électoral et à la loi en générale : les inscriptions sur les listes électorales, la distribution des cartes d'électeur, le déroulement de la campagne électorale etc. A ce même stade, justice et paix demande des accréditations du MINAT pour ses observateurs.

Pendant les élections, c'est le déploiement sur le terrain des observateurs catholiques,aux côtés des autres observateurs de la SC, des partis politiques, des observateurs internationaux etc. L'Eglise Catholique joue un rôle majeur dans cette observation, car elle est la seule organisation, en dehors de l'Etat, à déployer ses observateurs sur l'ensemble du territoire national ;ceci, en raison de sa vaste étendue sur l'ensemble du Cameroun et des démembres des CDJP qui couvrent les 25 Diocèses du Cameroun.

Après l'élection, Justice et Paix, joue un double rôle, dont le principal est la rédaction des rapports d'observation qu'il doit déposer auprès des évêques de la CENC ;afin qu'en s'y référant, ils puissent dire ce que pense l'Eglise de l'échéance concernée, du processus électoral en général et qu'il puissent donner aux acteurs concernés des recommandations pour une bonne marche des élections. Une autre action, pas de moindre importance est sa participation aux débats post électoraux, lequel a souvent été porté d'avantage par les évêques eux même.

Au vu de tout ceci, il devient évident de retenir que l'Eglise, à travers Justice et Paix, joue un rôle majeur dans le processus démocratique. Pour des raisons évidentes :

Premièrement, Justice et Paix a été le premier acteur de la société civile à participer àl'observation des élections en 2002. C`est suite à cette initiative que les autres OSC se sont aussi impliquées. Comme l'affirme J.Mabouth coordonnateur du SNJP, « nous avons été les premiers à ouvrir la voie à l'observation civile des élections en 2002 »284(*).

Deuxièmement, en comparaison avec les autres acteurs civils de ce processus, il a déployé le plus grand nombre d'acteur aux échéances électorales de 2002 à 2007285(*).

Troisièmement, leurs rapports d'observation est le plus attendu, le plus médiatisé et ayant lepoids sociopolitique le plus lourd ; pour la simple raison qu'ils sont portés par la voix des évêques qui sont une grande autorité morale dans le pays.

La formation et le déploiement sur le terrain des observateurs chrétiens des élections traduit la volonté manifeste de l'institution à contribuer à la restructuration du jeu politique camerounais.Ainsi, lorsqu'on parle de la participation de l'église catholique du Cameroun au processus de construction de la démocratie, il convient de retenir cette action de justice et paix comme l'une des actions majeures de l'église en la matière ; après bien évidemment les prises de position des clercs sur la vie politique du pays.

Au vu du nombre d'observateurs que Justice et Paix a déployé sur le terrain lors des quatre dernières échéances électorales, on a plus besoin d'autres preuves pour attester que l'église est un acteur majeur du processus électoral.

4.1.3.1.2. La proposition d'un code électoral par Justice et Paix

Pour avoir travaillé dans le processus électoral depuis le scrutin de 2002a Rome en 2007, le SNJP analysait le code électoral et faisait ce constat : « Il s'agit des morceaux de texte juxtaposé sans une cohérence véritable, qui sert de code électoral pour le déroulement des scrutins au Cameroun »286(*) ; c'est alors qu'en tant qu'acteur de la société civile il produisit avec l'aide de ses experts en la matière un code électoral qu'il proposait au gouvernement.

Lors de la rencontre de la CENC et du Conseil Pontifical Justice et paix, Mgr R. Pirenne alors président de la Commission Episcopale Justice et Paix de la CENC affirmait à ce sujet :

« Entre Septembre et Décembre 2005, le Service National «Justice et Paix » s'est attelé àamender les lois qui régissent les élections au Cameroun. Il a constitué à ce propos un comité d'experts triés sur le volet et comprenant toutes les couches sociopolitiques du pays. Ce comité a rédigé deux avant-projets de lois, l'un portant sur le code électoral unique, et l'autre créant un organe indépendant chargé de conduire le processus électoral. Ces documents ont été approuvés par les évêques lors de leurs séminaires annuels de mi-janvier 2006 à Nguelemendouka (Doume/Abong-Mbang). Ils ont recommandé de les porter à la connaissance du premier ministre et du ministre chargé des élections»287(*)

Une telle proposition relève de cette volonté manifeste de l'Eglise de contribuer à la construction du processus démocratique au Cameroun ;notamment à la restructuration du jeu politique afin que tous les acteurs en compétition aient les mêmes chances d'accéder au pouvoir.

Le code électoral en vigueur était eneffet taillé à la mesure du pouvoir en place, dans sa stratégie de main mise sur l'ensemble de la vie politique camerounaise et de contrôle sans erreur du processus en cours. Il était donc évident pour ces acteurs civils qui aspirent à des changements démocratiques, de concourir au préalable au changement des règles de jeu qui faussaient dès la base le jeu électoral. Au bout du compte leur proposition a porté du fruit, car, estime J.Mabouth, « le gouvernement a pris en compte bon nombre de nos propositions contenues dans la proposition du code »288(*).

4.1.3.1.3. « Justice et Paix » et la lutte contre la corruption

Il n'est plus à démontrer quela corruption est un obstacle véritable à l'avènement de la démocratie. Jean Paul II l'avait déjà identifié comme la source de beaucoup de problèmes en Afrique:« l'Assemblée synodale a reconnu que beaucoup de problèmes du continent sont la conséquence d'une manière de gouverner souvent entachée de corruption»289(*).

C'est pourquoi, Justice et Paix a estimé que pour qu'il ait une démocratievéritable la lutte contre la corruption est l'une des voix les plus indiquée. S'engageant auprès des populations avec ses partenaires nationaux et internationaux, elle contribue à travers des ateliers, desdébats, sensibilisations de la masse etc., à la lutte contre la corruption et les détournements des deniers publics.

L'un de ses moyens de lutte a souvent été son magazine « le lien NkengShalom», qui lui avait d'ailleurs consacré son premier numéro en Juillet 2001: « Des Camerounais en guerre contre la Corruption»290(*).

Outre cela, ce sont des ateliers qu'organise Justice et Paix en partenariat avec d'autres acteurs notamment de la société civile pour penser, former et sensibiliser non seulement sur les stratégies de corruption que développent les acteurs concernés, mais aussi sur les moyens de lutte contre elle.

4.1.3.1.4. Justice et Paix et la défense des droits de l'homme

L'action de Justice et Paix pour la défense des droits de l'homme est multiforme. Elle va de l'assistance juridique aux différents plaidoyers pour les victimes d'injustice, afin que leurs droits soient reconnus et respectés. C'est en ce sens que se situe l'action de CAVT291(*) , qui s'investie dans la sensibilisationet l'assistance juridique des populations riveraines des zones d'exploitation industrielle, afin que leurs droits d'autochtones soient respectés. Cependant, « Justice et Paix » n'étant pas une armée, son action dans le cadre des droits de l'Homme est davantage celui de sensibilisation sur les droits humains,ce que nous abordons dans la partie sur l'éducation à la citoyenneté.

Outre cette action de Justice et Paix portée par le CAVT, une autre de grande importance est portée par les CDJP de Douala et de Yaoundé. Il s'agit entre autres :

Ø Des formations en droit de l'homme, en droit de la femme et de l'enfant ;

Ø L'assistance judiciaire aux détenus et aux autres justiciables démunis ;

Ø Le règlement pacifique des conflits à l'amiable292(*) ;

Ø Les séminaires sur les conflits conjugaux et fonciers, les problèmes d'héritages, les différends de travail, etc.

4.1.3.1.5. « Justice et Paix » et l'éducation à la citoyenneté

Justice et Paix accorde beaucoup d'importance à l'éducation à la citoyenneté, notamment à la sensibilisation pour les inscriptions électorales et pour le vote citoyen. Comme le font les évêques à la veille de chaque scrutin, Justice et paix organise des campagnes pour sensibiliser les citoyens dans ce même sens de participation électorale ;laquelle est indispensable pour l'avènement d'une démocratie véritable. Prenons cet exemple pour illustration : dans son rapport électoral de Juin 2002, le SNJP répondait à cette question des camerounais : « face à la fraude électorale organisée, devant un système électoral comme le nôtre, susceptible d'être falsifié à la base, est-il encore nécessaire d'aller voter ? »293(*).Et il mobilisait cette fois encore des ressources religieuses pour stimuler à la participation électorale: 

« Si Jésus avait été visiblement présent au Cameroun en 2001...L'Eglise qui est le signe visible de sa présence a donnéune réponse affirmative aux hésitations des uns et des autres, face à leur devoir civique : oui allez voter. Mais avant, pendant et après les élections, éviter les pratiques de magouille, respecter les prescriptions légales en matières électorales. Leur ont dit les évêques en ordonnant au Service National Justice et Paix de procéder à la sensibilisation de masse sur le thème voter, c'est choisir librement, et d'organiser la formation des observateurs chrétiens des élections »294(*).

La sensibilisation au vote s'organise ainsi au niveau des CDJP. Pour ce qui concerne nos deux archidiocèses ici concernées, elles ont organisé à leur niveau des sensibilisations des milliers de Camerounais lors dechacun des scrutins tenus depuis 2002.

L'éducation à la citoyenneté de Justice et Paix s'est étendueaussi et plus largement sur les droits juridiques, civiques et politiques des camerounais ; à travers des ateliers et des séminaires organisés par les différentes Commissions Justice et Paix.La logique à l'intérieur de laquelle ils s'inscrivent ici est celle de la contribution de l'Eglise à la construction de l'ordre temporel ;c'est-à-dire pour l'avènement du bien commun295(*). C'est dans ce sens que nous pouvons lire cette affirmation du SNJP, mobilisant un extrait de l'exhortation apostolique Christi fidèles laïc :

« Le manuel d'éducation à la citoyenneté démontre clairement du début à la fin, la vérité sur le fait que nous ne pouvons jamais établir une dichotomie entre `'d'un côté la vie spirituelle avec ses valeurs et ses exigences ; et de l'autre, la vie dite `'séculaire`', c'est-à-dire la vie de famille, de travail, des rapports sociaux, d'engagement politique, d'activités culturelles''296(*) »297(*).

Examinons un instant cette contribution du manuel d'éducation à la construction de la démocratie. Elle est en réalité une production discussive de l'institution religieuse sur le processus démocratique. Nous avons pu, dans le cadre de l'analyse documentaire répertorier les différentes thématiques sur lesquels les camerounais sont éclairés et sensibilisés,pour attester cette contribution. Le tableau suivant nous en livre un aperçu illustratif.

Tableau n° 11: Thématiques abordées dans le manuel d'éducation à la citoyenneté

Source : Par nos soins.

Comme nous pouvons le constater, il y est abordé les principes même de la démocratie telle que nous l'avons défini plus haut. De plus, l'accent y est mis sur la société civile, thématique auquel le SNJP consacre 67 pages, soit 63% de l'ouvrage.

Une autre dimension de la formation à la citoyenneté de Justice et Paix est la formation des représentants des CPJP298(*). Il est en effet organisé par les CDJP de Douala et de Yaoundé, chaque mois des ateliers de formation. Cette photo illustre une séance de formation.

Photo n°2 : Atelier CDJP Yaoundé sur la formation à la citoyenneté

Source : archives de la CDJP Yaoundé

Nous trouverons en annexe un exemple de programme de ces ateliers. Il détaille les différents sujets sur lesquels sont formés ces représentants des CPJP.

Ainsi, l'objectif de « Justice et Paix » est de participer à la formation d'un laïcatresponsable et engagédans la lutte pour la dignité et le développement de l'homme camerounais,telle a d'ailleursété le rôle quejustice et paix du Congo a joué dans la sortie de la dictature mobutiste. Makiabo affirme à ce sujet :

« A notre avis, c'est dans les structures de base comme les commissions diocésaines Justice et Paix qu'ont germéla contestation et le désir de changement qui ont fini par démystifier le pouvoir dictatorial de Mobutu. C'est aussi dans ces structures de base, revivifiées par une formation pratique, qu'est née une démocratie de la lucidité, de la responsabilité et de la mobilisation de toutes les forces vives pour des changements durables et irréversibles au Zaïre »299(*).

4.1.3.2. LES AUTRES TRUCTURES CATHOLIQUES DANS LE PROCESSUS DEMOCRATIQUES CAMEROUNAIS

Depuis Vatican II, l'Eglise a apporté des changements importants à la structure d'Eglise, notamment en passant d'une structure ecclésiale pyramidale à une structure communautaire. Des mesures ont été prises pour accompagner et concrétiser ces changements idéologiques. Entre autres, il s'est agi de promouvoir la place des laïcs dans l'Eglise à partir des associations et communautés de base chrétienne, et des Mouvements d'action Catholique. C'est pourquoi, dès le début des mutations sociopolitiques des années 65, l'Eglise,notamment des prélats comme Mgr Bonneau, et plus tard Mgr Ndongmo et Mgr Mongo, ont commencé l'organisation des fidèles en communauté de vie. Ceci afin qu'à travers leurs initiatives, ils puissent apporter des changements nécessaires pour la bonne marche du Pays. C'est en ce sens que nous abordons ici quelques-unes d'entre elles, afin de déceler dans leur vécu leur contribution au processus de changements en cours au Cameroun.

4.1.3.2.1. Les médias catholiques

Les média jouent presque le rôle central en démocratie. Acteur majeur de l'espace public, ils assurent la communication entre les acteurs politiques et civils, entre les candidats et les électeurs, et permettent par conséquent, non seulement la formation de l'opinion publique, mais aussi l'influence de la politique du pays. C'est en ce sens que S.Ulbrich affirme :

« Les médias libres et indépendants sont un pilier important de chaque démocratie. Lecontrôle des moyens d'information est de nos jours presque synonyme de contrôle de la prise de décision dans une démocratie. Les médias jouent un rôle crucial dans la vie quotidienne des démocraties, que ce soit les journaux, la télévision, la radio, l'industrie de divertissement et naturellement l'Internet»300(*).

L'Eglise Catholique depuis Vatican II a bien compris ce rôle des médias dans les déterminations des politiques des nations. C'est pourquoi elle a préconisé la mise en place des médias catholiques et la promotion de la communication sociale. Jean Paul II n'a pas manqué d'y revenir en ces termes :

« En de nombreux endroits également, des règlements gouvernementaux imposent un contrôle indu dans ces domaines. Tous les efforts possibles devraient être mis en oeuvre pour lever ces obstacles: les médias, qu'ils soient privés ou publics, doivent être au service des personnes sans exception. C'est pourquoi j'invite les Églises particulières d'Afrique à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour que cet objectif soit poursuivi. »301(*)

Bon nombre de médias ont été créées au Cameroun, parmi lesquels nous avons retenus celles les plus en vue et les plus impliquées dans le processus démocratique camerounais. Il s'agit notamment de « l'effort Camerounais », de la « Radio Veritas », de l' « Horizon diocésain », de« le lien NkengShalom », de la « radio Jeunesse » ; dont il convient ici de dégager l'intérêt et la contribution au processus démocratique en cours.

Pour ce qui est de la presse audio, ils organisent souvent des émissions au cours desquelles ils font intervenir aussi bien des experts invités pour instruire sur les questions sociopolitiques que les auditeurs qui peuvent intervenir via des appels téléphoniques en direct. Dans ce sens, comme nous l'a confié A.Ngwanshi,Radio Veritas a deux émissions à caractère sociopolitique.

Quant à la presse écrite, elle les consacre aussi des articles comme des numéros en leur intégralité aux mêmes questions, afin d'indiquer à chaque moment fort de la vie politique du Cameroun, ce qu'en pense l'Eglise.

Le tableau suivant donne un aperçu des différents numéros de cette presse, qui ont été consacrés aux questions sociopolitiques camerounaises.

Tableau 12 : quelques titres de la presse catholique sur les questions politiques au Cameroun

Source : Par nos soins.

Ce tableau atteste l'implication indubitable de la presse catholique dans le processus de restructuration du jeu politique camerounais.

A travers cespublications, cette presse catholique entend influencer le processus démocratique en cours au Cameroun, selon les recommandations de l'Eglise. Comme nous l'a confié A.Ngwanshi : «Notre objectif est de contribuer au changement du Cameroun, à travers l'enseignement social du Cameroun.Nous mettons l'accent sur la morale publique »302(*).

4.1.3.2.2. Les ONG Catholiques non Camerounaises

Nous avons dit plus haut que l'Eglise Catholique a mis sur place toute une machine de changement social. Au nombre des structures qui y sont impliquées figurent en bonne place les ONG catholiques internationales dont nous analysons ici le rôle de celles qui oeuvrent au Cameroun.

Dans ce travail d'accompagnement de la démocratie camerounaise par l'Eglise Catholique, les ONG catholiques non camerounaises jouent un important rôle d'arrière-plan : il s'agit par exemple du CRS et de Miserior, ONGs respectives des conférences épiscopales des USA et d'Allemagne. Ce rôle d'arrière-plande grande importance est celui de fournir les fonds ou du moins de trouver des bailleurs de fond aux structures catholiques en particulier et aux ONG camerounaises en générale. Il suffit dans ce sens que l'ONG concernée monte un projet allant dans le sens du développement social ou économique, le leur soumettent et qu'ils lui trouvent des fonds nécessaires ou des bailleurs, ou encore des experts en la matière. Ainsi, dans le cadre de sa collaboration avec Justice et Paix Cameroun, le CRS finance entre autre le service de communication du SNJP dont l'un des fruits est la production trimestriel du magazine le Lien NkengShalom. Miserior quant à lui finance le projet pétrole du SNJP, pour lequel il a fourni un expert, ThorstenNigels qui travaille depuis un an, en collaboration avec l'ITIE et PWYP, comme observateur catholique pour la transparence de l'extraction pétrolière au Cameroun ;la démocratie économique voulant que les populations soient impliquées dans la gestion des richesses de leur pays et que des autochtones des grandes zones d'exploitation minières soient elles aussi bénéficiaires des richesses que produisent le sol et le sous-sol de leurs localités.303(*)

Cette analyse nous a permis jusqu'ici de montrer que la participation de l'Eglise au processus démocratique s'inscrit premièrement dans une logique de restructuration du jeu politique camerounais. Il convient maintenant d'analyser les dessous de cette participation, afin d'en ressortir les contrastes qu'elle renferme et qui font d'elle une participation mitigée.

4.2. LES FACTEURS DECONTRADICTION DE LA PARTICIPATION INSTITUTIONNELLE DE L'EGLISE CATHOLIQUE AU PROCESSUS DEMOCRATIQUE CAMEROUNAIS

En vued'analyser les contradictions de l'action institutionnelle de l'Eglise pour la promotion de la démocratie camerounaise, nous avons organisé notre argumentaire sur deux points principaux : Le souci de sauvegarde l'héritage culturel de l'Eglise et le souci de sauvegarde des rapports de l'institution avec le pouvoir politique.

4.2.1. LE SOUCI DE SAUVEGARDE DE L'HERITAGE CULTUREL DE L'EGLISE

Nous avons certes reconnu avec J. Calvez etH. Tincq304(*) que l'Eglise Catholique a fait des avancées considérables dans l'acceptation et la promotion de la démocratie. Nousne pouvons cependant pas ignorer le fait que cette institution très conservatrice sur certaines questions conserve encore beaucoup d'éléments dans sa doctrine et dans sa structure, quine sont pas favorables à l'émergence d'une véritable culture des libertés et des droits humains ; mais qui entravent en réalité laparticipation de celle-ci au processus de construction de la démocratie.Nousnous proposons dans ce sens d'examiner ici sa théologie de la charité et le défaut de démocratie dans l'Eglise, pour montrer comment ces deux réalités participent à la configuration de la participation mitigée de l'Eglise.

4.2.1.1. Lathéologie de la charité et les libertés démocratiques

Le débat sur la théologie de la charité en rapport avec les libertés démocratiques concerne le discours catholique sur les libertés et les droits de l'homme. La théologie de la charité a été systématisée par Jean Paul II ; elle met la charité au fondement de l'ordre social. C'est du moins la vision qu'en livre Jean Paul II dans ses deux encycliques politico-religieux RedemptorisHominis et Divers in misericordia qu'il consacre d'ailleurs à la charité, de manière à n'aborder la question des droits de l'homme qu'accessoirement. Elle traduit l'attitude de l'Eglise dans le champ de démocratisation. En effet, à travers cette théologie l'Eglise pense que c'est par la conversion des coeurs, la bonté des uns et des autres que l'on pourra parvenir à l'instauration d'un règne de Justice et des libertés. Par conséquent, elle se désolidarise de la doctrine même des droits de l'homme qui défend les libertés inconditionnelles de l'homme et fonde la lutte pour leur respect.

C'est en ce sens que, analysant le discours politico-religieux de Jean Paul II au Cameroun, KengnePokam met en exergue :

« D'une part sa volonté manifeste de vouloir vaille que vaille substituer à la doctrine des droits de l'homme une théologie de la charité et d'autre part sa condamnation sans équivoque de la théologie de la libération»305(*)

Au vu de cette préférence de l'église pour la théologie de la charité au détriment du combat démocratique, il devient évident de comprendre que l'Eglise notamment le Vatican et ses représentants d'Amérique latine se soient opposésau mouvement de démocratisation qu'on a nommé théologie de la libérationen Amérique latine. Ce qui a opposé fondamentalement ce mouvement théologico-politique à la hiérarchie catholique, c'est sa récupération de la doctrine marxiste qu'il entendait mettre au service du combat politique pour des changements significatifs. J.Rollet affirme d'ailleurs à ce sujet :

« Il est reproché aux théologiens latino-américains de réduire le message chrétien de la rédemption à une libération socio-politique des pauvres identifiés au prolétariat. Leur analyse est trop dépendante du marxisme conçu comme analyse scientifique de la réalité, alors que celle-ci est indissociable de l'athéisme de Marx et d'Engels. »306(*)

En effet, ces théologiens de la libération critiquaient la démarche des théologiens européens, particulièrement celle de Metz à qui ils reprochaient une trop grande abstraction due à un manque d'ancrage dans la réalité socio-politique307(*). Les réalités socio-politiques brutales d'Amérique de Sud, marquées par la domination de pauvres,a été pour eux le ferment de production d'un discours chrétien plus pertinent. Gustavo traduit la substance de cette théologie en ces termes :

« La théologie de la libération veut partir de l'engagement pour abolir la situation actuelle d'injustice et construire une société nouvelle. Cette théologie doit trouver sa vérification dans la pratique decet engagement, qui se réalise par la participation active et efficace à la lutte que les classes sociales exploitées ont entreprise contre leurs oppresseurs»308(*).

Ce positionnement du Vatican au détriment de la théologie latino-américaine de libération permet de comprendre la position même de l'Eglise Catholique dans le champ de démocratisation. Fidèle assidu du Vatican, l'Eglise Catholique du Cameroun a adopté la théologie de la charité du Vatican dans sa participation pour la construction de la démocratie ; ne mettant pas en avant les luttes pour les libertés mais des discours d'appel à la conversion.

Ainsi, dans sa mission de promotion de la démocratie, l'Eglise Catholique serait départagée entre sa théologie de la charité etladoctrine des droits de l'homme qui est au fondement de toute démocratisation. Nous ne sommes d'ailleurs pas seul à constater cette réalité,P.Valadier l'avait déjà signifié lorsqu'il écrivait :

«Il est à peine besoin d'insister sur le fait historique que la proclamation des droits de l'homme s'est faite hors de la sphère religieuse, et par conséquent hors, voire contre le domaine de la charité [...] l'incompatibilité n'est pas seulement accidentelle»309(*).

Si cette opposition de la doctrine des droits de l'homme à la théologie de la charité avait conduit l'Eglise à s'opposer farouchement au mouvement des libéralités des « lumières »310(*), acceptant plus tard la promotion des droits humains qui émanaient de Dieu seul, l'Eglise n'a pas changé sa théologie de la charité qui reste presque incompatible avec la doctrine des droits de l'homme.

Ces propos de Mgr. Helder Camara, l'un des principaux tenants de la théologie de la libération, mettent en exergue ce positionnement paradoxal de l'Eglise dans le champ du combat pour la démocratie. « Lorsque je donne à manger aux pauvres on dit que je suis saint, mais quand je demande pourquoi ils sont pauvres on me traite de marxiste ». Le prélat exprimait ainsi son approche de la lutte contre les injustices, qui est celle du combat initié par la théologie de la libération et qui est rejetée par les tenants de la théologie traditionnelle occidentale, notamment la Congrégation pour la doctrine de la foi, qui lui reprochaient son affiliation marxiste dans la lutte contre les dictatures sud-américaines.

Le discours des évêques du Cameroun pour la promotion de la démocratie répond donc, à cette théologie de la charité ;comme nous allons le voir dans la suite de cette section. Prêchant la paix et priant pour la conversion des hommes politiques les évêques entendent obtenir des changements à travers la conversion de ceux-ci, et s'inscrivent contre tout mouvement ouvert de protestation contre la dictature politique instauré par le parti au pouvoir. Le discours catholique de paix que partage l'Eglise avec les pouvoirs politiques au Cameroun trouve ses fondements dans cette théologie de la charité.Tel est le fondement de sa participation contrastée ou mitigée.

En ce sens, l'on a tendance à se demander si l'Eglise n'est pas au service du statu quo plutôt qu'au service d'une véritable démocratisation.Les théologiens africains dela « Black Théology »311(*)pensent que c'est au service du statu quo qu'est l'Eglise. Soucieuse du devenir du continent noir, ceux-ci estiment que l'Eglise en Afrique est une Eglise des blancs qui n'est pas encore mise au service de la libération des noirs qui y sont. On peut d'ailleurs lire dans le manifeste qui a institué cette théologie:

« La foi chrétienne telle qu'elle est propagée par les Eglises dominées par les blancs, a montré sans le moindre doute qu'elle est au service du statu quo, c'est-à-dire pour les noirs, de l'oppression »312(*).

Tout ceci nous permet de donner raisonà E. Durkheim qui, mettant l'accent sur la dimension intégrationniste de la religion la présentait comme institution garant de l'ordre social, défendant notamment le statu quo313(*).

En outre, cet attachement de l'Eglise Catholique à sa théologie de la charité explique le changement de camp de l'Eglise face aux mouvements indépendantistes camerounais des années 1960. Après avoir en effet contribué à la formation de la conscience nationaliste des camerounais, l'Eglise s'est opposée à l'UPC à la veille de l'indépendance du Cameroun, au profit du pouvoir colonial. L'UPC avait adopté en face du pouvoir colonial une politique de lutte acharnée pour la conquête de l'indépendance. C'est de là qu'est venue son affiliation au Communisme, doctrine politique qui à son avis collait le mieux à une telle lutte. La doctrine des communistes étant donc aux antipodes de cette théologie de la charité, l'Eglise a pris le camp des colons314(*).La logique de l'Eglise avait été que les camerounais attendent que l'indépendance soit gracieusement donnée par ce pouvoir colonial.

Dans une telle perspective, peut-on attendre que l'Eglise elle-même connaisse la démocratie en son sein ?

4.2.1.2. Le défaut de démocratie dans l'Eglise : un obstacle à l'action de l'Eglise pour la démocratisation

Comment une institution comme l'Eglise Catholique peut-elle prétendre contribuer à la démocratisation des sociétés africaines alors qu'elle-même n'est pas encore acquise au principe de contradiction qui est au fondement même de la démocratie? Comment l'Eglise Catholique peut-elle prétendre accompagner le processus démocratique à travers le concours de ses clercs les monarques ? Telles sont quelques-unes des interrogations fondatrices de cette recherche ; interrogations que nous avons soulevées dans la problématique.

En effet, toute étude sur l'Eglise Catholique ne manque pas de révéler le déficit de démocratie dans l'Eglise. Ses clercs sont des tous puissants face à une masse de fidèles qui n'a pas droit à la parole ;une masse qui est loin de participer à l'édification de l'Eglise et de sa mission ; car dans l'Eglise, un seul connait : c'est le prêtre. C'est une Eglise où il faut nécessairement être clerc pour avoir droit à la parole. Il s'avère en réalité que l'Eglise dans sa socialisation n'a pas toujours taché de responsabiliser ses fidèles, ceci dans le but d'entretenir le cléricalisme en vogue dans l'Eglise depuis le Moyen-âge. C'est ce qui a amené J. M. Ela à affirmer :

« Les missionnaires n'ont pas toujours cherché à susciter des éveilleurs et des ingénieurs d'âmes, des conducteurs des hommes et des libérateurs, mais ils ont formé des chrétiens passifs, traités en mineur, comme des grands enfants»315(*).

Nous avons partagé dans le cadre de cette recherche avec des étudiants qui font des études de théologie à l'Université catholique St. Jérôme de Douala. Tous ont souligné le fait que les prêtres sont réfractaires à leur insertion dans les activités pastorales des paroisses. Compte tenu du fait qu'ils sont aussi formés comme ces prêtres, ceux-ci sont considérés comme une menace,car ils semblent partager avec le prêtre les privilèges qui lui sont réservés de manière exclusive.

L'Eglise est un champ de violation flagrante et permanente des droits humainscomme le champ politique africain. Elle n'est pas un modèle de champ de liberté sur lequel l'on puisse se référer pour construire un régime des libertés. On peut noter à ce sujet comment y est entretenu la médiocrité humaine comme spirituelle. L'institution en réalité n'est pas favorable à l'émancipation spirituelle ni humaine. Elle entretien ses adeptes à demeurer d'éternels enfants, incapables de penserpar eux-mêmes ce qui est bien pour eux ; mais toujours prompts à avaler ce que le prêtre leur dit. Après vingt ans dans l'Eglise, on est toujours comme celui qui vient d'y entrer, sans aucune maturité dans les réalités qu'on a pourtant vécues depuis longtemps. On doit toujours se tourner vers le prêtre, aussi médiocre soit-il. On ne peut le contredire car, en tant qu' « alter Christus »316(*), il est l'incarnation du savoir religieux. Tout ceci constitue des obstacles à l'action de l'Eglise pour la démocratie dans la société, laquelle n'a pas besoin d'éternels enfants, mais des citoyens libres de penser, matures et responsables.Comment un chrétien habitué à la soumission deviendrait-il subitement dans le champ politiqueun acteur assez émancipé pour contribuer à la construction de sa nation, par ses actions en vue des changements politiques? En ce sens la participation de l'Eglise à la promotion de la démocratie est limitée et même contrastée.

Qui plus est, le régime démocratique en vogue dans le monde aujourd'hui est né dans une Europe chrétienne, qui a nécessité que l'on se débarrasse de la tutelle de l'Eglise, et notamment de l'Eglise Catholique317(*), afin de mettre sur pied une culture des libertés. L'Eglise,quoi qu'elle ait un peu changé en ce sens318(*), porte encore les traces de sa culture moyenâgeuse. On peut en effet aujourd'hui encore entendre ces paroles dans l'Eglise :

« C'est Dieu qui rend l'homme libre, ce n'est pas l'homme qui va à la conquête de sa liberté. La liberté est un don de Dieu et la vraie liberté, c'est la liberté vis-à-vis du péché et non les libertés civiques et politiques ».

Voilà un discours catholique fondamentalement antidémocratique, qui n'a pas beaucoup changé malgré les évolutions que l'Eglise a connu sur les questions de démocratie ; ou bien, s'il a un peu changé dans le discours officiel de l'Eglise, il reste tel quel dans les mentalités de la masse des fidèles supposés être des agents catholiques de la démocratisation ; comme nous le verrons au chapitre 6.

Tout ceci a fait dire à cet interviewé319(*) sur notre recherche :

« On ne peut pas parler d'engagement de l'Eglise dans le processus démocratique ;puisque l'Eglise ne se reconnait pas dans le combat démocratique. Elle vous dira qu'elle est là pour prêcher la paix, l'harmonie sociale».

Cette approche catholique de la démocratisation est favorable à la politique du statu quo du pouvoir en place ; ce qui renforce les rapports de l'Eglise avec ce pouvoir et rend sa participation politique de plus en plus mitigée.

4.2.2. LE SOUCICONSTANT DE SAUVEGARDE DES RAPPORTS DE L'INSTITUTION AVEC LE POUVOIR POLITIQUE

L'action de l'Eglise Catholique en faveur de la démocratisation camerounaise est aussi entravée par le souci de conserver ses rapports avec le pouvoir politique en place depuis 30 ans. Elle recèle par conséquent de nombreuses faiblesses et contradictions dont il convient ici de lever le voile sur quelques-unes.

4.2.2.1. L'autorité vaticane et l'Etat camerounais : deux partenaires fidèles du processus de démocratisation camerounais.

Lorsque nous parlons de la faiblesse de la participation de l'Eglise au processus démocratique camerounais, cela concerne d'abord les autorités religieuses du Vatican. En effet, lors de leur multiples visites au Cameroun qu'ont dit ou faitles papes pour changer la situation des camerounais ?Les souverains pontifes se sont plus préoccupés de leur bonne relation diplomatique avec le Cameroun, entre-elles élites, etloin des préoccupations d'un monde d'en bas sombrant de plus en plus. Prenons un exemple :Dans son discours d'au revoir à l'aéroport international Nsimalen, BenoîtXVI s'était certes prononcé sur les questions de crises africaines lorsqu'il affirmait par exemple: « En réalité, qu'y a-t-il de plus dramatique, dans le contexte sociopolitique et économique actuel du continent africain, que le combat souvent sanglant entre groupes ethniques ou peuples frères»320(*). Cependant pour ce qui concerne le régime politique camerounais proprement dit, le pape n'a rien dit. Il n'a non plus rien dit des émeutes de la faim qui ont opposé les masses de citoyens camerounais en févriers 2008, soit une année avant son arrivée. Il n'a rien dit de la modification de la constitution par le Président Paul Biya qui l'accueillait.

Or on a vu les papes et surtout le pape Jean Paul II en guerre ouverte contre les dictatures dans le monde. N'est-ce pas à ce pape que l'on attribue aujourd'hui la chute du Communisme ? Comment comprendre alors qu'au Cameroun il n'ait pas fait mention de la dictature du régime Biya,de la pratique de corruption et de détournement des deniers publics que les barons du pouvoir ont instauré au Cameroun ? Tout ceci nous amène à comprendre que, l'Eglise Catholique n'est pas résolue dans sa lutte pour la démocratie au Cameroun. Quoi qu'elle ait initié des actions pour accompagner le processus de démocratisation.

4.2.2.2. La CENC et l'Etat camerounais : Une collaboration harmonieuse dans le processus démocratique camerounais

Les évêques réunis au sein de la CENC pour parler au nom de l'Eglise et en faveur de la démocratisation du Cameroun, ne l'ont pas toujours fait avec la détermination qu'ils ont fait attendre d'eux. Lorsque la masse des Camerounais gémissant sous le poids des structures de domination politique attendaient de ceux-ci une dénonciation sans réserve de cette oppression, ils n'ont pas toujours été satisfaits. Une telle lecture ne fait pas de notre recherche une originalité quelconque. J. L.Maroleauavait déjà fait ce constat. Lequel a fait dire à Ludovic Lado dans la préface de son ouvrage :

« Maroleau semble suggérer, et avec raison, que les Eglises chrétiennes auraient pu faire mieux sur le terrain de la lutte contre l'injustice structurelle, ces structures sociopolitiques de péché, qui continuent à engendrer la pauvreté au Cameroun. Mais il leur a parfois manqué le courage prophétique»321(*)

A la question de savoir si l'Eglise Catholique en générale et celle du Cameroun en particulier est engagéede façon déterminée dans le combat démocratique, l'on a de la peine à répondre de façon affirmative. Si l'on admet que l'Eglise Catholique accompagne le processus démocratique camerounais, il faudrait reconnaitre aussitôt qu'elle le fait avec autant de faiblesse que le régime politique en place dont elle est d'ailleurs le collaborateur le plus proche de la société civile ; vu le soutien multiforme qu'il lui accorde, vu les relations des dirigeants avec les hommes d'Eglise et le partage de l'Eglise avec l'Etat de sa mission sociale322(*). Dans tous les cas, rien ne nous permet de soutenir au-delà les affirmations idéologiques de l'Eglise que la promotion de la démocratie est sa mission fondamentale et qu'elle y est dévouée de façon déterminée. Par contre, l'on peut affirmer avec aisance, moult preuves à l'appui,que la mission de l'Eglise est spirituelle, et qu'elle s'attelle plus à sauver les âmes qu'à instaurer sur la terre un règne de justice et de paix, qui selon la doctrine sociale est sa seconde mission.

Or, l'instauration d'un tel régime des libertés et de la justice ne peut être faite qu'à travers un combat déterminé en ce sens. L'histoire politique du monde nous montre justement que là où il y a la démocratie, là a existée au préalable le combat démocratique,ce que nous nommons engagement politique ;que ce soit dans l'Europe des lumières, qui a vu naitre les premiers régimes démocratiques ou dans les Amériques323(*). Ce sens du combat démocratique fait défaut à l'Eglise qui prétend être déterminée pour l'instauration d'un règne de Justice et dePaix.

De plus, la position de l'Eglise sur les principes démocratiques au Cameroun demeure paradoxal : réunis au sein de la CENC en 1993,les évêquesaffirmaient: «le souhait des évêques estque [...] les camerounais se disposent à accepter et à intérioriser le principe de l'alternance, surtout après l'avènement du multipartisme de fait au Cameroun »324(*). Comment donc comprendre que18 ans plus tard ces évêques célèbrent avec le président éternel son accession au pouvoir pour la 7e fois consécutive, alors qu'il a monopolisé le système politique depuis 30 ans au point de tailler la constitution à sa mesure? Comment comprendre le silence complice des évêques en 2007 où cette « voix des sans voix » n'a rien dit lorsque le Président candidat modifiait la constitution pour se représenter à vie ?

La controverse qui a eu lieu au sein du clergé camerounais en 2011 mettait en exergue ces contradictions de la participation de l'Eglise à la démocratisation du Cameroun. Le P. Ludovic Lado s'interrogeait sur le rôle de la CENC : soutien à la dictature, ou promotion de la démocratie ? Les évêques venaient en effet de célébrer la victoire triomphale d'un candidat dit démocrate qui accédait au pouvoir pour la septième fois consécutive. C'est cette proximité de la CENC avec le pouvoir qui rend sa participation mitigée dans le processus démocratique.

Compte tenu de cette tergiversation des positions de l'Eglise sur l'évolution de la démocratisation du Cameroun, concluons que l'Eglise manque de détermination à contribuer à l'avènement de la démocratie véritable au Cameroun ; car elle est Plus préoccupée à sauvegarder ses rapports avec le pouvoir et ses détenteurs, questions de préserver ses intérêts garantis par ces détenteurs de la « mangeoire » nationale. Ainsi, l'Eglise Catholique se préoccupe peu de ladictature politique que subissent les citoyens sousle joug du parti-Etat, de la misèred'un peuple à qui la politique du renouveau politique, des grandes ambitions et aujourd'hui des grandes réalisations n'ont apporté que plus de crise, de chômage, de cherté de la vie.

Dans une approche comparative avec le cas de la RDC, on voit pourtant que de manière radicale l'Eglise du Congo s'était prononcé contre la dictaturemobutisteet s'était engagée du côté des populationspour accompagnerla transition démocratique.C.Makiabo nous rejoint dans ce senslorsqu'il affirme : «l'Eglise Catholique du Zaïre a su éviter le piège du silence complice avec le président Mobutu et son régime de type dictatorial»325(*).

4.2.2.3. Les organisations catholiques et le pouvoir politique camerounais : entre subordination et action de veille citoyenne

Les contextes politique et socioéconomique dans lesquels émergent les organisations catholiques sont déterminants pour leur action. En effet, celles-ci ne sont pas imperméables aux poids des structures de dominations politiques ni des structures de pauvreté qui constituent sans aucun doute un véritable frein à leurs actions. Comme disait Bourdieu, ces structures sociales travaillent les mentalités des acteurs catholiques et conditionnent la faiblesse de leur action en vue de la démocratisation. Le pape Jean Paul II avait déjà perçu le poids de ces structureslorsqu'il parlait des structures de péché qui entravent le salut des fidèles.

De prime abord, ces acteurs ne peuvent pas s'exprimer librement par peur de dire ce qui dérange et par conséquent, de dégrader les relations harmonieuses que l'Eglise entretien avec l'Etat, et qui lui sont si chères et bénéfiques. Nos entretiens avec eux nous ont permis de déceler qu'ils se situent dans la même logique de la prudence que priorise tant l'Eglise dans ses prises de position sur les questions sociopolitiques de notre société.

En conséquence, l'action de ces organisations est si faible qu'elle est même à peine visible, même dans l'Eglise. Ce tableau illustre fort bien cette réalité : un très faible pourcentage des chrétiens, indépendamment de leur degré d'attachement à l'Eglise, connaissent Justice et paix par exemple. Mais cette réalité est plus patente à Douala, ville de la débrouillardise et de la lutte pour la survie, comme nous le verrons plus loin.

Tableau 13 :Connaissance de « Justice et Paix » selon la fréquence à la messe

Source : Par nos soins.

Les limites de Justice et Paix se traduisent aussi par le retard de publication de leur rapport d'observation électoral. En effet, le rapport de Justice et Paix a souvent assez trainé avant publication. Parfois, il ne surgit que lorsque le débat post électoral s'est apaisé. Il est à noter d'ailleurs que le rapport d'observation des présidentielles de 2011 n'est jusqu'aujourd'hui pas publié. Retard qui terni considérablement l'action de ce dernier sur la scène électorale. Comme l'atteste JulesFongang, Vice-président de l'UFP : « les rapports des élections de Justice et Paix étaient très attendus par les camerounais, aujourd'hui, les gens ne s'y intéressent plus assez, « Justice et paix » ne dit plus rien à personne. Il a perdu son blason. »326(*)

Un tel retard est à expliquer par le fait que « Justice et Paix » n'est pas une structure autonome, mais totalement subordonnée de la CENC, sous la tutelle de qui il travaille. Par conséquent toutes ses activités sont conditionnées par celles-ci, et donc la publication de ses rapports d'observation électorale aussi ;laquelle constitue l'apogée de l'action de Justice et Paix dans le processus démocratique. Une fois les rapports collectés des 25 CDJP du Cameroun, le SNJP en fait une synthèse qu'elle remet à la CENC. C'est alors que celle-ci, en fonction de ses stratégies dans le champ démocratique le publie à des échéances qui lui conviennent. Telle est la réalité quia amené cet interview membre de Justice et Paix d'affirmer : « Les évêques prennent toujours les rapports et s'assoient dessus, pour les publier quand ils veulent»327(*).

Ce schéma traduisant la hiérarchisationde l'action catholique pour la démocratisation permet de comprendre cette dépendance de Justice et Paix vis-à-vis de la CENC.

CENC

251635712Figure n°3: hiérarchisation des structures catholiques engagées dans le processus démocratique camerounais.

251644928251641856

SNJP

251636736

CDJP Douala

251639808

CDJP Yaoundé

251637760

CPJP

251638784

CPJP

251640832

Comité scolaire JP

251645952

Comité scolaire JP

Source : Par nos soins.

Nous pouvons retenir de ce schéma que les décisions comme les directives d'action vont de la CENC, jusqu'aux comités scolaires Justice et Paix, en passant bien évidement par le SNJP et les CDJP respectives. En retour, le rapport sur le travail fait par justice et paix à ses différents niveaux fait chemin retour jusqu'à la CENC.

En sommes, nous pouvons retenir de ce qui précède que la participation del'Eglise Catholique dans le processus démocratique contribue à la structuration du jeu politique Camerounais, mais tout en cherchant à conserver ses rapports harmonieux avec l'Etat et son héritage culturel. Ce qui donne à cette participation un caractère mitigé.

CHAPITRE 5:

UNE INTERVENTION DISCORDANTE DES CLERCS CATHOLIQUES DANS LE CHAMP DE DEMOCRATISATION DU CAMEROUN

L'objectif de ce chapitre est de rendre compte de la participation politique différenciée et controversée des clercs catholiques dans le processus de démocratisation du Cameroun. Nous l'abordons sous l'angle des interventions discordantes de ces clercsdans le champ démocratique camerounais. Il se structurera sur des axes aussi variés que l'absence d'une ligne de conduite politique dictée par l'Eglise sur l'action de l'Eglise pour la démocratisation, les formes de rationalité des clercs catholiques, le poids des contextes sociopolitiques sur ces rationalités, et les types de rapport de ces clercs au pouvoir politique,sans oublier la responsabilité du régime lui-même dans cette différenciation de la participation des clercs.

5.1. L'absence d'une ligne de conduite politique dictée par l'église sur l'action de démocratisation

Notre postulat dans cette analyse est que l'absence d'une ligne de conduite dictée par l'Eglise ouvre la voie à l'émergence des rationalités qui oriente les trajectoires politiques des clercs catholiques dans le champ de démocratisation. A l'analyse de la doctrine sociale de l'Eglise qui est la vision catholique de l'ordre social et politique, on se rend aisément compte de sa souplesse. Il s'agit en effet d'une doctrine qui selon le Pape Jean Paul II n'est ni :

« Une troisième voie" entre le capitalisme libéral et le collectivisme marxiste ni une autre possibilité parmi des systèmes moins radicalement marqués : elle constitue une catégorie en soi. Elle n'est pas non plus une idéologie, mais la formation précise des résultats d'une réflexion attentive sur les réalités complexes de l'existence de l'homme dans la société et dans le contexte international, à la lumière de la foi et de la tradition ecclésiale»328(*).

La doctrine de l'église stipule en outre que l'église n'a pas de régime politique à proposer ;comme on peut le lire de cette affirmation de Jean Paul II :

« L'Eglise (...) ne propose pas des systèmes ou de programmes économiques et politiques (...). Mais l'Eglise est « experte en humanité », et cela la pousse nécessairement à étendre sa mission religieuse aux divers domaines où les hommes et les femmes déploient leursactivités à la recherche du bonheur, toujours relatif, qui est possible en ce monde, conformément à la dignité de la personne»329(*).

Ces propos montrent que l'Eglise n'a pas un régime politique à proposer à quelque société que ce soit, mais cherche Juste à accompagner les peuples sur les chemins de la recherche d'un mieux-être-collectif. C'est pourquoi elle a souscrit à la démocratie, non pas comme régime qu'elle voudrait instaurer, mais comme régime qui donne la possibilité aux nations de définir leur propre destin, et à travers lequel elle les accompagne.

En ce sens, l'Eglise ne dicte pas une ligne d'action à ses clercs sur leurs interventions dans le champ politique. Elle dit juste que son rôle est d'accompagner les peuples dans leur construction. C'est pourquoi, bien qu'une doctrine politique catholique soit élaborée et proposée à toutes les Eglises particulières, il est clairement indiqué que c'est chaque Eglise locale qui, « avec une référence particulière à la réalité locale »330(*), saura faire une application des principes politico religieux contenus dans cette doctrine.

Aussi faut-ilnoter que si l'Eglise Catholique est certes une institution très centralisée et au discours très souvent monolithique, ce monolithisme selon lequel tous doivent s'aligner sur ce que dicte la haute hiérarchie, notamment le Vatican, ne concerne que les questions doctrinales de l'Eglise et précisément ses dogmes331(*). Par contre, pour ce qui concerne les questions sociales, L'Eglise laissent une grande marge de manoeuvre à ses clercs comme à ses fidèles, mais à condition que leur positionnement n'entrave en rien l'enseignement de l'Eglise, notamment les dogmes et lesgrands principes moraux qu'elle édite.

Il est donc évident qu'à l'intérieur de l'Eglise les clercs ne tiennent pas la même parole au sujet du processus démocratique en cours. Cette réalité n'est pas une spécificité camerounaise. En analysant cette diversité de l'action de l'église en générale pour la démocratisation, D. Philpott écrivait : 

« L'Eglise est aussi le peupledeDieucomme la posé le concile Vatican II, et incluttout un ensemble de laïcs : électeurs, protestants, collaborateurs,partie chrétien démocrate, communauté de base qui assistent les nécessiteux et aristocrateconservateurqui ont tous une approchedifférenteet souvent opposé de la démocratisation »332(*).

Dans notre entretien avec lui, le Professeur M. Ndongmo, théologien moral à l'UCAC et expert des questions « Eglise et politique » confirmait cette vision de la chose lorsqu'il affirmait au sujet de cette intervention discordante : « L'Eglise n'est pas là pour l'endoctrinement. Elle n'impose rien, ni ne s'ingère dans les consciences»333(*). 

Loin donc d'être monolithique, l'action des clercs catholiques dans le processus démocratique revêt une telle diversité dont il convient de rechercher le sens aussi bien dans les formes de rationalité des ceux-ci que dans les contextes sociopolitiques à l'intérieur desquels ils se meuvent.

5.2. Les formes de rationalitécléricales :moteur de la divergence des agir politiquesdes clercs dans le champ de démocratisation camerounaise

L'absence d'une ligne de conduite dictée par l'Eglise sur les interventions des clercs catholiques dans le champ politique ouvre la voie à l'émergence des formes de rationalités qui sous-tendent ces interventions. Il s'agit ici de la mise en exergue des stratégies par ces clercs pour se positionner dans le champ sociopolitique, en tenant compte des contraintes du champ et des possibilités qui lui laisse une certaine marge de manoeuvre.

On peut ainsi regrouper à la suite de M. Weber deux formes principales de rationalité motivant ou orientant les conduites sociopolitiques de ces clercs : les rationalités par rapport aux fins à atteindre et les rationalités par rapport aux valeurs334(*) que l'on défend335(*). L'Analyse des discours sociopolitiques des clercs nous permet de situer chacun d'eux dans l'un ou l'autre de ces registres normatifs de leurs agir politiques ;quoi que d'autres aient des conduites sociopolitiques plus complexes,c'est-à-dire que leurs stratégies dans le champ politique soient plus mitigées.

A ces deux formes de rationalités se rattachent, toujours selon la sociologie wébérienne, deux formes d'actions : l'action rationnelle par rapport à un but (l'acteur conçoit clairement le but et combine les moyens en vue d'atteindre celui-ci) ; etl'action rationnelle par rapport à une valeur (l'acteur accepte tous les risques, non pour obtenir un résultat extrinsèque mais pour rester fidèle à l'idée qu'il se fait de l'honneur)336(*). En réalité, des formes d'action décrites par Weber, ce sont ces deux quinous paraissent les mieux à même d'expliquer la divergence des actions sociopolitiques des clercs catholiques. Le sociologue Matt écrivait à ce sujet : « Pour le sociologue, l'action par rapport à un but et l'action par rapport à une valeur sont les plus intéressantes car elles sont rationnelles. »337(*)

5.2.1. Les rationalitéspar rapport au but visé.

Cette première catégorisation à l'intérieur de laquelle on peut classer certaines formes de production discursive du clergé catholique concerne les logiques d'acteurs qui partent de leur conception du rôle de l'Eglise dans le processus démocratique.

Dans cette catégorie, nous pouvons ranger tout discours catholiquede maintien du statu quo. L'objectif de ces acteurs iciest d'atteindre un but ; celui de la tranquillité publique, de la cohésion sociale et l'ordre public. Les changements radicaux ici ne sont pas leurs buts visés. Ils ne sont pour autant pas contre des changements, mais ils pensent que l'histoire suit son cours et que les changements viendront progressivement. De plus les changements sont subordonnés à leurs intérêts.

Il est évident que les clercs catholiques inscrits dans cette logiques tacherons de s'engager dans des débat de soutien au pouvoir en place, car le pourvoir est un partenaire pour atteindre ce but visé. Aussi, ils adhèreront à la vision du pouvoir qui, ne compromettant pas leurs intérêts cherchera aussi à maintenir le statu quo, pour sauvegarder leurs intérêts, voire pour les promouvoir.

L'objectif visé ici n'est pas seulement le statu quo, mais aussi et par conséquent la sauvegarde des rapports de l'institution avec le pouvoir ;en tant qu'il est garant de cet ordre et distributeur des richesses ou des retombées de ce statu quo. Dans ce sens, les acteurs ici concernés concevant clairement ce but, combinent les moyens en vue de l'atteindre ; et mettent en jeu les ressources ou les capitaux qu'ils disposent à cet effet.

Ils peuvent être rangés dans cette visée, les discours politico religieux de Mgr jean Zoa, de Mgr. TonyeBakot dont il convient d'analyser quelques-uns ici pour en déceler cette forme de rationalité.

En 1990, face à la pression de l'opposition qui exigeait l'organisation d'une conférence nationale, le Chef de l'Etat Paul Biya y voyait une menace ; car cette conférence devait s'inscrire dans les bouleversements sociopolitiques qui ont caractérisé l'entrée du pays dans la vague démocratique. En ce sens, le discours politique de Mgr. Jean Zoa, constituait un soutien au pouvoir.Voulant contribuer à la pérennisation du régime, il allait jusqu'affirmer à la télévision nationale que : « le terme conférence nationale n'existe nulle part dans le dictionnaire français»338(*). Ce soutien du prélat au refus de la conférence nationale par le Régime du Renouveau s'inscrivait dans la suite de ses multiples soutiens qui l'avaient historiquement opposé à ses pères Anglos-bamilékés de la CENC ;que ce soit avec Mgr.Ndongmo, Mgr. André Wouking qu'avec le Cardinal Christian Tumi339(*).

Deuxièmement, le cas de Mgr.TonyeBakot est similaire. Lorsqu'en 2004, à l'issue des élections il félicitait le président vainqueur malgré toutes les controverses post électorales sur les conditions de déroulement de ce scrutin, il s'inscrivait dans une logique de sauvegarde des rapports de collaboration Eglise-Etat. C'est pourquoi il a fait fi des pratiques de fraudes grâce auxquelles le RDPC a pu obtenir la victoire de son candidat ; commenous verrons plus loin. Dans une telle perspective, les acteurs politico-religieux mobilisent dans le corpus de la doctrine catholique de la politique, les ressources qui sont favorables à leurs stratégies de positionnement sur le champ politique et donc aux rationalités qu'ils mettent en oeuvre. De même que dans les évènements qui surviennent dans le processus ils ne mobilisent que ceux qui leurs sont favorables. En ce sens, au cours les multiples controverses qui ont eu lieu après les présidentielles de 2011 sur le rôle de l'Elise dans le processus démocratique camerounais, Mgr TonyeBakot a produit un opuscule sous le titre « Quel aréopage pour l'Eglise Catholique ? Une approche des rapports Eglise-Etat ». L'auteur, faisant intervenir ici la doctrine de l'Eglise, n'en mobilise que les éléments favorables à la bonne collaboration que Vatican II préconise entre l'Eglise et la Communauté politique. Il part du constat suivant :

« On reproche aux évêques de n'avoir pas dénoncé les supposés fraudes électorales lors de l'élection présidentielle, de n'avoir pas soutenu l'opposition dans son projet de contestation publique, d'avoir célébré les cultes interreligieux et des messes d'action de grâce, de s'être tus quand ils auraient dû parler»340(*)

Puis il aboutit à cette réplique : 

« Le concile Vatican II, en faisant cette nécessaire distinction entre l'Eglise et l'Etat, prescrit à ces deux institutions une saine coopération pour le bien de tous : Sur le terrain qui leur est propre, la communauté politique et l'Eglise sont indépendantes l'une de l'autre et autonomes, mais toutes deux, quoique à des titres divers sont au service de la vocation personnelle et sociale des mêmes hommes. Elles exerceront d'autant plus efficacement ce service pour le bien de tous qu'elles rechercheront d'avantage entre elles une saine coopération, en tenant compte également des circonstances de temps et de lieu»341(*)

Ainsi, mobilisant cet extrait de Vatican II,celui-ci justifie l'action de soutien qu'il apporte au régime en place et qui les rapproche l'un de l'autre pour une « saine coopération ».

Il est tout aussi important de préciser à ce stade que l'action de soutien du pouvoir due à ces clercs dont la logique se rapproche plus de celle de l'institution elle-même ne s'inscrit pas initialement dans une logique de gain des faveurs multiformes. Elle s'inscrit initialement dans une logique de protection de son héritage culturel. L'Eglise comme toute religion d'ailleurs est fondamentalement conservatrice, en raison du fait que les vérités qu'elle a élaborées au fil de son histoire et qu'elle brandi comme étant des vérités éternelles ne doivent en aucun cas être remise en cause. C'est dans cette perspective que l'Eglise se rencontre avec l'Etat qui à son tour voudrait préserver l'ordre qu'il a établi et qui lui est favorable parce que garantissant ses intérêts.

Au vue de cette alliance de l'Eglise et de l'Etat, il est évident de comprendre que dans bien de cas où l'un a voulu initier des changements, parce que l'ordre établi ne lui est pas/plus favorable, il a souvent eu l'autre comme obstacle. Il s'est souvent agi d'un nouveau groupe politique qui accède au pouvoir par une révolution ; et qui voulant tout révolutionner fait face à l'Eglise qui tient à protéger ses intérêts et privilèges multiformes. Ce fut le cas avec le franquisme en Espagne342(*).

En outre, pour comprendre cette discordance, il faut partir de la nature même de la démocratie ; ence sens que, non seulement la démocratie est le règne de la contradiction où chacun donne ses opinions, mais aussi du fait que même les experts les plus fuités ne se sont pas accordés sur ce qu'il convient d'appeler démocratie. Elle tient aussi à la variété des activités démocratiques ; variété qui permet aux acteurs de s'engager dans des activités qui nécessite des logiques d'actions différentes et parfois divergentes. En ce sens, D. Philpott écrivait : « La complexité marque également un certain nombre d'activités démocratiques dans lesquelles divers acteurs de l'Eglise peuvent s'engager. Certains se posent ouvertement en contestataires. »343(*)

Dans ce sens, les clercs à rationalités orientés vers des fins s'intéressent plus aux résultats des scrutins tels que proclamés par la cour constitutionnelle qu'au déroulement même de ce scrutin.

5.2.2. Les rationalités par rapport aux valeurs

Il est question ici d'analyser une seconde catégorie de rationalités qui meuvent les clercs catholiques. Elle concerne ceux dont l'intervention dans le champ de démocratisation répond à des logiques de respects de certaines valeurs qu'ils pensent qu'il doit être au fondement de l'action de démocratisation. Ceux-ci n'ont pas pour soucis premier la sauvegarde des rapports Eglise-Etat, mais ils estiment que l'action de démocratisation doit être orientée vers le respect de principes démocratiques. Comme l'alternance, le respect des normes électorales. C'est en cela que les actions sont orientées par rapports aux valeurs ; et selon la théorie de M. Weber, ils peuvent faire d'énormes efforts, au nom de ces valeurs qui sont pour eux l'essentiel.

On peut classer dans cette catégorie les productions discursives des clercs Comme Christian Cardinal Tumi, comme Ludovic Lado, comme Samuel Kelda etc. Le point commun de ces trois clercs est qu'ils insistent sur le respect des principes démocratiques, telles que la loi électorale qui n'est pas respectée, l'alternance politique que plusieurs générations de camerounais n'ont pas connu, le respect de la souveraineté du peuple que compromettent les manigances électorales etc.

Comme les premiers catégories d'acteurs, ceux-ci mobiliseront aussi bien les ressources doctrinales que contextuelles qui leur sont favorables. Recourant à la doctrine sociale de l'Eglise, ils ne mobiliseront pas le principe de la « saine coopération Eglise-Etat que préconise Vatican II, mais ils s'intéresseront au rôle prophétique de l'Eglise « Voix des sans voix » comme affirme Jean Paul II : «L'Église doit continuer à jouer son rôle prophétique et à être la voix des sans-voix »344(*).

A l'analyse de la lettre ouverte de Ludovic Lado aux évêques du Cameroun, on peut le constater avec aisance. Il s'adresse aux évêques en ces termes :

« Comme vous le savez, les Camerounais, et pas seulement les chrétiens catholiques, attendent de vous un leadership prophétique dans ce pays malade d'injustices multiformes. (...)La Conférence épiscopale est devenue la énième section du RDPC. Pendant sept ans, vous avez observé, comme moi, le Parti-Etat utiliser les voies légales pour faire reculer notre jeune démocratie. Comme corps, vous n'avez jamais dit un seul mot publiquement pour soutenir l'opposition, certes morbide, et la société civile qui s'évertuaient à demander un système électoral plus équitable, notamment le scrutin à deux tours ainsi que le bulletin unique. Vous avez préféré garder le silence pour ne pas gêner le régime en place où certains d'entre vous ont de précieuses et généreuses relations(...)»345(*).

Comme nous pouvons le constater, cette production discursivemet en exergue les deux formes de rationnalisés ici analysées et qui opposent les deux catégories de Clercs dans leurs interventions dans le champ démocratique. Ludovic Lado s'y inscrit notamment dans une logique de défense des principes démocratiques dont il cite d'ailleurs quelques-uns, lorsqu'il fait allusion aux injustices et au système électorale. Il y fait également référence à la norme sociale qui voudrait que l'Eglise soit le porte étendard d'un peuple qui gémi sous le poids d'injustices multiformes sur lesquels s'est bâti le régime politique en place346(*) ; et à la CENC, il rattache la seconde forme de rationalité et les actions qui les sous-tendent : « vous avez préféré gardé le silence». 

Abordant le cas de Tumi, nous pouvons nous rendre compte qu'il s'inscrit dans cette même logique :

« Selon le rapportque j'ai reçude nos observateurs catholiques, ils me disent qu'il faut qualifier ces échéances...ce scrutin comme une mascarade électorale. Ce sont eux qui étaient sur le terrain et ils étaient agrées par l'Etat ».

Répondait ainsi le cardinal Christian Tumi à Christophe Bouabouvier, Journaliste de RFI347(*). Voilà ce qui résume la lecture d'un haut prélat d'un long processus électoral qui s'est soldé par la victoire évidente du président candidat du Parti-Etat qui a tout monopolisé à son compte. L'intérêt qu'un tel clerc porte sur les détails du scrutin et non sur les résultats qui ne surprennent aucun observateurnational comme international vient du fait qu'il s'inscrit dans une logique selon laquelle le respect des normes démocratiques constitue le véritable sujet qui mérite l' attention.

Dans cet entretien, le Cardinal s'inscrivait dans une logique de lutte et de combat démocratique, de dénonciation des fraudes électorales et non de collaboration avec le pouvoir comme traduisent les interventions multipliées de TonyeBakot sur la scène médiatique Camerounaise. Si l'attention de ce prélat est portée vers les principes électoraux, celui de Bakot est porté vers les résultats du scrutin. C'est en ce sens que, soutenant qu'il n'y a pas de discordance dans les affirmations de ces deux prélats, le professeur J. P.Messina déclarait lors de notre entretien : « Les deux ne parlent pas de la même chose»348(*). Quoique les avis de cet interviewé ne concordent pas avec les nôtres, en raison de l'analyse pacifiste qu'il fait des relations Eglise-Etat, il faudrait reconnaitre que cette affirmation va dans le même sens que notre analyse.

En effet, en raison des logiques d'action différenciée qui caractérisent leurs agir sociopolitiques, chacun des prélats catholiques exploitent la piste qui lui est favorable. Ainsi, les clercs dont la logique d'intervention est celle de collaboration parleront de la proclamation des résultats par la cours constitutionnelle qui est belle et bien légale, comme nous l'avons montré plus haut.Ceux inscrits dans une logique d'opposition et de lutte pour des changements démocratiques se réfèrent au déroulement du scrutin. Reprenons à titre d'illustration cet entretien de Tumi. Dans cette interview avec Christophe Bouabouvier, Tumi ne s'intéresse pas à la proclamation des résultats qui donnait Paul Biya candidat du RDPC vainqueur avec 70.92% de voix. Bien au contraire, il s'intéressait plutôt aux conditions dans lesquelles s'est déroulé le scrutin. C'est pourquoi il affirmait sur RFI: « Il y' a des gens qui multiplient des problèmes inutiles pour empêcher des gens de voter. Il y' a des quartiersici à Douala qui n'ont pas pu voter parce qu'on sait bien qu'ils sont de l'opposition ». Il n'est plus besoin de plus grande preuve de soubassements moraux des interventions médiatiques de ces clercs.

Dans cette scène de grande controverse qui opposeces clercs catholiques, les journalistes, acteurs majeurs de la scène médiatique ne jouent pas un rôle de moindre importance. Percevant les différentes formes de rationalité qui motivent chaque clerc, ainsi que leur positionnement stratégique sur le champ politique, ceux-ci accentuent la discordance, en mettant l'accent sur ce qui opposera les deux clercs. Lorsqu'ils vont voir Tumi, c'est pour mettre l'accent sur ce qui l'oppose à l'autre, ils n'iront pas vers les autres prélats. De sorte que ce sont aussi les « journalistes du pouvoir » qui iront très souvent vers là pour mettre en exergue le soutient qu'ils apportent au pouvoir. Ainsi, on assiste à une instrumentalisation de l'Eglise par les médias camerounais ;cause aussi d'une faiblesse de communication de l'Eglise Catholique qui n'arrive pas à assurer une bonne couverture médiatique des interventions publiques des clercs. C'est ce qui a amené Marceline Manga à soutenir : «Les médias catholiques sont presque absents de la scène, ce sont encore les médiats publics qui véhiculent le mieux les discours des évêques et en font ce qu'ils veulent »349(*)

Ce tableau montre justement que ce sont les médias publics qui communiquent le plus les interventions médiatisées de l'église.

Tableau 14 : médiatisation des interventions politiques des clercs

Source : Par nos soins.

Selon ce tableau, 45% de fidèles affirment qu'ils suivent les sorties médiatiques des évêques à travers les médias publics. Ce qui montre qu'après l'Eglise, les medias publics constituent le moyen par lequel les fidèles catholiques sont informés de ces sorties médiatiques des évêques.

5.3. L'influence des contextes sociopolitiques sur les comportements politiques contrastés des clercs catholiques

Si l'intervention publique de chaque clerc est orientée par les formes de rationalités qui le motivent dans le champ de démocratisation, il faut reconnaitre que ceux-ci pensent tel qu'ils sont socialement positionnés et donc, que les contextes sociaux à l'intérieur desquels ils se meuvent sont déterminants pour la production de ces rationalités qui orientent leur trajectoire dans le champ politique.

En effet, les rationalités produites par ces clercs émanent de leurs interprétations des jeux et enjeux du champ de démocratisation. Or, Cette construction du sens par les acteurs impliqués dans le processus de démocratisation ne se fait pas seulement entre des individus qui seraient considérés comme des atomes sociaux isolés, mais dans un contexte social dont l'importance n'est pas négligeable. Le sens de toute chose est en fait donné par son contexte de production. C'est pourquoi Hower Becker l'un des piliers de l'interactionnisme symbolique soutient qu'il est nécessaire d'examiner « minutieusement les activités effectives, en tentant de comprendre les circonstances dans lesquelles agissent tous ceux qui sont concernés»350(*).C'est de là que vientl'intérêt que nous accordons ici aux situations et aux contextes sociopolitiques à l'intérieur desquels évoluent ces acteurs catholiques, et avec lesquelles ils interagissent tout en construisant le sens de leurs actions. Ce sont tous ces éléments qui contribuent à façonner et refaçonner l'identité politico-religieuse de ceux-ci, laquelle est importante dans la production sociale de leur rôle de démocratisation.

En ce sens, pour comprendre d'avantage les interventions discordantes des clercs catholiques, il faut partir des villes de Douala et de Yaoundé ici concernées, où ils ont politiquement et socialement positionnés.

5.3.1. L'influence du contexte sociopolitique de Douala

Le contexte sociopolitique de Douala, l'avons-nous montré plus haut, est caractérisé par les mouvements de protestation qui ont fini par donné à cette ville l'image d'une « ville d'opposition ». En réalité, Douala est historiquement le fief de l'opposition depuis les mouvements indépendantistes. Ce climat historique a amené la majeur partie de l'opposition à s'y installer et à pérenniser cette image depuis l'ouverture démocratique. Cette ambiance vient aussi de ce que Douala est la capitale économique du pays et en ce sens, draine à travers des courants migratoires une masse importante des populations rurales et expatriées. Or la situation économique du pays ne rend pas possible la satisfaction de ces masses de population venues à la recherche de l'emploi ; ceci pour deux raisons : la crise économique de la fin des années 80 n'a fait que sombrer davantage ces populations et la politique de l'emploi n'a pas permis de réduire le taux de chômage qui va au-delà de 13%. Finalement frustrés et révoltés,ces populations se tournent contre le politique qui non seulement a la responsabilité première de pourvoyance d'emploi, mais qui n'est pas frappée par cette crise. En effet, les pratiquesde détournement des deniers publics351(*) et les hauts salaires des hauts cadres de l'administration Biya352(*)mettant ceux-ci à l'abri de la paupérisation généralisée, même en contexte de la crise économique.

En ce sens, cette ambiance sociale et politique travaille les mentalités aussi bien des populations que des leaders sociaux. C'est pourquoi, les clercs catholiques de la ville de Douala, n'étant pas des atomes sociaux isolés mais des membres à part entière de cette ville d'opposition, feront des interventions publiques qui ne sont pas à la faveur du régime mais qui, répondant aux logiques sociales de leur milieu, prennent un accent de critique et d'opposition au régime en Place. Les avis de Christian Cardinal Tumi prennent justement ce ton,comme nous l'avons vu plus haut.

Ces logiques sociales d'opposition ne s'expriment pas seulement à travers les rationalités propres de ces clercs en tant qu'ils sont socialement positionnés, elles répondent aussi aux formes d'exigences populaires des fidèles de Douala qui attendent de leur Clercs qu'ils les défendent de la dictature d'un régime qui les a privés de la « manne nationale ».

Par conséquent, puisque l'Eglise vit de ces populations qui survivent à partir de leur débrouillardise, du contournement des impôts, elle est obligée de se soumettre à leur souhait afin d'attendre d'eux leur aides multiformes, notamment financières.

Les industriels et les hommes d'affaires constituent une autre source importante d'influence des rationalités d'opposition des clercs catholiques de Douala. En raison des conflits historiques qui opposentles pouvoirs politiques aux leaders économiques de Douala, ces derniers attendent de leurs clercs qu'ils les soutiennent dans cette opposition. Or puisque ce sont ces derniers qui font vivre l'Eglise, à travers leurs contributions multiformes pour la construction des édifices religieux, pour l'achat des véhicules des clercs et bien d'autres, ceux-ci se doivent en retour de les soutenir dans leur opposition à leurs adversaires du pouvoir public. La presse de l'opposition, numériquement plus importante que toute et fortement concentrée dans cette ville joue aussi un rôle très important. Acteur majeur de la scène publique, elle a une influence déterminante sur les discours publics des clercs catholiques qu'elle sanctionne à chaque circonstance. Fustigeant violement ceux qui ont une allure de soutien du pouvoir, elle ne manque pas de célébrer ceux qui ont une allure d'opposition, comme elle l'a toujours fait avec les sorties médiatiques de Christian Tumi, prélat catholique « le plus vertueux », tel que l'habille ces médiats.

5.3.2. L'influence du contexte sociopolitique de Yaoundé

Le contexte sociopolitique de la ville de Yaoundé est déterminé par le statut politique de cette ville. Capitale politique et par conséquent siège des institutions politiques de la République, Yaoundé est le fief du parti au Pouvoir. En ce sens, son influence sur les attitudes politiques prédisposent ses habitants plus à une participation de soutien qu'à une participation contestataire comme nous l'avons vu avec la ville de Douala.

En référence aux travaux des constructivistes qui ont créé des passerelles entre les éléments structurant, (poids des conditionnements sociaux) et les subjectivités individuelles (rationalités d'acteurs individuels), nous pouvons donc comprendre que l'action de soutien du régime par les acteurs de Yaoundé soit conditionnée aussi par le climat politique de cette ville.

En réalité, du fait de la proximité des structures catholiques avec les institutions politiques, les clercs catholiques de l'archidiocèse de Yaoundé sont plus portés à un discours de collaboration, de soutien des efforts fourni par le régime. Contrairement à ceux de Douala qui sont dans une ville de la survie, de la débrouillardise et donc d'opposition.

Cette orientation du discours politico-religieux des clercs de Yaoundé vient du fait que ce sont les hauts cadres de l'administration Biya qui font vivre l'Eglise de Yaoundé ; qui financent le fonctionnement des structures catholiques de cette ville comme ils apportent des aides multiformes aux leaders catholiques individuellement. Les Clercs de Yaoundé se sentent donc avec une dette morale d'apporter à ceux-ci leur soutien dans la lutte pour la pérennisation de leur statut sociopolitique. En ce sens, l'action de ces derniers s'inscrirait dans une logique de sauvegarde de leurs intérêts, comme l'est d'ailleurs celle des Clercs de Douala. Il n'est plus besoin de revenir sur le contenu des discours politico-religieux de ces clercs pour le démontrer ; nous l'avons déjà fait plus haut.

Le tableau suivant montre justement que les fidèles catholiques de Yaoundé sont favorables aux régimes en place, tandis que ceux de Douala lui sont défavorables.

Tableau 15 : Jugement sur le régime Biya selon la ville.

Source : Par nos soins.

On peut retenir de ce tableau que le chrétiens catholiques de Yaoundé, plus que ceux de Douala ont un avis favorable de l'action du Régime en place.

Dans cette perspective, il est évident de comprendre que l'action politique catholique dépende descontextes socio politiques à l'intérieur desquels émergent les acteurs politiques catholiques. Elle ne dépend pas uniquement de ses fondements idéologiquestelles que véhiculées par la Doctrine Sociale de l'Eglise. Ceci explique pourquoi l'action politique catholique ne soit pas monolithique mais varie d'un pays à l'autre commed'un contexte socio politique à l'autre, selon les conjonctures, les nouveaux acteurs qui entrent en scène avec leurs rationalités propres. En ce sens, J.-Y.Calvez a pu écrire : « si elle (l'Eglise) a été plus combative en Pologne qu'en Hongrie, par exemple cela tient naturellement à des raisons nationales, historiques, culturelles, spécifiques aux divers pays »353(*).C'est fort d'une telle réalité que S.Rojo soutenait que l'Eglise n'est pas « un corps hermétique à l'abris des mutations socioéconomique de la société»354(*). 

Au delà du poids déterminant de ces contextes sociaux, notons que dans certaines circonstances, il peut y avoir une prédominance des rationalités individuelles sur les contextes sociaux, de sorte que l'action d'un membre du groupe donné réponde à ses rationalités propres, plutôt qu'aux logiques d'action en vogue. C'est le cas du P. Ludovic Lado qui, bien qu'émergeant en contexte politique de Yaoundé a gardé une connotation d'opposition. Ce cas d'exception peut s'expliquer entre autres par la trajectoire politique propre de l'acteur social concerné, comme par son affiliation avec d'autres groupes desquels il tire ses rationalités d'action. Ici, on peut voir l'affiliation de Lado avec l'opposition camerounaise ou avec le groupe tribal anglo-bamiliké, comme nous allons le montrer dans la section suivante.

5.4. Les logiques tribales d'action cléricales et les types de rapport au pouvoir

Pour comprendre le positionnement des archidiocèses de Yaoundé et de Douala vis-à-vis du pouvoir en place, il faut explorer aussi les rapports qui unissent l'autorité ecclésiale qu'incarnent ici les prélats avec ce pouvoir politique, ainsi que les logiques tribales de l'action politique de ces clercs.

5.4.1. Les logiques tribales d'action cléricales

La scène politique camerounaise comme la scène sociale elle-même est caractérisée par la prégnance des logiques tribales qui y sont en cours. L'Eglise et notamment ses clercs n'étant pas hermétiques aux logiques sociales qui structurentle vécu camerounais est profondément imprégnée de cette réalité. Il est important de comprendre comment l'Eglise répond aux mêmes logiques sociales en vogue dans la société.

L'Eglise est une institution sociale comme toutes les autres. En tant qu'institution religieuse, elle est certes caractérisée par son positionnement entre le spirituel et le temporel, et ce n'est que cette double source de formation de son identité sociale qui fait sa particularité. Sinon, bien qu'elle prétende être une super institution qui s'inscrit hors du temps et de l'espace et qui veut avoir une origine non sociale ni culturelle, mais transcendantale, elle reste une institution comme toutes les autres et par conséquent, elle répond aux logiques sociales qui meuvent l'ensemble de la société. Son action ne peut par conséquent être comprise que dans le contexte général de la société à l'intérieur de laquelle elle évolue. Il n'y adonc rien de surprenant que l'action de démocratisation des clercs catholiques s'inscrivent dans le débat idéologico-tribale qui caractérise la démocratie camerounaise.

La fameuse lettre de TonyeBakotau doyen de la faculté des sciences sociales s'inscrivait justement dans cette logique tribale, ainsi quetoutes les parties impliquées dans cette production discussive qu'a suscité cette lettre ;que ce soit la lettre accusatrice que celle réactionnaire de Ludovic Lado. En effet, les camerounais pensent et agissent tels qu'ils sont ethniquement positionnés. Le sentiment d'appartenance tribal est si fort au Cameroun qu'il travaille les mentalités des camerounais ; de la plus basse couche sociale à la plus haute autorité, c'est-à-dire à la tête même de l'Etat. C`est ce qui a amené le professeur MoukokoPrisoà affirmer que : « de sa construction idéologique à sa fonctionnalité concrète, l'Etat camerounais a été construit sur des bases tribales à travers des processus de routinisation et de banalisation de sa tribalisation. »355(*)

Emboitant le pas à ce dernier, J.-B.Kenmogne estime que le mot d'ordre des Eglises au Cameroun est devenu : « Chacun pour sa tribu, Dieu pour tous »356(*) ; soutenant que les institutions religieuses sont à l'image de la société camerounaise et par conséquent sont alimentées par sa logique de fonctionnement tribaliste qu'y véhiculent ses membres.

Sous l'influence d'une telle tribalisassions de la vie sociopolitique au Cameroun, l'Eglise est devenue une instance de reproduction des logiques tribales au point que son rapport au pouvoir comme à la politique en soit déterminé. C'est fort d'une telle réalité que Bayart a affirmé :

« Les rapports entre les Eglises et l'Etat sont de nature politique et bien des égards institutionnels. Mais il est impossible de les comprendre si on ne tient pas compte de leurs composantes ethniques et familiales »357(*).

Examinons les chiffres de ces graphiques qui montrent justement que les avis que les chrétiens catholiques portent sur le processus démocratique au Cameroun dépendent de leur appartenance tribale.

Graphique 1:Regroupement tribal et jugement sur le processus démocratique

Source : Par nos soins.

Le groupe tribal « Béti » qui forme l'alliance Centre-Est -Sud, occupe la première place pour juger passable le processus démocratique en cours, suivi de ceux qui se rapproche le plus d'eux, les « Bassa » ou de manière plus générale ceux du littoral. Ce rapprochement tribal se traduit justement dans l'action politico-cléricale par le rapprochement de Bakot du régime Biya. Les Anglos-bamilékés quoi que constituant la population la plus importante de cette étude358(*) occupe la 3è place. Avec 47% de choix de la modalité passable, contre 10% pour bien, 29% pour mal et 13%pour très mal. Cela est caractéristique des formes de désapprobation de contestation qui caractérisent la ville de Douala, fief de l'opposition et dont les prises de position de Tumi traduisent l'expression. J.F. Bayart ne s'était donc pas trompé lorsque parlant de Douala comme ville « réputée réticente contre le régime »359(*). Il indiquait les fonctions tribuniciennes des prélats qui y ont été à la tête de l'Eglise Catholique. La controverse qui a opposé Christian Tumi et Jacques FameNdongo360(*) au sujet de « la confiscation du pouvoir par les bétis » répond à cette même logique de la tribalisation des rapports Eglise-Etat au Cameroun361(*). Ce qui traduit en même temps le clivage ethnique qui règne au sein de l'Eglise Catholique. Le mémorandum des prêtres de Douala adressé au Pape Jean Paul II contre la « bamilékalisation » du clergé de Douala et celui de l'association du clergé indigène de Bafoussam en réaction à ce premier est l'une des scènes les plus illustratives de la « tribalisassions » des rapports sociaux dans l'Eglise. Le même scenario s'est répété lorsque les chrétiens catholiques de Yaoundé se sont opposés au transfert de Mgr. André Wouking comme archevêque de Yaoundé en 1999.

5.4.2. Les types de rapport au pouvoir

Au-delà des logiques socio-tribales ou suite à celles-ci, nous estimons que l'intensité comme l'orientation de la participation des clercs Catholiques au processus démocratique est aussi fonction des rapports de ceux-ci avec le pouvoir, et par conséquent de leur histoire, comme de leurs trajectoires dans le champ sociopolitique. Ces rapports dépendent prioritairement des privilèges que le pouvoir accorde aux autorités ecclésiales.

Si le clergé de Yaoundé bénéficie de nombreux bienfaits de l'Etat comme nous l'avons vu plus haut, et que celui de Douala est victime de désavantage du régime comme le révèle Tumi lui-même dans son livre362(*)ou encore l'effort camerounais au sujet de l'arrêt de l'éclairage public des alentours de la cathédrale de Douala363(*), il est évident que la participation de ces diocèses soit respectivement pour le pouvoir et contre le pouvoir. Les autorités ecclésiales de Yaoundé sont dans ce cas portées à faire une participation de soutien, contrairement à ceux de Douala. Ce qui est une évidence sociologique et ne fait pas du Cameroun une originalité.

En réalité, la participation politique de l'Eglise a très souvent varié en fonction des types de relations que l'Eglise entretien avec l'Etat. Par exemple, dans les pays où l'Eglise s'est démarquée de l'Etat pour soutenir les populations et la Société Civile dans leur lutte contre les abus du pouvoir, cela a très souvent fait suite à l'effritement des rapports Eglise-Etat. Prenons quelques exemples :

L'action de l'Eglise dans la sortie de la dictature mobutisme a été suite à la politique d'authenticité de Mobutu, qui s'attaquait au christianisme, trouvant qu'il était une religion importée et devait se soumettre à la politique d'africanisation qu'il avait initiée. C. Makiabo a écrit d'ailleurs à ce sujet : « le pouvoir s'engagea contre tout l'héritage culturel du Christianisme au Zaïre»364(*). 

En outre, n'est-ce pas parce que les rebelles franquistes s'attaquant à l'Eglise allaient jusqu'à fusiller des prêtres que l'Eglise s'est engagée dans une lutte farouche contrer Madrid,au point « d'inciter les fidèles à se soulever contre Madrid et à verser leur sang pour défendre l'Eglise»365(*)?

Par conséquent, on peut comprendre que pendant la période de monolithisme,la distance qui séparait l'administration Ahidjodu clergé catholique aitfragilisé la participation de soutien de celle-ci. Nous l'avons vu avec J.L. Moroleau366(*). Il est aussi évident que l'accession du « fils de l'Eglise » à la magistrature suprême lui a redonné l'occasion de reprendre l'alliance éternelle Eglise-Etat.

Le concile Vatican II en initiant le soutien de l'Eglise pour la promotion de la démocratie n'avait-il pas au préalable indiqué que l'Eglise devait renoncer à tout soutien aux régimes dictatoriaux ? Preuve que l'action de l'Eglise en faveur de la démocratie ne peut être effective que si l'Eglise se démarque de l'Etat, car des relations harmonieuses avec un Etat dictateur l'Eglise n'a construit rien de grand.

C'est pourquoi, se posant la question de savoir quel type d'Eglise Catholique peut s'épanouir dans le monde politique moderne, dans la lutte vigoureuse contre les injustices, D.Philpott indique justement que c'est celle qui respecte la double tolérance, et « met en pratique l'enseignement du magistère catholique sur la justice dans le monde politique moderne »367(*).

Par contre, une Eglise qui tient à sauvegarder ses rapports avec le pouvoir, se verra toujours instrumentalisée par ce dernier pour fragiliser son action de promotion des peuples. Ce que nous abordons dans cette sous-section.

5.5. La responsabilité de l'Etat dans la discordance de l'action politique des Clercs catholiques

Dans cette participation discordante du Clergé du Cameroun à la construction de la démocratie camerounaise, l'Etat camerounais a une grande responsabilité. En effet il dispose des stratégies pour étendre sa monopolisation jusqu'au sein de l'Eglise. A travers des actions aussi variées que le financement des structures d'Eglise et la nomination des prélats catholiques dans son administration.

5.5.1. Les disparités des allocations de financement des structures catholiques

Plusieurs sources lors de nos entretiens nous ont révélé que l'archevêque de Yaoundé est impliqué dans des affaires foncières et des dettes qui ont nécessité le secours du la présidence du Cameroun. Ce cas n'est que l'un des multiples exemples qui montrent que l'archidiocèse de Yaoundé comme plusieurs autres diocèses du Cameroun est financièrement dépendant du pouvoir en place ; ce qui fonde la nécessaire collaboration entre ces deux instances.

Les rapports de proximité entre les hommes du pouvoir et certains hommes d'Eglise au Cameroun, expliquent le soutien de l'Eglise au pouvoir en place. L'Eglise vit des bienfaits de ces derniers qui depuis la mangeoire ne manque pas de donner à l'Eglise sa « part », à travers moult contribution à la vie de l'Eglise, construction des édifices, achats des véhicules et des enveloppes de toutes sortes. Il n'est plus besoin de démontrer que le citoyen camerounais moyen ne survivant qu'à peine avec ce qu'il gagne, ne peut être à l'origine de ces prestigieux édifices de l'Eglise Catholique. Au contraire, ils sont construits avec un important soutien des hommes et des femmes qui se taillent une grande part des caisses publiques.

Il devient évident de comprendre que ces derniers attendent quelque chose en retour. Or qu'est-ce que ces hommes d'Eglise peuvent leur apporter de mieux que ce dont ils ont le plus besoin : légitimer leur pouvoir auprès du peuple, à travers des messes d'action de grâce de suite de nomination, des sermons sur le respect de l'autorité etc.

Du camp des partisans de la participation contestataire, le scénario est le même. Ce sont leurs affiliations avec les agents économiques en guerre contre ceux qui ont monopolisé le pouvoir qui les disposent à une participation de contestation par soutien à ceux-ci. De même que ceux du pouvoir font vivre l'Eglise de Yaoundé, les hommes d'affaire de Douala font vivre celle de Douala. Rien de surprenant donc à l'action de Tumi qui a fait dire à, C.Ngadjifna : « Dans le versant politique de son engagement au service de la nation, Mgr Christian Tumi, aura maille à partir avec les autorités politiques»368(*).

Le cas deTonyeBakot de Yaoundé est similaire ; soucieux de préserver ses rapports avec le pouvoir, il aura une participation qui aille dans le sens de la politique du Renouveau. Le quotidien Mutations faisait justement allusion à lui dans son soutien au pouvoir en place pour brandir le message de la paix devenu un « argument de chantage électoral »369(*). On peut y lire notamment :

« L'Eglise se doit d'ailleurs d'entretenir sa communication sur la Paix. Pourtant, elle devient suspecte et passable d'une instrumentalisation lorsque le martellement, l'orientation des sources et les messagestant bien impressifs que marqués, tendent à entretenir l'opinion dans une sorte de psychose. »370(*)

En ce sens, le pouvoir instrumentalise notamment l'Eglise pour véhiculer son message de paix qui est devenu presque un argument de chantage politique du RDPC. Le président Paul Biya a taillé le système à sa mesure et a d'ailleurs modifié la constitution pour pouvoir se représenter à vie ;avec la certitude que l'issue de tout scrutin lui sera toujours favorable, car il détient la clé du système électoral. Dans une telle situation, le peuple ayant perdu toute possibilité d'exercer son pouvoir de manière légale par les urnes, risquera de prendre un jour d'autres voies, mais cette fois des voix peu orthodoxes. L'idéologie de la paix devenue l'hymne de toutes les élections au Cameroun répond à cette crainte qui hante le pouvoir. L'Eglise, dans sa mission d'encadrement des masses à opter aussi pour cette idéologie, confirmant ainsi son expertise pour le maintien du statu quo.

5.5.2. La nomination des prélats Catholiques dans l'administration Biya : une source de discordance

La nomination par décret présidentiel de Mgr.BefeAteba au Conseil National de communication et de Mgr. Dieudonné Watio au Conseil électoral n'était pas dénuée de tout intérêt politique. Après les discordances qu'on a observées au sein même du clergé camerounais,notamment cette dernière décennie, une telle nomination vient renforcer le soutien de l'épiscopat et rendre plus accentué les discordances. En effet, ces prélats nommés dans l'administration ayant prêté serment s'aligneront toujours derrière les affirmations gouvernementales. Ce qui les distanciera davantage des autres qui, comme Tumiseront toujours distant du pouvoir. Cette nomination relève donc des stratégies que met en place le régime pour rendre plus audible et visible le soutien de l'Eglise Catholique et fragiliser la voix prophétique de celle-ci. C'est pour quoi, le socio-politiste M.E.OwonaNguini, a soutenu qu'à travers cette nomination, « Le régime exploite l'Eglise pour légitimer son emprise sur la société »371(*). En effet, dans les sociétés fortement christianisées, le pouvoir exploite habituellement certains leaders des confréries pour légitimer et justifier son emprise sur la société, compte tenu de l'emprise morale de ces derniers sur la société.

Il s'avère donc qu'au Cameroun le régime Biya a opté pour cette instrumentalisation de l'Eglise Catholique en nommant ces deux dignitaires religieux. Cette lecture nous fait rejoindre d'ailleurs J.F.Bayart qui soutient que « le modèle de substitution camerounais est original pour l'Afrique tant les Eglises camerounaises sont à bien des égards, les héritières de la gauche libérale absorbée ou détruite par le régime »372(*).

Au terme de ce chapitre, nous pouvons retenir que dans leurs interactions avec le champ de démocratisation, les clercs catholiques élaborent des rationalités qui orientent leurs trajectoires dans ce champ. Rationalités qui ne relèvent pas exclusivement des subjectivités propres à ceux-ci mais qui répondent aussi au poids des conjonctures politiques et tribales. Dans ce sens leur positionnement dans ce champ est stratégique, selon qu'ils situent leurs actions à l'intercession des motivations religieuses et logiques de préservation de leur influence sur la société comme leurs rapports au pouvoir en place.

CHAPITRE 6:

FIDELES CATHOLIQUES ET PARTICIPATION DE L'EGLISE AU PROCESSUS DEMOCRATIQUE CAMEROUNAIS

Ce chapitre vise à faire une analyse des attitudes des fidèles catholiques vis-à-vis des préoccupations sociopolitiques de l'Eglise. En d'autres termes, il s'agit d'évaluer leur propre participation à l'action de construction de la démocratie camerounaise, telle qu'elle est initiée par leur Eglise.

La consécration d'un chapitre à l'analyse des attitudes politiques des chrétiens catholiques de la base a un double intérêt : la démocratie étant une affaire de la masse et donc des citoyens lambda, il est intéressant de voir comment la masse catholique s'intéresse au processus démocratique, notamment à l'action initiée par leur Eglise en vue de contribuer à sa construction. En plus, la démocratie ne pouvant être consolidée que par une culture politique de la masse, il faut saisir l'attachement de cette masse aux valeurs démocratiques. Deuxièmement, l'Enseignement Social de l'Eglise Catholique stipule que l'action politique incombe aux fidèles laïcs et que l'Eglise doit former ses fidèles de sorte qu'ils puissent s'impliquer dans les affaires politiques de leur pays, afin de les transformer à partir de leurs valeurs catholiques373(*). Il faut donc voir dans cette partie comment ces fidèles laïcs, non seulement se réapproprient de cetEnseignement Social de l'Eglise, mais aussi comment ils se positionnent face aux crises multiformes que connaissent leur pays.

Ainsi, notre analyse sera axée principalement sur des centres d'intérêts aussi variés que : les représentations du champ politique par ces fidèles, leurs réception et perception des préoccupations sociopolitiques de l'Eglise, leur participation politique en vue des changements démocratiques, la participation des CEV et enfin les enjeux sociopolitiques de la foi catholique.

6.1. LES REPRESENTATIONS DU CHAMP POLITIQUE PAR LES FIDELESCATHOLIQUES DE DOUALA ET DE YAOUNDE

Pour comprendre la réappropriation par les fidèles catholiques des préoccupations sociopolitiques de leur Eglise, il faut partir de leur vision du champ politique, laquelle est très déterminante pour celle-ci.

Dans leurs interactions avec le champ politique, les fidèles catholiques de Doualaet de Yaoundé élaborent une certaine vision du champ politique, qui leur permet de définir leur rapport à la politique.

Une analyse de cette vision nous a permis de mettre en exergue leur vision des différents facteurs du champ politique.

6.1.1. Les représentations de la politique et des Hommes politiques

L'image très répandue selon laquelle la politique serait « une mauvaise chose » est très répandue dans les mentalités des fidèles catholiques. Les résultats de terrain l'attestent fort bien.

Tableau16 : Représentations de la politique chez les catholiques.

Source : Par nos soins.

Selon ce tableau, 48,8% des fidèles catholiques perçoivent la politique comme étant une « mauvaise chose ». Si l'on y ajoute le pourcentage des indécis on obtient 68,4% de fidèles qui ne jugent pas la politique comme étant une bonne chose.

Comment comprendre ces chiffres ? Le contexte politique du pays a donné à ceux-ci l'image que la politique, loin d'être un moyen de construction est celui de la destruction. Les pratiques des hommes politiques engendrent chez ceux-ci des frustrations que traduisent cesreprésentations de la politique.Ces représentations sociales sont donc les fruits conjugués des comportements des hommes politiques et des interprétations de la dictature politique. Le graphique suivant indique justement que l'image que ces fidèles se font des hommes politiques est semblable à celle de la politique. Il a été obtenu à partir des réponses à la question de savoir comment ils jugent l'action des hommes politiques du Cameroun.

Graphique 2 : Jugement sur l'action politique des hommes politiques

Source : Par nos soins.

Sur un total de 120 fidèles de Yaoundé, 58 jugent mal l'action des hommes politiques et 28 personnes la jugent très mal, contre 32 personnes uniquement qui la jugent passable et bonne. Quand à Douala, sur 130 fidèles, 83 jugent mal et très mal l'action des hommes politiques conte 45 qui la jugent passable et bonne. Ce qui traduit le manque de confiance de ces fidèles aux hommes politiques, et de manière plus générale la désaffection politique que ces représentations engendrent.Cette réalité avait d'ailleurs été notée par N. Soffack lorsqu'il affirmait :

« Il y a une méfiance traditionnelle des chrétiens par rapport au politique. C'est la réalité la plus massive actuellement, malgré les évolutions récentes et les multiples encouragements de la hiérarchie. Le non engagement politique du chrétien va donc de l'abstention politique au mépris de la vie politique, en passant par l'inertie. Le jugement que certains chrétiens portent sur la politique est foncièrement négatif : arrivisme, idolâtrie du pouvoir »374(*)

Le tableau qui suit met en exergue cette perte de confiance. A la question de savoir d'où peut venir des changements sociopolitiques au Cameroun, nos enquêtés ont montré qu'ils n'ont aucune confiance aux hommes politiques qui ont échoué leur mission d'organisation de la cité pour un épanouissement collectif.

Tableau17 : jugement sur l'origine des changements politiques suivant la profession.

Source : Par nos soins.

Il ne faut pas voir dans ces autres chiffres375(*) le fait que les fidèles attribuent la responsabilité politique aux citoyens. Ils signifient plutôt qu'ils ne croient pas que des changements puissent venir des hommes politiques, vue le manque de confiance qu'ils placent en eux. C'est pourquoi, indépendamment de leur profession, 213 personnes pensent que les changements ne peuvent venir que d'une action concertée entre citoyen et politicien.

Il faut reconnaitre que l'image très répandue selon laquelle la politique est salle ne viendrait pas seulement de la pratique ni de l'idée qu'on ne peut pas faire de la politique sans se salir les mains. Elle viendrait aussi des constructions mentales de ces fidèles qui veulent bien se détourner du champ politique, et serait l'expression de leur protestationcontre la politique. Il faut reconnaitre également quetout les prédispose dans ce champ à l'apolitisme. L'environnement politique les aide à se construire cette image de l'inutilité de la pratique politique. L'environnement économique les dispose à se détourner du politique pour s'inscrire dans les logiques de survie, dans un contexte où l'Etat s'est démis de ses fonctions ou a pénétré en brousse comme l'avait déjà remarqué J.M. Ela376(*), et où les exigences du quotidien compromettent leur vie. Ils identifient le champ politique comme la source de leurs maux, et s'en détournent pour rechercher d'autres moyens de gestions de cette crise.

6.1.2. Les représentations de la participation politique

Un autre élément de ces représentations concerne l'attitude des fidèles catholiques du système politique général. Examinons ce tableau pour voir ce que ces fidèles pensent du système politique camerounais.

Tableau18 : Jugement des catholiques sur la démocratie camerounaise

Source : Par nos soins.

A la question de savoir comment ils jugent l'état actuel de la démocratie au Cameroun, grand nombre de fidèles (135/250) estime que la démocratie est passable au Cameroun, indépendamment de leurs âges ;tandis qu'une autre proportion de 93 la jugent mal et très mal. Ce qui signifie que seul 22 fidèles sur 250 sont satisfaits du système politique en place.

En effet, si le régime Biya a pris un tournant de libéralisation politique à l'aube des années 90, 20 ans plus tard, il n'a pas conduit à un système politique satisfaisant, qui mobilise l'intérêt des citoyens. Par contre, il constitue aujourd'hui encore un facteur de découragement ou de désintérêt politique, même chez ces fidèles que les motivations religieuses ne disposent pas à la participation.

Tableau 19:Participation politique comme facteur de changement social et politique.

Source : Par nos soins.

Plus de la majorité des fidèles catholiques de Douala et de Yaoundé estime que la participation citoyenne peut permettre aux citoyens de changer leur pays ; mais 123 fidèles, soit près de la moitié de l'échantillon pensent que cela ne peut se faire que difficilement. Seront-ils donc prêt à s'engager dans une si lourde tâche ? Nous le verrons plus loin.

Ici encore, les résultats de ce tableau nous permettent de constater que l'école n'est pas un facteur d'influence du jugement politique. Du primaire au supérieur, les tendances sont quasiment les mêmes : peu de personne pense que la participationpolitiquene sert à rien, puis le nombre augmente progressivement avec les modalités qui s'en suivent.

6.1.3. La Foi et la participation politique

Les interrelations qu'ils tissent entre la foi et la politiqueconstituent un autre facteur de construction de leur vision du champ politique. Les fidèles catholiques de Douala comme ceux de Yaoundé ont ainsi une vision de l'incompatibilité entre la foi et la politique ;quoi que cette incompatibilité soit relative, ce que vient attester le graphique suivant :

Graphique 3 : Compatibilité foi et politique, selon la fréquence à la messe.

Source : Par nos soins.

Ce graphique donne à voir que les fidèles catholiques, indépendamment de leur fréquence à la messe jugent que la foi et la politique sont incompatibles : soit un effectif de 41 oui contre 24 non pour les « journalière », 72 non contre 65 oui pour les « hebdomadaire », 1 oui contre 8 non pour les « annuelle » et 11 oui contre 28 non les « occasionnelle ». Dans tous les cas, à chaque fois que la question de la compatibilité entre la foi et la politique est posée, la majorité juge toujours que ces deux réalités entretiennent des liens d'incompatibilité.Ce qui permet de comprendre alors que la foi perçue comme quelque chose de « sain » ne saurait aller avec la politique que ceux-ci perçoivent comme « sale », comme nous l'avons vu plus haut.

Dans la même perspective, à la question de savoir si la participation politique est un devoir chrétien, les résultats suivants ont été recueillis du terrain.

Tableau 20 : Jugement sur la participation comme devoir chrétien

Source : Par nos soins.

Cet autre tableau montre au contraire que les avis sur la participation comme devoir chrétien sont presque équitablement repartis. Quoi que le `'non'' l'emporte toujours sur le `'oui'' (128 contre 122). Cette tendance positive s'explique par le travail que font l'Eglise et la société civile pour mobiliser les citoyens en vue d'une éventuelle alternance politique par le biais des élections, bien que le comportement citoyen ne suive toujours pas cette tendance.

Il ne fait plus de doute que les représentations de la chose politique ne sont pas positivement perçues par les fidèles catholiques de Douala et de Yaoundé. Ce qui permet déjà d'avoir une idée générale de leur manque d'adhésion aux réalités sociopolitiques de l'Eglise. Cependant, il faut reconnaitre que cette réalité est relative. Ce qui atteste de la complexité des questions sociopolitiques au sein de l'Eglise, lesquelles sont loin de faire l'unanimité.

6.2. LA RECEPTION ET LA PERCEPTION DES PREOCCUPATIONS SOCIOPOLITIQUES DE L'EGLISE PAR LES FIDELES CATHOLIQUES DE DOUALA ET DE YAOUNDE

Nous avons vu plus haut au sujet des fondements idéologiques de la participation démocratique de l'Eglise que la doctrine sociale de l'Eglise accorde une place prépondérante aux laïcs à qui « il revient, d'une manière générale, d'éclairer tous les réalités temporelles»377(*). Plus précisément, elle stipule que cette participation de l'Eglise repose en priorité sur ces derniers. Pour comprendre le fait que ces fidèles soient moins impliqués dans ce processus, il faut partir de la diffusion effective de ce discours politique de l'Eglise, avant de voir par la suite qu'au-delà de cette diffusion, les représentations politiques de ceux-ci ne les disposent pas à une réappropriation effective de ces préoccupations sociopolitiques.

6.2.1. La réception de l'enseignement social de l'Eglise par les fidèles catholiques

L'une des faiblesses de l'Eglise à ce niveau est la diffusion de son enseignement social. Au-delà de son discours idéologique de l'implication de ses fidèles, des mesures efficaces ne sont pas prises à cet effet.

L'organisation des ateliers et conférences sur les problèmes de la sociétéest un moyen pour l'Eglise d'assurer la socialisation politique de ses fidèles,de les socialiser à sa doctrine sociale, notamment à travers une lecture chrétienne des réalités sociopolitiques à l'intérieur desquelles ils émergent. Or, de nos enquêtes de terrain il ressort non seulement que ces ateliers ne sont pas toujours organisés mais quand elles le sont, les fidèles catholiques en leur grande majorité n'y prennent pas toujours part, comme le stipulent les résultats d'enquêtes suivants :

Tableau 21 : Fidèles catholiques et participationGraphique 4: Fidèles « journalier » et aux conférences sociopolitiques participation aux conférences sociopolitiques

Source : Par nos soins. Source : Par nos soins.

Selon le tableau, plus de la moitié des fidèles avoue n'avoir pas encore pris part à une telle conférence à l'Eglise. Tandis que 29 personnes disent n'avoir pas encore entendus parler de l'organisation de ces conférences. Une autre chose à remarquer c'est que le degré d'attachement à l'Eglise, que traduit la fréquence à la messe n'influe pas sur cette réalité : de ceux qui vont à l'Eglise chaque jour à ceux qui y vont occasionnellement, la réalité est quasi identique. Ce qui traduit déjà que ces conférences n'occupent pas une grande place à l'Eglise.

En nous intéressant de près au cas des plus réguliers à la messe, on voit que c'est la même tendance. Comme on peut le constater sur le graphique ci-dessus : Seuls 24% de fidèles journaliers reconnaissent y avoir déjà pris part, contre 48% qui ne l'on jamais fait, et 17% qui n'en ont jamais entendus parler.

Compte tenu aussi du fait que l'organisation de ces conférences sociopolitiques n'est pas régulière comme celle des retraites spirituelles, nous pouvons conclure que la diffusion de ses préoccupations sociopolitiques par l'Eglise n'est pas effective.

Lors de nos entretiens sur le terrain, il nous a été indiqué que cette socialisation politique se fait aussi par les médias catholiques. Dans ce sens Augustin Windungde Radio Veritas nous indiquait que la mission de cette radio est la diffusion de la vision catholique de la société, notamment de son enseignement sur l'éthique sociale. Examinons à travers ces tableaux l'intérêt que les fidèles accordent à ces médias catholiques.

Tableau 22 : fréquence d'écoute des médias catholiques.

Source : Par nos soins.

Graphique 5 : fréquence d'écoute des médias catholiques.

Source : Par nos soins.

On peut constater à l'aide de ces tableaux que très peu de chrétiens suivent les médias catholiques qui sont supposés les socialiser aux préoccupations sociopolitiques de l'Eglise. Soit : 8,6% de fidèles les suivent régulièrement, 30,3%, les suivent par occasion 11,4%ne les suivent jamais et49.3% ne les connaissent même pas. En outre, une lecture croisée de ces tableau nous donne à constater que le lien NkengShalom du Service National Justice et Paix qui est la pressecatholique la plus concernée par cette question est le moins lue de tous. Avec 84,4% de fidèles qui affirment ne pas la connaitre et seul 1,2% qui disent la lire régulièrement. Pourtant, il s'agit d'une presse gratuitement distribuée378(*).

Tout ceci nous permet de comprendre que l'invitation de l'Eglise à une implication des fidèles dans la vie politique n'est pas effective, car si l'enseignement social de l'Eglise demande que les fidèles s'engagent dans la vie politique, ce n'est déjà pas la majorité des fidèles qui en est informée.

Comment comprendre que ces fidèles ne sont pas aux courants de ces préoccupations sociopolitiques de l'Eglise ? La réponse réside entre autres dans la structure même de l'Eglise. Le fossé qui sépare la masse des fidèles catholiques de leur élite n'est pas favorable à la diffusion vers le bas d'un discours qui est élaboré depuis le haut. La forte hiérarchisation de l'Eglise Catholique, nous l'avons vu dans les limites de l'action de l'Eglise pour la démocratisation, constitue un frein à cette implication du laïcat. En réalité, cette forte hiérarchisation a pour conséquence directe le fait que les préoccupations de l'institution restent une affaire de l'élite ; et donc, la masse ne peut s'en approprier facilement, car, celles-ci ne sont pas perçues comme les concernant.L'Eglise Catholique, nous le savons, est réputée pour le fossé qu'elle entretien entre ses clercs et la masse de ses fidèles. Par conséquent toute politique de divulgation de son discours est limitée. La seule véritable occasion qui les met en contact c'est la messe ; or cette occasion est consacrée aux préoccupations qui sont d'avantage spirituelles.

Les préoccupations intellectuelles de l'Eglise, notamment les évolutions politico-théologiques du siècle dernier sont méconnues de manière caractérisée par la masse des fidèles catholiques de la base. Portées par une minorité de l'élite catholique, elles n'ont aucun impact sur le vécu de la vie chrétienne qu'elles sont pourtant supposées changer, voire mêmerévolutionner. Par contre, loin de ces questions intellectuelles que Benoit XVI a pourtant tenté aussi de prôner en milieu catholique africain379(*), le quotidien des chrétien est fortement marqué par les préoccupations de fuite du monde, les imaginaires populaires, les questions de sorcellerie, de misère, et un fétichisme exacerbé qui caractérise la mentalité africaine et stimule en milieuecclésial les pratiques des sacrements et de sacramentaux ( eau, sel et huiles bénis, neuvaines et veillés de prière, exorcisme etc.) auxquels semble se réduire finalement la vie chrétienne. Dans cette pérennisation d'un catholicisme folklorique et fétichiste, les agents catholiques de socialisation que sont notamment les clercs ont fini par joué ce même jeu, en répandant un discours qui répond davantage à ces imageries populaires et renforce ce caractère aliénant du vécu catholique.

Cette difficulté de vulgarisation des préoccupations sociopolitiques de l'Eglise est une réalité propre à toutes les EglisesCatholiques d'Afrique. C. Makiabo avait déjà fait un tel constat en RDC lorsqu'il affirmait :

« Notre exposé a démontré l'important travail d'élaboration des textes fournis par la conférence épiscopale du Zaïre mais ce travail est encore trop peu connu à cause d'un manque de mode de diffusion adaptée aux réalités du pays.[...] A notre avis, le manque de moyen de vulgarisation des déclarations et lettres pastorales des évêques du Zaïre réduit considérablement leur efficacité sur le vécu des communautés chrétiennes. »380(*)

Dans cette même perspective, un colloque organisé à Abidjan en 1993 par l'institut catholique J.Maritain sur « éthique et développement », se concluait par ce constat : « L'enseignement socio pastoral de l'épiscopat africain n'est point connu du grand public »381(*)

Deux raisons de ce manque de réappropriation des préoccupations sociopolitiques de l'Eglise par les fidèles peuvent être retenues ici : Le manque de détermination du clergé (notamment le bas clergé ou le clergé paroissial) à divulguer l'enseignement social de l'Eglise, etles rationalités qui conduisent ces fidèles catholiques à adhérer à la foi chrétienne.

Pour ce qui est du manque de détermination de l'Eglise à divulguer cet enseignement, notons qu'habituer à parler du « Ciel », les clercs ont de la peine à intégrer dans leurs sermons la « terre » (questions sociales et politiques). Ces sermons sont généralement consacrés aux questions essentiellement spirituelles. Il est donc évident que si les fidèles ne suivent pas les questions sociopolitiques à l'Eglise même, où ils sont le plus au rendez-vous, il ne faut pas s'attendre à ce qu'ils les suivent ailleurs. Pourquoi ne pas divulguer l'Enseignement Social de l'Eglise à partir dusermon ? Plusieurs clercs nous ont répondu que le sermon n'est pas fait pour cela, et que des structures catholiquescomme les Commissions Justice et Paix doivent s'en charger. Or ces structures ne comptent qu'un nombre très limités de fidèles. C'est du moins ce que nous indique le tableau suivant :

Tableau 23:Répartition des fidèles catholiques selon leur Mouvement d'Action Catholique et la ville

Source : Par nos soins.

Ce tableau indique le manque d'adhésion des fidèles au mouvement à vocation social. Quoique l'on puisse noter que les fidèles de Douala s'y intéressent plus que ceux de Yaoundé. Ce qui s'explique par l'ambiance sociopolitique de cette ville d'opposition. Par contre, il traduit un engouement des fidèles catholiques pour le mouvement à vocation spirituelle. Ce qui donne respectivement un total de 19 fidèles contre 118. Cet engouement pour le mouvement spirituel traduit les raisons d'intégration de ces fidèles auCatholicisme.

Si les fidèles catholiques adhèrent moins aux préoccupations sociopolitiques de l'Eglise, c'est en raison du fait que ce sont les motivations spirituelles qui les conduisent au catholicisme. Ce qui fait qu'une invitation à l'action politique de ceux-ci est moins accueillie qu'une invitation à la pratique spirituelle. Prière, retraite spirituelle, messe,sacrement etc. Le graphique suivant indique l'intérêt des fidèles catholiques pour ces réalités.

Graphique 6: participation aux conférences sociopolitiques et aux conférences spirituelles

Source : Par nos soins.

Ce graphique donne à voir cette prédominance de la socialisation religieuse sur la socialisation sociopolitique au sein de l'Eglise. En effet 64,8% de fidèles catholiques ont pris part plusieurs fois à une retraite spirituelle, ou campagne d'évangélisation, contre 15,2% de fidèles ayant pris part plusieurs fois à une conférence ou un atelier d'ordre sociopolitique organisé à l'Eglise. Aussi, on peut constater que le pourcentage de fidèles catholiques qui n'ont jamais entendu parler d'une conférence organisée par l'Eglise sur les questions sociopolitiques est important ; soit 11,6 % contre 0% pour les questions spirituelles. Ce qui permet davantage de comprendre que les fidèles catholiques ne soient pas socialisés aux préoccupations sociopolitiques de l'Eglise.

Il convient maintenant d'analyser la perception de ces questions sociopolitiques par ces fidèles.

6.2.2. La perception de l'enseignement social de l'Eglise par les fidèles catholiques

Le fait qu'on devient catholique pour rechercher le salut de son âme, à l'abri de toute déception du monde porte les fidèles à n'attendre de leur clerc qu'un discours spirituel. De sorte que lorsqu'un discours leur est adressé comme celui de la doctrine sociale de l'Eglise, ils ne sont pas disposés à le suivre, parfois d'autres le rejettent, sous prétexte que l'Eglise n'a pas à se mêler des questions politiques. Ces scènes vécues lors de nos enquêtesde terrain attestent cela : une chrétienne à qui nous nous présentons pour soumettre notre questionnaire nous crie dessusaprès lecture du thème de recherche : « C'est vous qui avez gâté l'Eglise avec la politique. Il est écrit où dans la bible que l'Eglise doit se mêler de la politique ? Vas avec ta malchance je ne remplis pas »382(*).

Un second cas est celui d'une chrétienne qui nous rapporte le sermon d'un prêtre le 20 Mai 2012 : « il n'a que parlé de la politique pendant l'homélie ; ou que l'intégration nationale est montée, c'est descendue. Il n'a rien dit sur les lectures qu'on a lues. L'Eglise fait maintenant la politique au lieu de suivre les pas du Christ»383(*).

Ces deux scènes traduisent l'attitude de nombreux chrétiens vis-à-vis du discours politique de l'Eglise. Si les prêtres n'en parlent pas toujours, ceux qui en parlent ne sont pas toujours favorablement écoutés.

En effet, après une longue période d'une évangélisation « désincarnée»384(*) qui a consisté à détourner les chrétiens de la terre pour le ciel, l'Eglise a de la peine à arrimer ses fidèles aux évolutions politiques qu'elle a connues le siècle dernier. Ceci, non seulement parce que ceux-ci ont été habitué à attendre autre chose d'elle, mais aussi parce que son discours valorise encore fortement le spirituelle, au détriment du temporel. Dans ce sens, J.M. Ela affirmait :

« Le Dieu qui a été annoncé à l'homme africain dans le contexte précis de la situation coloniale est un Dieu étranger au temps, indifférent aux évènements politiques, sociaux, économiques et culturels. Sans perspective d'engagement inhérente à lapromesse»385(*).

Ainsi, les fidèles catholiques ne perçoivent pas la participation politique comme relevant de leur foi. A la question de savoir si la participation politique est un devoir pour le chrétien, les résultats ont été les suivants :

Tableau 24: Participation politique comme devoir chrétien

Source : Par nos soins.

Il existe donc encore près de la moitié (48,8%) de fidèles qui perçoivent la participation comme n'étant pas une exigence de la vie chrétienne. Ceci malgré l'appel répété des évêques depuis leur lettre pastorale de 1988 sur « l'engagement des laïcs dans la vie de nation » où ils affirmaient notamment : « Si nous ne travaillons pas pour élire des hommes et des femmes capables de porter nos aspirations et surtout d'oeuvrer pour le bien de toute la nation, nous en porterons nous-mêmes la responsabilité »386(*). Ou encore cette affirmation de Jean Paul II sur la vocation et la mission des fidèles laïcs dans l'Eglise et dans le monde :

« les fidèles laïcs ne peuvent absolument pas renoncer à la participation à la politique, à savoir l'action multiforme, économique, sociale, législative, administrativequi a pour but de promouvoir organiquement et par les institutions le bien commun.[...]Tous et chacun ont le droit et le devoir de participer à la politique ; les accusations d'arrivisme, d'idolâtrie du pouvoir, d'égoïsme et de corruption, qui bien souvent sont lancées contre les hommes du gouvernement, du parlement, de la classe dominante, des partis politiques, comme aussi de l'opinion assez répandue que la politique est un lieu de danger moral, tout cela ne justifie pas le moins du monde ni le scepticisme ni l'absentéisme des chrétiens pour la chose politique»387(*). 

Cette invitation à la participation par l'Eglise n'est cependant pas un élément à lui seul suffisant pour obtenir l'implication des laïcs dans le politique, ou leur changement de mentalité sur la chose politique. Il existe bien d'autres qui doivent accompagner cette invitation, pour qu'on obtienne une adhésion de ces derniers : la culture politique388(*), qui nécessite un minimum de socialisation politique. Le contexte socioéconomique doit les y aider aussi, sans oublier que leur foi doit les prédisposer non pas à la fuite du monde389(*), mais à l'engagement socio politique.

Or, à analyser point par point ces différents facteur de cette réappropriation, nous voyons qu'ils sont tous de nature à défavoriser leur implication plutôt qu'à la stimuler.La priorisation des activités spirituelles sur celles proprement sociopolitiques par les fidèles catholiques de Douala et de Yaoundé peut être justifiée, nous l'avons dit plus haut, par les raisons même pour lesquelles ils deviennent catholiques. Si les fidèles adhèrent à la foi catholique pour protester contre la prégnance des réalités sociopolitiques asservissantes, il est inadmissible pour eux que l'Eglise les y renvoie encore. Surtout que l'image qu'elle a historiquement donné d'elle-même et qui a stimuler leur intégration est celle de l'offre d'un abri face à l'aliénation des structures asservissantes du monde. Celles que Jean Paul II a qualifiées de « structures de péchéqui entravent le plein épanouissement de ceux qu'elles oppriment de différentes manières »390(*) . La thèse marxiste sur la religion va justement dans ce sens en soutenant que celle-ci est « le soupir de la créature opprimée, l'âme d'un monde sans coeur, comme elle est l'esprit des conditions sociales d'où l'esprit est exclu»391(*).

Même si les fidèles catholiques jugent qu'il existe une exigence de l'action politique de l'Eglise, elle incombe au Haut clergé (les prélats). En tant qu'ils constituent une autorité morale à coter des autorités politiques face à qui elle doit jouer un rôle de contre poids. Comme l'attestent les chiffres de ce tableau.

Tableau 25: Jugement sur l'intervention des évêques en politique selon la tribu.

Source : Par nos soins.

Selon ce tableau, les fidèles catholiques de Douala et de Yaoundé jugent à grande majorité que l'intervention sociopolitique des évêques fait nécessairement avancer la démocratie (Soit 160/250) ;quoi que les Anglo-Bami y croient le moins (Soit 27/45 pour « ça ne peut rien changer » et 19/45 pour « ça ne les regarde pas »), en raison de l'affiliation de l'institution avec un pouvoir face auquel ils se sont positionnés comme opposant.

Au vu de tout ceci, il convient maintenant d'analyser la participation proprement dite des fidèles catholique comme réponse de ceux-ci à l'appel de l'Eglise et comme participation à l'action catholique de démocratisation du Cameroun.

6.3. LA PARTICIPATION POLITIQUE DES FIDELES CATHOLIQUES DE DOUALA ET DE YAOUNDE

Le champ de la participation politique est immense. Il va du simple intérêt politique du citoyen jusqu'à son engagement partisan dans la lutte pour la conquête du pouvoir. Nous examinons ici, juste quelques aspects de cette participation, pour comprendre l'implication des fidèles catholiques de Douala et de Yaoundé, au processus de gestion collective de la chose publique que nous nommons ici démocratie.

6.3.1. L'intérêtpolitique chez les fidèles catholiques

L'intérêt politique est le point de départ de la participation car c'est après elle que le citoyen s'engage dans d'autres formes de participation. En vue de rendre compte de l'intérêt que les fidèles catholiques accordent à la politique, nous avons interrogé ceux-ci sur la fréquence avec laquelle ils suivent les informations politiques ou autres émission politiques. Les résultats sont contenus dans le tableau qui suit :

Tableau 26: fréquence de suivi des émissions et informations politiques

Source : Par nos soins.

Les chiffres que nous livrent ces tableaux doivent êtreanalysés dans le contexte politique à l'intérieur duquel a été menéenotre enquête de terrain,à savoir que nous l'avons faite à la veille des sénatoriales camerounaise, et que toute l'opinion nationale était rivée vers cette nouvelle donne de la politique camerounaise. C'est ce que traduit le nombre important de fidèles catholiques qui suit régulièrement des informations ou émissions politiques, soit 96/250 individus. Cependant notons que l'intérêt politique malgré cela est toujours faible. Si plus de la moitié de ces fidèles (soit 137/250) suivent occasionnellement l'actualité politique, c'est-à -dire probablement sans intérêt particulier, cela traduit toujours un apolitisme avéré de la couche socio-catholique. Sans oublier que le pourcentage de ceux qui ne la suivent jamais est énorme, à savoir 17/25 fidèles, soit 68%. Cet apolitisme doit être compris à partir du manque de confiance placé aux hommes politiques et de la désaffection politique que nous avons abordé dans le cadre de la représentation catholique du champ politique.

Une lecture croisée de cette variable avec le niveau d'étude donne à constater que le niveau d'instruction n'influence pas fondamentalement l'intérêt politique du fidèle catholique. Plus le niveau d'instruction augmente, le rapport à la politique reste standard. Ce qui traduit les réalités d'une société ou les instruits et les non instruits font face au même sort qui les maintient dans l'apolitisme.

6.3.2. Les inscriptions sur les listes électorales

Il existe une véritable interpellation des citoyens camerounais pour les inscriptions sur les listes électorales. Les partis politiques, les OSC et surtout les évêques catholiques, tous se mobilisent pour encourager les citoyens à s'inscrire sur les listes électorales. Nous nous sommes intéressés à la réaction des fidèles catholiques à cette vive interpellation.

Tableau 27: Inscription sur les listes électorales, suivant la fréquence à la messe

Source : Par nos soins.

On peut justement comprendre que la majorité des fidèles catholiques (soit 155/250) se soit déjà inscrite sur les listes électorales, notamment les listes biométriques dont les inscriptions ont été récemment initiées par ELECAM. Ceci parce qu'il ya progressivement une prise de conscience du devoir civique au Cameroun ;quoi que ce devoir civiquese limite à la participation électorale que mobilisent les candidats en vue d'instrumentaliser l'électorat aux fins politiques égoïstes. Cependant, le pourcentage de ceux qui ne se sont jamais inscrit reste considérable. 26/250, (soit 10.4%) reste considérable et traduit la résistance citoyenne à cette invitation des élites sociale et politique du Cameroun. Une résistance qu'A. Lancelot a analysé dans le cadre de la participation politique en contexte africain en termes de « modes de résistances culturelles à la participation politique» 392(*)et qui traduit ici le manque de culture politique des fidèles catholiques.

En outre, il faut reconnaitre une fois de plus ici que malgré les interpellations des évêques à la participation, la religion ne stimule pas les inscriptions sur les électorales. Le tableau ci-dessus montre en effet que du plus régulier à l'Eglise au plus irrégulier, le rapport aux inscriptions sur les listes électorales reste quasiment le même.

6.3.3. Le vote des fidèles catholiques

En distinguant dans cette analyse du vote catholique l'intensité de son orientation comme le font la quasi-totalité des études de sociologie électorale393(*), nous nous limitons ici à son intensité, que nous analysons à partir des données de ce tableau :

Tableau 28: Participation des fidèles catholiques aux échéances électorales de 2002 à 2011

Source : Par nos soins.

On peut constater que les fidèles catholiques ont une faible participation électorale. Le taux moyen de participation à toutes les échéances ici concernées est en effet de 18,3% contre 81,7% d'abstention électorale. Tandis que le pourcentage de fidèles qui n'ont jamais participé à une échéance électorale est de 53,6%,preuve d'une abstention avérée. Cette abstention généralisée peut être expliquée par la même désaffection politique qui caractérise nos enquêtés. En effet, si les fidèles catholiques ne perçoivent pas l'intérêt de leur vote, ils n'ont aucune motivation à aller voter. On peut donc parler dans ce cas de « l'auto exclusion » de ces derniers, qui font face aux manipulations politiciennes du vote. C'est dans cette perspective que, analysant l'abstention politique des français,J. Lecal'explique parl'auto exclusion qui « peut être due àun sentiment de scepticisme méfiant envers un système corrompu »394(*). Par leur abstention, ces fidèles se soustraient de l'aliénation et des manipulations du système électoral. C'est dans ce sens que J. Leca affirmait que « les règles d'un système politique ne sont pas négligeables dans l'étude de la participation car elles affectent l'intensité et la signification de la participation »395(*).

En outre, cette attitude peut être saisie comme réaction à une exigence de la participation envisagée comme « un schème culturel imposé d'en haut et du centre, dans un mouvement d'intégration des comportements périphériques»396(*) ; c'est-à-dire qui ne relève pas des préoccupations concrètes de ces fidèles. Par conséquent, n'étant pas déjà à l'abri du besoin primaire, ceux-ci s'inscrivent plutôt dans des logiques de survie.Il faut dans ce cas moins s'attendre d'eux qu'ils s'intéressent aux questions sociopolitiques tandis qu'ils ont faim. C'est tout ce qui va dans le sens de cette survie qui a pour eux un intérêt. Même leur adhésion à la foi chrétienne répond à cette même logique de survie, une double survie qui est à la fois temporelle et éternelle. Temporelle, l'Eglise les aidera à protester contre la misère de la société, à y donner un sens et à aspirer à un ordre autre que cet ordre temporel. K. Marx va dans ce sens en disant : « La religion est la théorie générale de ce monde, [....] sa raison générale de consolation et de justification. C'est la réalisation fantastique de l'essence humaine, parce que l'essence humaine n'a pas de réalité véritable»397(*). Eternelle, l'Eglise leur offrira un ciel où ils seront pour l'éternité dans le bonheur, à l'abri de la misère de ce monde.

Revenant aux référentielsreligieux, on se rend compte qu'ils n'influent pas beaucoup la participation électorale des fidèles catholiques de Douala et de Yaoundé. C'est du moins ce qu'attestent les chiffrescontenus dans ce tableau.

Tableau 29: Participation des fidèles catholiques à l'élection 2011 et fréquence à la messe

Source : Par nos soins.

Ce tableau montre que les fidèles catholiques se sont abstenus de la participation électorale du 09 Octobre 2011 plus qu'ils n'y ont participé ;ceci, indépendamment de leur degré d'intégration religieuse que traduit ici la fréquence à la messe. Des fidèles les plus réguliers (fréquence `' journalier'') aux plus irréguliers (fréquence `' occasionnelle''), l'écart entre le nombre de participants et celui des abstenus est presque le même.Ce qui s'explique par le fait que l'Eglise au Cameroun n'a pas encore assuré une forte socialisation religieuse de sorte que le comportement politique de ses fidèles en dépende.Contrairement au constat fait en France selon lequel « l'intégration maximum au groupe catholique [...], à une structure symbolique qui unit étroitement la représentation du divin, notion du salut, prescription éthique et conception sociopolitique, se traduisent par un vote massivement orienté à droite »398(*), le vote catholique camerounais est le même (en intensité) malgré la variation du degré d'intégration religieuse.

Ce vote catholique s'inscrit ici dans le vaste mouvement d'indifférence qui caractérise la société et dont la raison est à rechercher dans les conditions historiques et sociopolitiques, qui font de la politique une réalité importée et sans ancrage socioculturel, et des politiciens des égoïstes à la quête d'un électorat pour parvenir à leurs intérêts égoïstes.

6.3.4. Les fidèles catholiques et l'engagement partisan

L'engagement partisan s'inscrit dans la même logique d'abstention ; mais avec un taux d'abstention plus prononcé comme nous pouvons le constater dans le tableau qui suit.

Tableau 30:Participation électorale des fidèles catholiques suivant le regroupement tribal

Source : Par nos soins.

Si le taux d'engagement partisan est le plus faible de toutes les formes de participation ci-dessus analysées, c'est justement parce qu'il s'agit-là d'une forme de participation plus exigeante. Inscrite dans une longue durée, elle nécessite une motivation plus grande. Or, sinos fidèles catholiques ici concernés ne peuvent pas déjà aller voter, il faut moins attendre d'eux qu'ils aient un engagement partisan important.

6.4. La participation des Communautés Ecclésiales Vivantes

Nous nous sommes intéressés aussi aux CEV, pour comprendre comment ces communautés de la base portent et vivent en leur sein les préoccupations sociopolitiques de leur milieu.

L'intérêtque nous portons ici sur ces CEV vient de ce qu'elles ont été créés par l'Eglise pour permettre aux chrétiens de la base de s'organiser en communauté de quartier afin de mieux se connaitre et de mieux transformerleur milieu de vie à partir de l'Evangile. Les CEV sont nées dans un contexte sociopolitique très tendu ;celui de l'Amérique latine où les tenants de la théologie de la libération entendaient impliquer au maximum les chrétiens au processus de transformation par l'Evangile de leur condition de vie. Si le Vatican a combattu de toutes ses forces ce mouvement théologico-politique, il a du moins récupéré cette forme d'organisation ecclésiale qui selon lui semble plus favorable à l'instauration de l'Eglise communautaire qu'a préconisée le concile Vatican II : une Eglise de structure communautaire qui permettra de résoudre le problème du fossé qui sépare les clercs des fidèles, et favorisera l'implication de ces derniers dans la mission de l'Eglise. Si l'expérience des CEV a été bénéfique en Amérique latine pour reprendre les préoccupations sociopolitiques de la théologie de la libération, qu'en est-il du cas camerounais ?

A tous les membres délégués et responsables des CEV que nous avons enquêtés et dont la liste des noms figure dans les annexes, nous avons posé la question de savoir ce qu'ils font lors de leur séance de CEV, les réponses ont été presque similaires :

Ø Un chant d'ouverture,

Ø La prière,

Ø La lecture de l'Evangile du dimanche précédent ou de l'Evangile du jour399(*),

Ø Le partage sur l'Evangile (chacun dit ce qu'il a compris du texte lu, ou ce qu'en a dit le prêtre le dimanche précédent),

Ø Une petite quête400(*) pour les cas d'urgence,

Ø Les nouvelles des paroisses ou des membres de la CEV.

A l'analyse de cet ordre du jour des séances des CEV, il s'est avéré que les CEV ne consacrent pas du temps aux questions proprement sociopolitiques qui touchent pourtant fondamentalement leur vie de quartier ;ou du moins ils ne le font pas directement. Cependant notons le cas de la CEV Ste Véronique qui, avons-nous constaté s'est intéressé déjà quelques fois aux problèmes sociaux de leur quartier ;comme l'attestent ces propos de Odette Kengne :

« Nous avons saisi une fois le chef de quartier à cause d'un voisin qui laissait ses toilettes couler en route et le problème a été résolu...Nous nous préparons aussi à acheter du matériel pour réparer les parties de laroute qui sont trop gâtées»401(*).

Outre cela, nous avons constaté dans la vie des CEV un intérêt pour les personnes malades, et les familles endeuillées à qui celles-ci apportent souvent du réconfort. Ce qui s'inscrit dans la tradition caritative de l'Eglise Catholique. Plus précisément, les CEV peuvent être saisies dans ce cas comme des machines de reproduction de l'action caritative de l'Eglise, à l'intérieur desquels les membres s'initient à la charité chrétienne. Il devient dès lors plus compréhensibleque, conformémentà l'approche de l'Eglise concernant les défavorisés de la société ces CEV s'intéressent à la charité vis-à-vis de ceux-ci plutôt qu'à l'action politique dont le but est de convertir les structures qui produisent la marginalisation dans la société. Ainsi, dans leur socialisation religieuse, les membres des CEV mettent plus d'accent sur l'aide qu'il faut apporter aux défavorisés plutôt qu'à l'action sociopolitique pour l'instauration de la justice.

Il convient de retenir des CEV de Douala comme de Yaoundé que loin d'être des centres ou des foyers de réappropriation des préoccupations sociopolitiques de l'Eglise comme ce fut le cas en Amérique latine, elles sont des mouvements comme les autres, consacrés à la reproduction du discours spirituel de l'Eglise. Discours qui, dans sa vulgarisation néglige la dimension sociopolitique qui stimulerait le sens de participation de ces CEV.Comment rendre compte d'une telle faiblesse de l'action politique dans les CEV ? 

Dans son ouvrage sur le rôle de l'Eglise dans les mutations sociopolitiques en RDC, C.Makiaboécrivait au sujet de l'engagement socio politique de la base: « tous ces groupes et associations constitués de l'ensemble du laïcat sont à la base de la contestation grandissante de l'ordre politique établit par Mobutu depuis la radicalisation de son pouvoir en 1972»402(*).

Il faut avouer que les CEV au Cameroun sont encore loin de refléterun tel engagement ;leur action n'ayant pas encore atteint une ampleur qui leur permette de stimuler un véritable engagement des populations pour des changements démocratiques.A observer la réalité des communautés chrétiennes de la base à Douala et à Yaoundé, on se rend compte que leur vécu est loin de se mêler des questionsproprement politiques, sinonelle se limite à leur protestation à travers un abandon sans réserve au spirituel ou encoreun apolitisme très prononcé.

Comment comprendre ce vécu des communautés de base catholique au Cameroun ?Le contexte politique du Cameroun est plus à même d'en rendre compte.

Il faut avouer que dans leur pastorale sociale, ce ne sont pas tous les prêtres qui promeuvent les CEV. Par conséquent, non seulement celles-ci n'existent pas dans tous les quartiers où est implantée l'Eglise, mais aussi, là où elles existent leurs membres ne sont pas nombreux. On compte en effet une moyenne de 15 membres réguliers aux séances de CEV. Leur connaissance par les Chrétiens est tout de même très limitée comme le révèle notre enquête sur le terrain : 60,8% de fidèles catholiques ne connaissent pas ce qu'on appelle Communauté Ecclésiale Vivante.

Tableau 31 : Connaissance des CEV

Source : Par nos soins.

Pour ce qui est du vécu de la foi dans ces CEV, il faut noter que, comme toute association catholique, elles se consacrent plus aux questions spirituelles qu'à cellesproprement sociales, encore moins politiques. En effet, une observation sociologique du vécu dans les Mouvements d'Action Catholique nous a permis de comprendre que la raison d'être de ceux-ci est prioritairement spirituelle ;quoi que l'enseignement catholique dise que cette raison doit êtreàla fois spirituelle et temporelle. En ce sens que l'Eglise ne doit pas seulement aider les chrétiens dans leur vie spirituelle, mais doit les conduire à un épanouissement intégral : « Donner leur vous-même à manger ». Telle est le passage de la bible que nous a cité le professeur Ombionolors d'un entretien, pour justifier l'intérêt que doit avoir l'église pour les questions temporelles. Puis il poursuivait :

« En s'adressant ainsi aux apôtres qui voulaient que Jésus renvois les foules restées à son écoute toute la journée pour trouvér de quoi manger ailleurs, Jésus recommandait à l'Eglise de ne pas se contenter de prêcher le salut mais de concourir à la promotion des conditions de vie des hommes. »403(*)

Revenons à travers ce tableau, sur le timing des CEV tel qu'exposé plus haut pour comprendre la place accordée aux questions sociales.

Tableau 32 : timing des activités des CEV404(*)

Source : Par nos soins.

A la lecture de ce tableau, nous comprenons que le temps accordé aux questions sociales est très limité. Si seuls18% du temps total est accordé aux nouvelles des membres et que c'est à l'intérieur des 18% qu'il faut estimer celui accordé quelques fois aux problèmes du quartier ou aux divers sur les faits de société, il devient évident de se rendre compte que ces CEV n'accordent presque pas du temps aux questions sociopolitiques.

6.5. Les enjeux sociopolitiques de la foi chez les fidèles catholiques de Douala et de Yaoundé.

Pour terminer ce chapitre, il convient d'examiner les enjeux sociopolitiques de la foi de ces fidèles. L'interrogation porte sur la praxis sociopolitique des fidèles catholiques en tant qu'ils sont des « homo religicus »,c'est-à-dire des individus unis au monde à partir de leurs croyances religieuses, qui constituent un élément non négligeable de leur vision du monde.

La réalité est patente.Il existe une telle dichotomie entre le vécu de la foi catholique et les réalités sociopolitiques. Si ces deux champs entretiennent des rapports, ce sont des rapports d'antinomie. Le vécu de la foi chrétienne est caractérisé par la protestation des réalités sociopolitiques, par un recourt ou un refuge vers la foi, à l'abri des pratiques politiciennes qui asservissent, des réalités sociopolitiques brutales405(*).Les tableaux sur la compatibilité foi/ politique et sur la perception de la participation politique comme un devoir chrétien l'ont fort bien attesté.Cette interrogation de J.B. Talla face à la misère qui mine l'Afrique va dans ce sens:

« ... Des lors que faire ? Faut-il fuir le monde identifié par certains puristes au mal ? C'est en effet la solution à laquelle recourent certains de nos concitoyens qui recherchent leur sanctification en se détournant des préoccupations sociales. Pour se préserver de toute souillure, ils côtoient dans un silence complice la misère du peuple, laissant à Dieu le soin de rétablir l'ordre dans son monde »406(*).

Dans ce sens, les fidèles catholiques sont loin de constituer le ferment des changements de la société. Ces propos de J.B. Talla attestant ce dualisme de la vie chrétienne :

« En effet, nous sommes nombreux à participer par habitude aux messes du dimanche et autres cérémonies chrétiennes et à vivre les autres six jours de la semaine en complice en pensée, en acte et en omission des maux qui minent l'Afrique et ternissent l'image de Dieu dans notre continent»407(*).

Il faut reconnaitre qu'on est ici dans une société à christianisme de façade comme le catholicisme camerounais, où la foi catholique loin d'être un idéal de vie est plutôt une ressource mobilisée selon la circonstance, où les valeurs catholiques sont plus des valeurs prônées que des valeurs vécues. Par conséquent, il faut moins s'attendre à ce que ces derniers s'y réfèrent pour construire leurs interactions quotidiennes surtout en milieu non catholique dont la prédominance revient aux valeurs propres du milieu. C'est le cas avec les pratiques politiques en milieu partisan au Cameroun. Ils prédominent là des logiques d'ordre tribales et de luttes d'intérêt. Examinons le fondement d'une telle réalité :

A la question de savoir pourquoi il n'existe pas de mouvement social ou politique catholique, ou du moins chrétien au Cameroun, Mgr. Antoine Ntalou408(*) répondait lors de notre entretien: « On n'a pas besoin des partis chrétiens au Cameroun. On sait que les chrétiens sont dans tous les partis politiques. On attend d'eux qu'ils les changent à partir de là »409(*).

Ils y sont effectivement. Ce ne sont pas les bouddhistes, ni seulement les musulmans qui sont dans les partis politiques camerounais, ce sont bien sûr les chrétiens, et dont les catholiques. Cependant, ils n'y sont pas en tant que catholiques, témoins et porteurs des valeurs catholiques, ou encore, en tant que « ferments des changements sociopolitiques » selon les recommandations de l'Enseignement Social de l'Eglise. Non, ils y sont en tant qu'autre chose, en tant que simples membres de ces partis comme tous les autres et répondant de ce fait aux exigences du parti, aux logiques d'actions qui y sont mis en exergue. Il est donc évident que si le RDPC, parti au Pouvoir est composé en sa grande majorité des chrétiens et même d'anciens séminaristes, cela n'exclue pas le fait qu'il soit un parti qui a mis sur pied les techniques les plus malicieuses et antichrétiennes pour conserver le pouvoir depuis 30 ans. F. EboussiBoulaga faisait déjà ce constat lorsqu'il affirmait: 

« Du point de vue du respect dans la vie publique, des commandements cardinaux `'tu ne mentiras pas,tu ne voleras pas'', du sens du bien commun, rien ne montre qu'on ait affaire à des chrétiens. Les enfants de Choeur d'hier sont devenus des fauves dans la jungle ou simplement des païens se livrant aux orgies et aux bacchanales du sang, du sexe, du vin, de l'argent fou, du pouvoir déchainé, recourant aux nécromanciers, aux astrologues, invoquant toutes les puissances de l'obscur. »410(*)

Ce qui montre que le catholicisme camerounais est encore à son stade folklorique, sans ancrage socioculturel véritable. Lorsqu'on est dans une société où le christianisme a un ancrage socioculturel considérable, il est évident que l'agir chrétien réponde aux normes chrétiennes prônées et vécues. C'est évident par exemple en Europe de constater à l'issue des élections que les catholiques, notamment les catholiques pratiquants réguliers, votent majoritairement à droite. En raison de la compatibilité de leurs valeurs avec les idéologies conservatrices de droite. Comme le soutiennent Luc Michelat et Michel Simon :

« L'intégration maximum au groupe catholique [...], à une structure symbolique qui unit étroitement représentation du divin, notion du salut, prescription éthique et conception sociopolitique, se traduisent par un vote massivement orienté à droite »411(*).

Il n'est plus besoin de rappeler ici à la suite de nombre d'auteurs l'impact du christianisme sur la formation de la culture occidentale contemporaine412(*),ni que c'est cette influence du catholicisme sur la société qui rend possible cette orientation du comportement politique de ses adeptes.

Une autre raison de la dichotomie qui caractérise le vécu de la foi chrétienne réside dans l'enseignement de l'Eglise. Il existe en effet une contradiction dans cet enseignement ;une contradiction qui n'est pas souhaitée ou avouée, mais qui découle implicitement de cet enseignement. Cet enseignement non pas tel qu'il est pensé et élaboré, mais tel qu'il est transmis et reçu, tel qu'il se situe à l'intérieur du discours général de l'Eglise sur le monde. Cette contradiction vient de ce qu'avant le discours social de l'Eglise qui veut déboucher sur l'action catholique, précède un autre qui prédispose le catholique à l'indifférence à l'action au nom de sa foi ;une indifférencetelle que M. Weber a analysé dans l'éthique protestante et l'esprit du capitalisme. En comparaison de l'éthique protestante avec le catholicisme camerounais analysé ici, l'autonomie reconnue à la société telle qu'elle se présente n'est pas complète. Les catholiques croient davantage à une main invisible qui y agit, parfois pas à leur avantage ; mais ils espèrent qu'avec leur prière cette main selon le gré de Dieu qu'ils « prient sans cesse », agira en leur faveur. Ils sont moins convaincus que leurs actions soient porteuses pour améliorer leurs sorts. D'ailleurs, pour beaucoup d'entre eux, exception faite d'une petite minorité ; le bonheur est en haut, quant à la société « on faitavec » ; en attendant l'avènement de Dieu.C'est pourquoi nous estimons que le moyen âge religieux s'est réfugié en Afrique. Ne trouvant plus en Occident une terre fertile pour sa survie, il a trouvé dans l'Afrique des mythes, des mystères et des superstitions une terre propice à son développement. C'est la raison pour laquelle le christianisme y gagne abondamment du terrain.

De nombreuses autorités se plaisent à dire du Cameroun comme de l'Afrique, qu'il est le patrimoine spirituel du monde. Cependant, au vu des réalités de l'Afrique, peut-on dire que cela puisse constituer la joie ou l'orgueil des africains ? Aucune analyse sociologique sérieuse ne peut faire de la religiosité africain un atout pour l'Afrique. Loin de là ! Lamentalité magico-religieuse voire fétichiste qui fait de l'Afrique le patrimoine spirituel du monde ne peut être analysée comme constituant un atout pour le développement des peuples africains ; au contraire, elle est un obstacle à son émergence. La mentalité africaine est encore loin des idéaux démocratiques de libertés, d'émancipation, de contradiction, de rationalité qui ont été les bases de la fondation de toutes les démocraties du monde. Or, cette mentalité est plus favorable à la soumission, aux émotions, à la négation de la raison, etc. Elle fait qu'en Afrique, on voit dans la victoire du Président l'oeuvre de ses marabouts et non les mécanismes de fraude électorale et de dictature mis en place. Si la religiosité africaine était comme lareligiosité américaine ou la « religion civique »413(*) qui a fait des USA la « Nouvelle Jérusalem » et des citoyens américains les « bénis de Dieu », avec pour mission de civiliser l'Humanité, elle serait un atout pour son émergence. Or, la religiosité africaine n'est rien d'autre que celle qui fait de l'Afrique le réceptacle des idéologies religieuses les plus démagogiques de ce monde, et en quête de marchés pour leur vulgarisation. Celle des sectes maçonniques et rosicruciennes, cellede l'islam violent, celledu pentecôtisme aliénant, celle du catholicisme dogmatique, etc. En ce sens, la mentalité religieuse africaine est un malheur et non une chance pour l'Afrique. En effet, si de l'immense richessedont dispose l'humanité (haute technologie, économie du savoir, énergie nucléaire, gratte-ciel etc.), la part de l'Afrique consiste en des croyances magico-religieuses, de quoi doivent se réjouirces millions d'africains sombrant chaque jour dans la famine, l'irrationalité, l'aliénation,la dictature, les guerres politico-religieuses, le SIDA, le chômage et l'analphabétisme ?

Dans cette perspective, l'Afrique en général et le Cameroun en particulier nécessite un vaste mouvement de laïcité ; une laïcisation qui permettra de relayer cette mentalité rétrograde à la sphère de la conscience individuelle, afin de laisser l'espace public à la pensée logique et à l'action rationnelle pour la construction d'une Afrique émergente et démocratique.

CONCLUSION

La présente recherche posait le problème de la participation différenciée et controversée de l'Eglise Catholique dans le processus démocratique au Cameroun. Nous sommes partis de l'évolution des positions de l'Eglise sur les questions de démocratie et des libertés humaines pour parvenir à cette question principale qui a constitué le fil d'Ariane de notre recherche : comment rendre compte de laparticipation différenciée et controversée de l'EgliseCatholique au processus démocratique au Cameroun, en dépit de sa volonté manifeste à contribuer à la construction de cette démocratie ?

Ce qui nous a conduits à l'analyse des différentes formes de sa participation politique, aussi bien celle de l'acteur institutionnel que celles des acteurs individuels que sont les clercs et les fidèles.

A cet effet, nous avons inscrit notre analyse principalement dans les champs de la sociologie politique, de la sociologie des religions et de la sociologie critique. Ce qui nous a permis de mettre en exergue les interrelations qui se tissent entre le politique et le religieux à travers les discours politico-religieux des acteurs catholiques. La sociologie critique a rendu possible la démystification des non-dits de cette participation et des formes d'aliénation politique et religieuse qui l'entravent. A partir de ces champs sociologiques, nous avons élaboré un cadre théorique constitué aussi bien des paradigmes interactionnistes et constructivistes que des théories de l'interactionnisme symbolique et du constructivisme social. A l'aide de ces théories, nous avons analysé de nombreux documents catholiques, les faits, dits et attitudes politiques d'un échantillon de 20 leaders sociaux (catholiques, politiques et civiles) et de 250 fidèles catholiques de Douala et de Yaoundé.

Cette analyse nous a conduits aux résultats que nous pouvons sommairement présenter de la manière suivante :

v A travers ses interactions avec le champ politique, l'institution ecclésiale ici en question parvient à produire un discours politico-religieux, dans le but de contribuer à la restructuration du jeu politique camerounais. C'est ce que traduisent les nombreuses lettres pastorales des évêques comme les autres documents officiels de l'Eglise en la matière. Dans le même sillage, les organisations catholiques, dont principalement Justice et Paix sont engagées auprès des autres organisations de la société civile pour la veille citoyenne. Cependant, cette participation institutionnelle de l'Eglise n'est pas parfaite mais limitée par les stratégies mises en oeuvre par celle-ci. En effet, voulant à la fois accompagner le processus et sauvegarder aussi bien ses rapports avec le régime monopolisateur en place que ses propres valeurs non démocratiques, celle-ci ne contribue qu'avec peu de zèle à la construction de la démocratie camerounaise.

Le type de rapport de l'institution à l'Etat est aussi déterminant pour l'orientation et l'intensité de cette participation. Si l'Eglise Catholique avait une participation plus prononcée au début des années 1990, c'est parce que la CENC était présidée par des évêques dit de l'opposition. Des évêques « Anglo-Bami » qui étaient par exemple le Cardinal Christian Tumi et Mgr André Wouking et dont les discours politiques étaient des discours de contestation. L'arrivé des « évêques du pouvoir » a donné à cette participation en cette dernière décennie une orientation qui va davantage dans le sens du soutien du pourvoir en place. Ce rapport de l'institution au pouvoir permet de rendre compte du caractère mitigé de la participation institutionnelle de l'Eglise.

v Dans la même perspective, la différenciation de la participation des clercs répond à la fois aux logiques d'actions qui les conduisent dans leurs trajectoires politiques, et aux contextes sociopolitiques à l'intérieur desquels s'inscrit cette participation. Au sujet des formes de rationalité, il existe d'une part des rationalités par rapport au but visé, à travers lesquels certains clercs orientent leur participation dans le sens du soutien du pouvoir en place. Ce qui se fait en vue de garder leur bonne collaboration avec celui-ci. Dans ce premier cas peuvent être classés des clercs tels que Mgr. Jean Zoa et Mgr.TonyeBakot, dont les discours politico-religieux sont favorables au régime en place. D'autres parts, il existe des rationalités par rapport aux valeurs que défendent les clercs catholiques. En référence au rôle « prophétique de l'Eglise », c'est-à-dire à ses fonctions tribuniciennes ; elles opposent dans la plupart des cas les clercs ici concernés au pouvoir politique. Dans cette deuxième catégorie sont classés les clercs tels Cardinal Christian Tumi, Samuel Kléda, Ludovic Lado, dont le discours-religieux revêt davantage un caractère de contestation du pouvoir politique.

En outre, ces rationalités sont socialement construites dans des contextes d'incitation politique et tribale différents. Par conséquent, ces contextes influencent leur formation ; selon qu'on est à Yaoundé qui est le siège des institutions politiques, ou plutôt à Douala, le fief de l'opposition. Ainsi, la participation politique des clercs est le produit d'un mélange des incitations sociales et des logiques d'action qui meuvent ceux-ci. Ce qui permet de comprendre que cette participation soit différente en fonction des clercs et de leur positionnement politique et tribal dans le champ sociopolitique.

v Concernant les attitudes des fidèles catholiques de la base vis-à-vis des préoccupations sociopolitiques de l'Eglise, leur manque de réappropriation de celles-ci s'explique par plusieurs facteurs. D'abord, les représentations de la chose politique par ceux-ci sont caractérisées par la désaffection qui traduit les attitudes politiques de l'ensemble de la société. Ceux-ci estiment en plus que la participation n'est pas une exigence de leur foi, mais peut néanmoins être admise comme un devoir civique. Leur connaissance des préoccupations sociopolitiques de l'Eglise est très limitée. Ce qui s'explique par la faiblesse de l'institution ecclésiale à diffuser l'enseignement social de l'Eglise. Elle s'explique également par le fossé qui sépare l'élite catholique dépositaire du savoir religieux de la masse des fidèles. Ce fossé rend difficile la transmission d'un discours du haut vers le bas. Leur perception de ces préoccupations sociopolitiques déjà peu connues est marquée d'un désintérêt, car ils se sentent moins concernés par celles-ci mais s'occupent davantage d'autres choses : la lutte pour la survie. C'est pourquoi, ils sont plus intéressés par un discours qui leur permet de protester contre la prégnance des réalités sociopolitiques asservissantes et de se mettre à l'abri de celles-ci. Les motivations de leur intégration religieuse sont davantage d'ordre spirituel et répondent à une logique de fuite du monde. Par conséquent, ayant perdu toute confiance dans le système politique et, en raison de la faiblesse de leur culture de participation, ils ont une participation politique très faible, qui ne fait pas d'eux des cas particuliers mais qui traduit le climat général de la société dans laquelle ils vivent.

Ainsi, l'Eglise Catholique n'a pas encore assuré une assez grande socialisation de ses fidèles de sorte que leurs comportements sociopolitiques en dépendent. Le catholicisme camerounais est encore un catholicisme de façade. C'est pourquoi le vécu de la foi catholique, loin d'être un idéal de vie, reste une ressource à laquelle l'on recourt, selon les circonstances.

Quant aux Mouvements d'Action Catholiques ou Association de base Catholique, leur participation politique est moins visible. Plus attachées aux préoccupations de spiritualité, celles-ci s'inscrivent dans des dynamiques de gestion psycho-spirituelles de la frustration perpétrée par la domination politique et de l'impact des crises sociopolitiques sur leur vécu. C'est ainsi que, dans ce milieu marqué d'un apolitisme relatif, les problèmes politiques sont convertis ou stigmatisés comme étant des problèmes spirituels que la vie du groupe consiste à résoudre. On a par conséquent à faire au péché et non pas directement à la corruption, la mal gouvernance, la domination politique etc.

Au vu de tout ceci, le rapport de ces résultats à nos hypothèses de départ est le suivant :

L'hypothèse générale était la suivante : « la participation des acteurs catholiques dans le processus démocratique est orientée par le champ de participation et les différentes formes de rationalité socialement construites, qui les motivent lors de leurs interactions de sens avec le champ politique».Au regard de tous ces résultatsprésentés ci-dessus, nous pouvons dire que cette hypothèse a été confirmée. 

L'hypothèse spécifique 1 était la suivante : « Le caractère mitigé de la participation de l'institution catholique au processus démocratique camerounais relève de son souci à contribuer à la restructuration du jeu politique camerounais tout en conservant son héritage culturel et les intérêts qu'elle tire de ses rapports harmonieux avec le pourvoir politique ». Au vu de nos résultats sur la participation institutionnelle de l'Eglise Catholique, il s'avère que l'hypothèse a été corroborée.

L'hypothèse spécifique 2 était la suivante : « Les interventions discordantes des clercs catholiques dans le processus démocratique camerounais sont orientées par les logiques d'actions de ceux-ci, et leurs rapports au champ politique avec lesquels ils interagissent ». Au vu de nos résultats sur les interventions discordantes des clercs catholiques dans le processus démocratique camerounais, il s'avère que cette hypothèse a été validée.

L'hypothèse spécifique 3 était la suivante : « Le manque d'adhésion des fidèles catholiques aux préoccupations sociopolitiques de l'Eglise s'explique par la construction par ceux-ci des rapports d'incompatibilité entre le politique et le religieux, dans un contexte de déficit de socialisation politique». Au vu de nos résultats sur les attitudes politiques des fidèles catholiques de la base, il s'avère que cette hypothèse a été validée.

Au bout du compte, à partir de ces résultats auxquels nous a conduit cette recherche, nous pouvons faire un certain nombre de recommandations en fonction des catégories d'acteurs politiques ou ecclésiales ici concernées par elle.

Ø Au Vatican,

Au regard de l'influence de l'autorité vaticane sur l'Afrique, nous recommandons au Vatican de mettre en place des stratégies efficaces de conversion du christianisme africain. De mettredes moyens multiformes (financier, politiques etc.) pour la vulgarisation de l'Enseignement Social de l'Eglise en milieu populaire catholique. Ceci, pourra se faire à travers l'organisation des campagnes de sensibilisation à cet effet, comme cela se fait abondamment pour la socialisation spirituelle.

Ø Au Clergé Catholique

Au haut clergé (les prélats), nous recommandons de renforcer leurs luttes pour la démocratie camerounaise, en élaborant un véritable programme d'action pour accomplir les fonctions tribuniciennes qui incombent à l'Eglise. En d'autres termes, il s'agit de l'élaboration d'un programme de restructuration systématique du jeu politique camerounais, à travers des prises de position ouvertes sur le processus en cours, et des actions de dénonciation des stratégies de destruction de la jeune démocratie camerounaise.

Au bas clergé (le clergé paroissial), nous recommandons la prise de conscience de la mission sociale de l'Eglise, de se former davantage sur la Doctrine Sociale de l'Eglise, d'intégrer dans leurs sermons d'Eglise la dimension sociopolitique du vécu de la foi catholique. Puisque la messe qu'ils président est le seul véritable rendez-vous où se rend la grande majorité des fidèles, elle serait le lieu indiqué pour les socialiser à l'Enseignement Social del'Eglise. C'est dont ils ont besoin pour la conversion des « structures de péchés»414(*)qui les a pris en otage et les asservissent.

Ø Aux fidèles catholiques

A ceux-ci nous proposons de sortir de leur logique de dualisme spirituel/temporel comme le recommande Vatican II415(*),afin d'accéder à une foi incarnée qui inclue à la fois la dimension spirituelle et la dimension sociopolitique du vécu chrétien ;de porter dans leurs associations de base (CEV, MAC etc.) des réflexions sur les enjeux sociopolitiques de la foi chrétienne. Ceci leur permettra de transformer leur société à partir de leurs valeurs chrétiennes, qui sont favorables pour la plupart, à l'avènement du bien commun, d'une société de «Justice, Paix et Réconciliation »416(*). En effet, la fuite du monde ne les soustraira jamais de la prégnance des réalités sociopolitiques brutales de leurs pays,comme l'a d'ailleurs reconnu l'Abbé J.M.Ela417(*). C'est pourquoi nous les invitons à s'engager dans un véritable combat de démocratisation de leur pays, parce qu'une véritable action politique de la masse de citoyens est plus à même de conduire un pays à des changements radicaux.

Ø A l'Etat Camerounais.

A l'Etat Camerounais, nous recommandons de remplir ses fonctions de socialisation politique de ses citoyens. Cette étude nous a en effet permis de mettre en exergue le déficit de socialisation politique de ces fidèles-citoyens. Or, il n'y a pas de démocratie sans citoyens responsables, et il n'y a pas de citoyens responsables sans une véritable culture de la participation. De même qu'il n'y a pas de culture de la participation sans socialisation politique. En outre, nous recommandons à l'Etat de respecter le principe de la laïcité à travers lequel la constitution du Cameroun préconise la distance des Eglises vis-à-vis de l'Etat. Il en va de la capacité de celles-ci à assurer leurs fonctions de contrepoids en vue d'un équilibre des forces dans la société et donc de l'avènement d'une véritable démocratie au Cameroun.

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M.E. OwonaNguini, Cameroun: autopsie d'un Etat naufragé- Le conservatisme politique du Renouveau: Entre instinct, intérêt, censure et expression, http://germinalnewspaper.com/index.php?option=com_content&, 27/03/2013, 15:04

Matt, Rationalité et esprit du capitalisme, http://www.skyminds.net/economie-et-sociologie/croissance-developpement, consulté le 17/03/2013 à 19:45

Pour une sociologie de l'univers politique http.\www.fortune city.com, le 26.06.12. 10 :49

Trillaud C., Leslogiques d'actions, www.enssib.fr/bibliotheque/documents/travaux/cdi2.pdf:, le 26.06.12. 10 :49

DOCUMENTS AUDIOS ET VIDEOS

Emission radio de Mgr. Samuel Kledacrtv, 15/11/11, 13 h20.

Emission télévision Equinoxe, 14/5/12, 21h21.

Journal Rfi, Cardinal Christian Tumi, http://www.rfi.fr, 12/02/13, 15h12

Support vidéo de l'atelier de formation des agents accompagnateurs du projet PPPE (Participation des Populations au Processus Electoral),Mai 2010.

AUTRES DOCUMENTS

Paul Biya, Constitution du Cameroun, Loi n° 96-06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 02 juin 1972, 1996, 19P.

J.B.Kenmogne et J. D.Nguebou, Rapport sur la situation des défenseurs des droits de l'Homme au Cameroun, Yaoundé, Renapddho, 2012, 26 P.

La Grande Palabre, Rapport de la conférence débat surle thème : La démocratie à l'épreuve d'un tribalisme multiforme, 2013, 14P.

LISTE DES ANNEXES

Annexe 1 : Cartes de la ville de Douala et de Yaoundé.

Annexe 2 :les photos de quelques clercs catholiques.

Annexe 3 : Liste des entretiens.

Annexe 4 : Le processus conduisant à la fuite du monde l'abstention politique des fidèles catholiques.

Annexe 5 : Protocole d'interview avec les leaders catholiques.

Annexe 6: questionnaire sur la participation politique des fidèles catholiques.

Annexe 7 : Protocole d'interview avec les autres acteurs du processus démocratique.

Annexe 8 :Lettre du père Ludovic Lado aux évêques du Cameroun.

ANNEXE 1 : CARTES DE LA VILLE DE DOUALA ET DE YAOUNDE

Fig.1.Carte de la ville de Douala

Fig.2.Carte de la ville de Yaoundé

ANNEXE 2 : LES PHOTOS DE QUELQUES CLERCS CATHOLIQUES.

251613184

251614208

Photo n°3 : Pape Jean Paul II, visite le Cameroun en 1985 et en 1995, où il présente l'exhortation apostolique post synodale Ecclésia in Afira.

Photo n°4 : Pape Benoit XVI, Visite le Cameroun en 2009, où il remet l'instrumentumlaboris pour la préparation de la 2e assemblée spéciale du synode pour l'Afrique.

251617280

251618304

Photo n°5 : Cardinal Christian Tumi, archevêqueémérite de Douala, ancien président la CENC.

Photo n°6 : Mgr. André Wouking, ancien archevêque de Yaoundé, ancien président de la CENC.

251621376

251622400

Photo n°7: Mgr. TonyeBackot. Ancien archevêque de Yaoundé, préside la CENC de 2003 à 2007.

Photo n°8 : Mgr. Jopseph. Archevêque de Bertoua, préside la CENC de 2007 à 2013

251624448

251625472

251626496

Photo n°9 : Mgr. Samuel Kléda. Archevêque de Douala, président de la CENC depuis Avril 2013.

Photo n°10 : Mgr. Antoine Ntalou. Archevêque de Garoua, Président de la Commission Episcopale Caritas et développement.

251629568

251630592

Photo n°12 : Mgr. Dieudonné Watio, Evêque de Bafoussam, membre du Conseil électoral (administration camerounaise)

Photo n°11 : Mgr. Joseph BefeAteba. Evêque de Kribi, Président du Conseil National de la Communication (administration camerounaise)

251633664

Photo n°13: P. LudovicLado. Ancien Vice-doyen de la Faculté des sciences sociales de L'UCAC, auteur de la lettre ouverte aux évêques du Cameroun, suite à la messe d'action de grâce pour la victoire du Président Paul Biya aux présidentielles de 2011.

ANNEXE 3 : LISTE DES ENTRETIENS CLES

ANNEXE 4 :fig.4: PROCESSUS CONDUISANT A LA FUITE DU MONDE ET L'ABSTENTION POLITIQUE DES FIDELES CATHOLIQUES DE DOUALA ET DE YAOUNDE

Institution

Acteurs

Actions

Structures de sa reproduction

objectifs

cibles

Facteurs favorables

Résultats

251661312251662336

251665408Eglise Catholique

251672576

251673600

251663360251664384Etat Camerounais

251666432Clercs catholiques

251683840

251684864

251669504Gouvernants du Cameroun

251667456

Endoctrinement par la catéchèse et les activités de spiritualité

251668480verrouillage du système politique, monopolisation de l'ensemble des sphères sociales

251685888Groupe de catéchèse, groupe de prière, sermon des clercs et imaginaires sociaux

251692032structures de péchés (corruption, fraude, mal gouvernance, etc.)

251687936

251688960

Aliénation religieuse

251691008

251689984

251686912Domination politique

251679744251670528

Fidèles catholiques

251675648

251674624

251677696

Citoyens camerounais

251682816251671552

Quête du sens de la vie

251676672

251678720

251693056

Paupérisation généralisée

251680768

survalorisation du salut éternel, dévalorisation de la praxis sociale et donc, abstention politique

251681792

ANNEXE 5 : PROTOCOLE D'INTERVIEW AVEC LES LEADERS CATHOLIQUES

251696128

Ministry Of Higher Education

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University of Douala

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Faculty of Arts and Social Sciences

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Department of Sociology

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SociologyLaboratory

Ministère de l'Enseignement Supérieur

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Université de Douala

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Faculté des Lettres et Sciences Humaines

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Département de Sociologie

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Laboratoire de Sociologie

ENQUETE DE TERRAIN POUR LA REDACTION D'UN MEMOIRE DE MASTER EN SOCIOLOGIE POLITIQUE

Thème : L'Eglise Catholique et le processus démocratique au Cameroun : Une analyse de la participation politique des archidiocèses de Douala et de Yaoundé

PROTOCOLE D'INTERVIEW AVEC LES LEADERS CATHOLIQUES

Par : Magloire Ndongmo

Dans le but d'analyser la participation de l'Eglise Catholique dans le processus de construction de la démocratie camerounaise, nous sollicitons cet entretien avec vous ; question de recueillir les informations relatives à ce sujet. Nous vous garantissons de la confidentialité de vos affirmations, et vous remercions d'avance pour votre collaboration.

FICHE SIGNALETIQUE

Nom : (facultatif)  Genre :

Fonction : Statut dans l'Eglise : Région d'origine :

AXE I : LA PARTICIPATION INSTITUTIONNELLE DE L'EGLISE DANS LE PROCESSUS DEMOCRATIQUE AU CAMEROUN

1.1. Que pensez-vous de l'état actuel de la démocratie (bonne gouvernance, élections transparentes etc.) au Cameroun ?

1.2. Que fait l'Eglise pour accompagner le processus démocratique au Cameroun (parlez-nous de quelques une de ses actions pendant ces dix dernières années)

1.3. Que pensez-vous de la compatibilité des libertés civiles et politiques (libertés d'expressions, d'association, etc.) avec les valeurs catholiques ?

AXE II : LA PRODUCTION DISCURSIVE DU CLERGE DANS LE DEBAT PUBLIQUE CAMEROUNAIS

2.1.Parlez-nous des prises de positions des clercs catholiques sur la vie politique du Cameroun.

2.2. Cette intervention dans le débat publique camerounais contribue-t-elle à construction de la démocratie au Cameroun ? Pourquoi ?

2.3.Que fait l'Eglise pour la vulgarisation des préoccupations sociopolitiques en milieu Catholique, pour une grande implication des laïques dans le processus de construction de la démocratie Camerounais ?

2.4.Quelle est votre appréciation des prises de positions discordantes des clercs catholiques sur la vie politique du Cameroun?

AXE III : LA PARTICIPATION DES ORGANISATIONS CATHOLIQUES DANS LE PROCESSUS DEMOCRATIQUE CAMEROUNAIS

3.1. Parlez-nous de l'action de justice et Paix dans ce processus démocratique camerounais

3.2. Que font les Communautés Ecclésiales Vivante (CEV) pour accompagner les chrétiens de la base dans leurs préoccupations sociopolitiques ?

3.3. Quel est le rôle des médiats Catholiques dans ce processus de démocratisation du Cameroun ?

Nous vous remercions une fois de plus pour votre collaboration.

ANNEXE 6: QUESTIONNAIRE SUR LA PARTICIPATION POLITIQUE DES FIDELES CATHOLIQUES

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Laboratoire de Sociologie

ENQUETE DE TERRAIN POUR LA REDACTION D'UN MEMOIRE DE MASTER EN SOCIOLOGIE POLITIQUE

Thème : L'Eglise Catholique et le processus démocratique au Cameroun : Une analyse de la participation politique des archidiocèses de Douala et de Yaoundé

QUESTIONNAIRE SUR L'ENGAGEMENT POLITIQUE DES FIDELES CATHOLIQUES DE DOUALA ET DE YAOUNDE

Par : Magloire NDONGMO

Dans le but d'analyser la participation de l'Eglise Catholique dans le processus de construction de la démocratie camerounaise, nous vous soumettons ces questions en vue de recueillir les informations relatives à ce sujet. Nous vous garantissons de la confidentialité de vos affirmations, et vous remercions d'avance pour votre collaboration.

N.B. cochez la bonne case(?)

1. FICHE SIGNALETIQUE

1. 1. Sexe : masculin ? féminin?

1. 2. Tranche d'âge : 20 à 30ans ?31 à 40ans ?41 à 50ans ?51 à 60ans ?61 et plus ?

1. 3. Niveau d'étude : primaire?secondaire 1er cycle ?Secondaire 2nd cycle ?Supérieur?

1.6. Catégorie socioprofessionnelle :employé?employeur?cadre?Sans emploie?autres?

1.5. Fréquence à la messe : journalière?hebdomadaire?annuelle?occasionnelle?

1.8. Paroisse......................................................

1.4.Votre Mouvement (groupe) dans l'Eglise : ........................................ Aucun?

1.7. Région d'origine :...........................................

2. LES REPRESENTATIONS DU CHAMP POLITIQUE CHEZ LES FIDELES CATHOLIQUES

2.1. Comment jugez-vous l'état actuel de la démocratie au Cameroun ?

a) Très bien ? b) bien ? c) passable ? d) mal ? e) très mal ?

2.2. Que pensez-vous de la politique ?

a) Une bonne chose ? b) une mauvaise chose? c) ça dépend ?

2.3. S'engager dans la politique peut-il servir à changer votre pays ?

a) Non ça ne sert à rien? b) Oui certainement ? c) Oui mais difficilement ?

2.4. Qui peut apporter des changements dans votre pays ?

a) Les hommes politiques seulement ?b) Les citoyens ? c) Les hommes politiques et les citoyens ?

2.5. Comment jugez-vous l'action des hommes politiques de votre pays ?

a) Bonne ? b) passable ? c) Mal ? d) Très mal ?

3. RECEPTION ET PERCEPTION DES PREOCCUPATIONS SOCIOPOLITIQUES DE L'EGLISE

3.1. Foi et politique sont-elles compatibles ? a) OUI? b)NON ?

3.2.L'engagement politique est-il à votre avis un devoir pour le chrétien ? a)Oui?b)Non ?

3.3. Avec quelle fréquence suivez-vous ces médias catholiques?Cocher la bonne case avec une croix (x)

L'effort camerounais

Le lien NkengShalom

Horizons Diocésains

Radio Veritas

Radio jeunesse

a)régulièrement

a)régulièrement

a)régulièrement

a)régulièrement

a) régulièrement

b) Par occasion

b) Par occasion

b) Par occasion

b) Par occasion

b) Par occasion

c) Jamais

c) Jamais

c) Jamais

c) Jamais

c) Jamais

d) je la connais pas

d) je la connais pas

d) je la connais pas

d) je la connais pas

d) je la connais pas

3.4. Par quels moyens êtes-vous informer des interventions des évêques sur la vie politique du Cameroun?

a)à l'église ? b) dans la rue ? c)par les médiats catholiques?

d)par les médias publics ou non catholiques ? e)je ne les suis jamais?

3.5. Etes-vous au courant que les évêques insistent pour que les chrétiens s'engagent dans la vie politique  de leur pays ? a) OUI? b) NON?

3.6. Que pensez-vous de ces interventions des évêques sur la vie politique du Pays ?

a)Ça fait avancer la démocratie?b)ça ne peut rien changer ?c)ça ne les regarde pas ?

3.7. Qu'attendez-vous que l'Eglise  face pour vous et pour votre pays?

a) Une aide spirituelle seulement?b) une aide spirituelle et sociale?c) une aide spirituelle et sociopolitique?

4. LA PARTICIPATION POLITIQUE DES FIDELES CATHOLIQUES

4.1. Etes-vous membre ou sympathisant d'un parti politique ou d'une ONG ?

a)Oui je suis membre d'un parti? b)Oui je suis sympathisant d'un parti ?

a)Oui je suis membre d'une ONG ? c)Non aucun?

4.2. Etes-vous inscrit sur les listes électorales (biométriques)?

a)Non? b)Oui? c)Jamais fait?

4.3. A laquelle de ces élections avez-vous voté?

  a)législatives et municipales 2002 ?b) présidentielles 2004?

c)législatives et municipales2007 ?d)présidentielles 2011 ?e)aucune?

4.4.Suivez-vous souvent des émissions radio ou télévisées portant sur la politique ?

a)régulièrement ?b)Occasionnellement?c)jamais?

4.5.Laquelle de ces structures catholiques connaissez-vous ?

a)Justice et Paix ?b)Jeunesse Ouvrière Catholique ?c) les groupes du Sacré Coeur ?

d)Le renouveau charismatique? e)la CEV (Communauté Ecclésiale Vivante) ?

4.6. Avez-vous déjà pris part aux ateliers, conférences ou séminaires organisée à ou par l'Eglise, ou par Justice et Paix sur la société ou sur la politique ?

a) Oui plusieurs fois?b)Oui une foi? c) Non pas encore ?c)Non jamais entendu?

4.7.Avez-vous déjà pris part à une campagne d'évangélisation, une retraite spirituelle, récollection ou autre sensibilisation sur la foi organisée à ou par l'Eglise (catholique)?

a) Oui plusieurs fois?b)Oui une foi? c) Non pas encore ?c)Non jamais entendu?

Nous vous remercions une fois de plus pour votre collaboration.

ANNEXE 7 : PROTOCOLE D'INTERVIEW AVEC LES AUTRES ACTEURS DU PROCESSUS DEMOCRATIQUE

Ministry Of Higher Education

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Département de Sociologie

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Laboratoire de Sociologie

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ENQUETE DE TERRAIN POUR LA REDACTION D'UN MEMOIRE DE MASTER EN SOCIOLOGIE POLITIQUE

Thème : L'Eglise Catholique et le processus démocratique au Cameroun : Une analyse de la participation politique des archidiocèses de Douala et de Yaoundé

PROTOCOLE D'INTERVIEW AVEC LES AUTRES ACTEURS DU PROCESSUS DEMOCRATIQUE

Par : Magloire Ndongmo

Dans le but d'analyser la participation de l'Eglise Catholique dans le processus de construction de la démocratie camerounaise, nous sollicitons cet entretien avec vous ; question de recueillir les informations relatives à ce sujet. Nous vous garantissons de la confidentialité de vos affirmations, et vous remercions d'avance pour votre collaboration.

FICHE SIGNALETIQUE

Noms (facultatif) : Organisation :

1. Que pensez-vous de l'état actuel de la démocratie (bonne gouvernance, élections transparentes etc.) au Cameroun ?

2. Au nombre des acteurs de la société civile impliqués dans le processus démocratique camerounais, figure en bonne place l'Eglise Catholique. Quel rôle à votre avis y joue-t-elle? Et qu'en pensez-vous ?

3. Parlez-nous des prises de position des clercs catholiques sur la vie politique du Cameroun.

4. Quelles sont les réactions de votre organisation aux interpellations de ces clercs catholiques

5. Parlez-nous de vos rapports avec les acteurs catholiques dans le processus démocratique.

6. Quels sont vos attentes au sujet de la participation de l'Eglise Catholique au processus démocratique au Cameroun ?

Nous vous remercions une fois de plus pour votre collaboration.

ANNEXE 8 : LETTRE DU PERE LUDOVIC LADO AUX EVEQUES DU CAMEROUN

Messeigneurs,

Je vous prie d'abord de ne pas vous offusquer de ce qu'un de vos fils, un simple prêtre, vous écrive par ce canal, et sur un ton auquel vous n'êtes pas habitués.

Ce n'est point par manque de respect à l'égard de la hiérarchie ecclésiale, mais bien au nom de l'évangile de Jésus Christ que, d'ailleurs, vous connaissez mieux que moi, et dont nous sommes tous censés témoigner dans ce pays qu'est le Cameroun. Vous m'excuserez aussi de généraliser, c'est pour les besoins de la cause. Comme vous le savez, les Camerounais, et pas seulement les chrétiens catholiques, attendent de vous un leadership prophétique dans ce pays malade d'injustices multiformes. Mais, que nous servez-vous depuis près de deux décennies sur la scène publique ? De l'incohérence et de la cacophonie ! Je m'explique.

Il y a une dizaine de jours, alors que je prenais part à une rencontre sur les conditions de possibilité de la renaissance de la démocratie au Cameroun, il a été question à un moment dans les échanges de la mobilisation de toutes les forces démocratiques au Cameroun. Un des participants a évoqué la nécessité de travailler avec les forces religieuses, y compris la Conférence Episcopale Nationale du Cameroun. Un autre, intellectuel Camerounais dont on connait la force des convictions souvent relayées par les médias, a rétorqué avec un brin d'humour : « La Conférence épiscopale est devenue la énième section du RDPC ». Cette remise en cause de la neutralité de la hiérarchie de l'Eglise catholique dans le jeu politique entre le parti au pouvoir et l'opposition camerounaise, m'a donné à réfléchir, car elle rejoignait certaines de mes préoccupations.

La présente lettre ouverte, provocatrice à dessein, nous permettra, je l'espère, d'ouvrir un débat sur le positionnement de l'Eglise catholique sur la scène publique au Cameroun. Je souhaite, en effet, qu'elle soit inscrite au registre d'un débat d'idées pouvant améliorer la contribution de l'Eglise catholique à l'assainissement de la pratique politique au Cameroun, aussi bien dans les milieux du pouvoir en place que ceux de l'opposition. Car il n'y a pas de véritable démocratie sans une véritable opposition. Je parle de débats d'idées, parce que, après tout, nous sommes à l'école de la démocratie. Et quand les évêques se mêlent de la politique ou de la chose publique, ils doivent accepter de laisser l'argument d'autorité à la sacristie pour s'ouvrir au débat d'idées qui permet de construire la cité, surtout qu'ils sont pour la plupart des intellectuels.

Je sais que certains d'entre vous n'ont pas apprécié l'une de mes récentes sorties médiatiques où je formulais quelques réserves sur l'opportunité de la nomination de deux évêques à des fonctions publiques, l'un à ELECAM et l'autre au Conseil Constitutionnel. Permettez, messeigneurs, de préciser, qu'en réalité, je n'étais pas contre le principe d'une telle implication. J'avais simplement un problème avec le timing ! Pendant sept ans, vous avez observé, comme moi, le Parti-Etat utiliser les voies légales pour faire reculer notre jeune démocratie. Comme corps, vous n'avez jamais dit un seul mot publiquement pour soutenir l'opposition, certes morbide, et la société civile qui s'évertuaient à demander un système électoral plus équitable, notamment le scrutin à deux tours ainsi que le bulletin unique. Vous avez préféré garder le silence pour ne pas gêner le régime en place où certains d'entre vous ont de précieuses et généreuses relations.

Vous auriez pu vous taire sur toute la ligne, que l'on vous aurait reproché seulement l'indifférence. Mais vos récentes sorties médiatiques ont prouvé qu'il s'agissait bien d'un silence très éloquent. Que nous dit-il, ce silence stratégique ? Notez bien que c'est à deux mois d'une élection visiblement mal préparée que vous adressez une lettre pastorale aux Camerounais où vous les invitez à s'inscrire sur les listes électorales et à aller voter, sans jamais poser véritablement le problème de l'iniquité du système électoral en vigueur. Vous faites, certes, des recommandations allant dans le sens du progrès de la démocratie, mais trop tard. Par ailleurs, vous n'avez pas manqué de reprendre en refrain le discours de campagne du parti au pouvoir sur la paix, lequel était devenu un véritable chantage. La paix à tout prix, oui la paix, même au prix de la démocratie. Et pourtant le magistère social de l'Eglise catholique que nous avons tous étudié nous rappelle qu'il n'y a pas de véritable paix sans justice. Si vous voulez vraiment une paix durable au Cameroun, engagez-vous pour la justice et payez-en le prix ! Le Maître nous dit: «Heureux les persécutés pour la justice, le Royaume des Cieux est à eux » (Mt 5, 10).

Pendant la campagne et pendant les élections, vous avez gardé le silence, comme si tout allait bien. Pourtant on voyait bien venir la mascarade. Comme par le passé, le parti-Etat a mis les ressources étatiques au service du RDPC, en mobilisant les hauts cadres de l'administration pour sa campagne. Mais après les élections, le 20 octobre, vous avez de nouveau réagi, avec une célérité étonnante, en appelant les Camerounais à rester sourds à l'appel des leaders d'opposition qui invitaient à des manifestations de rue pour protester contre les résultats qui se profilaient à l'horizon. Entre autres, vous avez dit : « tout mot d'ordre de manifestation donné par les leaders de certains partis politiques est irresponsable » ou encore « la force de frappe du votant, c'est le bulletin de vote. Le choix des électeurs se passe dans les bureaux de vote et non dans la rue. C'est un combat des urnes et non un combat de rue».

Parlant d'irresponsabilité, Messeigneurs, c'est facile pour vous de qualifier ainsi l'opposition. Mais vous semblez ne pas voir que c'est le bâclage de l'organisation des élections qui est vraiment irresponsable. Ça fait sept ans qu'on sait qu'il y aura élections présidentielles en 2011, mais on les a quand même précipitées, exposant le Cameroun à la violence. Voilà la vraie irresponsabilité, et vous devez le dire au chef de l'Etat. Mais vous avez préféré le silence, un silence très éloquent. Venons-en maintenant aux urnes et à la rue. N'oubliez pas que les gens en viennent à la rue parce que chez nous, le combat des urnes est encore une farce. La récente présidentielle l'a encore démontré. L'un de vous, l'un des rares à avoir encore le courage de la vérité, le confirmait encore récemment dans une interview sur les ondes de RFI : « Selon le rapport que j'ai reçu des observateurs catholiques, il me dit qu'il faut qualifier ces élections, ce scrutin, comme une mascarade électorale. Ce sont eux qui étaient sur le terrain, et ils étaient agréés par l'Etat. » Pourtant, on n'a pas senti dans votre déclaration postélectorale un brin de sympathie pour l'opposition ainsi que pour tous ces milliers de Camerounais frustrés par les travers de notre système électoral. En fait, vous invitiez les Camerounais à accepter les résultats, quels qu'ils soient, au profit de la paix. Quelle paix ?

Et comme si cela ne suffisait, vous voilà au lendemain des résultats dans les couloirs du palais pour célébrer la victoire, la victoire d'un système injuste sur la soif de justice du peuple camerounais. Mais la cerise sur gâteau aura été la célébration oecuménique à la cathédrale de Yaoundé au lendemain de la prestation de serment. Dans une liturgie fabriquée de toutes pièces, on a vu la crème de la hiérarchie catholique introniser le prince. On se croirait au moyen âge où les évêques intronisaient les rois. Messeigneurs, depuis quand êtes-vous aumôniers de la Présidence de la République du Cameroun ? Et à supposer que vous l'étiez, la neutralité politique de l'Eglise aurait demandé un minimum de réserve et de discrétion dans un contexte comme le nôtre où les Camerounais sont divisés sur la légitimité de la victoire de votre protégé. Mais cette liturgie concoctée pour la circonstance était retransmis en direct par les médias d'Etat tout aussi pris en otage par le parti-Etat. Avions-nous vraiment besoin de cette mise en scène ? Je me demande ce que vous avez demandé à Dieu dans vos prières. Certainement la paix, oui encore la paix. Mais voyons, Dieu ne peut pas nous donner la paix sans justice. Dieu ne peut pas écouter ces prières si vous ne dites pas la vérité au Président de la République sur les injustices de son régime. Les Camerounais souffrent. Regardez seulement nos écoles et nos hôpitaux, si vous vous y soignez. Vous aurez beaucoup à lui dire sur les milliards qu'on dépense sous ce régime pour des futilités ou qu'on détourne impunément.

Messeigneurs, que l'on se comprenne bien : je ne suis pas contre le principe de prier pour un chef d'Etat, qu'il soit démocrate ou pas. Tout être humain a droit aux prières et st Paul, qui a témoigné de l'Evangile à une époque où l'Eglise était particulièrement persécutée par les dirigeants politiques, le recommande vivement : « J'insiste avant tout pour qu'on fasse des prières de demande, d'intercession et d'action de grâce pour tous les hommes, pour les chefs d'État et tous ceux qui ont des responsabilités, afin que nous puissions mener notre vie dans le calme et la sécurité, en hommes religieux et sérieux. Voilà une vraie prière, que Dieu, notre Sauveur, peut accepter, car il veut que tous les hommes soient sauvés et arrivent à connaître pleinement la vérité. » (1Tm2, 1-4) Mais cette charité spirituelle doit se déployer sur fond de vérité sur les injustices dont souffrent les Camerounais. Car nous vivons sous un régime subtilement violent qui a réussi à avilir les cadres de l'administration publique en en faisant les esclaves du système. Alors, ils ne sont plus au service d'un pays, mais d'un système, d'un parti, d'un homme qui les fait et les défait à volonté. On ne peut pas bâtir un pays avec des esclaves.

Messeigneurs, rappelez-vous souvent qu'aux postes de responsabilité que vous occupez, vous représentez une institution, l'Eglise catholique ainsi traînée dans la boue. Il est temps que vous preniez vos distances par rapport à tout régime politique, celui d'aujourd'hui et ceux à venir, pour assumer votre fonction prophétique que nous rappelle le prophète Jérémie en ces termes : « Chaque fois que j'ai à dire la parole, je dois crier, je dois proclamer : `Violence et pillage !' A longueur de journée, la parole du Seigneur attire sur moi l'injure et la moquerie. Je me disais : `Je ne penserai plus à lui, je ne parlerai plus en son nom.' Mais il y avait en moi comme un feu dévorant, au plus profond de mon être. Je m'épuisais à le maîtriser, sans y réussir » (Jr 20, 8-9).

Messeigneurs, sachez que vos incohérences cacophoniques sur la scène publique embrouillent et divisent les chrétiens. Je vous prie de revoir votre manière de naviguer entre Dieu et César. C'est désastreux pour notre Eglise. Je ne saurais terminer sans m'excuser de vous avoir agacé avec cette imposture. Je vous prie de croire en ma bonne foi. Et si je me trompe, n'hésitez pas à me corriger dans ce débat d'idée que je lance sur le rôle du clergé catholique dans le progrès de la démocratie au Cameroun. Que Dieu bénisse le Cameroun et ses dirigeants politiques et religieux !

TABLE DES MATIERES

DEDICACE..................................................................................................................................2

REMERCIEMENTS...................................................................................................................3

SOMMAIRE ..................................................................................................4

RESUME ......................................................................................................5

ABSTRACT .......................................................................................................6

LISTES DES SIGLES ET ABREVIATIONS ..........................................................7

LISTES DESTABLEAUX, FIGURES, GRAPHIQUES ET PHOTOS ...............................9

EPIGRAPHE ...............................................................................................12

INTRODUCTION 13

PARTIE 1 : CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE DE LA RECHERCHE 20

CHAPITRE 1 : CONSTRUCTION DE LA PROBLEMATIQUE DE L'ETUDE ET REVUE DE LA LITTERATURE 21

1.1. LA CONSTRUCTION DE LA PROBLEMATIQUE DE L'ETUDE 21

1.1.1. LECONSTAT DE LA RECHERCHE 21

1.1.2. LE PROBLEME DE RECHERCHE 24

1.2. LA REVUE DE LA LITTERATURE 25

1.2.1. LE POINT DES TRAVAUX RELATIFS A LA PARTICIPATION DE L'EGLISE CATHOLIQUE AU PROCESSUS DEMOCRATIQUE 25

1.2.1.1. Les travaux relatifs à la participation politique 25

1.2.1.2. Le point des connaissances sur le processus démocratique 26

1.2.1.3. Le point des travaux sur le rapport religion/participation politique 28

1.2.1.4. Revue des travaux sur le rapport Eglise/démocratie 31

1.2.2. L'ANALYSE CONCEPTUELLE 32

1.2.2.1. Le processus démocratique 33

1.2.2.2. La participation politique 34

1.2.2.3. L'Eglise Catholique 35

CHAPITRE 2: LA CONSTRUCTION DU CADRE THEORIQUE ET L'ELABORATION DE LA METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE 38

2.1. LA MOBILISATION DES CHAMPS SOCIOLOGIQUES 38

2.1.1. La sociologie politique 38

2.1.2. La sociologie des religions 38

2.1.3. La sociologie critique 39

2.2. LA CONSTRUCTION DU CADRE THEORIQUE DE LA RECHERCHE 39

2.2.1. Les paradigmes interactionnistes et constructivistes 40

2.2.2. Les interactions de sens des acteurs catholiques avec le champ de démocratisation camerounaise. 40

2.2.3. La construction sociale de la participation de l'Eglise catholique dans le processus démocratique camerounais. 42

2.3. L'ELABORATION DE LA METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE 44

2.3.1. La construction des hypothèses 45

2.3.1.1. L'hypothèse générale 45

2.3.1.2. Les hypothèses spécifiques 45

2.3.2. Les objectifs de la recherche 46

2.3.2.1. L'objectif général 46

2.3.2.2. Les objectifs spécifiques 46

2.3.3. La méthode de recherche 46

2.3.4. La délimitation du terrain de recherche 48

2.3.5. La population et échantillon de l'étude. 49

2.3.6. LES OUTILS DE COLLECTE DES DONNEES 52

2.3.6.1. La recherche documentaire 52

2.3.6.2. Les entretiens individuels 53

2.3.6.3. L'enquête par questionnaire 53

2.3.7. LA METHODE D'ANALYSE DESDONNEES 54

2.3.8. LES DIFFICULTES RENCONTREES 55

2.3.9. LIMITES DE LA RECHERCHE 56

PARTIE 2 : L'ANALYSE DE LA PARTICIPATION DIFFERNECIEE DE L'EGLISE CATHOLIQUE DANS LE PROCESSUS DEMOCRATIQUE AU CAMEROUN 57

CHAPITRE 3 : ANALYSE DU CONTEXTE DE DEMOCRATISATION ET PROBLEMATIQUE DE L'INTERVENTION DE L'EGLISE DANS LE CHAMP SOCIOPOLITIQUE CAMEROUNAIS 58

3.1. L'ANALYSE DU CONTEXTE DE DEMOCRATISATION DU CAMEROUN 58

3.1.1. Une brève histoire de la démocratisation du Cameroun 59

3.1.1.1. Les luttes indépendantistes camerounaises 59

3.1.1.2. Le monolithisme politique au Cameroun 60

3.1.1.2.1. Le régime politique d'Ahmadou Ahidjo et l'instauration du monolithisme 61

3.1.1.2.2. Le régime politique de Paul Biya et la pérennisation du monolithisme. 62

3.1.1.3. L'ouverture démocratique de 1990 63

3.1.2. LES FACTEURS CONTEXTUELS DU PROCESSUS DE DEMOCRATISATION DU CAMEROUN 64

3.1.2.1. Le contexte socioéconomique : la prégnance de la précarité économique 65

3.1.2.2. Le contexte culturel : déficit d'ancrage culturel de la démocratie 66

3.1.2.3. Le contexte politique : déséquilibre du poids politique des acteurs 68

3.1.2.4. Le contexte religieux : la revanche de Dieu 70

3.2. LA PRESENTATION DE L'EGLISE CATHOLIQUE DU CAMEROUN 71

3.2.1. L'archidiocèse de Yaoundé 71

3.2.2. L'archidiocèse de Douala 72

3.2.3. La Conférence Episcopale Nationale du Cameroun 72

3.3. L'ANALYSE DE LA PROBLEMATIQUE DE L'INTERVENTION DE L'EGLISE DANS LE CHAMP POLITIQUE CAMEROUNAIS. 73

3.3.1. Du principe de la laïcité 73

3.3.2. De la laïcité au Cameroun 75

3.3.3. L'Eglise Catholique et la laïcité au Cameroun 77

3.3.4. L'Eglise Catholique et la démocratie : un bref aperçu historique 78

CHAPITRE 4: UNE PARTICIPATION MITIGEE DE L'INSTITUTIONCATHOLIQUE DANS LE PROCESSUS DEMOCRATIQUE CAMEROUNAIS 85

4.1. L'ACTION INSTITUTIONNELLE DE L'EGLISE POUR LA RESTRUCTURATION DU JEU POLITIQUE CAMEROUNAIS 86

4.1.1.L'EGLISE UNIVERSELLE ET LA DEMOCRATISATION CAMEROUNAISE 86

4.1.1.1. Jean Paul II : L'invitation à la démocratisation 86

4.1.1.2. Benoit XVI : l'appel à la réflexion sur la vie politique. 88

4.1.1.3.Le Conseil Pontifical Justice et Paix et la promotion de la démocratie en Afrique 89

4.1.2. LES LETTRES PASTORALES DE LA CENC SUR LA VIE SOCIOPOLITIQUE CAMEROUNAISE 90

4.1.2.1. Lettre pastorale des évêques sur la crise économique dont souffre le pays (1990) 90

4.1.2.2. Lettre pastorale des évêques du Cameroun aux chrétiens et à tous les hommes de bonne volonté sur le tribalisme (1996) 93

4.1.2.3. La lettre pastorale des évêques à tous les fidèles et tous les citoyens de bonne volonté sur le droit et le devoir de vote (2004) 94

4.1.2.4. La lettre pastorale des évêques du Cameroun à l'occasion de l'élection présidentielle de 2011 95

4.1.3. LES ORGANISATIONS CATHOLIQUES ET LA VEILLE CITOYENNE AU CAMEROUN 96

4.1.3.1. « Justice et Paix » dans le Processus démocratique au Cameroun 96

4.1.3.1.1. L'observation des élections par « Justice et Paix » 97

4.1.3.1.2. La proposition d'un code électoral par Justice et Paix 99

4.1.3.1.3. « Justice et Paix » et la lutte contre la corruption 99

4.1.3.1.4. Justice et Paix et la défense des droits de l'homme 100

4.1.3.1.5. « Justice et Paix » et l'éducation à la citoyenneté 100

4.1.3.2. LES AUTRES TRUCTURES CATHOLIQUES DANS LE PROCESSUS DEMOCRATIQUES CAMEROUNAIS 103

4.1.3.2.1. Les médias catholiques 103

4.1.3.2.2. Les ONG Catholiques non Camerounaises 105

4.2. LES FACTEURS DECONTRADICTION DE LA PARTICIPATION INSTITUTIONNELLE DE L'EGLISE CATHOLIQUE AU PROCESSUS DEMOCRATIQUE CAMEROUNAIS 106

4.2.1.LE SOUCI DE SAUVEGARDE DE L'HERITAGE CULTUREL DE L'EGLISE 106

4.2.1.1. La théologie de la charité et les libertés démocratiques 107

4.2.1.2. Le défaut de démocratie dans l'Eglise : un obstacle à l'action de l'Eglise pour la démocratisation 110

4.2.2. LE SOUCICONSTANT DE SAUVEGARDE DES RAPPORTS DE L'INSTITUTION AVEC LE POUVOIR POLITIQUE 112

4.2.2.1. L'autorité vaticane et l'Etat camerounais : deux partenaires fidèles du processus de démocratisation camerounais. 112

4.2.2.2. La CENC et l'Etat camerounais : Une collaboration harmonieuse dans le processus démocratique camerounais 113

4.2.2.3. Les organisations catholiques et le pouvoir politique camerounais : entre subordination et action de veille citoyenne 115

CHAPITRE 5: UNE INTERVENTION DISCORDANTE DES CLERCS CATHOLIQUES DANS LE CHAMP DE DEMOCRATISATION DU CAMEROUN 118

5.1. L'absence d'une ligne de conduite politique dictée par l'église sur l'action de démocratisation 118

5.2. Les formes de rationalité cléricales : moteur de la divergence des agir politiques des clercs dans le champ de démocratisation camerounaise 120

5.2.1. Les rationalités par rapport au but visé. 121

5.2.2. Les rationalités par rapport aux valeurs 124

5.3. L'influence des contextes sociopolitiques sur les comportements politiques contrastés des clercs catholiques 127

5.3.1. L'influence du contexte sociopolitique de Douala 127

5.3.2. L'influence du contexte sociopolitique de Yaoundé 129

5.4. Les logiques tribales d'action cléricales et les types de rapport au pouvoir 130

5.4.1. Les logiques tribales d'action cléricales 131

5.4.2. Les types de rapport au pouvoir 133

5.5. La responsabilité de l'Etat dans la discordance de l'action politique des Clercs catholiques 134

5.5.1. Les disparités des allocations de financement des structures catholiques 135

5.5.2. La nomination des prélats Catholiques dans l'administration Biya : une source de discordance 136

CHAPITRE 6: FIDELES CATHOLIQUES ET PARTICIPATION DE L'EGLISE AU PROCESSUS DEMOCRATIQUE CAMEROUNAIS 138

6.1. LES REPRESENTATIONS DU CHAMP POLITIQUE PAR LES FIDELESCATHOLIQUES DE DOUALA ET DE YAOUNDE 139

6.1.1. Les représentations de la politique et des Hommes politiques 139

6.1.2. Les représentations de la participation politique 141

6.1.3. La Foi et la participation politique 143

6.2. LA RECEPTION ET LA PERCEPTION DES PREOCCUPATIONS SOCIOPOLITIQUES DE L'EGLISE PAR LES FIDELES CATHOLIQUES DE DOUALA ET DE YAOUNDE 144

6.2.1. La réception de l'enseignement social de l'Eglise par les fidèles catholiques 144

6.2.2. La perception de l'enseignement social de l'Eglise par les fidèles catholiques 149

6.3. LA PARTICIPATION POLITIQUE DES FIDELES CATHOLIQUES DE DOUALA ET DE YAOUNDE 152

6.3.1. L'intérêt politique chez les fidèles catholiques 153

6.3.2. Les inscriptions sur les listes électorales 154

6.3.3. Le vote des fidèles catholiques 155

6.3.4. Les fidèles catholiques et l'engagement partisan 157

6.4. La participation des Communautés Ecclésiales Vivantes 157

6.5. Les enjeux sociopolitiques de la foi chez les fidèles catholiques de Douala et de Yaoundé. 161

CONCLUSION............................................................................................150

BIBLIOGRAPHIE 170

ANNEXES.................................................................................................162

TABLE DES MATIERES 195

* 1 F. EboussiBoulaga, la démocratie de transite, Paris, Harmattan, 1997, 456 P. ; Z. Ngnigman, Cameroun, la démocratie emballée, Yaoundé, Clé, 1993, 315 P.

* 2S. C., Abega, Société civile et réduction de la pauvreté, Ed., Clé, Yaoundé, 1999, P.6.

* 3 D.Philpott montre en effet que, Catholicisme et démocratie s'étant violement heurtés sur les principes démocratiques, l'Eglise et l'Etat démocratique ont fini par s'accepter mutuellement à travers cet accord qu'Alfred Stephan nomme « double tolérance»: L'Etat reconnait à toutes les Eglises le droit de pratiquer et d'exprimer sa foi et de participer à la vie politique ; pareillement, les Eglises, notamment l'Eglise catholique) reconnaissent la liberté religieuse des citoyens de toutes confessions ( et sans confession) et ne revendiquent aucun privilège constitutionnel d'aucune sorte. Les religions du monde et la démocratie, PP.147-148.

* 4 J.- I. Calvez et H. Tincq, l'Eglise pour la démocratie, Paris PUF,1992, P.07.

* 5 Jean Paul II, Encyclique Centesimusannus, 46: AAS 83 (1991) 850.

* 6 D. Philpott, «la vague catholique», in «les religions du monde et la démocratie», Paris, Nouveaux Horizons, 2008, P.148.

* 7 Jean Paul II, Ibid., P.149.

* 8 Dont les valeurs coïncident pour une bonne part aux valeurs de la démocratie, Ou mieux, dont les valeurs sont fondatrices des valeurs de la démocratie (si on se réfère à certains auteurs sur le christianisme et la culture occidentale comme M. Weber).

* 9 Uneencyclique est une lettre adressée par un pape aux évêques, au Clergé, aux fidèles de tous les pays ou d'un pays, à propos d'un problème de doctrine ou d'actualité. Cf. Dictionnaire Universel, Ed. Hachette, 2000.

* 10 Le Conseil Pontifical Justice et Paix l'a condensé dans un ouvrage intitulé : Compendium de la doctrine sociale de l'Eglise, Rome, Libéria Editrice Vaticana, 2004.

* 11 On peut parler alternativement d'Enseignement social de l'Eglise ou de Doctrine sociale de l'Eglise.

* 12 Autorité ecclésiale constituée du pape, évêques et la tradition de l'Eglise

* 13 Voir la Doctrine sociale de l'Eglise.

* 14 CPJP, Compendium de la doctrine sociale de l'Eglise, 566, qui cite la congrégation pour la doctrine de la foi. Note doctrinale concernant certaines questions sur l'engagement et le comportement des catholiques dans la vie politique, 4.

* 15 CPJP, op.cit.

* 16 Christian Pialot, L'Action Catholique, Yaoundé, AMA-CENC, 2000, P.7.

* 17 L'action Catholique c'est quoi, 2010

* 18 Cette médiation concernait précisément l'UPC et le Gouvernement et était assurée successivement par deux prélats Mgr Thomas Mongo et Mgr Albert Ndongmo. Qui furent accusés de complicité avec le gouvernement pour le premier et avec l'UPC pour le second qui fut pour cette raison condamné à mort puis dispensé et exilé au Canada.

* 19 J. P. Messina, « l'Eglise et l'indépendance du Cameroun », Yaoundé, PUCAC, 2010. ; KengnePokam, « les Eglises Chrétiennes face à la montée du nationalisme camerounais », Yaoundé, Clé, 1987.

* 20 Il s'agit de Mgr BefeAteba nommé au conseil national de Communication, et de Mgr Dieudonné Watio nommé au Conseil Electoral. Tous deux, nommés par décret présidentiel.

* 21 P. Berger, « le christianisme: un panorama mondial », in L. Diamond, (dir.),Les religions du monde et la démocratie, Paris, Nouveaux Horizons, 2008, PP. 202-211.

* 22 E. Durkheim, les formes élémentaires de la vie religieuse. Le système totémique en Australie, Paris, Puf, 5e édition, 1968, 647 P.

* 23 M.Weber, L'Ethique protestante et l'esprit du capitalisme, Paris, PUF, 4e éd., 2002, 155 P.

* 24L. P Ngongo, L'histoire des forces religieuses au Cameroun, Paris, Karthala, 1982, 304 P.

* 25 A., Mbembe, Afriques indociles. Christianisme, pouvoir et Etat en société postcoloniale, Paris, Karthala, 1988, 220P.

* 26J.-F Bayart, « La fonction politique des Églises au Cameroun », Revue française de science politique, 23eannée, n°3, 1973. PP. 514-536.

* 27J.M.Ela, Le cri de l'homme africain. Questions aux chrétiens et aux Eglisesd'Afrique, Paris, l'Harmattan, 1980, 173 P.

* 28 F. Weabey, L'Eglise et la politique en Afrique, Paris, l'Harmattan, 2009, 138 P.

* 29 C.Makiabo, Eglise Catholique et mutations sociopolitique au Congo-zaïre, Paris, l'Harmattan, 2004, 264 P.

* 30 F. EboussiBoulaga, La démocratie de transit au Cameroun, Paris, Harmattan, 1997, 456 P.

* 31E. Poulart, Catholicisme, démocratie et socialisme, Tournai, Casterman, 1977, 562 P.

* 32 J.P. Messina, l'Eglise Catholique face à l'indépendance du Cameroun sous administration française (1949-1960), Yaoundé, Clé, 2010, 175 P.

* 33J.P. Messina, Op.cit.

* 34 J.L. Maroleau, Eglise Catholique, Etat et Société Civile au Cameroun de 1984 à nos jours, Yaoundé, PUCAC, 2010.

* 35 `'Effort Camerounais'' N°506 de Juin 2011, `'Le jour'' N°985 du 25 Juillet 2011, Cameroun Tribune N°9964 du 08 Novembre 2011 etc.

* 36L. Diamond et al.,Op.cit., P.1.

* 37 K. Marx, Contribution à la critique de la philosophie du droit de Hegel 1848. Classiques .uqac.ca_Karl/citique_droit_hegel, le 05/01/12, à 14h25

* 38L. Diamond et Al., Op.cit., P. 205.

* 39 J.M. Ela, Le cri de l'homme africain, Paris, l'Harmattan, Op.cit.

* 40 P. Costopoulos, Op.cit., P. 52.

* 41 P. Costopoulos, Ibid.

* 42 P. Costopoulos, Ibidem.

* 43 La Commission Episcopale Justice et Paix.

* 44 Le Service National Justice et Paix.

* 45 La Commission Diocésaine Justice et Paix.

* 46 Le Conseil Paroissial Justice et Paix.

* 47 ONG caritative de la Conférence épiscopales des USA.

* 48 Journal Rfi, Cardinal Christian Tumi, http://www.rfi.fr, 12/02/13, 15h12.

* 49 C'est du moinsce que livre le contenu de la lettre ouverte du P. Ludovic Lado aux évêques camerounais.

* 50A. Lancelot et D.Memmi, Participation et comportement politique, Paris PUF, 1987, P.318.

* 51A. Lancelot et D. Memmi, Ibid. P.323.

* 52A. Lancelot et D. Memmi, Ibidem., P. 322.

* 53 A. Coulon,L'ethno-méthodologie, Paris, PUF, 1987.

* 54Leca, J., « Réflexion sur la participation politique des citoyens en France », in Meny Y., (dir.), Idéologie partis politique et groupes sociaux, Paris, Presse de la Fondation des sciences politiques, 1985, PP.43-70.

* 55N. Mayer, Sociologie des comportements politiques, Paris, U-Colin, 2010, P.37.

* 56 Publié aux Horizons Nouveaux en 1990.

* 57 D. Larry et al,Les religions du monde et la démocratie, Paris, Nouveaux Horizons, 2008P.1.

* 58 D. Larry et al., Ibid. P.25.

* 59 JP Cot et JP Mounier, Pour une sociologie politique, Paris, Seuil, 1974, Tome 1, PP.36-37.

* 60B. Kipoh , « l'ONEL et la recherche de la consolidation démocratique au Cameroun : avancée et écueils. »,Mémoire de DEA en science politique, soutenu à l'Université de Yaoundé II- SOA en Septembre 2006.

* 61B. Kipoh, Op.cit. P. 2.

* 62C. Lefort,« Pour une sociologie de la démocratie », in Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 21e année, N. 4, 1966. pp. 750-768.

* 63 C. Lefort, Op.cit. P.755.

* 64 T.B. Bottomore, Introduction à la sociologie, Paris, Payot, 1974, P. 244.

* 65K.Marx, Contribution à la critique de La philosophie du droit de Hegel, 1844.

* 66 E. Durkheim, les formes élémentaires de la vie religieuse. Le système totémique en Australie, Paris, Puf, 5e édition, 1968, 647 P.

* 67M. Weber,L'Ethique protestante et l'esprit du capitalisme, Paris, 2002, P.247.

* 68 Il s'agit en particulier de la religion catholique qui est mise en exergue ici.

* 69L. Michelat et M. Simon, Classe, religion et comportement politique, Paris, Presse de la Fondation nationale des sciences politiques et Editions sociales, 1977, P.384.

* 70L. Michelat et M. Simon, Ibid. P.388.

* 71J.M. Ela, (1980), Le cri de l'homme africain, Paris, l'Harmattan,P.15.

* 72J.M. ELA, Repenser la théologie africaine, Paris, Karthala, 2003, 447 P.

* 73 J.M. ELA, Ibid., P.8.

* 74 J.-F. BAYART,«La fonction politique des Églises au Cameroun », In: Revue française de science politique, 23e année, n°3, 1973, PP. 514-536.

* 75 J.-F. Bayart, Ibid., P.514.

* 76J.Onana, « La sociologie politique du phénomène religieux en Afrique subsaharienne : trajectoires paradigmatiques », in revue Information sur les sciences sociales, 2002, SAGE publications Londre, Thousand Oaks.CA New Delhi PP.327-358.

* 77J.Onana, Ibid., P.330.

* 78L. P. Ngongo, Histoires des forces religieuses au Cameroun, Paris, Karthala, 1982.

* 79 L. P. Ngongo, Ibid., P.12

* 80 L. P. Ngongo, Ibidem., P.11.

* 81S.C. Abega, Société civile et réduction de la pauvreté, Yaoundé, Clé, 1999, P.150.

* 82J.P. Messina, L'Eglise Catholique face à l'indépendance du Cameroun sous l'administration française, Yaoundé, Ed. Clé, 2010,

* 83D. Philpott, 2008, P.151.

* 84E. Durkheim, 1883, Op.cit, P.34.

* 85 M.Grawitz., 1986, P. 583.

* 86 Y. Alpe, (dir.), Lexique de sociologie, Paris, Dalloz, 2005, P.57.

* 87Y. ALPE, (dir.), Ibid.

* 88 Cité par C. Lefort, sociologie de la démocratie, Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 21e année, N. 4, 1966. P.750.

* 89L. Diamond et al., (2008), Les religion du monde et la démocratie, Paris, Nouveaux Horizons, PP.23-24.

* 90 G. Ferréol et al. , Dictionnaire de sociologie, Paris, Armand Colin, 1995,P.59.

* 91 G. Ferréol et al., Ibid.

* 92 Y. Alpe et al.,Op.cit., P.192

* 93A. Lancelot et D. Memmi, Op.cit., P.312.

* 94 A. Lancelot et D. Memmi, Ibid.

* 95F. BarbeyWeabey., Eglise et politique en Afrique, Paris, l'Harmattan, 2009, P.44.

* 96E. Durkheim, les formes élémentaires de la vie religieuse. Le système totémique en Australie, Paris, Puf, 5e édition, 1968, P. 65.

* 97 E. Durkheim, Ibid., P.6.

* 98 Concile OEcuménique Vatican II, Const.Dogm. Lumen gentium, n°31.

* 99 Voir à ce sujet la sociologie politique du phénomène religieux en Afrique subsaharienne de Janvier Onana.

* 100 L. P. Ngongo, Op.cit.

* 101 J.-P. Cot et J.-P. Mounier, op.cit.,P8.

* 102 ALPE Y. et al.,Op.cit., P219.

* 103 J.M. Ela, le cri de l'homme africain, Op.cit.

* 104 L. P. Ngongo, « Pouvoir politique occidental dans les structures de l'Eglise en Afrique », in Civilisation Noire et Eglise Catholique, Paris, Présence Africaine, 1977, PP. 37-66.

* 105A. Comte, Op.cit., Pp.14-15.

* 106 P. Corcuff, Les Nouvelles sociologies, Paris, Nathan, 1995, PP.8-15.

* 107 Garfinkel, cité par A.Coulon, P.20.

* 108 P. Corcuff, Op.cit, PP.12-13.

* 109A.Coulon, L'Ethnométhodologie, Paris, Puf, PP.10-11.

* 110 http://rsa.revues.org/180?lang=en, le 23/01/13.

* 111 Howard Saul Becker, cité par Y. Alpes, Op.cit. PP. 134-135.

* 112 P.L. Berger et T. Luckmann, la construction sociale de la réalité, Paris, Méridiens Klincksie, 1992, P. 288.

* 113 P.L. Berger et T. Luckmann, op.cit., P.64.

* 114P.L. Berger et T. Luckmann, Ibid. P.56.

* 115 P. Corcuff, Op.Cit.

* 116 P. Bourdieu, la reproduction, Paris, Minuit, 1970.

* 117 P.Corcuff, ibid.

* 118 R. Quivy et Campernhoudt, Manuel de recherche en sciences sociales, 1995, P.149.

* 119 J. L. LoubetdelBayle, Op.Cit. P.20.

* 120B. Dantier, dans sa présentation de l'extrait du texte de «Boudon Raymond, dans Holisme et individualisme méthodologiques.»

* 121B. Dantier, Boudon Raymond, dans Holisme et individualisme méthodologiques.» Paris, PUF, 1982, PP.12-23

* 122 Cité par J.L.Loubetdel Bayle, Op.cit. P.15.

* 123 M. Weber, L'Ethique protestante et l'esprit du capitalisme, Paris, 2002.

* 124M.- L. Eteki-Otabela,le totalitarisme des Etats africains : le cas du Cameroun, paris, l'Harmattan, 2001, P.20.

* 125R. Quivy et al.,Manuel de recherche en sciences sociales, Paris,Dunod, 1995, P. 145.

* 126 Blanchet et Gotman, Op.cit.

* 127 R. Ghiglonr etB. Matalon, Les enquêtes sociologiques, Paris, Armand Colin, 1978, P.38.

* 128Combessie, la méthode en sociologie, Paris, La Découverte, 1999, P.194.

* 129 Presse de la Conférence épiscopal du Cameroun et principale presse catholique du Cameroun.

* 130 Quotidien gouvernemental du Cameroun.

* 131Magazine trimestriel du Service National Justice et Paix.

* 132 Quotidien d'informations du Cameroun.

* 133J.L.LoubetDel Bayle, Introduction aux méthodes des sciences sociales, Toulouse, Priva, 1978, P.37.

* 134 J.L. Loubet Del Bayle, Op.cit.P.112.

* 135 Pour plus de détails sur ces différentes approches, voir J.L. Loubet del Bayle, Op.cit. PP.113-114.

* 136Statistical Package for the Social Sciences.

* 137 Contribution à la critique de La philosophie du droit de Hegel, Op.cit.

* 138 Les formes élémentaires de la vie religieuse, op.cit.

* 139 Repenser la théologie africaine, Op.cit. ; Le cri de l'homme africain, Op.cit.

* 140 Afriques indociles. Christianisme, pouvoir et Etat en société postcoloniale, Op.cit.

* 141 Comme le reconnaissent la totalité d'auteur sur la recherche en science social et de l'épistémologie ou sociologie de la connaissance, toute objectivité parfaite du Chercheur est impossible. Le Chercheur étant en réalité un acteur social interagissant dans un univers de ses avec les auteurs et ne pouvant saisir le monde qu'à partir du système de valeur à l'intérieur duquel il a été socialisé.

* 142Il s'agit entre autres de : E.Mveng, dans l'Histoire du Cameroun ; Mongo Bétis, dans Main basse sur le Cameroun ; L. P. Ngongo, dans l'histoire des forces religieuses au Cameroun ; E.FopoussiFotso, dans Le tribalisme est-il une fatalité en Afrique ? Le cas du Cameroun etc.

* 143 Parlant des luttes des camerounais pour la prise en main des affaires de leur pays contre les puissances coloniales, Segnu Etienne estime d'ailleurs « qu'il n'y a pas une seule période de l'histoire du Cameroun, depuis la signature du traité germano douala en 1884, où on ne retrouve les Camerounais en lutte contre les puissances étrangères. », in «Le nationalisme camerounais dans les programmes et manuels d'histoire : réalités et enjeux », P.1.

* 144Segnou Etienne, «Le nationalisme camerounais dans les programmes et manuels d'histoire : réalités et enjeux », mémoire de master en sociologie politique, Université de Douala, 2009, P.01.

* 145KengnePokam déroule à ce propos tous les mouvements de contestations des hommes et femmes camerounais contre le régime des travaux forcés qui leur était imposé pendant la colonisation.

* 146 Ce qui était la raison du combat de l'UPC qui en plus de vouloir une unification du pays voulais aussi une prise en mains des affaires du pays. Voir à ce sujet la réception de la doctrine sociale au Cameroun de L. Tchouabou, PP.50 et suivantes.

* 147L. Tchouabou, Idem.

* 148 Expression empruntée à J. François Bayart qui désigne ainsi les ambitions d'Ahidjo de s'ériger en un Tout puissant de la scène politique camerounaise, L'Etat au Cameroun, Op.cit., P.120.

* 149 J. François Bayart, Op.cit. P.109.

* 150L. Tchouabou. P. 51.

* 151 http://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_contemporaine_du_Cameroun, consulté le 28/03/13

* 152 Le général Max Briand était ancien d'Indochine où il a commandé le 22ebaitaillon et donc la méthode d'opération consiste en des bombardements et destruction des villages et des regroupements des villages dans des camps.

* 153 Mongo Béti, Main basse sur le Cameroun, cité par L.Tchouabou, Op.Cit., P.58.

* 154 M.- L. Eteki-Otabela, Op.Cit., P.15.

* 155 L. Tchouabou, Ibidem.

* 156L. Tchouabou, Op.Cit., P.61.

* 157 M. E.OwonaNguini, Cameroun: autopsie d'un Etat naufragé- Le conservatisme politique du Renouveau: Entre instinct, intérêt, censure et expression, http://germinalnewspaper.com/index.php?option=com_content&, 27/03/2013, 15:04.

* 158 M. Heungoup, « Le BIR et la GP dans la politique de défense et de sécurité du Cameroun. Socioanalyse du rôle présidentiel, des concepts stratégiques et d'emploi des forces », Master en gouvernance et politiques publiques, Université catholique d'Afrique centrale.

* 159 Il s'agit du Président fondateur du SDF, principal parti d'opposition camerounaise.

* 160 J.E. Lantier, Cameroun: autopsie d'un Etat naufragé- Le Cameroun, malade de sa justice, http://www.germinalnewspaper.com/index.php?option=com_content&v le 08/04/2013, 16:50.

* 161J.E. Lantier, Op.Cit. P. 6.

* 162 M.-L. Eteki-Otabela, Op.Cit. P.11.

* 163 Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté que le MINEPAT a produit pour présenter la vision du développement à long terme du Cameroun, ses stratégies de mise en oeuvre et les menaces, risques et hypothèques qui y sont attachés, en vue de son émergence en 2035.

* 164 MINEPAT, Cameroun Vision 2035, P.5.

* 165J.M. Ela estime à ce sujet dans leurs occupations de l'espace urbains les ressortissant des différents se regroupes par affinité tribales. (La ville en Afrique Noire, Paris, Karthala, 1983) Ainsi, on aura dans la ville de Douala, des quartiers bamilékés, (Bepanda, et Maképé), des quartiers Haoussa (New bell) etc. de Même dans la ville de Yaoundé, on aura des quartiers Haoussa (Mokolo), Bamiléké etc.

* 166 Gilles Ferréol et al., Dictionnaire de sociologie, P.50.

* 167 J. P. Cot et J.P. Mounier, Pour une sociologie politique, Tome II, P.380.

* 168 Selon que J. P. Cot et J.P. Mounier s'interrogent sur ces fondements culturels d'un régime démocratique. Op.cit., P.36.

* 169 Jacqueline Nkoyok, Les processus de démocratisation en Afrique : Un mariage à négocier entre tradition et modernité, P.11.

* 170 J. Nkoyock, Op.cit., P.5.

* 171J.F.Bayart, l'Etat en Afrique, Paris, Fayard, 1989.

* 172 M.-L. Eteki-Otabela, le totalitarisme des Etats africains : le cas du Cameroun, paris, l'Harmattan, 2001, P.15.

* 173E. Durkheim, le suicide, 1897.

* 174 J.P. Cot et J.P. Mounier, Op.Cit. P.37.

* 175J. Nkoyock, Op. Cit., P 54.

* 176 J.P. Cot et J.P. Mounier, ibid., P.13.

* 177 M.E.OwonaNguini, Cameroun: autopsie d'un Etat naufragé- Le conservatisme politique du Renouveau: Entre instinct, intérêt, censure et expression, http://germinalnewspaper.com/index.php?option=com_content&, 27/03/2013, 15:04.

* 178 M. E. OwonaNguini, Ibidem

* 179 M.-L. Eteki-Otabela, op.cit., P.14.

* 180 J.B. Kenmogne et J.D. Nguebou, Rapport sur la situation des défenseurs des droits de l'Homme au Cameroun, Yaoundé, 2012, P.12.

* 181M. Heungoup, Op.cit., P.4.

* 182Lire à ce sujet J.F.Bayart dans l'Etat en Afrique, et F. EboussiBoulaga, dans la démocratie de transite

* 183 L. Tchoubou, Op.cit., P.25.

* 184 Résultats partiels, à titre illustratif.

* 185 ONG française implantée au Cameroun par cet homme politique camerounais Hilaire Kamga

* 186 Présidente du Cameroun People Party.

* 187 Expression utilisée par le philosophe politique français Marcel Gauchet pour qualifier le retour du religieux à travers le monde.

* 188 Une Eglise réformée, basée aux USA.

* 189 Il s'agit d'une division administrative de l'Eglise Catholique du Cameroun. Elle regroupe un ensemble de diocèses, coiffé par un archidiocèse.

* 190 Sources : http://www.diocesebafoussam.org/index.php?section=&elt=147, le 29/04/13, 15H08.

* 191 Sources : http://www.archidiocesedeyaounde.org/, le 29/04/13, 12H52.

* 192 Siege administratif de l'archidiocèse de Yaoundé.

* 193 Source, nos propres enquêtes, recensements faits lors de l'observation.

* 194 Sources : http://fr.wikipedia.org/wiki/Conférence_épiscopale, le 07/10/13, 9H24

* 195 Une problématique très indiquée que Mungala Feta J., soulève aussi dans son mémoire sur « Le rôle de l'Eglise dans le processus de démocratisation en République Démocratique du Congo (1990-2006) : Nécessité et Perspectives », P.10.

* 196 M. Ndongmo, A la quête d'une laïcité à l'africaine, Yaoundé, Ed.Taf&Melson, 2010, P.11.

* 197 J.-C. Barreau, Collectif, sous la direction de Jacques Myard, La Laïcité au coeur de la République, Le Harmattan, 2003, P. 26, cité par Wikipédia, le 17/04/13, à 13h54.

* 198 J.-M. Ducomte, Collectif, sous la direction de Jacques Myard, Op.Cit. P.29.

* 199 Relatif à l'Eglise.

* 200 Pour plus de détails, voir J.-P. GRASSET, Histoire de la laïcité, http://amopa-33.over-blog.com, le 17/04/13, 10h35.

* 201 Relatif au clergé (la hiérarchie de l'Eglise).

* 202 Entendu ici comme ce qui ne relève pas de la religion. E. Durkheim parlerait de Profane, par opposition au sacré.

* 203 M. Ndongmo, Op.Cit. P.14.

* 204 Voir http : www.Wikipédia.org/ histoire de la laïcité, Op.Cit.

* 205 C.Greffre, le Christianisme au risque de l'interprétation, éd. Du Cerf, Paris, 1988, P.239, Cité par M.Ndongmo, Op.Cit., P.12.

* 206 M. Ndongmo, A la quête d'une laïcité à l'Africaine, Yaoundé, Ed.Taf&Melson, 2012, P.7.

* 207L. P. Ngongo, Op.cit.

* 208 Maud Lasseur, Religions au Cameroun : A qui profite la laïcité ?, www.cameroun.infos.org, 12/03/13, 12 :56

* 209 J.P. Messina, Op.cit., P.24.

* 210 Cité par Maud Lasseur, Op.cit.

* 211M.A. Glele, Religion, culture et politique en Afrique noire, Paris, Economica / Présence africaine, 1981, Cité par Maud Lasseur, Op.cit., P.26.

* 212J.F. Bayart, Op.cit., P.153.

* 213 Les fondements de la laïcité, c'est-à-dire les bases historiques ayant permis plus tard l'émergence de la laïcité, sont par bien des points issus en premier lieu du sein même de l'Église. Comme nous l'avons vu plus haut.

* 214 Lire à ce Sujet TonyeBakot, Quel aréopage pour l'Eglise Catholique ?un approche des rapports entre l'Eglise et L'Etat, P.4.

* 215 www.wikipédia.org /Histoire_de_la_laïcité_en_France.htm.

* 216 Vatican II, les seize documents conciliaires, GS76, 3.

* 217 zenit.org [http://www.zenit.org/], le 25/04/13 15h54.

* 218 J. Y. Calvez et H. Tincq, Op.cit., PP.16-17.

* 219 D. Philpott, « la vague Catholique », in Les religions du monde et la démocratie, P.147.

* 220 Cité par Y. alpes et al. Lexique de sociologie, P.219.

* 221 Crise des vocations signifie que les chrétiens ne veulent se donner aux fonctions de prêtres et de religieux dont l'Eglise a besoin pour reproduire sa structure.

* 222 J. M.Rosay, Op., P.19.

* 223 Allocution de Pie XII à l'occasion de la fête de Noel 1944, cité par J.Y. Calvez et H.Tincq, Op.Cit. P.30.

* 224Dialogue ou échange entre les différentes confessions chrétiennes.

* 225J. MUNGALA, Le rôle de l'Eglise dans le processus de démocratisation en République Démocratique du Congo, Mémoire de DEA en Droits de la Personne et de la Démocratie, Université d'Abomey-Calavi-Bénin, 2009, 164 P.P.14.

* 226 J.Y. Calvez et H. Tincq, Op.Cit.P.44.

* 227 J.Y. Calvez et H. Tincq, Ibid. P.46.

* 228 J.P. Messina, Op.Cit., P.48.

* 229Ecclésia in Africa, N°112.

* 230Nous conseillons utilement à ce sujet la lecture de Malik Tahar Chaouch, « La théologie de la libération en Amérique latine », Archives de sciences sociales des religions [En ligne], 138 | avril - juin 2007, mis en ligne le 05 septembre 2010, consulté le 01 juillet 2011. URL : http://assr.revues.org/4822.

* 231 Pour reprendre la célèbre formule de Mgr Ndongmo : «Il ne faut pas envoyer les gens au ciel comme si la terre n'existait pas». Qui signifie que la recherche du salut éternel de l'homme doit aller avec son développement intégral : économique, psychologique, politique, culturel etc.

* 232J.M.Ela, Le cri de l'homme africain, Op.cit., P.43.

* 233J.M.Ela, (2003), repenser la théologie africaine le Dieu qui libère, Op.cit.

* 234 E. Poulat, catholicisme, démocratie et socialisme, Tournai, Casterman, 1977, 562 P.

* 235 C. Paillot, Initiation à l'Action catholique, P.4.

* 236 G. Mouthe, « libéralisation des ondes et construction de l'espace publique radiophonique chrétien au Cameroun : Dynamiques, identité, ambivalences ». Mémoire de master en Communication à l'Université de Douala.

* 237 L.P. Ngongo, Op.cit.

* 238 L.P. Ngongo, Op.Cit.P.194.

* 239J.P.Messina, L'Eglise face à l'indépendance du Cameroun sous administration française, Op.cit.

* 240J.-F. Bayart, « La fonction politique des Églises au Cameroun », Revue française de science politique, 23eannée, n°3, 1973. PP. 517.

* 241 J. P. Messina, Op.cit., PP.50-55

* 242 C. WiyghansaïShaaghan Cardinal Tumi, les deux régimes politiques d'Ahmadou Ahidjo, de Paul Biya et Christian Tumi, prêtre, P.9.

* 243 F. constantin et Coulon, Religion et transition démocratique. P.199, cité par J. L. Maroleau, Op.cit., P.85.

* 244 J. Mungala Feta, Op.cit., P.15.

* 245 J. F. Bayart, la fonction politique des Eglise au Cameroun, Op.cit., p.514 : « L'Eglise catholique se situe moins par rapport au système politique camerounais que par rapport à une communauté extra ou supranationale la chrétienté, le Vatican...».

* 246KengnePokam l'avait déjà affirmé en 1987, parlant de l'invitation du Pape Jean Paul II de 1985 par le Président camerounais Paul Biya, Voirles Eglises chrétiennes face à la montée du nationalisme camerounais, Op.cit., P.7.

* 247 Jean Paul II, Ecclésia in Africa, Op.cit.

* 248Jean Paul II, Ecclésia in Africa, n°112.

* 249 Cité par cameroun-infos.net, le 28/09/08.

* 250 Qui signifie Document de travail.

* 251 http://www.cameroon-info.net/stories/0,23834,@,visite-de-benoit-xvi-pourquoi-le-pape-vient-au-cameroun.html, le 22/05/13, à 10h00.

* 252AfricaMunus, n°81.

* 253Jen Paul II., Ibidem.

* 254 Qui est un symposium de tous les évêques africains et malgaches, une sorte de conférence épiscopale du continent africain.

* 255 Cf. Encyclique Spesalvi n°32-48.

* 256Op.Cit.n°106.

* 257 A la conférence de présentation de la DES en Afrique en 2009.

* 258 J.B. Talla, (2009), « Le compendium et l'engagement des fidèles laïcs en Afrique », in Vers une évangélisation de la société africaine. P.184.

* 259 Vers une nouvelle évangélisation de la société africaine, P.17.

* 260 Expression empruntée de J.-Y. Calvez dans l'avant-propos de l'Eglise pour la démocratie, Op.cit., P.7.

* 261 J.-Y. Calvez, Op.cit., P.11.

* 262Paul VI, Encycl. Populorumprogressio, 13: AAS 59 (1967) 263.

* 263 C. Makiabo, Op.cit., P.173.

* 264 C. Makiabo, Ibid., P.217.

* 265 A. Dieckhoff, « logiques religieuses et construction démocratique », in P. Michel, Op.cit., P.318.

* 266 CENC, Enseignement Social d'évêques du Cameroun,2005, P.151.

* 267Jean Paul II, SollicitudoRei sociales : la sollicitude de l'ordre social n° 36 Edition polygylvaticana p.70.

* 268 P. Michel, Op.cit. , P.14.

* 269 Cf. P. Michel, Ibid., P.10.

* 270 CENC, Enseignement social des évêques du Cameroun, 2005, p. 199.

* 271 Bible de Jérusalem, Ga.3.7 28.

* 272 CENC, Op.cit., P.204.

* 273 L'enseignement social des évêques du Cameroun, P. 295.

* 274 CENC, Op.cit., P.296.

* 275 CENC, Ibid.

* 276 CENC, Lettre pastorale des évêques à l'occasion de l'élection présidentielle de 2011, P.04.

* 277CENC, Ibid., P.5.

* 278 CENC, Ibidem, P.6.

* 279CENC, Ibidem., P.7.

* 280 CENC, Ibidem., P.8.

* 281 Constitution Apostolique Pastor Bonus, art. 142.

* 282 CENC, l'enseignement social des évêques du Cameroun, P.296.

* 283 Entretien fait dans son bureau à la CENC, le 23 Avril 2013 à 10h00.

* 284Entretien fait dans son bureau à la CENC, le 23 Avril 2013 à 10h00.

* 285 Voir le rapport des élections de 2007.

* 286 Soutien Justin Mabouth, Op.cit.

* 287 Allocution de Mgr, Rome, le 21 Mars 2007.

* 288 Entretien fait dans son bureau à la CENC, le 23 Avril 2013 à 10h00

* 289 Ecclésia in Africa, n°110.

* 290 Bulletin semestriel N°0001 de Juillet 2001.

* 291 L'un des départements du Service National Justice et Paix, travaillant avec les autres partenaires de l'ITIE.

* 292 Pratique de la palabre africaine, de régulation des litiges.

* 293 Rapport de la conférence épiscopale nationale du Cameroun sur l'observation des élections municipales et législatives du 30 Juin 2002, P.10.

* 294 SNJP, Manuel d'éducation à la citoyenneté, Op.cit., P.12.

* 295 Que l'Eglise défini comme « cet ensemble des conditions sociales qui permettent, tant qu'aux groupes qu'à chacun de leurs membres, d'atteindre leur perfection d'une façon plus totale et plus aisée. » (Guadium et Spes, n°26).

* 296 Jean Paul II, Chistifideleslaici, n°59.

* 297SNJP, Op.cit., P.9.

* 298Qui sont des démembrements paroissiaux de Justice et Paix.

* 299 SNJP, Ibid., P.174.

* 300 Susanne Ulbrich, (2002), Démocratie : représentation et participation, http:/hipatia/.ss.uci/fox.html, le 13/04/13, à 21h58.

* 301 Jean Paul II, Ecclesia in Africa, Op.cit., n°125.

* 302 Entretien réalisé à Bépanda- Douala le 12/05/13 à 15h30.

* 303 C'est du moins le but du projet Pétrole de la SNJP, lequel entre en droite ligne avec le projet ITIE.

* 304J. Ives Calvez et H. Tincq, Op.cit., P.07.

* 305KengnePokam, Les Eglises Chrétienne face à la montée du nationalisme camerounais, Op.cit., P.8

* 306 J.Rollet, Religion et politique.Le christianisme, l'islam, la démocratie,Paris, Grasset, 2001, P.186

* 307 J. Rollet, Op.cit., P.185

* 308Gustavo Guitierrez, Théologie de la libération, Ed. Lumen Vitae, Bruxelles 1974, P.187, Cité par KengnePokam, Op.cit., P.10.

* 309 P. Valadier, Droit de l'homme : défis pour la charité,cité par KengnePokam, Op.cit., P.8.

* 310 Siècle des luttes pour les libertés en Occident.

* 311Traduction française : la théologie noire.

* 312 Cité par KengnePokam, Op.cit., P.11.

* 313 Voir E. Durkheim, les formes élémentaires de la vie religieuse, Op.Cit.

* 314KengnePokam, Ibid., PP. 25-30.

* 315J.M.Ela, (1980), le cri de l'homme africain, Paris, Harmattan, P.43.

* 316 Par alter Christus, C'est-à-dire « autre christ », la doctrine catholique stipule que le prêtre est l'identité même du christ qu'il incarne. Par conséquent, c'est lui qui fait ce que Christ aurait fait ou mieux, c'est à travers lui que Christ réalise ses volontés dans l'Eglise.

* 317 Voir à ce sujet la « la vague catholique » de D.Philpott, in Religion du monde et la démocratie

* 318 J. I. Calvez et H.Tincq, Op.cit., P.07.

* 319 Expert des questions politiques au Cameroun, dont l'anonymat a été conservé. Entretien réalisé à l'université de Douala le 09/05/13 à 15h00.

* 320 Cérémonie de congé à l'aéroport international Nsimalen de Yaoundé (20 mars 2009).

* 321 L. Lado, préface de J. L. Maroleau, Eglise Catholique, Etat et Société Civile au Cameroun de 1884 à nos jours, Yaoundé, PUCAC, 2010, P.7.

* 322 Santé, éducation, média, pourvoyance de sens à travers les sermons des clercs et la catéchèse, l'encadrement social à travers les mouvements d'Action Catholiques, etc.

* 323 Ce qui nous fait dire que si les grecs de l'antiquité ont pensé la démocratie et que les démocrates moderne l'ont instauré, c'est parce que, en plus de la pensée, ces derniers ont initié le combat démocratique.

* 324 Enseignement sociale des évêques du Cameroun, P.154.

* 325 C. Makiabo, Op.cit., P.13.

* 326 Entretien eu dans son bureau, sis au Carrefour Jouvence, Yaoundé, le 18/04/13 à 14h30.

* 327 Entretien tenu à la CENC le 28/03/13 à 14h00 et dont le concerné a gardé l'anonymat.

* 328SollicitudoReiSocialis, 1987, P.14

* 329 Jean Paul II, Ibid.

* 330DES, no 539.

* 331 C'est pourquoi, le Concile Vatican I ayant défini le dogme de l'infaillibilité papale face à la pression sociopolitique du XIXe siècle européen, l'Eglise a fait vite de préciser que cette infaillibilité du Pontife ne concerne que les questions proprement doctrinales et morales de l'Eglise, et non pas les questions sociopolitiques dont la complexité ne permet pas à l'Eglise de réclamer le monopole de l'expertise en la matière.

* 332 D.Philpott, Op.cit. P.153.

* 333 Entretien eu le 07/05/13 à 10H30 à l'UCAC.

* 334 Nous pouvons définir la valeur ici avec Guy Rocher comme « une manière d'être ou d'agir qu'une personne ou une collectivité reconnaissent comme idéale et qui rend désirables ou estimables les êtres ou les conduites auxquelles elle est attribuée», Introduction à la sociologie générale, Tome I Paris, HMN, 1998, P.72.

* 335 Voir à ce sujet M. Weber, l'éthique protestante et l'esprit du capitalisme, Op.cit.

* 336 M. Weber, Op.cit.

* 337Matt, Rationalité et esprit du capitalisme, http://www.skyminds.net/economie-et-sociologie/croissance-developpement, consulté le 17/03/2013, à 19:45.

* 338 Cité par J.L. Maroleau, Op.cit., P.86.

* 339 Voir à ce sujet J.L. Maroleau, Op.cit.

* 340Mgr. Victor Tonya Bakot, Op.cit. P.2.

* 341 Mgr. TonieBakot,Ibid., P.6.

* 342S.HernanRojo, Eglise et Société, Paris, l'Harmattan, 2000, Op.cit.

* 343 D. Philpott, Op.cit. P.153.

* 344 Jean Paul II, ecclésia in Africa, n°106.

* 345 Lettre ouverte aux évêques du Cameroun, http://www.camfaith.org/actu-98, consulté le 17/03/2013 à 20:51.

* 346 Nous livrons en annexe, l'intégralité de cette lettre ouverte aux évêques.

* 347 Lire à ce sujet le messager n°1737 qui reportait cet entretien le 21 Octobre 2004.

* 348 Entretien fait le 07/05/13 à 12H30 ; à l'UCAC.

* 349 Entretien réaliséà Mvolyé le 03/05/13 à13h20.

* 350 H. S. Becker, cité par Y. Alpes, Op.cit. , PP.134-135.

* 351 M.-L. Eteki-Otabela, Op.cit.

* 352 J. M. Ela, Le cri de l'homme africain, Op.cit. ; F. EboussiBoulaga, la démocratie de transit, Op.cit.

* 353J. I. Calvez et H. Tincq, Op.cit, P.25.

* 354 J. I. Calvez et H. Tincq, Ibid.., P.10.

* 355Rapport de la conférence organisée à l'occasion de la 22e édition de La Grande Palabre, le jeudi 27 septembre 2012par le groupe Samory au Djeuga Palace hôtel sur le thème : « La démocratie à l'épreuve d'un tribalisme multiforme », P.2.

* 356J.-B. Kenmogne, Op.cit., P.3

* 357J. F. Bayart, Op.cit.,P.520

* 358 Soit 47% de l'échantillon totale, voir supra, tableau 7.

* 359 J. F. Bayart, Op.cit. P.528.

* 360 Alors chargé de la communication gouvernementale.

* 361 Lire à ce sujet l'article du Journaliste-Politologue Vincent Sosthène FOUDA sur le thème « Tribalisme d'Eglise et Tribalisme d'Etat au Cameroun», http://www.cameroon-info.net/stories, consulté le 17/03/2013, 20:33.

* 362 Les deux régimes politiques d'Ahmadou Ahidjo, de Paul Biya et de Christian Tumi, Prêtre

* 363 No520 du 11 au 17 Janvier 2012.

* 364C. Makiabo, Op.cit., p.93

* 365S. Rojo, Op.cit., P.98.

* 366 J.L. Maroleau, Op.cit.

* 367 D. Philpott, Op.cit.,PP.158-159.

* 368C. Ngadjifna, Cardinal Christian W.S.Tumi, Mgr Samuel Kleda : Une énigme éternelle. p.25

* 369 A la une de Mutation du Mercredi 17 aout 2011.

* 370 Le quotidien Mutation, Op.cit., P.3.

* 371 Entretien tenu à la fondation Paul AngoEla.

* 372 J. F. Bayard, Op.cit., p.527.

* 373 Jean Paul II, centisimusannus, n° 46.

* 374N. Soffack, (2002), L'affaire Cardinal Tumi d'Octobre 2000 : Un débat revisité Pour comprendre le rôle politique de L'Eglise dans un Etat laïc, 105 P. 95-96.

* 375 213 fidèles sur 250 jugent que les changements politiques viendront de l'action concertée des citoyens et des hommes politiques.

* 376J.M. Ela, Quand l'Etat pénètre en Brousse Les ripostes paysannes à la crise, Paris, Karthala, 1990, 265 P.

* 377 DES, cité par J. B. Talla, « Le compendium et l'engagement des fidèles laïcs en Afrique », inCPJP, Vers une évangélisation de la société africaine, 2009, P.180.

* 378 Elle est en effet financée par le CRS pour distribution gratuite.

* 379AfricaeMunus, 2009

* 380 C. Makiabo, Op.cit., P.150.

* 381 Revue Elma1, (1993), P.23, cité par Makiabo, Ibid.

* 382 Propos recueillis d'une chrétienne catholique commerçante à proximité de la cathédrale Sts. Pierre et Paul de Douala.

* 383Propos recueilli d'une chrétienne catholique de Bépanda.

* 384 Qui n'intègre pas la dimension pratico-sociale du vécu catholique.

* 385 J.M. Ela, le cri de l'homme africain, Op.cit., P.42.

* 386 L'enseignement social des évêques du Cameroun, P. 295.

* 387 Jean Paul II, Exhortation apostolique sur la vocation et la mission des laïcs dans l'Eglise et dans le monde, n°42

* 388 En effet, selon Larry Diamond et al., La culture démocratique est un élément fondamental qui permet le maintien du système démocratique, et doit se traduire par l'attachement des masses aux principes démocratiques, Op.cit. P.24.

* 389 Comme M. Karl estime que le discours idéologique de l'Eglise lesprédispose à cette fuite.

* 390 Jean Paul II, Centicimusannus, n°28.

* 391K. Marx, K., Contribution à la critique de La philosophie du droit de Hegel, 1844.

* 392A. Lancelot, Op.cit. P.322.

* 393 J., Leca ,« réflexions sur la participation politique des citoyens en France », in idéologie partis politiques et groupes sociaux, Paris, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1991.

* 394 J. Leca, Opcit., P.52.

* 395 J. Leca, Opcit.

* 396 A. Coulon, L'ethno-méthodologie, Paris, PUF, 1987, P.25.

* 397 Karl Marx, Op.cit.

* 398L.Michelat et M. Simon, Op.cit., P.384.

* 399 Selon le choix de chaque CEV.

* 400 Collecte libre et volontaire faite par les membres des CEV.

* 401 Entretien eu avec elle à son domicile le 12/05/13 ; 13H20.

* 402 C. Makiabo, Op.cit., P174.

* 403 Entretien réalisé le 21/04/13 à 15h10 à Obobogo-Yaoundé.

* 404 Il s'agit ici de la moyenne du temps consacré par toutes les CEV concernées.

* 405 J.M. Ela, 2003, Op.cit.

* 406 J.B. Talla, Op.cit., P.176.

* 407 J.B. Talla, Ibid., P.182.

* 408 Evêque de Garoua et président de la Commission Episcopale camerounaise dont fait partie « Justice et Paix ».

* 409 Mgr. Antoine Ntalou, entretien réalisé le 23/04/13 à 18h00 à la CENC.

* 410 F. EboussiBoulaga, Op.cit., PP.393-394.

* 411 L. Michelat et M. Simon, classe, religion et comportement politique, P.384.

* 412 Voir à ce sujet par exemple M. Weber, l'éthique protestante et l'esprit du capitalisme, Op.cit.

* 413 Elise Marienstras, « Nation et religion aux Etats-Unis », in Patrick Michel (dir.), Religion et Démocratie, Op.cit., PP.275-293.

* 414 Jean Paul II, Jean Paul II, Sollicitude Rie sociales : la sollicitude de l'ordre social n° 36 Edition polygala vaticane p.70.

* 415 Voir Jean Paul II, Exhortation apostolique post synodale Christi fideleslaici, sur la vocation et la mission des fidèles laïcs dans l'Eglise et dans le monde, n°5.

* 416 Thème majeur de toutes les réflexions officielles de l'Eglise depuis plus d'une décennie.

* 417 J.M. Ela, Repenser la théologie Africaine, Op.cit., P.9.






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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon