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La protection des droits fondamentaux au sein de l'Union européenne

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par Stéphanie Ducret
Université Lumière Lyon 2 - droits de l'homme 2010
  

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Section 2. Une Charte cependant peu innovante sur le fond

L'apport de la Charte aux droits de l'Homme a été plus ou moins bien accueilli et prête à confusion.

En effet, certains auteurs considèrent que la Charte n'est que le regroupement de textes déjà existants227, qualifiant même la Charte de « plagiat de la Convention européenne »228 et « qu'aucune de ses dispositions ne constitue une création originale »229.

En effet, « la Charte présente une nature foncièrement résiduelle »230, reprenant des droits garantis au sein d'autres instruments et étant ainsi liée à l'interprétation qui en a été faite. La Charte reprend également des droits qui se trouvent au sein même des Traités de l'Union, tel que la liberté de circulation. « Les doublons qui en résultent nuisent sans aucun doute à la clarté des textes et des règles »231.

La Charte s'est également fortement inspirée de la Convention. Cette dernière a une place toute particulière au sein de l'Union depuis son invocation par la Cour de Luxembourg et représente un modèle pour la protection des droits de l'Homme. En outre, la Convention

227 LEBRETON, Gilles, Critique de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, Recueil Dalloz, 2003, p.2319 ; HAGUENAU-MOIZARD, Catherine, Les droits de l'Homme : une ou plusieurs Europe ?, La Gazette du Palais, 19 juin 2008, n°171, p.31 ; FALLON, Marc et SIMON, Anne-Claire, Le renouvellement des politiques de l'Union européenne dans le traité de Lisbonne, Revue des affaires européennes, 2007/2008, n°2, p243 Entre autres la Charte regrouperait les droits reconnus au sein de la Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe signée en 1979, de la Convention européenne du paysage signée en 2000, de la Déclaration des Droits de l'Enfant des Nations Unis signé en 1959, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels

228 PESCATORE, Pierre, La Cour de justice des Communautés européennes et la Convention européenne des droits de l'homme, Protection des droits de l'homme : la dimension européenne, Mélanges Gérard J. WIARDA, Heymanns Verlag, Koln, 1988, p.441-455, in PESCATORE, Pierre, Etudes de droit communautaire européen 1962-2007, avec une liste bibliographique complémentaire, Grands écrits, collection droit de l'Union européenne dirigée par Fabrice Picod, Bruyant 2008, 1005p, p.731

229 PESCATORE, Pierre, La coopération entre la Cour communautaire, les juridictions nationales et la Cour européenne des droits de l'homme dans la protection des droits fondamentaux : enquête sur un problème virtuel, Revue du marché commun de l'Union européenne, n°466, mars 2003, p.151-159, in PESCATORE, Pierre, Etudes de droit communautaire européen 1962-2007, avec une liste bibliographique complémentaire, Grands écrits, collection droit de l'Union européenne dirigée par Fabrice Picod, Bruyant 2008, 1005p, p.865, p.871, p.874

230 FALLON, Marc et SIMON, Anne-Claire, Le renouvellement des politiques de l'Union européenne dans le traité de Lisbonne, Revue des affaires européennes, 2007/2008, n°2,, p.248

231 ibid., p.249

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représente un regroupement des différents droits fondamentaux. La liste de ces droits n'étant pas « extensible à l'infini »232, la Charte se devait de les reprendre.

Cependant, cette limitation de l'apport de la Charte s'explique par le fait que la « Convention » « n'avait pas la légitimité démocratique pour aller plus loin »233, conformément au mandat qui lui avait été dévolu.

Mais pour certains auteurs, la Charte demeure une réelle valeur ajoutée à la protection des droits fondamentaux en Europe234 en permettant un élargissement du « champ d'application de plusieurs droits déjà reconnus par la CEDH »235, ce qui représente un apport en soi.

La Charte a également permis de prendre acte des évolutions techniques et de la société, comme la prise en compte de la bioéthique ou de l'accès aux services d'intérêt économique général.

La nouveauté principale de la Charte par rapport à la Convention est l'insertion des droits sociaux au sein d'un instrument de protection des droits de l'Homme pouvant être appliqué par un juge. Ces droits étaient déjà évoqués auparavant par le droit de l'Union, notamment par l'adoption de directives. Ils sont ainsi « inscrits en qualité de droits invocables ou de principes susceptibles d'entraîner une législation communautaire ou nationale »236.

Cependant, ces droits sont fortement limités par les « clauses horizontales » de l'article 51. « Sans doute, ces clauses horizontales ne concernent-elles pas les seuls droits sociaux. Mais, force est bien de constater qu'elles sont de nature à limiter la portée des droits sociaux plus qu'elles ne limitent la portée des autres garanties apportées par la Charte »237. Ceci est d'autant plus visible que l'Union n'a pas de compétence revendiquée en matière de droits sociaux.

232 HAGUENAU-MOIZARD, Catherine, Les droits de l'Homme : une ou plusieurs Europe ?, La Gazette du Palais, 19 juin 2008, n°171, p.31

233 CANDELA SORIANO, Mercedes, Les droits de l'Homme dans les politiques de l'Union européenne, Larcier, 2006, 283p, p.52

234 Commission des Communautés européennes, Communication de la Commission sur la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, COM(2000)559 final, Bruxelles, 13 septembre 2000, 10p ; BLUMANN, Claude, Citoyenneté européenne et droits fondamentaux en droit de l'Union européenne : entre concurrence et complémentarité, in « Mélange en hommage au Doyen Gérard COHEN-JONATHAN - Libertés, justice, tolérance », volume I et II, Bruyant, 2004, 1784p, p.265 ; CORREARD, Valérie, Constitution européenne et protection des droits fondamentaux : vers une complexité annoncée ?, Revue trimestrielle de droits de l'Homme, 2006, n°2, p501 ; PECHEUL, Armel, Le traité de Lisbonne - La Constitution malgré nous ?, édition Cujas, 2008, 155p

235 DOLLAT Patrick, Droit européen et droit de l'Union européenne, 2ème édition, 2007, Sirey, édition Dalloz, 475p point 174

236 GAUTRON Jean-Claude, Droit européen, mementos Dalloz, Dalloz, 13ème édition, 2009, 337p, p.50

237 PECHEUL, Armel, La Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, RFDA, 2001, p.688

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Dans le cadre spécifique des droits de la défense, la Charte s'est inspiré du célèbre article 6 de la Convention relatif au droit à un procès équitable qui a fait l'objet d'une jurisprudence abondante. La Charte a retenu à son article 47 §2 une application plus générale de la notion. « Il n'y a là, a priori, aucune restriction comparable à celle de la Convention européenne et tenant aux notions de « contestations sur des droits et obligations de caractère civil » ou bien encore sur la notion de « bien-fondé de toute accusation en matière pénale » »238.

La Charte reconnaît cependant des droits que les traités ne permettent pas de respecter. Ainsi, le droit à l'accès au juge, comme dans le cadre de la Convention, se trouve limité par les traités de l'Union. La Charte et les traités ayant la même valeur juridique, « c'est un principe l'adage prior tempore potior jure qui s'applique. La Charte bénéficierait ainsi d'une prévalence, mais qui se révèlerait difficilement applicable compte tenu de la clause de non-extension des compétences de l'article 51 »239.

Ainsi, « le droit de se marier et le droit de fonder une famille sont garantis selon les lois nationales qui en régissent l'exercice » selon l'article 9 de la Charte. Cette édiction permet de prendre toutes les formes de mariage reconnues par les Etats membres, sans imposer une évolution en la matière. C'est une avancée par rapport à l'article 12 de la Convention qui ne protège que le droit au mariage hétérosexuel.

Concernant le droit à l'éducation, la Charte prévoit à son article 14 la gratuité de l'enseignement obligatoire. En outre, il indique que

« la liberté de créer des établissements d'enseignement dans le respect des principes démocratiques, ainsi que le droit des parents d'assurer l'éducation et l'enseignement de leurs enfants conformément à leurs convictions religieuses, philosophiques et pédagogiques, sont respectés selon les lois nationales qui en régissent l'exercice ».

Cette formule est cependant moins protectrice que la jurisprudence de la Cour de Strasbourg dans ce domaine qui dispose que la référence est la Convention et non les normes nationales de chaque Etat240.

Concernant le droit des minorités indiqué à l'article 21 de la Charte, mais également à l'article 2 TUE, il pourrait conduire la France à modifier sa position sur la question, notamment par une révision de la Constitution. Il semblerait que « le Conseil constitutionnel n'a pas anticipé

238 supra note 237, PECHEUL

239 BLUMANN, Claude, Les compétences de l'Union européenne en matière de droits de l'Homme, Revue des affaires européennes, 1 janvier 2006, n°1, p.11-30, p.26

240 CEDH, 7 décembre 1976, Kjeldsen, Bush Madsen et Pedersen c/ Danemark, A n°23

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ici la force du droit des minorités »241. Pour le Conseil constitutionnel, le refus de la France de reconnaître des groupes spécifiques serait une tradition constitutionnelle particulière, telle que la laïcité. Cette spécificité française devrait donc être respectée, le droit de l'Union se rattachant uniquement au respect des traditions constitutionnelles communes. Il est à douter que la Cour de Luxembourg puisse avoir la même approche, notamment car son interprétation se base sur les traditions communes des Etats membres242. Il reste à considérer sous quel angle la Cour de Luxembourg prendra en compte ces traditions communes, au plus petit dénominateur commun ou de façon plus large. Dans le second cas, la spécificité française dans ce domaine, tout comme dans le domaine de la laïcité, risque d'être difficilement retenue.

Tout comme la Convention, la Charte a prévu des exceptions à l'application des droits protégés. Cependant, pour tenter d'éclaircir la portée des droits, les restrictions n'ont pas été inscrites au sein de chaque article.

La Charte a ainsi opté pour l'inscription d'une restriction générale au sein de l'article 52. Cet article stipule que des restrictions aux droits sont possibles mais uniquement si elles ont été prévues par la loi, dans le respect des droits et si « elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d'intérêt général reconnus par l'Union ou au besoin de protection des droits et libertés d'autrui ».

Cette réserve générale porte sur tous les articles de la Charte. Pourtant, certains droits fondamentaux sont considérés comme intangibles, tel que le droit à la vie ou l'interdiction de la torture. Doit-on alors considérer que l'article 52 s'applique à ces articles ? Les explications du proesidium rappellent que ces droits sont intangibles. Mais, « sur le plan juridique, elles [ces explications] ont [donc] tout au plus valeur d'aide à l'interprétation »243. Cependant, l'article 52 §3 de la Charte précise que l'interprétation des droits correspondant à la Convention doit se faire à la lumière de cette dernière. Les restrictions à ces droits devraient donc être exclues en application de la vision conventionnelle244.

En outre, l'article 52 prévoit les règles d'interprétation de la Charte. Mais comment interpréter les termes de cet article ? En effet, le paragraphe 4 de cet article se réfère à une interprétation en « harmonie » avec les traditions constitutionnelles des Etats membres et le

241 PECHEUL, Armel, Le traité de Lisbonne - La Constitution malgré nous ?, édition Cujas, 2008, 155p, p.105

242 ibid., p.108

243 KRUGER, Hans Christian et POLAKIEWICZ, Jorg, Proposition pour la création d'un système cohérent de protection des droits de l'Homme en Europe, Revue universelle des droits de l'Homme, 30 octobre 2001, n°1-4, p1-14, p.8

244 CARLIER, Jean-Yves, La condition des personnes dans l'Union européenne, Bruxelles, Larcier, précis de la Faculté de droit de l'Université catholique de Louvain, 2007, 485p, point 137

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paragraphe 6 renvoie aux législations et pratiques nationales en indiquant qu'elles doivent être « pleinement prises en compte ». Le juge de la Cour de Luxembourg aura la lourde tache d'interpréter la Charte et ses différentes dispositions.

La Charte éloigne notamment la conception d'une identité communautaire, qui est pourtant revendiquée dans le TUE. Le fait que la Charte reprenne des éléments de la Convention, qui n'a pas été rédigée au sein de l'Union, montre la difficulté de voir en elle une conception d'une identité. En outre, l'adhésion de l'Union à la Convention serait également un coup d'arrêt à l'idée que la Charte serait la base de l'identité communautaire puisque l'Union serait partie à une autre norme de protection des droits fondamentaux, extérieure à l'Union.

De plus, le fait que la Charte fasse référence à la jurisprudence de la Cour de Strasbourg pour l'interprétation de certain de ses droits

« atténue sans contexte sa force novatrice. Du coup, elle apparaît comme une simple consolidation de l'acquis jurisprudentiel en matière de droits fondamentaux, ce que les juges constitutionnels français (Cons.const., 19 nov.2004, n°004-505 DC) et espagnols (DTC, 13 décembre.2004, n°1/2004) n'ont pas manqué de relever »245.

Et pourtant, la Charte représente un symbole pour la construction communautaire. C'est un changement d'optique de l'Union qui passe d'une finalité économique à une finalité humaniste en mettant ses citoyens au coeur de son action246.

Cependant, les limites à son application conduisent à se demander si elle sera réellement un instrument fiable de protection des droits de l'Homme.

245 ANDRIANTSIMBAZOVINA, Joël et al., Dictionnaire des droits de l'Homme, Quadrige Dicos Poche, PUF, 1ère édition, 2008, 1074p, p.133

246 ibid, p.130

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams