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La protection des droits fondamentaux au sein de l'Union européenne

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par Stéphanie Ducret
Université Lumière Lyon 2 - droits de l'homme 2010
  

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Chapitre 2. L'application indirecte de la Convention aux actes de l'Union par la Cour de Strasbourg

Bien que la Cour de Strasbourg ait cherché à appliquer la Convention aux actes de l'Union, elle a toujours refusé de considérer que l'Union était partie à la Convention (Section 1) et a contrôlé le respect de cette dernière sur les actes des Etats membres (Section 2).

Section 1. Le rejet par la Cour de Strasbourg de la doctrine de la succession

La doctrine de la succession a été développée dans un premier temps dans le cadre de la succession territoriale mais « s'étend, par l'identité de motifs, à une situation caractérisée par le fait que plusieurs Etats fusionnent certaines de leurs compétences en vue de les exercer désormais en commun »115.

Pierre Pescatore, ancien juge à la Cour de justice des Communautés européennes, s'est posé alors

« la question de savoir si, en vertu de la doctrine de succession d'États, la Communauté n'avait pas été subrogée de plein droit dans les obligations des Etats membres découlant de la Convention européenne des droits de l'Homme,

116

dans toute la mesure des compétences transférées à la Communauté ».

La question se posait d'autant plus que la Cour de Luxembourg avait accepté une telle approche concernant l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce117. « Ainsi, toutes les compétences concédées aux Communautés européennes restent justiciables de la Convention

114 LE BOT, Olivier, Charte de l'Union européenne et Convention de sauvegarde de l'Homme : la coexistence de deux catalogues de droits fondamentaux, Revue trimestrielle de droits de l'Homme, n°55/2003, p.781-811, p.810

115 supra note 59, PESCATORE, p.881

116 ibid., p.731

117 CJCE, 12 décembre 1972, international fruit cy., aff. jointes 21 à 24/72

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européenne des droits de l'Homme dans les termes mêmes qui leur étaient précédemment applicables »118.

Durant un temps, la Commission elle-même avait soutenu cette approche. Elle s'est cependant rattachée au point de vue du Parlement européen concernant l'adhésion de l'Union à la Convention dans son mémorandum du 4 avril 1979119.

L'Union a été fondée par des Etats ayant des principes communs, et notamment le respect de la Convention, la France ayant ratifiée la Convention en 1975 rappelons le. Le transfert de compétences et de pouvoirs à l'Union n'a cependant pas eu pour objet de « libérer ces pouvoirs, ni à l'égard d'Etats tiers, ni à l'égard de leurs propres sujets, des contraintes et contrôles résultant de la Convention européenne des Droits de l'Homme »120.

Ainsi, « la Communauté européenne, comme institution commune à plusieurs Etats parties à la Convention, se situe nécessairement dans la même mouvance politique et juridique. Elle est liée à l'observation de la Convention au même titre que les Etats qui l'ont instituée »121. La Cour de Luxembourg est alors une juridiction de droit interne qui a obligation d'appliquer la Convention.

« Il s'agit là, en réalité, d'une manifestation de l'effet de succession reconnu en droit international, sauf que nous avons affaire ici à une succession ni territoriale, ni générale, mais à une succession fonctionnelle et limitée ; [...] ; à l'instar des Etats membres qui sont à l'origine de ce transfert, elle doit exercer ses prérogatives dans le respect des contraintes résultant de la Convention des Droits de l'Homme, tout comme elle doit aussi respecter les valeurs inhérentes aux traditions constitutionnelles communes aux Etats membres »122.

« On adhère pas à ce qui est déjà en vigueur »123, l'Union étant liée directement à la Convention par les compétences qui lui avaient été transférées.

En outre, le Traité de Maastricht lui-même a permis aux Etats membres de reconnaître « sans le savoir cet état de choses »124 en indiquant à son article F.2 que « l'Union respecte les droits fondamentaux, tels qu'ils sont garantis par la Convention », ce qui renvoie à la Convention et à la jurisprudence de la Cour de Strasbourg.

118 supra note 59. PESCATORE,, p.881

119 PESCATORE, Pierre, La Cour de justice des Communautés européennes et la Convention européenne des droits de l'homme, Protection des droits de l'homme : la dimension européenne, Mélanges Gérard J. WIARDA, Heymanns Verlag, Koln, 1988, p.441-455, in PESCATORE, Pierre, Etudes de droit communautaire européen 1962-2007, avec une liste bibliographique complémentaire, Grands écrits, collection droit de l'Union européenne dirigée par Fabrice Picod, Bruyant 2008, 1005p, p.731, p.744

120 ibid., p.742

121 ibid.

122 ibid., p.742-743

123 ibid., p.733

124 ibid., p.881

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« La Cour de Strasbourg, par une déférence mal placée ou par son ignorance des règles du droit international en matière de succession d'Etats, n'a pas tiré jusqu'ici la même conséquence »125, certains auteurs indiquant que la Cour de Strasbourg ne serait pas familière du droit international126. Pourtant, dans l'arrêt Matthews, la Cour de Strasbourg indique que la « Convention n'exclut pas le transfert de compétences à des organisations internationales, pourvu que les droits garantis par la Convention continuent d'être reconnus. Pareil transfert ne fait donc pas disparaître la responsabilité des Etats membres »127. En outre, la Cour de Strasbourg a déjà appliqué les règles de droit international général, notamment pour déterminer la règle de l'épuisement des voies de recours internes128.

Mais la Cour de Strasbourg ne reconnaît pas l'applicabilité directe de la Convention à l'Union. Sans cette reconnaissance de compétence, la doctrine de succession ne peut s'appliquer. En effet, c'est la Cour de Strasbourg « qui, à l'égal de toute juridiction internationale, est souveraine dans la détermination de sa propre compétence, ce que dit explicitement l'article 32 de la Convention. C'est donc à Strasbourg que se trouve la clé de la solution »129.

Ainsi, bien que la doctrine de la succession d'État soit applicable à la relation de l'Union avec la Convention, « personne ne veut explorer la piste »130, comme l'affaire CFDT131 le démontre. Les lacunes de la protection des droits de l'Homme, et d'un système de protection à multiples niveaux, ont alors été mises à jour. En effet, les trois juridictions qui ont été saisies ; nationale, communautaire et européenne ; se déclarent incompétentes pour connaître de cette affaire. « Le Conseil d'État français n'y est pour rien, sa décision est irréprochable. Quant à la Cour communautaire, elle n'aurait pu éviter l'irrecevabilité qu'au prix d'une jurisprudence hardie, que d'aucun, à coup sur, lui auraient reproché comme « gouvernement des juges » »132. C'est donc l'appréciation que la Commission des Droits de l'Homme du Conseil de l'Europe qui est remise en cause, celle-ci refusant de reconnaître l'effet de succession. Selon Pescatore, la Cour de Strasbourg

« n'a pas aperçu cet effet de succession ; elle a méconnu le fait que la Communauté
est liée par la Convention en tant qu'institution commune, créée par des Etats parties

125 supra note 59, PESCATORE, p.882

126 FLAUSS, Jean-François, Le droit international général dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme, in COHEN-JONATHAN, Gérard et FLAUSS, Jean-François, Droit international, droits de l'Homme et juridictions internationales, collection droit et justice 55, Bruyant et Nemesis, 2004, 152p, p.73, p.75

127 CEDH, 18 février 1999, Matthews c/ Royaume-Uni, req. N°24833/94, Rec. 1999-I, §32

128 op.cit. FLAUSS, p.93

129 op.cit. PESCATORE, p.882

130 supra note 119, PESCATORE, p.731

131 CommissionEDH, n°8030/77, CFDT c. Communautés européennes, décision du 10 juillet 1978, D.R. 13, p.231

132 op. cit. PESCATORE, p.741

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à celle-ci ; elle a failli à son devoir de protection en ignorant que le transfert de juridiction, des Etats parties à un autre sujet de droit, n'a pas pu détériorer la position des personnes protégées par la Convention »133.

La question de l'adhésion de l'Union à la Convention est alors « ce que l'on appelle, par une expression bien française : un « faux problème » »134 qui ne serait qu'un « exercice superflu »135 et qui n'aboutirait « qu'à semer la confusion »136.

En effet, bien que la Cour de Luxembourg n'ait pas indiqué la base juridique de sa reconnaissance, il est évident, comme sa jurisprudence le démontre, qu'elle considère que la Convention s'applique à l'Union.

En outre, l'application de la Convention par l'Union aurait pu être accentuée par le passé, sans passer par une adhésion. Le Conseil aurait pu, comme l'indique M. Pescatore dès 1988, reconnaître « le droit de recours individuel, en vertu de l'article 25, et la juridiction de la Cour des droits de l'Homme en vertu de l'article 46 : il suffirait de vouloir »137.

Si la Convention pouvait être appliquée, de droit, à l'Union, dans ce cas pourquoi se poser la question d'une adhésion qui, comme nous allons le voir, posera de multiples difficultés ?

En outre, l'Union démontre déjà son intérêt pour la protection des droits de l'Homme, tant dans sa politique interne qu'externe. « Il n'existe pas, dans la Communauté européenne, de problème réel concernant les droits de l'homme et, qu'en tout cas, les principes du système permettraient d'y faire face, ce que la jurisprudence a amplement démontré »138.

L'adhésion de l'Union à la Convention semble n'être alors basée que sur un motif politique, permettant de donner une image forte de protection des droits de l'Homme au sein de l'Union, notamment par le fait que la légitimité de cette protection sera assurée par un organe externe à l'Union qui a déjà prouvé sa capacité à renforcer les droits de l'Homme sur le continent européen. L'adhésion de l'Union permettra donc d' « améliorer l'image de la Communauté et

[d'] imposer à ses organes, comme aux Etats membres, le respect des libertés fondamentales comme critère des démocraties européennes »139. A l'heure où l'Union cherche à se doter d'une

133 supra note 119, PESCATORE, p.743

134 ibid

135 ibid, p.745

136 ibid.

137 ibid., p.746

138 PESCATORE, Pierre, Les droits de l'homme et l'intégration européenne, Cahiers de droit européen, Bruyant, 1968, p.629-673, in PESCATORE, Pierre, Etudes de droit communautaire européen 1962-2007, avec une liste bibliographique complémentaire, Grands écrits, collection droit de l'Union européenne dirigée par Fabrice Picod, Bruyant 2008, 1005p, p.127, p.127

139 supra note 80, GAUTRON, p.48

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force politique sur la scène internationale, cette adhésion ne pourra que renforcer sa parole concernant la protection des droits de l'Homme.

En effet, l'Union

« devrait pouvoir accepter que sa propre politique des Droits de l'Homme fasse l'objet de critiques dans les organisations multilatérales. L'absence de vérification systématique du respect des droits de l'Homme au sein des Etats membres a mené à une situation de « double standard » où l'UE promet une politique plus rigoureuse à l'extérieur qu'à l'intérieur de ses frontières »140.

Bien que des auteurs, et des juges de la Cour de Luxembourg, soutiennent la théorie que l'Union, par les compétences qui lui ont été dévolues, serait liée à la Convention, Denys Simon rappelle que

« en termes de rapports de systèmes, comme aurait dit Kelsen, il est clair que la Communauté européenne, n'étant pas partie à la Convention européenne des droits de l'homme, n'est pas tenue en vertu du droit international des traités de se soumettre aux obligations inscrites dans la Convention et dans ses protocoles »141.

L'Union doit donc adhérer à la Convention pour que cette dernière lui soit appliquée en son entier et non au bon désir des juges. Il ne faut pas oublier que

« lorsque certains parmi les Etats parties à une convention multilatérale (telle la Convention) mettent sur pied ultérieurement un système distinct de celui créé par le premier accord, ils demeurent responsables, vis-à-vis des autres Etats parties à la première convention, du respect des obligations assumées en vertu de celle-ci »142.

Nonobstant cette règle de droit international, « la question de savoir si un traité ayant pour objet la protection des droits fondamentaux prévaut de toute manière, en cas d'incompatibilité, sur un traité postérieur conclu entre certaines ou l'ensemble des mêmes parties contractantes »143 s'était également posée.

La Cour de Strasbourg, depuis l'arrêt Tête contre France144, a toujours insisté sur la chronologie des traités signés par les Etats, indiquant qu' « on ne saurait [...] admettre que, par le biais de transferts de compétences, les Hautes Parties contractantes puissent soustraire, du même coup, des matières normalement visées par la Convention aux garanties qui y sont édictées ». Pourtant, il est bien évident que si un État est lié par deux traités et qu'une obligation

140 BERTONCINI Yves, CHOPIN Thierry, DULPHY Anne, KAHN Sylvain et MANIGAND Christine, Dictionnaire critique de l'Union européenne, Armand Colin, Paris, 2008, 489p, p.131

141 SIMON, Denys, Des influences réciproques entre CJCE et CEDH : « Je t'aime, moi non plus » ?, Revue Pouvoirs, 2001/1, n°96, p31-49, p34

142 BULTRINI, Antonio, La responsabilité des Etats membres de l'Union européenne pour les violations de la Convention européenne des droits de l'Homme imputables au système communautaire, Revue trimestrielle de droit de l'Homme, 2002, p5-43, p11

143 ibid, p11

144 Commission EDH, 9 décembre 1987, Tête c/ France, req. N°11123/84, DR 54, p.53

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de l'un va à l'encontre de l'autre, l'État sera dans l'obligation d'effectuer un choix. La responsabilité de l'État pour violation d'un des deux traités sera alors engagée145.

Cette situation est d'autant plus difficile à soutenir que désormais la Cour de Strasbourg contrôle les actes des Etats membres pris sur application du droit de l'Union.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams